Grammaire de l’hébreu biblique/Morphologie/Nom/Paragraphe 88C

Paul Joüon
Institut biblique pontifical (p. 191-194).
[§§ 88 C−G. Formes avec trois consonnes].
§ 88 C. Formes avec une seule voyelle.

a Qatl. Avec voyelle primitive a. La forme est généralement segolisée (§ 96 A b) : קֶ֫טֶל. Parfois la forme devient קְטַל avec la voyelle a à la fin (§ g). Certains qatl peuvent être d’origine secondaire, à savoir un renforcement de qitl (cf. *bint > *bant > בַּת fille § 98 d) ou une réduction de qatil ou de qatalמֶ֫לֶךְ roi comparer l’arabe málik, à יֶ֫לֶד enfant l’arabe u̯álad). Les noms de la forme qatl sont de beaucoup les noms les plus nombreux.

b Racines fortes : מֶ֫לֶךְ, suffixe מַלְכִּי roi § 96 A c, אֶ֫בֶן pierre, אֶ֫רֶץ, הָאָ֫רֶץ terre, בֶּ֫טֶן ventre, כֶּ֫לֶב chien, כֶּ֫רֶם vigne, שֶׁ֫מֶן huile, כֶּ֫בֶשׂ agneau.

Avec finale féminine (Flexion § 97 A b) : מַלְכָּה reine, עַלְמָה jeune fille, כַּבְשָׂה et (avec affaiblissement de ◌ַ en ◌ִ, § 29 g) כִּבְשָׂה agnelle, שִׂמְלָה manteau à côté de שַׂלְמָה (avec métathèse, favorisée p.-ê. par la racine usuelle שׁלם), בִּקְעָה vallée.

c Racines à 2e gutt. א : raʾš > (ʾ)š > rọ̄(ʾ)š = רֹאשׁ (avec א étymologique purement graphique) ; de même צֹאן petit bétail (comp. ar. ḍaʾn ضَأْن) ; cf. § 24 d. Pour נֹאד outre cf. § 7 b.

Racines à 2e gutt. ה, ח, ע. La gutturale amène presque toujours la vocalisation ◌ַ֫◌ַ : לַ֫הַב flamme ; נַ֫חַל vallée, פַּ֫חַד effroi, נַ֫עַל sandale, נַ֫עַר garçon, שַׁ֫עַר porte. Cependant avec ח on a les deux mots לֶ֫חֶם pain et רֶ֫חֶם matrice, sein ; cf. § 96 A i.

d Racines à 3e gutt. א[1] : פֶּ֫רֶא onagre, גֶּ֫בֶא mare, טֶ֫נֶא vase.

Racines à 3e gutt. ה, ח, ע. La gutturale amène la vocalisation ◌ֶ֫◌ַ : זֶ֫בַח immolation, טֶ֫בַח égorgement, קֶ֫מַח farine ; סֶ֫לַע rocher, נֶ֫גַע coup.

e Racines ל״י (Flexion § 96 A q). La forme primitive qati̯ prend deux formes קֶ֫טֶה et קְטִי, קֶ֑טִי (pour l’explication de détail cf. § 96 A q) : בֶּ֫כֶה pleurs, חֶ֫גֶה murmure, קֶ֫צֶה fin ; — בְּכִי (autre forme de בֶּ֫כֶה), שְׁבִי captivité, צְבִי I ornement, II gazelle, גְּדִי chevreau, לְחִי joue, פְּרִי fruit.

Avec finale féminine : שִׁבְיָה captivité, צְבִיָּה gazelle, בְּרִית pacte.

Racines ל״ו : שָׂ֔חוּ (Éz 47, 5)[2] natation. — Avec finale féminine : שַׁלְוָה tranquillité.

f Racines ע״ו. Avec ו consonantique. L’a a été labialisé en (å) devant le ו (cf. § B g) : מָ֫וֶת, cst. מוֹת mort § 96 A l, אָ֫וֶן le mal, עָ֫וֶל injustice, תָּ֫וֶךְ milieu. Au lieu de שָׁ֫וֶא* on a la forme abrégée שָׁוְא néant et même 1 fois (Job 15, 31, ketīb) שָׁו. — Avec contraction : יוֹם jour, צוֹם jeûne, שׁוֹר bœuf, שׁוֹט fouet.

Avec finale féminine : עַוְלָה, pl. עוֹלֹת injustice.

Racines ע״י. Avec י consonantique. Le י a amené la voyelle auxiliaire i : בַּ֫יִת, cst. בֵּית maison, עַ֫יִן œil, חַ֫יִל force, זַ֫יִת huile § 96 A m, יַ֫יִן vin, צַ֫יִד chasse. — Avec contraction[3] : חֵיל rempart, חֵיק sein.

Avec finale féminine : אֵימָה effroi, צֵידָה vivres pour le voyage, שֵׂיבָה tête chenue.

Remarque. À la forme qatl répond dans les racines ע״ע la forme qall, § B g.

g Qetal[4]. Dans quelques noms la voyelle a passé à la fin du mot, comme en araméen (plusieurs de ces noms existent aussi en araméen) : דְּבַשׁ, suff. דִּבְשִׁי miel (aram.), זְמַן*, suff. זְמַנָּם temps (aram.), סְבַךְ* broussailles (aram.), אֲגַם, pl. אֲגַמִּים marais (aram.), הֲדַס, pl. הֲדַסִּים myrte (aram.) ; חֲשַׁשׁ chaume, חֲתַת effroi, סְתָו hiver (aram.).

La forme fém. qetallah, avec redoublement secondaire, très rare, se trouve dans le nom juif d’Esther הֲדַסָּה myrte, סְעַפָּה* branche.

h Qitl. Avec voyelle primitive i. La forme est généralement segolisée en קֵ֫טֶל (§ 96 A b), parfois en קֶ֫טֶל (et alors elle se confond avec qatl). Dans les racines à 2e א, la voyelle passe à la fin du mot : קְטֵל (§ i).

Racines fortes : סֵ֫פֶר, suff. סִפְרִי livre § 96 A e, עֵ֫גֶל veau, סֵ֫תֶר secret, abri, חֵ֫פֶץ amour, volonté ; avec 3e gutturale שֵׁ֫מַע audition, תֵּ֫שַׁע neuf. Avec finale féminine : תִּשְׁעָה neuf, סִתְרָה protection ; avec ◌ֶ : עֶגְלָה génisse.

Racines ל״א : au lieu de חֵטֶא* on a la forme abrégée חֵטְא péché (comp. שָׁוְא § f). Sont probablement qitl à l’origine : דֶּ֫שֶׁא herbe, פֶּ֫לֶא merveille, כֶּ֫לֶא prison.

Racines ל״י : ḥiṣi̯ devient en pause חֵ֑צִי moitié, en contexte חֲצִי ; cf. § 96 A r.

Remarque. À la forme qitl répond dans les racines ע״ע la forme qill, § B h.

i Qetil. Dans les noms de racine à 2e א, la voyelle ◌ֵ passe à la fin : בְּאֵר puits, זְאֵב, pl. זְאֵבִים loup, כְּאֵב douleur, רְאֵם buffle, שְׁאֵר chair ; תְּאֵנָח figue.

La forme qetillah, avec redoublement secondaire, est rare : שְׁמִטָּה relâche, כְּלִמָּה confusion, קְהִלָּה assemblée. Cette forme semble être le fém. d’un infinitif qetil > קְטֵל, répondant au futur en i[5], comme la forme qetullah est le fém. de l’inf. qetul > קְטֹל, § k. Au lieu de la forme attendue קְטֵלָה* on a קְטִלָּה avec un redoublement secondaire, p.-ê. à l’analogie de קְטֻלָּה où le redoublement est phonétiquement nécessaire (קְטֹל, § k).

j Qutl. Avec voyelle primitive u. La forme est généralement segolisée (§ 96 A b) : קֹ֫טֶל. Rarement la voy. passe à la fin : קְטֹל (קְטֹל, § k).

Racines fortes (Flexion § 96 A g) : אֹ֫זֶן oreille, עֹ֫רֶף nuque ; avec 2e gutt. ה : אֹ֫הֶל tente, בֹּ֫הֶן pouce ; avec 2e ע : פֹּ֫עַל œuvre ; avec 3e gutt. : גֹּ֫בַהּ hauteur. Nombreux abstraits : גֹּ֫בַהּ, עֹ֫מֶק profondeur, אֹ֫רֶךְ longueur, רֹ֫חַב largeur, גֹּ֫דֶל grandeur, עֹ֫צֶם force, ע֫שֶׁר richesse, ח֫שֶׁךְ ténèbres.

Avec finale féminine : קָרְחָה endroit chauve, חָרְבָּה ruine, עָרְלָה prépuce, חָכְמָה sagesse, עָרְמָה ruse, טָֽהֳרָה pureté, טֻמְאָה impureté (u conservé devant labiale m), בָּאְשָׁה mauvaise herbe.

Racines ל״י (Flexion § 96 A s) : אֳנִי flotte, fém. (nom d’unité) אֳנִיָּה vaisseau ; עֳנִי, עֹ֑נִי affliction, חֳלִי, חֹ֑לִי maladie ; יֳפִי*, יֹ֑פִי beauté.

Racines ל״ו : בֹּ֫הוּ le vide, תֹּ֫הוּ le vide.

Remarque. À la forme qutl répond dans les racines ע״ע la forme qull, § B i.

k Qetul. La voyelle passe à la fin dans quelques noms, surtout à 2e א : בְּאשׁ puanteur, לְאֹם pl. לְאֻמִּים peuple, שְׁאָט־ (sens douteux), סְבָךְ־ broussailles (comp. סְבַךְ § g).

La forme qetullah, avec redoublement secondaire, est assez fréquente. Dans la plupart des cas, cette forme semble être le féminin de l’inf. qetul > קְטֹל. Le redoublement spontané de la consonne non finale après la voyelle u est constant, § 18 e. Ex. : אֲחֻזָּה possession, יְרֻשָּׁה possession, סְגֻלָּה possession en propre ; פְּקֻדָּה inspection etc., גְּאֻלָּה libération, חֲנֻכָּה consécration, אֲלֻמָּה gerbe, כְּהֻנָּה sacerdoce.

  1. L’alef, n’étant pas prononcé, ne change pas la vocalisation ordinaire du type מֶ֫לֶךְ. — Voir des formes semblables provenant de qitl § h.
  2. Le ◌ָ pour ◌ַ est probt dû à l’accent zaqef ; cf. Biblica 1, p. 367 N.
  3. Tandis que les formes contractées sont nombreuses dans les ע״ו, elles sont rares dans les ע״י. Les deux exemples cités pourraient être originairement des qatil, d’après Bauer-Leander 1, 457.
  4. On a parfois la vocalisation qetal à l’état cst., p. ex. נֶ֫טַע*, cst. נְטַע plantation (§ 96 A c).
  5. Cf. Barth, Nominalbildung, § 96.