Grammaire de l’hébreu biblique/Morphologie/Verbe/Paragraphe 80

Paul Joüon
Institut biblique pontifical (p. 165-173).
§ 80. Verbes ע״ו.
(Paradigme 13 : קוּם se lever).

a Les verbes communément appelés ע״ו (ʿayin-waw) sont des verbes avec deux consonnes radicales, entre lesquelles, dans l’état normal de la racine, il y a une voyelle longue ū, p. ex. qūm « se lever »[1]. La racine de ces verbes ne se présente pas dans un état unique, mais dans un triple état, et cela, semble-t-il, dès l’origine[2]. L’élément intermédiaire entre les deux consonnes peut être ū, u, .

Dans l’état normal de la racine, l’élément intermédiaire est la voyelle longue ū : *i̯aqūm > יָקוּם (indicatif).

Dans l’état réduit, l’élément intermédiaire est la voyelle brève u : *i̯aqum > יָקֹם (jussif).

Dans un 3e état, qu’on peut appeler consonantique, l’élément intermédiaire est la consonne , p. ex. קִוֵּם (§ h). En hébreu, l’état consonantique est rare dans le verbe ; mais il est fréquent dans le nom, p. ex. עִוֵּר aveugle, מָ֫וֶת mort, יוֹם (pour *i̯au̯m) jour (§ s).

L’état avec ū doit être considéré comme l’état normal. En effet il se trouve, au futur, dans la forme de l’indicatif, qui est le futur normal, p. ex. יָקוּם. On peut remarquer que *i̯aqūm a à peu près la même mesure que le futur du verbe régulier *i̯aqtul : ū a une quantité à peu près équivalente à la consonne t + u. L’état avec ū apparaît aussi comme état normal du fait que la langue tend à maintenir ū dans la mesure du possible, même au prix d’une voyelle adventice de liaison, p. ex. dans תְּקוּמֶ֫ינָה (§ b).

b Qal. L’explication des formes se fait dans cet ordre : futur, impératif, infinitif, adjectif verbal, parfait.

Futur. Il y a une forme active et une forme stative, avec distinction des deux voyelles (cf. § 41 e).

Le futur actif est *i̯aqūm > יָקוּם, avec l’ū de l’état normal.

Le futur statif est *i̯ibāš. La seconde voyelle a des verbes statifs est longue, comme la voyelle ū des actifs. La forme est devenue normalement יֵבוֹשׁ avec ọ̄ long (venant de ā)[3].

Le jussif a primitivement la voyelle brève u (état réduit), p. ex. *i̯aqum, devenu normalement יָקֹם avec moyen. Au futur inverti cet devient bref en position posttonique, p. ex. וַיָּ֫קָם ; mais à la pause la voyelle se maintient : וַיָּקֹ֑ם*.

Au plur. fém. on a généralt תְּקוּמֶ֫ינָה. Pour conserver l’ū de l’état normal dans cette forme à afformante consonantique, la langue a eu recours à une voyelle de liaison ē̦, laquelle provient des verbes ל״ה (§ 79 c). Autrement, en cette position (syll. fermée tonique), on doit avoir la voyelle moyenne  : תָּקֹ֫מְנָה. Dans cette forme l’état normal est sacrifié ; on a l’état réduit. Cette forme se trouve quelquefois, p. ex. Éz 16, 55 : deux fois תָּשֹׁ֫בְןָ 3e pl. (sans ה, § 44 d), puis la forme normale תְּשֻׁבֶ֫ינָה 2e pl. (cf. § i).

c Impératif : קוּם. La forme primitive est *qum avec voyelle brève (en ar. qum قُمْ ; comp. impér. hifil הָקֵם) ; on attendrait donc קֹם* (cf. pl. f. קֹ֫מְנָה). En fait l’u est allongé, p.-ê. à l’analogie des formes ק֫וּמִי, ק֫וּמוּ où l’u, en syllabe ouverte, est normalement long.

L’inf. cst. est ordinairement קוּם[4] avec la voyelle du futur.

L’inf. absolu est קוֹם avec ọ̄ à l’analogie de קָטוֹל.

d L’adjectif verbal est קָם ; il s’emploie en fonction de participe. Dans les verbes statifs, les adjectifs verbaux *mit, *buš devenus מֵת, בּוֹשׁ (écrit avec ו) ont été créés à l’analogie des adjectifs verbaux qatil, qatul, en prenant la voyelle caractéristique i, u. À l’analogie de *mit, *buš, on a créé dans les verbes d’action une forme *qam > קָם, répondant à l’adjectif qatal, (p. ex. חָכָם sage). Cette forme a supplanté le véritable participe du sémitique, conservé p. ex. en arabe, en araméen[5]. La voyelle ◌ָֽ est moyenne comme les voyelles ◌ֵ, ◌ֹ des formes symétriques[6] ; elles se maintiennent cependant au pl. cst. : קָמֵי, מֵתֵי.

Le participe passif est קוּם avec ū à l’analogie de קָטוּל. Il est très rare (p. ex. מוּל circoncis), la plupart des verbes ע״ו (et ע״י) ayant un sens intransitif.

e Parfait. Les parfaits statifs מֵת, בּשׁ (écrit sans ו) sont les adjectifs verbaux מֵת, בּוֹשׁ « conjugués », comme dans le verbe régulier. De même le parfait קָם est l’adjectif verbal קָם « conjugué ». Comme l’adjectif verbal קָם, le parfait קָם est secondaire. Ici encore la voyelle ◌ָֽ est moyenne. Avec un ā long on aurait קוֹם*, forme qui a probt existé, car elle est contenue dans le nifal נָקוֹם. Si le ◌ָֽ était long on aurait dans la flexion, p. ex. קָמ֫וֹתָ* avec une voyelle de liaison, comme au nifal et au hifil. Or on a קַ֫מְתָּ avec voyelle brève, comme on a מַ֫תָּה de מֵת.

f Nifal : Parfait נָקוֹם. La préformante primitive *na se maintient en syllabe ouverte (§ 51 a). L’élément קוֹם (de *qām), qu’on a dans ar. ʾinqām(a) اِنْقَامَ, est probablement l’ancienne forme du parfait qal.

Le futur יִקּוֹם semble être formé d’après le parfait, à l’analogie du qal des verbes פ״ן p. ex. נָפַל, יִפֹּל, le parfait נָקוֹם ressemblant à un qal de פ״ן[7].

g Hifil : Au futur la forme primitive est *i̯aqīm > יָקִים. L’ī long a passé dans le verbe fort : יַקְטִיל (§ 54 a). Au jussif, *i̯aqim, avec i bref, devient יָקֵם ; futur inverti וַיָּ֫קֶם. De même à l’impératif on a הָקֵם (opp. קוּם avec voyelle longue § c).

Parfait הֵקִים. L’ī provient du futur (de même dans le verbe fort). La voyelle ◌ֵ (moyenne) est à l’analogie de הֵיטִיב où elle est longue (§ 76 c)[8].

De même le participe מֵקִים est à l’analogie de מֵיטִיב (cf. § 50 f).

Le hofal הוּקַם a ū long à l’analogie de הוּשַׁב (§ 75 a).

h À la conjugaison intensive on a consonantique dans עִוֵּד enlacer Ps 119, 61 ; ailleurs on a au lieu de comme en araméen. Les exemples, assez rares et postérieurs, semblent empruntés à l’araméen : קִיֵּם établir, statuer (aram. קַיֵּם) Esth 9, 21 etc., Ruth 4, 7 ; Ps 119, 28, 106 ; חִיֵּב rendre débiteur Dn 1, 10[9].

Mais la forme usuelle de l’intensif est pọ̄ẹl, ici propremt pọ̄lel (§ 59 a), p. ex. קוֹמֵם relever ; מוֹתֵת donner le coup de mort, achever (un mourant) ; רוֹמֵם élever. Passif : רוֹמַם ê. élevé. Réfléchi : הִתְבּשֵׁשׁ avoir honte, הִתְעוֹרֵר s’exciter.

i Voyelle de liaison. Au futur hifil, comme au futur qal (§ b), on a au pl. fém. la voyelle de liaison ē̦, afin de pouvoir conserver l’ī long caractéristique de la forme : תְּקִימֶ֫ינָה. Autrement, en cette position (syllabe fermée tonique), on doit avoir la voyelle  : תָּקֵ֫מְנָה forme qu’on a dans Job 20, 10 תָּשֵׁ֫בְנָה.

Au parfait, dans les conjugaisons nifal et hifil, afin de pouvoir conserver la voyelle longue dans les formes à afformante consonantique on a également une voyelle de liaison, qui est ici ọ̄. Comme l’ē̦ du futur, cet ọ̄ provient des verbes ל״ה, à savoir de l’ancien parfait des verbes à 3e radicale ו, comme גָּל֫וֹתִי* (§ 79 a) : p. ex. הֲקִימ֫וֹתִי, נְקֽוֹמוֹתֶם. Au hifil, la voyelle longue est parfois sacrifiée et la forme devient p. ex. הֵקַ֫מְתִּי (comp. הִקְטַ֫לְתִּי) : הֵנַ֫פְתָּ Ex 20, 25 (mais הֲנִיפ֫וֹתִי Job 31, 21) (cf. § m).

Comparer la voyelle de liaison dans les verbes ע״ע § 82 f.

j Ton. D’une façon générale la syllabe radicale, à cause de son importance, a le ton, p. ex. תָּק֫וּמִי, יָק֫וּמוּ. Au parfait on a קָ֫מָה (tandis qu’au partic. fém. on a קָמָ֫ה) et généralt קָ֫מוּ (opp. גָּל֫וּ). On a quelquefois קָמ֫וּ, p. ex. Is 28, 7 פָּק֫וּ (après des formes du type גָּל֫וּ) ; spécialement devant une gutturale ע ou א, p. ex. Ps 131, 1 (hiatus § 33). Au parfait inverti on peut avoir וְקָמָ֫ה, וְקָמ֫וּ.

Au parfait inverti on a régulièrement וְקַמְתָּ֫, וְקַמְתִּ֫י, וַֽהֲקִימוֹתִ֫י.

L’impér. ק֫וּמָה devient קוּמָ֫ה devant gutturale (§ 33).

k Remarques de détail sur diverses conjugaisons.

Qal. Au lieu de קָם on a, rart, la graphie קָאם, p. ex. participe (adj. verbal) לָאט caché Jug 4, 21 ; רָאשׁ pauvre 2 S 12, 1, 4. Cet א du participe est p.-ê. dû à l’araméen ; mais dans le parfait קָאם Os 10, 14 (§ 7 b) il est inexplicable. — Dans שָׁאטִים Éz 28, 24, 26, שָׁאטוֹת 16, 57 les vocalisateurs ont sans doute vu des participes de שׁוט mépriser ; mais il faut probt vocaliser שֹֽׁאֲטִים de שׁאט attaquer, harceler.

Au futur on a la voyelle ọ̄ pour ū dans la forme isolée יָדוֹן Gn 6, 3 †. Dans le verbe חוּס être ému, avoir compassion, on n’a la voyelle ū que dans Jér 21, 7 לֹא־יָחוּס et Is 13, 18 לֹא־תָחוּס עֵינָם (tous deux au sens indicatif). Partout ailleurs on trouve לֹא תָחוֹס, soit dans une défense (où p.-ê. le sens a pu suggérer la voyelle du jussif) : Dt 7, 16 ; 13, 9 ; 19, 13, 21 ; 25, 12, soit même avec un sens purement indicatif Éz 5, 11 ; 7, 4, 9 ; 8, 18 ; 9, 10 †[10].

Le jussif יָקֻם Gn 27, 31, au lieu de יָקֹם, est étrange ou fautif ; de même תָּמֻשׁ Jug 6, 18 ; יָסֻר Pr 9, 4, 16. (Comp. וָֽאָקֻם § 47 d).

Le ◌ָ bref atone du futur inverti devient ◌ַ devant gutturale et ר, p. ex. וַיָּ֫נַח, וַיָּ֫נַע[11] ; וַיָּ֫סַר et il se retira (forme identique à celle du hifil § n) ; וַיָּ֫צַר et il assiégea (cf. § 23 b). Mais on a וַיָּ֫גָר de I גּוּר demeurer à l’étranger et de II גּוּר redouter. On trouve 4 fois וַיָּ֫עַף (mais partout dans un contexte suspect) Jug 4, 21 ; 1 S 14, 28, 31 ; 2 S 21, 15 ; on admet généralement que la forme visée est וַיִּעַף pour וַיִּיעַף et il fut épuisé (autre explication dans König, Wörterbuch, s. v. עיף).

À la 1re p. la forme ordinaire est וָֽאָקֻם, sans mater lectionis (§ 47 d).

À l’impératif on trouve ọ̄ pour ū dans דּ֫וֹשִׁי Mich 4, 13 (pourquoi ?).

À l’inf. cst. on a quelquefois ọ̄ pour ū : בְּמוֹט Ps 38, 17 ; 46, 3 (en liaison) ; כְּנוֹחַ Nb 11, 25 ; Jos 3, 13 (en liaison), mais לָנוּחַ 2 S 21, 10 ; כְּנוֹעַ Is 7, 2 (en liaison) mais לָנוּעַ (toujours, 4 f.) ; לָעוֹז Is 30, 2 (p.-ê. assonance avec מָעוֹז) ; וּבְרוֹמָם Éz 10, 17 (p.-ê. pour euphonie) ; שֹׁב Jos 2, 16 (en liaison).

Par contre, l’inf. cst. en ọ̄ est normal dans le verbe statif (dont le futur est en ọ̄ venant de ā) : טוֹב : בּוֹשׁ (§ q).

l Nifal : Parfait. L’ọ̄ de נָקוֹם devient ū quand il est privé du ton principal ou secondaire ; on a נָק֫וֹמָה, נְקֹֽמוֹתֶם, mais נְקוּמ֫וֹתִי (§ 29 b) p. ex. נְסוּגֹ֑תִי j’ai reculé Is 50, 5.

Le participe נָבוֹךְ* a le pluriel נְבֻכִים Ex 14, 3 †.

m Hifil : Parfait. L’ī long tend à s’abréger en (moyen), en position antéprétonique, à savoir : à la 2e p. pl., avec certains suffixes, dans le parfait inverti ; mais il n’y a pas de loi stricte.

À la 2e p. pl. m., on trouve 5 formes avec ī et 2 formes avec , p. ex. הֲפִֽיצוֹתֶם (2 f.), הֲשֵֽׁבוֹתֶם (2 f.) ; הֲקֵֽמֹתוֹ Ps 89, 44 ; וַֽהֲקֵֽמֹתָ֫ Ex 26, 30 ; Dt 27, 2 †, mais toujours (22 f.) וַֽהֲקִֽימוֹתִ֫י ; וַֽהֲשֵֽׁבֹתָ֫ Dt 4, 39 ; 30, 1 † mais toujours (10 f.) וַֽהֲשִֽׁיבֹתִ֫י ; וַֽהֲרֵֽמֹתָ֫ Nb 31, 28 † mais toujours (4 f.) וַֽהֲפִֽיצוֹתִ֫י. On remarquera la différence de traitement entre la 1re et la 2e p. (cas d’asymétrie).

Voyelle du ה. En position antéprétonique le ◌ֵ, ne se maintient pas ; il s’abrège parfois en ◌ֱ, p. ex. הֱשִׁיבוֹ 1 R 13, 20, 23, 26 † ; הֱשִׁיב֫וֹתָ Ps 85, 4 ; mais le plus souvent on a ◌ֲ, p. ex. הֲרִימֹ֫תָ, הֲרִימֹ֫תִי, הֲקִימֹ֫תִי. À la 3e place avant le ton on a toujours ◌ֲ, par exemple וַֽהֲשֵֽׁבֹתָ֫ (cf. supra).

Devant gutturale le ◌ֲ s’allonge en ◌ַ (comparer les formes comme הַֽאֵלֵךְ irai-je ? avec le הֲ interrogatif, § 102 n). Les seuls exemples sont הַֽעִיד֫וֹתִי j’ai adjuré Dt 4, 26 ; 8, 19 ; 30, 19 ; Jér 11, 7 ; 42, 19 ; הַֽעִיר֫וֹתִי j’ai suscité Is 41, 25 ; הַעִֽירֹתִ֫הוּ 45, 13 (cf. même phénomène dans les verbes ע״ע, § 82 n).

Formes sans voyelle de liaison (cf. § i). Sans voyelle de liaison, la forme est normalement הֵקַ֫מְתִּי avec ◌ַ ; p. ex. וְהֵֽטַלְתִּ֫י Jér 16, 13 ; הֵכַ֫נּוּ 1 Ch 29, 19 (ici par haplologie pour הֲכִינֹ֫נוּ 1 Ch 29, 16) ; הֵמַ֫תָּה (haplologie pour הֲמִית֫וֹתָה*, cf. Brockelmann, 1, 265). L’ peut s’affaiblir en i en perdant le ton (§ 29 g), p. ex. הֲמִתֶּם, וַֽהֲמִתִּ֫יהָ etc., mais וְהֵֽמַתָּ֫ה, וְהֵֽמַתִּ֫י[12].

n Futur. Le ◌ֶ bref du futur inverti וַיָּ֫קֶם devient ◌ַ devant gutturale et ר, p. ex. וַיָּ֫רַח, וַיָּ֫סַר et il retira, éloigna, forme identique à celle du qal § k (cf. § 23 b) ; après gutturale : וַיָּ֫עַד.

Avec אַל le ton remonte, p. ex. אַל־תָּ֫שֶׁב 1 R 2, 20 (§ 47 a N).

À la 1re p. la forme ordinaire est וָֽאָקִם, sans mater lectionis (§ 47 d) ; on trouve aussi, par exemple וָֽאָשִׁיב Néh 2, 20, et plus rarement, p. ex. וָֽאַשֵׁב Jos 14, 7.

À l’infinitif cst., on a la forme araméenne הֲקָטָה (cf. Dn 5, 20 הֲזָדָה s’enorgueillir) dans הֲנָפָה Is 30, 28 (cf. § 88 L b)[13].

Comme inf. abs. on trouve הָכִין Éz 7, 14 (si texte correct).

o Contamination des ע״ו par les ע״ע. Ces deux classes de verbes ont, à l’état normal de la racine, quelque chose de commun, à savoir la longueur d’un élément. Dans les ע״ו il y a voyelle longue, dans les ע״ע il y a consonne longue (généralement la 2e, parfois la 1re dans les formes aramaïsantes § 82 h). Les formes à l’état réduit sont souvent semblables : p. ex. qal : fut. jussif יָקֹם et fut. יָסֹב ; hifil : f. jussif יָקֵם et fut. יָסֵב ; hofal הוּקַם et הוּסַב. À cause de ces multiples ressemblances, les deux classes de verbes se contaminent mutuellement. Exemples de contamination de verbes ע״ו par les ע״ע : בַּז Zach 4, 10 (pour בָּז) ; נָקֹ֫טּוּ Éz 6, 9 (pour נָקֹ֫טוּ)[14] ; toutes les formes du nifal de רום semblent venir d’une racine רמם, p. ex. יֵר֫וֹמּוּ Éz 10, 17. (Pour la contamination des ע״ע par les ע״ו cf. § 82 o).

p Formes avec 1re radicale redoublée. C’est probablement à l’influence des formes aramaïsantes des ע״ע qu’est due l’existence de nombreuses formes de ע״ו avec 1re radicale redoublée, bien qu’on trouve ce redoublement dans les ע״ו même à certains temps (nifal parf., partic. ; hifil parf., impér.) où il n’existe pas dans les ע״ע. On peut donc ici aussi appeler ces formes aramaïsantes, bien qu’elles ne le soient qu’indirectement.

Le groupe le plus important de ces formes à 1re rad. redoublée se trouve au hifil du verbe נוּחַ se reposer. Dans ce verbe il existe deux hifil, qui ont des sens différents. Le 1er hifil, régulier, הֵנִיחַ signifie : 1) déposer qc. ; 2) procurer du repos à (ל). Le 2d hifil, avec redoublement, הִנִּיחַ signifie : 1) mettre, placer (comme נָתַן, dont il a la plupart des sens) ; 2) laisser là ; 3) laisser qn tranquille, le laisser faire. Formes du 2d hifil : parf. הִנִּיחַ ; f. יַנִּיחַ, וַיַּנַּח ; impér. הַנַּח, הַנִּ֫יחוּ ; inf. הַנִּיחַ ; part. מַנִּיחַ (avec 1re voyelle du futur ; opp. מֵנִיחַ). Au parf. il n’y a pas de voyelle de liaison, p. ex. הִנַּ֫חְתִּי (opp. הֲנִיח֫וֹתִי). Hofal : הֻנַּח, מְנָּח.

Le verbe סות (ou סית ?) a au hifil des formes avec redoublement à côté des formes normales : הֵסִית ou הִסִּית inciter, exciter ; יָסִית ou יַסִּית ; מַסִּית.

Le verbe סוּג au hifil n’a que des formes avec redoublement : יַסִּיג reculer qc., מַסִּיג ; hofal הֻסַּג.

Dans ces deux derniers verbes la sifflante a pu favoriser l’allongement comme dans les verbes פ״יצ (§ 77 a) p. ex. הִצִּיג, יַצִּיג. Dans הִנִּיחַ la différenciation de la forme est p.-ê. due à la différence du sens. Au futur יַנִּיחַ la forme a pu être favorisée par l’analogue יִתֵּן il mettra, placera.

Au nifal on trouve la forme נִקּוֹם (pour נָקוֹם) avec le redoublement (qui provient p.-ê. du futur יִקּוֹם) dans נִמּוֹל il fut circoncis ; cp. נֵעוֹר Zach 2, 17 s’éveiller (avec 1re gutturale). Ce type de nifal s’est développé en néo-hébreu, p. ex. נִדּוֹן il fut jugé.

q Verbes statifs. Comme verbe statif en ◌ֵ on a seulement le verbe מוּת mourir, qui du reste n’a la forme stative qu’à l’adjectif verbal et au parfait מֵת. Au futur on a la forme des verbes d’action (cf. § 41 b) יָמוּת, d’où impér. et inf. cst. מוּת. Sur הֵמַ֫תָּה etc., cf. § m.

Comme verbes statifs en ◌ֹ on a :

  1. Inf. בּוֹשׁ avoir honte, pf. בּשׁ (pour buš), adjectif verbal בּוֹשׁ, f. יֵבוֹשׁ (pour i̯ibāš). À côté du hifil régulier הֵבִישׁ causer de la honte il existe un hifil métaplastique הוֹבִישׁ avoir honte (comme le qal) semblable au hifil הוֹבִישׁ il dessécha de יָבֵשׁ § 76 d.
  2. Inf. אוֹר* ê. lumineux, briller, pf. אוֹר ; f. יֵאוֹר (qal plutôt que nifal) ; adjectif verbal אוֹר.
  3. Inf. טוֹב* ê. bon, pf. טוֹב (et seult 3e pl. טֹבוּ). Le futur יִיטַב appartient à la racine apparentée יטב (§ 76 d).

r Verbe irrégulier בֹּא, בּוֹא entrer, venir. C’est un verbe d’action, car : 1) le parfait est בָּא avec la voyelle des verbes d’action ; s’il était statif on aurait בֵּא* (comp. מָלֵא) ou בֹּא* ; 2) le futur est יָבֹא (15 f. יָבוֹא), avec 1re voyelle a des verbes d’action § 41 e ; la forme stative serait יֵבוֹא* (comp. יֵבוֹשׁ pour i̯ibāš) ; 3) en arabe le verbe bāʾa بَاءَ a le futur en u des verbes d’action, et cela malgré la gutturale qui suit. Donc dans יָבֹא le ◌ֹ ne vient pas de l’a primitif des verbes statifs, mais de l’u des verbes d’action qui, pour une raison particulière, ne s’est pas ici allongé en ū[15]. Impér. et inf. cst. ont également ◌ֹ : בֹּא, בּוֹא.

Pour les formes du parfait inverti cf. § 43 b, du futur inverti § 47 b.

Voyelle de liaison. Au futur qal on a, très rarement, תְּבוֹאֶ֫ינָה ; la forme ordinaire est תָּבֹ֫אנָה. Au futur hifil on trouve seult תְּבִיאֶ֫ינָה. Au parfait hifil les formes avec voyelle de liaison sont beaucoup moins nombreuses que les autres, p. ex. הֲבִֽיאוֹתֶם 1 fois, הֲבֵאתֶם 10 f. ; les formes הֲבִיא֫וֹתָ, הֲבִיא֫וֹתִי ne se trouvent que devant suffixes.

Voyelle du ה (cf. § m). En position antéprétonique le ◌ֵ se maintient dans les formes sans suffixe, p. ex. וְהֵֽבֵאתָ֫ ; dans les formes avec suffixe, à la 3e p. sg. il s’abrège en ◌ֱ, p. ex. הֱבִיאַ֫נִי ; partout ailleurs en ◌ֲ, p. ex. הֲבֵאתָ֫נוּ, הֲבִֽיאֹתָ֫נוּ.

Sur les formes anormales de l’impératif הָבִיא et du futur inverti וַיָּבִיא cf. § 78 i.

On trouve l’inf. לָבִיא avec syncope du ה (cf. § 54 b) dans Jér 39, 7 ; 2 Ch 31, 10.

s Comparaison avec les formes nominales (cf. §§ a−b).

Formes avec ו : עִוֵּר aveugle, מָ֫וֶת mort, יוֹם (pour *i̯au̯m) jour ; מָנוֹחַ et מְנוּחָה (§ 29 b) repos ; תְּעוּדָה attestation (de הֵעִיד attester).

Formes sans ו : Comme קָם : זָר étranger, זָרָה prostituée, עָב[16] nuage.

Comme מֵת : גֵּר étranger, immigré, כֵּן (adj.) droit, נֵר lampe, עֵד témoin, f. עֵדָה témoin, témoignage[17].

Mots du type qūl § 88 B f : טוּב le bien, צוּר rocher.

  1. Cf. Nöldeke, Syrische Grammatik2, § 177. Opposer les verbes avec 2e radicale consonantique, comme רָוַח ê. large ; גָּוַע mourir ; צוה, צִוָּה ordonner ; קוה, קִוָּה attendre ; רָוָה abreuver, רִוָּה, הִרְוָה, dans lesquels le ו est traité comme une consonne forte.
  2. Comparer le cas analogue des verbes ע״ע § 82 a.
  3. יֵבוֹשׁ il aura honte est le seul exemple sûr de futur statif : וַיֵּאֹר 2 S 2, 32 est plutôt un qal qu’un nifal ; יָבֹא est un futur actif (§ r).
  4. C’est d’après l’infinitif construit qu’on a coutume de désigner les verbes ע״ו et ע״י, p. ex. verbe קוּם, verbe דִּין. Cet usage est fâcheux, car l’infinitif (qui du reste est aussi nominal que verbal) ne présente pas toujours l’élément caractéristique de la racine. Ainsi le verbe de la racine שׂים a l’inf. שׂוּם (§ 81 b). Il conviendrait de désigner ces verbes par l’impératif, p. ex. verbe קוּם, verbe שִׂים.
  5. P.-ê. a-t-on un ancien participe dans בּוֹסִים Zach 10, 5 avec ọ̄ venant de ā.
  6. Comp. § 28 e 2.
  7. Même explication pour les verbes ע״ע, § 82 c.
  8. Dans le verbe טוֹב le hifil הֵטִיב est semblable à הֵיטִיב hifil de יטב, sauf pour la quantité de la voyelle (cf. § 76 c).
  9. Plusieurs exemples dans Ben Sira : 8, 6 ; 30, 12, 23 ; cf. Smend, Die Weisheit des Jesus Sirach (1906), p. XLIV.
  10. À côté de חוּס il a peut-être existé une racine חסס répondant à l’arabe ḥassa حَسَّ sentir, etc., dont le futur serait יָחֹס*. Ce futur a pu supplanter parfois le futur יָחוּס de חוּס. On a יָחֹס dans Ps 72, 13 il aura compassion (la vocalisation avec est probablement due à l’écriture défective).
  11. Opp. אַל־יָנַ֫ע 2 R 23, 18 (§ 47 a N).
  12. הֵסַ֫תָּה elle a excité 1 R 21, 25 est vocalisé par méprise en 2e p. ; vocaliser הֵסִ֫תָּה. Cette faute peut s’expliquer par la tendance des Naqdanim à donner aux groupes consonantiques la vocalisation la plus obvie.
  13. Autre infinitif araméen § 79 t.
  14. Job 10, 1 נָֽקְטָה a l’apparence d’un qal de פ״ן lequel serait formé sur un nifal de ע״ע (נָקַט*, נָקַטָּה*) qui aurait supplanté le nifal normal נָקוֹט de קוט avoir horreur. Un qal נָקַט a pu réellement exister : comp. aram. juif קְנַט avoir du dégoût, akkad. naḳâtu « avoir horreur » (cf. Fried. Delitzsch in h. l.).
  15. Voir le détail dans Biblica, 1, 357-9.
  16. État cst. עָב plutôt que עַב (cf. König, 2, p. 75). Pas d’autre exemple du type קָם à l’état cst.
  17. Opp. עֵדָה rendez-vous, assemblée de יָעַד §§ 75 m, 97 E b.