Grammaire de l’hébreu biblique/Morphologie/Verbe/Paragraphe 82

Paul Joüon
Institut biblique pontifical (p. 176-184).
§ 82. Verbes ע״ע.
(Paradigme 15 : סָבַב entourer).

a Les verbes ע״ע[1] ou verbes géminés sont des verbes avec deux consonnes radicales, dont la seconde, dans l’état normal de la racine (p. ex. à l’impér. pl. סֹ֫בּוּ), est longue. (Comparer la définition analogue des verbes ע״ו § 80 a et ע״י § 81 a). La racine de ces verbes ne se présente pas dans un état unique, mais dans un triple état, et cela, semble-t-il, dès l’origine[2]. La 2e consonne de la racine peut être longue, brève, répétée.

Dans l’état normal de la racine, la 2e consonne est longue : s-bb ; dans l’état réduit elle est brève : s-b ; dans un 3e état, qu’on peut appeler dissocié[3], elle est répétée : s-b-b.

L’état du type s-bb, avec 2e consonne longue, doit être considéré comme l’état normal. En effet cette consonne longue est caractéristique de cette classe de verbes, comme p. ex. la 2e consonne longue est caractéristique de la forme intensive קִטֵּל. L’état du type s-bb apparaît aussi comme normal du fait que la langue tend à le maintenir dans la mesure du possible, même au prix d’une voyelle adventice de liaison, p. ex. dans סַבּ֫וֹתָ, תְּסֻבֶּ֫ינָה (§ f).

L’état normal se trouve généralement toutes les fois qu’il est phonétiquement possible, à savoir quand une voyelle suit, p. ex. dans impér. סֹ֫בּוּ, futur יָסֹ֫בּוּ ; pf. statif 3e p. f. et pl. תַּ֫מָּה, תַּ֫מּוּ. Exception : au pf. actif, 3e p. f. et pl. on a l’état dissocié סָֽבֲבָה[4], סָֽבֲבוּ, probt pour distinguer des verbes statifs. À la 3e p. sg. m. on a l’état dissocié סָבַב dans les actifs, mais l’état réduit תַּם (de *tamima devenu *tamma ; cf. § 88 B g N) dans les statifs.

L’état réduit se trouve quand une voyelle ne suit pas, p. ex. יָסֹב, סֹב. La consonne, bien qu’actuellement brève, a une certaine tendance à la longueur (redoublement).

L’état dissocié ne se trouve guère que par raison de nécessité ou d’utilité. Ainsi la répétition de la consonne est nécessaire pour former les participes סֹבֵב, סָבוּב, l’inf. abs. סָבוֹב ; elle est utile pour distinguer le parfait actif סָבַב du pf. statif תַּם. Autrement, l’état dissocié est assez rare (§ k).

b Qal : Parfait. Généralement les verbes d’action ont l’état dissocié סָבַב (de *sabab[a]) et les verbes statifs l’état réduit תַּם (de *tamim[a]) ; exceptions § k.

Futur. La distinction des verbes actifs et des verbes statifs apparaît non seulement dans la 2e voyelle mais encore dans la 1re (cf. § 41 e) : יָסֹב[5], יֵקַל[6]. (Cf. יָרֹעַ il brisera et יֵרַע il sera mauvais).

Avec le waw inversif on a וַיָּ֫סָב, mais וַיֵּקַ֫ל (mileraʿ ; comp. וַיִּירַ֫שׁ), וַיֵּ֫צֶר et il fut étroit. En pause וַיָּסֹ֑ב.

L’impératif סֹב a la voyelle du futur.

L’inf. cst. a généralement l’état réduit סֹב, parfois l’état dissocié סְבֹב (§ k). La voyelle , comme dans les autres classes de verbes (§ 49 c), a envahi les verbes statifs, p. ex. תֹּם, חֹם, רֹב (cf. § l).

L’inf. abs. a l’état dissocié סָבוֹב ; de même les participes סֹבֵב, סָבוּב.

L’adj. verbal se trouve dans רָב 1 S 14, 19 ; 2 S 15, 12 ; חָת* ou חַת* 1 S 2, 4 ; Jér 46, 5.

c Nifal : Parfait נָסַב. La préformante primitive *na se maintient en syllabe ouverte (§ 51 a). Le futur יִסַּב semble être formé d’après le parfait, à l’analogie du qal des verbes פ״ן (p. ex. נָגֵשׁ*, יִגַּשׁ), le parfait נָסַב étant semblable à un qal de פ״ן[7]. À cause de cette similitude, la langue a été jusqu’à créer des parfaits nifal comme נָמֵס se fondre, qui ont l’apparence d’un qal statif de פ״ן ; d’où fut. יִמַּס (semblable à יִגַּשׁ) avec la voyelle a du statif[8] ; cf. § m. Le futur en יִסֹּב serait, ou pourrait être, aussi nifal, d’après certains grammairiens ; cf. § h et m N. Au participe on a naturellement la même forme נָמֵס, נָקֵל (f. נְקַלָּה).

Inf. cst. הִסֵּב, הִמֵּס (◌ֵ à l’analogie de הִקָּטֵל).

d Hifil : Futur יָסֵב, avec la voyelle primitive i (bref) devenu ◌ֵ. Avec waw inversif וַיָּ֫סֶב.

Parfait. Le ◌ֵ du futur a passé au parfait הֵסֵב : הֵחֵל il a commencé, הֵפֵר il a rompu (en pause הֵפַ֑ר § 32 c). Mais on a généralt ◌ַ dans les verbes statifs : הֵדַק[9], הֵמַר, הֵצַר, הֵקַל, הֵרַךְ[10].

La voyelle ◌ֵ du ה est probablement à l’analogie הֵקִים, lequel est lui-même à l’analogie de הֵיטִיב (où le ẹ̄, de ai̯, est long, § 80 g). La formation de הֵקִים serait donc symétrique à celle du participe מֵסֵב (avec 1re voyelle ◌ֵ malgré le futur יָסֵב, § 50 f) qui est à l’analogie de מֵקִים, lequel est lui-même à l’analogie de מֵיטִיב[11].

À l’impératif, à l’inf. cst. et à l’inf. abs. on a הָסֵב.

Remarque. On voit que dans les verbes ע״ע, à cause de la tendance de la consonne finale au redoublement, on n’a jamais la voyelle longue ī.

Le hofal הוּסַב a ū long à l’analogie de הוּשַׁב (§ 75 a).

e À la conjugaison intensive, on a, soit la forme qittẹl סִבֵּב, soit la forme pọ̄ẹl, ici proprement pọ̄ʿeʿ : סוֹבֵב (§ 59 a). Passif : סוֹבַב. Réfléchi : הִסְתּוֹבֵב.

f Voyelle de liaison. Aux futurs et aux parfaits, afin de conserver l’état normal de la racine dans les formes à afformante consonantique, on a une voyelle de liaison (de même dans les ע״ו §§ 80 b, i).

Au futur on a la voyelle ē̦, laquelle provient des verbes ל״ה (§ 79 c) : תְּסֻבֶּ֫ינָה, תְּסִבֶּ֫ינָה.

Au parfait on a la voyelle ọ̄, qui provient des anciens verbes ל״ו (cf. § 79 a), p. ex. סַבּ֫וֹתָ.

Parfois l’état normal de la racine est sacrifié, et il n’y a pas de voyelle de liaison ; cf. § j.

g Ton. Dans les formes avec voyelle de liaison, cette voyelle a le ton, p. ex. סַבּ֫וֹתָ, sauf, bien entendu, avec affixe lourd, p. ex. סַבּוֹתֶם. Au parfait inverti on a ordinairement וְסַבּוֹתָ֫, וְסַבּוֹתִ֫י.

Autrement, en pénultième, la syllabe aiguë a généralement le ton, p. ex. : fut. יָסֹ֫בּוּ ; pf. קַ֫לָּה, קַ֫לּוּ (mais souvent קַלּ֫וּ). Au parfait inverti le ton peut descendre, p. ex. וְרַבָּ֫ה.

À l’impératif, au lieu des formes normales telles que סֹ֫בִּי, סֹ֫בּוּ on a parfois des formes mileraʿ (sans raison apparente), et avec voyelle ◌ָ au lieu du ◌ֻ normal, p. ex. toujours רָנּ֫וּ (3 f.), 3 f. רָנִּ֫י mais 2 f. רֹ֫נִּי.

Remarque. La voyelle tonique, , de la syllabe aiguë devient normalement i, u en perdant le ton : יָסֵ֫בּוּ, תְּסִבֶּ֫ינָה ; יָסֹ֫בּוּ, תְּסֻבֶּ֫ינָה.

h Formes aramaïsantes. Outre les formes proprement hébraïques où la 2e consonne radicale est longue (redoublée), il existe d’autres formes, appelées aramaïsantes, dans lesquelles la 1re consonne est redoublée. Dans les formes aramaïsantes, le redoublement de la 2e consonne est tantôt conservé, tantôt supprimé. Ces formes sont dites aramaïsantes parce qu’elles sont normales en araméen, p. ex. en araméen biblique תַּדִּק elle brisera menu Dn 2, 40 (hafel du verbe דקק), en syriaque nebbọz ܢܶܒܿܘܿܙ il pillera (verbe bzz). En hébreu ces formes sont probablement dues à l’influence de l’araméen ; dans certains cas elles ont pu être favorisées par l’analogie des verbes פ״ן. Les formes aramaïsantes se trouvent aux futurs qal, hifil, hofal ; p. ex. qal יִסֹּב[12], יִסְּבוּ ; hifil יַסֵּב, יַסְּבוּ, יַסֵּ֫בּוּ.

Exemples[13]. Dans le verbe statif תַּם ê. parfait, achevé, fini, consumé il y a un futur en a יִתַּם, et un futur en o יִתֹּם qui semblent bien synonymes. Le verbe étant statif, le futur en a est normal. Dans ce verbe on a partout le redoublement aramaïsant (sauf Ps 19, 14, forme douteuse). À la 3e pl. on a 5 fois יִתַּ֫מּוּ avec le 2d redoublement, 1 fois seulement יִתְּמוּ.

Le verbe סָבַב présente des difficultés spéciales. Le qal סָבַב a un sens actif transitif entourer, faire le tour, et un sens réfléchi se tourner, se retourner, se détourner, d’où simplement passer à, aller, venir. Il semble dès lors qu’un nifal est inutile ; de fait, le nifal est assez rare et semble secondaire. Dans tous les exemples du nifal on pourrait avoir le qal, et même on l’attendrait dans les cas où le sens est entourer Gn 19, 4 ; Jug 19, 22 (opp. 20, 5 יָסֹ֫בּוּ) ; Jos 7, 9. Le futur יִסַּב se retourner, se détourner (employé seulement dans Éz, qui emploie aussi le pf. נָסַב) est un nifal. Le futur fréquent יִסֹּב, qui s’emploie seulement au sens réfléchi, est originairement un qal (évident dans 1 S 22, 18, après סֹב). Comme le futur יָסֹב s’emploie seulement au sens actif transitif (sauf Jér 41, 14, où fautif), le futur יִסֹּב aura pu facilement, à une certaine époque, être senti comme un nifal et amener la création d’un parfait correspondant נָסַב ; comp., dans un contexte semblable, יִסֹּב Nb 36, 7 et נָסַב Jér 6, 12.

Le verbe statif שַׁם* (fém. שָׁמֵ֑מָה) ê. stupéfié, épouvanté (homme), ê. désolé (terre etc.) a un futur normal יֵשַׁם*, qui est rare (Gn 47, 19 ; Éz 12, 19 ; 19, 7 ; cf. 6, 6). Le futur יִשֹּׁם est un qal ; c’est p.-ê. d’après ce futur considéré comme un nifal qu’on a créé le parfait nifal נָשַׁם* (sans futur) qui a le sens du qal.

Autres futurs qal en  : יִדֹּם se taire (mais יִדַּם ê. anéanti est un nifal) ; יִקֹּב maudire, יִקֹּד s’incliner.

Autres futurs qal en a : יִדַּל ê. faible ; probablement יִשַּׁח se courber.

i Exemples de hifil (et hofal) : futur : à côté de l’usuel יָחֵל commencer on a יַחֵל violer Nb 30, 3, אַחֵל je profanerai Éz 39, 7 (mais p.-ê. lire le piel יְחַלֵּל) ; — יַכֵּת* écraser Dt 1, 44 ; Nb 14, 45 ; hofal (ou passif du qal) יֻכַּת Is 24, 12 etc. ; — יַסֵּב forme fréquente, p. ex. Ex 13, 18 ; — hofal (ou passif du qal) יֻסַּךְ ê. couvert.

En dehors du futur qal et hifil on trouve quelques formes aramaïsantes, p. ex. parfait nifal נִחַל* ê. profané Éz 7, 24 ; 22, 16 ; 25, 3 ; נִחַר ê. brûlé Ps 69, 4 ; 102, 4.

j Formes sans voyelle de liaison (cf. § f). Parfois il n’y a pas de voyelle de liaison ; l’état normal de la racine, qui était maintenu grâce à la voyelle de liaison, devient état réduit. Exemples : qal : תַּ֫מְנוּ (pour תַּמּ֫וֹנוּ) Nb 17, 28 ; Jér 44, 18 (forme semblable à קַ֫מְנוּ) ; hifil : הֵתַ֫לְתָּ Jug 16, 10 (pour הֲתִלּ֫וֹתָ) ; וְהֵֽפַרְתָּ֫ 2 S 15, 34. — On a encore l’état réduit dans d’autres cas, p. ex. qal : נָבֹ֫זָה 1 S 14, 36 (pour נָבֹ֫זָּה) ; נָֽבְלָ֫ה Gn 11, 7 (pour נָבֹ֫לָּה) ; יָֽזְמוּ 11, 6 (pour יָזֹ֫מּוּ). Nifal : נָֽסְבָ֫ה Éz 41, 7 (pour נָסַ֫בָּה).

k État dissocié et état non dissocié[14].

À l’inf. cst. (§ b), à côté de la forme normale סֹב (comp. futur יָסֹב) on a parfois, surtout avec ל, l’état dissocié סְבֹב (comme קְטֹל), p. ex. : 1 f. סֹב Dt 2, 3, 1 f. לִסְבֹּב Nb 21, 4 ; לִשְׁדוֹד Jér 47, 4 ; בִּגְזֹז 1 S 25, 2, לִגְזֹז Gn 31, 19, mais לָגֹז 38, 13 ; toujours (Is 10, 6 ; Éz 38, 12, 13) לִשְׁלֹל שָׁלָל, mais (ibid.) וְלָבֹז בַּז (assonance).

Au parfait qal des verbes d’action on a généralement l’état dissocié : סָבַב, סָֽבֲבָה, סָֽבֲבוּ. Avec les suffixes on préfère parfois l’état normal, plus court, p. ex. סַבּ֫וּנִי (4 f. ; סְבָבוּ֫נִיf.). À côté du régulier בַּזּ֫וֹנוּ Dt 3, 7 on a l’état dissocié בָּזַ֫זְנוּ 2, 35.

Au parfait qal des verbes d’état on a généralement les types קַל, קַ֫לָּה, קַ֫לּוּ ; mais il y a des exceptions, p. ex. דָּֽלְלוּ Is 19, 6 à côté de דַ֫לּוּ 38, 14 ; Job 28, 4. Dans le verbe statif שַׁם* on a toujours שָֽׁמֲמוּ, שָׁמֵ֑מוּ.

Le futur qal statif avec l’état dissocié יֶֽחֱנַן Am 5, 15 il traitera gracieusement est pour יֵחַן* ou יִחַן*. C’est la seule forme stative de ce verbe, lequel signifie originairement ê. gracieux. Le sens fréquent traiter qn gracieusement a amené la transitivité (cf. Brockelmann, 2, 286) et les formes de verbe d’action חָנַן, יָחֹן.

Au hifil on trouve avec l’état dissocié : inf. הַשְׁמֵם Mich 6, 13 ; partic. מַשְׁמִים Éz 3, 15 ; toutes les formes du verbe רנן, p. ex. הַרְנִ֫ינוּ, אַרְנִין faire résonner.

l Remarques de détail sur diverses conjugaisons.

Qal : Parfaits en  : זֹ֫רוּ Is 1, 6 ils ont été pressés est un passif du qal ; probablement aussi רֹ֫מּוּ Job 24, 24 ils ont été élevés (s’oppose au passif הֻמְּכוּ) ; mais רֹ֫בּוּ Gn 49, 23 ils ont tiré (?) est difficile à expliquer (le sens actif interdit de penser à une forme stative).

Futurs en ū (par contamination des verbes ע״ו), p. ex. יָרוּן Pr 29, 6.

De même on trouve comme inf. cst. en ū : בּוּר Eccl 9, 1 ; בְּחֻקוֹ Pr 8, 27. L’inf. cst. en a, qui a été supplanté par l’inf. en dans les verbes statifs (§ b), se trouve, chose étrange, dans quelques verbes d’action (p.-ê. fautivement) : לְבָרָם Eccl 3, 18 pour les éprouver (opp. בּוּר 9, 1) ; לְרַד Is 45, 1 pour fouler aux pieds ; כְּשַׁךְ Jér 5, 26 comme se courber.

L’impératif גַּל Ps 119, 22 (à côté de גֹּל) est p.-ê. abrégé de גֵּל* (cf. § b N, d’après Barth).

Dans Nb 22, 11, 17, au lieu de קֻבָּה־לִּי* on a (sans doute pour éviter deux redoublements) קָֽבָה־לִּי qo̦ḇå-llī[15]. En syllabe ouverte, l’ bref devient moyen, comme dans p. ex. קָֽדָשִׁים § 28 e. De même dans 22, 6 ; 23, 7 on a אָֽרָה־לִּי ʾo̦rå-llī pour ʾur(r)å-llī. Dans Nb 23, 13 קָבְנוֹ pour quḇnọ̄, il y a un נ épenthétique (comp. יֶשְׁנוֹ § 102 k).

m Nifal. Comme il a été dit § c, la langue, considérant le parfait nifal נָסַב comme un qal de פ״ן, a créé, par analogie, des parfaits statifs en , par exemple נָמֵס se fondre, f. יִמַּס. On trouve encore נָקֵל (4 fois ; plutôt comme adjectif verbal que comme parfait), à côté de נָקַל. On a un parfait statif נָגֹל* ê. roulé dans Is 34, 4 נָגֹ֫לּוּ, car le futur est en a : יִגַּל Am 5, 24. Par contre, il y a des parfaits en auxquels correspondent des futurs en ọ̄, donc sur le type נָקוֹם, יִקּוֹם ( contamination des ע״ו), p. ex. נָבֹ֫זּוּ Am 3, 11 (fut. תִּבּוֹז Is 24, 3 avec וֹ) ; נָרֹץ Eccl 12, 6 (fut. תֵּרוֹץ Éz 29, 7 pour tirrọ̄ṣ). De plus, d’après les futurs תִּבּוֹק Is 24, 3, יֵרוֹעַ Pr 11, 15 ; 13, 20, on peut restituer les parfaits correspondants נָבֹק*, נָרֹעַ*[16].

Dans תֵּחִל Lév 21, 9 elle se profane, on aurait un cas unique de futur nifal avec 2e voyelle . Cet (si authentique) serait à l’analogie du de יִקָּטֵל (comme le de l’inf. cst., הֵחֵל, הִמֵּס est à l’analogie de הִקָּטֵל) ; mais l’ est ici très suspect, car ailleurs on a la voyelle a : וָֽאֵחַל Éz 22, 26 ; יֵחָ֑ל Is 48, 11.

On trouve un futur avec l’état dissocié dans Job 11, 12 יִלָּבֵב.

n Hifil. Il y a quelques formes avec ī (contamination des ע״ו) : הֵפִיר Éz 17, 19 ; Ps 33, 10 (cf. 89, 34) : הֵשִׂיר Os 8, 4 ; — יַשִּׁים Jér 49, 20 (avec redoublement aramaïsant).

Voyelle du ה. En position antéprétonique le ◌ֵ ne se maintient pas ; il devient ordinairement ◌ֲ : הֲסִבּ֫וֹתָ. Devant gutturale le ◌ֲ s’allonge en ◌ַ ; les seuls exemples sont הַֽחִלֹּ֫תָ, הַֽחִלֹּ֫תִי commencer Dt 2, 31 ; 3, 24 ; 1 S 22, 15 ; Esth 6, 13 (comp. inf. הַֽחִלָּם Gn 11, 6) et הַֽחִתֹּ֫תָ Is 9, 3. (Cp. même phénomène dans les verbes ע״ו, § 80 m, p. ex. הַֽעִידֹ֫תִי. Comme devant ce ע il n’y a très probablement pas redoublement virtuel, il n’y en a pas non plus, probablement, devant ח).

o Contamination des ע״ע par les ע״ו. De même que dans les verbes ע״ו il y a de nombreuses formes contaminées par les ע״ע (§ 80 o), il y a aussi beaucoup de formes ע״ע contaminées par les ע״ו. Plusieurs ont été citées aux §§ l, m, n : on en trouvera beaucoup d’autres dans le dictionnaire ou la Concordance. Le verbe murmurer, vocalisé par les Naqdanim comme si la racine était לון, est probablement à l’origine un ע״ע, à savoir לנן (cf. dérivé תְּלֻנּוֹת murmures), entièrement contaminé par les ע״ו[17] : nif. נָלוֹן*, תִּלּ֫וֹנוּ ; hif. הֲלִֽינֹתֶם, תַּלִּ֫ינוּ, וַיָּ֫לֶן. À côté de משׁשׁ palper, qui semble la racine primitive, il existe probablement en hébreu (et en araméen) une racine secondaire מושׁ attestée par quelques formes Gn 27, 21 ; Jug 16, 26 ; Ps 115, 7.

p Comparaison avec les formes nominales (cf. § a).

En dehors des participes סֹבֵב, סָבוּב et de l’inf. abs. סָבוֹב, l’état dissocié est assez rare dans les formes nominales, p. ex. שָׁמֵם désolé, הֲרָרִים* poét., à côté de הָרִים montagnes ; au lieu de עַמִּים peuples on a, très rarement, עֲמָמִים (comp. aram. bibl. עַמֲמַיָּא).

L’état normal et l’état réduit existent dans les mêmes conditions que dans le verbe : Forme qatl : עַם peuple (et עָם) עַמִּי ; qitl : חֵן grâce חִנִּי ; qutl : חֹק droit חֻקִּי. — Forme qatl avec ר : שַׂר prince, pluriel שָׂרִים, שָׂרֵי (pour śarrẹ̄ ; le ◌ָ, en cette position se maintient. Comp. קָם, קָמִים, קָמֵי (§ 80 d), et opposer, p. ex. שָׁנָה année, pl. שָׁנִים, שְׁנֵי). — Forme taqtilah : תְּחִלָּה commencement (se rapporte au hifil הֵחֵל commencer) ; forme maqtal : מָסָךְ couverture, protection, מַשָּׁק action de pénétrer ? (avec redoublement aramaïsant).

  1. Le symbole ע״ע veut dire que la 2e radicale est répétée, § 40 c.
  2. Comparer le cas analogue des verbes ע״ו § 80 a.
  3. Dissocié : ce terme métaphorique indique que la consonne longue normale bb semble dissociée en deux éléments séparés b-b. On pourrait dire aussi, mais moins clairement : état dilaté ou étendu. Rapprocher la dissociation d’une consonne longue en araméen, p. ex. *i̯iddaʿ > יִנְדַּע il saura.
  4. Le ◌ֲ, au lieu du ◌ְ, à cause de la répétition de la consonne, § 9 d.
  5. Un exemple probable de futur actif à 2e voyelle i est יָגֵן il couvrira (cf. § 41 a). D’après Barth, il y en aurait d’autres, p. ex. יָגֵל.
  6. Avec le redoublement aramaïsant *i̯iqal devient יִקַּל, p. ex. יִדַּל.
  7. Même explication pour les verbes ע״ו, § 80 f.
  8. Les formes יִסֹּב, יִסַּב peuvent être aussi des futurs qal aramaïsants (§ h) ; c’est d’après le sens qu’on peut juger si telle forme est un qal ou un nifal.
  9. À côté du verbe statif : pf. דַּק, fut. non attesté יֵדַק*, il y a un verbe actif : pf. non attesté דָּקַק*, fut. יָדֹק.
  10. La présence de cet a au hifil des verbes statifs peut s’expliquer ainsi. Pour l’adjectif (servant aussi d’adjectif verbal) on a דַּק, מַר, etc. Cette même forme est également celle du parfait statif. Enfin au futur statif, on a encore la voyelle a, p. ex. יֵקַל. L’a du hifil serait dû à l’analogie de ces formes en a. Ainsi, on aura dit הֵמַר il a rendu amer à l’analogie de מַר amer, il est amer, et de יֵמַר il sera amer (cf. Biblica, 1, p. 354). Dans certains cas l’a a pu être favorisé par la consonne suivante.
  11. On dit généralement que le הֵ est à l’analogie du הִ de הִקְטִיל. Mais alors au nifal on devrait avoir נֵסַב* à l’analogie de נִקְטַל.
  12. Les futurs qal aramaïsants des types יִסֹּב, יִסַּב sont semblables au nifal, § c. De plus, ces formes sont semblables au qal des פ״ן : יִפֹּל, יִגַּשׁ.
  13. Tous les exemples sont réunis dans Kautzsch, Die sogenannten aramaisierenden Formen der Verba ע״ע im Hebräischen, dans les Orientalische Studien Th. Nöldeke gewidmet (1906), t. 2, pp. 771-780). Kautzsch a atténué les conclusions de cette étude dans la dernière (28e) édition de sa Grammaire, § 67 g.
  14. Comp. en fr. j’acquerrai et anciennement j’acquérerai (Corneille).
  15. Le second qameṣ ayant aussi la couleur (§ 18 i) la forme sonne qo̦ḇo̦-lli dans la prononciation de Tibériade.
  16. D’après tout ceci il semble douteux qu’il y ait des futurs nifal ע״ע avec moyen.
  17. Cf. Biblica, 1, p. 361.