Grammaire de l’hébreu biblique/Écriture/Paragraphe 32

Paul Joüon
Institut biblique pontifical (p. 79-81).
§ 32. De la pause.

a La pause est un arrêt, un repos notable après un mot dans le cours et surtout à la fin d’un verset. Ce repos comporte un certain retardement préalable qui le prépare, et qu’on peut comparer au ralentissement d’un coureur qui se prépare à s’arrêter. La prononciation d’un mot en pause est lente, pleine, emphatique.

Ce ralentissement fait : 1) que la voyelle tonique, quelle que soit sa couleur, est toujours plus longue qu’elle ne le serait en contexte ; 2) que certaines voyelles tombées reparaissent, de sorte que les formes pausales sont souvent des formes ou primitives ou plus voisines de l’état primitif ; ordinairement la voyelle restituée a le ton.

De plus, à la pause, outre la différence quantitative, il y a souvent dans les voyelles des changements de couleur (dont plusieurs du reste correspondent à des changements de quantité). Enfin dans certains cas il y a déplacement du ton.

b Changement purement quantitatif. Très souvent l’effet de la pause consiste uniquement à ajouter un allongement secondaire à la quantité propre de la voyelle, ainsi pour l’ọ̄ long, p. ex. de שָׁלוֹ֑ם ou l’ moyen de יִקְטֹ֑ל.

Il faut remarquer que ◌ַ reste souvent en pause, surtout dans les monosyllabes : ainsi on a toujours אַרְבַּ֑ע, בַּ֑ת ; au futur, devant l’afformante נָה, p. ex. תִּכְבַּ֑דְנָה.

Le ◌ֶ reste en pause dans p. ex. אֱמֶ֑ת (§ 18 l), כַּרְמֶ֑ל ; il reste notamment dans quelques noms du type segolé מֶ֫לֶךְ, p. ex. dans le nom même מֶ֑לֶךְ (§ 96 A c).

c Changements de voyelles.

◌ַ devient très souvent ◌ָ֑, p. ex. קָטַל, קָטָ֑ל ; קָטַ֫לְתָּ, קָטָ֑לְתָּ ; יִכְבַּד, יִכְבָּ֑ד ; מַ֫יִם, מָ֑יִם ; נַ֫עַר, נָ֑עַר.

◌ֶ devient ◌ָ֑ dans la plupart des noms du type segolé מֶ֫לֶךְ, p. ex. קֶ֫שֶׁר, קָ֑שֶׁר (§ 96 A c). Le parfait דִּבֶּר devient דִּבֵּ֑ר.

◌ֵ devient parfois ◌ַ, p. ex. יֵלֵךְ, וַיֵּלַ֑ךְ ; הֵפֵר, הֵפַ֑ר ; יִגָּמֵל, יִגָּמַ֑ל.

L’hitpael du type en ◌ֵ prend ◌ַ֔ en pause moyenne et ◌ָ֑ en grande pause, p. ex. יִתְיַצֵּב, יִתְיַצַ֔ב, יִתְיַצָּ֑ב (§ 53 c) ; יִתְנֶחָ֑ם (§ 29 f).

◌ֹ devient ◌ָ (ici ō̦) dans quelques mots, p. ex. שָׁכֹ֫לְתִּי, שָׁכָ֑לְתִּי Gn 43, 14 (§ 6 l) ; יַֽחֲבשׁ, יֶחְבָּ֑שׁ Job 5, 18 (§ 29 f) ; יִטְרֹף, יִטְרָ֑ף Gn 49, 27 ; יִשֹּׁךְ, יִשָּׁ֑ךְ Dt 23, 20 ; Pr 23, 32. Dans Is 7, 11, au lieu de la forme pausale normale שְׁא֑וֹלָה Gn 42, 38, on a (en pause moyenne) שְׁאָ֔לָה šeʾō̦'lå(h), probablement pour l’assonance avec לְמָ֑עְלָה lemǻʿelå(h) (phonétiquement mō̦)[1].

◌ַ devient ◌ֶ dans la formule לְעוֹלָם וָעֶ֑ד « in saeculum et aeternitatem » (pour עַד).

d Restitution de voyelles. Cas usuels : Parfait : קָֽטְלָה, קָטָ֑לָה ; מָֽלְאָה, מָלֵ֑אָה ; קָֽטְנָה, קָטֹ֑נָה[2] ; Futur : יִכְבְּדוּ, יִכְבָּ֑דוּ ; יִתְּנוּ, יִתֵּ֑נוּ ; יִקְטְלוּ, יִקְטֹ֑לוּ[3] ; יִקְטְלוּן, יִקְטֹל֑וּן ( en prépause se maintient)[4].

אֲנִי, אָ֑נִי ; פְּרִי, פֶּ֑רִי ; חֲצִי ; חֵ֑צִי (forme primitive ḥiṣi̯).

e Déplacement du ton. Le ton monte dans p. ex. אָֽנֹכִ֫י, אָנֹ֑כִי ; au parfait inverti : וְקָֽטַלְתִּ֫י ; וְקָטָ֑לְתִּי.

Le ton descend au futur inverti dans des cas comme : וַיָּ֫קָם, וַיָּקֹ֑ם ; וַיֵּ֫לֶךְ, וַיֵּלַ֑ךְ ; וַיֹּ֫אמֶר, וַיֹּאמַ֑ר.

f Les pauses[5] qui produisent les effets énumérés ci-dessus sont les grandes pauses, à savoir la pause de la fin du verset marquée par l’accent silluq, et la pause du milieu du verset marquée par l’accent atnaḥ. Cependant certains accents indiquant une pause moyenne peuvent avoir quelques-uns des effets des grandes pauses. Tel est en particulier le cas de l’accent zaqef, avec lequel souvent ◌ַ devient ◌ָ (d’où la note massorétique fréquente קָמֵץ בְּזָקֵף, p. ex. Gn 11, 3 ; § 16 d). Cas spécial de אֲנִי § 39 a.

Un même mot peut avoir trois formes : forme de contexte, forme de pause moyenne, forme de grande pause, par ex. אַתָּ֫ה toi avec bref, אַ֔תָּה avec allongé secondairement, אָ֑תָּה avec å allongé secondairement (§ 39 a). On a de même עַתָּ֫ה, עַ֔תָּה, עָ֑תָּה maintenant. Voir aussi la triple forme de יִתְיַצֵּב § c.

g Le ralentissement qui précède la pause explique que dans certains cas on préfère, en pause, des formes plus longues. Ainsi, dans les verbes פ״ן souvent, en pause, on omet l’assimilation du נ, p. ex. יִנְצֹ֑רוּ (§ 72 b). Les terminaisons du futur וּן, ◌ִין avec נ paragogique se trouvent surtout en pause (§ 44 ef). Voir aussi § 62 c, e.

  1. Ce phénomène, comme tant d’autres, suppose pour le signe ◌ָ un timbre unique qui, à la pause, est nécessairement long. Le changement de en ō̦, à la pause, n’est pas plus étonnant que celui de en long. Ces ◌ָ֑ de pause sont probablement les seuls ō̦ longs provenant d’un u primitif.
  2. Un allongé secondairement se maintient (cf. § 18 e).
  3. Un allongé secondairement se maintient (cf. § 18 e).
  4. Un allongé secondairement se maintient (cf. § 18 e).
  5. Certains phénomènes s’expliquent par la prépause : syllabe précédant la syllabe pausale (§ d), ou encore mot précédant le mot pausal (p. ex. § 104 d).