Grammaire de l’hébreu biblique/Écriture/Paragraphe 31

Paul Joüon
Institut biblique pontifical (p. 77-79).
§ 31. Du ton : place et déplacement.

a Les notions essentielles sur le ton ont été données au § 15 ac, à propos des accents. La place du ton, nous l’avons vu, peut être connue matériellement par les accents, dans la plupart des cas. Indépendamment des accents la connaissance du ton relève de la morphologie. D’une façon générale, la place du ton dépend de la nature des syllabes et de la quantité des voyelles. On peut formuler les deux règles négatives suivantes sur les syllabes fermées :

  1. 1) Une syllabe pénultième fermée ne peut pas avoir le ton à moins que la dernière syllabe ne soit ouverte ; p. ex. on a קָטַ֫לְתָּ, mais קְטַלְתֶּ֫ם.
  2. 2) Inversement, une syllabe dernière fermée ne peut être privée du ton, à moins que la syllabe pénultième ne soit ouverte, p. ex. on a וַיָּ֫קָם, וַיָּ֫קֶם, mais וַיִּקְטֹ֫ל, וַיַּקְטֵ֫ל.

b Les différentes formes prises par un mot dans la flexion, et certaines autres causes, comme la pause, peuvent produire un déplacement du ton soit vers le bas du mot (l’accent descend), soit vers le haut du mot (l’accent monte) ; cf. § 15 b.

Souvent quand le mot s’allonge la nouvelle syllabe prend le ton, p. ex. דָּבָ֫ר, pl. דְּבָרִ֫ים : le ton descend sur īm. À la pause le ton descend dans le cas du futur inverti : וַיָּ֫קָם, mais וַיָּקֹ֑ם (§ 32 e).

Au parfait le ton est mileʿel dans קָטַ֫לְתָּ, קָטַ֫לְתִּי, mais il descend dans les formes avec le waw inversif וְקָֽטַלְתָּ֫, וְקָֽטַלְתִּ֫י ; à la pause il remonte וְקָטָ֑לְתָּ (§ 32 e).

Au contraire, au futur inverti le ton remonte dans la mesure du possible (cf. § a), p. ex. on dit יֵלֵ֫ךְ, mais וַיֵּ֫לֶךְ. — À la pause le ton monte dans quelques cas (§ 32 e).

c De plus le ton peut monter pour une cause rythmique, à savoir pour éviter la rencontre de deux syllabes toniques, ce qui arrive quand de deux mots unis par un accent conjonctif le premier a le ton sur la syllabe finale et le second sur la première syllabe[1].

La montée du ton pour cause rythmique s’appelle nesīgah « recul » ou nåsọ̄ḡ ʾåḥọ̄r (נָסוֹג אָחוֹר)[2], à savoir ton « s’éloignant en arrière ».

Pour que la nesīgah soit possible il faut, outre l’observation des deux règles négatives du § a, que, si la dernière syllabe est fermée, elle n’ait pas une voyelle longue. Exemples : קָ֣רָא לָ֑יְלָה Gn 1, 5 ; מַשְׁכִּ֫ימֵי קוּם Ps 127, 2 ; תֹּ֣אכַל לֶ֫חֶם Gn 3, 19 ; mais לְמֵשִׁ֣יב נֶ֫פֶשׁ Ruth 4, 15 (avec ī long).

De plus, les suffixes lourds כֶם, כֶן ; הֶם, הֶן gardent toujours le ton. Mais les afformantes verbales תֶם, תֶן peuvent le céder, p. ex. הֱיִ֣יתֶם לא Job 6, 21.

Dans l’application de la nesīgah, comme des autres lois rythmiques, il faut se rappeler qu’on ne tient compte que des voyelles pleines (§ 27 d). Ainsi l’on dit יֽ֫וֹרְדֵי בוֹר Ps 28, 1 (i̯ọ̄ est censé syllabe pénultième). De même on dit p. ex. בֹּ֣צֵעַ בָּ֑צַע Pr 1, 19 (le pataḥ furtif ne compte pas).

d Cas anormaux. On trouve la nesīgah dans des cas comme אַ֣חַר כֵּן 1 S 10, 5, וְכִ֣חֶשׁ בּוֹ Job 8, 18, en syllabe virtuellement fermée ; וַיַּ֣חֲזֶק בּוֹ Ex 4, 4 en syllabe semi-fermée.

Par contre la nesīgah, parfois, ne se trouve pas dans des cas où elle est attendue, p. ex. הָֽיְתָ֥ה תֹ֙הוּ֙ Gn 1, 2.

  1. Il n’y a donc pas rencontre quand l’accent est disjonctif, p. ex. וְיָֽשַׁבְתָּ֖ שָׁם 1 R 2, 36 ; ni quand il y a maqqef, car alors le premier mot devient proclitique.
  2. נָסוֹג participe nifal de סוּג.