Grammaire de l’hébreu biblique/Écriture/Paragraphe 27

Paul Joüon
Institut biblique pontifical (p. 68-69).
§ 27. De la syllabe.

a En hébreu, comme en d’autres langues, la division en syllabes n’est pas toujours possible[1]. Quand elle est possible, on a des syllabes normales ; quand elle n’est pas possible, on ne peut parler que de syllabes improprement dites ou anormales.

b Une syllabe normale est ouverte ou fermée.

La syllabe ouverte se termine par une voyelle : dans קָֽטְלָה « elle a tué » qå-ṭe-lå(h), et sont des syllabes ouvertes.

La syllabe fermée se termine par une consonne : dans אָכְלָה « nourriture » ʾọḵ-lå(h), מַלְכִּי « mon roi » ma̦l-kī, les syllabes ʾo̦ḵ, ma̦l sont fermées.

Quand la consonne qui ferme la syllabe est longue, la syllabe est dite aiguë, p. ex. עַמִּי ʿam-mī, אִמִּי, חֻקִּי ; לָ֫מָּה, יָסֵ֫בּוּ, יָסֹ֫בּוּ.

c Les syllabes anormales en hébreu sont des syllabes imparfaitement fermées. On peut distinguer :

  1. 1) la syllabe semi-fermée[2]. Elle se trouve : dans le cas du shewa moyen (§ 8 d), p. ex. מַלְכֵי ma̦leḵẹ̄ ; dans le cas du ḥaṭef auxiliaire (§ 22 a), p. ex. יַֽעֲמֹד *i̯a̦ʿmọḏ ; dans le cas d’une voyelle pleine auxiliaire remplaçant un ḥaṭef auxiliaire (§ 22 c), p. ex. יַֽעַמְדוּ i̯a̦ʿa̦meḏū ; dans le cas de la voyelle auxiliaire des formes segolées, par exemple סֵ֫פָר sẹ́fe̦r (proprement sẹ́fe̦r, § 96 A b), וַיִּ֫גֶל u̯a̦i̯i̯íḡe̦l (forme apocopée de יִגְלָה, § 79 i)[3].
  2. 2) la syllabe virtuellement fermée. C’est une simple variété de la syllabe semi-fermée, celle qu’on a dans le cas du redoublement virtuel, p. ex. וַיְקַטֵּל u̯a̦i̯eqa̦ṭṭẹl (§ 18 b), יְבַעֵר (§ 20 a) ; אַחִים (redoublement spontané, § 20 c).

d Remarques. 1) Les demi-voyelles, à savoir le shewa mobile et les ḥaṭef en position de shewa mobile, constituent des demi-syllabes, p. ex. dans קָֽטְלָה, קְטֹל, עֲמֹד.

Dans les lois rythmiques on ne tient compte que des syllabes pleines ; ainsi dans יֽ֫וֹרְדֵי בוֹר Ps 28, 1, le premier mot est compté comme dissyllabe (cf. § 31 c). De même, on ne tient pas compte des voyelles auxiliaires ; p. ex. dans נַ֣עַמְדָה יָ֑חַד Is 50, 8 le premier mot est compté comme dissyllabe (cf. § 22 c).

2) Une syllabe est censée commencer toujours par une consonne, et graphiquement il en est ainsi. Mais phonétiquement la syllabe commence parfois par une voyelle ; tel est souvent le cas avec א, p. ex. dans des mots comme אָמַר, בֵּאֵר où l’א n’est pas prononcé (§ 24 c), dans le cas du וּ initial (§ 26 e) et peut-être du י initial (§ 26 e).

  1. Sur ce phénomène important de phonétique, voir notamment Jespersen, Elementarbuch der Phonetik (1912) p. 153, Lehrbuch der Phonetik2 (1913) p. 202, où il donne de bons exemples de l’allemand, dont quelques-uns ont leurs analogues en hébreu.
  2. Ce terme est préférable à semi-ouverte, car les voyelles sont celles de syllabe fermée.
  3. Dans ces formes la dernière voyelle est en réalité très brève ; au contraire, la voyelle finale est brève dans les formes comme וַיֵּ֫שֶׁב (du futur יֵשֵׁב) où le ◌ֶ n’est pas auxiliaire (division syllabique : u̯a̦i̯-i̯ẹ́-še̦ḇ).