Grammaire de l’hébreu biblique/Écriture/Paragraphe 28

Paul Joüon
Institut biblique pontifical (p. 69-71).
§ 28. Des voyelles
par rapport aux diverses espèces de syllabes.

a Il y a certains rapports entre telle espèce de voyelles et telle espèce de syllabes[1]. Certaines voyelles sont impossibles ou exceptionnelles dans certaines positions. Nous donnerons un tableau pratique des rapports les plus usuels, qui permettra à l'étudiant d’éviter certaines fautes grossières dans la vocalisation des textes. Nous considérons ici les voyelles ◌ָֽ, ◌ֵ, ◌ֹ comme moyennes, les voyelles correspondantes ◌ַ, ◌ֶ, ◌ָ comme brèves ; autrement dit, nous supposons la quantité qu’ont normalement ces voyelles en syllabe atone (cf. § 6 g). Les voyelles longues ◌ִי, וּ et les voyelles brèves ◌ִ, ◌ֻ ne font pas difficulté : ces dernières ne se trouvent qu’en syllabe fermée atone, p. ex. יִקְטֹל, יֻקְטַל.

b A. 1) En syllabe ouverte atone on peut avoir des voyelles :

  • Longues : תְּקוּמֶ֫ינָה, תְּקִימֶ֫ינָה, קֹטֵל (de qāṭil), אֱלֹהִים (de ʾilāhīm).
  • Moyennes : שָׁלוֹם, עֵנָב, גְּבֹהָה (mais ◌ֹ seulement devant une gutturale, § 18 d).
  • Brèves : seulement dans des cas spéciaux, p. ex. avec le ה interrogatif § 102 n : הַֽאֵלֵךְ « irai-je ? », הֶֽחָכָם « num sapiens ? » ; très rarement ◌ָ, p. ex. קָֽדָשִׁים (§ 6 l) ; mais cf. § e.
  • Très brèves : à savoir les haṭef : אֲנִי, אֱנוֹשׁ, אֳנִי « vaisseau ».

2) En syllabe ouverte tonique on peut avoir des voyelles :

  • Longues : יָק֫וּמוּ, יָקִ֫ימוּ, נָק֫וֹמָה.
  • Moyennes : אַתָּה, וְקָֽטַלְתָּ֫, קְטָלָ֫נוּ, לָ֫נוּ ; יִקְטְלֵ֫הוּ, סוּסֵ֫נוּ ; jamais ◌ֹ.
  • Brèves : seulement dans des cas spéciaux, p. ex. קְטָלַ֫נִי, יִקְטְלֶ֫הָ ; jamais ◌ָ (ni ◌ִ, ◌ֻ) ; mais cf. § e.

c B. 1) En syllabe fermée atone on peut avoir des voyelles :

  • Brèves (seulement) : מַלְכִּי, חֶלְקִי, קָדְשׁי, וַיָּ֫קָם, חָנֵּ֫נִי.

2) En syllabe fermée tonique non finale on peut avoir des voyelles :

  • Moyennes : יָ֫מָּה, לָ֫מָּה, תַּקְטֵ֫לְנָה, תִּקְטֹ֫לְנָה.
  • Brèves : ◌ַ normalement : תִּכְבַּ֫דְנָה ; rarement ◌ֶ et seulement en syll. aiguë, p. ex. dans les suffixes ◌ֶ֫נּוּ, ◌ֶ֫נִּי etc. ; jamais ◌ָ (ni ◌ִ, ◌ֻ).

3) En syllabe fermée tonique finale on peut avoir des voyelles :

  • Longues : יָקוּם, יָקִים, קָטוֹל.
  • Moyennes : דָּבָר, כָּבֵד, קָטֹן.
  • Brèves : souvent ◌ַ : קָטַל, קִטַּל (forme de liaison) ; assez rarement ◌ֶ : דִּבֶּר, אֱמֶת, כַּרְמֶל ; suffixes כֶם, כֶן ; תֶם, תֶן ; jamais ◌ָ (ni ◌ִ, ◌ֻ).

d Remarques. 1) En syllabe atone, une voyelle primitive brève reste brève en syllabe fermée et devient moyenne en syllabe ouverte. Il se produit ainsi un certain isochronisme syllabique. Ainsi la première syllabe qiṭ de קִטֵּל et la première syllabe bẹ de בֵּרַךְ sont à peu près isochrones.

e 2) Les voyelles brèves et moyennes (§ a), dans les mêmes conditions de syllabe et de ton, doivent avoir une quantité à peu près égale. Ainsi ◌ֶ dans דִּבֶּר, en syllabe fermée tonique, doit être en réalité moyen comme le ◌ֵ de la forme normale קִטֵּל. De même ◌ֶ dans יִקְטְלֶ֫הָ est moyen comme le ◌ֵ de יִקְטְלֵ֫הוּ ; ◌ֶ dans מֶ֫לֶךְ et ◌ַ dans נַ֫עַר sont moyens comme ◌ֵ et ◌ֹ dans סֵ֫פֶר et קֹ֫דֶשׁ ; ◌ִ dans יִ֫גֶל est moyen comme ◌ֵ dans יֵ֫רֶא ; ◌ַ dans קָטַל est moyen comme ◌ָֽ, ◌ֵ, ◌ֹ dans דָּבָר, כָּבֵר, קָטֹן ; ◌ַ dans קְטָלַ֫נִי est moyen comme ◌ֵ dans יִקְטְלֵ֫נִי ; le ◌ָ anormal de קָֽדָשִׁים qo̦-ḏå-šīm (§ 6 l) doit être moyen comme le ◌ָֽ de פָּֽרָשִׁים på-rå-šīm.

Une voyelle posttonique (non primitivement longue) doit être brève, p. ex. ◌ָ dans הֵ֫מָּה (à côté de הֵם), קָטַ֫לְתָּ, אַ֔תָּה, אָ֑תָּה (comp. ʾánti, ʾátti devenu אַתְּ) ; ◌ִי[2] dans קָטַ֫לְתִּי ; וּ[3] dans אֲנַ֫חְנוּ, וַיִּשְׁתַּ֫חוּ (§§ 26 d, 79 t).

De même ◌ָֽ est bref dans le cas du deḥīq (§ 18 i) לְכָה־נָּא et du mẹra̦ḥīq (§ 18 j) חָפַ֣צְתָּ בָּהּ.

Malgré l’identité essentielle de quantité il a pu exister de légères différences ; ainsi le ◌ֵ de קִטֵּל était considéré comme un peu plus long que le ◌ַ de la forme de liaison קִטַּל[4].

3) De la nature énergique du ton en hébreu (§ 15 a) on peut conclure qu’une voyelle tonique brève devient en réalité moyenne, qu’une voyelle moyenne posttonique devient brève[5], qu’une voyelle en pause est longue à des degrés divers.

4) On le voit, la quantité réelle des voyelles est une question complexe et délicate. Pour la déterminer, la graphie (signes vocaliques, matres lectionis) est insuffisante ; il faut, dans chaque cas, considérer la nature de la syllabe et sa position par rapport au ton.

  1. C’est ainsi qu’en français moderne, e en syllabe fermée est toujours un ouvert. L’orthographe académique événement suppose la prononciation de l’e muet et la division syllabique é-vé-ne-ment ; en réalité, l’e muet n’étant plus prononcé, le mot devient phonétiquement é-vèn-ment.
  2. À la finale un i bref et un u bref demandaient une mater lectionis.
  3. À la finale un i bref et un u bref demandaient une mater lectionis.
  4. En araméen biblique, en syllabe fermée tonique finale, les voyelles moyennes ◌ִ, ◌ֻ sont censées un peu plus longues que ◌ֵ, ◌ֹ (cf. § 47 d). Sur la quantité réelle de ◌ܶ et de ܘܿ en syriaque, voir les remarques instructives de Nöldeke, Syrische Grammatik2, §§ 47, 48.
  5. L’abrègement apparaît clairement, en syllabe fermée dans des cas comme jussif יָקֹם, וַיָּ֫קָם ; יָקֵם, וַיָּ֫קֶם.