Grammaire de l’hébreu biblique/Morphologie/Verbe/Paragraphe 48

Paul Joüon
Institut biblique pontifical (p. 107-109).
§ 48. Impératif.

a L’impératif est le mode volitif de la 2e personne. La flexion de l’impératif se fait au moyen des afformantes ◌ִי, וּ, נָה du futur. Le thème de l’impératif est celui du futur, p. ex. קְטֹל tue comme dans תִּקְטֹל tu tueras.

D’une façon générale, quand dans un futur la forme du jussif diffère de celle de l’indicatif, l’impératif, mode volitif, prend la voyelle du jussif, mode volitif, p. ex. dans le verbe régulier, au hifil, on a impératif הַקְטֵל avec le ◌ֵ du jussif יַקְטֵל ; de même dans les verbes ע״ו on a הָקֵם comme יָקֵם. Cependant au qal des verbes ע״ו à côté du jussif יָקֹם on a (anormalement) l’impératif קוּם (§ 80 c). Si l’on admet, avec certains philologues modernes, que l’impératif a précédé le futur, il faut dire que le jussif est un impératif à la 2e et à la 3e personne.

La voyelle de l’impératif est très généralement la voyelle du futur (jussif), p. ex. קְטֹל comme יִקְטֹל, כְּבַד comme יִכְבַּד, תֵּן comme יִתֵּן. Les exceptions paraissent très rares[1].

Dans les conjugaisons dérivées, l’impératif ressemble également au futur pour la vocalisation : nifal הִקָּטֵל comme יִקָּטֵל, piel קַטֵּל comme יְקַטֵּל, hifil הַקְטֵל comme jussif יַקְטֵל, hitpael הִתְקַטֵּל comme יִתְקַטֵּל.

Aux conjugaisons proprement passives (pual, hofal) l’impératif n’existe pas. On signale deux exceptions : הָשְׁכְּבָה Éz 32, 19 qui signifierait probablement sois gisant (cf. מֻשְׁכָּב qu’on a couché, gisant 2 R 4, 32 †) ; הָפְנוּ (⸮) Jér 49, 8 qui signifierait soyez tournés.

b Dans קְטֹל, כְּבַד, תֵּן la voyelle est moyenne comme dans les futurs correspondants (§ 44 c) ; elle tombe devant les afformantes ◌ִי, וּ, ◌ָה (§ d), p. ex. קִטְלִי ; mais se maintient en pause, p. ex. גְּזֹ֑רוּ 1 R 3, 26 ; שְׁמָ֑עוּ ; תֵּ֑נִי Is 43, 6. L’ étant moyen, la graphie קְטוֹל, qu’on trouve parfois, doit être considérée comme abusive.

c Remarques sur la flexion.

Dans le type כְּבַד, on a formé *kabe etc., d’où par affaiblissement de a en i כִּבְדִֿי[2]. L’a ne s’est conservé que dans les verbes à 2e gutturale, p. ex. שַֽׁחֲטִי.

Dans le type קְטֹל la forme symétrique attendue est קָטְלִי avec . On a toujours cette forme en avec les suffixes, p. ex. קָטְלֵ֫נִי (§ 64 a) et très ordinairement avec le ◌ָה paragogique, p. ex. קָטְלָה (§ d). Au contraire, avec les afformantes ◌ִי, וּ la forme en est assez rare, p. ex. מָלְכִֿי Jug 9, 10 ; מָשְׁכֿוּ Éz 32, 20 ; les formes ordinaires sont en effet קִטְלִי, קִטְלוּ (semblables à כִּבְדִי, כִּבְדוּ). La supplantation de קָטְלִי, קָטְלוּ par קִטְלִי, קִטְלוּ est difficile à expliquer ; peut-être est-elle due à l’analogie des types כִּבְדִי, כִּבְדוּ.

d Impératif avec ◌ָה paragogique. Au sing. masc. on a souvent une forme augmentée du ◌ָה paragogique, lequel originairement est emphatique, mais pratiquement ne semble souvent ajouter aucune nuance. Avec le type קְטֹל la forme est très ordinairement קָטְלָה (§ c), rarement קִטְלָה, p. ex. מִכְרָה Gn 25, 31 (avec gutturale, p. ex. עֶרְכָֿה Job 33, 5 ; אֶסְפָֿה Nb 11, 16). Dans le type כְּבַד on a naturellement כִּבְדָה, p. ex. שִׁכְבָה, שִׁמְעָה ; exception קָרְבָֿה Ps 69, 19 malgré קְרַב[3].

Cette afformante ◌ָה est traitée comme les afformantes ◌ִי, וּ (§§ b, c) ; ainsi les formes pausales sont קְטֹ֑לָה, כְּבָ֑דָה, לֵ֑כָה.

La raison qui fait souvent préférer la forme en ◌ָה semble d’ordinaire purement euphonique. L’usage est du reste très variable ; ainsi on a תְּנָה 23 fois et תֵּן 16 fois ; au contraire לֵךְ est beaucoup plus fréquent que לְכָה (écrit 3 fois לְךָ). On a toujours ח֫וּשָׁה hâte-toi (8 f., dont 7 dans Ps), הַגִּ֫ישָׁה fais approcher (5 f.), ע֫וּרָה éveille-toi (6 f., dans Ps), הִשָּֽׁבְעָה jure (5 f.), הַקְשִׁ֫יבָה prête l’oreille, écoute (9 f. ; 1 f. הַקְשֵׁב Job 33, 31).

La nuance ajoutée par ◌ָה étant pratiquement insensible, pour avoir un sens plus fort, on ajoute la particule de sentiment נָא (cf. § 45 b), p. ex. לֶךְ־נָא Gn 27, 9 ; לְכָה־נָּא Nb 23, 27 va donc ; va, je te prie (cf. § 105 c).

  1. Dans le verbe fort je trouve seulement סְעָד־ Jug 19, 8 (cf. v. 5) malgré le futur יִסְעַד.
  2. Le shewa est moyen, et par conséquent la begadkefat rafé (§ 19 f). De même, naturellement, dans les impératifs du type קְטֹל, p. ex. מָלְכִֿי. — La forme primitive semble être *qutl, devenu *qetul > קְטֹל. Le shewa moyen serait le vestige de la voyelle postposée. D’autres admettent une forme primitive *qutul.
  3. Ici encore le shewa est moyen (cf. § c N).