Grammaire de l’hébreu biblique/Écriture/Paragraphe 19

Paul Joüon
Institut biblique pontifical (p. 58-59).
§ 19. Spiration des consonnes begadkefat.

a La double prononciation des begadkefat a été indiquée § 5 o ; nous avons parlé du dagesh doux, signe de la prononciation explosive § 10, et du rafé, signe de la prononciation spirante § 12.

b Loi des begadkefat. Une consonne begadkefat garde sa valeur première d’explosive si elle n’est précédée d’aucun élément vocalique ; elle devient spirante si elle est précédée d’un élément vocalique, si minime soit-il (p. ex. un shewa prononcé mobile ou moyen).

Cette loi est fondée sur la tendance naturelle à l’inertie. L’émission explosive d’une begadkefat exige dans son premier temps la fermeture des organes, tandis que l’émission spirante comporte une certaine ouverture. D’autre part, l’émission d’une voyelle quelconque exige une ouverture notable des organes. Après une voyelle, les organes qui ont la position d’ouverture ont naturellement moins d’effort à faire pour prendre la position de moindre ouverture requise par une spirante que la position de fermeture requise par une explosive[1].

c Au commencement d’un mot la begadkefat est explosive si le mot est en début absolu ou si le mot précédent finit par une consonne. Si le mot précédent finit par une voyelle elle est spirante s’il y a liaison, elle est explosive s’il y a séparation (accent disjonctif). Opposer p. ex. וַֽיְהִי־כֵן Gn 1, 7 et וַיְהִ֕י כַּֽאֲשֶׁר Jug 11, 5 (zåqef gådọ̄l).

d Les quiescentes א, ה, ו, י, évidemment, n’empêchent pas la spiration. Mais ו, י prononcés (cf. § 7 d) empêchent généralement la spiration (ce qui prouve leur caractère consonantique), p. ex. יָדָ֣יו תְּבִיאֶ֫ינָה Lév 7, 30 ; עָלַי פִּיהֶם Ps 22, 14. De même à l’intérieur du mot, p. ex. שָׁלַ֫וְתּי Job 3, 26.

e Exception. La spiration n’a pas lieu dans la begadkefat initiale des groupes בְּב, בְּפ, כּכ, après voyelle, p. ex. וַיְהִ֣י בְּבוֹאָהּ Jug 1, 14. On évite ainsi deux spirantes semblables ou analogues.

f Au milieu ou à la fin d’un mot, une begadkefat est explosive après un shewa quiescent, spirante après une voyelle ou un shewa prononcé (mobile ou moyen). Exemples יִכְבַּד i̯iḵ-ba̦ḏ (shewa quiescent) ; impér. pl. כִּבְדוּ kiḇeḏū (shewa moyen) ; parfait 3e fém. כָּֽבְדָה kå-ḇe-ḏå(h) (shewa mobile) ; מַלְכִּי ma̦l-kī (shewa quiescent) ; מַלְכֵי ma̦leḵẹ̄ (shewa moyen).

Les exceptions principales sont 1) le type שָׁלַ֫חַתְּ (2e fém. des verbes à 3e gutturale, pour שָלַחְתְּ*) où le pataḥ auxiliaire ne produit pas la spiration du תּ (§ 70 f)  ; 2) le mot שְׁתַּ֫יִם šeta̦i̯im où, pour une raison spéciale, le shewa mobile ne produit pas la spiration du תּ (§ 100 c).

  1. Cf. Sievers, Metrische Studien, 1, p. 15, N. 1.