Grammaire de l’hébreu biblique/Morphologie/Verbe/Paragraphe 47

Paul Joüon
Institut biblique pontifical (p. 105-107).
§ 47. Futur inverti וַיִּקְטֹל.

a Le futur inverti, p. ex. וַיִּקְטֹל et il a tué, a le waw fort, c.-à-d. un waw ayant la voyelle a laquelle fait pression (comme celle de l’article § 35 b, et celle du pronom מה § 37 c) sur la consonne suivante, qui, en conséquence, est redoublée. Le redoublement est omis dans יְ, p. ex. וַיְקַטֵּל (§ 18 m).

Avec le waw inversif la forme verbale subit, dans la mesure où le permettent les lois phonétiques, deux changements : 1) la voyelle finale s’abrège, comme au jussif (§ 46 a) ; 2) le ton monte, et en conséquence la voyelle posttonique devient brève. Tantôt on a le premier changement, tantôt le second, tantôt aucun des deux. Exemples : וַיִּקְטֹל (la voyelle ne peut pas plus s’abréger ici qu’au jussif ; le ton ne peut pas monter § 31 a) ; וַיַּקְטֵל (la voy. de יַקְטִיל s’abrège comme au jussif ; le ton ne peut pas monter) ; וַיָּקֹ֑ם (la voyelle de יָקוּם s’abrège comme au jussif יָקֹם ; mais en pause le ton est mileraʿ, et l’ est allongé secondairement) ; וַיָּ֫קָם (le ton monte ; la voyelle moyenne ◌ֹ, devenue posttonique, s’abrège en ◌ָ) ; וַתְּגָ֫רֶשׁ Jos 24, 12 (piel) ; וַיְבָ֫רֶךְ (avec l’omission du redoublement dans יְ)[1].

b Dans certains cas où le ton, d’après les lois phonétiques générales (§ 31 a), pourrait monter, il ne monte pas. On remarquera les cas suivants :

  1. 1) Dans le futur qal en a des verbes פ״ו, פ״י : וַיִּירַ֫שׁ, וַיִּיטַ֫ב.
  2. 2) Les formes avec א final : וַיָּבֹ֫א, וַיָּבֵ֫א ; וַיֵּצֵ֫א, וַיֹּצֵ֫א ; וַיִּירָ֫א.
  3. 3) Au nifal, généralement le ton ne monte pas, p. ex. וַיִּוָּלֵד. Mais il y a d’assez nombreuses exceptions ; ainsi on a toujours וַיִּלָּ֫חֶם, on a 7 fois וַיִּנָּ֫חֶם (2 fois mileraʿ). Remarquer les formes avec ◌ַ tonique וַיִּשָּׂבַ֫ע, וַיִּשָּׁמַ֫ע, וַיִּוָּדַ֫ע, וַיִּוָּעַ֫ץ, וַתֵּֽעָצַ֫ר. À côté de וַיֵּֽאָסֵ֫ף Nb 11, 30 ; Jug 20, 11 † on a toujours la forme mileʿel dans la formule וַיֵּאָ֫סֶף אֶל־עַמָּֽיו et il fut réuni aux siens (toujours en fin de verset : Gn 25, 8, 17 ; 35, 29 ; 49, 33 ; Dt 32, 50 †).

Pour le piel des verbes à 2e gutturale, cf. § 69 d.

c Dans les verbes ל״ה l’abrègement aboutit à une apocope comme au jussif (§ 46 b), p. ex. יִגְלֶה, וַיִּ֫גֶל.

d À la 1re personne sing. il y a plusieurs particularités. Devant la gutturale א, qui ne peut être redoublée, l’a, en syllabe ouverte, est ◌ָ p. ex. וָֽאֶקְטֹל. Le ton ne remonte pas (p. ex. וָֽאָקוּ֫ם)[2]. Presque toujours, dans les cas de ce genre, on écrit sans mater lectionis, p. ex. וָֽאָקֻ֫ם, וָֽאָקִ֫ם. Cette graphie défective semble indiquer que la voyelle u, i était un peu abrégée, et par conséquent d’une quantité intermédiaire entre וּ, ◌ִי et ◌ֹ, ◌ֵ[3].

Outre la forme normale וָֽאֶקְטֹל, il existe une forme secondaire וָֽאֶקְטְלָה avec ◌ָ֫ה paragogique (comme dans le cohortatif § 45) ayant absolument le même sens que וָֽאֶקְטֹל et j’ai tué, et dans laquelle, par conséquent, ◌ָה n’a pas de valeur sémantique. La forme וָֽאֶקְטְלָה se trouve surtout dans certains livres postérieurs, en particulier dans Daniel, Esdras et Néhémie[4]. Le ◌ָה du futur inverti וָֽאֶקְטְלָה est sans doute à l’analogie du ◌ָה du cohortatif indirect וְאֶקְטְלָה afin que je tue ; son existence est probablement due à une cause rythmique.

e À la 1re pers. plur. la forme ordinaire est normale, par exemple וַנִּקְטֹל, וַנָּ֫קָם. On trouve aussi quelques rares formes avec le ◌ָה paragogique. Böttcher (t. 2, p. 199) cite 6 exemples : Gn 41, 11 ; 43, 21 ; Ps 90, 10 ; Esd 8, 23 (וַנָּצ֫וּמָה וַנְּבַקְשָׁה) ; 8, 31. Le ◌ָה de וַנִּקְטְלָה est probablement à l’analogie du cohortatif indirect וְנִקְטְלָה afin que nous tuions.

  1. La négation prohibitive אַל tend aussi à faire monter le ton, p. ex. אַל־תָּ֫שֶׁב 1 R 2, 20 (comparer וַתָּ֫שֶׁב), אַל־תָּ֫שֶׁת Ex 23, 1, mais אַל־יָנַ֫ע 2 R 23, 18 (gutturale) § 80 k N.
  2. Pour les verbes ל״ה cf. § 79 m N.
  3. En araméen biblique, ◌ֻ ◌ִ moyens sont considérés comme un peu plus longs que ◌ֹ ◌ֵ (cf. § 28 e N).
  4. Pour le détail voir Kropat, Syntax der Chronik, p. 75.