Grammaire de l’hébreu biblique/Morphologie/Verbe/Paragraphe 59

Paul Joüon
Institut biblique pontifical (p. 127-128).
§ 59. Conjugaisons rares.

a Outre les conjugaisons ordinaires énumérées ci-dessus, l’hébreu a plusieurs conjugaisons plus ou moins rares, dont la plupart se rattachent à la conjugaison intensive.

1) La plus fréquente est la conjugaison pọ̄ẹl[1] qui représente diverses formes. Dans le verbe fort, pọ̄ẹl est proprement un pọ̄ʿẹl ; passif pọ̄ʿa̦l ; réfléchi hiṯpọ̄ʿẹl. Les formes primitives de l’actif sont pf. qātal(a), fut. i̯uqātil(u). Au futur la forme devient normalement יְקוֹטֵל ; le parfait קוֹטֵל est à l’analogie du futur, comme si souvent en hébreu. La forme qātala avec l’allongement de la 1re voyelle, comme qattala avec l’allongement de la 2e consonne, exprime une certaine nuance d’intensité. Exemple : מְשֹֽׁפְטִי exerçant un jugement envers moi Job 9, 15 (⸮).

Dans les verbes ע״ו, où elle est usuelle, la forme pọ̄ẹl est proprement un pọ̄lẹl, p. ex. קוֹמֵם relever. L’origine de cette forme est discutée (§ 80 h).

Dans les verbes ע״ע, où elle n’est pas fréquente, la forme pọ̄ẹl est proprement un pọ̄ʿẹʿ, p. ex. סוֹבֵב entourer. L’origine de cette forme est aussi discutée (§ 82 e).

b 2) La forme pa̦ʿlẹl (ou avec affaiblissement de a en i  : piʿlẹl) a pour passif puʿla̦l et pour réfléchi hiṯpa̦ʿlẹl. Exemples : שַֽׁאֲנַן ê. tranquille (de l’adj. שַֽׁאֲנָן), רַֽעֲנַן ê. verdoyant (de l’adj. רַֽעֲנָן) ; passif אֻמְלַל se flétrir. Le hiṯpa̦ʿlẹl n’est guère représenté que par le fréquent הִשְׁתַֽחֲוָה adorer, se prosterner (de שׁחה § 79 t).

c 3) La forme pilpẹl, avec répétition de la 1re et de la dernière consonne, se trouve dans les verbes ע״ו où elle est proprement un pilpẹl, et dans les verbes ע״ע où elle est proprement un piʿpẹʿ. Dans plusieurs cas il est difficile de décider entre ces deux classes de verbes. Le passif est pulpa̦l et le réfléchi hiṯpa̦lpẹl. Exemples : גִּלְגֵּל faire rouler et הִתְגַּלְגֵּל se précipiter en roulant (de גלל) ; טִלְטֵל lancer (de טול) ; le fréquent כִּלְכֵּל entretenir qn, passif כָּלְכַּל (probt de כיל) ; הִתְמַהְמַהּ hésiter (racine ?).

d 4) La forme très rare peʿa̦lʿa̦l se trouve dans סְחַרְחַר palpiter Ps 38, 11 (harmonie imitative) ; passif חֳמַרְמַר ê. en effervescence Lam 1, 20 ; 2, 11 ; devenir rouge (autre racine ; Job 16, 16).

e 5) On trouve de plus certaines formes isolées qui sont probablement dénominatives, p. ex. תְּתַֽחֲרֶה tu t’échauffes, disputes Jér 12, 5 est dénominatif d’un תַּֽחֲרָה* qui se trouve dans Ben Sira 31, 29 ; 40, 5 ; תִּרְגַּ֫לְתִּי j’ai guidé les pas Os 11, 3.

f La forme du néo-hébreu niṯpa̦ʿʿẹl, pour le réfléchi de l’intensif, forme hybride avec le נ du nifal ajouté au hitpael, se trouverait dans Éz 23, 48 וְנִוַּסְּרוּ (pour וְנִתְוַסְּרוּ ?) et elles se laisseront corriger (mais on peut vocaliser en nifal וְנֽוֹסְרוּ) et dans Dt 21, 8 וְנִכַּפֵּר (pour וְנִתְכַּפֵּר ?) et il sera expié (mais probablement fautif pour וִיכֻפַּר).

  1. Nous désignons par cette transcription imprécise les formes à 1re voyelle ọ̄ et 2e voyelle .