Grammaire de l’hébreu biblique/Morphologie/Verbe/Paragraphe 58

Paul Joüon
Institut biblique pontifical (p. 125-127).
§ 58. Le passif du qal.

a En sémitique primitif, comme actuellement en arabe, le passif de l’action simple était du type : pf. qutil(a)[1], fut. i̯uqtal(u).

Futur. En hébreu la forme primitive est restée (יָ‏)יֻקְטַל. Or cette forme est matériellement semblable à celle qu’a prise le futur hofal avec syncope du ה : יֻקְטַל pour יְהֻקְטַל*[2].

Parfait. En hébreu la forme primitive qutil est devenu qutal, avec 2e voyelle a, à l’analogie du futur, comme dans les autres conjugaisons passives (§ 55 b). Or un u en syllabe ouverte ne se maintient pas ; la syllabe doit donc devenir fermée, ce qui se fait par un redoublement secondaire de la consonne (non-gutturale), cf. § 18 e ; qutal doit donc devenir quttal. Or cette forme est matériellement semblable au parfait pual קֻטַּל.

Ainsi donc, il se trouve qu’actuellement, au parfait, le passif du qal se confond avec le pual, au futur, avec le hofal. Aussi les anciens grammairiens considèrent-ils toutes les formes קֻטַּל comme des pual, et toutes les formes יָקְטַל comme des hofal. Mais, en soi, ces formes peuvent aussi bien être des passifs du qal. Il faut donc, dans chaque cas, examiner les raisons particulières pour lesquelles la forme peut, ou ne peut pas, être un passif du qal. Étant donnée une forme קֻטַּל, si la conjugaison active piel n’existe pas, tandis que le qal existe, et si le sens n’est pas celui d’un passif du piel, la forme devra être regardée comme un passif du qal. De même étant donnée une forme יָקְטַל, si la conjugaison active hifil n’existe pas, tandis que le qal existe, et si le sens n’est pas celui d’un passif du hifil, la forme devra être regardée comme un passif du qal.

Ainsi לֻקַּח il a été pris et יֻקַּח il sera pris (§ 72 j) sont très probablement des passifs du qal, car le sens n’est pas celui d’un passif du piel ou du hifil, mais celui du passif de l’action simple ; et de plus le piel et le hifil n’existent pas, tandis que le qal existe. De même le parfait יֻלַּד il a été enfanté, il est né est un passif du qal[3] : le sens est celui du passif du qal, non du piel lequel signifie accoucher (sage-femme, § 52 d)[4]. De même encore le futur יֻתַּן[5] il sera donné (§ 72 i) : le sens est celui du passif du qal, et le hifil n’existe pas ; de même le parfait אֻכַּל il a été mangé : le piel n’existe pas. Il y a un bon nombre d’exemples plus ou moins probables qu’on trouvera signalés dans les dictionnaires modernes.

b Au parfait qal passif קֻטַּל correspond un participe קֻטָּל, comme au parfait נִקְטַל correspond un participe נִקְטָל. Ainsi on a אֻכָּל mangé, consumé, Ex 3, 2, répondant au parfait אֻכַּל ; יוּלָד (pour יֻלָּד) , Jug 13, 8 répondant au parfait יֻלַּד ; לֻקָּח pris, emporté, 2 R 2, 10, répondant au parfait לֻקַּח (cf. § 56 c).

c Quelques infinitifs semblent aussi appartenir au passif du qal, ainsi הֻלֶּ֫דֶת naître, naissance (cf. Biblica 1, 360), שִׂים ê. mis (ib., 362) 2 S 14, 7 ; Job 20, 4.

d Le passif du qal dont il reste encore, comme on le voit, quelques vestiges, disparut peu à peu de la conscience linguistique de l’hébreu pour les raisons phonétiques indiquées et aussi parce que le nifal ayant pris peu à peu le sens passif, l’avait rendu à peu près inutile.

  1. Cf. Brockelmann, 1, p. 537.
  2. Semblablement en arabe le futur qal i̯aqtul et le futur du causatif i̯uqtil ont au passif la même forme i̯uqtal.
  3. Comparer en arabe le parfait u̯ulida وُلِدَ il est né.
  4. Cf. Biblica 1, p. 359 sq.
  5. Dans les lettres de Tell el Amarna on a 3 fois i̯u-da-an « il a été donné ».