Grammaire de l’hébreu biblique/Morphologie/Nom/Paragraphe 96B
avec deux voyelles brèves primitives.
a Dans cette catégorie rentrent les noms des formes qatal, qital, qatil, qatul. Nous les examinerons dans cet ordre, renvoyant toutefois à la fin (§ f) la forme qatal des ל״ה.
b Flexion de 12. דָּבָר parole. Forme qatal (cf. § 88 D a). La forme primitive dabar devient normalement דָּבָר à l’état abs., דְּבַר à l’état cst. Le thème lourd דְּבָר s’emploie avec les suffixes légers : דְּבָרִי, דְּבָֽרְךָ etc., le thème léger דְּבַר avec les suffixes lourds : דְּבַרְכֶֿם. — Pluriel. La forme primitive dabarīm devient normalement דְּבָרִים à l’état absolu, daḇerẹ̄[1] à l’état cst., d’où généralement, avec affaiblissement de a en i (§ 29 g) : דִּבְרֵי. Le shewa de דִּבְרֵי est moyen ; cf. כִּזְבֵֿיהֶם leurs mensonges (mais עַנְפֵּיהֶם leurs branches). — Le thème lourd דְּבָר de l’état absolu s’emploie avec les suffixes légers : דְּבָרַי, le thème léger דִּבְר de l’état cst. דִּבְרֵי avec les suffixes lourds : דִּבְרֵיכֶם. — La forme primitive du duel *kanap̄ái̯im devient normalement abs. כְּנָפַ֫יִם ailes, cst. כַּנְפֵֿי (shewa moyen ; comp. שִׂפְתֵֿי lèvres § 97 E b fin) ; avec suff. : כְּנָפַי, כַּנְפֵיכֶם.
Au pluriel on a quelques formes avec redoublement spontané § 18 f : גְּמַלִּים chameaux , קְטַנִּים petits[2]. — Au pl. construit l’a de la forme primitive daḇerẹ̄ est conservé dans quelques mots : זַנְבוֹת queues, כַּנְפוֹת ailes et duel כַּנְפֵי (supra), surtout après gutturale : חַכְמֵי sages, עַנְוֵי humbles ; nécessairement devant gutt. : נַֽהֲרֵי fleuves.
Noms anormaux : De פָּרָשׁ cheval, on a le pl. פָּֽרָשִׁים au lieu de פְּרָשִׁים*[3]. La forme a la même vocalisation que פָּֽרָשִׁים de פָּרָשׁ cavalier (forme parraš). Les deux noms étant semblables au sing., on a étendu mécaniquement la similitude, et en conséquence l’équivoque, au pluriel. — De לָבָן blanc on a l’état cst. לְבֶן־ Gn 49, 12 † dans לְבֶן־שִׁנַּ֫יִם blanc de dents ; l’e̦ pour a̦ est probt dû ici à un motif d’euphonie. De חָלָב lait on a l’état cst. חֲלֵב difficile à expliquer. De עָשָׁן fumée, à côté de l’état cst. normal עֲשַׁן Jos 8, 20, 21 †, on a עֶ֫שֶׁן Ex 19, 18 † dans עֶ֫שֶׁן הַכִּבְשָׁן fumée de fournaise ; la voyelle a de עֲשַׁן est remontée, d’où ʿašn, segolisé en עֶ֫שֶׁן. Le déplacement de a, assez fréquent dans la forme qatil § d, ne se trouverait dans la forme qatal que dans עֶ֫שֶׁן et probablement aussi dans שֶׂ֫כֶר salaire Pr 11, 18. — Sur אֶחָד un cf. §§ 20 c et 100 b ; sur אַחַר § 20 c.
c Flexion de la forme קֵטָל, primitivement qital (cf. § 88 D d). La flexion est semblable à celle de קָטָל ; le ◌ֵ tombe dans les mêmes conditions que le ◌ָ. La plupart des noms de cette forme, assez peu nombreux du reste, présentent quelque anomalie. De שֵׂעָר poil on a quelques formes qui semblent supposer un doublet שַׂעַר* : cst. וְשַׂ֫עַר Is 7, 20 ; שַׂעְרֵךְ Ct 4, 1 ; 6, 5 ; fém. הַשַּֽׂעֲרָה. La forme primitive de l’hébreu est probablement śiʿr, devenu d’une part śaʿr > שַׂעַר ; d’autre part, en conservant la voyelle primitive, śiʿar avec voyelle auxiliaire a, d’où śẹʿar ; puis l’a auxiliaire sera devenu voyelle principale et tonique : śẹʿár > שֵׂעָר (cf. § A h) ; l’état cst. usuel est שְׂעַר. De צֵלָע côte on a comme état cst. seulement צֵ֫לַע ou צֶ֫לַע, avec suff. צַלְעוֹ, pl. cst. צַלְעוֹת ; ici aussi la forme primitive est probablement ṣilʿ (en arabe on a ḍilʿ à côté du plus usuel ḍilaʿ). De נֵכָר l’étranger (au sens abstrait) l’état cst. est נֵ֫כַר Dt 31, 16 †. La forme primitive peut être nikr ; la forme qital n’aurait pas d’autre nom abstrait.
d Flexion de 13. זָקֵן vieux, vieillard (כָתֵף épaule). Forme qatil (cf. § 88 D b). La forme primitive zaqin devient normalement זָקֵן. À l’état cst. le ◌ֵ s’affaiblit en ◌ַ : זְקַן (§ 29 d). Telle est la forme de l’état cst. dans la plupart des mots. Mais dans quelques mots la voyelle de cette forme קְטַל passe à la 1re consonne, d’où qatl, devenu par segolisation קֶ֫טֶל. Ainsi on a cst. כֶ֫תֶף épaule, יֶ֫רֶךְ cuisse, גֶּ֫דֶר mur, עֶ֫רֶל incirconcis à côté de עֲרַל, 1 f. כֶּ֫בֶד lourd à côté de 1 f. כְּבַד. (Dans ces deux cas de doublets le choix de la forme est probablement dicté par une raison d’harmonie)[4]. Formes anormales : le ◌ֵ se maintient dans חֲמֵשׁ cinq (cf. fém. חֲמִשָּׁה § 100 d), dans בַּֽעֲקֵב עֵשָׂו Gn 25, 26 † ; il prend au contraire le degré extrême d’abrègement ◌ֶ dans כַּֽאֲבֶל־אֵם Ps 35, 14 † (comp. les états cst. לְבֶן־ et חֲלֵב § b). — Avec suffixes on a normalement p. ex. זְקֵנִי, כְּתֵפִי, avec ◌ֵ prétonique.
Pluriel : abs. זְקֵנִים avec ◌ֵ prétonique ; cst. זִקְנֵי (comme דִּבְרֵי), mais avec 1re gutturale : חַבְרֵי compagnons, חַנְפֵי impies, חַצְרֵי parvis, עַרְלֵי incirconcis. — Le thème lourd זְקֵנ de l’état absolu זְקֵנִים s’emploie avec les suffixes légers : זְקֵנַי, le thème léger זִקְנ de l’état cst. זִקְנֵי avec les suffixes lourds : זִקְנֵיכֶם.
On a un ◌ֵ comme voyelle pénultième au pl. cst. des adjectifs verbaux suivants : שְׁכֵחֵי 1 f., שְׂמֵחֵי 1 f., אֲבֵלֵי 1 f., יְשֵׁנֵי 1 f., חֲפֵצֵי 1 f. (comp. le ◌ָ adventice de p. ex. גְּדָיֵי § A q). Mais יָרֵא craignant a la forme normale יִרְאֵי. Le ◌ֵ du pl. de יָתֵד piquet avec suff. : יְתֵֽדֹתָיו cst. est anormal (cst. יִתְדֹת) ; cf. § 97 B e Note.
Sur אַחֵר cf. § 20 c.
e Flexion de la forme קָטֹל, primitivement qatul (cf. § 88 D c). L’état cst. de קָטֹל est קְטַל (comme celui de קָטֵל et de קָטָל) : גְּבַהּ haut[5] (absolu גָּבֹהַּ). Comme dans l’état cst. de זָקֵן § d, la voyelle passe à la 1re consonne, d’où qatl, devenu par segolisation קֶ֫טֶל : אֶ֫רֶךְ long[6] (abs. אָרֹךְ), p. ex. dans אֶ֫רֶךְ אַפַּ֫יִם longanimis (lent à la colère). — Au pluriel on a le redoublement spontané : עֲגֻלִּים ronds, excepté devant gutturale : גְּבֹהִים ; cf. § 18 d.
f Flexion de 14. שָׂדֶה champ. La plupart des noms de racines ל״ה avec la vocalisation ◌ָ◌ֶה sont des qatal (cf. § 88 D a) ; quelques-uns sont des qatil (§ 88 D b), p. ex. חָזֶה poitrine (probablement). Quoi qu’il en soit de la forme primitive, la flexion des formes qatil est sembable à celle des qatal.
Dans שָׂדֶה la forme primitive śadai̯ est conservée dans la forme poétique et rare שָׂדַי. Le groupe ai̯ est contracté en ē, lequel est différencié en ē̦ à l’état abs. שָׂדֶה, ẹ̄ à l’état cst. שְׂדֵה[7]. Devant certains suffixes (voir Paradigme 20) l’ē se maintient, soit comme ◌ֵ, soit (devant ◌ָ, cf. § 29 f) comme ◌ֶ : שָׂדֶ֑ךָ (forme pausale, d’où la forme pausale dans les noms d’autres racines : סוּסֶ֑ךָ § 94 c), שָׂדֵךְ (d’où סוּסֵךְ), שָׂדֵ֫הוּ, שָׂדֶ֫הָ, שָׂדֵ֫נוּ (d’où סוּסֵ֫נוּ). Devant les autres suffixes, la forme est syncopée : שָׂדִי, שָֽׂדְךָ, שָׂדָם à l’analogie de סוּסִי, סֽוּסְךָ, סוּסָם ; de même les formes rares de la 3e p. שָׂדוֹ, שָׂדָהּ[8]. (Comp. les formes verbales en ◌ֶה avec suffixes § 79 k). La forme est également syncopée devant la finale du pluriel : שָׂדִים*, שָׂדוֹת ; plurale tantum פָּנִים face. — Pour les pluriels apparents cf. § C e.
- ↑ On a justement la transcription δαβρη dans les Hexaples Ps 34, 20. Le stade daḇerẹ̄ est du reste assuré par les exemples comme זַנְבוֹת (infra).
- ↑ Les pluriels de la forme קְטַל sont identiques (§ A k), p. ex. מְעַטִּים ; d’où notre ignorance sur le singulier de certains pluriels de cette forme dont le singulier ne se rencontre pas dans la Bible : עֲצַבִּים idoles, שְׁלַבִּים échelons (?), חֲרַכִּים treillis.
- ↑ Autres exemples de ◌ָ antéprétonique §§ 96 D b ; 88 M j ; 88 L e, formes de מָעוֹז, h מָגֵן ; cf. § 30 e.
- ↑ À cette double forme d’état cst. comparer la double forme d’état cst. des formes aphérétiques des פ״ו (§ 75 m), p. ex. : *lidat > abs. et cst. לֶדֶת, šinat > abs. שֵׁנָה, cst. שְׁנַת.
- ↑ Exemple unique, et non probant, à cause de la gutturale.
- ↑ Exemple unique. Remarquer que la forme אָרֵךְ* d’où pourrait venir אֶ֫רֶךְ n’existe pas ; cf. Torczyner, Z. der deutschen morgenl. Ges., 64, p. 273.
- ↑ Comparer la différenciation de יִגְלֶה et impér. גְּלֵה §§ 79 e, f, et cf. la remarque sur la quantité réelle de la voyelle § 79 e Rem. 2.
- ↑ On voit qu’il y a eu influence mutuelle du nom ל״ה sur le nom ordinaire et du nom ordinaire sur le nom ל״ה.