Grammaire de l’hébreu biblique/Morphologie/Nom/Paragraphe 97B

Paul Joüon
Institut biblique pontifical (p. 251-253).
§ 97 B. Flexions des noms avec deux voyelles brèves primitives.

a Cette catégorie comprend les noms féminins des formes avec deux voyelles brèves primitives (§ 88 D), notamment qatal, qatil, qatul.

b Flexion de 22. צְדָקָה justice (forme qatalat). La forme primitive *ṣadaqat devient à l’état abs. צְדָקָה ; la 1re voyelle en syllabe antéprétonique tombe. À l’état cst., *ṣadeqat devient צִדְקַת, avec affaiblissement de a en i § 29 g ; le shewa est moyen (§ 8 f 3). Avec suffixes on a צִדְקָתִי, צִדְקָֽתְךָ, mais צִדְקַתְכֶם. — Au pluriel, *ṣadaqāt devient צְדָקוֹת à l’état absolu. À l’état cst., *ṣadeqāt devient צִדְקוֹת (avec shewa moyen). On remarquera que le thème de l’état cst. s’emploie avec tous les suffixes (comme מַלְכוֹת § A b).

c À l’état cst. צִדְקַת le shewa moyen apparaît dans p. ex. נִדְבַֿת générosité ; il tombe dans חֶרְדַּת terreur (de חֲרָדָה), בִּרְכַּת bénédiction (mais בִּרְכָֿתִי, בִּרְכֿוֹת). L’a de la 1re syllabe de *ṣadeqat se maintient dans אַדְמַת terre. Autrement, après gutturale, l’i secondaire devient  : חֶרְדַּת, עֶגְלָתוֹ (de עֲגָלָה chariot). De עֲטָרָה couronne l’état cst. est segolisé : עֲטֶ֫רֶת. De עֲצָרָה (4 f.) abstention on a עֲצֶ֫רֶת non seulement comme état cst. Jér 9, 1, mais encore comme état absolu (4 f.) ; en pause עֲצָ֑רֶת 2 Ch 7, 9. Les formes avec suff. יְבִמְתֵּךְ, יְבִמְתּוֹ belle-sœur proviennent d’une forme segolée יְבֶ֫מֶת* ; (l’i est affaibli de a) ; l’état abs. ne se trouve pas dans la Bible (יְבָמָה dans la Mishna).

d Flexion de la forme qatilat > קְטֵלָה. La flexion des noms de la forme qatilat présente une anomalie remarquable : le ◌ֵ tend à se maintenir, alors que le ◌ָ correspondant du type קְטָלָה tombe. La plupart des noms de cette catégorie ont quelque particularité. On peut diviser les noms de la forme קְטֵלָה en deux groupes : certains noms maintiennent le ◌ֵ dans la flexion (comme תְּאֵנָה, forme qetil § 97 A c), les autres ne le maintiennent pas.

Maintiennent le ◌ֵ dans la flexion : בְּרֵכָה piscine, cst. בְּרֵכַת[1], pluriel בְּרֵכוֹת (abs. et cst.) ; גְּזֵלָה, גְּזֵלַת rapine ; טְמֵאָה, טְמֵאַת impure ; מְלֵאָה, מְלֵֽאֲתִי pleine de (ḥireq compaginis § 93 m) ; שְׁאֵלָה demande, שְׁאֵֽלָתִי etc., mais שֶֽׁאֱלָתִי Job 6, 8 , שֶֽׁאֱלָתָם Ps 106, 15.

Par contre on a נְבֵלָה, נִבְלַת cadavre[2] ; חֲשֵׁכָה ténèbres, חֶשְׁכַּת ( pour i après gutturale ; var. כֿ) ; בְּהֵמָה bête, בֶּֽהֱמַת ( pour i devant gutt.), pl. cst. בַּֽהֲמוֹת, mais les formes du sing. avec suff., par exemple בְּהֶמְתֵּ֫נוּ, supposent un doublet segolé בְּהֶ֫מֶת*.

Le mot ירכה* côté a les formes יַרְכָֿתוֹ, יַרְכָֿתַ֫יִם, יַרְכְּתַי. La spiration du כ suppose une forme יְרֵכָה* (fém. de יָרֵךְ hanche, cuisse). La voyelle ◌ַ, qui ferait penser à une forme יַרְכָּה*, sera due à quelque cause particulière.

e La forme qatilt devient par segolisation קְטֶ֫לֶה (comme qatalt § c) ; ainsi on a גָּדֵר mur, גְּדֵרָה* (cf. Ps 62, 4), גְּדֶ֫רֶת[3] ; חָבֵר compagnon, חֲבֶ֫רֶת*. Dans אֱמֶת (אֱמֶ֑ת Ps 19, 10, אֲמִתּוֹ) la forme primitive ʾamint est devenue ʾmé̦ne̦t, ʾme̦tt, et par assimilation de la 1re voy. (très brève et atone) à la voyelle tonique : ʾme̦tt, אֱמֶת.

f La flexion de la forme qatulat qui devient en hébreu קְטֻלָּה (cf. § 18 d, § 96 B e) n’offre aucune difficulté, la voyelle u se trouvant en syllabe fermée.

  1. Opposer בִּרְכַּת de בְּרָכָה bénédiction § c.
  2. Opposer נְבָלָה infamie, sans état construit.
  3. Pluriel avec suff. גְּדֵֽרֹתָיו (cf. § d) malgré cst. גִּדְרוֹת. Comp. יָתֵד, יְתֵֽדֹתָיו malgré cst. יִתְדֹת § 96 B d ; מַצֵּבָה, מַצֵּֽבוֹתֶ֫יךָ malgré cst. מַצְּבוֹת § 97 C b.