Encyclopédie méthodique/Architecture/Tome 3-2


Encyclopédie méthodique - Architecture
1825


REZ-DE-CHAUSSÉE, s. m. Ce mot, composé de rez, ancienne préposition qui veut dire tout contre, joignant, et de chaussée, signifie chambre, pièce, appartement au niveau d’une chaussée, d’une rue, d’un Jardin. On dit improprement rez-de-chaussée des caves d’une maison.

REZ-MUR, s. m. Nu d’un mur dans œuvre. On dit qu’une poutre, qu’une solive de brin, etc., a tant de portée de rez-mur, pour dire, depuis un mur jusqu’a l’autre.

REZ-TERRE, s. m. C’est une superficie de terre, sans ressauts ni degrés.

RICHE, adj. des deux genres. On donne cette épithète, en architecture, à un édifice où l’on a employé les ornemens, les matières précieuses, les métaux, la dorure, etc.

RICHESSE, s. f. En tant qu’opposé de pauvreté, qui, en architecture, est un défaut, la richesse passera pour être une qualité louable, à condition toutefois qu’elle soit ou convenable ment placée, ou employée dans une juste mesure, et qu’elle ne repose pas uniquement sur ce qu’on peut appeler l’effet matériel.

Comme la pauvreté est l’excès, et par conséquent l’abus de la simplicité, en architecture, la richesse a pour excès, et par conséquent pour abus, le luxe, qui consiste ou dans un emploi désordonné des objets de décoration, ou dans une profusion sans goût des matières précieuses. Il y a, sur ce point, deux préjugés également condamnables.

Un instinct irraisonné porte naturellement les hommes à faire cas de tout ce qui est rare et de tout ce qui est cher. De-là ce penchant qui a porté aussi tant d’architectes et de décorateurs, à prodiguer dans quelques édifices la dorure, les métaux précieux, les marbres les plus bigarrés, de telle sorte qu’en y comprenant encore le brillant des peintures, l’œil n’y trouve nulle part à se reposer du tout ce fracas, dont toutefois, après la surprise du premier coup d’œil, l’effet est de ne plus faire d’effet.

Mais c’est un autre préjugé, de blâmer, dans l’architecture, l’emploi des belles matières et de la dorure, par cela que la beauté fondamentale de l’art ne tient point à l’emploi d’une matière ou d’une autre, par cela que de justes proportions, un bel accord des parties avec le tout, la bonne disposition d’un plan, et son rapport harmonieux avec l’élévation, enfin beaucoup d’autres mérites, peuvent appartenir à l’édifice qui seroit construit des matières les plus communes. En effet, si l’on convient de ceci, il faut nécessairement avouer aussi que des matériaux plus précieux que la pierre, d’un plus beau poli, d’une couleur plus rare, ne sauroient empêcher les mêmes mérites d’exister et d’être rendus sensibles dans l’édifice où on les aura employés. Ce n’est donc pas l’emploi des matières précieuses qui peut préjudicier à la beauté fondamentale de l’art, ce ne sera que l’abus qui en sera fait par un goût déréglé, ou encore l’opinion que cette beauté matérielle, peut suppléer à la beauté morale.

Oui, et nous avons déjà eu plus d’une occasion de le dire, l’architecture ne sauroit négliger, dans ses ouvrages, tout ce qui tend à joindre aux impressions morales l’effet des sensations physiques. Comme il est impossible que l’effet de la sensation matérielle de la grandeur linéaire, n’ajoute point à celui du plaisir raisonné qui résulte de la grandeur proportionnelle ; comme tout ce qui est haut, vaste, puissant, solide, massif, nous affecte involontairement, en éveillant en nous le sentiment naturel d’admiration pour tout ce qui est difficile, et qui a dû coûter de grands efforts, il est de même impossible, que l’idée de richesse ne nous fasse point éprouver le même sentiment. Or, le sentiment de l’admiration est un de ceux qui entrent plus particulièrement dans les attributions d’un art qui n’a point, comme les autres arts d’imitation, de moyen direct d’agir sur notre ame, par la peinture des objets capables d’y exciter tous les genres de passions.

La richesse de l’architecture peut cependant se manifester, et produire la meilleure partie de ses effets, avec toutes les matières que la nature, en chaque pays, présente à l’artiste. Sans parler de celle qui résultera de l’abondance des colonnes, de la variété d’aspects que produit leur emploi, des percés ingénieux, du mouvement des masses, etc. , il suffit des ressources de l’ornemente et de la décoration, qui, par le moyen de la sculpture, peuvent s’appliquer à touts les matières, pour faire naître, dans tout édifice, l’impression de la richesse.

Les ornemens sont, en effet, les principales richesses de l’architecture. Nous entendons ici ce mot dans le sens, vulgaire si l’on veut, sous lequel l’usage ou la mode l’emploie, soit en ameublemens, soit en vêtemens. Oui, l’ornement, techniquement défini (voyez ce mot), est a un édifice ce que les broderies, les galons, les festons, les brocards, sont aux étoffes. Là aussi on a vu plus d’une fois le luxe, ou pour dire encore mieux, la vanité du luxe ne garder aucune mesure, dans l’application des ornemens aux parures, et cacher une étoffe déjà riche de sa nature, sous un amas de galons et de broderies. Ce qu’on appelle goût, en fait de modes, ne reconnoît point de règles. Ce n’est pas le beau qui fait la mode, c’est la mode qui fait le beau. Aussi n’avons-nous pris cet exemple, que pour mieux faire entendre ne qu’est l’abus des ornemens en architecture. Mais heureusement cet art, quoique très-souvent tributaire des caprices de l’usage, est forcé, comme tous les autres arts, de reconnoitre des principes fondés sur la nature de notre ame, et, en ce genre, l’usage ne fait pas loi. C’est une tyrannie passagère, une violation de l’ordre, qui ne manque jamais de reprendre ses droits.

Ainsi avons-nous fait voir, au mot Repos (voyez ce mot), que les richesses, en architecture, n’ont de valeur que par l’opposition des parties lisses ; que tout ce qui est trop continu fatigue l’esprit et les sens ; que tout plaisir sans interruption deviendroit une peine ; que, par conséquent, les richesses des ornemens ont besoin d’être distribuées, sur les fonds qui les reçoivent, selon un système, ou de progression, qui suppose le doux opposé au fort, ou de succession alternative, qui donne à l’œil le repos nécessaire, et lui épargne la peine de la confusion.

RIDEAU, s. m. Est, dans l’intérieur d’un appartement, une pièce d’étoffe, qui par le moyen d’anneaux glissant sur une tringle de métal poli, se ferme ou s’ouvre devant les fenêtres, pour préserver du soleil, pour modérer la lumière pendant le jour, interdire du dehors la vue dans les intérieurs, et garantir aussi des influences de l’air extérieur.

Les rideaux sont tout à la fois, dans les grands appartemens, des objets de nécessité ou de commodité, et des objets de luxe et d’ornement. Cela dépend, ou de la nature des étoffes dont ils sont faits, ou de l’ajustement que l’art du tapissier leur donne.

Rideau chez les Anciens. Dans l’intérieur des maisons et des palais, l’entrée des chambres n’étoit quelquefois fermée qu’au moyen d’un rideau ou tapis, appelé velum cubiculare ou aulœum. C’est derrière un semblable rideau que, selon Lampride, Elagabale se cacha, lorsque les soldats entrèrent dans sa chambre pour l’assassiner. Selon Suétone, Claude se cachoit aussi par peur derrière de semblables rideaux, lorsqu’il fut découvert par un soldat et proclamé empereur. Quand le prince donnoit audience, on levoit le tapis ou rideau tendu devant sa porte. Les juges, dans les causes criminelles, et qui demandoient un examen réfléchi, avoient coutume de laisser tomber un voile ou rideau devant leur tribunal, pour se dérober aux regards des accusés et à ceux du peuple : c’étoit une marque de la difficulté qu’ils trouvoient dans la discussion de l’affaire. Cette coutume donna lieu a l’expression ad vela sisti, pour dire, comparoitre devant les juges. Au contraire, dans les affaires de peu d’importance, on levoit le voile, et elles se jugeoient levato velo, a rideau ouvert, c’est-à-dire, en présence de tout le monde.

Dans les temples, on suspendoit souvent un rideau devant les statues des divinités. Nous avons déjà parlé des différentes manières dont il pouvoit se lever ou se baisser (voyez le mot Parapetasma). Nous remarquerons à ce sujet, que Stuart, dans ses Antiquités d’Athènes, tom. II, pag. 7 et 8, a avancé, contre toute autorité, que ce tapis pouvois être destiné à couvrir la partie du milieu du naos, qui étoit percée à jour.

Les rideaux dont on vient de parler, différoient de ceux qu’on appeloit velaria dans les théâtres et les amphithéâtres.

Chez les Romains, au théâtre, c’étoit l’usage de fermer la scène, avant le commencement du spectacle, par un rideau appelé aulœum et siparium. Lorsque le spectacle commençoit, on ne levoit pas la toile ou le rideau, comme cela se pratique aujourd’hui, mais on le baissoit. Il devoit alors rester, pendant la représentation, ployé sur la partie antérieure du proscenium, ou se baisser devant l’hyposcenium, ou bien il descendoit par une trappe sous le proscenium. Lorsque le spectacle étoit fini, le rideau se relevoit lentement pour refermer la scène.

Un passage remarquable d’Ovide, dans le troisième livre de ses Métamorphoses, vers III et suivans, nous donne de ceci une preuve évidente.

« Lorsque le rideau se lève (dit-il), les figures montent en haut ; on en voit d’abord le visage, et successivement les autres parties de leur corps, jusqu’à ce qu’elles paroissent entières, et que leurs pieds semblent placés sur le plancher de la scène. »

Sic ubi tolluntur festis aulaa theatris
Surgere signa solent, primumque ostendere vultum
Catera paulatim, placidoque educta tenore
Tota patent, imoque pedes in margine ponunt.

Ce passage démontre que le rideau se levoit insensiblement, Comme en sortant de terre, puisque les différentes parties inférieures du corps ne paroissoient, qu’après que la tête s’étoit montrée. Donc lerideau descendoit sous le sol de la scène. On voit encore par-là, qu’on ornoit communément ce rideau de figures historiques, qui y étoient ou peintes ou brodées.

Le rideau, dans nos théâtres, s’élève toujours et va se perdre dans les sommités de la scène, invisibles aux spectateurs. On lui donne le plus souvent aujourd’hui le nom de toile. Voyez Théatre, Toile de théatre.

Rideau se dit, par métaphore, d’une berge élevée au-dessus du sol d’un chemin escarpé, sur le penchant d’une montagne, el qui fait en contrehaut ce que l’épaulement fait eu contre-bas.

Rideaux (terme de jardinage). On donne ce nom à des palissades de charmille, qu’on pratique dans les jardins pour arrêter la vue, ou pour cacher quelqu’aspect peu agréable. On appelle encore rideaux, et dans un sens très-rapproché du sens usuel de ce mot, des plantations d’arbres fort serrés l’un près de l’autre ; disposition qui convient surtout aux peupliers, lesquels semblent former réellement des rideaux pour garantir des ardeurs du soleil.

RIGOLE, s. f. Ouverture longue et étroite, fouillée en terre pour conduire l’eau. On en pratique ainsi quand on veut faire l’essai d’un canal, pour juger de son effet du pente. C’est ce qu’on nomme canal de dérivation.

On appelle rigoles, de petites fondations peu profondes, et certains petits fossés qui bordent un cours, une avenue, et on les creuse dans le dessein de conserver les tiges des arbres.

On distingue la rigole de la tranchée, par cela que la première n’est pas ordinairement creusée carrément.

Le mot rigole vient du latin rigare, arroser. Ainsi le procédé d’arrosement par irrigation, a lieu au moyen de petites rigoles pratiquées de distance en distance dans les potagers.

Rigole de jardin. Espèce de tranchée, fouillée presque toujours carrément, de six pieds en largeur, sur deux et demi de profondeur, pour établir une plate-bande de fleurs ou des arbrisseaux qui doivent faire l’ornement d’un parterre.

RIMINI, ville très-antique d’Italie, appelée autrefois Ariminum, du nom du fleuve qui la traverse, en latin Ariminus.

Cette ville a conservé jusqu’à nos jours de fort beaux restes de son ancienne magnificence. Neuf arcades de briques indiquent encore l’emplacement de son amphithéâtre, bâti par le consul Publius Sempronius.

Mais c’est à l’empereur Auguste qu’elle est redevable de deux de ses plus beaux ouvrages, et que le temps a respectés.

Le premier est un arc de triomphe, sous lequel on passe en entrant dans la ville. Il est construit de la pierre blanche des Apennins, pierre tout-à-fait semblable à celle d’Istrie, et qui est une sorte de marbre blanc. La masse générale devoit être grandiose, surtout lorsque le monument avoit l’intégrité de son couronnement. Toutefois cette masse semble un peu trop se rapprocher du carré. Elle n’a qu’une seule ouverture, qui consiste en une arcade fort large, dont le bandeau repose sur un commencement d’imposte. De chaque côté de l’arcade s’élève une colonne corinthienne, engagée dans lu piédroit et posant sur un stylobate profilé. Les deux colonnes supportent l’entablement, que surmonte un fronton plus court que la corniche totale qui auroit pu lui servir de base. Un attique règne au-dessus, et il étoit formé latéralement de degrés. Sur l’assise, ou sur le degré supérieur qui subsiste, on lit encore beaucoup de mots de l’antique inscription, qui apprend que le monument fut élevé à Auguste, en reconnoissance de la restauration qu’il avoit fait faire des voies qui aboutissoient à Rimini. La voie Flaminienne étoit de ce nombre.

De chaque côté de l’arc, est sculptée, sur l’architrave et perpendiculairement à la pierre qui fait la clef de l’arcade, une tête de taureau, et de chaque côté aussi, dans chacun des écoinçons formés par le bandeau de l’archivolte, par l’entablement et la colonne, sont sculptés, sur des parties circulaires qu’on peut prendre, ou pour des patères, ou pour des boucliers, les bustes en haut-relief de Jupiter avec la foudre, de Vénus avec la colombe, de Neptune avec trident, de Pallas avec la cuirasse et l’épée. Quelques-uns prétendent que c’est Mars. Il nous semble cependant qu’une sorte d’esprit de symétrie auroit voulu qu’en pendant de la tête barbue de Neptune, on vît une tête de femme, comme est celle de Vénus en correspondance avec Jupiter. La tête qu’on voudroit convertir en tête de Mars, a l’indication de la devanture d’un casque, qui convient également à Pallas, et la physionomie juvenile paroît devoir mieux appartenir à cette déesse. Il a encore été observé a l’égard de ces bustes, que, vu la situation de l’arc, les têtes de Neptune et de Vénus, divinités marines, se trouvoient placées du côsé de la mer.

La masse totale de l’architecture de cet arc, ou du moins celle qui en subsiste encore aujourd’hui, a environ quarante-trois pieds de hauteur, sur quarante pieds de largeur, ce qui lui donne, comme on l’a déjà observé, une proportion presque carrée. Mais il faut ajouter à son élévation ce que la destruction lui a fait perdre, savoir, quelques assises de l’attique qui en faisoit le couronnement ; et encore, ainsi que des médailles en font foi, et comme le prouvent des témoignages écrits, et quelques restes de sculpture, il conviendroit d’y replacer, au moins en idée, soit un quadrige, soit des statues colossales qui exhaussoient et faisoient pyramider l’ensemble de la composition.

Outre la tradition populaire qui règne à cet égard, il existe dans le Muséum Bianchi, à Rimini, un pied colossal de marbre blanc, qui fut trouvé sur la sommité de l’arc. Nous lisons encore dans l’ouvrage de Louis Nardi sur les antiquités de Rimini, que l’on conserve dans le mur d’une cour voisine du palais Cima, une tête de cheval en bronze, d’un bon travail antique, bien que fort endommagé, et qu’on prétend que cette tête fut trouvée tout près de l’arc.

Fabretti, dans son ouvrage (De Aquis et Aqueductis), cherche à prouver que Vitruve (Pollion) fut l’architecte de ce monument, élevé vers l’an 727 de Rome, sous le septième consulat d’Auguste, et au commencement du huitième. Temanza a été aussi de cet avis. Ce qu’il y a de particulier contre cette opinion, c’est que précisément l’arc de Rimini nous offre dans son entablement des denticules sous les modillons, pratique désapprouvée par Vitruve. En sorte que Temanza, pour appuyer sa conjecture, est forcé d’interpréter le passage dans un sens contraire à la doctrine de l’auteur. Voyez Vitruve (Pollion).

Le second monument antique de Rimini, est le superbe pont bâti en marbre par Auguste, ainsi que nous l’apprennent les deux inscriptions toutes semblables, placées chacune à une des extrémités du pont. On y lit qu’il fut construit sous le treizième consulat d’Auguste, qui fut le dernier de sa vie, et sous le quatrième consulat de Tibère, qui marque la sixième année de son règne depuis la mort d’Auguste : d’où l’on voit qu’Auguste, avant de mourir, avoit fort avancé cet ouvrage.

Une autre raison persuade que Tibère avoit trouvé les arches du pont finies ; on la tire de la couronne sculptée sur une clef de l’une des voûtes ; si toutefois cette couronne fut la couronne civique, comme on le pense. En effet, Tibère, selon Suétone, ayant empêché qu’on en fit la représentation dans son propre vestibule, ne l’auroit pas permise sur ce pont, s’il en eût terminé les cintres. Si donc ce symbole y fut placé sous Auguste, cela prouve, que lorsqu’il mourut, l’entreprise étoit fort près d’arriver à son terme.

Ce pont se compose de cinq arches ; quatre sont intègres et d’une belle conservation ; la cinquième, celle qui est du côté du couchant, fut deux fois détruite par la guerre, et fut rebâtie avec peu de soin ; aujourd’hui son ouverture se trouve presque comblée par les amas de sable et de galets dont le fleuve (la Marchia) élève continuellement son lit. Les arches sont en plein cintre ; on pourroit dire qu’ils sont en demi-cercle, si leur ligne ne se redressoit pas un peu, près du sonbassement. L’arche du milieu est plus large que les quatre autres ; les deux dernières sont les plus étroites. On compte trente-trois pieds à l’ouverture de la grande arche, vingt-sept pieds à chacune des deux arches qui l’accompagnent, et vingt-six aux deux de chaque extrémité. La longueur totale du pont est à peu près de cent quarante pieds ; sa largeur de vingt-six.

Toute la masse se compose de grands blocs de marbre ou de pierre d’Istrie, qu’on sait être une espèce de marbre. Les claveaux des trois arches du milieu n’ont pas moins de trois pieds de hauteur ; les paremens et l’intrados des voûtes sont si parfaitement unis, qu’il seroit impossible d’introduire l’épaisseur d’un cheven dans leurs joints. On s’aperçoit que c’est surtout à cette partie de la construction que fut porté le plus grand soin. On trouve à ce monument, comme à un grand nombre d’édifices antiques, de ces trous qui paroissent avoir été faits dans les joints des pierres, pour en extraire les crampons de métal.

L’ensemble de ce pont présence l’aspect d’une disposition à la fois belle par la forme, la proportion, la richesse qui nait d’un bon caractère de construction, et d’une heureuse disposition d’ornemens. Les bandeaux des arches sont sans profils, mais ils se détachent sur toute la masse par une assez grande saillie. Chacun de ces bandeaux a sur la clef de sa yoûte un ornement sculpté : malgré quelques dégradations qu’ils ont éprouvées, on y reconnoît une couronne, un prœfericulum, un lituus, une patère.

Entre chacune des arches est une niche en forme de tabernacle, avec plinthe, deux pilastres et un fronton, qui sans doute furent destinés a recevoir des statues. Un fort bel entablement s’élève au-dessus des bandeaux des cinq arches et règne dans toute sa longueur. On remarque, que du côté de la ville, la ligne de l’entablement de la dernière arche, suit une pente apparemment commandée par le terrain.

La voie publique sur le pont étoit pavée en marbre, et de chaque côté il y avoit un petit trotoir pour les gens de pied. On observe que le petit mur du parapet, au lieu de se terminer, comme c’est assez l’usage, par des pierres taillées carrément, et par conséquent formant des angles, avoit sa sommité arrondie, pour la commodité de ceux qui, en s’y appuyant, voudroient jouir de la vue de la rivière.

RINCEAU, s. m. C’est le nom qu’on donne, dans l’architecture, et la sculpture ou peinture d’ornement, à certaines compositions dont l’idée et le motif sont pris, soit de branchages recourbés, soit de certaines plantes qui se roulent sur elles-mêmes si elles trouvent quelqu’obstacle.

Le rinceau n’est toutefois, comme le sont presque tous les ornemens, qu’une imitation conventionnelle des productions naturelles. Ordinairement on le fait sortir de ce qu’on appelle un culot, espèce de touffe imaginaire de larges feuilles, qu’on suppose donner naissance à la plante, ou à la branche que l’art façonne à son gré, qu’il prolonge par des circonvolutions qu’on répète, avec quelques variétés dans les détails.

Le rinceau, quelquefois se forme d’une branche que l’on courbe et recourbe à volonté, et qui semble porter des fruits, des fleurs, des grappes de raisin, des feuilles de lierre ou de pampre. Quelquefois il est censé être une plante flexible du genre de l’acanthe ; il se forme alors des feuilles naturelles de cette plante, refendues et dentelées comme la nature les produit. On y ajoute des fleurons, des roses, des boutons, des graines, etc.

Les rinceaux s’emploient ordinairement en sculpture, à faire l’ornement courant des frises dans les édifices, à décorer des vases, des candélabres et autres objets de ce genre. Il n’est pas rare non plus de les voir appliqués perpendiculairement, à remplir les champs des pilastres ou des panneaux. Quelquefois ils circulent autour des fûts des colonnes, et c’étoient de véritables rinceaux que ces acanthes en or qui, selon la description de Diodore de Sicile, du milieu environ dus colonnes, s’élevoient insensiblement jusqu’aux chapiteaux, dans la décoration du char funéraire d’Alexandre. Voyez à l’article Or.

Les Anciens nous ont laissé, en fait de rinceaux, les plus parfaits modèles pour la composition, le goût et l’exécution du la sculpture.

La peinture décorative emploie aussi les rinceaux dans cette partie que les Modernes ont appelée du nom d’arabesques (voyez ce mot). Les exemples en sont trop nombreux, pour qu’il soit nécessaire d’en citer. Mais un des plus remarquables ouvrages de ce genre en mosaïque ; qui est aussi une branche de la peinture, se voit aux pilastres du grand salon de la villa Albani à Rome.

En fait d’ouvrages modernes, nous rappellerons plusieurs des montans des arabesques de Raphael, dans la galerie des Loges, au Vatican, où les rinceaux peints, entremêlés de stucs, ont été exécutés avec une perfection à laquelle nul travail de ce genre n’est arrivé depuis.

Enfin on appelle rinceaux de parterre, certains dessins par enroulement qu’on fait pour l’ornement des parterres, avec du buis et des fonds sablés. Voyez Parterre.

ROCAILLE, s. f. Dans la nature, on appelle ainsi certain assemblage de divers coquillages, mêlés avec des pierres inégales et mal polies, qu’on trouve autour des rochers.

Dans l’architecture qu’on appelle rustique, on donne aussi ce nom à une composition où l’on fait entrer des matières, soit naturelles, soit artificielles, qui semblent être un produit de la nature. Ce goût convient aux grottes que l’on pratique dans les jardins, aux fontaines auxquelles on veut donner l’apparence d’un ouvrage sans art, Il y a des matières plus propres les unes que les autres à contrefaire ces jeux de la nature. A Paris, la pierre qu’on appelle meulière, soit par sa couleur, soit par sa formation irrégulière et remplie de trous, convient assez à ces ornemens rustiques. On la brise en petits morceaux, et on y joint avec le mortier quelques éclats de marbre, de couleur, des pétrifications, des coquillages, etc.

On appelle rocailleur, l’ouvrier qui a la pratique de ce genre de travail, qui met en œuvre les rocailles, qui fait les gouttes d’eau, les congélations lapidifiques, et autres imitations dont on orne les grottes et les fontaines.

Dans le discours familier, on donne, par métaphore, le nom de rocailleux à un goût baroque, qui se plaît, en quelque genre que ce soit, à produire certaines aspérités de langage ou de style dans le discours, certains contrastes choquans de ton, de couleur et de lignes dans la peinture, certaines formes heurtées dans la sculpture, certaines combinaisons disparates et repoussantes, dans les contours ou les détails de l’architecture.

ROCHE, s. f. Se dit, dans l’art de bâtir, de la pierre la plus dure, et la moins propre à être taillée. Il y a des roches qui tiennent de la nature du caillou, et il y en a qui se débitent par écailles.

On n’emploie guère la pierre de roche que dans les fondations. Rien de mieux encore, quand on peut asseoir les fondemens d’un édifice sur la roche : aussi dit-on, pour exprimer la solidité en tout genre, bâtir sur le roc.

ROCHER, s. m. Est une espèce de synonyme de roc et de roche. Mais dans le langage ordinaire, les deux premiers mots semblant exprimer plus particulièrement la nature de la matière. Rocher se dit plus volontiers de la masse isolée d’une roche. C’est au moins sous ce rapport qu’en l’emploie ordinairement dans les ouvrages d’art.

On voit quelques constructions dans les montagnes s’élever sur des rochers isolés, ou sur des pointes de rochers qui se détachent de leur chaîne. Beaucoup de châteaux-forts, dé citadelles, furent ainsi plantés dans les temps du moyen âge. Dans les siècles antiques, on choisissoit aussi ces sortes d’emplacemens pour y établir les forteresses qui défendoient les villes, et plusieurs villes trouverent sur des rochers leur premier site. Tel fut le rocher de l’Acro-Corinthe. Athènes eut son Acropolis sur le plateau d’un rocher, où s’élèvent encore aujourd’hui les ruines de son ancien temple de Minerve, et ce rocher sert encore de citadelle à la ville moderne.

On a quelquefois pratiqué des rochers factices, pour servir de soubassement à des bâtimeus d’un tout autre genre. Tel est à Rome le Palais de Justice bâti à Monte-Citorio ; tel l’édifice auquel, s’adosse la célèbre fontaine de Trevi, dans la même ville. Un rocher de granit, à Pétersbourg, sert de piédestal à la statue équestre en bronze, de, Pierre-le-Grand.

Mais c’est particulièrement aux fontaines, que s’applique l’emploi des rochers factices : tantôt, selon le volume d’eau dont on peut disposer, on fait sortir quelque filets d’eau, de rochers adossés à un mur ou formant le fond dune grotte, d’une niche en rocailles ; tantôt on creuse un bassin irrégulier, formé de pierres de roche, et qui reçoit l’eau d’une fontaine ; tantôt, si l’on a un plus grand volume d’eau, et des inégalités de terrain, qui se prêtent à des effets plus pittoresques, on bâtit des masses de rochers, d’où l’on fait tomber une nappe d’eau. Voyez Cascade.

L’emploi le plus ingénieux et le plus connu des rochers, dans leur rapport avec les fontaines, est celui que Bernin en fit à la place Navone, en faisant de ces rochers le support d’un obélisque, et les piédestaux des quatre figures de marbre, qui représentent les quatre plus grands fleuves de la lerre. Voyez l’article BERNIN.

On appelle aussi rocher d’eau, une espèce d’écueil massif, d’où sort de l’eau par différens endroits. Il y a dé ces rochers à la villa d’Est, à Tivoli, près de Rome.

ROMAINE (ARCHITECTURE). Au mot ARCHITECTURE, on a renvoya à cet article, pour ce qui concerne cet art dans ses rapports avec les Romains. Nous avons renvoyé de même à son article, ce qui regarde spécialement l’architecture grecque. En cela, nous voulûmes rester fidèles au plan de ce Dictionnaire, où nous avions promis de consacrer un article général à chacune des architectures connues, antiques ou modernes, auxquelles l’usage a donné le nom du peuple qui les inventa ou les pratiqua.

Cependant, comme on le voit au mot ARCHITECTURE GRECQUE nous avons cru que cet art, devenu aujourd’hui en quelque sorte universel, étant celui qui est la matière expresse et spéciale de ce Dictionnaire, et trouvant à chacun de ses articles définitions, les notions, les développemens, enfin l’ensemble et les détails historiques, théoriques et pratiques de son origine et de sa formation, de ses principes et de ses regles, de ses applications et de ses exemples, il seroit inutile de redire eu abrégé, dans un article, ce qu’on trouve avec étendue à presque tous les articles de l’ouvrage.

Mais l’architecture romaine n’est autre chose elle-même quel’ architecture grecque, qui, par les raisons qu’on a développées ailleurs, se propagea partout où les Grecs pénétrèrent, partout où leur génie, plus conquérant que leurs armes, étendit son influence. Des communications bien plus anciennes qu’on ne pense, avoient, dès la plus haute antiquité, porté dans l’Italie les semences de la langue, de la religion, du culte, des usages, des arts et des opinions de la Grèce. De nombreuses colonies grecques s’étoient établies sur les rivages de la péninsule italique, y avoient bâti des villes dans l’intérieur des terres, long-temps avant la naissance du fondateur de Rome. Quelle que soit l’origine de cette ville, à quelque siècle que les historiens la rapportent, loin qu’ils y découvrent les premiers pas d’une civilisation dans l’enfance, on y voit, au contraire, un peuple déjà enrichi des connoissances et des arts de ses voisins : or, tous ces voisins, quels qu’ils, aient été, soit originaires du pays, même, soit issus de colonies étrangères, et venues de la Grèce, nous voyons, qu’à quelques nuances près, leur langue, leurs usages, leurs arts et leur architecture ont eu des rapports intimes avec les mêmes choses en Grèce.

Ainsi Rome, des son origine, non-seulement n’eut point une architecture originaire de l’Italie, mais elle ne put rien trouver autour d’elle qui, de près ou de loin, sous une forme ou sous une


autre, ne vînt de Grèce, ne se trouvât dans la Grèce. Les développemens de ses arts ne firent que tendre de plus en plus à rapprocher son art de bâtir, ses monumens, ses plans, ses ordonnances, des modèles de la Grèce.

Rome, de tout temps, eut donc la même architecture que les Grecs. Il n’y a donc pas, à proprement parler, d’architecture romaine, si, par cette épithète, on entend une architecture originale.

Cependant lorsqu’on parle d’un art, on ne le considère pas toujours dans le rapport qu’il eut avec un peuple, sous le point de vue de sa création. Chaque peuple s’approprie en quelque sorte les arts qu’il cultive, lorsqu’il leur imprime un caractère particulier, qu’il leur fait subir de ces différences qui, devenant le cachet de son génie et de son goût, permettent de les désigner par son nom. Ainsi, pararchitecture romaine, nous n’entendrons parler que du caractère particulier que prit l’architecture grecque sous l’empire des Romains ; nous ne désignerons rien autre chose que des variétés de goût, soit dans l’espèce des monumens, soit dans la grandeur et la richesse qu’ils reçurent aux diverses époques de cet Empire.

Nous avons déjà fait voir à l’article de l’ARCHITECTURE ÉTRUSQUE (voyez ces mots), que les communications les plus anciennes, ayant eu lieu entre l’Etrurie et la Grèce, il y avoit eu, dès les temps reculés, une filtration de la langue, de l’écriture, de la religion, de la mythologie et des images de la Grèce, dans les régions supérieures de l’Italie. Nous avons montré que tout ce qui nous est parvenu de notions sur l’architecture étrusque, dépose d’une identité de système, sur tous les points, avec l’art des Grecs. L, ‘histoire nous apprend ensuite que Rome, dès son origine, et dans la construction de ses premiers monumens, emprunta de l’Etrurie, et le goût pour les grands ouvrages, et les artistes pour les exécuter. Nous verrous plus bas que, dans la suite, on compta à Rome un grand nombre d’architectes romains, avantage que n’eurent pas les autres arts. L’architecture tient plus à la politique, aux mœurs et à la religion, que l’on ne le pense. Il n’est pas étonnant que, sous ce triple point de vue, Rome l’ait cultivée avec prédilection dès son premier âge. Plus d’un reste des monumens de cet âge, plus d’un témoignage des historiens, nous démontrent l’injustice qu’il y auroit, à regarder les premiers Romains comme barbares et ignorans dans tous les arts, et surtout dans l’architecture.

Tite-Live fait mention du Cirque tracé par Tarquin-l’Ancien, entre le mont Palatin et le mont Aventin, pour y célébrer, avec plus de pompe qu’auparavant, les fêtes et les jeux publics en mémoire de la victoire qu’il avoit remportée sur les Latins. Les commencemens de ce Cirque furent, à la vérité, peu de chose ; mais bientôt (selon Denis d’Halicarnasse), Tarquin-le-Superbe l’environna de portiques couverts. Dans le même temps, on travailla au grand égout. Tile-Live joint ensemble ces deux entreprises, moindres en apparence (ajoute-t-il), que celles du temple de Jupiter ; elles exigèrent cependant bien plus de peines et de fatigues. Il s’agissoit de construire des portiques autour du Cirque, et de conduire, sous terre, toutes les immondices de la ville dans le grand égout. Ces deux ouvrages (continue-t-il) sont tels, que toutes nos magnificences modernes en approchent à peine.

Le même Tarquin (selon Denis d’Halicarnasse) avoit décoré le Forum, et y avoit réuni tout ce qui pouvoit contribuer à l’utilité, comme à l’embellissement. Tarquin-l’Ancien étoit de la ville de Tarquinium. en Etrurie. Il connoissoit les arts des Etrusques, et il dut apporter à Rome ce goût de grandeur et de solidité qui distinguèrent alors les ouvrages de sa patrie. Ce fut donc à leur imitation qu’il résolut de rebâtir les murs de Rome, faits jadis à la hâte. Il les fit reconstruire en pierres de taille si grandes, qu’une seule faisoit la charge d’un chariot. Ce fut encore lui qui jeta les fondemens du temple de Jupiter Capitolin. La colline sur laquelle il avoit résolu d’élever ce monument, étant d’un accès difficile, et n’offrant point, à son sommet, de plate-forme commode pour y bâtir, il lui fallut égaliser le terrain, soutenir et remparer tous les flancs de la montagne, par des constructions et des contre-forts, avec des travaux et des moyens qui font supposer des connoissances déjà fort avancées dans l’art de bâtir. Le temple de Jupiter, commencé par Tarquin-l’Ancien, fut continué (selon Tacite) par Servius Tullius et par Tarquin-le-Superbe. Ce dernier fit venir des ouvriers de l’Etrurie ; mais l’édifice ne fut achevé qu’après l’expulsion des rois. Sa magnificence fut telle, que toutes les conquêtes des Romains ajontèrent depuis à sa richesse, plutôt qu’a sa beauté (ce tout les expressions de Tacite).

Les dimensions de ce temple, et la disposition de son plan, telles que les décrit Denis d’Halicarnasse, rappellent, à quelques variétés près, le système architectural de la Grèce. Il avoit trois nefs dans son intérieur, et son péristyle couronné par un fronton, ainsi que Cicéron nous l’apprend, avoît trois rangs de colonnes. Détruit deux fois dans la suite des siècles, il fut deux fois reconstruit, mais sur le même plan et sur les mêmes fondemens. Il n’y eut de changement que dans le choix des pierres, à la vérité plus belles, mais toujours de la même forme.

Ces documens, sur lesquels tous les historiens sont d’accord, suffirent pour nous donner une idée du goût des Romains, dans l’architecture de leur premier âge, et nous montrer qu’aucun peuple ne les égala peut-être dans cette partie importante, qui comprend ce qui regarde l’utilité et les besoins publies.

Strabon avoit la même opinion. S’il semble, dit-il, que les Grecs soient arrivés au plus haut point, dans l’art de bâtir les villes, pour avoir toujours eu en vue leur embellissement, leur défense et leur bonheur, les Romains ont porté leurs soins et leur attention sur d’autres objets négligés par les Grecs ; comme, par exemple, de paver les grands chemins, de construire des aqueducs et des égouts souterrains, pour porter dans le Tibre toutes les immondices de la ville, etc.

Telle paroît donc avoir été l’architecture romaine, et sous les rois qui fondèrent la puissance de Rome, et sous la république qui l’étendit de plus en plus par la guerre et la conquête. Utilité dans les entreprises, grandeur et solidité dans les constructions : tel fut le luxe de cet art, à une époque où toute magnificence inconnue aux particuliers, étoit réservée pour les temples.

Si l’architecture, selon Vitruve, doit avoir en vue, dans ses ouvrages, l’utilité, la solidité et la beauté, l’architecture romaine aura, dans les monumens de cette première époque, rempli les deux premières conditions. Quant à la troisième, il ne nous reste rien qui puisse nous en instruire ; car, bien que l’idée de beauté puisse aussi s’appliquer à ce qu’il y a de plus simple en construction, et bien quo la grandeur et la solidité fassent aussi partie de ce qui constitue la beauté en architecture, nous devons avouer que Vitruve a dû entendre, dans cette notion, ce que nous y comprenons aussi, c’est-à-dire, ce genre de beau qui tient au goût délicat des formes, à l’harmonie des proportions, à l’élégance des membres, et à tout ce qu’on appelle ornement ou décoration.

Ce genre de beauté ainsi entendu, comme le seul sentiment du besoin et de l’utilité ne le produit pas, et comme il tient au perfectionnement d’un sentiment moral qui, pour se développer dans l’architecture, a besoin du secours et de l’inspiration des autres arts, tout porte à présumer que ce complément des trois qualités principales de l’art de bâtir, fut réservé à une époque postérieure.

Nous manquons, sans doute, des matériaux nécessaires pour pouvoir suivre historiquement les progrès du goût dons l’architecture, pendant les siècles de la république. A peine reste-t-il quelque vestige de quelque monument isolé, qui appartienne à cette époque. Mais, à ce défaut, il est facile de trouver, soit, dans l’état politique de ces siècles, soit dans les parallèles que. peuvent nous fournir les ouvrages des autres arts, et particulièrement la littérature, soit dans les aveux mêmes des écrivains, plus d’une présomption qui porte à croire que le génie du beau, dont on vieut de parler, et qui est à proprement parler la perfection de l’art, ou l’art lui-même, attendit à Rome des temps plus favorables.

Nul doute que le goût de l’Etrurie étant celui qui initia les Romains, dans la connoissance et la pratique des arts, et ce goût étant resté stationnaire chez les Etrusques, il en seroit arrivé de même à Rome, si le goût des arts perfectionnés en Grèce, ne fût venu, aidé de la richesse et du luxe des Romains, donner une impulsion nouvelle à leur architecture. Mais cette influence n’arriva point par une irruption subite. Rome, avant la conquête de la Grèce, avoit eu déjà trop de rapports avec elle, pour qu’on puisse se permettre, ainsi qu’on l’a fait trop souvent, de la regarder comme inculte en fait d’arts. On s’appuie à tort des vers de Virgile : Excudent alii spirantia mollius œra, etc., pour le prétendre. Il ne faut pas faire dire au poëte plus qu’il ne dit. Ces vers, loin de faire présumer l’ignorance totale des Romains dans les arts, établissent seulement une comparaison entr’eux et les Grecs, et cette comparaison, sans doute à l’avantage de ceux-ci, est déterminée par les mots mollius et melius. Virgile, en mettant les Grecs au-dessus des Romains, dans certains arts, n’a donc pas entendu que ces arts fussent étrangers à Rome.

A l’égard de l’architecture, il falloit, sans doute, que les modèles de la sculpture et de la peinture, lui communiquassent le besoin de se mettre en harmonie avec eux, et par le sentiment des proportions, et par l’élégance des ornemens. Or, c’est ce que produisit la conquête de la Grèce, en faisant refluer dans Rome, et les ouvrages de l’art grec, et aussi les habiles artistes de cette contrée. Il est évident que ce que la Grèce perdoit par l’appauvrissement, Rome le gagnoit en s’enrichissant de toutes les manières. Or, les artistes vont toujours où l’opulence les appelle.

Déjà l’art de bâtir, chez les Romains, avoit, si l’on peut dire, taillé les monumens sur de bien plus grandes dimensions, que ne l’avoient pu faire les petits Etats séparés de la Grèce. L’architecture, secondée par la richesse publique et particulière, trouva donc de plus vastes champs à ses conceptions, des sujets plus variés, et un emploi plus illimité de ses richesses.

C’est ce qu’on vit déjà (et la preuve en est encore sous nos yeux) dès le règne d’Auguste. Plus d’un reste de monument de cette époque, nous montre la prédilection donnée à l’ordre corinthien, expression de la plus grande richesse en architecture. De cette époque est le temple célèbre appelé le Panthéon, reste d’un bien plus grand ensemble qui, sous le nom de Thermes d’Agrippa, fut l’ouvrage d’un simple particulier. Pour apprécier le goût de l’architecture à cette époque, il faut rendre à ce temple, encore aujourd’hui la merveille de Rome moderne, sous le rapport de l’art, tout ce que le temps et tous les genres de barbarie ancienne ou nouvelle lui ont enlevé de richesse, dans les bronzes de son fronton, de son péristyle, des caissons dorés de sa voûte, des sculptures qui l’ornoient, etc. Qui peut douter qu’un semblable monument, épargné par le hasard, entre tant d’autres, n’eût fait la célébrité d’une des plus grandes villes de la Grèce ?

Auguste se vantoit d’avoir trouvé Rome de terre, et de la laisser de marbre. Cette ville, devenue non-seulement la capitale du monde d’alors, mais, si l’on peut dire, le monde entier, par les causes qui y portèrent toutes ses richesses, offrit alors à l’architecture un théâtre immense, où non-seulement tous les monumens alors connus dans les autres pays, trouvèrent à se reproduire sous des formes plus brillantes et avec des dimensions plus considérables, mais où don genres d’édifices nouveaux vinrent exercer le génie des artistes. Rome alors renfermoit en elle-même toutes les causes réunies qui peuvent donner de l’aliment à cet art. La richesse de quelques particuliers y égaloit et y surpassoit la fortune ordinaire des rois. On y retrouvoit le zèle de la religion dans l’érection des temples ; aux restes des institutions politiques de la république, s’unissoit le luxe et la puissance de la monarchie ; la gloire militaire et les succès de la guerre créoient des monumens, et les jeux du théâtre, les combats du cirque ou de l’amphithéâtre, exigèrent pour la foule immense des spectateurs, que l’architecture agrandit tous ses moyens et toutes ses conceptions.

Rome vit donc élever des monumens que la Grèce n’avoit point connus, des arcs de triomphe, des colonnes triomphales, des thermes qui furent des villes, des septizones et des mausolées, des portiques immenses, des amphithéâtres, des naumachies, etc. Les marbres de toutes les carrières connues furent exploités, on en découvrit de nouvelles. L’Afrique et l’Asie lui taillèrent des colonnes, l’Egypte lui livra ses obélisques, la Grèce devint son atelier et son magasin de marbres, de statues et de bronzes.

Avec de tels moyens, l’architecture romaine devoit s’élever et s’éleva réellement à un point de splendeur, où jamais aucune nation ne l’avoit portée, où il est bien probable que jamais elle ne parvienne dans la durée des siècles futurs : témoins les prodigieux restes qui en subsistent (voyez Rome) ; car ce qu’il faut dire de ses ruines, c’est que, par le retour des choses humaines, jamais aussi autant de causes de destruction ne se réunirent contre aucun autre empire ; jamais autant de siéges, de saccages, d’irruptions, jamais autant de révolutions politiques ou religieuses ne se succédèrent sur aucune autre ville ; en sorte, qu’après la merveille de la puissance qui éleva ses monumens, ou ne sauroit en trouver une plus étonnante, que celle de la force de conservation qui en a empêché l’entier anéantissement.

Ainsi, survivant encore à elle-même, dans ses débris, l’architecture romaine devoit devenir l’école nouvelle, où toute l’Europe, interrogeant ses ruines, viendroit chercher les leçons qui l’ont renouvelée, et qui ont propagé dans le monde entier, le système dont les Grecs furent les inventeurs.

Il ne se pouvoit donc point que l’architecture grecque, s’éloignant de sa source, appliquée dans de nouveaux genres d’édifices, à des combinaisons plus variées, disposant d’immenses richesses, ayant à servir, toutes les passions de gloire et d’ambition, forcée de satisfaire une vanité qui ne connoissoit point de mesure, et la prétention de Rome à surpasser par les arts, ceux qu’elle avoit vaincus par les armes ; que cette architecture, dis-je, ait cherché à frapper les yeux, plus par l’éclat que par la pureté, plus par la richesse que par l’harmonie, plus par la grandeur des lignes que par celle des formes.

Cependant il faut dire en faveur des Romains, que l’architecture avoit été de tout temps leur art favori. On ne connoît les noms d’aucun statuaire romain, et l’on connoît à peine ceux de deux ou trois peintres cités par Pline ; mais Vitruve nous apprend qu’avant lui, Rome avoit compté plus d’un architecte célèbre. Lui-même nous a transmis les noms de Fussitius, de Terentius Varron, de Publius Septimius, de Cossutius, de C. Mutius, qui avant lui avoient écrit sur leur art. Sans cette digression de Vitruve, dans sa préface, nous aurions ignoré qn’avant le siècle d’Auguste, d’où l’on a coutume de dater l’époque de la culture des beaux-arts à Rome, plus d’un Traité d’architecture y avoit été composé : que Terentius Varro en avoit fait un, que P. Septimius en avoit fait deux, que Fussitius avoit écrit sur son art avec le plus grand succès. Vitruve regrette encore beaucoup les écrits de Cossutius sur l’architecture, et plus encore ceux de C. Mutius, homme d’un grand savoir, et qui avoit achevé le temple de l’Honneur et de la Vertu. On sait assez, qu’en aucun genre, les écrits théoriques ne précèdent les œuvres de la pratique. Il faut qu’on ait déjà beaucoup opéré dans un art, pour qu’on en vienne à sentir le besoin d’en fixer les régles, ou d’en décrire les productions. Aussi le même Vitruve nous apprend-il que, dans les siècles qui l’avoient précédé, Rome avoit eu de grands architectes, et que de son temps il s’en trouvoit encore un grand nombre.

Lors donc que la conquête de la Grèce, et le règne d’Auguste eurent conduit et attiré à Rome des architectes grecs, ces artistes ne se trouvèrent point en pays étranger. Ils y trouvèrent le même art qu’ils avoient exercé chez eux, les mêmes pratiques, le même système d’ordonnance et de proportion. Mais déjà en Grèce même, le temps avoit pu introduire quelques changemens dans certains modes de colonnes. L’ordre dorique avoit pu perdre quelque chose de son caractère primitif et de l’austérité de ses principes. Les besoins variés de beaucoup d’édifices moins simples dans leur


plan, le goût d’élégance et de richesse qui avoit fait prévaloir l’emploi des deux autres ordres, contribuèrent aussi à alonger l’ordre dorique, à diminuer la sévérité de ses formes et de ses profils. Ainsi voyons-nous le portique d’Auguste à Athènes, déjà assez éloigné de la proportion massive et raccourcie de l’ancien dorique. Cet ordre acquit encore à Rome des proportions plus sveltes, un aspect moins sévère.

Mais le luxe, l’ostentation et la magnificence, mobiles principaux des grandes entreprises sous les empereurs, trouvèrent beaucoup mieux leur compte dans les formes, les proportions et les ornemens de l’ordre corinthien. On trouve peu de notions de monumens corinthiens chez les écrivains grecs, et fort peu de monumens de cet ordre dans les ruines de la Grèce. Le dorique fut l’ordre par excellence de son architecture, et en quelque sorte l’ordre privilégié pour les temples. On peut dire le contraire à Rome ; c’est le corinthien qui domine partout : aussi est-ce encore parmi les édifices romains qu’il faut aller chercher les modèles de ce que l’art a créé de plus parfait dans la disposition, le goût et le travail du chapiteau de cet ordre.

Plus favorable au luxe de la sculpture, il fournit encore à cet art les motifs des modifications les plus nombreuses, dans l’ajustement varié de son chapiteau. On l’orna de toutes sortes d’emblêmes et de symboles, du mélange de toutes sortes de types, et c’est dans ces modifications, que l’architecture moderne a cru trouver l’exemple de son ordre composite, qui n’est qu’une méprise, puisque, comme on l’a dit et prouvé ailleurs (voyez COMPOSITE), le chapiteau n’est pas ce qui constitue l’ordre, encore moins un ornement ou un autre, introduit dans le chapiteau.

Il en est du goût de la richesse, dans l’architecture, comme de la passion du luxe dans les mœurs privées ou publiques. Lorsque le principe du goût d’une part, comme de l’autre celui de la raison, ne peuvent plus mettre un frein à l’ambition des nouveautés, ou à l’orgueil des distinctions, il faut tomber dans cet excès qui amène la ruine.

Ainsi voit-on l’architecture romaine, après avoir épuisé toutes les ressources de la richesse guidée par le goût dans l’emploi des ornemens, mettre de côte toute modération, sacrifier le fond et le principal aux détails et aux accessoires, c. uvriv sans distinction aucune toutes les parties, tous les membres, d’ornemens et de sculptures, à peu près comme feroit celui qui, pour embellir une étosse, la cacheroit sous les broderies. Nous ne porterons pas plus loin, sur le goût de l’architecture romaine, des notions qui ont déjà trouvé leur place ailleurs. Voyez ARCHITECTURE.

Nous ferons remarquer toutefois, en terminant cet article, que l’art de l’architecture ayant été, dès l’origine de Rome, l’art de prédilection des Romains, et celui dont la culture privilégiée avoit exercé leur génie, de préférence à celle des autres arts, dès avant le siècle d’Auguste, il en fut de même depuis. Nous voyons l’architecture toujours en honneur sous l’empire, flatter l’ambition de ce qu’il y avoit de plus grand, et cette ambition, si l’on en croit l’histoire, portée chez l’empereur Adrien, jusqu’à l’excès d’une cruelle et détestable envie contre l’architecte Apollodore. Enfin, un dernier trait en faveur des succès de l’architecture à Rome, c’est qu’on la voit se soutenir et briller encore d’un certain éclat, après l’extinction des autres arts. Voyez ARCHITECTURE.

ROME. C’est pour être fidèle au plan de ce Dictionnaire, que, sous le titre de cet article, nous placerons la notice la plus abrégée des monumens de l’architecture antique que Rome moderne a conservés.

Voulant embrasser dans cet ouvrage l’universalité des notions historiques de l’architecture, nous n’avons rien imaginé de plus conforme au genre et à l’esprit d’un Lexique, où l’ordre alphabétique divise et morcèle toutes les matières, que de répartir les descriptions des monumens si nombreux de l’antiquité, en articles portant le nom de la ville où on les admire encore. C’est pour cela que le nom deRome, cette métropole de l’antiquité, devoit aussi trouver son article dans ce Dictionnaire.

Nous l’avons dit à l’article précédent, aucune ville, dans les temps anciens, ne put jamais approcher de la grandeur et de la magnificence de Rome. On juge toujours de la grandeur des Etats par celle de leur capitale, et réciproquement, l’étendue, la somptuosité de chaque capitale, se trouvent nécessairement en proportion de la population, de la richesse, de la puissance d’une nation. Or, quelle capitale, même des plus grands Etats, put approcher de celle qui eut pour provinces les plus grands royaumes, et pour royaume le monde alors connu ? Rome, phénomène unique dans l’histoire du monde, réunit toutes les sources de richesse, tous les moyens de puissance qui dévoient en faire le centre des plus vastes entreprises, des plus dispendieux monumens, et de tous les efforts qui peuvent donner de la durée aux ouvrages de l’homme.

Aussi, l’avons-nous déjà observé, le plus éclatant témoignage de la puissance de l’ancienne Rome se trouve encore dans ses restes. Par l’effet de ce principe, qui veut que toute réaction soit égale à l’action, autant de causes avoient contribué à l’élévation de Rome, autant, et plus peut-être, contribuèrent depuis à son anéantissement. Ajoutons que les moyens qui détruisent ont bien plus d’activité que ceux qui édifient. Un grand nombre des plus considérables villes de l’antiquité ont disparu, pour ainsi dire, de la surface de leur sol, ou l’antiquaire seul en retrouve des indica-


tions. Rome a conservé des monumens qui s’élèvent encore fièrement au-dessus de tous les monumens modernes. Enfin, de nouvelles causes de conservation sont venues procurer et promettre à ses débris une sorte de nouvelle vie. Rome, par sa position, étant devenue le chef-lieu du Christianisme, devoit être, en effet, le point de réunion de l’Europe et de la civilisation moderne. Elle devint aussi, dans les restes de ses monumens, le point de centre des arts, et surtout de l’architecture. C’est de ce soyer non encore éteint, et rallumé par le zèle des souverains Pontifes, que partirent les lumières qui firent renaître les connoissances de l’architecture grecque ; et telle est la solidité de ces restes d’édifices, tel en est le nombre, telle est la diversité de leurs genres, qu’ils ont continué et continueront d’être la grande école de l’art, de la science et du goût de bâtir, chez tous les peuples et dans tous les âges.

Ce n’est pas que certains monumens des beaux temps de la Grèce, échappés à la barbarie, n’aient, surtout dans l’ordre dorique, un caractère plus original, une plus grande pureté de goût, et un mérite supérieur de simplicité et d’harmonie. Il s’est aussi conservé un plus grand nombre de temples en Grèce ; mais, en général, ou doit dire que ces admirables monumens sont plutôt pour nous des modèles abstraits du beau en architecture, que des exemples usuels, et d’une application facile à des convenances différentes. Rome antique, au contraire renferme dans ses débris des restes de presque tous les monumens possibles. On y trouve l’emploi de toutes les sortes de matériaux, mis en œuvre de toutes les manières, pour tous les genres de constructions, dans toutes les formes qui peuvent satisfaire à tous les besoins. Rome mit à contribution toutes les nations qui lui étoient soumises, en sorte qu’elle est encore aujourd’hui, dans ses ruines, un répertoire et une collection des ouvrages, des talens et de l’industrie, des matières et des ornemens de tous les peuples qui, avant elle, avoient exercé les arts et pratiqué l’architecture.

Mais plus ce peu de mots donne à entendre quel est le nombre, quelle est la diversité des antiquités, que Rome étale encore, et présente à l’étude et aux recherches de l’architecte et de l’antiquaire, plus il est facile de comprendre, qu’une simple mention de tous ces monumens excéderoit les bornes de cet article. J’ajoute qu’il en est fort peu, de ceux surtout qui ont de l’importance, dont on ne trouve les notions ou les description, aux articles de ce Dictionnaire, qui, selon le sujet dont on y traite, donnent l’occasion, soit d’en décrire l’ensemble, soit d’en citer les détails, soit d’en proposer les exemples, ou d’en recommander l’imitation.

Nous nous contenterons donc ici de la seule énumération, non pas même de tous les restes d’antiquité que l’on compteroit difficilement à Rome, tant sont nombreuses les ruines éparses, les parties isolées de construction, dont il n’est plus possible de découvrir l’emploi ; non pas même de tous les monuinens d’un même genre, dont il reste des vestiges qui les font reconnoître pour ce qu’ils ont été, mais seulement des différens génies de monumens qui subsistent avec plus ou moins d’intégrité, nous contentant de citer les plus remarquables de chaque genre. Encore bornerons-nous cette notion à l’enceinte seule de Rome.

En tête des restes d’antiquités auxquels l’architecture des Modernes n’a cessé, depuis quatre siècles, de demander des leçons ou des exemples, nous placerons :

Les temples, et en première ligne, comme le plus entier et le plus magnifique, le Panthéon, bâti, sous le règne d’Auguste, par Agrippa, restauré depuis sous les règnes de Sévère, Marc-Aurèle et Antonin.

Viennent ensuite, comme étant encore à peu près intègres, les temples qu’on appelle de Bacchus, de Faune, de Vesta, de la Fortune virile.

Comme restes de frontispices ou de péristyles de temples construits en marbre, il faut citer ceux des temples appélés d’Antonin et Faustine, de la Concorde, de Jupiter-Stator, de Jupiter-Tonnant, de Mars-le-Vengeur.

Basiliques. — On croit en voir un reste dans ce qu’on nomme la Basilique d’Antonin. Mais plusieurs églises, telles que l’intérieur de Sainte-Marie-Majeure, de Sainte-Agnès hors des murs, de Saint-Clément, sont des traditions de basiliques antiques.

Amphithéâtres. — Des restes de constructions fort considérables de l’amphitheatrum castrense, le plan général, la masse qui soutenoit les gradins, et près d’une moitié de l’élévation extérieure de celui qu’on appelle le Colisée. Voyez Amphithéatre.

Théâtres. — Un beau fragment du théâtre de Marcellus. Voyez Théatre.

Cirques. — Le plan général, l’enceinte et de fort beaux restes de construction du Cirque appelé de Caracalla. Quelques vestiges du grand Cirque. Voyez Cirque.

Aqueducs. — Quoique ces grandes et nombreuses constructions que les écrivains ont mises au rang des merveilles de l’Univers, soient (comme la nature des choses le veut) hors de Rome, cependant elles en firent tellement partie, et lui tiennent si nécessairement, que nous avons dû leur donner ici une mention. Du reste, voyez l’article Aqueduc.

Egout (Cloaca maxima). — Cet ouvrage dont la grandeur, la solidité et l’étonnante durée font encore aujourd’hui la gloire des rois de Rome, existe dans toute son intégrité, et sert toujours au même emploi. Voyez Cloaques de Rome.

Ponts. — Le pont Ælius, appelé aujourd’hui Ponte San-Angelo, subsiste encore dans son entier. Il existe des restes du pont Senatorius, sous le nom de Ponte rotto, du pont Fabricius, sous le nom de Ponte quatro capi, et des vestiges peu reconnoissables de quelques autres.

Murs de ville. — L’enceinte actuelle des murailles de Rome passe pour être du temps de Bélisaire. Quoique restaurées à différentes époques, ces constructions ont conservé les témoignages nombreux, des différentes manières de bâtir les murailles et les fortifications.

Portes de ville. — Il ne subsiste plus de portes qui puissent passer pour avoir appartenu aux plus anciens temps de Rome. Parmi celles qui passent pour antiques et qui sont de peu d’importance, il faut distinguer, comme ouvrage remarquable d’architecture, la porte appelée aujourd’hui Porta maggiore, et qui s’appeloit autrefois Porta Nevia et Labicana. Cette porte, formée de deux arcades, étoit, dans son attique bien conservé, un réservoir où aboutissoit l’eau de plusieurs aqueducs. On pourroit aussi l’appeler un château d’eau.

Arcs de triomphe. — L’arc de Titus, jadis engagé dans des constructions qui le déparoient, vient d’être dégagé et restauré. L’arc de Septime-Sévère, entier dans toutes ses parties, mais autrefois enterré dans son soubassement, maintenant mis à découvert. L’arc de Constantin, formé jadis aux dépens de l’arc de Trajan, est conservé dans son entier. L’arc des orfévres, curieux par ses ornemens. D’autres arcs, tels que celui de L. Verus et de Marc-Aurèle, n’ont conservé que leurs beaux bas-reliefs qu’on voit au Capitole. Voyez Arc de triomphe.

Janus. — C’est le nom qu’on donnoit à des portiques percés de quatre côtés, offrant une arcade à chacune de leurs quatre faces. Il y en avoit dans les différentes rues de Rome. Il s’en est conservé un qu’on a appelé improprement, ou temple, ou arc.

Portiques. — Sous ce nom général et fort vague, on comprend d’autant plus de monumens, que la destruction ayant isolé beaucoup de colonnes et de fragmens d’édifices, des ensembles dont ils faisoient partie, ou leur donne volontiers un nom qui ne semble désigner ni forme, ni destination particulière. Tels sont ces restes qu’on appelle Portique de Septimius, Portique d’Octavie, etc.

Forum. — On appelle Forum de Nerva, un très-beau reste d’architecture, qu’on admire au Campo Vaccino. On voit depuis peu les vestiges du Forum de Trajan.

Colonnes triomphales. — Rome possède, en ce genre, les deux plus beaux restes d’antiquité. La colonne de Trajan, toute en marbre, conservée dans la plus grande intégrité, présente une des principales merveilles de la construction, de l’architecture et de la sculpture. La colonne Antonine, ou de Marc-Aurèle, également intègre, moins belle dans ses sculptures, construite aussi en marbre, et rivale du monument de Trajan, pour la hardiesse et l’élévation. La colonne rostrale, qui n’est qu’une imitation, mais exacte de l’antique, et qu’on voit au Capitole.

Colonne milliaire. — Sur la balustrade du perron du Capitole, s’élève encore l’ancienne colonne surmontée d’un globe doré, d’où l’on comptoit les milles sur toutes les voies romaines. Voyez Colonne.

Nous ne parlerons pas du nombre infini de colonnes antiques de toutes les sortes de matières, de formes, de proportions, sculptées, cannelées, lisses, etc., où l’architecture trouve des modèles de tout genre. Voyez Colonne.

Mausolées. — Au nombre des tombeaux qu’on appela ainsi, et dont les restes subsistent, nous nous bornerons à compter le mausolée d’Adrien, appelé aujourd’hui le château Saint-Ange, et le mausolée d’Auguste, dont la partie inférieure existe encore. L’intérieur de Rome n’a presque plus conservé de restes de tombeaux ; on en sait la raison. Ils étoient tous construits hors de la ville et sur les routes, et nous nous sommes interdit de parler des antiquités que l’on trouve dans ses environs. Voyez Mausolée.

Pyramide. — C’est dans l’intérieur des murs actuels, et attenant à ces murs, que s’élève encore, dans toute son intégrité, la pyramide de C. Cestius, que nous avons décrite ailleurs. Voy. Pyramide.

Obélisques. — Ces monumens de l’art égyptien, avoient été transportés autrefois par les empereurs romains, de l’Egypte à Rome, pour y devenir l’ornement des cirques, et de quelques autres monumens, puisqu’on sait qu’il en existoit deux à l’entrée du mausolée d’Auguste, et qu’un autre, dressé au Champ-de-Mars, servit de gnomon. Tous ces obélisques ont été replacés pour servir de décoration aux places de Rome moderne, et tous ont été rétablis et restaurés par les soins successifs des différens pontifes.

Thermes. — Ces immenses édifices, qui réunissoient à l’usage, plus particulier des bains, beaucoup d’autres destinations communes aux lycées, aux portiques, aux gymnases, ont conservé un des premiers rangs au milieu des ruines de l’antique Rome. — Quelques-uns subsistent encore dans quelques vastes salles, comme celle des thermes de Dioclétien, convertie en église, dans quelques rotondes consacrées au culte chrétien. — On admire encore à Rome la vaste enceinte des thermes de Caracalla. — De grandes salles souterraines, qu’on croit avoir fait partie des thermes de Tite. On montre encore des fragmens des thermes d’Agrippa, auxquels se lioit le temple du Panthéon.

Il est probable que beaucoup de grandes constructions, auxquelles on donne des noms fort arbitraires, sont des démembremens de thermes, et cette opinion n’est pas invraisemblable à l’égard de ce qu’on appelle le temple de la Paix.

Nous ne parlerons ici, ni des routes, ni des hypogées, ni des catacombes, ni de beaucoup d’autres ruines, mal désignées par une critique vulgaire, et auxquelles les recherches nouvelles assignent d’autres dénominations.

L’objet de cet article n’étant point d’instruire celui qui étudie les monumens, sous le rapport de l’antiquité, mais seulement d’en rappeler l’existence aux architectes, nous avons cru devoir, en les indiquant, conserver les dénominations sous lesquelles ils sont généralement connus.

ROND, adj. Synonyme de circulaire. On donne quelquefois ce nom à ce qu’on appelle tore. Voyez ce mot.

ROND-CREUX. Voyez Nacelle.

ROND-D’EAU. On appelle de ce nom un grand bassin d’eau de figure circulaire, comme on en voit dans les jardins.

ROND-POINT. C’est ainsi qu’on appelle quelquefois en architecture, cette partie demi-circulaire que l’on pratique à l’extrémité d’une église en forme de basilique, et qui ressemble à une grande niche : c’est ce que les Anciens appeloient apside, et qu’on nomme aujourd’hui cul-de-four.

ROSACE, s. f. C’est le nom qu’on donne, dans le langage de l’ornement en architecture, à de grandes roses qui occupent le milieu des caissons dont les compartiment décorent les voûtes ou les plafonds.

Les rosaces sont susceptibles de différentes configurations. Comme elles sont des imitations libres et conventionnelles de fleurs ou de plantes diverses, leur caractère et leur forme varient, selon le besoin qu’a l’architecte de faire produire à cet ornement plus ou moins d’effet, en raison de la distance d’où il doit être vu, ou de l’accord qu’il doit avoir avec les autres objets de décoration.

Ainsi, il y a des rosaces qui n’ont qu’un seul rang de feuilles, d’autres en ont deux, quelques-unes en ont trois. Ces feuilles se trouvent disposées de façon à aller par étages ; elles sont taillées avec plus ou moins de fermeté, selon l’effet qu’on veut leur donner. Quelquefois les feuilles sont supposées lisses et aiguës, quelquefois elles sont dentelées, quelquefois arrondies, et elles vont en se superposant les unes sur les autres. Le milieu de la rosace est toujours indiqué par une espèce de bouton ou de culot, qui est, comme dans la nature, le point de départ de toutes les feuilles.

ROSE, s. f. Comme on donne le nom de rosace, à cause de la grandeur de leur dimension, aux ornemens qui occupent le milieu des caissons (voyez l’article précédent), on donne le nom de rose, à raison de leur moindre dimension, aux ornemens du même genre, qu’on place et qu’on taille, par exemple, sous les plafonds des corniches, dans les intervalles qui séparent les modillons, comme encore dans le milieu de chaque face de l’abaque du chapiteau corinthien.

Rose de compartiment. On appelle ainsi, tout compartiment formé en rayons par des plates-bandes, guillochis, entrelas, étoiles, etc., et renfermé dans une figure circulaire. On voit de ces roses de compartiment dans les plafonds, dans les dessins des pavés de marbre circulaires ou ovales.

Le même nom se donne encore à ce qu’il faut appeler des espèces de petits bouquets ronds, triangulaires ou en losanges, qui remplissent des renfoncemens de soffite, de voûte, etc.

Rose de moderne. C’est le nom qu’on donne, dans les intérieurs des églises gothiques, à ces grands vitraux circulaires, formés de nervures en pierre, dont les intervalles sont remplis de panneaux de vitres, d’où résultent des compartimens de toutes sortes de couleurs, dont l’effet est d’un extrême agrément. Ces sortes de roses sont peut-être l’objet de la décoration gothique, à la fois la plus remarquable par le bon goût des compartimens, la diversité des couleurs et l’effet mystérieux qu’il répand dans les intérieurs. On les y voit ordinairement pratiquées aux deux branches de la croisée, et à l’extrémité de la nef, du côté de l’entrée.

Rose de pavé. C’est, dans un dessin circulaire, un compartiment formé de diverses rangées de pavés, soit de grès, soit de cailloux, soit de pierres noires ou de pierres à fusil, mêlées alternativement, dont on orne certaines cours, des grottes, des fontaines, etc.

Le même nom se donne au même genre de compartimens, faits aussi en pierres ou carreaux de marbre de différentes couleurs, dans les parties circulaires et intérieures des édifices.

Rose de serrurerie. Ornement rond, ovale, ou à pans, que l’on fait ou de tôle relevée par feuilles, ou de fer contourné par compartimens à jour. On l’emploie dans les dormans des portes cintrées, et dans les panneaux de serrurerie.

ROSEAUX, s. m. pl. On donne ce nom à de certains ornemens en forme de cannes ou de bâtons, dont on remplit par en bas et jusqu’au tiers, les cannelures des colonnes rudentées.

ROSETTE, s. f. (Terme de serrurerie.) Ornement de tôle ciselée, en manière de rose, au milieu de laquelle passe la tige d’un bouton de porte.

ROSSELLINO (Bernard), architecte florentin, qui vécut dans le quatorzième siècle.

Dans tous les genres, on a remarqué que les grands hommes et les grands ouvrages, qui ont fait la gloire de quelques siècles privilégiés, eurent toujours des précurseurs qui leur préparèrent les voies. Il est des momens marqués, où se rencontrent, par un concours particulier des hommes et des circonstances, toutes les conditions propres à la production des merveilles de l’art. C’est alors que naissent des personnages célèbres, qui effacent par leur éclat celui des ancêtres auxquels ils doivent toutefois l’existence de leur talent. Le travail fut pour les prédécesseurs, la gloire appartiendra aux successeurs. C’est ainsi que cette terre, que nous voyons parée de riches moissons, qui semblent la production subite de l’été, ne les doit pourtant qu’aux travaux de l’hiver, dont la pénible trace a disparu.

Cette réflexion est surtout applicable à Bernard Rossellino, dont très-peu d’architectes ont entendu parler, dont la vie fut occupée par beaucoup de travaux qui, pour la plupart, n’étoient pas de nature à procurer une longue renommée, et auquel le sort envia le bonheur d’exécuter et de rachever les plus grandes entreprises qu’ait conçues le génie de l’architecture moderne. C’est sous ce dernier rapport, que Bernard Rossellino mérite une mention des plus distinguées dans l’histoire de cet art.

Il y eut effectivement, dans le quinzième siècle, plusieurs hommes de génie, dont on peut dire que les occasions seules leur ont manqué. De ce nombre furent Léon Batista Alberti (voyez Alberti) et Bernard Rossellino. Tous deux associés, par la confiance du pape Nicolas V, aux grands travaux qui devoient illustrer son règne, ils devancèrent Bramante dans la conception de la basilique de Saint-Pierre : et qui sait s’ils ne l’eussent pas surpassé, à juger de semblables entreprises par l’ambition et le goût des souverains qui les commandent ? Rome, en effet, n’a point eu de pontife, sans excepter Jules II, aussi ardent amateur des arts et des monumens que Nicolas V. Il conçut par lui-même les plus vastes projets, et ses connoissances étoient au niveau de son goût ; car, ainsi que l’observe Vasari, si les artistes pouvoient diriger son goût, il n’étoit pas moins propre à les diriger dans leurs travaux. Et, continue-t-il, ce qui contribue puissamment au succès des grandes entreprises, c’est que celui qui les commande, connoisseur par lui-même, soit capable d’une décision prompte ; car s’il est irrésolu, et si, au milieu de divers projets, il reste flottant entre le oui et le non, il perd souvent sans fruit, et laisse passer le temps d’exécuter.

Léon Batista Alberti, dont Nicolas V fut apprécier le génie, ne paroît cependant avoir eu d’autre part, que celle du conseil dans les vastes inventions que ce Pape méditoit. Bernard Rossellino fut son architecte favori. Ce fut lui, en effet, qui donna les premiers plans de la basilique de Saint-Pierre. Déjà même la partie du chevet de l’église étoit hors de terre, lorsque Nicolas V mourut, et le seizième siècle hérita, non-seulement de l’entreprise, mais encore de l’honneur de l’avoir conçue.

Gianozzo Manetti, dans la Vie du pape Nicolas V, nous a transmis une description au projet de Rossellino. Quoique la description d’un édifice qui ne fut point exécuté, et dont il ne reste aucun vestige, ne soit guère propre à offrir une idée bien claire de sa composition, nous avons cru cependant qu’une notion aussi curieuse pour l’histoire de l’architecture, auroit plus d’une sorte d’intérêt. Quand on n’y verroit que le germe de l’église de Saint-Pierre, ce germe mériteroit d’être recueilli. Mais peut-être y verra-t-on encore quelques détails dont la tradition a pu influer sur la destinée du plus grand édifice qui soit au monde.

Rossellino, encouragé par le génie de Nicolas V, conçut son projet avec ses accessoires, dans des dimensions qui paroissent fort rapprochées de celles qu’offre l’ensemble du monument actuel. La basilique qu’il projeta, devoit s’étendre fort au-delà de l’ancienne. Son chevet, la seule partie qui fût commencée, s’élevoit à l’endroit occupé par le petit temple ou tombeau de Probus, lequel étoit situé en dehors et au bout de l’hémicycle de l’ancien Saint-Pierre, et qui fut démoli pour faire place à la nouvelle construction. Le plan général du temple étoit imité de celui des basiliques antiques : une vaste nef formée par des colonnes du quarante coudées, et accompagnées, de chaque côté, par deux nefs collatérales, se trouvoit coupée par une croisée de ceut quatre-vingts coudées de longueur. La largeur générale du temple, sans y comprendre la croisée, étoit de cent vingt coudées, et sa longueur, depuis le premier vestibule, étoit de cinq cents. L’hémicycle, ou ce qu’on appelle en Italie la tribune, avoit quarante coudées de large, et soixante-quinze de longueur. Elle étoit environnée de gradins en amphithéâtre, et éclairée par des fenêtres en œil-de-bœuf. L’autel étoit situé en avant de la croisée. Au centre de celle ci s’élevoit une coupole de cent coudées de haut. L’œil de la voûte servoit en même temps de fenêtre, par où la lumière se répandoit dans l’intérieur.

On n’arrivoit à l’église qu’après avoir traversé trois vestibules. Entre celui qui tenoit à l’église, et le second, étoit une cour environnée de portiques, et qui renfermoit les logemens des chanoines. Au milieu étoit une grande fontaine, couronnée par une pomme de pin (probablement celle du mausolée d’Adrien, aujourd’hui au belvédère du Vatican). Le premier vestible ou celui d’entrée, avoit cinq portes, et à ses extrémités s’élevoient deux tours ou campaniles, desquels partoit, de chaque côté, un grand mur qui environnoit le temple, jusqu’aux branches de la croisée. En avant de ce vestibule, élevé sur une grande esplanade à degrés, s’étendoit une vaste place de cinq cents pas de long sur cent de large, environnée de colonnes. A cette place venoient aboutir trois rues formant patte d’oie, et faisant partie du projet général qu’avoit conçu Nicolas V, de rebâtir à neuf tout le quartier de Borgo nuovo.

Bernard Rossellino fut encore l’auteur de cet immense et magnifique plan, dont celui qu’on vient de décrire n’eût été qu’une petite partie. Selon ce plan, tout le quartier qu’on vient de nommer, devoit devenir une ville nouvelle, qu’on auroit appelée la ville du Vatican. Trois grandes rues, avec des portiques couverts, auroient conduit à Saint-Pierre et au palais pontifical. Ce palais devoit être reconstruit à neuf, et renfermer tous les bureaux, offices, tribunaux administratifs, civils et ecclésiastiques. On y établiscoit des demeures pour tous les princes de la chrétienté, un théâtre pour le couronnement des Papes, un local pour le conclave, des bibliothèques, des jardins, des fontaines, des portiques de tout genre. Enfin, c’eût été moins, un palais, qu’une espèce d’abrégé du monde chrétien, au milieu duquel auroit habité le chef de la chrétienté. Il paroît que ces travaux eurent un commencement d’exécution, et une tour qu’on voit encore, s’appelle la tour de Nicolas V.

Ce Pape employa Bernard Rossellino à la réparation et à la reconstruction de ce qu’on appelle, à Rome, les quarante églises, ou les églises à station. Cet architecte restaura Santa-Maria in Transtevere, Saint-Praxède, Saint-Théodore, Saint-Pierre-aux-liens et beaucoup d’autres d’une moindre importance. Mais il se distingua surtout dans les travaux des six plus grandes églises ; telles que Saint-Jean de Latran, Sainte-Marie-Majeure, Saint-Etienne-du-Mont, les Saints-Apôtres. Quant à Saint-Pierre, on a vu de quelle manière il comptoit en renouveler la totalité.

Le zèle du Pape et la capacité de Rossellino s’étendirent à tous les objets d’amélioration, de salubrité et d’embellissement de la ville de Rome. Ses murs furent réparés, et fortifiés par des tours construites de distance en distance. Le château Saint-Ange fut mis en état de défense au dehors, et embelli dans son intérieur. Depuis l’empereur Adrien, Rome n’avoit pas vu de prince possédé de la passion de bâtir, comme le fut Nicolas V.

Il ne la renferma pas seulement dans Rome. Rossellino la servit encore dans beaucoup d’autres villes. Par ses ordres, nous dit Gianozzo Manetti, il refit la place de la ville de Fabriano, selon un dessin régulier, et l’environna de boutiques commodes et agréables. Il renouvela plutôt qu’il ne restaura l’église de Saint-François, qui tomboit en ruines. A Gualdo, il remit à neuf et augmenta de nouveaux bâtimens l’église de Saint-Benoit. A Assise, il refit les fondations et la couverture de l’église de Saint-François, et renforça sa construction qui menaçoit d’une ruine prochaine.

Civita-Vecchia fut embellie par lui d’édifices magnifiques, et Civita-Castellana lui dut la construction de ses murailles.

Narni, Orvietto et Spoleta furent fortifiées par ses soins, avec autant d’intelligence que de solidité.

Bernard Rossellino ne fut pas seulement à la tête des architectes de son siècle, il prit aussi rang parmi les premiers sculpteurs de cette époque. Son frère Antonio, livré plus particulièrement à la sculpture, paroît avoir été son maître dans cet art. Il mourut jeune, et Bernard succéda à son talent et à ses entreprises.

Les mausolées, dont nous avons fait connoître le goût et la composition, à l’article MAUSOLÉE (voyez ce mot), étoient alors une source assez féconde d’ouvrages pour la sculpture. Le genre d’idées et de sujets que l’usage avoit accrédité dans les églises, exigeoit assez volontiers, par les travaux d’ornement architectural répandus sur les soubassemens, et beaucoup d’autres accessoires, le concours du sculpteur et de l’architecte ; Bernard Rossellino réunissant les deux talens, se montra, pour son siècle, supérieur dans l’un et dans l’autre. Il porta la finesse du ciseau, la grâce des ornemens et le bon goût des détails de l’architecture, à un point qui a fait mettre un de ses ouvrages, sous le nom du sculpteur le plus célèbre alors en ce genre (Desiderio da Settignano), je parle du tombeau de la bienheureuse Villana, dans l’église de Santa-Maria-Novella. M. Cicoguara a réfuté l’erreur où étoient tombés tous les biographes, en découvrant le marché fait avec Bernard pour ce monument, avec le procureur du couvent de Santa-Maria-Novella, en 1451.

Mais le plus bel ouvrage de Bernard Rossellino est le mausolée du célèbre historien de Florence, Leonardo Bruni d’Arezzo, qu’on voit dans l’église de Sainte-Croix, en face de celui de Michel Ange, chef-d’œuvre de sagesse, de bon goût et de délicatesse d’exécution. Les anges qui, sur le soubassement, supportent et accompagnent la table de l’épitaphe, sont, dit M. Cicognara, d’une sculpture égale, pour l’élégance, à celle de Laurent Ghiberti. Les deux aigles semblent être l’ouvrage d’un ciseau antique. En voyant cet ensemble, que l’on prendroit aussi, quant à la masse, aux détails des profils, au bon goût des ornemens, pour une


émanation de l’antiquité, on peut affirmer que depuis cette époque, l’art n’a rien produit en ce genre de plus parfait.

ROSSI (de) Jean-Antoine, né en 1616, mort en 1695.

Antoine de Rossi naquit près de Bergame, dans une terre appelée Brembato. Il reçut quelques principes d’architecture d’un maître obscur. Sans avoir appris à dessiner, il devint bon architecte. Il le dut à l’examen et à l’étude des beaux monumens de Rome ; aussi fut-il obligé d’avoir souvent recours, pour rendre ses idées, à une main étrangère. Mais l’art de l’architecture consiste beaucoup moins dans l’exécution graphique, souvent fort étrangère au don de la pensée et de l’invention, que dans les combinaisons de l’esprit, auxquelles rien ne supplée.

Un des ouvrages d’Antoine de Rossi, qu’on se plaît davantage à vanter, est à Rome le palais Renuccini, construit dans le Cours. Certainement sa façade, qu’on voit dans la seconde partie du Recueil des palais de Rome, par Ferrerio, présente uue masse, dont la proportion, la disposition et le bel accord rappellent le genre et le caractère des plus beaux ouvrages du seizième siècle. Belle division des étages, justes rapports entre les pleins el les vides, heureuse répétition des fenêtres, bon emploi des chaînes de bossages, tout y est louable ; on n’y peut trouver à redire que les formes lourdes des frontons qui couronnent les chambranles des fenêtres, et quelques détails capricieux qui les déparent. Mais c’étoit la une de ces modes auxquelles se font reconnoître les édifices de ce siècle : du reste, on fait moins de cas de la partie en retour de ce palais, ainsi que de son entrée, qui est sombre, défaut qu’on croit dû à celui de l’emplacement.

Mais il faut citer, comme l’ouvrage le plus remarquable d’Antoine de Rossi, le grand palais Altieri, un des plus magnifiques de Rome, et qui joint la beauté de l’intérieur à celle de l’extérieur. La division de ses étages est des mieux entendue ; l’espacement des fenêtres ne l’est pas moins. Les frontons qui en couronnent les chambranles, sont purs et exempts de tout détail inutile ou bizarre. L’ensemble de toute cette masse est grandiose et du plus bel effet ; l’entablement, sans être des plus purs, a, par sa combinaison avec les consoles qui le supportent, et les petites fenêtres du Mezzanino, intercalées de distance en distance entre les consoles, l’avantage d’offrir à toute la masse un couronnement riche sans lourdeur, et varié sans confusion. On trouve un peu grêles les deux colonnes qui accompagnent la porte d’entrée.

La cour de ce palais forme un grand carré, environné de portiques ou d’arcades, dont les piédroits sont ornés de pilastres. L’architecture en est belle et gracieuse, et par cela même, répond moins bien qu’en ne le desirecoit, au caractère magnifique, en même temps que grave de l’extérieur. L’escalier est vaste et bien éclairé : on regrette que les pilastres qui en soutiennent la voûte, le rétrécissent par intervalles. Les balustres d’appui sont inclinés pour suivre la pente de la rampe : on trouve une apparence un peu mesquine, aux portes des appartemens sur les paliers.

Ce magnifique palais, comme la plupart des grandes entreprises, que toutes sortes de circonstances contrarient, a l’inconvénient de manquer d’unité dans les parties dont il est composé. Ainsi sa partie la plus étendue, a plus de hauteur que celle qui donne sur la place de l’église du Jésus, et sembleroit former un palais distinct de l’autre, sur la place de Venise. On y voit une grande porte qui conduit à un grand cortile rectangulaire, mis en communication avec l’autre cour dont on a parlé. On doit regretter, sans doute, qu’un si grand édifice, isolé de toute part, et qui compte parmi les plus magnifiques palais de Rome, manque de cette régularité qui auroit dû en faire un tout complet.

Antoine de Rossi éleva encore les palais Astalli et Muti, au pied du Capitole. Il construisit l’hôpital des femmes à Saint-Jean de Latran, l’église de Saint-Pantaléon, la chapelle du Mont-de-Piété, joli ouvrage, mais un peu incorrect, l’église de la Madeleine, qu’il laissa imparfaite. Après lui elle fut terminée par divers artistes qui ne lui épargnèrent ni défauts, ni ridicules, tant au dedans qu’au dehors.

Le grand nombre d’édifices construits par Antoine de Rossi, soit à Rome, soit dans les pays étrangers, lui procurèrent une fortune considérable pour le temps : on l’évalua à plus de 80 mille écus romains, ou 40, 000 livres de France. N’ayant point d’enfans, il disposa de sa fortune en bonnes œuvres. Il en fit trois parts ; une qu’il laissa à l’hôpital de la Consolation, l’autre à l’église appelée Sancta Sanctorum, et il consacra la troisième à doter de pauvres filles.

Antoine de Rossi fut très-désintéressé, et la générosité étoit en lui comme une qualité naturelle. Il en donna une preuve au peintre Baccicio, qui desiroit ardemment d’acquérir de lui une maison qu’il n’avoit aucun besoin de vendre ; de Rossi y consentit, mais il ne voulut jamais accepter rien au delà du prix qu’il en avoit autrefois donné quelqu’offres avantageuses que Baccicio l’eût pressé d’accepter.

Antoine de Rossi avoit le parler résolu, l’air un peu altier et dédaigneux. Quant à l’architecture, on doit dire que sa manière fut grande et large. Nul n’eut plus d’habileté pour trouver les moyens d’éclairer les intérieurs. Son goût d’orner fut assez sage. Il possédoit particulièrement l’art de s’accommoder aux emplacemens, d’en tirer un parti avantageux, et de donner de la grandeur, même aux plus petits espaces.


Rossi (de) Mathias, né en 1637, mort en 1695.

Cet architecte ne fut point fils d’Antoine de Rossi dont on vient de parler, mais bien d’un certain Marc-Antoine de Rossi, architecte médiocre, auquel il dut une bonne éducation.

Après s’être livré à l’étude des belles-lettres et de la géométrie, il entra dans l’école de Bernin, qui l’affectionna plus que tous ses autres élèves, qui le conduisit avec lui en France, et l’employa toujours de préférence dans ses plus grands ouvrages.

Mathias de Rossi eut à diriger la construction d’un palais que Clément IX fit bâtir à Lamporechio, et celle d’une église à Monterano. Par ordre du Pape, il publia un rapport étendu sur l’état de la coupole de Saint-Pierre, dans lequel il prouva d’abord, que toutes les craintes qu’on avoit de sa ruine étoient chimériques, et ensuite que Bernin n’avoit fait que suivre le projet des fondateurs de la coupole, en pratiquant une niche et un balcon dans les énormes piliers qui la supportent.

Bernin mort, de Rossi succéda à la plupart de ses emplois, et le remplaça comme architecte de Saint-Pierre.

Le tombeau de Clément X, dans le temple du Vatican, la façade de Santa-Galla, la grande porte à bossages, et qui donne sur les derrières du palais Altieri, ainsi que les écuries, le bâtiment de la Douane àRipa grande, furent l’ouvrage de Mathias de Rossi.

Il fit pour l’oratoire du Père Caravita un projet, dont la trop grande dépense empêcha l’exécution. Il eut une très-grande part dans la construction du palais de Monte-Citorio : de lui sont le grand escalier, le portique et le dernier étage. Le pape Innocent XII, juste appréciateur des talen, faisoit un grand cas de son mérite, et l’honora de la croix de l’Ordre du Christ.

Mathias de Rossi avoit été appelé en France pour prendre part aux travaux de Bernin. Il mérita les bonnes grâces de Louis XIV, et exécuta, entr’autres choses, un modèle du palais du Louvre. La guerre ayant suspendu les projets, il quitta la France, comblé d’honneurs et de présens.

De retour en Italie, il construisit pour le prince Pamphile, à Valmontone, une charmante église en rotonde, de forme elliptique, et surmontée d’une couple de bon goût. On admire l’architecture de ce monument, et en particulier son campanile.

Innocent XII chargea notre architecte d’aller examiner les marais appelés Chiane, et de lui faire un rapport exact sur les dommages que les eaux avoient pu occasionner dans le voisinage. De retour de cette mission, il fut attaqué à Rome d’une violente rétention d’urine, dont il mourut à l’âge de cinquante-huit ans.

Mathias de Rossi fut universellement regretté, et autant pour ses qualités personnelles que pour son talent. Il avoit d’agréables manières, des mœurs distinguées et de la gaieté dans le caractère. Quant à son art, on doit dire qu’il y avoit de profondes connoissances ; il dessinoit bien, composoit avec facilité, et son style, pour l’âge où il vécut, ne manque pas d’une certaine correction.

ROSSIGNOL, sub. m. Coin de bois qu’on met dans les mortaises qui sont trop longues, lorsqu’on veut serrer quelque pièce de bois, comme jambes de bois ou autres.

Rostrale (colonne). Voyez Colonne.

ROSTRES, s. m. pl. On doit se représenter les rostres à Rome comme une espèce d’estrade, ou formée en manière de tribune par la figure même d’une proue de vaisseau, ou posée sur un soubassement orné de ces becs de navires, que les Romains appeloient rostra.

Nous avons déjà vu à l’article Mausolée (voyez ce mot), la grande composition du bûcher d’Ephaestion s’élever sur un soubassement orné de proues de vaisseaux. Ainsi les Romains avoient orné leur Forum, c’est-à-dire leur grande place, des becs des navires enlevés sur les Carthaginois, dans le premier combat naval qu’ils soutinrent contre eux. Il est permis de croire que cette sorte de trophée temporaire fut converti par la suite en matière plus durable, et que les proues de vaisseau purent devenir un ornement courant dans l’architecture, comme nous les voyons employées dans la colonne rostrale.

Cet ornement, qui n’étoit qu’une partie de la décoration de la place, lui donna à la fin son nom, et encore à une autre place ; car il y avoit deux rostres à Rome, vetera et nova.

Les rostra nova furent aussi appelés Julia, soit parce qu’ils étoient situés auprès du temple d’Auguste, soit comme ayant été l’ouvrage de Jules-César, soit enfin qu’Auguste eu eût ordonné la restauration.

ROTIE, s. f. On donne ce nom, dans le bâtiment, à un exhaussement qu’on pratique sur un mur de clôture mitoyen, et de la demi-épaisseur de ce mur, c’est-à-dire d’environ neuf pouces, avec de petits contre-forts d’espace en espace, qui portent sur le reste du mur. Cet exhaussement a pour objet, soit de se couvrir de la vue d’un voisin, soit d’offrir un supplément d’espace pour palisser les branches d’un espalier.

Suivant la coutume des bâtimens, ce supplément ne doit pas excéder dix pieds sous le chaperon (y compris la hauteur du mur), à moins de payer les charges.

ROTONDE, s. f. Nom général qu’on donne à un édifice circulaire, mais particulièrement à celui qui l’est à l’intérieur comme à l’extérieur, et qui se termine en coupole ou couverture également circulaire ou sphérique.

Nous avons déjà fait observer qu’on ne trouve dans tous les monumens de l’Egypte aucune trace de rotonde ou de bâtiment circulaire. Ce n’est pas qu’il eût été plus difficile aux Egyptiens qu’aux autres peuples de tracer un plan circulaire, et de façonner les matériaux au gré de la légère portion de courbure qu’eût exigée l’élévation pour répondre à la forme du plan. La véritable raison qui nous paroît expliquer cette absence de rotonde chez eux, c’est le manque des moyens de couverture.

Il faut, en effet, toujours poser dans les inventions comme dans les travaux de l’architecture, la préexistence de quelque pratique fondée sur les causes naturelles. Les arcs et les voûtes n’ont rien d’assez difficile à imaginer, pour qu’on puisse supposer qu’une nation ait long-temps construit en pierres, sans avoir eu l’idée de les tailler en claveaux ; mais cette idée exigera, pour se produire, que l’usage ait amené et rendu nécessaires de grandes ouvertures, et le besoin de les couvrir. En Egypte, les premiers erremens de la construction en pierre avoient suffi au besoin d’unir les colonnes et d’en couvrir les galeries par de grandes dales d’un seul morceau. Cela une fois pratiqué, le fut toujours. Les temples, à ce qu’il paroît, n’eurent jamais besoin de ces salles intérieures qui veulent d’immenses couvertures, et la pénurie de bois en Egypte dut concourir, avec les pratiques déjà consacrées, à repousser l’idée d’employer la charpente dans les édifices.

C’est pourtant, beaucoup plus qu’on ne pense, l’emploi du bois et la facilité de couvrir les intérieurs en charpente, qui dûrent faire naître et propager la pratique des arcades et celle des voûles et des coupoles bâties en matériaux solides. La charpente donnant des moyens simples et économiques, de réunir sous une vaste toiture les plus grands espaces, les salles les plus étendues, et cet usage une fois devenu un besoin, le progrès naturel des idées dut porter à remplacer les ouvrages de la charpente, par des constructions plus solides et plus durables. On banda en pierre les cintres des arcades : de proche en proche, on en vint à voûter des intérieurs de portiques et des espaces plus larges, et enfin on éleva en matériaux solides les couvertures des rotondes.

L’usage du bois étant entré comme élément dans tous les essais de l’architecture en Grèce, devoit conduire à ces résultats, et on pourroit l’affirmer, quand l’histoire des monumens ne le prouveroit pas.

D’abord, que les Grecs aient construit ce que nous appelons des rotondes, c’est ce qu’on ne peut révoquer en doute, ensuite qu’ils aient employé la charpente à couvrir en forme cintrée de semblables intérieurs, c’est encore plus certainement prouvé. Nous avons vu au mot Odéon, que ce monument avoit sa couverture faite avec les antennes des vaisseaux des Perses, et que sa forme pyramidale rappeloit l’idée de la tente de Xerxès.

Mais les Grecs appeloient précisément ce que nous appelons rotonde, de deux mots qui ont la même signification : oikèma peripherès. C’est sous ce titre une Pausanias, lib. V, ch. 20, nous décrit l’édifice nommé Philippeum. C’étoit un monument élevé en l’honneur de Philippe, roi de Macédoine. Il étoit voûté en bois, et au sommet se trouvoit un pivot en bronze (probablement fait en forme de fleuron), qui servoit de lien aux poutres dont se composoit la couverture.

Les Grecs appeloient encore tholos ce que nous nommons rotonde. Pausanias, liv. II, chap. 27, parle d’un monument qu’un voyoit à Epidaure. C’étoit une rotonde, oikèma periphéres, construite en marbre blanc : on l’appelle, dit-il, tholos ; c’est un ouvrage digne d’admiration. Il donne également le nom de tholos à un édifice d’Athènes (liv. I, chap. 5), où les prytanes avoient coutume de sacrifier. Mais un édifice plus ancien, étoit à Orchomènes, le Trésor des Minyas, merveille, dit Pausanias, non moins étonnante que celles qu’on peut voir dans la Grèce et ailleurs. Il étoit en rotonde (peripherès), construit de marbre ; il se terminoit par un comble qui n’étoit pas trop aigu. Cette couverture (que nous appellerions une coupole) étoit en pierres, auxquelles une clef de même matière servoit de résistance.

Ainsi, l’on voit qui dès la plus haute antiquité, il y eut en Grèce des coupoles, non-seulement en bois, mais construites en voûtes de pierre ; et nous avons dû placer ici des notions qui tendront à modifier, sur ce point, ou à étendre celles que l’on trouve au mot Coupole. Voyez cet article.

Nous avons, à cet article, embrassé trop au long les notions et les descriptions des coupoles chez les Romains, et jusqu’aux siècles du moyen âge, pour que nous nous permettions de les reproduire ici sous le mot de rotonde, qui, d’après l’usage, est devenu synonyme de coupole. Nous nous contenterons donc de dire que sous le nom de rotonde, on désigne, même vulgairement à Rome, le grand monument connu par tout le monde sous le nom de Panthéon ; que Rome compte encore beaucoup d’autres rotondes antiques, telles que celle que l’on appelle de Minerva medica, quoique son plan soit polygone ; celle d’un temple antique, actuellement Saint-Côme et Saint-Damien ; celle d’un temple de Bacchus, aujourd’hui Sainte-Constance ; telles que plusieurs salles des thermes de Caracalla et de Dioclétien, et qui existent encore ragréées et restaurées, l’une sous le nom d’église de Saint-Bernard, l’autre comme formant le vestibule de l’église des Chartreux. Dans la baie de Pouzzol, on admire aussi deux grandes constructions antiques, voûtées en forme de rotonde, qu’on dit être, l’une un ancien temple de Diane, l’autre un temple de Vénus. Voyez Coupole.

Le mot de rotonde, quoique synonyme, ainsi qu’on l’a dit, du mot coupole, ne nous paroît cependant point applicable, d’après l’usage, à ces grandes constructions modernes, que l’on appelle le plus souvent dômes ou coupoles sur pendantifs. Sans doute si, décomposant l’ensemble des églises qui en sont ornées, on veut examiner et juger ces dômes en eux-mêmes, et abstraction faite de l’ensemble dont ils font partie, ils seront des rotondes ; mais il semble qu’on nomme plus volontiers de ce nom, ces coupoles isolées qui portent de fond, et forment à elles toutes seules le monument. Rome moderne compte beaucoup de ces édifices, construits surtout dans le dix-septième siècle. On citera dans le nombre, l’église de Saint-André, à Montecavallo, ou le noviciat des Jésuites, architecture de Bernin (voyez Bernin), et les deux églises de la place de la place del Popolo, construites par Charles Rainaldi. Voyez son article.

Il est peu de grandes villes qui n’ait quelques églises en rotonde. La chapelle de l’Escurial, qui est la sépulture des rois d’Espagne, est appelée le Panthéon, parce qu’à l’imitation de celui de Rome, elle est bâtie en rotonde.

La grande chapelle des Médicis, et qui est aussi leur sépulture, à Florence, est une vaste et magnifique rotonde, dont nous avons parlé à l’article Nigetti.

La chapelle des Valois étoit jadis une rotonde, dont on doit regretter la destruction, Paris a aussi quelques rotondes : telle est (rue Saint-Antoine) l’église de la Visitation de Sainte-Marie, bâtie par François Mansart, et dont on a fait une mention expresse à l’article de cet architecte. Telle est, dans une beaucoup plus grande proportion, l’église de l’Assomption, dite aujourd’hui de la Madelaine.

Nous devons dire qu’on peut encore appeler, et qu’on appelle effectivement rotonde, certaines constructions sur un plan circulaire, qui se composent d’un seul rang de colonnes. Plusieurs temples antiques, entr’autres celui qu’on nomme de Sérapis, à Pouzzol, consistoient en une colonnade de ce genre, et on les appeloit monoptères, c’est-à-dire, n’ayant que des colonnes sans mur. Dans les jardins de Versailles, on voit une semblable rotonde, formée de colonnes de marbre.

ROUET, s. m. Assemblage circulaire, à queue d’aronde, de quatre ou plusieurs plates-formes de bois de chêne, sur lequel on pose en retraite la première assise de pierres ou de moellons à sec, pour fonder, soit un puits, soit un bassin de fontaine.

On donne encore le nom de rouet, par exemple :

A l’enrayure de charpente, ronde ou à pans, d’une flèche de clocher, ou d’une lanterne de dôme ;

A une roue garnie de dents, placée sur l’arbre d’un moulin à vent ou à eau, laquelle engrène aveu les fuseaux de la lanterne ;
A une petite roue de bois dur, ou de métal, cannelée sur son épaisseur, au centre de laquelle est un axe, et qui, étant placée dans une chappe, forme une poulie ;

En serrurerie, à un morceau de tôle arrondie en élévation, pour servir de gardes. Il y en a un très-grand nombre qu’on distingue par des noms différens.

ROUGE-BRUN. Rouge auquel on mêle du noir. Voyez Couleurs.

ROULEAU, s. m. plur. Espèce de cylindre, le plus gentiment en bois, qui sert à mouvoir les plus pesans fardeaux, pour les conduire d’un lieu à un autre.

Il y a de ces rouleaux qu’on nomme sans fin, ou tours terriers, parce qu’on les fait tourner au moyen de leviers. Ils sont assemblés sous une poulie, avec des entretoises ou des moises.

ROULEAUX, s. m. plur. Les ouvriers appellent ainsi vulgairement, au lieu du mot enroulement, les parties qui terminent en rond les modillons ou les consoles, et encore les parties contournées des panneaux et ornemens qui se répètent, en serrurerie.

On donne encore le nom de rouleaux aux enroulemens des parterres. Voyez Enroulement.

ROULONS, s. m. plur. On appelle ainsi les petits barreaux ou échelons d’un râtelier d’écurie, quand ils sont faits au tour, en manière de balustres ralongés, comme cela se pratique dans les belles écuries.

On nomme de même roulons les petits balustres des bancs d’église.

ROUTE, s. f. Est un synonyme de chemin, de voie. Ce mot a peut-être, en français, une plus grande extension d’idée, dans l’expression des distances à parcourir. Ainsi, on dira plutôt la route, que le chemin de Paris à Marseille.

Le mot route n’est guère d’usage dans le jardinage. On fait des allées dans un jardin, mais on pratique des routes dans un grand parc. L’idée de route semble devoir comporter celle d’une voie pratiquée, pour pouvoir y aller et y rouler en voiture. Cela même, en donnant clairement la définition du mot, en indiqueroit peut-être aussi l’étymologie, qui seroit le mot rota, roue. Les Anciens personnifioient les voies publiques sous la figure d’une femme appuyée sur une roue. La roue étoit le symbole de la route.

ROUTIER, re, adj. On appelle carte routière, non ouvrage qui contient la collection des cartes de toutes les routes de la France, avec toutes leurs mesures et distances d’un lieu à un autre, et avec tous les renseignemens dont les voyageurs et l’administration peuvent avoir besoin.

RUBAN. s. m. C’est, sur les profils de l’architecture, un ornement composé et exécuté par la sculpture, à l’imitation d’un ruban qui s’enrouleroit sans fin sur une baguette. Cet ornement se taille avec plus ou moins de relief, ou plus ou moins d’évidure.

RUDENTURE, s. m. C’est le nom qu’on donne à une sorte de bâton, ou simple, ou taillé en manière de corde ou du roseau, dont on remplit fort souvent jusqu’au tiers, a partir d’en bas, les cannelures d’une colonne. On appelle alors ces cannelures rudentées.

Nous avons déjà, au mot , fait assez connoître l’origine des rudentures, en montrant la raison qui les fit inventer, et le genre d’utilité qui en fut la raison. Nous ne dirons rien de plus ici sur cet objet. Voyez Cannelures.

A cet article nous avons rendu compte de quelques motifs qui ont pu engager l’architecte du péristyle de Sainte-Geneviève à laisser, ou à pratiquer des rudentures, dans toute la hauteur des cannelures de ses colonnes corinthiennes. Mais nous devons faire observer ici que cette pratique a pour soi peu d’exemples et peu de bonnes raisons.

L’objet principal de la rudenture, à consulter son origine et son utilité, étant d’affecter plus de solidité dans les parties inférieures de la colonne, et aussi de fortifier les arêtes de la cannelure, et de les garantir des accidens qui menacent les colonnes posées à terre ou à rez-de-chaussée, la raison semble vouloir que la rudenture ne se pratique, ni dans le parties supérieures de la colonne, ne dans les colonnes qui sont, ou élevées sur des piédestaux, ou placées hors des atteintes des passans.

Le besoin de la rudenture n’existant plus dans ces deux cas, ceux qui ne laissent pas de les employer, font seulement voir qu’ils emploient des choses dont ils ne comprennent ni l’origine ni la raison.

Nous nous bornerons encore à remarquer que quelquefois on emploie la rudenture de relief sur certains objets, c’est-à-dire, sans qu’elle remplisse le creux d’une cannelure. Ce n’est alors qu’un simple ornement sans motif ; ce qui est arrivé fréquemment dans l’architecture, de la part d’hommes habitués à ne reconnoître, pour l’esprit, aucune raison aux ornemens, de quelque genre qu’ils soient, et à les employer pour le simple amusement des yeux. Du reste, ces rudentures en relief n’ont guère été appliquées qu’à certains pilastres en gaîne, objets eux-mêmes de caprice et de mauvais goût.

RUDÉRATION, s. f. Vitruve appelle de ce nom, une maçonnerie assez grossière, qu’on nomme aujourd’hui hourdage. On l’employoit jadis particuliérement aux aires des planchers et de pavemens. Voyez le mot Aire.

Rudération, en latin ruderatio, Vient du mot rudus.

RUDUS est le mot latin employé par Vitruve, pour exprimer les sortes de matériaux, platras ou pierrailles, avec quoi se faisoit le second massif des aires antiques.

RUE, s. f. Nom qu’on donne, dans les villes, à l’espace de terrain, qui reste libre pour la voie publique, entre les maisons on les bâtimens qui les bordent des deux côtés.

Une ville est un composé de bâtimens, de rues, et de places publiques. Au mot Place, nous avons déjà eu l’occasion de faire observer, que la beauté des places et des rues est ce qui contribue le plus à celle des villes, mais que malheureusement, chez les Modernes, surtout, il s’est donné peu d’occasions de les établir sur des plans réguliers, fixés d’avance, et propres à leur procurer des percés réguliers et des rues symétriques. Nous voyons, dans l’antiquité, beaucoup de villes se former par des fondations nouvelles de colonies, qui s’établissant par choix, ou par force, sur des terrains libres, procédoient à leur distribution, avec ordre et intelligence. On commençoit par tracer le plan de l’enceinte et des murs qui dévoient la borner ; on determinoit ses expositions, on fixoit le nombre et la position de ses portes. De sa pouvoient résulter de ces directions générales, qui, mises en rapport avec les principaux monumens, commandés par le besoin et par l’usage, étoient de nature à faciliter des communications heureuses entre les rues, et à leur procurer la régularité qu’on cherche souvent en vain à y introduire après coup.

Peu de villes modernes ont eu de semblables commencemens. On peut dire que presque toutes, grandes, moyennes ou petites, sont nées d’un certain ordre de causes qu’on ne peut pas toujours appeler fortuites, parce que, presque partout, la nature a destiné certaines positions à recevoir des rassemblemens de maisons. Mais ce qu’on peut affirmer, c’est que le hasard seul a presidé aux premières directions des masses de bâtimens ou de maisons, et aux espaces laissés entr’elles, pour y former la voie publique. C’est surtout quand on étudie, dans la topographie d’une grande ville, l’histoire de ses agrandissemens successifs, qu’un aperçoit bien clairement ces effets du hasard. Dès qu’une position heureuse a commencé à former un agrégat de maisons et de rues déjà plantées ou alignées sans ordre, mais auquel on peut donner le nom de ville, on voit se bâtir et s’établir à l’entour, de toutes parts, des habitations isolées ou des groupes de maisons qui deviendront un jour des appendices, de la ville, et puis ses faubourgs. En effet, de ces villages à la ville, se forment peu à peu, par des, bâtisses intermédiaires, des espèces de liaisons qui finissent par être des rues, et enfin des rues centrales, à mesure que la ville augmente sa circonférence. Dès-lors, comme ou voit, le hasard seul des localités, a dirigé avec plus ou moins de rectitude ou de circuit, les lignes qui donnent aux rues leur configuration.

Ce n’est que bien long-temps après, et lors-qu’un véritable redressement, un élargissement général ne peut plus avoir lieu, qu’on procède par degrés à ces améliorations Mais il arrive aussi que l’accroissement de population et de richesse, sollicitant de nouveaux agrandissemens, de nouveaux quartiers se construisent sur des plans arrêtés d’avance, et alors les rues qui s’y pratiquent, soumises aux condition imposées aux constructeurs, deviennent les plus belles de la ville.

On fait consister ordinairement la beauté des rues dans leur largeur et dans leur alignement. Sous ce rapport, il n’y a point de villes qui aient de plus belles rues que Turin et Londres. La première, parce qu’elle est de nouvelle construction ; la seconde, parce qu’après le grand incendie de 1689, elle fut toute rebâtie sur des alignemens donnés. On voit, dans cette ville, des rues de plusieurs milles de long, telle que la rue d’Oxford, et d’une largeur proportionnée. Berlin et Saint-Pétersbourg sont des villes récentes, et qui, par celle raison, n’ont point en à réparer les fautes du hasard, et les irrégularités d’une formation successive à travers les siècles : aussi admire-t-on la grandeur et l’alignement de leurs rues.

L’antique Rome étoit fort loin de jouir de cet avantage. Ses rues, percées par des causes spontanées, étoient généralement tortueuses. Probablement l’incendie de Néron aura donné lieu d’en redresser et d’en régulariser plus d’un quartier. La Rome moderne est, sans doute, redevable a l’ancienne de quelques grandes et belles ouvertures de rues, dont on aura suivi les directions dans les nouvelles constructions. On doit citer les trois grandes rues formant ce qu’on appelle patte d’oie, et qui aboutissent à la porte del Popolo, les quatre grandes rues qui se traversent en croix aux quatro fontane, la rue Giulia, la rue de la Longara, etc.

Une ville très-remarquable, et peut-être la plus remarquable de toutes celles qu’on connoît, est la capitale de la Sicile, Palerme, dont le plan général consiste de même en quatre rues, faisant une croix, à quatre croisillons égaux, et qui, coupant ainsi la ville dans son centre, vont aboutir à quatre grandes portes bâties en arcs de triomphe. De belles places, des monumens, des fontaines, se rencontrent le long de ces vastes rues, et en diversifient l’aspect. Ajoutons que généralement ces rues présentent, dans leur alignement, toutes belles masses de constructions et de palais.

Si, en effet, la beauté des rues tient, selon l’opinion commune, à l’uniformité et à la régularité topographique, ce n’est là, si l’on peut dire, qu’une beauté géométrique. Dans une très-grande ville, surtout (et Londres en donne la preuve), lorsqu’une multitude de rues, bien symétriquement dressées et alignées, ne vous offre partout que ce mérite uniforme, l’effet en est bientôt usé, et la monotonie vous fait bientôt regretter la variété des plans moins réguliers, si de belles masses d’édifices, si les créations de l’architecture, avec les aspects toujours variés de ses ordonnances, de ses contrastes, ne viennent récréer la vue et intéresser l’esprit.

Ainsi, la ville de Gênes, bâtie par la nécessité locale, en amphithéâtre sur un terrain fort élevé, superbe à voir de dehors, mais resserrée au-dedans, de façon à ne pouvoir offrir, dans sa pente, que desrues étroites, a trouvé le moyen d’aplanir, au bas de ses collines, un assez grand espace, où deux nouvelles et larges rues ont été pratiquées, la rue Neuve et la rue Balbi. Ces deux rues mériteroient à peine d’être citées pour leur étendue, comparées à toutes celles dont presque toutes les grandes villes offrent des exemples. Cependant telle est la magnificence, telle est la richesse, la variété des masses d’édifices qui bordent ces deux rues, telle est la hauteur de leurs palais, telles sont les diversités d’aspects qu’on y découvre, que par leurs effets à la fois grandioses et pittoresques, on se croit transporté devant ces décorations de théâtre, où le pinceau s’exerce librement, à produire sans dépense les plus dispendieuses merveilles. On oubliera promptement l’effet de la simple grandeur linéaire des plus vastes rues des autres villes. Les deux rues de Gênes restent gravées dans la mémoire, comme modele idéal de la plus grande beauté d’une ville.

C’est qu’effectivement il n’appartient qu’à l’architecture de produire la véritable beauté des rues ; je parle de cette beauté, qui ne repousse pas l’uniformité, mais qui souvent n’en a pas besoin ; je parle de cette beauté que procurent les lignes harmonieuses et cadencées des édifices, qui se succèdent sous des niveaux différens ; je parle de celle qui résulte des compositions variées, des ordonnances plus ou moins riches, des portiques multipliés, de l’emploi des colonnes, des vestibules de palais, des formes pyramidales, des travaux divers de la construction, et de l’effet même de la mise en œuvre des matériaux.

Mais ce, sont là de ces beautés qui ne sauroient se commander dans l’embellissement des villes. Il y faut l’accord des mœurs, du goût, des circonstances politiques, et surtout des causes physiques qui, en refusant à certains pays l’usage habituel des matériaux nécessaires à l’architecture, forcent de se rabattre sur les soins de propreté. d’uniformité, de régularité, qu’une bonne police peut inspirer, et même ordonner aux particuliers, qui sont, en définitive, les seuls constructeurs des villes.

Cela étant, il n’y a rien à prescrire sur les moyens d’obtenir, dans les rues des villes, cette beauté dont on a parlé. On doit se contenter de la décrire ou de la faire remarquer ; mais toute théorie est vaine lorsque la nature ne vient point à son aide. Lorsque les causes morales ou physiques se refusent à favoriser l’art et le goût, il faut se borner à recommander dans les redressemens d’anciennes rues ou dans l’établissement des nouvelles, ce qui peut encore contribuer au bon ordre, à la commodité et à l’agrément des habitans.

Entre les choses qui procurent ces avantages, il faut compter le pavement et le nivellement des rues Là où leur largeur ne permet pas l’usage des trottoirs pour les gens de pied, le pavé doit être encore plus soigné ; il doit être dressé, battu et consolidé selon le genre de matière fourni par la nature des lieux (voyez Pavé), de façon à ce qu’il ne se forme ni affaissement ni trouée, et que les eaux y suivent les directions qu’on leur donne, pour se rendre aux égouts. Les rues les plus remarquables par leur pavement sont celles des villes de la Toscane, pavées par de grands blocs d’une pierre siliceuse, unis à joints incertains, et qui forment le marcher le plus égal qu’on puisse desirer. On doit citer après, la ville de Naples, dont les rues sont plutôt carrelées que pavées par des dates de pierre volcanique : on en pique la superficie, pour que le pied des chevaux y ait plus de prise.

Il paroît, d’après la nature du pavé des voies romaines, et d’après des restes de cet ancien pavement dans la Rome moderne, que les rues de l’ancienne étoient pavées comme ses chemins, c’est-à-dire, ainsi qu’à Florence, en gros blocs polygones à joints incertains. On a renoncé aujourd’hui à cette pratique, qui ne laisse pas d’être longue et difficultueuse, et qui a encore l’inconvénient d’offrir aux chevaux une aire glissante, et Rome moderne est aujourd’hui pavée de petits cubes de la même pierre.

Paris a, dans les grandes carrières de grès dont elle dispose, la facilité de tailler en pavés, de gros morceaux cubiques réunis avec le sable, et qui forment un marcher très-solide et assez égal.

Londres n’a pour paver ses rues, que de gros cailloux ronds qui donnent une aire inégale, dure et raboteuse. Mais dans celle ville, le milieu des rues n’est que pour les chevaux et les voitures ; de larges et commodes trottoirs, établis le long des maisons, procurent aux gens de pied la circulation la plus sûre et le marcher le plus uni.

Les trottoirs, là où la largeur des rues permet d’en établir, sont, sans aucun doute, dans une ville populeuse, ce qui contribue le plus au bon ordre et à la commodité. Voyez Trottoirs.

Nous ne recommanderons pas ici une autre disposition beaucoup plus commode encore pour les gens de pied, celle des portiques continus le long des rues. La ville de Bologne et celle de Turin, en Italie, jouissent de cet agrément, et Paris a encore d’anciens souvenirs de cette disposition, surtout à la Place Royale. Un nouvel exemple vient d’en être donné dans les rues de Rivoli et de Castiglione. Cependant, ce qui convient à des villes spacieuses et tranquilles, ne sauroit s’adopter, avec un peu d’uniformité, dans celles qui sont déjà trop étroites pour leur population. Les portiques sont un terrain perdu pour les intérieurs des maisons. D’ailleurs, peut-on prescrire à tant de convenances diverses, une méthode uniforme de bâtir ?

Ce que la police peut prescrire pour le bon ordre, c’est une largeur suffisante dans les rues nouvelles, qui se construisent ou qui se redressent ; c’est une hauteur dans les maisons, qui soit proportionnée à la largeur des rues, et à la solidité des matériaux et des constructions ; c’est qu’aucun empêchement ne gêne la circulation, et que la propreté y soit exactement entretenue par le concours des soins de chaque maison, par des hommes payés pour l’enlèvement des immondices, ou pour le balaiement des terrains vagues, des places publiques, etc.

Mais tout ce qui entre dans les détails de l’administration publique, à cet égard, ne sauroit être l’objet de cet article. Voyez Voie, Voierie.

On prétend que le mot rue vient du bas latin rua, qui y signifie la même chose. D’autres le font venir de rudus, qui exprime le massif formé de petites pierres et de mortier qui, chez les Romains, formoit l’aire sur laquelle on établis-soit les pavemens et les pavés de la voie publique.

RUES DE CARRIÈRE. De quelque genre que soient les carrières, soit qu’on les exploite à ciel découvert, dans les montagnes et le long de leurs côtes, soit qu’elles soient souterraines, il faut y pratiquer des chemins, des issues, une circulation pour l’extraction, le transport ou le charroi des matériaux. Les carrières deviennent ainsi à la longue des espèces de villes, du moins en prennent elles l’apparence par les rues qu’on y perce.

Les carrières de Pouzzolane, à Rome, converties pendant quelque temps en asyles souterrains appelés catacombes, où le christianisme naissant déroboit à la persécution ses sectateurs, étoient dans la réalité une ville souterraine. On les parcourt aujourd’hui et l’on y circule dans de véritables rues, qui ont leurs noms, et dont on a donné les plans et la topographie.

On en peut dire autant des carrières dont est excavé tout le sol qui environne Paris. Naples en a de semblables. Les latonies de Syracuse sont un ensemble de rues percées dans la carrière, d’où l’on enleva les pierres pour les constructions de cette grande ville.

RUELLE, s. f. Petite rue ou les charrois ne peuvent point passer, et qui sert pour dégager les grandes.

Ruelle. On appelle encore ainsi, dans les chambres à coucher, et surtout dans celles qui ont des alcôves, l’espace qui, soit d’un côté, soit des deux côtés, se trouve libre entre le lit et le mur.

RUILÉE, s. f. Enduit de plâtre ou mortier, que les couvreurs mettent sur les tuiles ou L’ardoise, pour les raccorder avec les murs ou les jouées de lucarne.

RUINE, RUINES, s. f. Ce mot, au singulier et dans son sens ordinaire, exprime l’état de dépérissement et de destruction dans lequel se trouve, ou dont est menacé un bâtiment. On dit qu’un édifice menace ruine. On prévoit la ruine prochaine d’une maison. Ce n’est pas qu’on use aussi de ce mot au singulier, pour exprimer l’état de destruction consommée. Mais dans ce cas, il est plus ordinaire de l’employer au pluriel, et la raison en est, que cet état de destruction présentant la dissolution de toutes les parties, de tous les matériaux d’un édifice, offre mieux au pluriel l’image de la réalité.

Ainsi on dira que tel accident a opéré la ruine d’un édifice, et on dira qu’on voit en tel lieu les ruines de cet édifice.

S’il s’agit surtout des restes nombreux de monumens, si l’on parle de ces grands débris de villes anciennes, dont le temps n’a pu encore effacer les vestiges, on dira les ruines de Palmyre, de Spalatro, etc.

De même, s’il s’agit d’un vaste édifice ruiné, dont il reste ou des fragmens considérables, ou des matériaux épars. Ainsi dit-on, interroger les ruines du Colisée à Rome, visiter les ruines du Parthenon à Athènes.

Le mot ruine ou ruines, comme on le voit, s’applique donc presque toujours à d’anciens monumens. Quoiqu’il se donne ou puisse se donner à des ruines modernes, et cela, par plus d’une cause, cependant il est certain que ces ruines n’ont et ne peuvent avoir pour les arts, et en général pour l’esprit, le même degré de mérite et d’intérêt. Mille idées, mille souvenirs, mille sentimens s’attachent aux ruines des monumens antiques, que ne sauroient produire celles d’une fraîche date. C’est pourquoi les ruines, à mesure qu’elles vieillissent, semblent acquérir plus de droit à nos respects, et par conséquent à leur conservation.

Les ruines des monumens antiques sont devenues un objet d’études, de recherches et d’imitation de la part des artistes, sous deux points de vue : l’un de ces points regarde l’architecture, l’autre la peinture.

L’architecture grecque a survécu à elle-même et à ses auteurs, beaucoup moins par les traditions, qui furent long-temps interrompues, que par les ruines de ses monumens, où l’on retrouva, lors de la renaissance des arts, les exemples qui firent revivre et les règles du goût et les notions primitives de l’art, et les procédés de la construction. L’architecture grecque ne s’est donc introduite chez, presque tous les peuples modernes, que par l’effet des documens positifs qui s’étoient conservés dans les ruines de l’antiquité. C’est de ces ruines que sont nés tous ces traités élémentaires, dans lesquels chacun des plus célèbres architectes modernes, s’est efforcé de renouer le fil des traditions oubliées, de retrouver et les régles et l’esprit des proportions. C’est à l’aide de ces ruines, que se sont établis les parallèles des fragmens divers des ordres, de leurs chapiteaux, de leurs entablemens, de leurs bases el de tous leurs profils. C’est au moyen de ces parallèles que le goût est pavenu à fixer ce juste milieu entre toutes les variétés, qui devient pour l’artiste, non une mesure inflexible à laquelle il soit tenu de se soumettre en tout et toujours, mais une garantie contre les écarts d’une invention désordonnée.

Au reste, il faut dire que la critique de l’art antique étudié dans ses ruines, fut d’abord très-incomplète, tant qu’elle n’eut pour matière ou pour objet, que les seuls vestiges jusqu’alors découverts des ouvrages de Rome, et les restes de ses monumens. Le hasard seul avoit décidé de leur perte ou de leur conservation, et il étoit à croire que ceux des derniers âges, avoient eu quelques raisons de plus pour échapper à une entière destruction. Cependant l’art antique, et en particulier celui de l’architecture, devoient compter huit ou dix siècles de durée, et s’étoient propagés dans toute l’étendue des parties de l’ancien Monde alors connu.

Enfin de plus vastes champs de ruines à explorer et à comparer, s’ouvrirent aux recherches de l’histoire et de lu théorie des arts ; bientôt le flambeau de la chronologie devoit éclairer des objets jusqu’alors confondus sous une dénomination commune à tous, et l’on devoit eu venir à classer méthodiquement par siècles, par nations et par écoles, les travaux innombrables qui, de toutes parts, ressortirent de leurs ruines.

Il arriva, en effet, que tous les pays de l’ancien Monde furent visités et parcourus par les voyageurs. L’Italie méridionale vit rendre à la lumière les ruines de l’ancienne architecture grecque. La Sicile, dans plusieurs de ses temples, donna au Style suivi par les Grecs, dans l’ordre dorique, des dates certaines. La Grèce vit reproduire plusieurs de ses plus beaux monumens ; la position de presque toutes ses villes fut constatée par les ruines qui en subsistent encore. L’Asie mineure, traversée dans tous les sens, a fait reconnoître des vestiges de ses plus célèbres cités, et les monumens les plus nombreux de l’ordre ionique.

L’Egypte encore debout, si l’on peut dire, dans ses ruines éternelles, a livré à la critique historique les moyens de faire remonter à trois mille ans, la connoissance de son goût immuable et de ses œuvres uniformes. Le zèle des voyageurs a conquis encore au-delà de l’Egypte, des pays reculés, soumis aussi, plus tard, ou à son empire ou à celui de ses arts ; et on a poussé en dernier lieu la reconnoissance de ses ruines jusqu’à Méroé, c’est-à-dire à plusieurs centaines de lieues au-dessus des Cataractes.

Dans le nord de l’Italie et de l’Europe, la recherche des ruines antiques n’a été ni moins active ni moins féconde. La langue et l’écriture de l’ancienne Etrurie devenues lisibles, nous ont montré ce pays plus ou moins affilié aux arts primitifs de la Grèce, propageant leurs semences et leur culture dans Rome naissante. Il n’est aucune ville de l’Italie qui ne se soit occupée de retrouver dans ses antiques ruines ses titres généalogiques. La France a exploité dans les provinces méridionales, un sol encore plein des restes de la magnificence romaine ; et un zèle commun aux autres nations de l’Europe s’est plu à faire sortir de l’oubli, les témoignages encore visibles de l’ancienne domination de Rome, et de celle de ses arts.

Chaque jour voit accroître, dans des collections nouvelles, le trésor des ruines antiques, et bientôt au milieu de cette immensité de matériaux, peut-être ne manquera-t-il (et je parle ici de la seule architecture) qu’un homme capable d’en embrasser l’ensemble et d’en faire sortir, dans un ordre à la fois chronologique, historique, théorique et didactique, l’ouvrage qui puisse devenir le traité universel de cet art.

Nous avons dit que les ruines de l’architecture antique avoient aussi un rapport particulier avec la peinture.

Très-anciennement les restes des édifices antiques ont exercé le pinceau. Nous avons vu, à la vie de Raphaël (voyez Raphael), que pour répondre aux desirs de Léon X, ce grand artiste, non-seulement s’étoit occupé du soin de les restituer par le dessin, mais que très-probablement aussi il les avoir peints, c’est-à-dire qu’il auroit fait ce qu’on appelle des tableaux, de ruines.

A mesure que l’art du paysage, en se développent, devint un genre séparé, il fut difficile, qu’à Rome surtout, cette ville dont les aspects doivent à ses célèbres ruines un caractère que nul autre pays ne peut avoir, les ruines ne vinssent pas prêter aux inventions du paysagiste un intérêt tout particulier. Aussi ne sauroit-on dire combien de paysages se sont enrichis de la représentation plus ou moins libre de quelques ruines antiques.

Mais il est arrivé en ce genre, ce qu’on a vu arriver à chacune des parties nombreuses qu’embrasse l’art du paysage, primitivement confondu lui-même sous la dénomination générale de la peinture d’histoire, qui, dans le fait, renferme tout. Cependant, chaque partie de cet art contient aussi la possibilité d’une perfection de détail, d’une recherche de pratique et d’exécution, de soins et de fini, qui parvinrent à l’isoler ; et le paysage eut des peintres qui ne furent que paysagistes.

Bientôt le paysage semblant embrasser la nature entière, de nouvelles divisions s’y introduisirent, et exercèrent isolément le talent spécial de quelques artistes. Ainsi la peinture des eaux et de la marine, la peinture des animaux, la peinture des fleurs, la peinture des édifices et des ruines devinrent des genres séparés.

Quant au genre des ruines, il faut reconnoître effectivement, qu’outre le talent d’imitation qu’il exige de l’artiste, considéré comme peintre, il veut encore des connoissances précises, qui sont du domaine de l’architecture. Il faut qu’en représentant les débris d’un édifice, il puisse se rendre compte de son plan lorsqu’il éloit intègre, des proportions de ses ordonnances, de l’effet de ses masses, du genre de ses profils, des détails de ses ornemens. Quelques peintres ont réussi, en ce genre, à produire des images si fidèles des monumens, que ces images peuvent être consultées avec fruit par les architectes eux-mêmes : de ce nombre fut le célèbre Pannini, qui certainement eût été un bon architecte.

Il y a, du reste, un art de composer les tableaux de ruines quant à ce qu’on appelle le pittoresque, d’imiter avec justesse les effets de la lumière sur les matériaux, d’en reproduire les teintes, les dégradations, etc. Mais cet art est uniquement du ressort de la peinture.

Nous ne quitterons pas l’article Ruines, sans dire encore un mot sur l’emploi qu’on en fait dans le jardinage irrégulier.

Comme la prétention de ce genre de jardinage (ainsi que nous l’avons montré à l’article Jardinage (voyez ce mot) est de simuler lu réalité de la chose même qu’il croit imite, et est aussi de se croire rival de l’imitation, qui est celle du peintre de paysage, ceux qui composent de ces sortes de jardins, imaginent quelquefois de placer comme point de vue, des simulacres de ruines antiques, qui consisteront sur quelque tertre élevé, en colonnes brisées, en pierres épases, en pans de murs dégradés, ou tout autre fragment de construction.

Le goût pour ces sortes d’imitations, quoique assez frivole, et l’on peut le dire, innocent en lui-même, n’a pas laissé de contribuer à en répandre un autre plus dangereux ; je parle de celui qui, au lieu de faire regarder les ruines des monumens comme des accidens, par rapport à l’état social, et aussi des hasards, pour la peinture, tend à les faire considérer comme des objets indispensables à l’imitation. En conséquence, il se trouve de ces amateurs qui, non-seulement s’opposeroient à ce qu’on rétablît les édifices qui peuvent être restaurés, mais qui provoqueroient même ou accéléreroient leur destruction, pour y trouver des modèles de ruines.

C’est surtout à Rome que s’élèvent ces sortes de prétentions. Toutefois si l’on doit conserver avec soin des édifices ruinés, précieux par les fragmens de leur architecture, ou par les souvenirs qui s’y attachent, il ne suit pas de-là qu’on doive, ou les laisser s’écrouler de plus en plus, ou ne pas remettre, autant qu’il est possible, dans leur intégrité ceux qu’on peut relever, soit en y replaçant leurs propres matériaux, soit en y en substituant de semblables, soit en les désobstruant des décombres qui en dégradent l’aspect, soit en déblayant les terres sous lesquelles leurs soubassemens sont cachés, ou les broussailles qui les dégradent.

Dussent quelques genres d’imitation y perdre du pittoresque, il est bien plus important, et pour l’histoire, et pour les arts en général, de prolonger l’existence des monumens d’architecture, d’arrêter leur dégradation, et de les compléter quand il en est encore temps, en rétablissant ce qui leur manque sur le modèle des parties qui subsistent : et c’est ce que nous apprenons qu’on vient de faire à Rome, pour l’arc de Titus, monument qu’une multitude de raisons devoient rendre précieux à conserver. Voyez Restaurer.

RUINÉ, adj. Se dit, dans la charpenterie, en y Joignant le terme tamponné, des solives d’un plancher, des poteaux d’un pan de bois, ou d’une cloison, dans les côtés desquelles le fait des trous et des entailles, en forme de rainures, pour y ficher des tampons ou chevilles de bois, qui retiennent la maçonnerie, dont on remplit les entrevoux.

RUINER, v. act. Est synonyme de Détruire. On ruine les partis d’un édifice qu’on veut abattre. Le temps (dit-on) ruine les édifices et les ouvrages de l’homme, sans se servir d’instrument ou d’outils.

RUINEUX, adj. Qui menace ruine. On dit non édifice ruineux, une construction ruineuse.

RUINURE, s. f. Est l’entaille que font les charpentiers avec le ciseau ou la coignée, dans le côté des solives ou poteaux, pour retenir la maçonnerie des entrevoux.

RUISSEAU, s. m. Est, dans le pavement des rues, l’endroit où deux revers de pavé se joignent, et qui, selon la pente de la rue, sert à l’écoulement des eaux. Les ruisseaux des pointes sont fourchus.

On appelle ruisseau en biseau celui qui n’a ni canniveaux, ni contre-jumelles, pour faire liaison avec les revers, comme on le pratique dans les ruelles où il ne passe point de charrois.

RUISSEAU est, dans le jardinage, ou un petit canal qu’on pratique pour l’arrosage, ou quelquefois un conduit d’eau qui provient d’une source, et qui fait agrément d’un jardin.

RUSTIQUE, adj. Cette épithète, qu’on donne, dans l’architecture, à plus d’un ouvrage, peut se prendre et s’entendre de deux manières.

Rustique peut signifier, comme terme de mépris, un ouvrage dénué de goût, d’agrément et de grâce, et qui est, par comparaison aux productions où brillent ces qualités, ce que sont les manières, les habitudes et l’extérieur grossier des habitans de la campagne, mis en parallèle avec les dehors polis des habitans des villes. Ainsi appelle-t-on rusticité le manque de politesse, une certaine rudesse dans le parler et les manières d’agir. Sous ce rapport, le mot rustique peut s’appliquer, en architecture, à quelques ouvrages mal faits, grossièrement terminés, ou dont les formes n’ont reçu ni élégance, ni propreté.

Cependant le mot rustique, conformément encore à la définition qu’on en a donnée, se dit, sans aucune intention de critique, de certains ouvrages, de certaines parties des édifices, de certaines manières de travailler les matériaux, qui, loin d’être des défauts, sont, ou des convenances, ou des agrément dans la construction.

Effectivement, ce qu’on appelle rustique, dans l’emploi des matériaux, signifie réellement une manière brute de les meure en œuvre, soit qu’on les laisse dans leur état naturel, sans les façonner par l’art, soit que l’art lui-même s’étudie à leur imprimer l’apparence de n’avoir point été travaillés, et à leur donner une rusticité simulée ou factice.

C’est ainsi, comme ou l’a vu à l’article Bossage (voyez ce mot), que l’architecture se plait, jusque dans les plus beaux édifices, à feindre, surtout quelques-unes de leurs parties, le les que des soubassements, des chaînes de pierre ou des assises courantes, et à les figurer comme composées de pierres laissées brutes et dans leur état naturel. Par naturel, j'entends, à l’égard de quelques-unes, l’état raboteux dans lequel la nature les produit, et à l’égard de celles dont les lits offrent des paremens lisses, une imitation qui les rend raboteux. Voyez Rustiquer.

Nous ne répéterons point ici ce que nous avons développé avec beaucoup d’étendue au mot Bossage, sur les exemples nombreux que l’antique nous a laissés du genre rustique, employé, soit en grandes parties, soit en détail dans les édifices, ni des heureuses imitations qu’en ont faites les Modernes. Il ne nous reste qu’a indiquer ici les différentes manières de rustique qu’on peut mettre en œuvre, selon les différentes natures de matériaux, et les diverses sortes d’édifices ou de parties d’édifices, auxquelles le genre rustique peut être convenablement ou agréablement appliqué.

Le bossage, avons-nous dit, se place a la tête de tous les genres de rustique ; mais lui-même peut comporter plus d’un degré. On en voit dont les pierres n’ont de rustique que leur saillie dans les superficies des paremens, et qui sont dressées avec soin, polies et arrondies sans aucune aspérité. On en voit qui sont taillées de façon à exprimer toutes les scabrosités d’une pierre brute. Il y en a qui sont piquées, à dessein de produire à peu près le même effet. Il y en a où l’un s’est plu à travailler les bossages d’une manière qu’on appelle vermiculée, sorte de procédé, par lequel on imite les corrosions, que le temps produit naturellement dans de certaines qualités de pierre. On en voit de cette sorte à la galerie du Louvre, du côté de la rivière.

Il y a un genre de rustique qu’on peut employer dans certaines parties, surtout dans les soubassemens des bâtimens, et qui consiste à mettre en œuvre, ou à feindre ce genre d’appareil qu’on appelle incertum, soit en petit, soit en grand, c’est-à-dire, de pierres plus ou moins grandes, taillées à joints irréguliers, qui ne forment point de lits, et qui s’assemblent comme au hasard. Ainsi voit-on beaucoup de murailles antiques ; ainsi étoient formées les voies romaines ; ainsi étoit établie la maçonnerie en petits moellons, que Vitruve oppose au reticulatum.

Il y a un genre de rustique, qui a lieu au moyen de certaines incrustations de matières diverses, soit par la couleur, soit par la forme, et qu’on réunit par les enduits de mortier, dont on couvre des murs, des piédroits, des arcades, des colonnes ou des pilastres. On emploie à ces incrustations, soit des cailloux, soit des éclats de marbre de teintes variées, soit des coquillages naturels, soit des morceaux de stalactites et de pétrifications, soit des scories de volcan, etc.

On fait encore, en maçonnerie, une sorte de rustique, et on en produit l’apparence, par la seule manière d’employer le mortier brut, ou le plâtre jeté au balai, en observant de mêler, dans ces enduits raboteux, des couleurs qui en détachent les parties du reste des ravalemens.

Généralement, l’objet principal du genre rustique, dans tous les édifices où on l’emploie, est d’y produire des diversités, qui rompent l’uniformité d’une matière unique, ou d’une seule couleur. On peut regarder les variétés dont on vient de parler, comme des espèces de teintes et de nuances qui contribuent, tantôt pur l’apparence d’une solidité excessive, à donner un caractère plus grave ou plus imposant à la masse totale d’un monument, tantôt, par l’effet que produit naturellement la variété, à donner ou plus de légèreté, ou plus de gaieté à ses aspects ; tantôt enfin, par un emploi bien raisonné, à indiquer aux yeux les destinations différentes des édifices ou de leurs parties.

Quelques architectes ont su faire du genre rustique l’emploi le plus heureux et le mieux entendu, comme quelques autres en ont fait un emploi immodéré, et en ont, par cet excès, rendu l’application insignifiante. Au nombre de ces derniers, il faut mettre les grands architectes florentins des quinzième et seizième siècles (voy. Bossage). Mais, à la tête des premiers, on doit citer Palladio, qu’on ne sauroit trop consulter et imiter, pour le goût sage, intelligent et gracieux avec lequel il a su mêler, combiner et répartir adroitement, dans les façades de ses palais, toutes les sortes de rustiques, avec des inventions toujours nouvelles, toujours diverses, et jamais capricieuses. Voyez Palladio.

Quoique le genre rustique, à bossage, ou de toute autre manière, puisse, ainsi que les plus nombreux exemples en font foi, s’appliquer dans une mesure quelconque à tous les édifices ou à leurs parties, le goût enseigne toutefois qu’il y en a auxquels il convient mieux qu’à d’autres, et qu’il en est auxquels il convient exclusivement. Tels sont, pour en citer quelques-uns, ceux qui, de leur nature, repoussent toute idée de noblesse, de richesse, d’élégance, d’agrément, et qui veulent emprunter à l’apparence d’une solidité énergique, la caractère de force, de sérieux, de sévère, qui appartient à leur destination. De ce nombre seront des prisons, des casernes, des hospices, des portes de villes de guerre, des greniers, des halles, des marchés, etc.

Il est d’autres monumens, dont le genre rustique fera, au contraire, l’agrément, parce qu’employé avec goût et intelligence, il s’assortit merveilleusement à leur emploi et au caractère pittoresque qu’ils comportent. Il nous suffira de nommer ici les châteaux d’eaux, les réservoirs, les fontaines, les grottes, etc. , tous édifices qu’un genre de construction simple, et de matériaux dressés et bien polis, ne distingueroit pas suffisamment des autres. Dans les jardins surtout, et là où l’effet de l’architecture doit s’unir à l’effet des eaux tombantes ou jaillissantes, on aime que quelque chose d’irrégulier, et qui semble moins sentir la main de l’art, s’accorde avec ce que la nature fait elle-même, dans les lieux qu’elle a destinés à servir de réceptacle ou de théâtre aux eaux.

C’est là que des pierres rustiquement taillées, des colonnes qui semblent avoir été enveloppées par des stalactites naturels, des ordonnances entremêlées de rocaille, des imitations de plantes aquatiques, et tous les accessoires du genre rustique, trouveront leur emploi, et pourront produire des compositions ingénieuses.

RUSTIQUER, v. act. Ce verbe exprime l’action par laquelle on donne aux matériaux l’apparence rustique dont on a parlé dans l’article précédent.

On se sert aussi de ce terme, dans les ouvrages de la sculpture. Ainsi, on rustique beaucoup d’accessoires des statues ou des bas-reliefs, et on le fait, pour les détacher des parties où le marbre reçoit un plus ou moins grand poli. C’est une sorte de couleur qui produit, dans la même matière, de légères oppositions, et fait mieux ressortir l’effet des chairs ou des draperies. Ainsi, lorsqu’on veut qu’une partie d’étoffe serve de contraste à une autre, on lui donne, au moyen d’une gradine plus ou moins dentelée, une apparence de rudesse. On rustique plus fortement les rochers, les terrains, les troncs d’arbres. Pour ces différens effets on se sert, ou de la pointe, ou d’un outil dentelé.

Dans le bâtiment, c’est ordinairement avec la pointe qu’on pique la pierre qu’on veut rustiquer. Il y a aussi des marteaux dentelés qui effectuent sur la matière un travail plus ou moins sensible.



SAB


SABLE, s. m. Sorte de gravier fort mince, qui consiste en un nombre infini de petits cailloux de différentes formes et de diverses couleurs, comme blanches, jaunes, rouges et noires. On en distingue de plusieurs qualités.

Le sable de mer ou de rivière. Il est regardé comme le meilleur pour faire du bon mortier, et pour sabler les allées des jardins.

Le sable de terrain ou de sablonnière, ou de cave, ou fossile. C’est celui qu’on trouve dans certains cantons, au milieu dus champs. On s’en sert pour faire du mortier, pour sabler les allées des jardins, pour poser le pavé des rues. Le meilleur de cette sorte est celui qui est sans mélange de terre, et qui ne salit point les mains lorsqu’un le manie.

Le sable gras est celui qu’un trouve dans les prairies, dans les marais et dans les lieux voisins des rivières. Il est quelquefois noir.

Le sable vasard. On donne ce nom au sable qui est mêlé de vase, et qu’on trouve à la sonde dans différens terrains, à une grande profondeur.

Le sable bouillant. On appelle ainsi un sable fin, à travers lequel l’eau bouillonne. On trouve ordinairement des terrains de cette consistance dans la Flandre. Un pareil terrain n’est pas moins sûr pour fonder, en bloquant les fondemens à bain de mortier et avec célérité.

Nous apprenons de Vitruve, et nous voyons par les restes des constructions antiques, que les Anciens employèrent, comme nous, le sable à faire du mortier, en le mêlant à la chaux éteinte. Sur une partie de chaux on prenoit trois parties de sable de terrain ou de sablonnière, ou bien deux parties de sable de rivière ou de mer. Pour donner au mortier plus de consistance, on mêloit le sable de rivière d’un tiers de tuileaux, on tuiles pilées et passées au crible.

Les Anciens regardoient le sable de terrain comme meilleur que le sable de mer ou de rivière, parce que le sable de rivière sèche difficilement, et que celui de mer contient beaucoup de parties salines, qui pénètrent le mur et font écailler l’enduit ou la crépissure.

Les Anciens employoient trois sortes de sable de terrain, du noir, du blanc et du rouge ; ce dernier étoit préféré. On avoit de plus un sable volcanique que Vitruve appelle carbunculus, et que les Romains tiroient de l’Etrurie ; mais ils avoient soin de choisir parmi les sables de terrain, celui qui n’étoit mêlé d’aucune partie terreuse.

Les ouvriers appellent sable mâle celui qui, dans un même lit, est d’une couleur plus foncée que l’autre, qu’on nomme sable femelle.

Le gros sable s’appelle gravier, et on en tire un sable fin et délié, en le passant à la claie ser-


rée. On s’en sert pour sabler les aires battues des allées dans les jardin.

SABLER, v. act. C’est étendre du sable sur l’aire d’Une allee de jardin, D’une grotte, Ou de tout autre endroit.

SABLIÈRE, sub. f. On donne ce nom au lieu d’où on tire le sable ; mais on dit plus volontiers sablonnière.

Sablière, s f. (Terme de charpenterie.) C’est une pièce de bois couchée horizontalement a chaque étage d’un pan de bois, dans laquelle sont assemblés les poteaux, et qui porte les solives de chaque plancher.

C’est aussi une pièce de bois soutenue par des corbeaux de pierre ou de bois le long d’un mur, servant à porter l’about des solives d’un plancher.

C’est encore une pièce de bois, ou une espèce de membrure appliquée aux deux côtés en longueur d’une poutre, et soutenue par des étriers de fer, servant à recevoir dans des entailles l’about des solives, pour ne point altérer la force de la poutre par des entailles, comme on avoit le défaut de le pratiquer autrefois.

On donne aussi quelquefois le nom de sablières aux plates-formes qui reçoivent le pied des chevrons d’un comble. Voyez Plate-forme.

SABLON, s. m. Sable extrêmement fin, ordinairement blanc, et qu’on emploie à différens usages, et, par exemple, dans les sortes d’horloges qu’on nomme sabliers.

Sablonnière, sub. fém. Ce est le nom Qu’on Donne le plus gentiment aux Espèces d’fouilles D’où l’sur le pneu le sable.

SABOT, s. m. Masse de fer D’une forme conique, Ayant Au pourtour de Sa Trois de base sur Quatre bandes de fer d’environ Deux pieds de long sur Dont arme la pointe d’pilote non avant de l’enfoncer en terre, versez Qu’il Parce ainsi FACILEMENT Les Terrains durs Qui PEUVENT SE Rencontrer un fils passage.

SAC, s. m. On se sert de sacs remplis de terre ou d’autres matières à plus d’un usage, surtout dans les travaux des siéges et des fortifications.

Nous citerons ici l’emploi que fit de sacs remplis de sable l’architecte Chersiphron, pour la construction des plates-bandes du temple d’Ephèse. « Une chose (dit Pline, qui raconte ce fait) tient du prodige : c’est qu’il ait pu élever à une telle hauteur, des masses aussi volumineuses que les pierres des plates-bandes de l’architrave. Voici le moyen dont il usa : avec des sacs remplis de sable, il pratiqua nue montée douce, dont le sommet surmontoit les chapiteaux des colonnes. Sur ces sacs vinrent se reposer les plates-bandes ; puis, vidant peu à peu les sacs inférieurs, tout l’assemblage s’assit en sa place. . . Le precédé réu sit d’abord moins bien pour la pierre de l’entre-colonnement du milieu. . . ; mais elle se rectifia et se remit d’aplomb par sa propre pesanteur. »

SACCHETTI (Jean-Baptiste), élève d’Ivara, et son successeur dans la reconstruction du palais du roi, à Madrid.

L’ancien palais commencé par Charles-Quint, continué par ses successeurs, sous la direction de Louis et Gaspard de Vega, de Jean-Baptiste de Tolède, de Jean de Herrera, de François et de Jean de Mora, fut réduit en cendres l’an 1734. Ivara avot présenté, pour le rebâtir, un nouveau plan, et même un grand modèle en relief, qui s’est conservé. Ce devoit être un vaste quadrangle de 1700 pieds de long sur chacune de ses quatre faces. La grande coup devoit avoir 700 pieds de long sur 400 de largeur. Sa hauteur auroit été de cent pieds. On y auroit compté 2000 colonnes. Un grand ordre corinthien devoit régner dans toute l’élévation ; mais il auroit fallu faire choix d’un autre emplacement. Le roi voulut qu’on relevât le nouveau palais sur le terrain de l’ancien, et Sacchetti fut chargé de l’entreprise, après la mort d’Ivara.

Il nous manque, pour apprécier ce grand ouvrage, de pouvoir le faire d’après des plans et des dessins fidèles ; nous nous contenterons de la notice succincte que nous trouvons sur ce palais dans laDescrizzione odeporica della Spagna, par Dom Antonio Conca.

Sacchetti nommé architecte du roi, chercha à se rapprocher, autant qu’il fut possible, dans un emplacement plus resserré, du goût de son maître, et à se conformer en même temps aux intentions du roi quant à l’étendue, et à l’obligation de n’employer de bois dans la construction, que pour les portes et les fenêtres ; tout le reste de l’édifice devant être mis, par le choix des matières et les procédés de la construction, à l’abri de toute possibilité d’incendie.

Antonio Conca met, avec raison, au nombre des magnificences de cet édifice son extraordinaire solidité, L’on ne peut nier effectivement que la solidité, quand elle est portée fort loin, n’ait aussi sa magnificence. Quelques critiques, à ce qu’il paoît, ont cru que l’épaisseur des murs y avoit été poussée à l’excès : cependant, lorsqu’on réfléchit à la poussée de toutes les voûtes, auxquelles la masse des murs doit faire résistance, on est fort éloigné de trouver du trop dans le sys-


tème de toute cette construction, où l’on a encore été obligé d’employer des armatures de fer.

Le palais forme un carré de 470 pieds de long dans chacune des lignes de ses quatre façades. Sa hauteur jusqu’à la corniche est de cent pieds.

Six portes donnent entrée dans ce palais une seule est ouverte dans la face orientale, et elle conduit à un petit vestibule où les voilures ne sauroient entrer. Les cinq autres portes sont à la façade principale, trois dans le milieu, les deux autres à une distance suffisante. Par ces portes et par celle du centre, les voitures entrent dans une vaste cour de 140 pieds en carré. Les trois portes du milieu donnent entrée dans un vestibule spacieux ; un moindre correspond aux deux autres portes collatérales.

La cour est environnée de portiques formant une façade de chaque côté, avec piédroits ornés de pilastres ; au-dessus est une galerie vitrée par où l’on entre dans les appartemens du roi.

L’escalier et sa rampe en balustres sont d’un marbre blanc et noir, et offrent un assemblage de sculpture et d’architecture, dont on doit admirer plutôt la richesse que le goût.

Sacellum. Diminutif de sacrum. Il paroît Que Le sacellum répondoit à that des appelons BNO Petites Chapelles, non Celles Qu’on Voit Dans les églises, Mais Celles Qui sont isolées et Bâties sur les routes, DANS LES campagnes, etc.

SACOME, s. m. Ce terme is emprunté à l’italien. Ce est le profil exact de tout membre, De toute moulure, DANS LES ordonnances d’architecture.

Sacrarium. Les Romains appeloient AINSI, DANS LES maisons, juin Espèce de chapelle domestique.

Sur appeloit also of this nom, DANS LES temples, le lieu ou L’sur serroit Les choses sacrées, et à Peu près that appelons BNO sacristie.

SACRISTIE, s. f. On appelle de ce nom, dans les églises, une pièce ordinairement de plain-pied avec elle, où l’on dépose et où l’on conserve les choses sacrées, les ornemens, et tout ce qui a rapport au service divin : c’est là aussi que les prêtres se préparent et s’habillent pour officier.

Les sacristies sont, en conséquence, revêtues de lambris, et garnies d’armoires et de tables ; on y pratique aussi souvent un autel.

La grandeur d’une sacristie doit être proportionnée à celle de l’église et aux besoins du culte, besoins qui varient selon la population, selon le nombre des desservans, selon la fréquentation des fidèles, et beaucoup d’autres causes.

On pourroit citer des sacristies qui sont elles seules des monumens remarquables ; mais aucune certainement n’approche, pour l’importance et l’étendue, de la nouvelle sacristie de Saint-Pierre à Rome. Jadis une des chapelles de cette vaste basilique servoit de sacristie ; mais, étant devenue beaucoup trop petite, le pape Pie VI a fait construire en dehors de l’église, et attenant à elle, la nouvelle sacristie, qui est un bâtiment considérable, dont malheureusement le goût n’a pas répondu à la dépense qui y fut affectée. Mais si l’architecture au dehors s’est trouvée fort loin de répondre à ce qu’un édifice tel que Saint-Pierre devoit exiger, on ne peut s’empêcher d’y admirer dans l’intérieur la grandeur de la salle principale, l’ordre et la distribution de toutes les parties destinées au service.

Nous citerons, sous un autre rapport, la nouvelle sacristie de l’église de Saint-Denis près Paris. C’est une pièce d’une belle proportion, décorée avec goût, et ornée d’une suite de tableaux représentant l’histoire de saint Louis, ouvrages des meilleurs peintres de ce temps, et qui, exécutés pour le lieu qu’ils décorent, offrent un ensemble de décoration aussi remarquable par son harmonie et sa convenance, que par le mérite de la peinture.

SAGE, adj. Voyez SAGESSE.

SAGESSE, sub. fém. Ce mot exprime une des plus importantes qualités, dans les mœurs et la conduite des hommes entr’eux : on s’en sert aussi pour exprimer, dans les beaux-arts, ce mérite également important, et par lequel leurs ouvrages sont doués de la faculté de satisfaire la raison, l’intelligence et le goût.

La sagesse, dans les actions humaines, est toujours accompagnée de l’ordre. Le principe d’ordre ne sauroit se séparer de la sagesse. Il suffit, pour le prouver, de dire que désordre et folie vont toujours ensemble.

Mais les ouvrages de l’homme ne sont autre chose que la manifestation de l’homme lui-même, qui s’y représente et s’y peint, c’est-à-dire, qui y retrace et y développe, soit ses vertus, soit ses vices, soit ses qualités, soit ses défauts.

Il est donc fort naturel d’appliquer à ses ouvrages les noms des qualités, bonnes ou mauvaises, qui le caractérisent. C’est pourquoi la théorie des beaux-arts a transporté dans son vocabulaire presque tous les noms qui composent celui de la morale. Aussi trouve-t-on, dans l’analyse qu’on fait de la valeur des ouvrages, qu’il y a de la hardiesse ou de la timidité, de la force ou de la foiblesse, de l’orgueil et de l’ambition, de la richesse et de la pauvreté, de la sobriété et de la modération, etc. etc.

Le mot sagesse, appliqué aux ouvrages de l’art, y exprime l’apparence des rapports, des principes et des effets que l’on découvre dans les actions et la conduite de l’homme sage, qui ne fait rien sans un but déterminé, sans s’appuyer


sur des moyens certains, sans, en prévoir les résultats. Or, voilà ce que fait aussi l’artiste auquel on reconnoît de la sagesse. Qu’on examine les œuvres de tous ceux qu’on renomme pour cette qualité dans la peinture ; qu’y remarque-t-on ? un esprit juste, qui n’invente rien d’inutile, rien qui ne tende à expliquer le sujet qu’il représente. De là la clarté de sa composition. On y remarque une imagination vive à la fois et bien réglée, qui a fait prévoir à l’artiste, entre toutes les manières de présenter son sujet, celle qui doit produire le plus d’impression. De là le charme de l’expression.

Le talent qu’on appelle sage, et l’ouvrage qui se recommande par la sagesse, offrent donc un juste tempérament de diverses qualités, savoir, du jugement et du goût, de la raison et de l’imagination, si bien équilibrées entr’elles, qu’aucune ne prédomine sur l’autre.

Qu’on fasse l’épreuve inverse de cette théorie, et qu’on suppose un esprit dont le jugement, non guidé par le goût, soit la qualité exclusive, au lieu de la sagesse, on aura de la froideur. Si l’imagination seule s’empare de toutes les places, et bannit toutes les autres qualités, au lieu de la sagesse, ou aura de l’emportement, de l’irrégulier, de la bizarrerie.

Mais s’il est un art, entre tous, où la sagesse doive être la qualité principale, c’est l’architecture, dont l’ordre est le principe, dont le jugement est le moyen, et dont le but est, avant tout, de satisfaire la raison.

C’est particulièrement chez les Modernes, que cette qualité a dû se faire d’autant plus remarquer, et d’autant plus devenir l’objet des préceptes de la théorie, que l’on a vu prévaloir le principe opposé avec un excès inconnu aux siècles de l’antiquité. Ce n’est pas qu’en comparant entr’eux, les ouvrages et les momumens qui furent autrefois élevés à de si grandes distances de temps et de pays, il n’y ait lieu d’y reconnoître des degrés différens de sagesse. Plus d’une cause ayant introduit dans l’architecture de nouveaux besoins, et par conséquent de nouveaux principes du variété, on peut sans doute classer aussi les ouvrages, en raison de ce qu’ils s’approchent plus ou moins de ce type primitif de l’ordre, père de la sagesse. Cependant on doit dire que s’il s’en trouve qu’on no puisse pas recommander, comme modèles à suivre d’un goût pur et sage. il ne s’en trouve point qu’on puisse noter, comme exemples à fuir d’un goût opposé, c’est-à-dire, déréglé et désordonné.

On peut dire qu’il en fut à peu près de même dans les deux premiers siècles du renouvellement des arts et du goût antique dans l’architecture. Il est assez probable que ce n’étoit guère alors l’usage, ni de recommander, ni de vanter la sagesse dans les compositions de cet art. Des plans ordinairement simples, des moyens de construction naturels et sans recherche scientifique, des élévations régulières dans les masses et l’emploi des ordres, de la sobriété dans la décoration, voilà ce qu’on remarque, comme général, dans presque tous les édifices jusqu’au dix-septième siècle.

Ce fut à cette époque, ainsi qu’on l’a montré bien des fois, qu’un goût d’innovation désordonnée porta les esprits à tourmenter toutes les parties de l’architecture. Un système de déraison remplaça partout le bon sens des Anciens. On ne vit plus dans toutes les formes de l’art de bâtir, que de l’arbitraire, et on en fit un jeu, où chacun crut inventer, en se jetant dans les champs infinis du caprice. On traça des plans, non en vue des besoins de l’édifice, mais uniquement dans l’intention de créer des configurations inusitées. De pareils plans exigèrent des procédés plus subtils, pour la construction des masses contournées et irrégulières. Les sciences mathématiques vinrent prêter leur secours à ces exécutions difficultueuses. Les façades des monumens n’eurent plus de lignes droites ; les ordres de colonnes devinrent des objets de badinage, et toutes les sortes d’ornemens, compilés sans raison, mutilés sans goût, mêlés et déplacés arbitrairement, n’eurent plus de signification pour l’esprit, et devinrent le jouet de toutes les fantaisies.

Il nous semble que ce portrait fidèle de l’architecture de Boromini, de ses successeurs, et des imitateurs qui prirent à tâche encore d’exagérer ses vices, doit présenter à tout esprit droit, l’image de la folie introduite dans l’art de bâtir.

Dès-lors l’idée de sagesse a dû à son idée contraire, de s’accréditer dans la théorie de l’architecture, et l’on a fait un mérite principal, une qualité distinctive, de ce qui sembloit ne devoir être qu’une condition sine quá non, imposée à l’architecte par la nature de son art.

Il a donc fallu établir, qu’avant tout, il doit y avoir de la sagesse dans un plan, c’est-à-dire, qu’il faut le composer de lignes simples, régulières, formant entre toutes les parties de l’édifice, des communications naturelles, et des rapports commandés par le besoin d’y coordonner une élévation, qui ait elle-même de la sagesse.

Les écarts et les abus d’une fausse application des sciences mathématiques à la construction, ont appris que les édifices ne sont pas faits pour donner à l’architecte l’occasion d’imaginer des tours de force ; que la solidité, qui est un des principes de la beauté en architecture, doit être obtenue par des moyens simples, et que la vraie solidité est toujours compagne de la sagesse.

Les yeux désabusés des prestiges d’une variété ennemie du grand principe de l’unité, ont fait rejeter des élévations, tous ces contournemens mixtilignes, tous ces ressauts multipliés, toutes ces découpures qui, en rompant la continuité dans les lignes, ne présentent plus les surfaces et les façades des édifices, que comme un composé bizarre de formes étrangères à toute espèce de type, créations désordonnées d’un esprit ennemi


de tout ordre : enfin, l’esprit d’ordre rentré dans les élévations, y a ramené la sagesse.

Il en a été de même du faux goût de l’ornement et de la décoration, qui, usé aussi par ses propres excès, par son insignifiance, par la confusion de tous ses détails, devoit ramener à l’emploi sage et raisonné de tous ces signes qui, s’ils sont muets pour la raison, cessent bientôt aussi de parler aux yeux.

SAGUNTE. Très-ancienne ville de l’antique Espagne, dont le terrain est occupé aujourd’hui par la ville de Murviedro, où l’on conserve plus d’un reste très-remarquable d’architecture romaine, entr’autres ceux d’un cirque, fort dégradé à la vérité, mais dont on mesure encore l’étendue. On lui trouve mille vingt-six palmes de longueur, sur trois cent vingt-six de largeur. Sa construction, dit Antonio Conca, de qui nous tirons ces notions, est un ouvrage rustique. Il ne reste que les fondations du mur qui étoit du côté du fleuve ; l’autre mur, du côté de la ville moderne, a encore de beaux vestiges de sa construction, qui en quelques endroits, s’élèvent à la hauteur de trente palmes. Elle se compose de grosses pierres bleues, qui ont six palmes d’épaisseur dans le bas du mur, jusqu’à la hauteur de huit à neuf palmes, et elles vont en diminuant de volume à mesure de l’élévation. Le demi-cercle du cirque, du côté de l’orient, subsiste en entier. Tout contre, et sur une ligne parallèle au site qu’occupent les meta, existe un édifice formé de grandes pierres bleues, avec une porte quadrangulaire, haute de dix palmes et large de six. C’étoit l’entrée d’un petit temple où étoient les statues des divinités auxquelles les jeux étoient consacrés. On distingue encore avec beaucoup d’évidence, les restes de la spina, ainsi que les vestiges d’un petit mur ou parapet de douze palmes d’élévation, qui régnoit alentour des gradins, pour garantir les spectateurs du danger des combats d’animaux qui se donnoient dans ce cirque ; car on y voit encore les loges et caveaux où on les renfermoit. Une de ces loges, bien conservée, a quinze palmes de long sur dix de large.

On a recueilli beaucoup de fragmens d’antiquités fort curieux dans l’antique Sagunte ; des inscriptions en caractères inconnus, sur des briques longues de trois palmes et d’un demi-palme d’épaisseur ; des restes de ces machines de guerre, appelées béliers, et une infinité de poteries et de fragmens de vases d’une terre rouge de la plus grande dureté.

Mais le monument le plus considérable de Sagunte, et un des plus entiers, entre tous ceux du même genre, qui se sont plus ou moins conservés dans les ruines des villes antiques, est le théâtre, dont nous ne pourrons donner ici qu’une notice fort abrégée.

Il est pratiqué dans la partie orientale de la montague, et on a profité d’une de ses cavités pour son emplacement, circonstance qui, réunie à l’art de la construction, fit que la voix des acteurs s’entendoit aussi distinctement des degrés les plus éloignés de la scène, que de ceux qui en étoient rapprochés. Sa largeur totale est de quatre cent soixante-quatorze palmes, dont soixante-quatorze forment le diamètre de l’orchestre, en comptant d’un angle à l’autre du gradin inférieur ; chacun des deux côtés, à partir du même angle jusqu’au mur intérieur, est de cent quatre-vingt-quinze palmes ; la scène, d’un angle à l’autre, a deux cent quarante-quatre palmes de longueur, et quarante-quatre de largeur.

On distingue encore les trois divisions de la scène, c’est-à-dire, les trois entrées en arcades. Le proscenium a cent douze palmes de longueur, et trente de large. On ne voit plus que les restes du pulpitum. L’orchestre contenu dans la périphérie du premier gradin d’en bas, a soixante-quatorze palmes de diamètre.

Le théâtre, ou ce que nous appellerions l’amphithéâtre, se compose de trente-trois gradins, en y comprenant deux précinctions (ou paliers). On y compte neuf petits escaliers qui divisoient les cunei, un dans le centre, et quatre de chaque côté.

Au-dessus du gradin supérieur, s’élève le portique, circulant tout à l’entour du théâtre : on lui trouve seize palmes et un quart de large et quatorze de hauteur. Il avoit six portes donnant sur l’amphithéâtre, et six autres dégageoient du côté de la montagne.

On trouve dans l’Antiquité expliquée de Montfaucon, tom. II, pag. 244, un plan fort incomplet de ce théâtre, accompagné d’une description faite dans le temps, par Dom Manuel Marti, doyen de la collégiale d’Alicante, mais qui contient un grand nombre d’inexactitudes. Depuis, a paru sur ce monument, une Dissertation beaucoup plus et beaucoup mieux détaillée, par Dom Henrico Palos, citoyen deSagunte. Elle a servi à la description qu’en a donnée Antonio Conca, et d’où nous avons extrait ce peu de détails.

Ce fut le même Dom Henrico Palos, qui, après avoir déblayé les ruines de ce théâtre, le fit disposer avec des décorations convenables, et le mit en état de servir de nouveau aux représentations scéniques ; ce qui eut lieu le 31 août, les 1, 2 et 3 septembre 1785, pour les fêtes qui furent données dans cette ville. L’expérience qui fut faite alors de sa capacité, prouve qu’il dut contenir jadis dix mille spectateurs.

Saignée, s. f. Petite rigole qu’on fait verser étancher l’eau D’une fondation OU D’UN fossé, when is aime le Plus Haut Que le terrain Qui en is voisin, et au Québec par conséquente il ya de la pente.

SAILLANT, adj. Se dit de Tout ce qui avance ou qui sort en dehors de la surface d’un bâtiment,


ou de toute partie du bâtiment même qui lui fait avant-corps, ou de la projecture d’un bastion, d’un angle de fortification. Ainsi saillant est opposé à rentrant. On dit angle saillant, angle rentrant.

SAILLIE, sub. f. , ou PROJECTURE. C’est l’avance que font, dans l’architecture, les membres, profils, moulures ou ornemens au-delà du nu des murs, soit sans encorbellement, comme les pilastres, les tables, les chambranles, les cadres, les plinthes, les archivoltes, les architraves, etc. , soit avec encorbellement, comme les corniches, les balcons, les trompes, les galeries de charpente, les fermes de pignon, etc.

La saillie ou la projecture des parties et des membres de l’architecture, est pour cet art comme l’ombre dans la peinture, ce qui contribue à l’effet de ses ouvrages. Rien ne paroît plus froid qu’un édifice qui n’offre aucune saillie. On éprouve singulièrement cette impression lorsque, quittant la ville de Rome, où tous les édifices, tant publics que particuliers, ont des couronnemens d’une grande saillie, on arrive à Naples, où toutes les maisons, qui sont en terrasse, n’ont à leur sommet aucune projecture. Il semble des bâtimens non terminés, ou de simples murs percés de fenêtres.

En plus grand, on peut faire la même comparaison, et on éprouve la même impression lorsqu’on considère tous les édifices de l’Egypte en parallèle avec ceux de l’architecture grecque. En Egypte, le plus grand nombre des temples ne présentent dans leur couronnement, d’autre saillie que celle d’une grande scotie, et plusieurs même se terminent par de simples filets d’ornemens qui excèdent à peine le nu du mur. Cela dut être la conséquence, ainsi qu’on l’a dit ailleurs, du principe originaire de l’art de bâtir dans ce pays, où très-certainement l’usage des terrasses fut général, et où celui des toitures et de l’emploi du bois en charpente, ne put jamais influer sur les pratiques imitatives de l’architecture. De-là, pour le goût, la froideur et la monotonie d’aspect des édifices égyptiens.

C’est à l’emploi du bois, c’est aux pratiques de la charpente, que l’architecture grecque, au contraire, fut redevable de ces grandes projectures, effets naturels de la construction en bois, et que l’art de bâtir eu pierre fut s’approprier : de-là (et nous ne le répéterons pas ici) la richesse de détails et la variété d’effets, que cette imitation introduisit dans les édifices. Aussi voyons-nous que l’ordre où se sont conservés avec le plus de fidélité, les formes et les types de la construction en bois, je veux dire l’ordre dorique, est celui qui, dans ses frontons, dans ses profils, dans ses chapiteaux et son abaque, offre les plus grandes saillies.

Maintenant on peut faire, sur les monumens comparés de l’ordre dorique, l’expérience de l’impression que produit le plus on le moins de saillie dans les œuvres de l’architecture. Si l’on rapproche l’ordre dorique ancien de la Grèce, de l’ordre dorique postérieur, et tel qu’on le voit à Rome, on reste convaincu que le premier doit à ses grandes saillies, le caractère de force et l’effet mâle et vigoureux, qu’on ne sauroit attendre du second. Il y a de cela plus d’une raison : d’abord, il est certain que dans toute architecture, de grandes projectures dans les masses et leurs détails, produisent nécessairement de grandes masses d’ombre et de lumière, et par conséquent des oppositions, qui donnent à ses aspects du mouvement, de la variété, et en multiplient les effets. C’est ce que nous avons eu occasion d’observer à l’article PILASTRE (voyez ce mot), en comparant l’effet toujours le même d’une ordonnance en bas-relief, à celui des colonnes isolées, dont les aspects varient toujours, selon les effets de la lumière ou la position du spectateur. Dans la surface unie d’un édifice, il n’y a rien pour les effets de la perspective, et ce qui est monotone en dessin, reste également uniforme pour l’œil et insipide pour l’esprit. Disons ensuite que de grandes saillies dans les masses des édifices, comme celles des ordonnances doriques grecques, comme celles des grands entablemens qui servent de couronnemens à tous les genres de monumens, ne peuvent avoir lieu qu’à l’aide do matériaux d’une dimension et d’un volume proportionné à cet emploi : or, toute construction qui s’annonce ainsi, porte en soi l’idée de force, de puissance et de solidité, et dès-lors en impose par l’union de qualités qui forcent à l’admiration. C’est par ce caractère énergique de saillie très-prononcée que les monumens de Florence, à part des autres mérites qu’ils peuvent avoir, occupent un des premiers rangs dans les œuvres de l’art de bâtir moderne.

Saillir, v. agir. Avancer, paroître en Dehors, déborder. Il signifié also sortir avec impétuosité, Comme L’eau qui sorte d’ajutage et non Qui s’élève en l’air.

SAINT-CHAMAS, village de Provence à quelque distance de la petite rivière de Touloubre, sur laquelle subsiste encore en son entier un pont antique d’une construction romaine, appelé par les gens du pays le Pont Surian. Il est bâti en plein cintre entre deux rochers, et de niveau avec le chemin qui va d’Arles à Aix. Ce pont n’a qu’une seule arche de six toises de diamètre, construite de gros quartiers de pierres de trois pieds. Sa longueur est de onze toises.

A chacune des extrémités du pont, s’élève un arc. Celui qui se présente du côté d’Aix, a une frise dont les ornemens occupent les deux tiers ; l’espace qui reste est rempli par une inscription, portant les noms de ceux qui sirent les frais du


monument. La face intérieure de la frise est couverte d’ornemens sans inscription.

Plusieurs antiquaires ont qualifié d’arcs de triomphe les deux arcs de ce pont ; mais c’est là une de ces opinions dénuées de critique, qu’il est même inutile aujourd’hui de réfuter. L’usage de ces arcs aux deux extrémités des ponts, fut assez commun dans les ouvrages des Romains : probablement il naquit de la nécessité de fermer l’entrée des ponts, comme leur sortie, par des portes. Ce fut ensuite un motif d’élever des monumens honorifiques aux bienfaiteurs des villes, et peut-être à ceux qui avoient sait construire les ponts, ou d’autres monumens utiles. Enfin, on peut croire aussi qu’on fit de ces arcs uniquement dans des vues d’embellissement, et pour compléter l’ensemble du pont. Nous allons voir un nouvel exemple de cet usage à l’article suivant.

SAINTES, ville de France, anciennement capitale de la Saintonge. Son nom latin est Mediolanum Santonum. On croit aussi qu’elle s’appela Santona et urbs Santonica.

Du temps d’Ammien Marcellin, elle étoit une des plus florissantes de l’Aquitaine. Entr’autres restes d’antiquités qu’elle a conservés, on compte un fort beau pont bâti sur la Charente, et qui se termine par un fort bel arc, qu’on croit avoir été élevé sous Tibère. Il y a sur ce monument une inscription latine, mais si effacée qu’on ne sauroit la lire.

Près de l’église de Saint-Eutrope sont les restes d’un amphithéâtre antique, bâti de petites pierres, et encore assez bien conservé, pour qu’on puisse juger de sa configuration ovale, de son élévation et de l’ordonnance de ses étages. On appelle ces restes les Arcs.

SALLE, s. f. C’est le nom qu’on donne à toute pièce qui est réputée la plus grande, soit dans les édifices publics, soit dans les palais, soit dans les maisons particulières. Nous indiquerons dans la suite, par les noms divers qu’on leur donne, les différens emplois des salles, selon la nature des édifices où elles se trouvent.

Nous avons dit que le mot salle exprime toujours, relativement à chaque espèce de bâtiment, une très-grande pièce. Les Anciens confirment cette définition, et Vitruve va nous le prouver par la description qu’il nous a donnée des salles des palais, que l’on nommoit Œci.

Généralement, dit-il (lib. VI, cap. 5), ces différentes salles, sous les noms de Triclinia, Œci, Exedrœ, devoient avoir en longueur le double de leur largeur. Quant à leur élévation, elle devoit être égale à la somme de leur longueur ajoutée à la largeur.

Les salles appelées Œci, continue Vitruve, sont de deux genres : il y a celles qu’on nomme corinthiennes, et il y a les tétrastyles, qu’on nomme égyptiennes. On leur donne en longueur et en largeur les mêmes dimensions qu’aux Triclinia (salles à manger) ; mais à cause des colonnes dont on les orne, il faut nécessairement leur donner plus d’étendue. Voici donc en quoi consiste la différence entre ces deux sortes de salles. La salle corinthienne n’a qu’un seul ordre de colonnes, placées, ou sur un socle, ou simplement à terre ; elles sont surmontées d’un architrave et d’une corniche soit en bois, soit revêtus de stuc, d’où part et s’élève une couverture en voûte circulaire. Dans la salle égyptienne, au contraire de l’architrave du premier rang de colonnes, partent des plates-bandes qui vont reposer sur le mur d’enceinte, et reçoivent un assemblage de plancher, et un pavement découvert formant promenoir tout à l’entour. Sur l’architrave, et à-plomb des colonnes dont on a parlé, s’élève un second ordre plus petit d’un quart que l’ordre inférieur, dont la corniche reçoit la couverture el les ornemens. Entre les colonnes d’en haut sont placées les fenêtres ; ce qui fait que cette sorte de salle ressemble à une basilique, plutôt qu’à la salle corinthienne.

Les Grecs, ajoute Vitruve, ont des salles qu’ils appellent cizicènes. On les tourne ordinairement vers le nord, de manière qu’on y ait la vue des jardins, et leur porte s’ouvre dans le milieu. Elles doivent avoir en longueur et en largeur assez d’espace pour qu’on puisse y placer commodément deux tables l’une en regard de l’autre. A droite et à gauche, elles ont des fenêtres en guise de portes, pour que l’on puisse de dessus les lits jouir de l’aspect des jardins. On leur donne en hauteur une fois et demie leur largeur.

On ne sauroit assigner, dans l’architecture moderne, aux salles les plus étendues et les plus remarquables, de formes particulières ni un caractère général, qui puissent devenir l’objet d’une théorie ou d’une description.

Dans les édifices publics il se trouve de très grandes et de fort belles salles destinées à toutes sortes d’usages, mais dont les formes et les proportions ne sont ni fixées par des règles, ni même déterminées par leur emploi. Le mot salle est aujourd’hui celui d’une infinité de pièces, qu’on ne sauroit ni classer dans un ordre méthodique, ni décrire en particulier dans cet article, sans être obligé de répéter ce qui se trouve décrit dans beaucoup d’autres.

Un genre de monumens publics fut toutefois, pendant long-temps, celui qui offrit l’usage le plus constant de très-grandes salles, destinées à des réunions nombreuses et à des banquets publics, je parle des hôtels ou maisons de ville. Dans les temps anciens, et sous le régime municipal de ces temps, la maison de ville, ou comme on l’appelle encore, la maison commune, étoit une sorte de rendez-vous des corps et communautés, et l’usage y avoit établi des festins publics auxquels il falloit destiner une très-grande salle. Cette salle étoit, dans le plan de ces édifices, la partie principale, et l’on voit aujourd’hui, par l’hôtel-de-ville de Paris, qu’elle en occupoit la presque totalité : aussi peut-on encore citer la grande salle de cet édifice, comme une des plus grandes qu’il y ait dans cette ville. On doit en dire autant de l’hôtel-de-ville d’Amsterdam, dont nous avons décrit l’architecture extérieure à l’article de son architecte (voyez Campen). Cet extérieur en est effectivement, pour l’art, ce qu’il y a de plus remarquable, et aucun autre monument de ce genre ne peut, sous ce rapport, lui être comparé. Cependant sa grande salle, qui occupe presque toute la capacité du bâtiment, est, à quelques égards, digne d’être citée, moins par la pureté des formes et son goût de décoration, que pour la grandeur de sa dimension et la richesse de ses ornemens et de ses matériaux. C’est là, en effet, que les Hollandais, qui n’ont ni pierres ni marbres, se sont plus à mettre en œuvre les plus beaux matériaux, dont ils avoient l’usage de lester leurs vaisseaux, usage auquel cette ville doit d’avoir peut-être plus de marbres qu’aucune autre.

Si les hôtels-de-ville, dont nous avons fait mention à leur article (voyez Hôtel), avoient été construits à des époques, où l’art antique avoit remplacé l’art appelé gothique, nous aurions eu, sans doute, à faire mention de salles où les architectes auroient cherché à faire revivre les descriptions que Vitruve nous a données des salles de banquet des Grecs et des Romains.

C’est à ce renouvellement de la bonne architecture, que Paris doit, dans le Palais-de-Justice, la vaste salle à deux nefs collatérales, qu’on appelle la Salle des pas perdus, ouvrage de Jacques Debrosses, et que nous avons décrite à l’article biographique de cet architecte. C’est certainement le plus grand vaisseau, en fait de salle, qui soit à Paris, et peut-être ailleurs.

La grande salle qu’on appeloit de la Seigneurie, au palais vieux, à Florence, est encore un de ces monumens dus aux causes publiques qui ne se sont pins renouvelées depuis. Là où le Gouvernement exige de nombreuses réunions, et repose sur des assemblées de corps, de peuple, ou de sénat, il faut leur construire de vastes salles, Ainsi, au mot Phocicum, nous avons rapporté la description de la belle et grande salle, où se réunissoient tous les députés de ce qu’on pouvoit appeler les Etats-Généraux de la Phocide.

L’aristocratie, gouvernement où le pouvoir est entre les mains d’un fort grand nombre de familles nobles, demande aussi de fort grands lieux de réunion. La salle du palais vieux, à Florence, fut de ce nombre ; Venise en a de semblables, et la grande salle du Sénat, à Gênes, restaurée dans ces derniers temps, offre, pour l’architecture, un des plus beaux et des plus riches ouvrages modernes.

On voit que jusqu’ici nous n’avons parlé que de salles faisant partie des monumens publics, et construites pour des usages politiques.

S’il étoit maintenant question de considérer les salles, comme entrant dans la composition des palais, ce point de vue nous offriroit un si grand nombre d’objets, que leur description, ou même leur énumération, deviendroit impossible. Qui ne voit, d’ailleurs, que ces objets rentrent tout naturellement dans la description des palais ? Un grand palais, en effet, peut avoir quelque salle principale pour l’étendue on la richesse ; mais son ensemble n’est, si l’on peut dire, et selon l’usage des distributions, et selon la manière de parler, qu’une suite de salles. Ainsi, comme l’on sait, toutes les pièces d’un grand palais reçoivent chacune un nom particuler, ou de son emploi, ou de l’objet principal de la décoration, et l’on dit : salle des Gardes, salle du Conseil, salle du Tróne, salle des Maréchaux, salle de l’horloge, salle d’Apollon, salle de Diane. En décrivant les intérieurs du palais du T. à Mantoue, nous avons parcouru une suite de salles, qu’on appelle : salle de Phaéton, salle de Psyché, salle des Géants, etc.

Ces salles ne sout donc point des ouvrages particuliers d’architecture, qui soient dans le cas de recevoir des règles, ou d’être soumis à des préceptes applicables à eux seuls. Leurs dimensions, leurs proportions, leur décoration et leur richesse, sont subordonnées à une multitude de convenances, qui rentrent dans celles des préceptes généraux.

Il faut d’ailleurs excepter du nombre des pièces dont se composent les appartemens, celles qui, ayant des destinations spéciales, obligées et caractéristiques, comme chambre à coucher, cabinet, bibliothèque, galerie, trouvent, à leurs articles, les notions qui les concernent, ainsi qu’au mot DISTRIBUTION.

Si, des palais, on passe aux maisons particulières, le mot salle, beaucoup plus restreint, ne se donne guère qu’à deux sortes de pièces, c’est-à-dire, à celle où l’on mange, et à celle où l’on reçoit, sous les noms de salle à manger et salle de compagnie, qu’on appelle plus communément salon.

Nous nous contenterons donc de faire, à cet article, une courte énumération des pièces auxquelles l’usage, d’après leur emploi, a affecté des noms particuliers.

Ainsi l’on dit :

Salle à manger. C’est, dans les maisons de quelqu’importance, une pièce séparée de l’appartement, et placée volontiers à rez-de-chaussée. Elle doit être bien éclairée, et ses fenêtres, autant que cela est possible, doivent donner sur le jardin, et procurer quelqu’aspect agréable. La salle à manger doit être pavée en carreaux de marbre ou de toute autre matière, qui permette


d’en laver l’aire. Sa décoration admet volontiers des peintures agréables, des vues de paysage, etc. Elle doit avoir des buffets et des fontaines.

Salle d’assemblée. Dans les palais et les maisons particulières, c’est une pièce où l’on reçoit compagnie. Voyez SALON.

Salle d’audience. C’est, dans les appartemens des fonctionnaires publics, une pièce où ils donnent audience. Elle précède ordinairement le cabinet. Elle doit être garnie de siéges, meublée simplement, et décorée avec plus de gravité que de magnificence.

Salle de bain. Ainsi appelle-t-on, dans l’ensemble des grands appartemens, une petite pièce où sont disposés le bassin et la cuve pour se baigner.

Salle de bal. C’est une salle qui ne se pratique guère que dans les grands palais. Elle doit être décorée avec élégance, et recevoir une tribune élevée, pour y placer les symphonistes. Telle est la salle de baldu grand appartement du Roi, à Versailles.

Salle de ballets, de comédie, de machines. Voyez THÉATRE.

Salle de billard. Est, dans toute maison, soit de ville, soit de campagne, une salle où est placé un jeu de billard. Cette sorte de salle est ordinirement boisée et garnie d’armoires, contenant les choses et les instrumens nécessaires pour le service de ce jeu. On doit y supprimer les glaces et tous autres ornemens fragiles.

Salle des gardes. Première pièce de l’appartement d’un prince, où se tiennent les officiers de sa garde.

Salle du commun. Pièce près des cuisines et des offices, dans les grandes maisons, où mangent les domestiques.

SALLE D’ARMES, s. f. On donne ce nom à une espèce de galerie, qui sert de magasin d’armes rangées dans un bel ordre et bien entretenues. On affecte dans ce rangement une ordonnance symétrique et décorative. On fait servir les différentes sortes d’armes selon leurs dimensions et leurs formes, à composer, soit des trophées, soit des pilastres, des colonnes, des pyramides, des frises, etc. , et à simuler tous les ornemens de l’architecture. Ces collections d’armes deviennent aussi un répertoire instructif en ce genre, où l’on voit rassemblé ce que les temps anciens avoient imaginé, et ce que les temps modernes ont perfectionné, dans l’art de fabriquer pour les hommes des moyens de se détruire. Il y a à Paris une des plus belles collections d’armes, à partir des siècles reculés. Ce qu’elle renferme de curieux, sous tous les rapports, lui a fait donner le nom assez impropre de Muséum d’artillerie.

Les salles d’armes font ordinairement partie des arsenaux. Il y en avoit une jadis d’une grande étendue et d’un fort bel arrangement, dans l’arsenal de Venise.

Le nom de salle d’armes se donne aussi au lieu où l’on apprend à tirer des armes. Le nom de salle d’escrime lui conviendroit mieux.

SALLE DE JARDIN OU CHAMPÊTRE Dans l’art du jardinage régulier, on emprunte souvent à l’architecture ses plans, les motifs de ses compositions, les dessins de ses élévations, les formes de sa décoration. De-là plus d’un nom de bâtiment donné à des plantations, à des espaces, où l’on se plaît à forcer la nature d’imiter à son tour les ouvrages de l’art.

Comme les arbres font aisément l’effet des colonnes, comme des charmilles se prêtent volontiers à remplacer les murs, et comme, avec une multitude d’arbustes qu’on taille à volonté dans toutes les formes, de plantes qu’on fait circuler et qu’on façonne en guirlandes, on peut contrefaire un grand nombre de parties d’édifices, il a été fort naturel de ménager, dans les jardins, des lieux de réunion, qu’on appelle salles champêtres.

Les marronniers, les tilleuls de Hollande, les ormes, lorsqu’ils sont bien choisis, sont les arbres dont on se sert volontiers pour faire des salles champêtres. Lorsqu’on veut que leur enceinte soit close, on établit à l’entour des treillages qu’on garnit de fleurs et de verdures, ou on les entoure de charmilles. Ces salles servent volontiers pour les bals, et si l’on veut prolonger la fête dans la nuit, on les illumine par des lanternes de toutes couleurs, qu’on suspend en guirlandes d’un arbre à l’autre.

La salle du bal du petit parc de Versailles, est une salle champêtre disposée pour la danse : elle est entourée d’un amphithéâtre formé de siéges ou de degrés en gazon. Le milieu, un peu relevé et sur un plan ovale, est comme l’arène de cette espèce de cirque, où l’on exécute les danses.

SALLE D’EAU s. f. C’est une fontaine pratiquée dans un espace plus bas que le rez-de-chaussée, où on descend par quelques marches, et dont l’aire est pavée de coin partimens en marbre. C’est aussi, dans un jardin, une salle de verdure, décorée de bassins, de figures, de groupes qui jettent de l’eau, et de fontaines jaillissantes.

SALLE DE SPECTACLE. Est un synonyme de théâtre, dans nos usages. Les théâtres ayant été, dans le renouvellement des arts, des sortes de dépendances des palais de souverains ou de ceux des princes, on leur donna le nom de salle. Depuis qu’ils sont devenus des monumens isolés et publics, on ne laisse pas de les appeler encore du même nom, surtout quand on parle de leur intérieur ; et l’on dit que la salle est remplie, que la salle étoit vide, etc.


SALON, s. m. Ce mot est le même que le mot italien salone, qui est un augmentatif de sala, et signifie une grande salle.

Quoique salon en français, selon l’usage actuel, ou ne signifie pas toujours une grande salle, ou exprime encore une autre idée, toujours est-il vrai, que selon les erremens de la distribution ordinaire des appartemens, ce mot s’applique à la pièce qui, entre toutes celles dont se compose l’appartement, est souvent la plus grande et toujours la plus richement ornée.

Le salon est ce qu’on appeloit, et ce qu’on appelle encore la salle de compagnie. C’est la pièce de réunion, où l’on reçoit le monde, et où, par conséquent, selon la grandeur des maisons, on rassemble le plus d’objets de commodité, d’agrément, de goût et de luxe.

On ne sauroit prescrire rien de déterminé en ce genre, ni pour la grandeur, ni pour la forme, ni pour la décoration. Il est sensible, qu’à cet égard, il se donnera autant de mesures qu’il s’en trouve dans les différens états de la société.

Quant à la grandeur, c’est la dimension de la maison qui règle celle de toutes les pièces de l’appartement, et par conséquent du salon. Dans les palais, le salon doit occuper ene grande étendue ; cette étendue est déterminée, non-seulement par la nécessité des réunions nombreuses qu’on y reçoit, mais encore par une sorte d’étiquette, qui veut que l’importance du matir s’annonce par celle de son habitation, tant à l’extérieur qu’à l’intérieur. Dans les palais, on donnera souvent au salon la hauteur de deux étages, de manière qu’il puisse recevoir des jours d’en haut. Du reste, il est ssez reçu que lesalon, à quelqu’espèce de maison qu’il appartienne, doit, dans la proportion de son appartement, en être la pièce la plus spacieuse. Les palais dont les maîtres sont condamnés à la magnificence, ont souvent aussi ce qu’on appelle de doubles appartemens, c’est-à-dire, où chacune des pièces est répétée, une fois en grand, une fois en petit : les premières servent pour les jours de grande compagnie, les secondes pour les jours de petite société. Ainsi, près de la grande salle à manger, on en pratique une plus petite. Il y a de même grand et petit cabinet, grand et petit salon.

Pour ce qui est de la forme des salons, rien ne fait la loi de leur en donner une plutôt qu’une autre. Il est certain que la forme quadrangulaire est tout à la fois la plus naturelle et la plus ordinaire. On peut même dire, que dans les habitations moyennes, d’où l’art proprement dit de l’architecture est généralement exclus, il est fort rare qu’il se trouve une raison de donner au salon d’autre configuration que celle du carré, ou d’un carré long, dont la longueur est à la largeur, comme 4 à 3, ou tout au plus comme 2 à 1. Il n’est question, pour le salon des maisons des particuliers, que de régularité, de symétrie dans les pièces, et l’ameublement en fait la seule décoration. A l’égard des palais, on y voit des salons pratiqués dans toutes les sortes de formes. La plus ordinaire est, à la vérité, la forme quadrangulaire ; mais on citeroit beaucoup d’appartemens dont le salon tout-à-fait circulaire. L’on obtient volontiers celle forme, en construisant la façade de l’édifice de manière à ce qu’elle produise une partie demi-circulaire en saillie ; à l’intérieur, le reste du cercle est formé par des cloisons. Il y a aussi des salons ovales, et il s’en fait d’octogones. Reste à savoir si ces variétés, qui produisent des embarras et des difficultés dans l’ensemble des plans et dans l’ajustement des élévations, offrent autant de commodités pour l’usage, et beaucoup plus d’agrément pour l’emploi du l’architecture et de la décoration.

La décoration des salons, dans les palais, ne sauroit être l’objet d’une théorie particulière. C’est ici le domaine de l’architecture, et l’on ne sauroit rien dire sur ce point, qu’on ne l’ait dit dans une multitude d’autres articles.

Ce qu’il faut toutefois remarquer, à l’égard de la décoration des salons, c’est qu’il entre dans l’harmonie générale des palais et de leurs appartemens, que la richesse des ordonnances, des ornemens et des matières, qui font aussi partie de la décoration, y soit tellement graduée, qu’il y ait une progression sensible d’une pièce a une autre, et que salon soit, en fait de magnificence, le point culminant de l’ensemble. L’emploi des ordres, soit en colonnes, soit eu pilastres, et surtout de l’ordre corinthien, avec ses détails accessoires, étant, quant au fond de l’art, le maximum de la décoration, il importe de le réserver pour la décoration du salons. Trop souvent on a vu la richesse de l’architecture employée jusque dans les escaliers, ne laisser aucun moyen d’enchérir à l’égard des intérieurs.

Quand on prétend que le salons réclame le plus haut degré de la décoration, c’est toujours, bien entendu, relativement au genre et au caractère du palais, et relativement encore à sa destination, comme à la dignité du propriétaire. Il y a de grands palais, ainsi qu’il y a de grands personnages, qui se refusent à un luxe trop marqué, à une profusion de ces richesses qui ne sont que du faste. Plus d’une convenance commande à l’architecte de se conformer à ces considérations, et l’architecture a, dans Je genre et l’emploi de ses richesses, des degrés pour tous les rangs, Il y a aussi une richesse modeste qui, sans mêler à l’or l’éclat des marbres précieux, sait allier le goût à la bienséance, sait briller par la simplicité, et s’adapter à tous les caractères. Voyez APPARTEMENT.

On appelle salon à l’italienne, celui qui comprend deux étages dans sa hauteur, et qui, ordinairement, n’est éclairé que par les fenêtres de l’étage supérieur.

On appelle salon de treillage, un grand espace


qu’on ménage dans les bosquets d’un jardin, qu’on entoure et qu’on couvre de treillages en fer et en bois, et qu’on garait de verdures.

SALONIQUE, C’est le nom qu’on donne aujourd’hui à l’antique ville de Thessalonique.

Nous trouvons dans le troisième tome des Antiquités d’ Athènes, par Stuart, le dessin d’un reste de monument fort curieux, qui est situé dans le quartier des Juifs de Salonique.

Cinq colonnes corinthiennes, élevées chacune sur son piédestal, supportent un entablement, au-dessus duquel règne un attique formé de pilastres quadrangulaires isolés. Sur les deux faces les plus larges de ces pilastres, sont sculptées des figures d’un très-fort relief, dont la hauteur est presqu’égale à celle du pilastre ; les têtes de quelques-unes de ces figures anticipent sur les profils du chapiteau.

D’un côté, les figures représentent une Victoire, un Télèphe, un Ganymède et une femme drapée, à laquelle on ne sauroit donner un nom. De l’autre côte, on voit Léda, une Bacchante couronnée de pampres, un Bacchus et une Bacchante jouant de la flûte.

L’attique, ainsi décoré, supporte un entablement. Il est assez difficile aujourd’hui de déterminer le genre d’édifice dont cette ruine faisoit partie. Quoique les figures qu’on vient de désigner sembleroient avoir pu convenir à la décoration d’un théâtre, on n’a cependant rien trouvé sur les lieux qui tendît à motiver une semblable supposition. Quant aux traditions populaires qui régnent à Salonique sur ce monument, elles reposent sur des contes merveilleux, dont l’imagination a fait seule les frais.

Ce qui seul pourroit tendre à quelques suppositions vraisemblables sur l’édifice de Salonique, c’est le rapprochement que la critique des monumens antiques en feroit, avec d’autres où se trouvent les mêmes particularités. Plus on découvrira dans le champ de l’antiquité, plus on trouvera de points de comparaison entre des ouvrages qui, considérés jusqu’alors isolément, ne pouvoient guère donner pour l’interprétation de leur emploi, que des présomptions arbitraires.

Nous ne saurions donc nous empêcher de rapprocher du monument de Salonique, celui qui existoit jadis à Bordeaux, et qu’on appeloit les tuteles. On en voit la gravure dans la traduction de Vitruve, par Perrault (pag. 227, édition de 1684), qui a pris soin d’en conserver le souvenir, avant qu’on procédât à sa démolition. Le lecteur qui rapprochera ces deux monumens, y trouvera une conformité frappante. Tous deux présentent une ordonnance corinthienne ; tous deux, au-dessus de l’entablement, ont un attique formé de piédroits, sur les deux faces principales desquelles sont sculptées des figures de bas-relief. La seule différence est, qu’à Salonique cet attique porte un entablement, lorsqu’à Bordeaux il porte un rang d’arcades couronné par une corniche.

On ne sauroit, ni dans l’un ni dans l’autre édifice, donner le nom de caryatides à ces figures, qui s’adossent aux montans des piédroits des deux attiques, bien qu’elles en aient l’apparence. Toutefois le grand temple de Jupiter olympien, à Agrigente, nous, a appris, d’après les recherches qui y ont été faites dans ces dernières années, que l’intérieur de sa nef étoit formée de grands piliers quadrangulaires, au-dessus desquels s’élevoient des figures colossales d’allantes, dans l’attitude de supporter les plates-bandes de l’entablement.

On vient encore tout récemment de découvrir à Pompéia, un intérieur, où des figures de Caryatides font l’office de colonnes. Il est donc permis de croire, que l’usage des allantes ou caryatides étoit beaucoup plus commun qu’on ne pense, dans l’architecture des Anciens. On peut des-lors supposer que les figures adossées des piédroits aux monumens de Salonique et de Bordeaux, étoient en quelque sorte des caryatides de bas-relief, ou du moins tenoient à ce système de décoration et de pratiques assez usuelles.

Si donc il est constant qu’on le mit en œuvre dans un des plus grands temples de l’antiquité, on voit qu’il faut être très-réservé à tirer de cet emploi, des conséquences positives ou négatives, pour expliquer la destination des édifices. Nous ne dirons point ce que peut être le monument de Salonique, mais nous dirons que des figures, en semblant de caryatides ou d’atlantes, ne doivent pas faire exclure du rang d’édifices sacrés, ceux où il s’en trouve ainsi, puisque de véritables atlantes de ronde bosse, formoient le second ordre de la nef intérieure d’un temple à Agrigente.

Salpêtrière, s. f. Ce est ordinairement, Dans l’arsenal des Nations Unies, le lieu ou L’fait sur le salpêtre, et Où sont, un TEC effet, PLUSIEURS rangs de cuves souscripteurs sur des fourneaux souterrains.

SALVI (Nicolas), né en 1699, mort en 1751.

Nicolas Salvi fut un homme des plus instruits de son temps. A d’heureuses dispositions, s’étoit jointe une éducation qui l’eût mis à même de choisir le genre de connoissances auquel il auroit voulu se consacrer. Mais dans ses premières années il ne fil point de choix. Il cultiva d’abord les belles-lettres, et fut reçu comme poëte dans les différentes Académies de Rome. Il s’appliqua bientôt à la philosophie et aux sciences mathématiques. Il étudia la médecine. Enfin, il semble qu’il auroit eu en vue de réaliser dans sa personne, le portrait un peu imaginaire, que Vitruve nous a laissé d’un parfait architecture. Le goût de l’architecture finit par l’emporter chez lui. Il reçut des leçons d’Antoine Cannevari, et mieux encore de Vitruve, dont il avoit acquis personnellement l’intelligence dans l’original même.


Cannevari ayant été appelé en Portugal, pout le service du roi Jean V, Salvi resta chargé de toutes les entreprises que son maître avoit à Rome. Il rebâtit le Baptistère de Saint-Paul hors des murs, éleva le grand autel de l’église de Saint-Eustache, et celui de Saint-Laurent et Damase ; construisit la petite église de la villa Bolognetti, hors de la porte Pie. Il donna encore le dessin du grand autel de Saint-Pantaléon, qui ne fut pas exécuté ; mais il exécuta ceux de la superbe église de Mont-Cassin, et de Santa-Maria de Gradi, pour les Dominicains de Viterbe.

Mais l’ouvrage le plus considérable et le plus célèbre de Nicolas Suivi, est la grande fontaine du Trévi à Rome, qui seule feroit la réputation d’une ville. Elle tient sans doute, en ce genre de monumens, le premier rang, et il ne lui manque qu’une placé proportionnée au spectacle qu’elle présente. Sous le rapport de magnificence, aucune autre fontaine ne peut lui être comparée, et l’on n’en peut trouver d’équivalente ailleurs, que dans les décorations hydrauliques des jardins de Versailles ; mais la supériorité de la fontaine de Trévi tient encore, à ce que ses eaux sont perpétuelles (aquœ perennes), tandis qu’à Versailles elles proviennent d’un réservoir qui se tarit en peu de temps. La fontaine dé Trévi est, au contraire, le réceptacle, de l’aqueduc de l’acqua vergine. L’architecte eut des-lors à sa disposition une masse d’eau toujours courante, qu’il put diriger à son gré, et dont il put obtenir toutes les sortes d’effets.

Ce grand ouvrage ne s’acheva point sans de graves contradictions. Salivi eut un grand nombre d’envieux et de critiques, et l’on conçoit qu’en ce genre il y avoit matière à bien des rivalités. Un semblable projet éveille toutes les ambitions, et comme l’imagination en fait facilement les frais, chacun se figure aisément avoir trouvé des motifs plus heureux.

Pour ce qui regarde la partie hydraulique, c’est-à-dire l’emploi des eaux dans ce monument, on ne sauroit nier que ce ne soit une très-grande scène ; mais peut-être a-t-on reproche avec raison à Nicolas Salvi de lui avoir donné une trop grande étendue, d’avoir, dès-lors, un peu trop divisé ses eaux, d’avoir plus visé à la multiplicité d’effets qu’à l’unité.

La position de cette vaste fontaine, adossée à un palais, ne fut peut-être pas du choix de l’architecte. Selon l’idée décorative de sa composition, qui représente Neptune sur son char, dont les tritons attèlent les chevaux marins, il eût sans doute convenu que le dieu des eaux parût sortir d’une demeure, dont le style et le caractère eussent été assortis à ce que la poésie de ce sujet devoit suggérer. Sans doute le palais de Neptune n’auroit du avoir ni étages ni fenêtres ; mais peut-être l’architecte ne fut-il pas le maître de sou emplacement.

Le personnage principal, comme on l’a dit, est Neptune représenté dans une dimension très-colossale, debout, prêt à monter sur un char formé par une coquille ; il semble sortir d’une niche que décorent des colonnes ioniques. Les chevaux et les tritons se trouvent au milieu d’un amas considérable de rochers, au travers desquels les eaux jaillissent ou tombent de différentes manières, et forment toutes sortes de chutes.

Quelques critiques pensent que ces rochers, ainsi disposés, ressemblent trop à un amas de ruines, et qu’on n’aperçoit pas assez dans tous les échappemens d’eau, la source de la cascade qui pourroit les produire ; mais, en ce genre, la critique est facile, et peut-être la hauteur des conduits qui amènent l’eau à cette fontaine n’a-t-elle pas permis de leur donner une disposition plus pittoresque.

Quant à l’architecture du palais auquel s’adosse la composition de cette fontaine, nous croyons aussi qu’elle supporteroit beaucoup d’observations. Le temps qui vit élever ce monument n’etoit plus celui de la bizarrerie ni des formes, in des ornemens contournés et bigarrés de l’âge précédent, mais ce n’étoit pas encore celui où le goût de l’antiquité devoit reprendre l’empire. Obligé d’assortir la composition de tout cet ensemble à une devanture de palais, l’architecte pouvoit se dispenser sans doute d’élever sur un soubassement rustique, tout en rochers, nu ordre aussi élégant et aussi riche que le corinthien. Le style qui eût convenu à cette façade auroit dû être celui des bossages. Une multitude de monumens des plus grands maîtres de l’Italie, auroient pu ossrir des modèles applicables au genre de cette compostion, soit dans l’emploi des ordres, soit dans les détails des fenêtres et le caractère des orœmens.

Salvi avoit sait encore quatre dessins pour la même fontaine, à peu près du même goût, mais d’un mérite inférieur à celui qui fut exécuté.

La fontaine de Trévi fut treize ans à terminer : non que le travail ail rempli tout cet espace de temps, mais toutes sortes de tracasseries le saisoient interrompre, et on le reprenoit lorsque les clameurs de la critique avoient cessé. Salvi avoit trop à cœur d’achever son ouvrage, pour se laisser décourager et l’abandonner : aussi refusa-t-il les offres de la cour de Turin, qui desiroit l’avoir à son service après la mort d’Ivara. Il refusa encore les propositions qui lui surent faites, pour élever la façade de la cathédrale de Milan. Il ne voulut pas non plus aller à Naples, où on vouloit le charger de bâtir le palais de Caserte et l’hôpital général, qui depuis ont été construis sur les dessins du célèbre Van-Vilelli.

Salvi fut chargé par Auguste II, roi de Pologne, de lui faire le plan d’un théâtre dans le goût antique, avec un ensemble de salles ct de dépendances, non-seulement pour le spectacle, mais encore pour le jeu, les concerts et les bals.


Salvi donna trois projets pour la façade de Saint-Jean-de-Latran à Rome. Les compositions de ces frontispices présentent toujours deux ordres d’architecture avec portiques ; mais on préféra le dessin de Galilei.

Les travaux de la fontaine de Trévi, les contrariétés plus pénibles encore que ces travaux, les fréquentes visites qu’il étoit obligé de faire dans les conduits de l’aqua vergine, affoiblirent, dit-on, sa santé et affectèrent son tempérament, d’ailleurs fort délicat. Il tomba en paralysie ; mais il vécut encore cinq ans dans cet état de langueur, sans renoncer à son art. Ne pouvant plusse servir de ses mains, il fit encore dessiner par un de ses élèves trois projets, pour la façade de l’église des Saints-Apôtres. L’un de ces projets n’avoit qu’un seul ordre de colonnes ; les autres étoient à deux ordres, selon l’usage des portails de cette époque.

On a vanté l’honnêteté de Nicolas Salvi, ses mœurs et sa sincérité. Quoique naturellement réfléchi, il avoit il répartie vive et spirituelle. Le caractère de son architecture, malgré les incorrections qu’on y remarque, ne manque pas de simplicité, et a un certain agrément qui lui est propre.

SANESE (Georgio). On est souvent en peine de savoir sous quel nom placer, par ordre alphabétique, les artistes italiens du quinzième siècle. L’usage des prénoms et celui des sobriquets, ou encore des noms de pays, a fait, dans la suite, oublier les noms de famille. Ainsi, nous ne saurions dire quel nom fut véritablement celui de Francesco di Georgio Sanese. Taut est que cet architecte ayant été omis sous les deux premiers noms, nous avons dû lui donner place sous le dernier.

Georgio Sanese (c’est ainsi qu’on l’appelle le plus souvent) naquit en 1423, et mourut en 1470. Il étoit, dit-on, de la famille Martini devienne de Sienne ; et, selon l’usage de son temps, réunissant des talens divers, il fut sculpteur fort habile, amateur en peinture, bon ingénieur, et savant architecte.

C’est sous ce dernier titre qu’il est le plus connu, et il le doit au célèbre palais qu’il construisit, vers le milieu du quinzième siècle, à Urbin, pour le duc Frédéric de feltre. C’est un de ces monumens qui confirment l’opinion que le quinzième siècle, moins renommé aujourd’hui que le suivant qui recueillit toutes les gloires, doit, non-seulement les partager avec lui, mais peut encore lui disputer plus d’une sorte de prééminence. N’y eût-il que l’avantage d’avoir fait renaître, dans tous les arts, les grands principes de l’antiquité, d’avoir produit des modèles dont plusieurs n’ont point été égalés depuis, d’avoir aplani toutes les voies au retour du bon goût, le quinzième siècle peut encore se vanter d’avoir donné naissance à tous les maîtres qui ont formé les grands hommes du seizième.

L’architecture, surtout, lui fut redevable d’un grand nombre de monumens et d’édifices, qui ne furent point surpassés pour la grandeur de la masse, la simplicité des plans, la justesse des proportions et la noblesse de l’ordonnance. Tels furent ceux de Bruneleschi, à Florence, de Leon. Batista Alberti, à Rimini et à Mantoue ; tel fut le palais de Georgio Sanesa à Urbin, dans lequel on s’accorde à vanter, et le mérite de la décoration, et même celui de la distribution. On y trouve encore certaines parties d’escaliers d’une invention particulière, et d’une exécution ingénïeuse.

Ce palais est bâti en briques, et d’une extrême solidité. Sa façade se recommande plutôt par le grand caractère, que par un style élégant, soit dans les portes, soit dans la forme des fenêtres qui manquent d’une proportion agréable.

La principale cour est un rectangle, ou carré long, environné de portiques en arcades, soutenues par des colonnes isolées, de travertin d’une séule pièce. L’ordre est du genre de celui que les Modernes ont appelé composite, et la base en est attique. Au-dessus des arcades règne un entablement, qui porte un second ordre de pilastres corinthiens, entre lesquels sont disposées les fenêtres, de manière que leur ouverture correspond à celle des arcades du rez-de-chaussée. La masse est couronnée par un entablement, dans la division duquel on a pratiqué les fenêtres d’un petit appartement, et en retraite est encore un autre petit étage de service.

Le grand escalier est commode et spacieux. La salle principale a cent pieds de long et cinquante de hauteur. Elle est couverte par une voûte à lunettes. Toutes les pièces de ce palais, sont également voûtées.

Georgio Sanese fit les dessins et les modèles que lni demanda le pape Pie II, pour le palais de l’évêché de Corsiguano, sa patrie, à laquelle il donna et le litre de ville, et le nom de Pienza, qui étoit le sien propre.

SANGALLO (DA) GIULIANO et ANTONIO, architectes florentins. Le premier naquit en 1443 et mourut en 1517. Le second mourut eu 1534.

Si l’on a associé dans un même article ces deux architectes, c’est moins parce qu’ils furent srères, et qu’un même talent ainsi qu’un même goût dut les réunir dans les mêmes travaux, que pour éviter la confusion qui auroit pu naitre entr’eux, ou du moins entre l’un d’eux, et un autre Antoine Sangallo, leur neveu, qui, devenu plus célèbre, occupe un des premiers rangs dans l’histoire des architectes.

Le père de Julien et d’Antoine Sangallo s’appeloit François Giamberti, architecte de quelque mérite, qui vivoit sous Côme de Médicis, sur-


nommé le Père de la patrie, et grand-père de Laurent-le-Magnifique. Il fut employé par lui dans tous les travaux de ce temps. Quant à ses deux fils, il leur fit apprendre l’art de la sculpture eu bois, et la perspective, à l’école de Francione, artiste fort recommandable alors. Julien avoit les dispositions les plus heureuses pour réussir dans tout ce qu’on lui donnoit à entreprendie. On avoit voulu faire de lui un sculpteur. Il fit voir en peu de temps qu’il l’étoit, et les belles sculptures du chœur de pise déposent encore aujourd’hui-de la précocité, comme de l’excellence de son talent. Il lui survint bientôt une nouvelle occasion de montrer sa capacité, dans un genre fort différent. Laurent de Médicis eut besoin d’un ingénieur pour un siége qu’il avoit à soutenir. Julien de Sangallo devint ingénieur, et, qui plus est, excellent artilleur. Il perfectionna l’art de manœuvrer le canon, et servit les projets de Laurent au-delà de son attente. Aussi en reçut-il des témoignages de bienveillance, qui ne se bornèrent point à de vaines paroles.

L’architecture fixa enfin son goût el sa vocation : son premier ouvrage fut, à Florence, le cloître des Carmélites de Santa-Madalena de Pazzi. La partie qu’il en exécuta est celie où règne un ordre ionique. Il y copia un chapiteau antique, trouvé dans les ruines de Fiesole, et qui passoit alors pour être unique en son genre. Ce qui le distingue du chapiteau ionique ordinaire, c’est cette espèce de gorgerin ou de frise, qui se trouve entre le collarin el l’astragale ; c’est encore la sorme de la volute, qui descend jusqu’au collarin. Or, ces deux variétés sont précisément celles qui distinguent le chapiteau ionique que du temple d’Erechtée à Athènes. Julien de Sangallo avoit, donné une preuve de son goût, en faisant revivre ce mode élégant de chapiteau. Malheureusement la manque de sonds ne permit pas d’achever ce cloître.

Laurent de Médicis avoit appris à distinguer le mérite de Julien de Sangallo. Il n’hésita point de le préférer à ses anciens et à son maître, en voyant le modèle qu’il lui avoit commandé, en concurrence avec eux, pour le palais qu’il projetoit de faire bâtir, entre Florence et Pistoia, dans le lieu qu’on appelle Poggio a Caiano. Julien eut ordre de mettre sur-le-champ la main à l’œuvre. L’édifice qu’il exécuta, fit voir des choses alors nouvelles en architecture. Telle fut la voûte en berceau qui couronne la vaste salle de ce palais. Ou n’avoit, jusqu’à ce moment, osé en entreprendre de cette hardiesse. Laurent de Médicis n’en croyoit pas l’exécution possible, attendu la grande largeur du local. Julien, pour le rassurer, se mit à en construire une selon le même système de courbe, dans une maison qu’il bâtissoit pour lui-même à Florence. Enfin, l’ouvrage eut un succès complet, et procura à son auteur une grande réputation.

Le duc de Calabre lui demanda un modèle de palais pour Naples. Julien s’occupoit de ce travail, lorsque l’évêque d’Ostie, qui depuis fut pape sous le nom de Jules II, le chargea de restaurer les fortifications de cette ville. Julien perdit à ce travail deux années, et il chargea pendant ce temps, Antoine son frère, de terminer le modèle du palais de Naples ; mais Laurent de Médicis conseilla à Juliend’aller en personne le présenter.

Julien partit donc pour Naples avec son modèle. L’ouvrage eut un grand succès, et l’ordre fut donné d’en entreprendre sur-le-champ l’exécution. On en jeta les fondemens près de Castel-Nuovo. Cela fait, l’architecte demanda et obtint la permission de retourner à Florence. Le roi lui fit de riches présens en chevaux, en étosses précieuses, avec un vase d’argent contenant plusieurs centaines de ducats, Julien pria le roi de lui permettre de n’accepter ni l’or ni l’argent, dont son protecteur Laureut-le-Magnifique l’empêchoit d’avoir besoin ; que s’il plaisoit au roi de lui témoigner sa satisfaction d’une autre manière, il oseroit le prier de lui concéder quelques morceaux d’antiquité, à son choix. Julien eut alors la liberté de choisir une belle tête de l’empereur Adrien, une statue de femme nue, plus grande que nature, et un Cupidon endormi, tous morceaux de ronde bosse, dont il fit hommage à Laurent-le-Magnifique, aussi charmé delà nature du présent, que srappé du rare désintéressement de celui, qui avoit préséré les richesses de l’art à celles de la fortune.

Julien, de retour à Florence, fut chargé, par Laurent, de construire un vaste couvent pour cent religieux de l’ordre des frères ermites de Saint-Augustin. L’ouvrage de Julien obtint la préférence sur les projets de plusieurs autres. Il mit la main à l’œuvre, et l’édifice fut élevé hors de la porte Santo-Gallo. Ce fut là l’origine du nom sous lequel Julien fut connu depuis, et ce fut Laurent de Médicis qui, ayant pris l’habitude de lui donner ce surnom, la fit contracter à tout le monde. Julien se plaignit un jour à lui, en plaisantant, de ce que lui ayant fait perdre le nom ancien de sa famille, il reculeroit au lieu d’avancer dans le chemin de la noblesse. Il vaut mieux, lui répondit Laurent, qu’au lieu de recevoir un nom de ton ancienne famille, tu en donnes un nouveau, par ton mérite, à une famille nouvelle.

Malheureusement le nom de Sangallo n’a pusaire subsister ni même achever les entreprises qu’interrompit la mort de Laurent de Médicis. Le siége de Florence, en 1530, détruisit tout ce qui avoit été commencé du grand couvent, et au temps de Vasari, il ne restoit vestige ni de maison, ni d’église.

Un grand palais pour Giuliano Gondi, riche marchand florentin, eut encore le sort de ne ponvoir être terminé dans son entier. La mort du


propriétaire força Sangallo de le laisser inachevé. I’areille mésaventure arriva à plusieurs de ses ouvrages, que les troubles et les guerres de cette époque firent abandonner.

Après la mort de Laurent de Médicis, il se retira à Prato, où il construisit l’église de Notre-Dame-des-Priions. De-là il fut mandé à Lorette, pourterminer la coupole de l’église, dont on croyoit es piliers trop foibles pour supporter le poids d’une voûte. Sangallo prétendit que les craintes étoient mal fondées, et on le chargea de cette construction. Il fit venir de la pouzzolane de Rome, pour faire, avec de la chaux, le mortier propre à opérer la liaison des matériaux. L’ouvrage réussit en tout point, et la coupole, en moins de trois ans, fut terminée.

A Rome, Sangallo fut chargé, par le pape Alexandre VI, de restaurer le plasond de Sainte-Marie-Majeure. On dit que sa dorure fut faite avec le premier or qu’on transporta d’Amérique en Europe.

Le cardinal de la Rovère, le même qui, comme évêque d’Ostie, avoit autrefois employé les talens de Sangallo, lui fit faire le modèle du palais de San-Pietro in vincoli ; bientôt après, un autre modèle de palais pour Savone, sa patrie, où il vouloit que l’architecte allât lui-même entreprendre l’ouvrage. Mais Sangallo étoit retenu à Rome par Alexandre VI. Antoine, son frère, le suppléa dans ses travaux, et lorsque l’édifice tiroit à sa fin, Julien, d’après les instances du cardinal, se rendit à Savone, et mit la dernière main à la construction.

En retournant à Florence, qui étoit en guerre avec Pise, malgré le sauf-conduit qu’on lui avoit donné à Lucques, il fut fait prisonnier par les Pisans, et retenu pendant six mois, jusqu’à ce qu’il eût payé 300ducats.

Alexandre VI mort, et Paul II, qui lui succéda, ayant survécu de sort peu, le cardinal de la Rovère fut créé pape, sous le nom de Jules II. Julien de Sangallo conçut les plus grandes espérances. Le Pape, en effet, le reçut avec toutes sortes de caresses, et le chargea tout d’abord des premiers ouvrages qui se présentèrent. Dès-lors il étoit question entre Jules II et Michel Ange, de l’entreprise du célèbre mausolée, dont on a parlé ailleurs (voyez BUONAROTI). Sangallo la savorisoit aussi de ses vœux, et engageoit le Pape à construire une chapelle exprès pour un si vaste ouvrage, dont la vieille basilique de Saint-Pierre n’étoit plus digne (voyez, sur cet objet, les articles de Lazari Bramante et de Rossellino). Divers projets surent présentés pour cette chapelle, et enfin l’idée vint de saire un nouveau Saint-Pierre. Bramante étoit, sur ces entrefaites, arrivé à Rome. Il fut si bien s’introduire à la cour du Pape, cl se faire si bien venir de lui, qu’il l’emporta sur tous les concurrens, et fut chargé de la construction de la nouvelle basilique.

Sangallo, blessé de cette préférence, quoique le Pape l’eût associé à Bramante pour tous les autres travaux, retourna à Florence, non sans y rapporter un grand nombre de présens, dont le pontise avoit honoré son talent. Le gonfalonier Pierre Soderini, charmé de l’incident qui rendoit à Florence son habile concitoyen, se hâta de lui confier des travaux ; qui l’occupèrent pendant six mois. Bientôt une lettre du Pape redemanda Sangallo. Il fut obligé de revenir à Rome ; mais le Pape, qui croyoit l’employer comme architecture, l’obligea de le servir comme ingénieur, dans les guerres qu’il avoit à soutenir. Nouvelle demande de congé de la part de Sangallo. Enfin, le I’ape lui rendit sa liberté, et accompagna la permission qu’il lui donnoit d’en user, d’une bourse de cinq cents écus, l’assurant qu’il pouvoit toujours compter sur sa bienveillance.

Sangallo espéroit se reposer enfin dans sa patrie, mais les circonstances du temps ne permettoient le repos à personne. A peine arrivé, il fut employé par le gonsalonier Soderini, au siége de I’ise, à construire, sur l’Arno, un pont fort ingénieux, qui se levoit et s’abaissoit selon la hauteur des eaux, et offroit, dans ses assemblages, la construction la plus solide. Cet ouvrage contribua à la prompte reddition de Pise. Bientôt après, il fut chargé de bâtir avec la plus grande célérité la forteresse de cette ville, où se trouve aujourd’hui la porte d’ordre dorique, qu’on appelle la porte Saint-Marc.

Après Jules II, Léon X, son successeur, pensa à remplacer Bramante, que la mort venoit d’enlever, dans la place d’architecte de Saint-Pierre. Il jeta les yeux sur Sangallo, qui revit encore une fois Rome. Mais, affoibli déjà par son grand âge, et tourmenté de la pierre, il obtint aisément du pontife la dispense de se charger d’un tel fardeau. Il passa encore deux années à Florence. Il mourat à l’âge de soixante-quatorze ans ; mais il se survécut encore pendant plusieurs années dans la personne de son srère.

Antoine Sangallo commença aussi par la sculpture en bois, y acquit un rare talent, et se fit beaucoup d’honneur, surtout par ses grands crucifix, tels que celui du maître-autel de l’Annonciade, à Florence, celui des religieux de San-Gallo, à Saint-Jacques-des-Fossés, et plusieurs autres qu’on renomme.

Julien, son srère, ne tarda point à lui inspirer le goût de l’architecture, et à lui en communiquer le savoir. La grande pratique qu’Antoine avoit acquise dans le travail du bois, le rendoit surtout extrêmement propre au travail des modèles d’édifices, qu’à cette époque on faisoit en bois. Il fut d’un grand secours à son frère dans cette sorte d’ouvrage, et le suppléa encore en beaucoup de ses entreprises. Julien étant engagé dans les travaux du palais de Savone, se fit remplacer quelque temps auprès du Pape par


Antoine, qui fut en gagner les bonnes grâces. On lui confia les ouvrages de fortification qui ont fait du mausolée d’Adrien, une citadelle, puis, la construction du château-fort de Civita-Castellana.

Les deux frères se succédoient et se remplaçoient mutuellement dans les mêmes travaux, et auprès de leurs ordonnateurs. Ainsi quand Julien quitta Florence pour aller à Rome, il chargea Antoine de faire le modèle de la nouvelle forteresse d’Arezzo. Cela le mit en rapport plus intime avec le gouvernement florentin, qui lui confia la surintendance de toutes les fortifications. Il coopéra, avec son frère, à la construction du pout mécanique sur l’Arno, dont nous avons parlé dans l’article précédent.

L’ouvrage d’architecture plus remarquable d’Antoine Sangallo, fut l’église de Monte-Pulciano, qui est hors de la porte San-Biaggio, monument aussi remarquable par la beauté de sa construction en pierre blanche, que par la conception de son ensemble, et une rare perfection d’exécution dans toutes ses parties. De lui surent encore deux palais : l’un qu’il commença dans la même ville pour le cardinal Antonio del Monte ; l’autre, pour le même cardinal, à Monte San-Savino.

Il seroit trop long de rendre compte de tous les édifices dont il fit et donna les modèles, de toutes les villes dont il fit ou dont il augmenta les sortifications. Sur la fin de sa vie, il chercha le repos dans les douces occupations de l’agriculture, genre d’art plus sédentaire, et où il avoit acquis beaucoup de connoissances.

SANGALLO (Antonio), architecte florentin, mort en 1546. La date de sa naissance est incertaine.

Le talent dans les beaux-arts est rarement héréditaire : le génie n’est pas un bien de famille. Il y a cependant des exceptions en ce genre. La famille des Sangallo eu est une. Quatre de ses membres ont successivement illustré leur nom dans l’architecture ; car aux deux dont on a donné déjà l’histoire, il saudroit joindre Giamberti, leur père, qui eut aussi, dans son temps, sa réputation.

Antoine Sangallo, celui anquel est consacré cet article, ne tenoit que par sa mère à la famille des Sangallo, dont il prit le nom. C’étoit contracter l’engagement de devenir habile, car un grand nom impose de grandes obligations, Son père l’avoit destiné à la profession de menuisier ; mais le jeune Antoine avoit entendu parler de ses oncles maternels Giuliano et Antonio di Sangallo, et du grand crédit dout ils jouissaient dans l’architecture, à Rome. Il se rendit dans cette ville, n’étant encore architecte que par le désir de le devenir, et l’espérance d’y trouver les leçons et les exemples de ses parens. L’appui qu’il en attendoit lui manqua bientôt. Ses protecteurs naturels quittèrent Rome, et il fut obligé d’en chercher d’autres, qui ne manquent jamais, le travail et l’étude.

C’est par leur moyen qu’il se recommanda auprès de Bramante. Ce célèbre architecte étoit devenu paralytique ; cependant son esprit avoit conservé toute son activité. Il ne lui falloit qu’un antre corps, mais docile aux ordres da sa pensée, capable de recevoir et de transmettre toutes ses idées. Il trouva dans le jeune Sangallo, ce ministre fidèle, intelligent et zélé. Après beaucoup d’épreuves de son exactitude et de la rare facilité avec laquelle il savoit s’identifier à ses conceptions, il en fit son véritable substitut. Bramante continua ainsi jusqu’à sa mort à bâtir par les mains d’Antoine Sangallo.

L’occasion étoit belle à un jeune homme, pour se produire ; Bramante étoit le plus célèbre architecte, et le plus en vogue, qu’il y eût alors. Etre ainsi son suppléant, c’étoit se préparer à devenir un jour son successeur. Aussi eut-il bientôt une réputation qui fit présager ses succès futurs.

Ce qui lui fait réellement honneur, c’est qu’à l’école de Bramante, il devint très-habile constructeur, et l’on sait que la construction, ne fut pas le mérite principal de cet architecte. Les élèves sont si portés à imiter les défauts de leurs maîtres, qu’on sait déjà gré à ceux qui ne les outrent pas. Mais savoir en profiter pour les fuir, et se distinguer par les qualités contraires, est un effort assez remarquable. C’est ce que fit Antoine Sangallo, qu’on renomme à bon droit Pour un des meilleurs constructeurs qu’ait eu l’architecture.

Telle étoit déjà l’opinion établie sur son compte, que le cardinal Alexandre Farnèse (depuis pape sous le nom du Paul III), voulant restaurer son vieux palais de Campo di Fiore, s’adressa à lui pour avoir quelques projets. L’intention du cardinal alors n’étoit pas de faire un palais à neuf, encore moins de faire ce fameux palais Farnèse qui, à tout prendre, pour sa masse, sa régularité et la pureté de l’architecture, a tenu jusqu’ici le premier rang entre tous les grands palais. Heureusement le génie de Sangallo fut prophétique. Parmi les divers projets qu’il présenta au cardinal, il s’en trouva un que celui-ci adopta. Ce projet, commencé d’abord sur une moindre échelle, eut cela de particulier, qu’il fut susceptible, comme nous le verrons dans la suite, de s’agrandir et de pouvoir se prêter, sans qu’on détruisît l’ouvrage déjà fait, aux grandes dimensions qu’exigea bientôt la haute fortune des Farnèse.

Un des premiers ouvrages de Sangallo, à Rome, et que l’on ne compte point parmi les meilleurs, est l’église de la Madone de Lorette, place de la colonne Trajane. Il ne fut pas, au reste, l’auteur


des plans ; l’édifice fut commencé en 1507, lors qu’il n’étoit encore qu’élève. Vasari ne lui en attribue que l’achèvement et la décoration. Sur une masse carrée, et ornée de pilastres composites accouplés, s’élève une coupole à double voûte, dont le tambour est octogone, et paroît généralement trop élevé. L’intérieur du dôme, qui seul forme toute l’église, est également à huit pans. Le principal mérite qui recommande cette coupole, c’est d’avoir été la première construite à Rome, dans le système de double voûte. Elle a 45 pieds 6 pouces de diamètre intérieur, et 86 pieds 8 pouces de hauteur, jusqu’au-dessous de la lanterne. Le style général de cette architecture, ses formes et ses détails, ont de la lourdeur, et l’architecte Giacomo del Duca a enchéri encore sur ce caractère, par l’énorme et vicieuse lanterne dont il a couronné le monument.

Vers le même temps, Sangallo éleva un palais, que nous désignerons par le lieu qu’il occupe, faute de pouvoir indiquer le nom du propriétaire actuel, savoir, en face du palais de Venise. Il est peu considérable par sa masse, mais il l’est beaucoup par tout ce qui fait le mérite d’un semblable édifice. Dès l’origine, il fut réputé être le plus commode, le mieux distribué, le plus élégant dans ses intérieurs, de tous les palais de Rome. Quoique depuis cette époque, ce qu’on a le plus perfectionné, soit précisément cette partie de dispositions et d’agrémens intérieurs, le petit palais dont il s’agit, ne semble point avoir vieilli. On n’entend parler que de ce qui peut avoir rapport avec l’usage. Du reste, il est rempli de ces sortes de beautés, qui, non-seulement ne vieillissent point, mais qui sont saites pour rajeunir le goût de tous les siècles. Tel est le charme de ces beaux intérieurs où l’errin del Vaga a laissé des modèles de son talent inimitable pour la décoration. Il faudroit citer l’élégance des escaliers et des portiques de la cour de ce palais, et celle de sa façade simple, mais de cette simplicité qui est la vraie richesse de l’architecture, s’il est vrai qu’en ce genre, comme en bien d’autres, le faste de la parure ne soit trop souvent que le déguisement de la pauvreté.

Ce petit palais est un ouvrage classique pour les architectes. Chambranles de portes et de croisées, profils d’entablement, détails d’exécution, tout y est de ce beau style du siècle d’or de l’architecture moderne. On trouve cependant, et avec raison, les colonnes de la porte dorique d’entrée, montées sur des piédestaux trop élevés, et l’on fait aussi le même reproche aux colonnes des portiques de la cour.

Divers autres palais plus ou moins importans, qu’il seroit difficile d’indiquer aujourd’hui, de manière à les faire connoître, occupèrent Sangallo à Rome et dans les environs, et augmentèrent à la fois sa fortune et sa réputation.

Bramante mort, le pape Léon X lui avoit donné, pour successeur dans la construction de Saint-Pierre, Raphael, auquel fut bientôt adjoint Joconde. Julien de, Sangallo vint ensuite. Joconde quitta, Rome etJulien de Sangallo se trouva forcé par ses infirmités de regagner Florence. Personne alors n’avoit plus de droit qu’Antoine Sangallo de remplir une place qui le faisoit succéder à son oncle et à son premier maître. Aussi le cardinal Alexandre Farnèse n’eut point de peine à obtenir ce choix de Léon X. Cependant la construction de Saint-pierre ne fit pas de grands progrès sous sa direction. Il fortifia les fondations et les piliers de Bramante, mais toute la dépense s’enfouissoit en terre. La succession des architectes, produite par les circonstances, multiplioit les projets. Chacun faisoit un nouveau modèle, et l’indécision ne faisoit qu’augmenter. Nous parlerons plus bas du modèle exécuté par Antoine Sangallo. Tout magnifique qu’il soit, il ne put fixer les opinions, et on verra que, malgré, et peut-être a cause de sa magnificence, il n’y a point de sujet de le regretter.

Du reste, sous le rapport de ses moyens de solidité, le monument n’auroit pu tomber dans des mains plus sûres et plus expérimentées. Antoine Sangallo eut plus d’une fois à réparer les erreurs de ses contemporains. Il rendit cet important service au bâtiment des Loges du Vatican. Par trop d’égards et de complaisances pour des locataires du palais, Raphael avoit ménagé, dans les soubassemens de sa construction, beaucoup de caveaux et de vides, qui devoient en affoiblir les points d’appui. Aussi, peu de temps après sa mort, ces belles galeries, menaçoient ruine. Antoine Sangallo les reprit en sous-œuvre ; il remplit les vides, renforça les fondations, et redonna à tout cet ensemble une solidité qui, depuis lors, ne s’est point démentie. Beaucoup de parties du Vatican lui ont la même obligation. Il rensorça un des côtés de la chapelle Sixtine. Il agrandit la pièce qui’la précède, y ouvrit ces deux vastes fenêtres que l’éclairent, et en fit une des plus grandes salles que l’on connoisse. La chapelle l’auline lui doit aussi sa magnificence, et, par ses soins, toutes les parties du Vatican, au moyen d’escaliers ingénieusement pratiqués, se trouvèrent mises en communication avec l’église de Saint-Pierre.

En général, ces sortes du travaux, ne sont guère propres à indemniser, par beaucoup de gloire, l’architecte qui s’y livre. Cependant Sangallo se fit, et très-justement, un grand honneur dans la restauration de l’église de Lorette, la même dont Julien de Sangallo, son oncle, avoit três-habilement exécuté la coupole, mais en présumant trop bien de la solidité de ses piliers, construits par Julien de Mayano (voyez l’article précédent). Cependant l’an 1526, la


bâtisse, qui jusqu’alors n’avoit pas manifesté le moindre effet, vint à se lésarder et à s’ouvrir, non-seulement dans les grands arcs du dôme, mais dans tout le reste de l’église, au point de menacer d’une ruine inévitable et prochaine. Le mal provenoit des fondations qui n’étoient ni assez fortes, ni assez profondes. Antoine Sangallo, chargé par le pape. Clément VII de remédier à ce mal, se mit à étayer toute la construction et à soutenir toutes les arcades avec de sortes armatures. Il y resit des fondations, rensorça les murs et les piliers en dedans et en dehors. Après leur avoir redonné une solidité à toute épreuve, il profita de cette refaçon, pour changer et améliorer l’ordonnance générale, et resaire d’autres profils, un autre entablement, et il parvint, en lui redonnant une forme nouvelle, à rendre cette église, devenue son ouvrage, une des plus belles de l’Italie.

Nous dirons donc ici, avec Vasari, que restaurer ainsi, c’est créer, et même faire quelque chose de plus difficile. En effet, créer un édifice est chose naturelle, mais le ressusciter (ajoute-til), cela tient du miracle.

Antoine Sangallo étoit trop habile constructeur, pour n’être pas un grand ingénieur. Presque toute sa vie fut partagée entre les travaux d’architecure civile et ceux de l’architecture militaire. En fait de fortifications, son coup d’essai fut l’exécution de celles de Civita-Vecchia. Son projet eut l’avantage d’être préféré aux dessins des plus habiles ingénieurs, que le Pape avoit réunis. La citadelle d’Ancône, celle qui est à Florence, près de la porte à Prato ; celle de Népi, pour le duc de Castro, sont des monumens de son savoir, auxquels on pourroit en ajouter beaucoup d’autres, qui suffiroient chacun à la réputation des plus habiles constructeurs ; cependant nous n’en dirons rien, non plus que des sortifications de Pérouse, d’Ascoli, etc. Ces travaux d’architecture militaire font sans doute honneur à l’artiste ; mais ils n’annoncent que trop des époques ordinairement funestes à l’art.

Il en est peu qui aient été aussi désastreuses, et pour les arts, et pour les artistes, que celle de l’an 1527, où Rome fut prise, pillée et saccagée par les troupes allemandes. Les plus beaux monumens surent violés, beaucoup d’artistes périrent, et presque tous se dispersèrent. Clément VII se retira à Orviette avec la Cour pontificale.

Le manque d’eau se saisant éprouver dans la ville, Sangallo y construisit un puits, qu’on doit mettre en tête des plus beaux ouvrages de ce genre. Il est construit tout en pierres de taille, dans un diamètre de vingt-cinq brasses. Deux escaliers en spirale, pratiqués l’un au-dessus de l’autre, dans le tuf, conduisent jusqu’au fond les bêtes de somme qui vont y chercher de l’eau. Par l’une de ces pentes, elles arrivent jusqu’au pont, où on les charge, et remontant par l’autre sans être obligées de retourner en arrière, elles trouvent, pour sortir, une porte différente et opposée à la première. L’ouverture du puits est si spacieuse, que la lumière du jour s’y répand jusqu’au fond, de manière que les pentes ou escaliers adossés au mur, bâti circulairement, reçoivent un jour suffisant des fenêtres pratiquées dans tout sa hauteur. Ce grand et bel ouvrage ne fut pas complétement achevé sous Clément VII. Il restoit à terminer ce que nous appelons la mardelle, et les Italiens la bocca. Elle le fut sons Paul III, mais par un autre architecte, et d’après un autre dessin que celui de Sangallo.

Bossrand sait mention d’un puits semblable au château de Chambord. Ce sera probablement une imitation de celui d’Orviette ; car Chambord ne fut construit que long-temps après cette époque. Il y en a un du même genre à Turin.

Si la variété des talens d’Antoine Sangallo se prêtoit aux inventions les plus diverses, son activité, égale à son génie, lui donnoit les moyens de suffire à toutes. On a remarqué qu’il conduisoit à la sois des travaux dans cinq villes, savoir, les ouvrages de sortification à Ancône, de semblables à Florence, l’entreprise de la restauration dont on a parlé à Lorette ; à Rome, les travaux du Vatican et la construction du puits d’Orviette.

L’an 1536, cet enchaînement, inconnu aux hommes, de causes et d’effets qui leur semblent extraordinaires, et qu’ils appellent les jeux de la fortune, ramena l’empereur Charles-Quint triomphant de Tunis, et comme protecteur de la chrétienté, dans cette métropole du monde chrétien, que ses armées, neus ans auparavant, avoient traitée plus cruellement quen’auroient pu le faire les infidèles. Rome célébra son entrée par des fêtes magnifiques, et ce fut Antoine Sangallo qui fut chargé d’en faire et d’en diriger les décorations.

Il éleva sur la place de Venise, vis-à-vis le palais de Saint-Marc, un arc de triomphe, décoré, sur chacune de ses deux grandes saces, par quatre colonnes corinthiennes, qui supportoient un entablement saisant ressaut sur chacune d’elles. Entre les Colonnes étoient peints des bas-reliefs, représentant les plus belles actions de l’Empereur. Dans le haut, s’élevoient les statues des princes de la maison d’Autriche. Aux quatre angles étoient des figures de captifs. D’après les descriptions qui s’en sont conservées, ce monument temporaire offroit tous les détails et tous les ornemens réunis des plus beaux arcs antiques ; et le décorateur, libre d’employer les couleurs, pour donner, avec peu de frais, à chaque partie, l’apparence des plus beaux marbres et des métaux les plus précieux, en avoit fait un spectacle de Variétés, de richesses et de luxe, auquel la réalité de l’architecture ne sauroit jamais atteindre. Nonobstaut cet avantage, qui est le privilége de l’architecture feinte, on jugea que si le monu-


ment eût pu être exécuté avec les matériaux et les moyens ordinaires de l’art, on l’eût compté parmi ses chefs-d’œuvre. Mais il eut le sort des ouvrages de ce genre. Destiné à briller un moment, sa durée ne fut que de quelques jours, et il disparut avec les circonstances qui l’avoient fait naître.

Il n’appartient qu’à l’art de la gravure, de perpétuer les ouvrages de décoration, auxquels donnent lieu les fêtes publiques ; et les arts pourroient gagner plus qu’on ne pense à la conservation de ces productions éphémères de leur nature. D’abord, ce seroit un moyen de conserver de beaux exemples et d’utiles leçons, à ceux qui se trouvent chargés de semblables travaux ; mais on doit dire ensuite que l’histoire du goût et du génie des architectes, y trouveroit les meilleurs renseignemens. C’est, en effet, dans ces sortes d’inventions, que, libre de toutes les entraves de l’économie, qui restreint et tronque si souvent les plus beaux projets, l’imagination de l’artiste prend sans crainte tout son essor, et développe toutes ses richesses. Mais alors la gravure n’avoit pas encore pris son extension, et ne pouvoit point suppléer à l’insuffisance de l’histoire.

Un reproche qu’on est en droit de faire aux siècles qui ont suivi Sangallo, c’est d’avoir laissé à Rome, sans le terminer, un monument à peu près du même genre, mais réel, et de la construction la plus solide. Je parle de la porte dite di San-Spirito, qui termine la grande et belle rue de la Longara. Elle est construite en superbe pierre travertine, et arec une solidité qui ajoute au caractère énergique de son architecture. Vasari nous apprend qu’après la mort d’Antoine Sangallo, qui ne termina point cet ouvrage, l’envie, non-seulement s’opposa à son achèvement, mais essaya même d’en obtenir la démolition. Heureusement ces tentatives n’eurent aucun succès ; mais il est resté, jusqu’à nos jours, dans le même état d’imperfection. Une dépense légère suffiroit pour en compléter l’ensemble, et donner à l’architecture un des plus beaux modèles de porte qu’il y ait.

Antoine Sangallo construisit pour lui-même, dans la rue Grulia, un très-beau palais, qui depuis appartint au cardinal Riccio, et fut ensuite acquis et agrandi par la famille Sachetti, dont il a porté le nom jusqu’à nos jours. Sa façade se compose de deux étages, entre lesquels est pratiqué un plus petit (ou mezzanino). Chaque étage a sept fenêtres de sace ; au rez-de-chaussée, la porte occupe la place de la fenêtre du milieu. Les chambrantes des senêtres de ce rez-de-chaussée ont leur encadrement un peu trop chargé de profils, les consoles en sont lourdes et ont trop de saillie. Même observation relativement à la porte. L’ouverture des fenêtres du premier étage est un peu pyramidale. L’antiquité en offre des exemples, et Antoine Sangallo l’a encore pratiqué dans le rez-de-chaussée du palais Farnèse. Du reste, l’ordonnance générale et la disposition de la façade du palais Sachetti, sont d’un goût sage et régulier, et portent un grand caractère de solidité. Cet ouvrage se trouve dans le Recueil de Falda, mis au rang des plus remarquables palais de Rome.

Paul III (Farnèse) venoit de monter sur le siége pontifical. Jusqu’alors la construction de l’église de Saint-Pierre avoit été traversée par tous les genres de contre-temps imaginables. Disons-le même, cette entreprise, conçue si en grand par Bramaute, avoit été mal commencée par lui. Je ne veux point parler de la foiblesse de ses moyens de construction, à laquelle il fallut depuis remédier ; je parle de la minière incohérente et décousue, dont (peut-être par nécessité) on avoit procédé, dès l’origine, à la formation de l’édifice. Un monument d’une aussi grande étendue, composé de tant de parties faites pour se communiquer de la force et des appuis respectifs, auroit dû s’élever tout ensemble sur une fondation générale, et sur un plateau ou massif commun à toute la superficie. C’est le seul moyen d’éviter les inégalités de tassement dans les matériaux. Alors, toutes les parties montant ensemble, sont ensemble leur effet. Tous les arcs se bandant à la fois, s’arc-boutent l’un par l’autre. Il y a, dans la pratique matérielle de la bâtisse, une certaine unité de temps et d’action, aussi nécessaire que le sont, dans leur genre, les autres unités, Construire un édifice par morceaux détachés, est un inconvénient moins apparent, mais plus réel, que seroit celui de le projeter par fragmens séparés.

Tel fut cependant celui dans lequel tomba la construction de Bramante. Cet architecte se trouva en quelque sorte forcé de commencer, par la partie du monument qu’il auroit dû élever la dernière. Gêné par la vieille église de Saint-Pierre, qu’on ne voulut point abattre en entier, avant que la nouvelle fût en quelque sorte prête à la remplacer, il se mit à construire les grands arcs du dôme, sur des piliers isolés, au lieu qu’il n’auroit dû y procéder qu’après l’achèvement des arcs des ness qui devoient servir à les contrebutter. Probablement si l’on eût pris ce parti, il ne s’y seroit manifesté aucun effet, et il eût peut-être été suffisant de renforcer les fondations. Peut-être aussi, faute d’avoir sait cette observation, s’effraya-t-on, plus qu’on n’auroit dû, des lésardes survenues dans les piliers du dôme.

Sous Léon X, successeur de Jules II, Raphael, Joconde et Julien de Sangallo ne s’occupèrent que du soin de fortifier les fondations des piliers. Ce soin étoit utile et même indispensable, vu le manque de plateau dont on a parlé. Il fut résolu aussi de les grossir, quoiqu’ils eussent quarante-deux pieds de large à chacune de leurs deux grandes saces, et vingt-un d’épaisseur à l’ouverture


des arcs. Mais, comme, on l’a dit des trois premiers successeurs de Bramante, l’un mourut, et les deux autres se retirèrent sans avoir rien fait de décisif.

Balthazar Peruzzi et Antoine Sangallo leur succédèrent, et entreprirent, chacun dans leurs projets particuliers, de réduire à une croix grecque, ou à quatre croisillons égaux, le projet en croix latine de Bramante. Celui des deux qui, du reste, en conservoit le plus les dispositions de détails, étoit Balthazar Peruzzi. Léon X avoit adopté son plan.

Mais Léon X mourut en 1521, et avec lui les arts semblèrent aussi près de s’éteindre. Le règne d’Adrien VI fut un interrègne de dix-neus mois pour les artistes. La construction de Saint-Pierre éprouva une pareille suspension de travaux. Clément VII parut. C’étoit un Médicis : son nom seul devoit ressusciter les arts. Ils brilloient effectivement de nouveau, lorsque les catastrophes de son pontificat les replongèrent encore dans l’oubli, avec les travaux de Saint-Pierre, qui restèrent, non sans un notable préjudice, suspendus pendant près de douze années. Durant cet espace de temps, Peruzzi ne fil autre chose qu’achever la tribune, ou l’hémicycle du sond de l’église. Il mourut en 1536, et laissa Antoine Sangallo seul chef des travaux.

Tout présageoit à cet artiste l’honneur de terminer les indécisions, dont cette grande entreprise avoit enfin besoin de sortir. Celui qui pouvoit les résoudre (Paul III) le vouloit aussi. Il étoit le protecteur déclaré de Sangallo. Aussi lui commanda-t-il un modèle en relief, dont la grandeur et la dépense, annoncent que le Pape n’entendoit plus, qu’on marchât sans un but définitivement fixé.

Ce modèle qui nous est parvenu, et qu’on voit aujourd’hui dans une des pièces du Belvédère, fut exécuté en bois, sous la direction de Sangallo, par Antoine Labaco, son élève, et son travail coûta la somme de 5184 écus d’or. Il a 35 palmes de long, 26 de large et 20 de hauteur. Considéré comme travail de modèle, c’est un objet digne d’admiration. Quant au projet en lui-même, c’est-à-dire, sous le rapport de l’invention et du goût, il faut être d’accord avec Michel Ange, et avouer qu’il y a eu beaucoup à gagner de toute manière, à ne point l’exécuter.

De tous les projets de la basilique de Saint-Pierre, il n’y en eut pas de plus compliqué dans le plan, de moins simple dans l’élévation, et d’une décoration plus chargée, que celui de Sangallo. Tout en réduisant, comme l’avoit projeté Balthazar Peruzzi, comme le fit depuis Michel Ange, la croix latine du plan de Bramante, à la sorme de croix grecque, il prolongeoit son édifice par un vestibule démesuré, qui n’étoit rien moins qu’un temple mis en avant d’un temple. L’intérieur de ce dernier auroit été rempli de petites parties en renfoncement, de chapelles détournées, qui n’auroient fait qu’accroître la dépense, sans ajouter à la grandeur réelle ou apparente du vaisseau. Quant à l’élévation extérieure, c’est un composé de tout ce qu’on peut accumuler de membres, de détails, de ressauts, les uns à nôté des autres. Ce n’est qu’ordres sur ordres, portiques sur portiques, arcades sur arcades, masses sur masses, etc. ; toutefois chaque chose belle en soi. On croit voir que Sangallo auroit eu l’ambition de réunir le Panthéon, le Mausolée d’Adrien, le Colisée etc. Enfin, c’est une compilation de tout ce que l’architecture pourroit dire de grand et de beau, Cependant, au milieu de toute la pompe architecturale de ce modèle, ce que tout le monde observe du premier coup d’œil, c’est que le monument devient petit, que la coupole perd, avec sa forme l’idée de sa grandeur réelle, et que le frontispice du temple n’est autre chose qu’un château de cartes. On ne sauroit dire, en outre, à quel point cette complication de parties, en augmentant le travail de la main-d’œuvre, auroit aussi augmenté la dépense.

Michel Ange s’opposoit à l’exécution de ce projet, avec toute la liberté d’un homme qui ne prétendoit ni supplanter Sangallo, ni devenir en rien son rival. Forcé dans la suite de le devenir, il fit de son dispendieux modèle la critique à la fois la plus juste et la plus péremptoire ; ce fut un nouveau modèle qui nu coûta que 25 écus, et d’après lequel Saint-Pierre fut construit.

Ce n’est pas la seule démonstration, mais c’est une des plus remarquables, qu’en fait de bâtiment, le bon goût est presque toujours compagnon de l’économie. On a de Michel Ange une lettre, dans laquelle il développe tous les inconvéniens du projet de Sangallo, et Vasari nous apprend qu’il traitoit de gothique cet amas de clochers, de pyramides et de pointes dont il est hérissé.

Malgré toutes ces critiques trop bien fondées, on ne peut refuser, ainsi qu’on l’a déjà dit, au modèle de Sangallo, un fort grand mérite dans les détails. Chaque partie, prise séparément, dénote un excellent architecte. Tout y est empreint du meilleur style d’ajustement. Ce sont les formes de l’antique, chacune prise et imitée séparément avec beaucoup de talent. Pour ce qui est de la construction, Sangallo, dans ce modèle, s’y est montré homme supérieur, et il falloit l’être eu ce genre, seulement pour imaginer un plan aussi compliqué.

Du reste, Antoine Sangallo a singulièrement et puissamment contribué a raffermir et à consolider la construction de Bramante, et a préparer une solide asiette aux constructions postérieures. Tout en travaillant ainsi dans la vue de son projet, il n’a pas été inutile à celui de Michel Ange. La quantité de matériaux qu’il fit enfouir dans les fondations de l’édifice, fut prodigieuse. Si on en voyait l’étendue en dehors, dit Vasari,


l’on auroit peine à en concevoir l’emploi. Ces travaux cachés firent effectivement la fortune de Lorenzetto, qui en eut l’entreprise à tant la canne, comme nous dirions à tant la toise. Voilà ce que fit Sangallo pour l’avantage de la construction de Saint-Pierre. Su mort, survenue en 1546, contribua encore à faire abandonner son projet. Michel Ange devoit avoir l’honneur de triompher de toutes les irrésolutions, et d’être le véritable auteur du plus grand temple du Monde.

Mais Sangallo le fut d’un des plus grands palais de Rome, et du plus beau peut-être de-l’architecture moderne.

Je veux parler du palais Farnèse, dont on a déjà vu qu’il avoit jeté les fondemens, comme s’il en eût prévu le futur agrandis sèment. Le pape Paul IlI ne pouvoit plus donnen suite au projet qu’il avoit agréé, onétant que cardinal. Il n’y avoit encore d’élevé que la façade du côté de la place, jusqu’au premier étage, et un seul côte de la cour. Antoine Sangallo n’eut besoin, sans changer ce qui étoit fait, que d’agrandir son plan dans tous les sens. A l’intérieur, il augmenta la dimension des appartemens, des salles, de l’escalier, et il porta cet ensemble à la plus haute proportion qu’aient reçue les palais de Rome. Sous quelque point de vue qu’on embrasse l’ensemble de cette ville, du haut des collines et des monumens qui permettent à l’œil de parcourir les grandes masses de tous ses édifices, celle du palais Farnèse domine, et se détache toujours, comme une des plus imposantes. On trouve des palais de souveràins d’une beaucoup plus grande étendue. On voit dans divers autres édifices, des parties d’architecture plus riches, plus magnifiques et plus variées ; mais on ne citeroit peutêtre point un corps complet de bâtiment, plus régulier dans son plan, plus uniforme dans ses quatre faces, d’une construction plus soignée, d’une distribution mieux entendue, une cour environnée de plus beaux portiques, un tout mieux achevé, et plus d’accord tant dans l’intérieur qu’a l’extérieur.

Sangallo n’eut pas, à la vérité, l’avantage de terminer eu entier ce grand ouvrage. On sait que lebel entablement qui couronne le palais est de Michel Ange, qui achevea aussi, comme on l’a dit à son article (voyez BUONAROTI), le troisième ordre et l’élage supérieur de la cour. La grande Loggia, qui donne sur la rue Giulia, passe encore pour être l’ouvrage de Vignole. Mais avoir donné, le plan giénéral de ce grand corps d’architecture, le dessin de toutes les parties, l’idée première de tous les détails qu’on y admire, c’est avoir acquis, et au-delà, le droit d’en être réputé l’architecte. Ainsi, sans frustrer tous les continuateurs de cette entreprise, d’une part d’honneur qui leur appartient, c’étoit à l’article d’Antoine Sangallo qu’il convenoit d’en placer la description générale.

Le palais Farnèse forme un grand quadrangle de sent quatre-vingts pieds dans son petit côte, de deux cent quarante dans son côté le plus long.

Sa construction à l’extérieur est en briques, excepté les portes, les chambranles des croisées, l’entablement et la loggia sur la rue Giulia, qui sont en pierre traverline. Quant à l’intérieur de la cour, il est construit tout en entier de la même pierre, et dans aucun édifice on n’a porté plus loin la précision et la beauté de l’appareil, le choix et le travail de cette pierre. Vasari, dans son Traité préliminaire, a vanté l’excellence de cette construction, ainsi que la manière dont tous les détails y sont traités. Il est certain que, depuis les ouvrages des anciens Romains, rien n’a paru de plus parfait en ce genre. On doit dire même que la construction, sous le rapport de soin et de pureté, est supérieure dans le palais Farnèse, à celle de plus d’un édifice antique, tel, par exemple, que le Colisée, et elle peut entrer en parallèle avec celle du théâtre de Marcellus.

L’élévation extérieure est formée de trois étages ou rangs de fenêtres, en comptant celui du rez-de-chaussée, qui règnent de la manière la plus uniforme dans les quatre faces du palais. Cette symétrie n’est interrompue que parla loggia dont on a parlé, et sur une seule face. Quant à la face qui regarde la place, et qui est celle de la principale entrée, il n’y a d’exception à cette uniformité au premier étage, que pour la fenêtre du milieu qui est couronnée d’un écusson.

Les chambranles du rez-de-chaussée sont d’un caractère qui convient à cet étage, c’est-à-dire, d’un genre plus simple et d’une proportion plus courte que ceux de l’étage principal.

Ceux-ci sont du mode le plus riche que comporte l’architecture, c’est-à-dire, du genre des niches qu’on appelle à tabernacle. Ils se composent d’un encadrement accompagné de deux colonnes, dont les piédestaux ont en hauteur celle de l’appui des fenêtres. Ces colonnes d’ordre corinthien sont surmontées de frontons alternativement circulaires et angulaires. On a déjà parlé de la fenêtre du milieu de cette façade, et de sa différence ; elle n’est remarquable que par les quatre petites colonnes de marbre qui l’accompagnent, & par la suppression du fronton que remplace un écusson. Du reste, on ne citeroit nulle part une plus belle ordonnance d’étage, un plus bel accord et un ensemble plus régulier, dans toute la circonférence de cette grande masse.

Ce qu’on n’admire pas moins, c’est l’heureux espacement des étages, et des parties lisses sur lesquelles se détachent les bandeaux élégamment ornés, qui séparent et distinguent ces étages. L’architecte n’a pas négligé d’observer dans ces bandeaux, une progression de richesses qui vont toujours en croissant jusqu’à l’entablement.

Le troisième rang de fenêtres présente la même régularité d’ordonnance, et toutefois, dans leurs


chambranles, un choix de formes moins pures et de proportions mains sévères. Tout porte à croire que cet étage supérieur an dehors, comme on le sait de celui de l’intérieur de la cour, ne fut pas exécuté par Sangallo, et probablement ne le fut pas sur ses dessins. C’est précisément le goût sage, réguant dans tout ce qu’on sat avoir été son ouvrage, qui fait présumer qu’un goût différent du sien, aura imaginé ces fenêtres cintrées par le haut, sous un fronton dont la base est supprimée, et ces doubles consoles servant de support aux colonnes ioniques qui accompagnent les chambranles. Une recherche de variété sans motif, annonce déjà le style de l’école de Michel Ange.

On doit toutefois à ce dernier le grand et bel entablement qui couronne, avec autant de goût que de richesse, toute cette masse. On en a parlé à l’article de Michel Ange. Voyez BUONAROTI.

Tout ce qu’on vient de décrire appartient à la façade du palais qui donne sur la place, ainsi qu’aux deux faces latérales, qui participent, sans aucune exception, au même dessin, soit d’ensemble, soit de détail. La façade qui donne sur la rue Giulia, diffère des trois autres, seulement dans le corps du milieu, qui se forme d’un triple rang en hauteur d’arcades en pierres. L’ordre inférieur est dorique. Celui du premier étage est ionique, et la loggia de l’étage supérieur est une galeries ouverte par trois grandes arcades, dont les piédroits sont ornés de colonnes corinthiennes. C’est une répétition des trois ordres de la cour pour le goût, la forme et la dimension.

On ignore si cette loggia étoit entrée dans les projets de Sangallo, on si elle fut la suite de ceux de Michel Ange ou de Vignole, qui rachevèrent le troisième étage de la cour, ainsi que des vues d’agrandissement qu’avoit conçues le pape Paul III. Il est certain que, selon les intentions de ce Pontife, la façade principale du palais devoit être celle qui donne aujourd’hui sur la rue Giulia. Le seule décoration dont on vient de parler, l’annonce assez. Une seconde cour devoit, de ce côté, occuper l’emplacement où jadis étoit le bâtiment qui renfermoit le groupe (aujourd’hui à Naples) que l’on appeloit le Taureau Farnèse. Un pont devoit être construit dans cette direction, sur le Tibre, et établir une communication entre ce grand palais et celui qu’on appelle encore aujourd’hui la Farnesina, ouvrage de Balthazar Peruzzi.

Autant l’extérieur du palais Farnèse présente de sagesse et de simplicité dans l’ensemble de sa masse, et la disposition générale de ses parties, autant, lorsqu’on entre dans sa cour, les portiques quiy conduisent et ceux qui l’environnent, et l’architecture de tout cet intérieur, offrent de richesse et de magnificence. Le porche d’entrée du côté de la place est du genre le plus noble. Deux rangées de colonnes en marbre, isolées, au nombre chacune de six, élevées sur des piédestaux, soutiennnent une voûte en plein cintre, richement ornée de caissons. Les deux rangs de colonnes forment, de chaque côté de l’allée principale, deux allées collatérales plus petites. Des colonnes engagées dans le mur, répondent aux colonnes isolées, et leurs entre-colonnemens ont des niches.

Le quadrangle de la cour a, entre les colonnes des portiques, quatre-vingt-trois pieds d’étendue dans chacun de ses côtés. Son élévation se compose des trois ordonnances dont nous avons vu la répétition, dans le corps du milieu de la façade du palais, sur la rue Giulia, Deux rangs d’arcades en portiques ouverts, avec galerie circulant à l’entour, forment le rez-de-chaussée et le premier étage. Le rang inférieur des portiques est en piédroits avec colonnes doriques, dont la frise est ornée de triglyphes et de métopes, où sont sculptés des symboles divers. Il n’y a guère d’architecture mieux traitée, plus correcte et plus classique. On remarque cependant que les piédroits de ces portiques ont comme une double imposte l’une au-dessus de l’autre, particularité dont il y a peu d’exemples. Quand on en cherche la raison, on voit que cette imposte se compose, non-seulement des profils des chapiteaux de la colonnade d’entrée, mais encore de ceux qui en forment l’entablement et la corniche.

Le second rang de portiques est aussi en arcades et piédroits occupés par un ordre ionique. La frise est ornée de festons continus. C’est pour la beauté de la construction, la correction des formes et la pureté d’exécution, le même goût et la même manière. Vasari a prétendu que cet étage fut construit par Michel Ange. Rien cependant ne dénote une utre main ; rien surtout n’y indique le moindre changement de direction. S’il saut admettre la notion de Vasari, ce sera en reconnoissant que le dessin de cet étage, étant arrêté, et peut-être aussi sa construction étant déjà avancée, Michel Ange, en le terminant, ne put que continuer le projet de Sangallo.

Il n’en est pas de même du troisième ordre formant le second étage au-dessus de celui du rez-de-chaussée. Cet étage n’est plus en portiques et galeries ouvertes. Il présente la devanture d’une façade percée de croisées, dont les trumeaux sont décorés de pilastres corinthiens. Il y a, dans cet étage, toutes sortes de caractères indicatifs du style de Michel Ange et de son goût d’ajustement. On ne sauroit y méconnoitre le genre maigre et alongé de ses chambranles, les petits détails capricieux des ornemens de leurs frontons, et cette pratique de ressauts ou de pilastres doublés, dont on trouveroit difficilement des exemples avant Michel Ange.

On feroit un article beaucoup trop long, si, après avoir parcouru les détails de l’architecture extérieure du palais Farnèse, on prétendoit, entrer dans ceux de sa distribution intérieure. Elle présente partout l’intelligence d’un architecte consommé, qui sait réunir, à la régularité des lignes, la commodité des dégagemens dont, selon les mœurs de chaque siècle, les habitations ont besoin. Tout, au palais Farnèse, est taillé en grand : c’est un palais toujours digne d’être habité par un prince. Quoique, depuis long-temps, il soit resté inoccupé, par le hasard qui a transporté au roi de Naples tous les biens de la famille Franèse, et quoiqu’une grande partie de ses richesses intérieures en ait été enlevée, on y admire toutefois encore la magnifique galerie peinte et décorée par Annibal Carache, et qui a servi de type et de modèle, à toutes celles qui ont été faites depuis dans le même genre.

Mais, comme on l’a déjà dit, l’architecture de la cour du palais Farnèse est restée aussi, dans son genre, la plus parfaite imitation du style antique de construction, qui résulte de l’alliance des colonnes avec les arcades. Ce style plus lourd, sans doute, et moins élégant, mais beaucoup plus solide que celui des colonnades, est, par cette raison-la même, préférable, lorsqu’il s’agit d’élever plusieurs étages les uns sur les autres. Le bel effet et la durée de cette méthode de construire, sont prouvés par les restes encore aujourd’hui si durables des théâtres et des amphithéâtres antiques. La cour du palais Farnèse rivalisera toujours avec ces monumens de l’art et du génie de l’ancienne Rome.

De temps immémorial, il a régné des différends entre les habitans de Term et ceux de Narni, au sujet du lac de la Marmora, et du débouché qu’il falloit donner à ses eaux, les uns s’opposant aux opérations que les autres sollicitoient, et réciproquement. Cette contestation, qui remonte aux temps les plus anciens, se reproduisoit de temps en temps, et on n’avoit pu réussir a en empêcher le renouvellement. Paul III chargea Sangallo de cette commission difficile. Il l’accepta, quoiqu’infirme et âgé. C’étoit au milieu des plus grandes chaleurs, qu’il se livroit aux travaux de cette opération difficulteuse. Il fut surpris d’une fièvre qui, en peu de jours, termina sa vie.

Son corps fut transporté de Terni à Rome, et après de pompeuses obsèques, auxquelles assistèrent tous les artistes et un grand nombre d’autres personnes, il fut déposé près de la chapelle du pape Sixte, dans l’ancien Saint-Pierre, et cette épitaphe fat placée sur son tombeau.

Antonio Sancti Galli entino, urbe muniendâ ac publ, operibus prœcipueque D. Petri templo ornan, architec facile principi, dùm Velini lacus emissem parat, Paulo Pont. Max, auctore, lnteramne intempestivè extincto, Isabella Dela mœstiss, posuit 1546. III. Kalend octobris.

SANMICHELI, né à Vérone en 1484, mort en 1549.

L’Italie dut à plus d’une cause, dont on ne parlera point ici, cette primauté, mais surtout cette priorité ; qu’elle a obtenue snr toutes les nations de l’Europe, dans un grand nombre de travaux d’art et de science. Il est certain que jamais elle ne cessa de voir luire quelque rayon de cette ancienne lumière, dont elle avoit été jadis le foyer, et dont le reste de l’Europe n’avoit recu que des lueurs fugitives, bientôt obscurcies dans la nuit du moyen âge. Partout, le sol de l’Italie moderne avoit conserve des débris de la magnificence de l’ancienne. Sa langue même, dialecte dégénéré du latin, avoit continué de mettre ses nouveaux habitans, en rapport avec les traditions et les counoissances de l’antiqueite ; et lorsque la chute de l’empire d’Orient ent fait resluer chez elle les savans de Byzance, les Italiens se trouvèrent initiés a la culture, des lettres grecques, lorsque partout ailleurs on’en ignoroit les élémens.

La division de l’Italie moderne, morcèlee en petits états rivaux et jaloux les ans des autres, y produisit encore une émutation qui y multipliales esforts en tout genre, Plusieurs de ces petits états florissoient par le commerce, quand le commerce étoit ou inconnu ou dédainage dans les plus grands royaumes. Il n’y eut point jusqu’à l’art de la guerre, qui ne dut alors une sorte de persectionnement aux querelles sans cesse renalssantes de ce grand nombre de villes limitrophes, Il est avoué depuis long-temps que l’Italie ent même l’lionneur de changer et d’améliorer, dans le seizième siècle, tout le système de la fortification des places ; et Sanmicheli fut l’auteur de cette révolution.

Si son talent s’étoit borné à cette science, si l’on n’avoit á remplir son article que de l’énumération des bastions qu’il éleva, des citadelles ou des remparts dont il changea le système, et de ces travaux dont la solidité doit saire le principal mérite, nous aurions laissé aux trairés du génie militaire, le soin de faire valoir, avec l’étendue nécessaire, les services qu’il a rendus à l’art de la défense des places.

Mais Sanmicheli sut, comme beaucoup d’architectes de son temps, et même beaucoup mieux qu’aucun d’eux, réunir aux profondes connoissances de l’ingénieur militaire, à la science la plus consommée dans la construction, le talent, le goût et le génie de figurer dans la première classe des grands architectes du seizième siècle, dont il fut peut-être le plus habile comme constructeur ; et il a de plus le droit d’être encore vanté dans les travaux de simple construction, pour avoir su y porter, avec un succès très-rare et une habileté particulière, le génie de l’architecte.

Il y auroit, dans la réalité, deux notices histo-


riques à faire sur lui, comme il y avoit en lui deux artistes, dont un seul eût pu prétendre à la plus grands célébrité.

Nous ne nous proposons toutefois que de retracer, dune inamere fort abrégée, l’ensemble des mérites et des travaux de Sanmicheli, et, pour ne point établir trop de confusion dans leur description, nous traiterons d’abord succinctement des ouvrages d’architecturé militaire, qui occupèrent une si grande partie de sa vie, réservant le reste de cet article aux ouvrages qui sont plus spécialement l’objet de ce Dictiontraire.

Sanmicheli eut pour preariers, maltres son péreet son oucle, tres-bons architectes, mais dont Il devoit, par la suite, surpasser le urerite et dès-lors éteindre la réputation. Il apprit d’eux les éléments de l’architecture ; bientôt son génie lui fit pressentir qu’il y avoit line école supérieure à celle des maitres de son temps, et que les maîtres de cette écote étoient les moumens de l’antiquité, dont l’amphithéâtre de Vérone lui avoit déjà révélé l’ existence et la vertu. A l’age de seize ans il quitta sa ville natale, pour aller apprendre son art dans les édifices de l’ancienne Rome. Il en étudia les principes, les formes et le goût, et il se les appropria, non-seulement par les dessins qu’il en frt, par les mesures qu’il en prit, mais par cette étude raisonnée qui en approfondit la théroie, et cherche dans l’effet de chaque ouvrage, la cause qui le lui fait produire. Ainsi parvint il en fort peu de temps à acquérir, tant dans Rome, que dans les pays voisins, la réputation d’un architecte consommé.

Il l’augmenta par les travaux, dont nous parlerons plus bas, à la cathédrale d’Orvietto, par la construction de l’église de Monte-Fiascone, et par d’autres ouvrages pour des particuliers, qui attirèment sur lui l’attention de Clément VII. Ce Pape, au milieu séntoit le besoin de fortifier le plus grand nombre des villes de l’Etat ecclésiastique, et surtout Parme et Plaisance, plus exposées que les autres, et par leur éloignement de Rome, et par leur proximité avec les puissances belligérantes. Il chargea de ces soins importans Sanmicheli, et il l’associa à Antoine Sangallo. Tous deux s’acquittèrent de cette pénible mission à l’entière satisfaction du Pontife. Ainsi, Sanmicheli se trouva porté dans un genre de travaux qui dévoient un jour immortaliser son nom.

Il eut, après plusieurs années qu’exigea de lui cette commission, le desir de retourner dans sa patrie pour revoir sa famille, et aussi dans l’intention d’examiner les forteresses de la république de Venise. Il visita Trévise et Padoue, sans autre vue que d’en étudier, sous le rapport de l’art, les constructions militaires. Le gouvernement vénitien lui soupçonna d’autres projets, et le fit arrêter comme espion. L’examen de sa conduite et de sa personne ne tarda pas a démontrer qu’on s’étoit mépris. Non-seulement on lui rendit la liberté, mais on le pria de s’attacher au service de la république. Il a’en excusa, alléguant qu’il étoit pour l’instant retenu par ses obligations envers le Pape ; mais il promit qu’avant peu, il chercheroit à se dégager pour venir servir sa patrie. Il tint parole, et obtint du Pape son congé, autant par ses prières que par les pressantes sollicitations de Venise.

Sanmicheli, dès-lors, se voua avec une grande ardeur à la science et aux travaux de l’architecture militaire.

C’est, dans le fait, a lui qu’est due l’invention au nouveau système de la fortification des places. L’honneur cependant ne lui en a point été attribué pendant long-temps. Cela s’explique par le changement survenu dans l’importance politique des nations, qui devinrent le théâtre des plus grandes guerres, lorsque l’Italie cessa de peser dans la balance des puissances belligérantes de l’Europe.

Avant Sanmicheli, tons les boulevards se bâtissoient en forme circulaire ou carrée. Le premier, il abandonna cette méthode ; il en introduisit une nouvelle, en changeant la forme des bastions, qu’il fit triangulaires ou pentagones. Deux angles sont formés par la rencontre des flancs avec les courtines, deux autres par les flancs et les faces, et le cinquième enfin, par la rencontre des deux faces. Il imagina les chambres basses des slanes, qui non-seulement doublent le feu des défenses, mais qui flanquent ou défendent toute la courtine et la face du bastion voisin, nettoient la fossé, le chemin couvert et le glacis. Le secret de celte construction consistoit à trouver le moyen, que toutes les parties de l’enceinte de la place sussent défendues par les flancs des bastions. Dans la méthode opposée, celle des bastions circulaires ou quadrangulaires, tels qu’on les faisoit, leur front, c’est-à-dire, l’espace qui reste dans le triangle formé par les tires des bastions latéraux, se trouvoit sans défense.

C’est là la découverte de Sanmicheli. Vauban, dans la suite, et beaucoup d’autres ingénieurs, n’ont fait autre chose que la modifier.

Sanmicheli construisit à Vérone cinq ou six bastions, dans le système qu’on vient d’exposer, et depuis près de trais cents ans, ils subsistent avec la même solidité. Ce fut en 1527 qu’il éleva le premier de tous, celui qu’on appelle le bastion de la Magdeleine. C’est de cet ouvrage que datent la fin de l’ancienne manière de fortifier les places, et le commencement de la nouvelle. Encouragé depuis par sa propre expérience, il s’enhardit par de nouveaux esforts, et marcha de plus en plus vers la persection. On le vit, d’après ses principes, fortifier Legnano, Orzi-Nuovo et Castello. Ces travaux reçurent une approbation universelle de la part des hommes instruits, et surtout du duc d’Urbin, capitaine-général des


troupes de la république de Venise. C’étoit à qui emploieroit Sanmicheli. François Sforce, duc de Milan, eut quelque peine à obtenir des Vénitiens trois mois de son temps, qu’il fut payer libéralement, et par des présens et par des honneurs.

Sanmicheli visita une seconde fois toutes les places fortes, et tous les châteaux des Etats de Venise. Il en répara les anciennes fortifications, et en améliora partout le système. Ce fut sur ses plans que surent exécuté les ouvrages de Zara en Dalmatie, par son neveu, le même qui éleva la superbe forteresse de Saint-Nicolas, à l’embouchure du port de Sebenico. Comme la république de Venise étoit alors en guerre avec les Turcs, Sanmicheli fortifia avec le plus grand soin Chypre, Candie, la Canée, Retino et Na poli de Romanie. Tous ces ouvrages furent, pendant long-temps, l’écueil où vint se briser la puissance Ottomane.

Mais le monument le plus remarquable du savoir de Sanmicheli, est la forteresse de Lido, qui est à l’entrée du port de Venise. On jugeoit impossible de fonder solidement une masse aussi énorme dans un terrain marécageux, battu continuellement par les vagues de la mer et par le flux et reflux, Toutefois, il en vint à bout avec un rare succès ; il y employa la pierre d’Istrie, si propre à résister aux intempéries des saisons. Celle masse est si bien construite, qu’on la prendroit pour un rocher taillé par l’art. Son appareil au dehors est en bossages. Son intérieur devoit présenter une très-belle place, qui n’a point été terminée.

Sanmicheli avoit trop de mérite, et trop d’admirateurs, pour n’avoir pas aussi des envieux. Ceux-ci publièrent alors que la grosse artillerie, dont cette forteresse devoit être garnie, en auroit infailliblement causé la ruine si l’on s’en fût servi. Sanmicheli demanda, avec instance, que l’on y conduisît les plus sortes pièces de l’arsenal de Venise, pour en garnir les embrasures, et qu’on en sit tout à la fois une décharge générale. On résolut de faire l’expérience. Ces terribles décharges ne produisirent d’autre effet que de publier la gloire de l’architecte, et la honte de ses détracteurs. Aucun indice de lésarde ou de désunion ne se manisesta dans la moindre partie de la construction. De pareilles critiques, lorsqu’elles manquent de fondement, ne servent qu’à accroître la réputation de ceux qui en triomphent. Celle de Sanmicheli ne fit que s’augmenter et s’étendre, au point que l’empereur Charles-Quint, et François Ier. , désirèrent se l’attacher, ainsi que Jean, son neveu ; mais tous deux préférèrent de servir leur patrie.

L’histoire de l’architecture, dans les beaux siècles de l’Italie, nous montre, ainsi que le sait voir la vie de ses plus célèbres artistes, qu’alors le même homme réunissoit, dans une théorie et une pratique communes, toutes les parties de l’art de bâtir, qui depuis se sont isoléeè, et que mous voyons aujourd’hui divisées entre plusieurs professions, sans contact les unes avec les autres. Ce qu’on appelle le génie militaire, le savoir de l’ingénieur civil, celui des routes et des ponts, l’art même de tracer des jardins, semblent être aujourd’hui des arts qu’il seroit interdit de pratiquer ensemble, avec celui de l’architecture proprement dite. Nous n’entrerons point dans les raisons qui ont pu faire aux gouvernemens modernes la loi de séparer, par des institutions distinctes, l’exercice de toutes ces parties d’un même art ; mais no ne pouvons nous empêcher de faire remarquer le résultat de cette distinction, dans l’exercice et la pratique de chacune de ces branches.

Il devoit en arriver ce que nous voyons qui arrive effectivement, au grand détriment de l’architecture. C’est que les uns, livrés uniquement à la construction, à ses procèdes pratiques, et au matériel de l’art, ne portent plus, dans ce qu’ils bâtissent, ni goût, ni sentiment des belles proportions, ni aucune idée de richesse décorative, tandis que les autres, bornés trop souvent aux spéculations de l’architecture, en dessins et en projets, restent presqu’étrangers à ces notions positive de la construction, que la pratique seule fait acquérir.

L’exemple de Sanmicheli, à la fois ingénieur civil et militaire, en même temps qu’architecte, va nous montrer l’accord de toutes les parties de la science et de l’art, dans ses ouvrages, et l’appui qu’elles se prêtoient. Nul ne fut plus grand constructeur dans ses monumens de pure architecture ; nul ne fut mieux faire entrer le charme de l’architecture dans des travaux de pure construction.

C’est ce qu’il pratiqua avec un rare succès, dans les portes d’entrée des bastions et sortifications des murs de ville. Le maréchal de Vauban enseigne, avec tous les ingénieurs modernes, que les portes doivent être placées dans le milieu des courtines, entre deux bastions, et qu’elles doivent servir en même temps de cavalier. Longtemps auparavant, Sanmicheli avoit établi ce principe, et l’on en trouve les résultats dans tous ses ouvrages. Témoins les portes de Vérone, aussi recommandables aux yeux de l’ingénieur, qu’à ceux de l’architecte.

La porta nuova, la première qu’il fit construire, est un édifice carré, dont l’intérieur est soutenu par plusieurs rangs de gros piliers de pierre de taille. Il y a des corps-de-garde, des pièces pour l’artillerie et tous les engins militaires, le tout disposé avec autant de goût que de noblesse. Les deux faces sont ornées d’un ordre dorique, dans les plus belles proportions. Tout y a un caractère grave et robuste, tel que le comporte un semblable monument. La façade extérieure a son mur embelli de deux pyramides de marbre engagées,


et qui s’élèvent du fond du fossé. Les deux extrémités de la saçade intérieure communiquent à deux galeries voûtées, par où l’on descend dans les souterrains. Deux escaliers fort ingénieux sont pratiqués aux angles du bâtiment, qui est couvert de dalles de pierre, en recouvrement l’une sur l’autre. Le tout est surmonté d’une sorte de loggia, soutenue par de petits piliers de pierre, pour couvrir les soldats et les munitions de guerre.

On jugea dans le temps, qu’il ne se pouvoit rien imaginer de plus parsait que l’ensemble architectural de cette porte. Sanmicheli prouva, peu de temps après, le contraire, dans ta construction de la porta del Palio. Elle est en marbre blanc, et décorée d’un ordre dorique. On y compte en dehors huit colonnes cannelées, d’une hauteur considérable et d’un seul bloc. Cet édifice ‘renferme de vastes chambres pour les soldats, et de grandes pièces pour contenir les munitions nécessaires. Du côté de la ville, s’élève une grande galerie, dont les murs sont intérieurement en bossages avec pilastres, au dehors en colonnes d’ordre dorique, sans base, engagées dans la façade de la moitié de leur diamètre. Un bel entablement dorique règne tout alentour, et couronne l’ensemble de la construction. Celte porte plaisoit tellement à Sforce Pallavicini, général des troupes vénitiennes, qu’il prétendoit qu’en Europe on ne citeroit pas un plus bel édifice.

On doit aussi faire mention de la porte de Saint-Zénon, composée par Sanmicheli dans un style sévère et riche tout à la fois. C’est encore un monument quadrangulaire, orné de colonnes doriques, réparties sur des montans en bossages. Quoique belle et d’un très-beau genre, elle est inférieure aux deux dont on vient de parler.

Nous renverrons, au reste, le lecteur qui voudroit avoir plus de détails sur ces beaux ouvrages de Sanmicheli à la Verona illustrata de Massei, qui s’est plu à en donner des descriptions trèsétendues. Nous n’avons cité quelques-uns de ces travaux de l’art de la fortification des places, embellis par le goîit des plus nobles compositions, que pour faire voir comment, aux beaux siècles de l’architecture, toutes les parties de la science et de l’art de bâtir se trouvoient réunies dans la théorie comme dans la pratique, et pour montrer que Sanmicheli, modèle des constructeurs et des ingénieurs, le fut aussi des plus habiles architectes vénitiens. , dont il eut la gloire d’être le prédécesseur, ce que va nous prouver la notice abrégée de ses ouvrages d’architecture civile.

Ses premiers travaux, comme on l’a dit plus haut, en ce genre, furent à Orvietto, dont les habitans l’appelèrent pour lu faire architecte de leur célèbre cathédrale, qui a occupé les talens d’une foule d’artistes renommés. Ceux de Monte Fiascone le chargèrent de la construction de leur. principale église. C’est un dôme à huit pans d’une très-belle proportion. Ce dôme ou cette coupole constitue taute l’église, et sorme un ensemble des plus élégans. Monte-Fiascone renferme encore plusieurs petits palais d’un excellent goût d’architecture, dont les portes et les senêtres sont du meilleur style, et qu’on croit avoir été bâtis sur les dessins de Sanmicheli.

Mais c’est surtout ; à Vérone, sa patrie, qu’il paroît avoir consacré avec prédilection son lalent. Un des premiers et des plus agréables ouvrages qu’il y sit, fut, dans San-Bernardino, la chapelle Guareschi. C’est un petit temple circulaire, Orné d’un ordre corinthien. On y voit quatre Rensoncemens ; trois sont pour des autels, la porte occupe le quatrième. Quatre niches avec statues ornent les intervalles de ces renfoneemens. Les autels, les piédestaux, les srontons, leurs corniches, tout se consorme à la courbe du cercle parsait que décrit cet intérieur. Le jour y entre par quatre ouvertures flanquées de deux colonnes. De ces huit colones, quatre ont des cannelures perpendiculaires, et quatre eu spirale, seulement dans les deux tiers supérieurs de leur sût. Rien de plus parfait que l’exécution des sculptures en ornements de ce petit temple. C’est là surtout qu’il faut admirer la beauté de cette pierre particulière aux environs de Vérone, la plus précieuse que l’on connoisse après le marbre blanc, pour la couleur, la finesse, et la plus propre au travail du ciseau par sa fermeté. On la nomme bronzine, parce que, lorsqu’on la travaille, elle résonne comme le métal. Cette belle chapelle ne fut point terminée sous les yeux de Sanmicheli, que d’autres occupations appelèrent ailleurs, et l’absence de sa surveillance su fait remarquer, dans plusieurs, abus et. défauts, qui Causèrent à son auteur de vifs regrets. On l’entendit plusieurs fois se plaindre avec ses amis, de ce qu’il n’étoit pas assez riche, pour acheter ce monument, et le soustraire à l’avarice du propriétaire, qui, par une vile épargne, gâtoit ses idées et altéroit son invention.

Il faut citer de Sanmicheli, divers autres ouvrages, tels que :

La façade de Sainte-Marie in Organo, qui appartient aux Olivetains de Vérone, dont il n’a sait que donner le dessin : l’exécution n’eut lieu qu’après sa mort ;

La belle église de Notre-Dame, dite in Campagina : c’est une rotonde périptėre, ou environnée extérieurement de colonnes ; le plan en est des plus heureux ; l’exécution livrée à d’autres mains, ne répondit point à la beauté de la composition ;

Le projet d’un lazaret, dont l’économie gâta encore l’ordonnance et le bel ensemble ;

Le campanile de l’église du couvent de Saint-Georges, dont on confia la bâtisse à, un constructeur ignorant, et qu’il fallut ensuite reconstruire à nouveaux srais ;

Les travaux qu’il entreprit pour renforcer les


murs de l’église de Saint-Georges, et sur lesquels il parvint à élever, arec la plus, grande solidité, la coupole qu’on y admire aujourd’hui ;

La chapelle des Conti della ‘Torve, dans leur maison de campagne, édifice en forme de temple circulaire.

Le mausolée du procurateur de Saint-Mare, Contarini, dans l’église de Saint-Antoine à Padoue, est un ouvrage où Sanmicheli, sortant d pratiques ordinaires des sépultures de son te pe conçut l’idée, moins d’un tombeau, que d’un monument honorifique, dans lequel l’architecture et la sculpture, unissant leurs moyens, ‘ se plurent à retracer, par des trophées, des statues, des symboles et emblêmes’ divers, les exploits militaires du général vénitien.

Vérone a conservé plusieurs palais dont l’architecture est de Sanmicheli, et dont Maffei, dans sa Verona illustrata, a sait dessinor les façades, d’une dimension suffisante pour démontrer que, si cet architecte fut profiter des exemples que lui ossrirent ses prédécesseurs à Rome et a Florence, il peut et doit passer pour avoir servi lui-même de modèle, aux maîtres de la grande école vénitienne, qui l’uni suivi.

On ne sauroit douter que Sanmicheli ait étndié dans les belles et nobles ordonnances de palais exécutés avant lui, par les Bramante, Balthazar Peruzzi, Jules Romain, Sangallo, etc. , ce grand genre de masses simples et imposantes, cette heureuse application desordres et des détails de l’architecture antique, aux sormes et aux besoins des habitations. On retrouve, en esset, dans les compositions de ses façades, la même richesse de style, la même vartété d’ornemens, le même emploi des resends et des bossages, les mêmes dispositions et les in mêmes espacemens de fenêtres, les mêmes couronnemens, enfin la même régularité de profils. On diroit de même que ce sont des restes d’édisices antiques. D’autres architectes, et surtout Palladio, ont pu se distinguer par des plans plus variés et plus nombreux, part des compositions plus ingénieuses et plus élégantes, mais Sanmicheli aura toujours, dans sa patrie, l’avantage d’y avoir le premier introduit le beau style de l’architecture civile.

Le palais Canossa est vanté par Maffei, pour la commodité de ses distributions intérieures. Sa saçade ossre peut-être le défaut d’une division trop égale dans sa hauteur, entre l’étage du rez-de-chaussée, orné de bossages, qui sert de soubassement, et l’étage où est l’ordonnance principale. Disons même que ce soubassement est plus élevé que ce qu’il supporte. Un ordre de pilastres corinthiens accouplés règne entre les fenêtres cintrées de l’étage principal, et divise aussi celles du mezzanino qui est au-dessus. On prétend que plus d’un changement moderne a gâté certaines dispositions de l’intérieur, et en a altéré les belles proportions.

Une disposition de façade plus harmonieuse est celle du palais Bevilaqna ; l’étage à rez-de-chaussée est d’une proportion mieux adaptée à un soubassement. Il se compose d’un portique en arcades, dont les piédroits sont ornés de pilastres doriques. Le tout est taillé en bossage ; l’entablement supporte un balcon continu. L’étage supérieur est percé de trois grandes fenêtres en arcades, entremêlées de quatre plus petites cintrées, et au-dessus desquelles sont les petites fenêtres d’un mezzanino. Une ordonnance de colonnes corinthiennes, très-également espacées, décore et divise avec beaucoup de régularité cet étage. On observe, que de ces colonnes, les unes ont des cannelures perpendiculaires, les autres les ont en spirales. Cette particularité déjà été remarquée à la chapelle Guareschi. Etoit-ce de la part de Sanmicheli une recherche inspirée par le goût de la variété ? L’entablement de ce palais est lourd, et s’éloigne de la pureté ordinaire du style de l’architecte. Aussi croit-on que cet ouvrage, comme beaucoup de ceux qu’il sit, ne fut pas terminé par lui.

Mais il nous semble qu’entre toutes les façades de palais dont Massei a publié les dessins celle du palais Pompei se recommande singulièrement par l’ensemble. simple et harmonieux de son ordonnance, par l’unité de sa composition, et le beau rapport de toutes les. parties entr’elles. Un sort bel ordre de portiques ou d’arcades, formant les fenêtres de l’étage principal, a ses piédroits ornés de colonnes doriques, ayant chacune un socle qui repose sur les piédestaux placés entre les balcons de chacune des ouvertures. Au sommet du bandeau de chaque arcade, est sculpté un mascaron. L’entablement a. une frise avec triglyphes et métopes, et une corniche d’un caractere conforme au style dorique. De petites ouvertures sont pratiquées au-dessus de l’entablement, et en retraite, de manière à ne faire aucunement partie de cette façade. L’ordre de portiques servant de fenêtres, avec les colonnes dont on vient de parler, repose sur un soubassement très-simple, d’un goût sort mâle. Il est percé, de même par au rang égal d’arcades a bossages. Six de ces arcades sont des seutres, la septieme ou celle du milieu est l’ouverture, de la porte.

Sanmicheli ne se répète dans aucune de ses compositions de palais. Il sait en diversifier les aspects, les sormes, les ordonnances et les détails, sans sacrifier à aucun caprice. C’est toujours son style et sa manière, mais aucune de ses inventions ne ressemble a l’autre ; on croit voir même qu’il y chercha plus de variété que ne l’avoient fait ses prédécesseurs, li paroit encore avoir affectionné l’emploi des arcades, soit dans les soubassemens, soit, pour les ouvertures des fenêtres. Dans le palais Masfei, il se plut cependant à réunir les doux formes, et sa façade


est peut-être l’assemblage le plus complet des divers genres de richesses, que peuvent recevoir de pareils édifices.

L’étage inférieur, servant de soubassement, est en arcades à bossages très-saillans, et les colonnes qui viennent en avant des piédroits, sont également traversées par des bandeaux de bossages, dans le goût de ceux du palais Pitti. Il est visible qu’ici Sanmicheli a pris modèle sur les palais de Florence. Le premier étage de ce palais est du genre le plus noble qui puisse être appliqué à un palais. Un ordre de colonnes corinthiennes se détache sur les trumeaux à bossages des fenêtres, dont les chambranles sont surmoutés de srontons, alternativement angulaires et circulaires. L’entablement qui couronne cet étage porte une ringhiera ou balcon continu, lequel règne au-dessous d’un étage attique extrêmement orné. Les fenêtres de ce petit étage ont un encadrement sort simple, mais les trumeaux qui les divisent reçoivent des cartels, et au milieu de chaque trumeau s’élève, en manière de terme, un atlante, qui supporte un entablement, lequel profile sur le chapiteau de chacun de ces atlantes. On désireroit, sans doute, dans le couronnement de ce palais, la suppression d’une frise enrichie de sculpture, au-dessus de l’entablement dont on a parlé ; car, si l’on compte encore la balustrade ornée de statues, qui fait l’amortissement désinitif de cette masse, on est obligé d’y reconnoître une cumulation dé parties, qui ajoute à la hauteur, sans augmenter la grandeur morale, et une redondance d’ornemens qui augmente le luxe sans ajouter à la vraie richesse.

Cette critique, que nous croyons fondée, pourroit bien, au reste, ne pas tomber sur Sanmicheli. Nous avons en effet observé déjà, d’après les renseignemens conservés par l’histoire, que les grands et nombreux travaux qui, en des genres si divers, occupèrent sa longue et laborieuse vie, l’empêchèrent souvent de mettre là dernière main à plus d’une sorte d’entreprise.

La seule énumération de ses ouvrages seroit la matière d’un long article. Obligés di choisir dans celui-ci, entre tant dé palais et d’édifices, quelques uns des plus notables, nous ne pouvons encore nous empêcher de citer, avec Vasari, le célèbre palais Soranzo, construit à Castel-Franco, entre Padoue et Trévise, sur le territoire de Venise, et qu’on répute une des plus grandes, des plus belles et des plus commodes habitations de campagne qu’il y ait dans un pays peuplé de demeures, qui rappellent le luxe et la richesse des anciens patriciens de Rome.

L’aristocratie n’est peut-être pas le gouvernement le plus favorable a ces vastes entreprises de l’art de bâtir, que la puissance seule des monarques peut concevoir et exécuter ; mais il n’en est pas qui fournisse à l’architecture des palais de ville et de campagne de plus nombreuses occasions, des motifs mieux en rapport avec ce degré de grandeur sans ostentation, de richesse sans trop de pompe, qui convient aux familles patriciennes. C’est encore dans le gouvernement aristocratique, que ces familles distinguées ont le plus d’intérêt à perpétuer leur existence ; et les palais auxquels s’attache leur nom, deviennent tout naturellement les monumens les plus conformes à celte honorable ambition. On ne sauroit dire ce que, dans toute l’Italie, l’architecture moderne a dû au principe politique dont on vient de retracer l’influence ; et peut-être les changemens survenus dans les idées et les mœurs des temps modernes, suffisent-ils pour nous rendre compte de l’etat de pénurie et de mesquinerie où l’architecture se trouve aujourd’hui partout réduite.

Venise, entre tous les Etats de l’Italie, est peut-être celui, où se montrent avec le plus d’évidence les effets du principe politique de l’aristocratie, dans leur rapport avec l’architecture. Sanmicheli y a laissé, dans plus d’an palais, des monumens de son talent, et de ce goût d’architecture appliqué aux habitations, dont il semble y avoir donné les premiers modèles, si bien imités depuis, et peut-être surpassés par Palladio, (Voyez ce nom. ) Tels sont les deux palais qu’il fit pour la famille des Cortari, l’un à Piombino, l’autre dans Venise même, près l’église de Saint-Paul ; tel le palais de la maison de Bregadini, qu’il restaura, et dont il embellit tous les intérieurs.

Mais on s’accorde à mettre au premier rang de ses ouvrages le palais Grimani à Venise, un des plus magnifiques de cette ville. La dépense de sa construction fut prodigieuse ; il est situé sur le grand canal, près de l’église de Saint-Luc, et c’est undes monuments les plus remarquables, entre tons ceux dont l’architecture a décoré les deux rives de ce canal, qui est, en quelque sorte la grande rue d’une ville bâtie, comme par enchantement, au milieu des eaux de la mer. Sanmicheli eut encore le malheur de ne pouvoir terminer cette grande entreprise ; la mort le surprit au milieu de sa construction, et là comme dans plus d’une autre occasion, il arriva que les continuateurs, par la manie d’améliorer, altérèrent le projet qu’ils auroient dû respecter.

Sanmicheli, comme on doit le penser, ne put satisfaire à ses innombrables entreprises, sans l’aide de quelque coopérateur habile et intelligent. Il fut assez heureux pour trouver cette ressource dans un élève, qui etoit son neveu, nommé Jean-Jérôme, sujet distingué, qui, s’étant livré surtout aux travaux des fortifications, lui fut de la plus grande utilité, le suppléa dans beaucoup d’entreprises, et sur lequel il pouvoit se reposer avec confiance, de tous les soins et détails pratiques de la construction. Jean-Jérôme est cité


comme ayant, non-seulement pris part aux grands travaux militaires deSanmicheli, mais comme seul auteur, lui-même, de plusieurs de ceux qu’on lui attribue. Son mérite personnel fut tellement reconnu, que le gouvernement vénitien lui assigna un traitement égal à celui de son oncle, et sa réputation s’étoit accrue an point qu’on le jugeoit même supérieur à lui, dans certaines parties de la construction militaire. Nul alors ne l’égaloit dans l’art de lever les terrains, de dresser les plans, de faire les modèles en relief, nonseulement des constructions, mail des sites même où l’on devoit bâtir.

Sanmicheli jouissoit, avec une extrême satisfaction, des succès d’un neveu dont la réputation rejaillissoit sur celui qui l’avoit formé, et dont la rave activité lui permettoit le repos dont sa vieillesse avoit besoin ; cependant il eut le malheur de le perdre. Jean-Jérôme avoit été envoyé dans l’ile de Chypre, pour en visiter les fortification. Les fatigues qu’il eut à essuyer, et les grandes chaleurs de l’été, lui causèrent une fièvre pernicieuse, qui l’enleva en huit jours, à l’âge de quarante-cinq ans.

Cette mort fut très-sensible au Sénat. Elle lui enlevoit un sujet que personne ne pouvoit dignement remplacer. Mais la plus grande douleur fut celle de Sanmicheli qui perdoit dans ce neveu son soutien, et la dernière espérance de sa famille. Malgré les efforts qu’il fit pour vaincre ou cacher sa douleur, et peut-être par ses efforts même, il fut en peu de jours attaqué de la maladie qui le mit, au tombeau. Son corps fut porté dans l’église de Saint-Thomas, dont il avoit donné le modèle.

Sanmicheli fut de ce petit nombre d’hommes, chez lesquels les qualités du caractère et du cœur se trouvèrent à légal des dons de l’esprit et de l’imagination. Son humeur étoit grava, mais toutefois mêlée d’enjouement. Religieux par principe et par inclination, il n’entreprenoit aucun ouvrage sans faire chanter une messe solennelle, pour invoquer à son appui l’assistance d’en haut. Généreux et obligeant sans mesure, ses amis disposoient de sa fortune comme lui-même. Irreprochable dans ses mœurs, il mena une vie constamment exemplaire, et Vasari raconte, que tourmenté par le souvenir d’une liaison, que dans sa jeunesse il avoit eue à Monte-Fiascone, avec la femme d’un tailleur de marbre, dont il avoit obtenu les faveurs, et sachant que cette femme, devenue pauvre, avoit une fille dont il auroit pu être le père, il lui envoya 50 écus d’or pour la marier. La mère eut beau le dissuader et lever tous ses soupçons à cet égard, illa sorça de garder la somme. La république de Venise voulut plus d’une fois le combler de faveurs, mais il conjura le Sénat de les reporter sur ses neveux. Ses qualités morales le firent chérir, autant que ses talens le firent admirer de tous ses contemporains, et Michel Ange ne prononçoit son nom qu’avec vénération.

SANSIO. —— SANZIO. Nom patronimique de Raphaël. Voyez RAPHAEL.

SANSOVINO. Voyez TATTI.

SANTI DI TITO de Borgo San Sepolcro, né eu l538, mort en 1603, fut un des bons architectes de son époque.

Venu fort jeune à Florence, où il étudia la peinture, dans l’école principalement d’Agnolo Bronzino, il se fit une grande réputation, par un nombre considérable d’ouvrages répandus en diverses villes, et dont an peut voir le détail, dans la notice assez étendue qu’en a donnée Baldinucci.

Selon l’usage presqu’universel de son temps, Santi di Tito réunit le savoir et la pratique de l’architecture, à ses antres talens. Le biographe dont on vient de parler, se contente du citer, sans en donner de description, un certain nombre d’édifices qu’il construisit, mais qui ne paroissent point avoir acquis ce degré de célébrité qui, dans un siècle fécond en grands talens, fait briller d’un éclat particulier un petit nombre de noms, au détriment de beaucoup d’autres. Il y a aussi pour les œuvres de l’architecture, je veux dire pour leur célébrité, et pour celle de leurs auteurs, un certain bonheur attaché, soit à la destination des ouvrages, soit à la position des lieux qu’ils occupent, soit à l’illustration des personnages pour lesquels ils sont exécutés.

Le plus grand nomltre des travaux d’architecture de Santi di Tito ne paroît pas avoir joui de ces avantages, si l’on en juge par la courte énumération qu’en fait Baldinucci. Ce fut, dit-il, sur son modèle que fat construite, pour les Spini, à Peretola, une villa dans un plan octogone. Il travailla pour Augustin Dini à Ciogoli, pour les Corsini, à Casciano, á Monte Olivetto, dans la villa des Strozzi, appelée il Boschetto, à Monte Venturini, au grand autel de la paroisse. Dans Florence il construisis diverses habitations, du nombre desquelles fut sa propre maison, rue delle Route, où il mourut.

Selon Baldinucci, l’architecture de Santi di Tito quoiqu’un général, dans plusieurs de ses ouvrages, on puisse lu recommander sous le rapport d’une bonne proportion, passoit pour offrir une manière où l’on ne trouvait ni grande invention, ni magnificence : Che non tiens gran cosa del nuovo e del magnifico.

It nous semble qu’on en portera le même jugement, en jetant les yeux sur la façade du palais Dardinelli a Florence, que Ruggieri a fait entrer dans sa Scella di Architettura civile tom 3, pl. 59 et 60. On voit dans cette ordonnance un genre grave et simple, des fenêtres d’une bonne proportion, avec des détails fort corrects ; mais tout cet ensemble, n’importe par quelle raison, et peut-être aussi, par le manque d’un couron-


nement, par une distribution ingrate de pleins et de vides, ne présente à l’œil aucune harmonie qui soit propre à le fixer et à lui plaire.

SAPINES, pl s. f. . Solives de bois de sapin, Qu’on scelle de niveau sur des tasseaux, Quand on Veut tendre des corbeaux pour Ouvrir les terres et dresser les murs.

On fait des planchers de longues sapines, et un se en SERT also Dans les échafaudages.

SAPPER, v. act. C’est abattre par sous-œuvre, et par le pied, soit un mur avec des marteaux, des masses et pinces, soit une bute, eu l’achevalant et l’étrésillonnant par-dessous, avec des étais et des dosses, qu’on brûle ensuite par le pied, pour faire ébouler le tout.

Sapper se dit aussi de l’action de faire sauter une masse quelconque par le moyen d’une mine, c’est-à-dire de la poudre à canon.

On appelle sappe, soit l’ouverture que l’on pratique pour faire écrouler une masse quelconque, soit l’action même de Sapper.

SARCOPHAGE, s. m. Ce mot composé de deux mots grecs, sarcos, chair, et fagein, manger, indique la consomption des corps qui a lieu dans les caisses où l’on renferme les morts.

Le sarcophage, quant à sa forme, est une caisse le plus ordinairement parallélépipède, comme : le sont les cercueils modernes, ct comme le suient bien certainement ceux qu’originairement on fît en bois. Chez les peuples où la conservation des corps se lioit étroitement à certains dogmes religieux, le premier luxe des tombeaux fut celui de la solidité. On y chercha le moyen de les mettre, autant que possible, à l’abri de la violation et de la destruction (voyez SEPULCRE, SEPULCRETUM, TOMBEAU, PYRAMIDE) ; la vanité et l’orgueil vinrent ensuite ajouter à ce luxe celui de la richesse et de la magnificence.

Aux cercueils en bois succédèrent donc les caisses d’une matière plus solide. On en fil en terre cuite, en pierre, en marbre, en porphyre, et l’antiquité nous eu a transmis de toutes ces sortes. Leur forme est en général la même, parce qu’elle leur étoit commandée par un type invariable. Leurs diversités les plus ordinaires consistent dans leur dimension et dans leurs couvercles. On trouve des sarcophagesd’une telle largeur, qu’évidemment ils forent destinés à renfermer deux corps l’un à côté de l’autre Les différences de hauteur sont moins Sensibles ; cependant il y eu a d’une assez grande élévation, mais proportionnée à leurs autres dimensions. Les couvercles qui fermoient les sarcophages de marbre, consistaient quelquefois dans une seule dalle de la même matière ; quelquefois ces couvercles prennent la forme d’une sorte de toiture, qui se termine par des frontons ; d’autres fois aussi on les d’autres surmontés des figures mêmes des personnages, représentés vivans et couchés sur des sortes de matelas.

Il n’entre point dans le sujet d’un Dictionnaire d’architecture de parcourir et de décrire, même en abrégé, toutes les variétés d’ornenens, de figures, de bas-reliefs historiques, mythologiques ou allégoriques, qui furent, sur les surfaces des sarcophages une source inépuisable pour la sculpture, de travaux, d’inventions, de compositions plus ou moins remarquables. L’usage des sarcophages en marbre étant devenu, à ce qu’il paroît, extrêmement commun pourles gens riches, il dut arriver, ce qu’un grand usage amené amène naturellement, que le commerce s’en empara, et que les ouvriers en ce genre tinrent des approvisionnements de caisses plus ou moins dispendieuses, pour satisfaire à tons les degrés de fortune. On voit encore sur plus d’une de ces caisses, l’espace du milieu de leur devanture, rempli par un médaillon représentant un personnage, dont la tète est restée en masse, destinée à être terminée d’après le portrait de celui pour qui on eu feroit l’acquisition. Le nombre infini de sujets de composition qui se trouvent répétés sur les saces des sarcophages, semble bien ans i donner à entendre qu’il n’y avoit souvent aucun rapport entre les sujets de ces bas-reliefs et le personnage qui y fut renfermé. Au reste, les nombreuses considérations auxquelles les sculptures des sarcophages antiques peuvent donner lieu, sont, connue on l’a déjà dit, étrangères à l’architecture.

Ce qui peut regarder cet art en fait de sarcophages, doit se réduire à certaines imitations, qui s’y trouvent fréquemment répétées. des formes, des détails et de la décoration des édifiées. Tantôt on voit leurs surfaces ornées de cannelures en spirale ; tantôt elles offrent les profils, les moulures des piédestaux el des corniches, et l’ou en voit qui sont couronnées par des frises remplies de figures, Le beausarcophage en pierre travertine, trouvé au tombeau de Scipion, a le haut de sa surface antérieure orné des triglyphes et des métopes de l’ordre dorique. Souvent des colonnes placées aux angles donnent l’idée d’une ordonnance architecturale. Quelquefois le champ antérieur se trouve distribué en portiques formés par des colonnes, entre lesquelles s’élèvent des statues. Les couvercles, on l’a déjà dit, ne sont parfois autre chose que des froutons, soit triangulaires, soit arrondis, et se terminant à leurs angles par ce qu’un appelle les cornes, qu’on voit à un grand nombre de nippes et d’autels. Il se trouve encore de ces couvercles, qui non-seulement. sont des imitations de fumions, mais dont la sommité est taillée dans tentes ses faces, de manière à figurer les tuiles des toitures.

Il y a enfin sur les sarcophages et parmi les sujets que la sculpture y a représentes, beaucoup de monumens d’architecture figurés avec plus ou moins d’exactitude. Ce n’est pas là, sans doute,


que l’architecte trouvera des modèles pour l’art. mais toujours y peut-on rencontrer des renseignemens qui, comme ceux des édifiées gravés sur les monnaies, peuvent fournir, pour l’histoire des variétés de l’architecture, quelques autorités plus ou moins plausibles, et servir de documens propres à suppléer les ouvrages et les exemples que le temps a détruits.

SAS, s. m. Sorte de tamis, de figure cylindrique, formé d’une toile ou réseau de crin, par les trous de laquelle passe la poussière des corps. Plus le tissu de ce réseau est serré, plus est fine la poussière des corps que l’on tamise.

Ainsi, lorsque le plâtre a été concassé et battu, on le passe d’abord à la claie, ce qui donne une poussière composée de très-gros grains. Quand on veut avoir du plâtre plus fin pour les enduits, ou les ouvrages délicats, on le passe dans des sas ou tamis dont le réseau est plus ou moins serré.

SAS. (Terme d’architecture hydraulique.) C’est un bassin placé sur la longueur d’une rivière, ou d’un canal, bordé de quais, et terminé par deux écluses situées à l’endroit d’une chute qu’on suppose naître de la pente du terrain, et appropriées de manière qu’on peut se rendre maître de la dépense des eaux, et de la hauteur où l’on veut les élever dans le sas. Ces écluses servent à faire passer les bateaux de la partie d’amont dans celle d’aval, et réciproquement de la partie d’aval dans celle d’amont.

Si l’on veut faire passer un bateau d’une rivière basse dans une rivière liante, on l’introduit dans le sas, après quoi on forme les portes de l’écluse. Aussitôt on ouvre les portes de l’échue opposée, afin que l’eau qui patte par les guichets remplisse le sas jusqu’au niveau de lu rivière du côté d’amont. Alors le bateau monte au-dessus de la chute, et les portes île l’écluse étant ouvertes. il passe dans la rivière dont les eaux étoient plus élevées. On recommence ce jeu des écluses autant qu’il y a de bateaux à faire passer. C’est ainsi que les bâtimens de mer passent, à Ostende, du port dans le canal de Bruges, et de ce canal au port, à quelque hauteur que soient les marées. Ce sas est un des beaux ouvrages d’architecture hydraulique qu’il y ait.

SATYRUS. On associe ordinairement le nom de cet architecte avec celui de Pytheus, et on leur attribue la construction du célèbre tombeau de Mausole. (Voy. Pytheus. ) Cependant, comme il paroît que ce dernier n’a fait que terminer par une pyramide de vingt-quatre degrés surmontés d’un char de victoire, la masse de ce grande tombeau, on doit croire que Satyrus fut le seul auteur de l ‘ouvrage, qui ne recouper qu’après coup le couronnement pyramidal de Pytheus. (Voyez la description de ce monument au mot Mausolée.)

SAVONIÈRE, s. f. Grand bâtiment sur la forme de galerie, ou L’fait sur le savon. Il Contient des réservoirs à huile et soude, des cuves et fourneaux à rez-de-chaussée. Aux Étages Supérieurs Sont Les mises pour figer le savon et les Séchoirs pour le Sécher.

SAUTERELLE, s. f. Instrument composé de deux règles de bois, de même longueur, et assemblées par un de leurs bouts, en charnière, comme un compas, de sorte que les jambes étant mobiles, il sert à prendre et à tracer toutes sortes d’angles. On l’appelle aussi fausse équerre ou équerre mobile.

SAUTERELLE GRADUÉE. C’est une sauterelle qui a autour du centre d’un de ses bras un demi-cercle divisé en cent quatre-vingts degrés, dont le diamètre est d’équerre avec les côtés de ce bras ; en sorte que le bout de l’autre bras étant coupé en angle droit jusqu’auprès du centre, marque, à mesure qu’il se meut, la quantité de degrés qu’a l’ouverture de l’angle que l’on prend. On la nomme aussi récipiangle.

SCABELON, s. m. Vient du latin scabellum, qu’où Traduit en français par le mot escabeau. D’après fils étymologie, le scabelon seroit non marche-pied, meuble de Commodité Aujourd’hui, jadis Qui FUT Un signe d’honneur, et Qui, Comme tel, Étroit réservé aux siéges Qu’on Appelle Trônes. AINSI en trouve-t-on a toutes les divinités représentées sur des antiquités Trônes.

Sur Donne also CE nom à des Espèces de socles, de Quelque forme Qu’on les Fasse, et destiner Qu’on A être des supports de bustes, de candélabres, etc.

SCAGLIOLA (scaiole). Ce mot désigne, en italien, la pierre spéculaire ou sélénite, dont on forme des panneaux ou des tables, auxquels on donne, par le moyen de pâtes coloriées qu’on y incruste, l’apparence des marbres les plus précieux.

Ce procédé est devenu le rival de celui de la mosaique, et de celui qu’on appelle comesso. Il peut même arriver à rendre l’effet de certains tableaux d’ornement, d’architecture, de paysage, etc. Mais il ne faut pas confondre ces diverses sortes de procédés.

L’art de la scagliola, qui se nomme aussi mischia, du mélange des couleurs qu’on y emploie, a pour but d’imiter jusqu’à un certain point la peinture. On prépare à cet effet une table de stucblanc, composé de gypse ou de sélénite calcinée et réduite en poussière très-fine, mêlée avec une forte colle. On trace sur cette table le dessin des ornemens ou des figures qu’on veut rendre sensibles. Ensuite on enlève la matière avec un outil tranchant, et l’ou remplit le vide de ces traits ainsi creusés,


avec des pâtes du même stnc, mais diversement colorées, selon la nature des sujets à exprimer.

La table qui reçoit cette peinture par incrustation, étant rie la même matière que celle qu’on y incruste, le tout forme un massif solide, qu’on peut polir dans la deruière perfection, sans que l’œil puisse apercevoir la plus légère trace d’assemblage.

Ce genre d’art paroît avoir été pratiqué très-anciennement, bien que peut-être on en ait, dans les temps modernes, perfectionné les procédés et multiplié les applications. Quoique les Florentins réclament l’invention do la scagliola, on en trouve cependant l’usage à une époque antérieure eu Lombardie. C’est à Carpi, dans les états de Modène, qui, selon Lanzi, un certain Guido Saisi, né en 1584, mort en 1649, paroît l’avoir mise en honneur le premier, Il commença par exécuter des corniches et d’autres membres d’architecture, qui ont l’apparence des plus beaux marbres. Un de ses élèves, dans la même ville, surpassa les travaux précédens, à l’autel d’une église où les colonnes semblent être de porphyre. Tous les ornemens de diverses couleurs y sont entremêlés de médaillons avec figures.

Jusqu’alors l’art de la scagliola avoit surtout imité les marbres et les pierres de toute espèce. On en revêtissoit les baldaquins, les devants d’autel ; on en faisoit des comparutions d’arabesques, des tables de tout genre.

Mais vers le milieu du dix-huitième siècle, cet art fut porté à Florence au point de rivaliser avec la peinture, par l’entente du clair-obscur et du coloris, par le mélange adouci des teintes et leur dégradation. On exécuta surtout, parce procédé, des tableaux de paysage et d’architecture, qui paraissent ne le céder en rien au fini et à l’effet de la peinture à l’huile.

Florence a conservé encore et perfectionné un autre procédé d’imitattion de la peinture. Nous n’en avons dit qu’un mot à l’article MOSAЇQUE, dont il est toutefois une branche fort curieuse ; c’est ce qu’onappelle lavoro a comnesso, ou travail en pièces de rapport, qui sont des pierres dures rares et précieuses.

Vitruve semble en avoir fait une mention assez claire, lorsqu’il parle de ce travail à compartiments de marbres de rapport qu’il appelle seetile, distinct de celui à tesserœ, c’est-à-dire la mosaïque proprement dite, qui se compose de petits cubes ou dés de forme régulière et de couleurs diverses, dont on faisoit de si beaux pavemens.

Le commesso n’a jamais été porté nulle part à un plus haut point, de perfection qu’à Florence, soit sous le règne des Médicis, soit encore dans ces derniers temps. On a effectivement entrepris de lutter contre la mosaïque dans certains tableaux, surtout ceux qui offrent des imitations d’architecture, de ruines, de Heurs, de coquillages, de vases, et en général d’objets qu’on appelle de nature morte.

L’infériorité, de ce genre à l’égard de la mosaïque, tient à la nécessite d’employer en compartiments, des matières d’une plus grande étendue, qui dès-lors ne se prêtent point à ces dégradations insensibles des couleurs d’où résulte l’illusion. Ce oui en fait le mérite d’ailleurs, c’est précisément cette difficulté ; c’est ensuite la rareté des matières, c’est leur dureté, et la crierie d’un tel gente de travail.

Ce genre de luxe a été porté nu plus haut degré, dans plusieurs des églises de Palerme en Sicile, où l’on voit non-seulement des tables et des devants d’autel de ce travail, mais où l’on admire les piédroits, les arcades et les détails de la construction, entièrement revêtus de compartiments arabesques les plus composés et les plus diversifiés, et formés avec la plus étonnante précision et le plus grand éclat, de toutes les pierres précieuses qui entrent dans le lavaro a commesso.

SCAMOZZI (VINCENZO), né en 1552, mort en 1616.

D’après les notions que Temanza nous a données sur cet architecte célèbre, il aurait eu pour premier maitre Dominique Scamozzi son père, connu à Vicence, sa patrie, comme bon constructeur, employé encore comme ingénieur habile à lever les plans des villes et des terrains, et qui s’étoit acquis par ces diverses ressources, avec une existence honorable, assez d’aisance pour bien élever sa famille. Cela suffit pour nous indiquer comment Vincent Scamozzi se trouva naturellement porté à étudier l’architecture.

Mais la date de sa naissance, et le pays où il vit le jour, nom disent tout aussi bien comment il devint un des plus grands architectes de son temps. L’architecture étroit en effet alors singulièrement en honneur dans sa patrie. Cétoit l’époque où une impulsion générale portoit tous les riches, tous les personnages, tous les hommes en dignité à se distinguer par des habitations, qui dévoient témoigner après eux de leur goût et de leur amour pour les beaux arts. L’Etat de Venise étroit devenu alors le chef-lieu de l’architecture civile. San Micheli, Sansovino, Palladio, y avoient transporté, si l’on peut dire, l’école de cet art. Ce fut la que devait se former Vincent Scamozzi.

Déjà quelques projets, fruits de ses premières années, avaient annoncé un continuateur du goût de ces grands, maîtres, et un sujet qui leur promet toit un digue successeur. A l’âge de dix-sept ans, il avoit fait pour les comtes Alexandre et Camille Godi, le projet d’un palais de sou invention, qui à la vérité ne fut pas exécuté, mais qui méritoit de l’être. On y remarqua surtout, l’intelligence avec laquelle il avoit su faire sortir d’un terrain fort irrégulier, un plan, dont toutes les parties se


trouvoient comme redressées, et ramenées à une régularité parfaite. Scamozzi nous a lui-même transmis. dans son Idea dell architettura (parte prima, lib. 3, ch. 16), le plan et l’élévation d’une assez grande maison de campagne, qu’il construisit à Villa Verla, pour le comte Leonard, Verlato, et il nous apprend que ce fut un des ouvrages de sa première jeunesse (secondo i nostri giovanili disegni). C’est un fort beau corps de bâtiment, dout l’étage principal se trouve élevé sur un très-haut soubassement rustique. Huit colonnes ioniques y forment comme une sorte d’avant-corps peu saillant, et du côté de la cour, la même ordonnance se trouve répétée à une loggia, dont la saillie comprend les escaliers. Symétrie dans le plan, élégance dans l’élévation, tout y annonce le beau style de l’école vénitienne.

Mais le jeune Scamozzi comprit bientôt qu’il y avoit à recevoir de cette école d’autres leçons, je parle de ces leçons pratiques, sans lesquelles l’architecte, simple théoricien, court risque, ou de faire des projeta inexécutables, ou d’être obligé de l’aire exécuter ses idées par ceux qui, ne les ayant point conçues, n’en sauroient saisir l’esprit. C’est pourquoi il se rendit à Venise, où se trouvoient en construction beaucoup de monumens des premiers maîtres d’alors. Lui-même, il nous apprend, qu’il s’étudia à saisir sur le chantier les porteclés qu’ils mettaient en œuvre. On ne sauroit douter qu’il n’ait dû beaucoup apprendre dans les ouvrages de Palladio, et que le goût, le style et la science de ce grand-homme, n’aient exercé sur lui une très-active influence, Rien, au reste, ne le prouve mieux, quoiqu’il ait pris à tâche de dissimuler cette sorte d’obligation, que ses propres travaux, où on doit savoir gré d’avoir suivi les traces de ses illustres prédécesseurs.

Dans tout art il se donne une époque, où le génie étant arrivé à une certaine hauteur, une sorte de point d’arrêt semble interdire à ceux qui surviennent, les moyens d’aller plus loin. C’est le moment où l’orgueil de l’esprit se révolte de plus d’une manière. Les uns se persuadent que c’est en faisant du nouveau, qu’ils s’élèveront au-dessus de leurs anciens, et voilà le principe habituel du mauvais goût et de la bizarrerie. D’autres arrivés sans effort, grâce aux efforts faits avant eux, à une bailleur dout ils ont trouvé tous les chemins frayés et aplanis, s’approprient le mérite d’un talent dout ils doivent une grande partie aux ouvrages qui les ont précédés ; l’amour-propre leur conseille alors de paroîtrs dédaigner ce qui s’est fait, et tout en restant imitateurs, ils ambitionnent de passer pour originaux, enfin de ne paroître les obligés de personne.

Ce dernier genre de travers fut celui de Scamozzi. L’histoire, qui nous l’a révélé, nous apprend, que tout en étudiant le génie de Palladio dans ses œuvres, il avoit affecté de n’avoir aucun rapport avec lui, ni avec les autres maîtres habiles de ce temps, dans la crainte, nous dit-on, de donner à soupçonner qu’il eût appris d’eux quelque chose. Le même sentiment domine dans ses écrits sur I architecture, où il se montre en général mal intentionné contre Palladio, et porté à dépriser sa manière, quel qu’ail été, chez lui, le motif intime de cette façon d’agir et de penser, n’ayant à traiter ici que de l’artiste, et de ses œuvres, noua dirons, que quand un principe d’émulation portée trop loin auroit aveuglé Scamozzi dans ses opinions, ses ouvrages ont heureusement contredit et ses sentimens, et ses discours, et qu’aucun architecte n’a mieux montré ruminent on peut marcher à la suite des plus habiles maîtres, sans se faire leur copiste : car aucun n’a approché plus près que lui de Palladio.

Il ne larda point à se faire une réputation, par quelques travaux qui dénotèrent en lui l’homme ingénieux, et le constructeur intelligent. Ainsi l’église du Sauveur, à Venise, venoit d’être terminée par Tullio Lombarde, lorsqu’on s’aperçut après coup qu’elle manquoit d’une lumière suffisante. Scamozzi, appelé pour remédier à ce défaut, y réussit heureusement, sans rien ôter à la majestueuse simplicité de son intérieur, Il se contenta d’ouvrir par en haut, en les surmontant d’une lanterne les trois coupoles de l’église, et le vaisseau reçut de ces ouvertures le jour qui lui manquoit.

A ces premiers travaux il joignit plus d’un genre d’éludés, qui dévoient l’mitier à toutes les sciences de l’architecture et de l’antiquité. Il se livra à l’interprétation de Vitruve, à la lecture des meilleurs auteurs, et de L’histoire grecque et romaine, à la pratique de la perspective, en sorte qu’a l’âge où l’on est encore élève, il auroit pu enseigner plus que son art. Le palais du comte Francesco Trissin, qui s’éleva alors sur ses dessins à Vicence, pendant, qu’il étroit à Rome, montra le talent d’un artiste qui sembloit n’avoir plus lien à apprendre.

Mais Scamozzi en savoit déjà trop, pour ne pas croire qu’il ne lui restât encore beaucoup à savoir. Il lui restoit dans le fait, pour un homme qui ambitionnait l’originalité, à finir de se former, non plus sur les ouvrages des maîtres de son époque, mais sur ces grands modèles de l’antiquité qui avaient formé ces maîtres, et qui sont devenus pour l’architecture, ce que la nature est pour les autres arts, l’exemplaire le plus parlait des règles du beau et du vrai. Il alla à Rome, et y mesura tous les restes des monumens antiques, leva le plan général des thermes de Dioclétien et du Colisée, dont il fit, en dessin, l’entière restauration, et de beaucoup d’autres ruines. Il passa six mois à Naples et dans ses environs, se livrant aux mêmes recherches. Lui-même nous apprend que dans les deux années qu’il y employa, il profita plus qu’il n’avoit fait dans les dix années de ses premières études.

Il revint en 1580 à Vicence sa ville natale, mais


Vicence ne lui offroit point cette perspective de grands travaux, auxquels il se sentoit appelé par ses études et par les connaissances dont il avoit fait une si ample provision. La riche al puissante Venise étoit le seul théâtre alors digne de son talent. Palladio étroit mort depuis peu. Il y avoit un grand héritage à recueillir. Un ouvrage important vint bientôt mettre au grand jour, et faire connoître celui à qui il devoit écheoir. Il étoit question d’ériger au doge Nicolas del ponte, un magnifique mausolée dans l’église de la Charité, en face des mausolées des doges Barbarighi. Scamozzi en fut chargé. C’est dire assez, que l’architecture étoit appelée à eu faire particulièrement les frais. Aussi se compose-t-il d’une ordonnance de quatre colonnes composites, qui s’élèvent sur un très-beau soubassement. Le milieu est une arcade, audessus de laquelle sont une urne à l’antique, et le buste du doge ; les deux entre-colonnemens latéraux sont occupés par des niches avec statues. Un attique orné de figures, et de la meilleure sculpture, couronne cette masse construite en pierre d’lstrie, et cet ensemble a toujours passé pour une des plus belles compositions en ce genre.

Scamozzi dut au crédit que lui douna cet ouvrage, d’être heureusement préféré à deux très-médiocres artistes, pour construire le muséum des statues antiques, qui sert d’avant-salle à la bibliothèque de Saint-Marc, et en même temps le vaste édifice des nouvelles Procuraties, destiné à terminer la seconde aile de la grande place qui fait face à la basilique. Ces deux monumens ne furent achevés qu’après un laps de plusieurs années, et nous aurons lieu de revenir sur le second. Plus d’un incident vint faire diversion à ces travaux.

Ainsi Grégoire XIII, ayant été remplacé sur le siége de Saint-Pierre par Sixte V, la république envoya féliciter le nouveau pontife, par quatre personnages qui desirèrent emmener avec eux Scamozzi. Ce fut pour lui une bonne fortune, d’être mis à même de revoir Rome, et d’y vérifier quelques résultats de ses premières études. Sixte V s’occupoit alors du choix des moyens propres à dresser le grand obélisque, qui décote aujourd’hui la place de Saint-Pierre. Scamozzi s’intéressa à cette entreprise, en homme fait pour bien juger du projet de Fontana, et l’opération terminée, il retourna avec les ambassadeurs à Venise.

Palladio étoit mort avant d’avoir terminé dans l’intérieur de son théâtre olympique, à Vicence, cette partie qu’on appelle la scène, et il n’en avoit laissé aucuns dessins. Sylla son fils, appelé à continuer ses entreposes, n’avoit pas les connoissances du genre de celles qu’exigeait ce travail. On jeta les yeux sur Scamozzi et tes fêtes auxquelles donna lieu le passage de l’impératrice Marie d’Autriche, devinrent pour lui l’occasion de terminer l’ouvrage de Palladio : ce qu’il lit avec beaucoup de succès, ayant étudié dans les restes de l’antiquité la disposition de la scena selon les usages du théâtre antique.

Une grande construction étoit alors en projet à Venise, et occupoit tous les esprits. Il s’agissoit de remplacer en pierre, le pout de bois qui unissoit les deux parties de la ville que divise le grand canal. Les plus habiles architectes avoient, depuis long-temps, exercé leur talent sur un projet, dans lequel il convenoit qu’un ouvrage d’utilité publique, devînt un monument du goût de la ville qui en saisoit les frais. Mais les circonstances politiques avoient épuisé les ressources de la république, et la construction du pont de Rialto avoit été renvoyée à des temps plus tranquilles. Scamozzi fut enfin invité a présenter ses idées. Il fit deux dessins, l’un d’une seule arche, l’autre de trois. Il paroît que l’économie donna la préférence au projet d’Antonio del Ponte. Quoi qu’il en soit, Scamozzi dans son Traité d’architecture, et encore ailleurs, réclama l’honneur d’avoir donné le projet du pont actuel. Plus d’une sorte d’autorités rapportées par Temanza détruisent cette prétention.

Scamozzi éprouva un plus grand désagrément dans l’entreprise du monastère et de l’église de Santa Maria della Celestia, que l’explosion et l’incendie de l’arsenal, en 1569, avoient obligé de rebâtir. Un très-beau projet avoit été adopté par les religieuses. Scamozzi s’y étoit proposé une imitation du Panthéon de Rome. On ne sauroit dire quelles disficultés et quelles intrigues en arrêtèrent l’exécution. L’édifice en étoit arrivé à l’entablement du second ordre. Il fut interrompu, et après plusieurs années de débats et de contradictions, le tout fut détruit.

Notre architecte fut plus heureux auprès de Vespasien Gonzague, duc de Sabionetta, qui lui fit construire un théâtre dans le genre de celui de Vicence, c’est-à-dire dans le système des théâtres antiques. C’est là qu’il fut se montrer digne successeur de Palladio. Mais son ouvrage n’eut pas l’avantage de se conserver, et l’on n’en a l’idée que par les dessins qu’il a laissés.

Le sénateur Pierre Duodo, personnage aussi recommandable par ses grands services, que distingué par ses connoissances et son goût, avoit une amitié particulière pour Scamozzi. Envoyé en Pologne pour présenter au nouveau roi Sigismond les hommages de la république, il invita notre architecte à l’accompagner dans ce voyage. C’étoit une heureuse occasion pour lui d’étendre ses idées, de multiplier les connoissances, dont il avoit besoin pour le grand ouvrage, dans lequel il s’étoit proposé de faire une sorte de traité général, et en même temps d’histoire complète de l’architecture et des monumens de tous les pays. Scamozzi accepta donc avec empressement la proposition de ce voyage, dans lequel il visita un grand nombre des principales villes de l’Allemagne.


De retour à Venise, il bâtit pour son illustre protecteur un palais, près de Santa Maria Giubanico, où il prouva qu’on peut exprimer, dans le style le plus simple, le caractère de majesté et de grandeur qui convient à l’habitation d’un grand. Ce fut encore là qu’il fit montre de ce talent qui avoit distingué ses premiers essais, en tirant d’un site ingrat un parti heureux, et faisant sortir d’un espace étroit, l’aspect d’une grande masse. On ne sait ce qui empêcha qu’il ait exécuté sur le grand canal le projet d’un palais pour le cardinal Frédéric Cornaro. Ce palais devoit saire pendant à celui du même nom, que Sansovino avoit construit pour la même samille. Le dessin qu’il nous en a conservé, dans son Traité d’architecture, part, 1, pag, 245, ajoute aux regrets des amateurs de la belle architecture. Mais il est dans la destinée de cet art, que les plus grandes choses éprouvent les plus grandes contradictions. Trop heureux sont les talens qui peuvent arriver à se produire dans des monuments dignes d’eux, c’est-à-dire dont la grandeur et l’importance promettent une longue durée à leurs ouvrages et à leur renommée.

Scamozzi eut enfince bonheur ; car lorsqu’il s’œcupoit à bâtir, sur la terre ferme, de charmantes habitations, près de Castel-Franco, pour les frères Jean et Georges Cornaro, à Loregia pour Jérôme Contarini, Venise le réclama tout entier pour achever les salles du Muséum, el les nouvelles Procuraties de la place de Saint-Marc.

Dans le premier de ces ouvrages il fit preuve d’une rare intelligence ; car il avoit à lutter contre des irrégularités produites par des dispositions antécédentes, qui avoient fait négliger d’établir entre les ouvertures de ce local une correspondance symétrique. Toutefois il parvint à y faire régner avec beaucoup d’accord, une ordonnance en pilastres corinthiens, et l’inégalité d’espace eu certaines parties y est dissimulée avec tant d’adresse, qu’il faut, pour s’en apercevoir, une attention dont le commun des spectateurs est incapable. Quant à la disposition interne du local, dans son rapport avec les objets de sculpture qu’il devoit mettre en évidence, on convient qu’il étoit disficile d’en imaginer une mieux appropriée à son objet. L’esparce partagé en trois allées dans la longueur de la salle, par des massifs dont la hauteur répond à celle du soubassement de l’ordre, a donné lieu de multiplier les objets d’art, et de les exposer commodément à la vue des amateurs.

Dès l’année l582, Scamozzi avoit été choisi pour la continuation des travaux commencés par Sansovino, sur la place qui regarde le palais ducal. Bientôt il embrassa un plan beaucoup plus vaste. La place Saint-Marcn’ avoit alors de construit qu’un des grands côtés actuels. C’est celui qu’on appelle le bâtiment des Procuratie vechie, élevé depuis déjà quelque temps par l’architecte Buono : car il en fut de cette belle place, comme de presque toutes les grandes choses en architecture ; rarement sont-elles le résultat d’un projet conçu tout ensemble, et par un seul. Scamozzi proposa et sit agréer un nouveau projet qui embrassoit la totalité de la place Saint-Marc, raccordée au bâtiment de la bibliothèque, sur la place du palais, et à l’église de San Geminiano, enfin mise en accord par les lignes avec la façade de SaintMarc. Il fit un modele en bois de tous ces corps de bâtimens, et eut l’art de le faire approuver par le doge Grimani et les procurateurs. Alors prit naissance le grand édifice des Procuratie nuove, en face et en pendant de celui dont on a parlé.

Il arriva toutefois dans cette occasion, ce qui survient aux entreprises conçues et exécutées en des temps et par des artistes divers. La régularité et la symétrie de la place Saint-Marc auroient exigé que l’aile de bâtiment destinée à être mise en regard de celle qui existoit déjà, lui fût tout-à-fait semblable. Cependant déjà Sansovino, dans l’architecture l’édifice de là Bibliothèque, sur la place du palais, avoit adopté une élévation, d’une toute autre ordonnance que celle des Procuratie vechie. Dans l’intention de rachever selon le même goût la place Saint-Marc, il s’étoit contenté de se raccorder avec l’édifice de Buono et de Lombardi seulement par la hauteur. Au lieu de trois étapes, il n’en faisoit que deux, et c’étoit par la hauteur du couronnement de son second ordre, qu’il regagnoit la dimension nécessaire à la symétrie de l’ensemble.

Sansovino mort, Scamozzi ne tint aucun compte des intentions de son prédécesseur. Il prétendit que deux étages ne suffiroient pas au besoin de faire dans ce bâtiment, neuf habitations pour les procurateurs qui dévoient y être logés, et il prit le parti de l’élever d’un troisième ordre. On a sait de cela un grand sujet de reproche à Scamozzi. Il est très-vrai que cette grande aile, qui est l’aile gauche de la place Saint-Marc, n’a d’autre rapport avec celle qui lui fait face, que les portiques ouverts du rez-de-chaussée, et d’avoir comme elle trois étages. Mais elle en diffère par un surcroît d’élévation et par le genre de ses ordonnances. Elle a encore l’inconvénient dêtre plus haute que le corps de bâtiment qui lui fait suite, sur la place du palais, et celui où se trouve San Geminiano. Que résulte-t-il de cela ? qu’il arriva à Scamozzi de faire ce qu’avoit déjà fait Sausovino, c’est-à-dire de faire du nouveau.

Du reste, il nous semble que la place de SaintMarc auroit été beaucoup plus belle si elle eût pu être entièrement selon le projet de Scamozzi. Maintenant si l’on considère en lui-même, et en lui seul, le vaste édifice des Proçuratie nuove, on doit avouer que c’est un des plus grands et des plus beaux monumens qu’il y ait d’architecture civile. Scamozzi y a employé les trois ordres d’architecture dans les meilleures proportions, avec le plus de régularité, de justesse, de goût et de


richesse, que puisse comporter leur disposition adaptée à des piédroits, à des arcades et aux ouvertures des fenêtres.

Le premier rang de portiques sormant rez-de-chaussée, est orné de colonnes d’ordre dorique. Les archivoltes ont des figures sculptées ; la clef de chaque arcade est un mascaron en relief. La srise a ses métopes remplies de symboles variés. Audessus de sa corniche s’élève un stylobate coupé par les balcons en balustres à double renflement des fenêtres de l’étage du milieu, lesquelles consistent aussi en arcades, mais d’une moindre ouverture que celles d’en bas. L’ordonnance de cet étage est ionique, et offre une progression sensible de richesse et d’élégance. Indépendamment de l’orde ionique adossé aux piédroits des arcades, avec archivoltes remplies de figures sculptées de bas-relief, des colonnes du même ordre, mais plus petites, soutiennent l’imposte des arcades. La frise du grand ordre est ornée d’un enroulement continu. Le troisième étage se compose d’un ordre corinthien qui orne les trumeaux des fenêtres, lesquelles sont surmontées de srontons alternati- vement angulaires et circulaires, et accompagnées de petites colonnes également corinthiennes ; le grand ordre supporte le riche entablement qui règne sur toute l’étendue de cette masse.

Le troisième etage dont on vient d’abréger la description, est celui dont on fait, avons-nous déjà dit, un reproche à Scamozzi, comme établissant une irrégularité de mesure en hauteur, avec celui du corps de bâtiment qui lui est opposé dans la place Saint-Marc. Toutefois il n’est aucun critique qui ne convienne, que cet étage est le plus beau de tous, cl on peut le dire aujourd’hui, le plus riche, le plus noble, le mieux ordonné qu’on puisse citer dans quelque édifice que ce soit. On a déjà vu que la place Saint-Marc, résultat de travaux et d’artistes successifs, ne fut jamais projetée dans un ensemble uniforme. L’irrégularité seule de son plan, dont aucunes lignes ne se correspondent, montre qu’il ne faut pas juger de cet ensemble, comme d’une création dont l’unité seroit la première obligation. Qui sait même s’il n’étoit pas entré dans les intentions de Scamozzi, et de ceux qui approuvèrent son projet de remplacer l’architecture des Procuraties vieilles par celle des nouvelles ? Quoi qu’il en soit, en se bornant à la critique partielle de l’ouvrage de Scamozzi, on peut affirmer qu’il a élevé là un des plus parfaits modèles d’architecture ; qu’il n’existoit avant, et qu’il n’a été produit depuis aucun corps d’édifice plus complet dans ses ordonnances, plus classique dans ses détails, mieux terminé dans toutes ses parties, plus simple et plus varié tout à la fois ; ajoutons que c’est un des plus étendus que l’on connoisse. Il a été donné à peu d’architectes de construire un palais à trois ordres l’un sur l’autre, et dont la devanture se compose de trente-neuf arcades ou trente-neuf ouvertures de face, sur une longueur de quatre cents pieds.

Combien il eût été à desirer que moins distrait par des soins multipliés, pur des travaux qui le forçoient d’être, si l’on peut dire, en plusieurs lieux à la fois, il eût pu suivre par lui-même et jusqu’à la sin cette vaste entreprise ! Les connoisseurs y distinguent les parties dont il dirigea personnellement l’exécution, et qui sont les treize premières arcades, dont encore on croit qu’il faut soustraire les trois qui forment le commencement de la bibliothèque, et qu’on attribue à Sansovino. Depuis on sait que le bâtiment fui dirigé par des constructeurs, hommes de métier plutôt qu’artistes, tels que François Bernardino, Marco della Carita et Balihazar Longhena. Aussi un œil attentif saisit-il, en suivant cette continuité d’arcades, des variations sensibles de goût dans les détails, et enfin une progression de négligence, qui annonce un déclin survenu dans la manière de faire les ornemens et de traiter les profils, bien qu’on ait fidèlement suivi les proportions et l’eurythmie du dessin général. Ces observations critiques, comme l’un voit, s’adressent à des circonstances indépendantes de l’auteur du monument, et ne sauroient altérer ni diminuer l’honneur qui lui est dû.

Après un aussi grand ouvrage, qui sans doute est le ches-d’œuvre de Scamozzi, il semble qu’il seroit assez inutile, du moins pour sa gloire, d’énumérer les nombreux édifices qu’il construisit dans le Vicentin, sur la Brenta et à Venise. On peut voir sinon des dessins rendus, au moins des esquisses de la plupart de ces constructions, telles que les palais Ferretti, Priuli et Godi, dans son ouvrage sur l’architecture. Partout ce sont des plans fort réguliers, des élévations sages, des ensembles élégans et variés, dans lesquels il s’est montré digne successeur de Palladio, mais sans qu’on puisse dire qu’il ait égalé ce grand maître, pour la pureté du goût, pour l’invention des plans, et la fécondité d’idées ingénieuses appropriées à chaque entreprise.

Scamozzi nourrissoit d’ailleurs plus d’une sorte d’ambition, et il est arrivé à beaucoup de ses projets d’être privés, dans leur exécution, de la surveillance de leur auteur. Avide de gloire et infatigable, il eût mieux aimé succomber sous le poids des commandes de travaux, qu’il recevoit de toute part, que d’en resuser une seule. A tant de soins et d’occupations, se joignoit le désir de publier son grand ouvrage de l’Architecture universale. C’étoit ou ce devoit être une sorte d’encyclopédie de l’art, où se seroient trouvés réunis, aux préceptes et aux règles, les exemples de tout ce que l’Europe d’alors renfermoit de monumens remarquables en tout genre. Une semblable entreprise seroit encore fort difficile aujourd’hui, que les rapports de communication entre les disférens Etats sont devenus plus, nombreux, et les moyens de


multiplier les dessins plus faciles. Scamozzi ne pouvait donc réaliser son projet, qu’en visitant personnellement les pays dont il vouloit faire connoître les édifices.

Dans cette vue, il cultivoit avec soin l’amitié des principaux sénateurs de Venise, que le Gouvernement choisissoit pour les ambassades qu’il envoyoit chez les dissérentes puissances. Ce fut à ces liaisons qu’il dut plus d une fois de faire, sans que ce fût a ses frais, de longs voyages dont la dépense eût été au-dessus de ses moyens. Plus d’un ambassadeur se plut à l’avoir pour compagnon de voyage, et à lui procurer ainsi, dans chaque pays, ‘ une sorte d’appui et de patronage utile aux recherches dont il avoit besoin. Il fit quatre voyages à Rome, deux à Naples, visita deux fois l’Allemagne, en revint la dernière fois par la Lorraine, vit la capitale de la France et retourna à Venise en tenant minutieusement, et jour par jour, registre de tout ce qu’il voyoit. Ce journal n’éloit pas seulement eu descriptions ; il renfermoit les dessins à la plume de tout ce qui entroit dans le projet de son vaste recueil, n’oubliant rien de ce qui a rapport à la diversité des matériaux, des procédés et des manières de bâtir.

Ses voyages contribuèrent encore à répandre de plus en plus la renommée de son talent hors de sa patrie. On lui demandoit de toute part des projets et des modèles de palais. Il nous en a laissé lui-même des dessins dans ses traités d’architecture. Mais il paroît que l’on ne fut pas toujours fidèle aux plans qu’il envoyait ; et l’on en trouve la preuve dans le palais de Robert Strozzi à Florence, où l’on se permit des changemens qui n’altérèrent pas médiocrement sa composition. On devroit retrouver à Gênes, mais on n’y reconnoît plus le beau modèle du palais Ravaschieri, dont il envoya de Venise tous les dessins, et qui eût été un de ses plus beaux ouvrages, à en juger par l’esquisse qu’il nous en a conservée. Il nous apprend lui-même qu’il cul fort à se plaindre de la manière dont on reconnut la peine qu’il s’étoit donnée.

Plus heureux à Bergame, il réussit, pendant le temps qu’il y séjourna, a faire élever, par l’ordre du podestat Jules Contarini, un des plus beaux palais qu’il ait composés, et qui est celui du gouvernement de cette ville. Il a 163 pieds, sur 111. Il se compose dans sa façade d’un ordre dorique a rez-de-chaussée surmonté d’un ionique, et le tout se termine par un attique. Le chevalier Fino, un des principaux et des plus riches personnages de Bergame, profita du séjour de Scamozzi dans cette ville, pour avoir de lui le projet d’un palais qui devoit occuper un très-bel emplacement. L’édifice d’après le dessin que son auteur nous en a transmis, a 188 pieds de face sur 93 de côté. Le plan en est grandement conçu, el avec autant da régularité que le site le permit. La façade a seize fenêtres de face, L’élévation consiste, en en un soubassement à bossages, qui comprend l’etage du rez-de-chaussée, et un petit mezzanino ou entresol. L’étage principal est orné d’une ordonnance de pilastres ioniques, et au-dessous de l’entablement se trouve encore un petit étage de service. Deux grandes portes en arcades, flanquées de colonnes doriques, donnent entrée dans le palais. Scamozzi nous apprend que nonobstant le désir qu’avoit ce seigneur, de voir élever ce palais, pour la construction duquel il avoit déjà préparé les terrains et amassé les matériaux, il n’avoit pas encore mis la main à l’œuvre.

A Bergame il eut de même l’occasion de montrer ce que son talent auroit pu faire dans une entreprise plus importante, la reconstruction de la cathédrale, ouvrage déjà fort suranné d’Antoine Filarète, auquel Vasari, dans la vie de cet architecte, a trouve de nombreux défauts, et qui étoit loin de satisfaire à la pieuse ambition de la ville. Palladio lui avoit déjà présenté un projet. Scamozzi fut invité, à en faire un nouveau. Ni l’un ni l’autre ne fut mis en œuvre. L’honneur de l’entreprise devoit appartenir au chevalier Fontana.

Mais l’érection d’un temple beaucoup plus considérable étoit réservée à son génie. Dans le dernier voyage qu’il avoit fait en Allemagne avec l’ambassadeur de Venise, il avoit eu l’avantage d’être connu de l’archevêque de Salzbourg, dont l’intention étoit, dès que les troubles seroient appaisés dans son pays, de reconstruire sa cathédrale. Il se souvint du Scamozzi et l’invita à se rendre auprès de lui, pour former le plan et arrêter l’idée du monument projeté. Scamozzi accepta l’invitation, prit la route de Trente, et le voilà de nouveau à Salzbourg, où l’archevêque lui fit la plus honorable réception. Apres s’être bien concerté sur les lieux, après avoir reçu toutes les instructions nécessaires et fait agréer la pensée générale de ce grand édifice, il revint à Venise, où il passa trois années, à en mûrir le projet, à en combiner tous les détails, et à fixer son ensemble, dans un modèle définitif. Temanza, qui en possédoit les plans, coupes et élévations, ne tarit point d’éloges sur cette conception, qui fut enfin réalisée, et recut son dernier achèvement après la mort de Scamozzi. Si l’auteur n’eut pas l’avantage de la conduire lui-même, sil’on put s’écarter, en quelques points, de ses intentions, des témoignages contemporains assurent que, pour l’ensemble, on en respecta fidèlement l’esprit et les données générales.

Temanza nous apprend que ce temple ayant en longueur 400 pieds vénitiens, sur 290 de large dans sa croisée, forme par son plan une croix latine, se terminant au chevet et dans les deux bras de la croix par une partie circulaire. Une grande coupole réunit les quatre nefs, et une seconde coupole s’élève dans le fond au-dessus de l’autel. Sept portes donnent entrée dans le temple ; trois sont pratiquées sous l’atrium, les quatre


autres le sont aux angles des bras de la croix. L’intérieur est à trois nefs. Celle du milieu a 57 pieds de large ; sa longueur jusqu’au centre de l’apside du fond, est de 313 pieds. La bailleur jusqu’au sommet de li voûte est de 96 pieds. Il paroit que Scamozzi eut l’intention de faire dans son église un tout plus régulier et plus accompli que celui de Saint-Pierre de Rome. Ce que Temanza se contente d’affirmer, c’est qu’il s’y trouve un ensemble plus correct, une plus grande unité jointe à plus de variété dans la composition, un parfait accord de toutes les parties, et où la majesté ne dispute rien à la simplicité. Selon ce judicieux critique, cet ouvrage est le plus excellent qu’il ait vu entre tous ceux de Scamozzi, et suffiroit pour le faire placer au premier rang des architectes.

Il est peut-être malheureux pour la gloire de Scamozzi, qu’une ambition trop ardente, et une activité démesurée, l’aient porté à trop d’entreprises, à se charger de trop de travaux divers, et sur trop de points, à briguer trop de sortes d’emplois, et à vouloir parcourir, dans les divers domaines de son art, toutes les routes delà renommée. Aucun architecte ne mena une vie aussi agitée. Quand on se rend compte de tous les ouvrages ou qui lui furent offerts, ou qu’il entreprit sans les terminer on se persuade qu’il eût obtenu une plus grande somme d’honneur, en se bornant à ce qu’il lui eût été permis d’achever, ou de surveiller personnellement, tant il importe à la perfection des édifices d’être exécutés par celui qui les a conçus.

Non content de réunir aux travaux pratiques de l’architecture, les études théoriques qui doivent compléter le talent de l’artiste, il ambitionna encore de briller dans cette partie scientifique, qui embrasse les recherches historiques des temps anciens et modernes, qui exige la connnoissance des langues, la critique des monumens, et de nombreux parallèles entre les ouvrages de tous les peuples. Nous avons vu que de très-bonne heure, il avoit conçule plan d’un vaste ouvrage, qui pour répondre au titre qu’il lui donna, et a l’idée que ce titre renferme, n’auroit exigé rien moins que la vie entière d’un homme, et des ressources bien supérieures à celles que les courses qu’il fit en divers pays, et l’état des nations qu’il visita, pou- voient lui fournir.

Son Idea dell’architettura universale l’occupa à toutes les époques de sa vie. Il avoit formé d’abord son plan sur une division de douze livres, qu’il restreignit depuis à dix. Encore faut-il dire, que lorsqu’il annonçoit dix livres dans le frontispice qu’il mit à la tête de l’ouvrage on 1625, de fait chacune des deux grandes divisions n’en contenoit que trois. On croit qu’il avoit esfectivement composé les quatre autres, mais il est vraisemblable d’une part, le desir de les améliorer, et de l’autre, l’impatience de la publicité, lui firent mettre au jour cette production mutilée, que la mort ne lui permit pas de compléter.

Si Scamozzi, comme il y a lieu de le croire, par l’importance qu’il mit à cette œuvre, fonda sur son exécution, un de ses premiers titres à la renommée, il lui est arrivé, comme à beaucoup d’autres, d’être aveuglé. ; par, la vanité, sur la nature propre de son mérite, La postérité n’a point du tout ratifie l’opinion qu’il s’étoit faite du succès d’une entreprise, qui étoit beaucoup au-dessus de ses forces. Il est extrêmement difficile de soutenir la lecture de cet ouvrage, mélange très confus d’une multitude de notions, de faits, d’observations, de détails prolixes, qu’il eût été nécessaire de soumettre à un ordre tout autrement méthodique. D’Aviler nous semble en avoir très-bien jugé, et il a rendu à Scamozzi un vrai service, dans l’abréviation qu’il a faite de la partie de son ouvrage qu’on peut regarder comme classique ; je veux parler de son sixième livre, qui traite des ordres, et dont il jugea encore nécessaire de supprimer beaucoup de choses superflues.

« On n’a pas jugé à propos (dit-il) de traduire tout entier le sixième livre, qui contient les ordres, ni aussi d’en extraire seulement le sens, et faire d’autres discours, parce que, si d’un côté on a voulu éviter ta prolixité, de l’autre on n’a voulu rien mettre que ce qu’a dit Scamozzi. On sait que tout ce qu’on a retranché est fort beau, mais aussi qu’il est fort peu convenable au sujet, telles que sont quantité d’histoires et de fables, tout ce qui regarde la géographie ancienne, et les raisonnemens de physique et de morale, qui sont de pure spéculation, et pour entretenir tout autres gens que ceux de sa profession. Mais lorsqu’il a fallu expliquer ce qui étoit purement d’architecture, on a suivi l’auteur mot à mot, comme dans la description du chapiteau ionique, dans les manières de diminuer les colonnes, et dans plusieurs autres choses. » « Ce qu’il y a de plus remarquable dans l’architecture de Scamozzi, c’est qu’elle est fondée sur les raisons les plus vraisemblables de la nature, sur la doctrine de Vitruve et sur les exemples des plus excellens édifices de l’antiquité Sa manière profiler est géométrique, mais elle est si contrainte par les figures dont il se sert pour décrire les moulures, que la grâce du dessin n’y a presque point de part, ce qui a donné à cet auteur la réputation d’avoir une manière sèche, qui provient de la quantité des moulures qui entrent dans ses profils, dont il y en a plus de rondes que de carrées, et de ce qu’elles ne sont pas mêlées alternativement, ainsi qu il est nécessaire, pour les rendre plus variées ; joint que ces moulures ainsi tracées seulement par les règles de la géométrie, n’ont qu’un même contour, quoiqu’elles le doivent changer, selon le lieu d’où elles sont vues, et les différens ordres où elles sont employées. »

« La méthode dont il divise chaque membre, paroît d’abord embarrassée ; mais lorsqu’on y fait réflexion, et qu’on y est accoutumé, elle est assez facile et d’un grand usage, pour trouver l’harmonie dans les proportions. Celle méthode est que, pour le général, il se sert du diamètre inférieur de la colonne, divisé en soixante parties, comme ont fait Palladio et plusieurs autres ; mais pour le détail de ses moulures, il se sert d’un dénominateur, c’est-à-dire qu’il prend un membre, dont la grandeur règle la hauteur des autres, par celle même grandeur multipliée pour les plus grandes, et subdivisée pour les plus petites. »

On ne saurait refuser à Scamozzi d’avoir été un des plus savans architectes des temps modernes, et on doit le placer parmi le petit nombre de ceux qui ont fait autorité dans leur art, autant par leurs exemples, que par les leçons qu’ont données leurs écrits. Le grand Blondel, ayant à choisir, ainsi qu’il le dit, parmi les modernes, les trois architectes qui nous ont laissé les préceptes les plus conformes à la beauté des anciens édifices, et qui ont l’approbation la plus universelle, a concentré son choix sur Scamozzi, Vignole et Palladio. On remarque même qu’outre cet honorable témoignage, il lui donne encore souvent le pas et la préférence sur tous.

D’Aviler a donc rendu un service à l’architecture, par l’extrait qu’il fit du traité des ordres de Scamozzi, et en séparant cette partie vraiment classique, de ce volumineux amas de notions, dont personne ne soutiendroit aujourd’hui la lecture. Un ingénieur hollandais, Samuel du Ry, suivant l’exemple de d’Aviler, se plut encore à recueillir, d’une manière fort abrégée, quelques notions de ses autres livres, qui sont d’une application pratique à la construction, mais surtout les dessins, accompagnés de descriptions, d’un fort grand nombre de palais et d’édifices ou construits ou projetés par Scamozzi, et que cet architecte avoit insérés dans son ouvrage, comme exemples propres à justifier sa théorie.

Scamozzi s’étoit familiarisé, par l’étude de Vitruve, aux recherches d’antiquité, qu’un architecte lettré peut faire chez les écrivains latins. Ainsi nous trouvons de lui des dissertations appuyées d’exemples, et de faits puisés dans l’histoire ancienne, sur les habitations des Grecs et des Romains, et accompagnées de plans et d’élévations propres à faire comprendre ce que les descriptions écrites ou verbales des monumens ne sauroient souvent faire deviner. Nous ne dirons pas que sa dissertation sur les Scamilli impares de Vitruve ait éclairci entièrement, ce que ces mots auront peut-être toujours d’obscur, saute d’autres passages, où l’emploi des mêmes termes en fournisse une application plus distincte. Mais ce genre de travail prouve à quel point Scamozzi avoit en l’ambition d’embrasser toutes les parties de l’art auquel il s’étoit livré. Ainsi se plut-il encore à restituer par le dessin la maison de Pline à Laurentum, et eu calquant le plan de cette restitution, sur les détails descriptifs de l’écrivain, il donna peut-être le premier exemple de celle manière de traduction, qui parvient à faire revire des monumens perdus, on peut le dire, soit pour l’érudit, qui dans les mots ne sait souvent pas voir les choses étrangères à ses études, soit pour l’artiste, que des études d’un tout autre genre n’auront point initié à l’intelligence des textes anciens.

Il n’est, pas facile en morale de tracer avec une grande évidence, la ligne de distinction entre ce légitime amour de gloire, ressort si actif des talens, et celle vanité orgueilleuse qui met avant l’envie du bien, celle de la louange. L’histoire a encore plus de peine à faire ce discernement entre les artistes dont de grandi travaux ont illustré les noms, et dont la postérité est réduite à connoître les œuvres, sans pouvoir apprécier le principe moral qui les inspira. Il n’en est pas de même de Scamozzi, qui s’est révélé tout entier dans ses entreprises, dans ses écrits, et surtout par un monument particulier, où il a consigné de la manière la plus expresse, et ses sentiment habituels, et la haute opinion qu’il avoit de son mérite, et le desir que son nom se perpétuant, la gloire qui y seroit attachée devînt l’entrelien des âges à venir. Je veux parler du testament où il déposa ses dernières volontés.

Sentant sa sin approcher, quoiqu’encore d’un âge peu avancé, et ne laissant point d’héritiers directs, il dicta à un de ses amis son acte testamentaire qui fut ensuite revêtu des formalités légales.

Dans le préambule de cet acte, Scamozzi relate, énumère et développe tous les titres qu’il s’est acquis à la célébrité par tous les genres de travaux auxquels il s’est livré, par tous les monumens dont il a embelli non-seulement sa pallie, mais tous les Etats de l’Europe. Il ne doute pas que ses écrits et ses édifices ne doivent procurer à son nom une gloire éternelle : non siano perconservare la memoria del mio nome a pari del l’Eternita. N’ayant point de postérité, et se voyant privé d’enfans propres à conserver et à propager le nom de Scamozzi, il a résolu de se donner un fils adoptif, auquel il léguera tous ses biens, sous la condition de porter son nom. Il entend le choisir à Vicence, dans une famille honnête, bien élevé, adonné aux études littéraires, et particulièrement à celles de l’architecture, et qui sera tenu de porter son nom de famille et de baptême. Il veut qu’il adopte les armes de sa famille. Il entend que sa fortune passe par fidéi-commis, et de la même manière et aux mêmes conditions, au fils adoptif que celui qu’il va nommer sera tenu de se choisir, d’accord avec les exécuteurs de ses volontés. Il institue ainsi pour sou sils adoptif el légataire uni-


versel, François Gregori, fils aîné de Messir Isoppo de Gregori de Vicence. Il veut que son héritier, après lui avoir ordonné un honorable convoi, lui fasse élever un monument spéculeral en pierre, avec son portrait, épitaphe, etc. , le tout digne de lui, e degna d’un par moi.

Scamozzi survécut peu à la rédaction de ses dispositions testamentaires. Il fut enterré selon qu’il l’avoit desiré, dans l’église de Saint-Jean et Paul, et avec toute la pompe funéraire qui lui étoit due. A l’égard du mausolée, il ne put être exécuté avec son buste, selon ses vœux. L’héritier qu’il s’étoit donné étant mort peu de temps après, des contestations s’élevèrent entre ses exécuteurs testamentaires et Messer Gregori, père du fils adoptif de Scamozzi. Mais dans le cours du siècle, Bonaventure Gregori, descendant du premier légataire, lui fit un autre monument avec son buste, dans l’église de Saint-Laurent, et deux inscriptions, dont Temanza nous apprend que la seconde n’étoit déjà plus lisible de son temps.

De tous ces monumens de la vanité de Scamozzi, le seul qui dure encore (on ne parle pas de ses ouvrages) est l’hérédité de son nom, qui, au moyen de la substitution dont on a parlé, s’est perpétuée sur divers sujets. Le dernier connu par son talent, et qui changea son nom contre celui de Scamozzi, fut Ottavio Bertotti, architecte habile, auquel ou doit te recueil des Œuvres de Palladio, très-belle édition, dans laquelle l’auteur a fait preuve d’autant de goût que de jugement, et d’une saine critique, en excluant de cette collection, tout ce que l’on attribue faussement à ce grand architecte.

On doit savoir gré à Bertotti, devenu l’héritier de la fortune et du nom de Scamozzi, de n’avoir point hérité de l’espèce de passion jalouse de son père adoptif contre Palladio. Du reste, il se fit encore connoître dans sa pairie par des travaux où l’on aime à trouver la continuité du bon goût de l’école vénitienne dans l’architecture.

SCELLEMENT, s. m. Se dit de la Manière d’embaucheur et de Retenir Dans mur un, une pièce de bois ous de fer, Avec des matières Qu’on introduit DANS LE trou, au Québec doivent Occuper CES pièces, et QUI, SELON Leur nature, are Corps et Adhésion Avec l’objet à sceller.

SCELLER, v. act. C’est fixer et engager dans un mur, ou toute autre partie des bâtimens, les pièces de bois ou de fer, ou de tout autre métal qu’on veut y rendre fixes. On emploie ainsi diverses matières en sc’ellement, selon la diversité des objets à sceller. Dans les parties de maçonnerie ou emploie soit le mortier, soit le plâtre. S’il s’agit, pur exemple, de sceller des gonds dans les constructions en pierre ou en maçonnerie, après qu’on a sait le trou qui doit recevoir le gond, ou y introduit des tuileaux ou des morceaux de briques qui, se mêlant avec le plâtre liquide, donnent à l’objet qu’il faut fixer la plus grande fermeté. On emploie le plus souvent à sceller les grilles et les barres de fer, le plomb fondu. Depuis quelques années on a mis en œuvre, et avec assez de succès, pour des scellemens de fers d’appui, le soufre liquéfié au feu.

SCÈNE, s. f. , du latin scena. C’est le même mot ; mais ce mot, en français, tout en exprimant, sous un certain rapport, une idée à peu de chose près semblable, ne laisse pas de nous présenter, selon les pratiques fort diverses de la construction des théâtres et du la représentation scénique, deux objets distincts entr’eux.

Dans l’usage de la langue, en français, et selon les erremens du théâtre moderne, on appelle scène, quant à l’idée matérielle du ce mot, le lieu du théâtre compris entre la toile du fond, les coulisses de l’un et de l’autre côté, et ce qu’on appelle la rampe qui le sépare du reste de la salle. C’est là que se représente l’action, que se tiennent les acteurs, et que se passe le spectacle. On voit que le mot scène, entendu dans le sens que l’usage actuel lui donne, et que l’objet même qu’il exprime, selon les pratiques de la représentation dramatique dans nos théâtres, ne sauroient donner lieu ni à beaucoup de descriptions, ni à de longs développemens, surtout en sait d’architecture. Ce que le sujet peut comporter d’observations, ou de préceptes, quant à l’étendue et quant aux rapports de proportion, que notre scène doit avoir avec les spectateurs, se trouvera sort naturellement au mot THÉATRE. Voy. ce mot.

La scène, telle qu’on la doit entendre, et telle qu’on la pratiquoit dans les théâtres grecs et romains, étoit au contraire un ouvrage d’architecture des plus remarquables. C’étoit une construction importante et susceptible de la plus riche décoration. Au lieu d’être le lieu, le terrain même sur lequel l’action est censée se passer et où les acteurs se tiennent, c’étoit une façade de bâtiment servant de fond, au lieu appelé proscenium, avant-scène, lieu beaucoup plus large, mais beaucoup moins profond, relativement parlant, que le lieu de la scène moderne ; cet espace étoit resserré par le mur de lascena d’un côté, et par le pluteus de l’autre.

Pour bien comprendre les raisons qui établirent une telle dissemblance, dans la représentation dramatique, entre le lieu de l’action chez les Anciens, et le même lieu chez les Modernes, il faut se rendre compte de deux causes principales, dont la première lient à la différence des mœurs chez les ans et chez les autres, et la seconde à la différence du principe ou du système imitatif de l’art, dans l’antiquité et dans lus temps modernes.


Avant même de parler de la différence des mœurs, qui étant, en quelque sorte, le modèle primitif de l’art dramatique, imposent à son imitation des conditions sort diverses, il convient de faire remarquer, que cet art prit très-certainement naissance en Grèce, et qu’aucun usage étranger n’ayant influé sur son développement, ce fut une nécessité aux poëtes qui se succédèrent, d’approprier leurs compositions aux types et aux données naturellement simples que prescrivait un vaste local, établi en plein air, pour une immense assemblée, à laquelle on ne pouvoit présenter, au lieu des petits détails d’intrigue domestique, que des tableaux tracés grandement, d’après de grands événemens politiques, ou d’après des sujets de mœurs peu compliqués. Il n’eu fut pas ainsi des temps modernes. L’art dramatique, en se reproduisant d’après les ouvrages de l’antiquité, partit du point où ces ouvrages l’avoient porté. Resserré, par les conditions nouvelles des usages scéniques, dans des espaces, ou des locaux bien plus étroits, ayant à s’adresser à un bien moindre nombre d’auditeurs, il lui fut naturel d’enchérir de détails, sur les compositions antiques, et d’imaginer des actions ou des sujets beaucoup plus variés, et exigeant dès-lors d’être placés, pour la vraisemblance de l’imitation, dans des lieux dont les conventions de l’ancien théâtre ne permettoient pas de disposer.

C’est ici qu’il convient de montrer, que les mœurs dans l’antiquité contribuèrent encore plus puissamment à mettre dans la représentation scénique, ce que nous appelons l’action, en un lieu extérieur, à la différence de l’usage moderne, qui la place le plus souvent dans l’intérieur des maisons on des édifices.

Chez les Anciens, surtout aux premiers âges de la tragédie, le chœur étoit une partie constitutive, non pas seulement du spectacle, mais de l’action. Le chœur, ou du moins le coryphée, étoit souvent lui-même un personnage parlant. Or, il n’y avoit rien que de naturel à voir ainsi le chœur représentant une multitude dans un lieu public. La chose eût été le plus souvent invraisemblable, si l’action eût été censée avoir lieu dans un intérieur d’habitation.

Il paroît d’ailleurs qu’il eût été contraire aux bienséances, de faire sur le théâtre ce que ne pouvoit pas autoriser l’usage général, c’est-à-dire d’introduire, en quelque sorte, les spectateurs dans l’intérieur des maisona, qui particulièrement chez les Grecs, n’étoient pas à beaucoup près aussi accessibles à tout le monde, qu’elles le sont dans les mœurs modernes. Il n’eût pas, ainsi, été loisible au poëte, de montrer au public le gynécée, ou l’habitation des semmes, qui paroît n’avoir été accessible à aucun autre homme qu’au maître de la maison. Or, cette observance d’usages domestiques devoit avoir lieu, non-seulement dans la comédie, mais encore dans la représentation des sujets tragiques tragiques ou héroïques. Voilà pourquoi on ne voyoit pas au théâre Alcetste mourir dans sa chambre, mais bien eu avant de l’atrium du palais. Il eût été disconvenant de faire entrer les acteus (et surtout le chœur) dans l’appartement de la princesse. Cette sorte de sujétion nous explique beaucoup de choses dans la composition des drames antiques, et la conduite de ces drames, les conventions auxquelles ils paroissent avoir été subordonnés, nous sont voir que la sujétion des usages reçus, influa pour beaucoup sur les inventions des poètes.

De-là peut-être naquit encore chez les Grecs cette habitude du ne demander à leur imitation scénique, comme toutefois cela eut lieu dans les autres arts, qu’une vraisemblance de réalité imitative, je veux dire de cette illusion dont tant de personnes se font une fausse idée, en croyant que le point suprême de toute imitation doit être de tromper les sens, et de faire arriver l’objet imité à ce degré de ressemblance, qui opéreroit sa confusion avec l’objet imitable.

Lorsqu on examine ce point de théorie, dans la composition même et dans la récitation des drames anciens, on se persuade bientôt, et on reste convaincu, que ni le poëte ne croyoit devoir au spectateur, ni le spectateur n’exige oit du poëte, que la représentation scénique devînt un miroir, qui répétât la réalité, au point de faire croire à sa présence. Toutes sortes de détails nous prouvent, que selon l’esprit de l’art, on n’exigeoit point de l’imitation dramatique d’aller an-desà de celle d’un tableau (par exemple), dans lequel la peinture ne prétend, comme on le sait, qu’à une illusion conventionnelle. Ainsi de la seule récitation toujours mesurée, toujours accompagnée d’instrumens, on conclut, qu’il devait être bien plus difficile, qu’avec la déclamation libre, de se prêter à cette déception, qui donne au discours de l’acteur l’apparence d’une improvisation spontanée, et il eu étoit ainsi des accessoires qui, pour les yeux, concourent à l’illusion dramatique.

Metastasio a fait la même observation sur le matériel de la partie scénique du théâtre des Anciens. Il paroît avoir fort bien démontré que c’étoit au spectateur, à prendre, plus qu’on ne croit, la peine de se figurer les changemens de scènes, qui dans le cours de la pièce, étoient indiqués plus encore à l’esprit qu’aux yeux, et rendus moins sensibles qu’intelligibles. Ce qui signifie que c’étoit à l’imagination à compléter l’indication et à rachever l’illusion.

Tout ceci nom explique fort bien, ce me semble, la différence qu’on remarque dans le théâtre ancien et le théâtre moderne, sur le lieu de l’action scénique, sur l’endroit précis où se tenoient les acteurs, et où la représentation avoit lieu.

Dès qu’il n’entrait point dans les usages des Anciens, ainsi qu’en fait foi le plus grand nombre de leurs drames, de placer leur action dans des intérieurs, rarement ce qu’on appelle la décora-


tion scénique avoit à représenter autre chose que des vues de monumens, de places publiques, de façades de palais, d’extérieurs de maisons, ou de paysages et de sites agrestes.

Il nous pareît donc qu’avant qu’on eût construit dans les villes des théâtres en matières solides, je veux dire en pierre ou en marbre, l’usage ayant été de les faire en bois, ce qu’on appeloit la scène, c’est-à-dire cette grande devanture qui saisoit face à ce qu’on appeloit théâtre ou le lieu des spectateurs, ne fut aussi qu’une construction économique et temporaire. Il paroît bien vraisemblable qu’au temps d’Eschyle, par exemple, temps bien marqué par les commencemens de l’art dramatique, qui n’avoit consisté auparavant que dans le chœur, l’édifice d’Athènes, destiné à de semblables représentations, n’étoit qu’une édifice de charpente, et que ce qu’on appelle la scène ne put consister qu’en peinture figurant à peu de frais l’architecture. Je pense qu’un peut le conclure du passade même, dans lequel Vitruve nous dit que lorsqu Esshyle donnait (sans doute dans ses ouvrages) des leçons de tragédic docente tragœdiam, Agatarchus peignit pour lui une scène, scenam pinxit et à cette occasion composa un traité de perspective, qui fut suivi d’écrits faits par d’autres sur la même matière Or, le sujet de ce traité que Vitruve nous développe, n’est autre chose que l’art de mere en perspective, sur une surface plane, des édifices, avec des lointains, etc. D’où je pense qu’on doit insérer, que la scène ainsi peinte par Agatarchus, sur le mur ou la cloison qui faisoit face aux spectateurs, étoit une simple toile représentant, avec les couleurs et les lignes, ce nue depuis on fit, comme on va le voir, avec les plus somptueuses matières.

Lorsque, dans la suite, la richesse et le luxe eurent amené le besoin d’agrandir et d’embellir les monumens publics, chaque ville mit au nombre des constructions de première nécessité, si l’on peut dire, celle d’un théâtre solidement bâti, soit en pierre, soit en brique, soit en marbre, et cet édifice, destiné primitivement aux représentations scéniques, devint encore souvent un lieu public d’assemblée, pour les affaires politiques. Il fut donc naturel du réaliser en ordonnances d’architecture réelle, et avec la magnificence de l’art développé, les espèces de décorations, dont le seul pinceau avoit jusqu’alors fait les frais, et donné les modèles.

La scène (scena) devint alors une composition architecturale, qui n’ayant d’abord d’autre emploi que de servir de fond à la représentation, et au spectacle scénique, fut ensuite regardée comme devant contribuer hors des jeux dramatiques, à l’embellissement de l’intérieur du monument.

Il n’entre point dans notre sujet d’expliquer les parties de la scène, dans leur rapport avec la composition des pièces, avec le jeu des acteurs. Je me contente de dire, que cette devanture devoit être percée de trois portes, celle du milieu plus grande que les deux collatérals. Au travers de ces trois ouvertures, on devait apercevoir des objets peints en perspective, se raccordant avec le caractère de la décoratin principale, comme le faisoient aussi, ces prismes mobiles, placés de chaque côté, en retour de la scène, et qui paroissent avoir eu le même emploi que les fermes, ou les coulisses du théâtre moderne.

Si l’on vouloit entrer dans tous les détails d’une matière qui est fort loin d’être épuisée par les commentateurs, ce seroit encore ici le lieu de rassembler plus d’un passage, qui nous prouveroit que lascène solide et construite d’élémens qui ne pouvoient plus changer, devoit avoir besoin, pour être mise d’accord avec certains sujets, d’offrir aux yeux de nouvelles décorations, au moyen de toiles diversement peintes, à peu près comme, dans le théâtre moderne, on change de toiles de fond, quand l’action exige un changement de lieu.

Le passage d’Ovide (qu’on a ipporté au mot RIDEAU) nous démontre comme usuelle, la pratique de toiles mobiles et suspendues, qu’on élevoit et qu’on baissoit à volonté, sur le lieu même de la représentation dramatique, á la différence, que ces toiles s’abaissoient et se perdoient sous le sol de la scène, au lieu de s’élever, comme on fait aujourd’hui, dans les combles, ce qui devoit être, puisque les théâtres n’avoient aucune converture, si ce n’est dans le postsceniun. Or, d’une part ces toiles étoient peintes et représentoient des figures, puisqu’ Ovide décrit dans ses vers, l’effet que produisoit l’ascension graduelle de personnages, dont on apercevoit d’abord les lêtes, puis les corps, jusqu’à ce qu’on vit leurs pieds, se poser sur leur support.

Lorsque les rideaux se lèvent (dit-il), les figures s’élèvent, on voit d’abord leur visage, peu à peu les autres parties de leur corps, jusqu à ce que leur ascension graduelle les fasse paroître en totalité, et que leurs pieds viennent à se poser sur leur support.


Sic ubi tolluntur festis aulea theatris
Surgere signa solent, primumque ostendere vultum,
Catera paulaùm placidoque educta tenore,
Tota patent, imoque pedes in margine ponunt.


D’autre part, il semble qu’on pourroit inférer du mot signa, particulièrement affecté aux figures sculptées, que ces personnages étoient des statues, ce qui donneroit à entendre que, sur ces toiles peintes, on figuroit des compostions d’architecture feinte, dans lesquelles on faisoit entrer des statues, comme on sait qu’on se plut à les multiplier dans les scènes solidement construites.

On peut donc croire qu’il y avoit des scènes de rechange, adaptées aux sujets des représentations, et plus d’un passage, où il est question de décora-


teurs devenus célèbres par la peinture des scènes, semblent encore le confirmer. Ainsi Apaturius d’Alabande, comme Vitruve le raconte, avoit peint sur un théâtre des Abderitains, une scène à deux étages (le second ordre s’appeloit episcenium), remplie de toutes sortes de caprices. Des centaures y faisoient office de colonnes ; il y avoit des frontons recourbés, et toutes sortes de bizarreries d’idées et de compositions, dont la nouveauté avoit flatté les yeux du penple d’Abdère. Mais le philosophe Licinius s’étant élevé contre cette peinture, et en ayant montré l’invraisemblance et l’absurdité, nous voyons Apaturius enlever sa scène (scenam sustulit) et en refaire une autre, conforme aux principes de la vérité imitative. Cela paroît prouver que la scène d’Apaturius étoit peinie sur une toile mobile.

Au reste, on peut croire que la peinture des scènes fut une des causes qui purent amener dans l’ornement et les décorations peintes des Anciens, beaucoup d’inventions et d’idées capricieuses. Peut-être est-ce là qu’on peut trouver, sans trop d’invraisemblance, les modèles de ces décorations d’architecture arabesque, dont les peintures d’Herculanum et de Pompeia nous offrent un si grand nombre d’exemples. Il est assez probable que les peintres de scènes dûrent être aussi les peintres de ces décorations d’intérieur, où leur pinceausejouoit en toute liberté, et pour lesquelles probablement ils trouvoient des yeux, déjà habiltués aux ; caprices que le théâtre avoît propagés et accrédités.

Il faut dire encore, que de toutes les compositions architecturales des Anciens, celles de leurs scènes, d’après les vestiges qu’on en connoit, et les descriptions qui en restent, furent les ouvrages où l’architecture se donna le plus de liberté.

Dans le fait, ce qu’on appeloit, comme on l’a vu, scène, n’étoit poiat un véritable édifice. Ce n’étoit à proprement parler, qu’une devanture, qu’un frontispice purement décoratif, ou, si l’on veut, un mur orné d’architecture, et par conséquent un ensemble libre de toute sujétion. C’est bien probablement à cette liberté, à cette absence d’emploi, qu’on peut attribuer le goût assez général de la disposition et de la décoration, tant de l’ensemble, que des détails de ces ouvrages. On y trouve les ordres appliqués, et les colonnes réparties avec beaucoup moins de correction qu’ailleurs. Il n’est pas rare d’y voir les colonnes accouplées, comme au théâtre d’Antium et au théâtre de Pola. Les niches y sont multipliées. Il y a pour toutes. les sortes d’objets de décoration, des champs réservés, sans aucune raison qui semble les rendre nécessaires. Tout prouve que la scène étoit une construction véritablement, et on pourroit dire, uniquement destinée au plaisir des yeux, comme aussi à donner une idée de richesse, d’élégance et de variété analogue au spectacle.

Le plus souvent, la scène se composait de deux étages de colonnes l’un au-dessus de l’autre. On voit encore au mur de la scène du théâtre d’Orange, les arrachemens des pierres qui indiquent cette double ordonnance.

Selon Vitruve (l. 5, ch. 7), la scène devoit se composer ainsi. Dans le bas, dit-il, règne un stylobate continu, ayant en hauteur la douzième partie du diamètre de l’orchestre. Les colonnes qu’on y place, y compris le chapiteau et la base, ont en hanteur le quart de ce même diamètre. La hauteur de l’entablement est égale à la cinquième partie de la colonne. Au-dessus de ce rang de colonnes est un autre piédestal continu, qui a, en élévation, la moitié de celui d’en bas. Il reçoit des colonnes plus petites du quart, que celles du rang inférieur. Son entablement a pour hauteur la cinquième partie des colonnes auxquelles il appartient. Quelquefois (continue Vitruve) on y ajoute encore un troisième rang de colonnes, dont le piédestal n’a que la moitié de la hauteur de celui du milieu, et les colonnes aussi, sont d’un quart plus petites, que celles de la rangée qui est au-dessous.

On comprend aisément que ces règles de Vitruve ne reposent que sur une théorie plus ou moins arbitraire ; car, on le répète, aucun ouvrage d’architecture, n’offrit plus de liberté à l’architecte, et par conséquent ne dut présenter plus de variétés dans sa composition.

Rien n’approcha jamais de la magnificence que les Romains portèrent à cette partie de leurs théâtres, ni de la profusion d’ornemens, en tableaux, en tapisseries, en bronzes, eu statues, qu’ils se plurent à y entasser.

Nous lisons dans Pline, que Claudius Pulcher fut le premier qui y déploya toutes les richesses de la peinture. Caius Antonius, enchérissant sur ceux qui l’avoient précédé, fit argenter la scène. Son exemple fut suivi par Lucius Murena. Petreius vint ensuite qui la fit dorer. Quintus Catulus la fit revêtir en ivoire.

Mais nul n’égale Scaurus, qui, pendant son édilité, fit construire un théâtre, non pas, dit Pline, du genre de ceux qu’où élève pour peu de temps. Le sien fut bâti pour durer éternellement, et il pouvoit renfermer quatre-vingt mille spectateurs. Il y pratiqua une scène à trois rangs de colonnes l’un sur l’autre : elle étoit décorée, dans toute sa hauteur, de trois cent soixante colonnes. L’ordonnance inférieure étoit de marbre, et ses colonnes avoient trente-huit pieds de haut. L’ordonnance du milieu étoit de verre, genre de luxe dont on n’a plus revu d’exemple. Les colonnes de l’ordre supérieur étoient en bois doré. Le nombre des statues de bronze placées dans les entre-colonnemens, montoit à trois mille.

Rien, comme on le voit, ne ressemble moins à la scène théâtre grec et romain, que ce qu’on appelle scène sur le théâtre moderne. Ce que nous désignons aujourd’hui par ce mot, est précisément ce que l’on appeloit autrefois proscenium, avant-


scène. C’étoit sur cet espace, qui précédoit la scène, qu’avoit lieu l’action ou le spectacle. Notre avant-scène à nous n’est synonyme de celui des Anciens, qu’en tant que nous donnons ce nom à un espace, qui est l’espace antérieur de celui qui est pour nous la scène.

Le fond de l’espace où l’action se représente, au lieu d’être un corps de bâtisse, d’architecture, ou de décoration permanent et solide, consiste aujourd’hui en une grande toile, ou un châssis, sur lequel on peint tantôt le fond du local fermé, de la pièce intérieure que demande le sujet du drame, tantôt, et selon les divers besoins du spectacle, la vue en perspective, soit des parties éloignées ou renfoncées de ce lieu, soit des fonds de ville, de places publiques, de campagnes, de forêts, de paysage. La partie antérieure de ces différens lieux est figurée par le moyen de châssis en coulisses, sur lesquels on peint, soit les membres de construction ou d’architecture, qui composent l’intérieur du lieu représenté, soit les arbres, plantes et autres objets, de manière à ce qu’ils se raccordent avec ce qui est peint sur la toile du fond.

Les changemens du scène se sont en substituant une autre toile à celle du fond, et d’autres coulisses de droite et de gauche, à celles qui figuroient les parties latérales de l’intérieur, ou de l’espace quelconque renfermé par la scène. Voy. THÉATRE.

SCÉNOGRAPHIE, s. f. C’est à proprement parles, et d’après la composition de ce mot, l’art de peindre des scènes, et ce mot seul nous apprendroit, à part des notions contenues dans l’article précédent, que la peinture fit très-souvent les frais de la décoration des scènes, soit sur les théâtres qui n’avoient pas de scène en architecture solide et réelle, soit dans les cas où des toiles mobiles, selon que l’exigeait le sujet des pièces, venoient couvrir, plus ou moins, la scène construite et décorée à demeure.

Mais le mot scénogrophie, par suite des opérations qu’enseigne la science de l’optique, nécessaire à l’exécution de ces sortes de peintures, a donné son nom, ainsi que nous le voyons dans Vitruve, à l’art que nous appelons perspective. (Voyez ce mot. )

SCIAGE, s. m. On appelle l’effet AINSI Qui provient de l’’action de la scie, DANS LES matières OU DANS LES corps Qui were Soumis à action this.

On appelle bois de sciage, Celui Qui was refendu Dans Une grosse pièce par les scieurs de longtemps. Telles Sont Les Planches de differentes épaisseurs ; Tels Sont Les madriers, chevrons les, les solives, etc.

SCIE, s. f. Lame de fer ou d’acier, plus ou moins large et longue, dentelée ou non dentelée, dont on se sert pour scier les marbres, les bois, etc. La scie en montée différemment, et reçoit des noms divers, selon la diversité de ses usages, ou des matières auxquelles on applique son action. On dit :

Scie en passe-partout. C’est celle dont la lame est dentelée, ayant à chaque extrémité un anneau ou œil, dans lequel on met un morceau de bois rond servant de manche. On les emploie à couper certaines pierres tendres ; alors les dents ne sont pas ce qu’on appelle détournées. Ou s’en sert pour couper les grosses pièces de bois. Dans ce cas, les dents de la lame sont détournées à droite et à gauche alternativement, avec un tourne-à-gauche.

Scie sans dents. Est celle dont la lame est droite et unie dans sa monture ; elle sert à scier les marbres et les pierres dures. On favorise l’action de son frottement en versant dans ce qu’on appelle le sciage ou du grès pulvérisé, ou du sablon mêlé avec de l’eau.

Scie à scier de long et à refendre. Scie dont la lame est dentelée, ajustée, dans le milieu de sa monture, ayant un affutage ou main à chaque extrémité. Elle sert à refendre les bois de charpente et de menuiserie.

Scie de charpentier. Est une grande lame dentelée, ajustée dans sa monture, dont les charpentiers se servent pour débiter les bois de longueur, et faire les entailles pour les paumes et tenons.

Les menuisiers ont encore différentes scies, qui chacune ont leur nom, selon le genre de leur emploi. Mais cette nomenclature deviendroit par trop étrangère à la construction en général, et à ce qui est le principal objet de ce Dictionnaire.

SCIER, v. act. Couper du bois ou toute autre matière avec une scie.

SCIEUR, s. m. Nom qu’on donne à l’ouvrier qui scie. On appelle scieurs de long, ceux qui scient des poutres, pour en faire des ais, de madriers, des solives.

SCIOGRAPHIE, s. f. Il paroît qu’on devroit écrire scia, le mot venant des deux mots grecs scia, ombre, et graphein, représenter. Il signifie représentation de l’ombre ou par le moyen de l’ombre. Galiani pense qu’il faut lire dans Vitruve scenographia au lieu de sciographia, qui dans tous les cas ne seroit qu’une partie de l’orthographia.

SCIURE, s. f. Poudre qui tombe de la matière qu’on scie.

SCOTIE, s. f. C’est le nom d’une moulure dont l’architecture fait fréquemment emploi. Son nom vient du grec scotias, obscur, ténébreux, parce que cette moulure étant profondément creuse, reçoit effectivement ou produit beaucoup d’ombre dans sa cavité.

La scotie est donc une moulure concave qu’on pratique le plus ordinairement entre les tores de la base d’une colonne ; elle se termine par deux filets ou deux petits membres carrés.

On l’appelle quelquefois nacelle, membre creux et trochile, du mot grec trochilos, qui signifie une poulie.

La scotie se place surtout aux bases attiques et corinthiennes. L’usage est d’en placer deux dans la base corinthienne. On les nomme, l’une supérieure, l’autre inférieure. Cette dernière est plus grande que l’autre.

SCULPTURE, s. f. (Art de sculpter.) Cet art considéré dans les élémens d’imitation de la nature qui lui sont propres, et dans sa théorie spéciale, étant indépendant de l’architecture, sembleroit n’avoir aucun droit de trouver place dans ce Dictionnaire.

Si toutefois nous l’y faisons entrer, ce sera, comme nous avons déjà fait à l’égard de la peinture, uniquement sous les rapports que son travail et ses ouvrages ont avec l’art de bâtir. Or, j’en trouve trois principaux, dont le développement importe aux connoissances de l’architecte.

Le premier consiste dans les divers emplois que l’architecture en fait ; le second dans la valeur qu’un emploi bien entendu de la sculpture peut donner aux édifices ; le troisième rapport est celui de l’accord qui doit régner entre le style et le goût du sculpteur, et le style ou le goût du monument auquel ses ouvrages s’appliquent.

C’est à quelques notions fort générales sur ces trois points, que nous restreindrons cet article, en renvoyant aux mots Bas-relief, Buste, Ornement, Statues, etc.

Des divers emplois de la sculpture dans les édifices.

Si l’on vouloit chercher dans la nature même des choses (ce qui paroît toutefois assez inutile) quel est le principe de la liaison de la sculpture avec l’architecture, il suffiroit de considérer l’espèce de ressemblance qui existe entre les deux arts, dans l’ordre seul de la matière dont leurs travaux dépendent. En effet, les œuvres de la sculpture ne se produisent aux yeux, que par l’entremise formelle des matériaux qu’elle emploie ; et l’architecture aussi n’acquiert de consistance, qu’à l’aide des matières qu’elle met en œuvre ; si bien que, réduit à la simple idée de l’exécution mécanique, l’art de bâtir ne parvient à réaliser ses conceptions qu’en usant de la plupart des procédés et des moyens pratiques, qui lui sont communs avec l’art de sculpter.

L’art du sculpteur étant entré nécessairement, dès l’origine de l’architecture, dans l’élaboration matérielle des édifices, il fut très-naturel qu’elle se l’associât plus intimement, dès que le goût se développant, il lui fallut faire servir les ornemens même à varier les inventions, à caractériser les différens modes, à multiplier les formes, les combinaisons et les effets de ses ouvrages.

L’art du sculpteur, par exemple, devint indispensable à l’architecte pour établir cette variété, de caractère, qui fixe le genre propre de chacun, des ordres. On comprit que les proportions affectées aux formes constitutives de chaque mode d’ordonnance, acquerroient encore une vertu nouvelle et une action plus certaine sur les sens et sur l’esprit, lorsqu’une mesure plus ou moins grande et un choix diversement gradué d’ornemens, se trouveroient mis eu rapport avec les impressions dépendantes de leur type caractéristique. Ainsi l’ordre dorique, qui exprime la force et la solidité, n’eut point à réclamer de la sculpture, l’élégance et le luxe d’ornemens qui conviennent aux deux autres ordres. Les triglyphes, représentation commémorative de la construction primitive en bois, excluant dans la frise tout autre parti de décoration, les intervalles qui les séparent surent les seuls espaces que le sculpteur put remplir. Du reste tous les profils, soit du chapiteau, soit de l’entablement, dûrent rester lisses, et l’on citeroit à peine dans l’antiquité grecque une exception à cette règle. L’ionique dut au contraire à la sculpture, et l’élégance de son chapiteau, et les détails diversement variés de sa frise, de ses mutules, des tores de sa base, de toutes les moulures découpées de sa corniche. La sculpture fut encore appelée à prononcer avec toute l’énergie de ses moyens, le plus haut caractère de la richesse dans toutes les parties de l’ordre corinthien. Il suffit de citer le chapiteau de ce nom, pour faire sentir et comment la sculpture, dans cet ordre, se trouva identifiée à l’architecture, et combien les ressources de l’ornement ajoutent de valeur à celles des proportions.

Plus de développemens à cet égard seroient inutiles. L’on voit que l’art de sculpter est, dans la réalité, partie nécessaire de l’architecture, qui lui doit un des plus énergiques moyens de son langage, en tant qu’il sert puissamment à en fixer les idées, à les rendre intelligibles, et à renforcer ses impressions.

Mais outre cet emploi, qu’on peut appeler obligé, de la sculpture dans les œuvres de l’architecte, qui pourroit nombrer tous les genres d’obligations que lui a l’architecture ? Il suffit de penser que l’art des ornemens est la moindre des parties de l’art de sculpter, lequel comprend deux grandes divisions, celle des bas-reliefs et celle des statues.

L’emploi des bas-reliefs offre surtout aux édifices, non-seulement une décoration que rien ne sauroit remplacer, mais encore le moyen le plus facile de rendre leur destination sensible.

On ne sauroit dire sous combien de rapports et


à combien de parties des édifices. les Anciens firent servir la sculpture en bas-relief. Peut-être seroit-ïl plus facile, et surtout plus court, de désigner les parties qui paroissent n’avoir jamais reçu de figures en bas-relief. On parle ici de l’architecture grecque, car on sait assez qu’en Egypte, l’usage presque général l fut de couvrir la totalité des édifices, et de chacune de leurs parties, avec de la sculpture hiéroglyphique en bas-relief, exécutée selon les divers procédés de ce pays.

On avouera que les sculptures en bas-relief des Egyptiens, ne furent réellement autre chose dans leur emploi sur les édifices, que de véritables inscriptions, et il faut dire que c’est naturellement à cette fonction que doit s’arrêter l’art dont on parle, lorsque des causes puissantes empêchent le développement de l’imitation, Chez les Grecs, où la sculpture ne trouva point, même dès son origine, autant d’entraves qu’en Egypte, on voit cependant que tes bas-reliefs appliqués à l’architecture ne furent aussi d’abord qu’une sorte d’écriture. (Voyez BAS-RELIEF. ) Lors même que l’imitation eut fait des progrès en tout genre, il faut reconnoître que les figures, tout en recevant la plus grande perfection, ne s’écartèrent point du système, qui tendoit à les faire regarder comme des signes convenus, comme les caractères d’un mode d écrire et du retracer les idées des choses et des personnes, sur des fonds dont on n’étoit libre de disposer, qu’au gré, et selon les convenances de l’architecture.

Il est en effet permis de croire que l’emploi de la sculpture en bas-relief, ne sortit jamais de la sphère des attributions architecturales. Je m’explique Dans les temps modernes, comme on le sait, les sculpteurs se sont exercés à exécuter des bas-reliefs, en quelque sorte comme des tableaux, c’est-à-dire indépendans de toute destination fixe, et surtout de l’emploi ou de l’application qu’on en peut faire à l extérieur des édifices. De-là naquit ce genre pittoresque, qu’on remarque même aux ouvrages du quinzième siècle, où des vues perspectives donnent aux compositions, des lointains qui détruisent pour l’effet, et pour les yeux, l’apparence du fond réel, ou de la superficie sur laquelle les figures se détachent. C’est là le genre de bas-relief que la sculpture antique ne nous présente point, et soit qu’on prétende que ce fut, chez les Anciens, système raisonné, ou seulement ignorance de la part du sculpteur, des procédés de la perspective linéaire, on peut affirmer qu’on n’en trouve aucune trace.

Je suis très-porté à croire que cela est dû, en grande partie, à cet emploi si général et si multiplié, que l’architecture fit de la sculpture en bas-relief. En effet, il faut encore regarder comme ouvrage de l’architecture, ce nombre infini d’objets, tels que vases, trépieds, candélabres, autels, cippes funéraires, urnes sépulcrales, etc. D’où provient cette multitude de bas-reliefs antiques, aujourd’hui séparés des monumens sur lesquels ils furent exécutés.

Ainsi tout nous dit, dans quel esprit l’architecture antique employoit la sculpture de bas-relief. Or, il nous semble que le simple bon sens doit toujours en prescribe le même emploi, soit dans les frises des entablemens, soit autour des murs d’enceinte, soit sur les vases. , et sur toute superficie qui ne sauroit admettre l’idée d’un renfoncement.

A moins, en effet, de quelque cas particulier, où la sculpture en bas-relief se trouvera appelée à remplacer la peinture, dans un cadre donné et indépendant de la construction du monument, l’emploi que la nature des choses lui assigne, doit constamment se réduire à être une sorte d’écriture figurative, c’est-à-dire que les personnages, les faits et les choses qu’elle représente, doivent, autant pour son intérêt que pour celui de l’architecture, se développer sur un petit nombre de plans, et de manière à ce que la superficie des membres ou des parties de l’édifice n’en soient ni n’en paroissent altérées.

Quant à la sculpture en statues, tout le monde en connoît les emplois divers dans l’architecture, et on sait assez sous combien, de rapports elles contribuent à l’embellissement des édifices, soit qu’on les place comme couronnemens de leurs sommets, soit qu’on les adosse aux murs, soit qu’elles occupent les intervalles des colonnes, soit qu’elles remplissent les niches qu’on leur destine.

La connoissance plus exacte que les voyageurs nous ont donnée de plus d’un temple en Grèce, nous a révélé un emploi des statues, qui pourroit avoir été plus fréquent qu’on ne pense, et sur lequel on n’avoit eu précédemment que des notions conjecturales. Je veux parler des statues placées dans les tympans des frontons. Il est avéré, par les figures mêmes qu’on a déplacées des frontons ruinés du temple de Minerve à Athènes, et qui ont été transportées a Londres, que l’espace intérieur de ces frontons étoit occupé de chaque côté du temple, par plus d’une vingtaine de figures qui étoient des statues susceptibles d’être isolées, et aussi bien terminées dans la partie adossée au tympan que dans celle qui faisoit face an spectateur. Pareil emploi de statues avoit eu lieu dans les frontons du temple d’Epine, ainsi que l’ont prouvé les restes de statues trouvés au bas des frontispices de ce temple, parmi les débris ou ils s’étoient conservés, Ces faits bien constans ont fait présumer que certaines suites de statues antiques, telles que celle de la famille de Niobé, avoient pu occuper de semblables espaces. Cet emploi jusqu’ici inconnu des statues dans les édifices, ne doit pas cependant exclure celui de la sculpture en bas-relief appliquée aux frontons ; l’on peut croire même que la grande saillie des statues ne permit de les y placer, qu’à raison de la profondeur que le fronton recevoit ; et cette profondeur étoit une des conséquences naturelles de la grande


projecture des membres et des profils de l’ordre dorique.

De la valeur que la sculpture donne aux édifices.

Quand on se figure ce grand nombre d’emplois affectés à la sculpture, dans les ouvrages de l’architecture, il est facile d’imaginer tout ce que ce dernier art en reçoit de valeur, tant pour le plaisir des yeux que pour celui de l’esprit. Combien de superficies et d’espaces donnés par la construction, commandés par la solidité, et par une multitude de besoins ou de sujétions, resteroient insignifians, et vides d’effet, comme d’impression sur les sens, si la sculpture ne venoit, avec les variétés de ses ornemens, en rompre la monotonie, en corriger la froideur ! A ne considérer les travaux de la sculptureque sous ce rapport, on est obligé de reconnoître qu’ils deviennent pour l’architecture, un moyen dont la privation elle-même ne laisse pas de contribuer à caractériser les édifices. S’il en est qui doivent leur valeur au luxe et à l’abondance des sculptures d’ornement, il y en a d’autres dont l’effet, l’impression et la beauté tiennent précisément à l’absence totale de ces accessoires. Qu’on suppose un pays où l’architecture, sans aucune coopération de la sculpture, seroit réduite à l’uniformité de la matière, et aux seules variétés de formes ou de proportions, il n’est pas malaisé de pressentir ce quo cette sorte d’unisson produiroit d’indifférence, sur le plus grand nombre des hommes.

La sculpture, par tout ce qu’elle répand da variétés dans les édifices, semble en quelque sorte leur donner un principe de vie ; elle en multiplie les espaces en les diversifiant, elle y crée des besoins qui deviennent des plaisirs, elle y introduit des objets de comparaison, qui font mieux apprécier les distances et les dimensions, elle fournit à la vue des échelles de rapports et de mesures.

Est-il nécessaire de dire à quel point, les sujets que l’architecte demande au sculpteur, de traiter sur les emplacemens qu’il lui fournit, contribuent à satisfaire l’intelligence et l’esprit du spectateur, soit en l’instruisant de la destination du local, soit en lui retraçant les souvenirs qui s’y rattachent, soit en éveillant en lui des idées qui ajoutent le charme de l’impression morale, au plaisir de la sensation physique ? N’est-ce pas au choix ou judicieux ou ingénieux des objets, soit historiques, soit poétiques ou allégoriques, que te ciseau du sculpteur retrace, tant en dedans qu’au dehors des édifices, que le spectateur doit de pouvoir apprécier avec la connoissance même de l’emploi d’un monument, cet heureux effet de l’harmonie morale, qui en met toutes les parties d’accord aven l’ensemble, et fait respectivement servir à un but commun l’utile et l’agréable ?

Si tels sont les avantages que l’architecture retire de son union avec la sculpture, on conçoit combien il importe à la valeur même des édifices, que les différent genres d’ornemens produits par le ciseau, n’y soient pas (comme cela arrive trop souvent) des espèces de lieux communs qui se rencontrant partout, ne disent rien nulle part. Sans doute, l’architecte a quelquefois besoin de remplir certains vides, d’occuper l’œil du spectateur, de sauver quelques irrégularités, ou d’établir quelques points de symétrie, et l’on connoît une multitude d’objets et d’inventions banales qui viennent sans peine se présenter à la routine du décorateur. C’est au choix de ces objets qu’on reconnoîtra le goût de l’architecte. Il n’y en a point dans ce grand répertoire d’ornemens qu’on répète trop souvent sans raison, qui ne puisse, par des accessoires significatifs, par des ajustemens nouveaux, retrouver une valeur de signification analogue au monument où on l’appliquera.

De l’accord du style de la sculpture avec celui de l’architecture.

Quelle que soit la valeur que les édifices doivent aux œuvres de la sculpture, il y a, comme on vient de le voir, à côté de ces avantages, des inconvéniens à éviter. L’abus nuit toujours de l’usage et il est dans la nature de tout usage, que l’un perde de vue le principe de son utilité. La routine familiarise les yeux avec des objets, auxquels l’esprit s’habitue a ne plus demander de signification. L’architecte lui-même finit souvent par employer les signes ou les images des objets, comme feroit celui qui associeront les caractères dé l’écriture, sans s’informer du sens qu’ils peuvent former. Cet abus arrivera surtout si l’architecte, cessant d’être l’ordonnateur de l’ensemble et des moindres détails, laisse ou libre arbitre du sculpteur, et le choix des ornemens, el le choix du style, du goût, et de la manière des objets, soit en bas-relief, soit eu statues qui s’associeront à son architecture. Cet accord de style entre les deux arts est bien plus important qu’on ne pense.

Ce qu’on appelle style ou manière, dans les arts du dessin, est une qualité qui peut s’entendre, se sentir, ou se définir diversement ; mais entre les différentes idées qu’on en donne, la plus sensible est celle qui résulte avec évidence de son effet, parce qu’elle est facile à saisir par les yeux. Selon celle idée, le style est ce qui donne aux ouvrages de l’art, une physionomie particulière et tellement distincte, que personne ne s’y méprend. Ainsi il n’y a pas moyen de confondre la sculpture antique, par exemple, avec celle de Bernin, ni les statues composées, exécutées dans un principe simple, dans des attitudes le plus souvent rectilignes, avec celles où un désir désordonné do variété, s’étudia d’introduite les effets pittoresques, les poses contrastées, tes mouvemens hors de tout aplomb.


Or, il s’agit de savoir, lequel de ces deux systèmes de sculpture convient le mieux à l’architecture. Mais évidemment cet art, en admettant les statues dans sa décoration, ne peut leur donner que des emplacemens, qui se composent de formes plus ou moins régulières, et surtout de lignes droites dans les élévations. Le seul sentiment de l’accord ou de l’harmonie des lignes, indiquera donc que les statues, soit nues, soit drapées, dans des poses et avec des ajustemens, que nous appellerons à l’antique (pour les définir d un seul mot), si on les place, ou entre des colonnes ou dans des niches, y seront un meilleur effet que celles dont les mouvemens, les membres, les draperies volantes, contrasteront avec les masses ou les formes environnantes. Il en est de même des statues décoratives, qui surmontent les faites ou les couronnemens des monumens. Quelques critiques ont blâmé l’emploi des statues situées dans ces sortes d’emplacemens, sous le prétexte, que là ou l’on ne sauroit supposer la présence d’hommes vivans, on ne devroit pas s’en permettre la représentation. Idée fausse, et qui n’est qu’une des nombreuses méprises du goût moderne, dans les convenances de l’imitation, que l’on confond avec cette illusion, dont le propre est de faire prendre l’image pour la réalité.

Il est douteux que jamais les Anciens aient entendu sous ce rapport, l’imitation qui appartient surtout à la sculpture, où le seul manque de couleurs naturelles, est un invincible obstacle à cette déception, qu’on regarderoit comme le but ou le chef-d’œuvre de l’art. Mais de quelque minière que le statuaire l’entende, et à quelque point qu’il se propose de porter l’effet de son imitation, sur les sens du spectateur, toujours faut-il convenir que l’architecte est tenu d’en considérer tout autrement les productions. Jamais il ne peut avoir dans l’intention d’employer les figures, c’est-à-dire de les faire considérer comme êtres vivans. Les statues ne sont pour lui que des statues ; el la sculpture, soit par les ouvrages en bas-relief, soit par les simulacres en ronde bosse, n’est dans ses vrais rapports avec l’architecture, qu’un moyen d’orner les édifices, d’expliquer leur destination, et d’y ajouter un nouvel intérêt.

Toutefois ou voit que les deux arts travaillent en quelque sorte de concert, emploient des instrumens communs, et s’exercent en général sur la même matière. Or, voilà ce qui rend encore indispensable entr’eux, un même goût dans le travail, un même genre de procédé dans l’élaboration de la matière. Selon la dimension des édifices, selon l’ordre qui y sera employé, selon le degré de caractère plus ou moins sévère, plus ou moins riche ou gracieux, le ciseau du sculpteur est tenu de donner à ses ouvrages, plus ou moins de largeur ou de pureté, plus ou moins de hardiesse où de précision, plus ou moins de saillie ou de douceur ; et cette harmonie de caractère, dont il est si facile de reconnoitre la nécessité à l’égard des ornemens, et des sculptures adhérentes aux fonds même ou aux masses de l’architecture, on comprend aussi qu’elle n’est guère moins importante dans l’exécution des statues, quoique moins étroitement liées à la construction.

Cette théorie de goût ne s’adresse toutefois qu’à l’emploi des statues, que l’architecte introduit dans ses compositions, comme destinées à en faire partie, soit pur le rôle qu’elles doivent y jouer sous le rapport de décoration, soit par celui que leur impose la destination de l’édifice. Mille raisons, mille convenances peuvent donner accès à des statues, auxquelles ne sauroient s’appliquer ces considérations, susceptibles sans doute de plus d’une sorte de modification et de temperamens.

SEC, SÉCHERESSE, s. f. Le dotant qu’on appelle ainsi, dans les arts du dessin, paroit tenir particulièrement au procédé d’exécution, parce que son effet est de nature à affecter surtout les yeux qui en jugent sacilement.

L’effet de ce qu’on appelle sécheresse, eu peinture, résulte surtout d’un manque de sondu dans l’emploi des teintes, ou d’une application des couleurs, telle que les contours des figures restent tracés, avec un excès de pureté, qui les empêche de tourner de se mêler avec le sond. Cet effet peut provenir encore d’un excès de petits détails dans la délinéation méme des objets, d’une prétention à faire, par exemple, compter les cheveux, les poils, les plus légères modifications de l’épiderme. On n’a besoin, pour se figurer ce qu’est la sécheresse, que de se rappeler les premiers ouvrages de la peinture à la renaissance, an quatorzième siècle.

Les mêmes défauts sont remarquables dans les premières sculptures de ce temps La maigreur des formes, le soir excessif des plus légers détails, une trop grande finesse d’outil même, produisent lasécheresse dans les œuvres de la sculpture.

Il nous paroit donc qu’à l’égard de l’architecture, l’effet de la sécheresse sera aussi plus particulièrement rendu sensible, dans cette partie de l’art, qui dépend du travail de la matière, et de l’emploi du ciseau : non que l’architecte ne puisse encore y concourir, en multipliant par trop les membres, en ne laissant point entr’eux les intervalles nécessaires au développement qu’exigent les yeux. Mais il est évident que lu manière seule de traiter soit les profils, soit les ornemens, avec trop de maigreur, avec des angles trop aigus, avec un outil si l’on peut dire trop tranchant, donnera aux formes une sorte d’aspérité. Trop de petites parties souillés entre des filets, des listels, ou des tures pressés eu quelque sorte les uns contre les autres, produiront des ombres multipliées, de petits qui donnent a l’aspect général cette dureté qu’on appelle de la sécheresse.


SECTION, s. f. Se dit du point de ous des lignes se coupent, et encore de la ligne Dans Laquelle des plans se rencontrent.

Section se dit also de la superficie d’un corps, après Qu’on en une partie retranché juin. Ce est la superficie apparente d’un corps coupé.

SEGESTE, ville antique de Sicile, dont on voit encore des rentes, assez distants de l’endroit où existe aujourd’hui le temple dont on parlera tout a l’heure, lequel peut-être en était jadis aussi éloigne, si l’un suppose que la ville étoit plus voisine de la mer.

Du reste on trouve à quelque distance de ce temple. , des fragmens d’anciennes voûtes fort ruinées, des vestiges assez informes d’un théâtre qu’on distingue à peine, des débris de citernes, construites en pierres d’une grande dimension. Tout indiqua qu’il y avoit là une ville considérable. Mais il faudroit faire sur ces terrains auiourd’hui fort déserts, des recherches particulières, pour reconnoitre quelle fut la forme et quelle fut l’êtendue du cette ville.

C’étoit, à ce qu’il semble, avant d’arriver à la ville même de Segeste, mie s’élevoit le superbe temple consacré, dit-on, a Cérès, dout il subsiste aujourd’hui le corps le plus intègre qui te sait peut être conservé dans toute l’antiquité. On entend parler de la colonnade qui environnait la cella, et dont toutes les colonnes sont encore debout, avec les deux frontons du pronaos et du posticum.

Le plan du temple est un carré long de cent soixante-dix-sept pieds, sur soixante-quatorze dans les côtés, en comptant les colonnes d’angle. Les colonnes ont vingt-huit pieds six pouces de haut, et six pieds quatre pouces de diamètre. L’entre colonnement général est de sept pieds un pouce, excepté entre les deux colonnes qui formoient l’entrée, ce qui fait une différence de neuf pouces en plus, mais qui devient insensible à lœil. L’entablement a dix pieds dix pouces de hauteur.

Le fronton est fart surbaissé, ce qui fait que le temple n’a eu tout que cinquante-huit pieds d’élévation, en y comprenant même les trois degrés qui règnent au pourtour. Les colonnes ont de dix à treize assises de pierres. Ce qui forme une singularité au temple de Segeste, c’est que les colonnes ont une enveloppe de matière, qui excède leur diamètre de deux ou trois pouces, et dont elles sont entourées dans toute leur hauteur. Les bossages conservés pour la commodité de la construction existent encore aux bases des colonnes, ainsi qu’à beaucoup de pierres du soubassement, ou des gradins du temple qui ne sont point enterrés. On trouve de ces bossages répandus dans beaucoup d’autres partiel de cette construction, et même à quelques pierres des frontons, ce qui sembleroit in liquer que ce temple u’a point été absolument terminé, ni dès-lors consacré. Peut être est-ce par cette raison qu’il aura échappe, etant surtout eloigné de la ville, aux incendies et aux pillages des barbares.

Nous avons emprunté ces détails au quatrième volume du Voyage pittoresque de Naples et de Sicile, par l’abbé de Saint-Non, qui est, jusqu’à présent, l’ouvrage où le temple de Segeste soit le mieux décrit. On en trouve dans le voyage de William Wilkins un dessin plus rendu, mais accompagne de peu d’observations. Nous devons donc relever quelques erreurs dans l’extrait qu’on vient de rapporter.

Et d’abord ce n’est pas une singularité particulière au temple de Segeste, que telle espèce do tambour, comme le nomme la description, qui excède le fût de la colonne et l’entoure dans toute sa hauteur. On peut voir a l’article CANNELURE, ce qui est dit de cette sorte d’enveloppe qu’on trouve aux colonnes du temple de Segeste, ainsi qu’à celles du temple de Thoricion, et je crois encore à quelques autres temples d’ordre dorique grec. Cette prétendue enveloppe n’est autre chose que l’excédant de matière laissé au diamètre de la colonne, pour être abattu lors de l’exécution des cannelures, ainsi qu’on l’a sait voir, par un procédé extrêmement simple, à l’article cité.

Or, rien ne confirme mieux l’opinion que le temple de Segeste n’avoit point été terminé. Ce fait étant rendu constant, explique aussi les petits bossages laissés à un grand nombre de pierres, et doit démentir l’idée qui semble avoir été adoptée dans son dessin par William Wilkins, savoir, que c’eût été un ornement du soubassement.

Reste encore dans ce monument un objet de doute ou de discussion. Les pierres qui, sous chaque colonne, leur font, dans l’état actuel, un socle ou une base carrée, étoient-elles destinées à jouer ce rôle, ou bien les intervalles qui les séparent aujourd’hui, devoient-ils etre remplis par des pierres d’une égale bailleur, ce qui auroit donné au temple un degré de plus ? William Wilkins, dans son dessin, adopte cette dernière opinion. Or il nous paroit que ce temple supposé terminé, étant entièrement conforme a tous ceux d’ordre dorique grec qu’où connoit, et dont toutes les colonnes sont constamment privées de base dans ces colonnades périptères, on doit conclure que les prétendus socles carés du temple de Segeste, ne-sout qu’une nouvelle preuve d’un édifice non achevé.

Il ne manque à l’extérieur de ce temple, que quelques pierres du fronton, détachées et renversées sans doute par quelqu’accident particulier. La seconde colonne de la face orientale, ayant été endommagée par le tonnerre, elle a été réparée autant qu’elle pouvoit l’être. L’intérieur de cette colonnade est absolument vide. Il saudroit y faire des souilles, pour s’assurer si l’on y avoit construit, ou seulement commencé le mur de la cella.

SELINUNTE, anciennement SELINUM, ville an-


tique de Sicile. Diodore de Sicile nous apprend que celle ville fut entièrement pillée par Aunibal, que ses maisons lurent brûlées et abattues ; mais il n’est pas dit précisément qu’il en ait sait renverser les temples ; on peut mémo conclure le contraire du texte de cet écrivain.

L’étal de ruine dans lequel se présentent anjourd’hui les restes des temples de Selinunte, montre assez que leur destruction fut effet d’une toute autre cause. Il est aisé de voir par l’ordre qui règne dans la position des matériaux, parles parallèles qu’ils out conservés dans leur chute, par les lignes droites où se trouvent encore des morceaux entiers d’entablement, que la démolition y a été l’ouvrage de violentes secousses de tremblemens de terre, qui auront renversé toutes les colonnes, et dans une direction uniforme, c’est-à-dire du couchant a l’orient.

Le plus petit de ces temples, celui du milieu, a conservé en place toutes les assises de ses colonnes. Cet édifice avoit six colonnes de face sur treize dans ses slance, en comptant deux sois celles des angles. Elles ont cinq pieds cinq pouces de diametre et leur entre-colonnement est de huit pieds cinq pouces. Elles sont cannelées, sans base, et portent sur le degré supérieur du soubassement. Ce temple paroît avoir été le plus achevé et le plus soigné dans ses détails, mais il est plus ruine que les autres dans sa partie intérieure.

Le second temple placés près du précédent, et dans une ligne parallèle à lui, est beaucoup plus ruiné el donne moins de prise au dessinateur, qui cherche à en rassembler les élemens. Il avoit également six colonnes dans ses sronts, et treize dans ses flancs, en comptant deux fois celles des angles. Ses dimensions sont plus considérables. Du reste, c’est le même style d’ordre dorique.

Les dessinateurs du Voyage pittoresque de l’abbé de Saint-Non, passèrent des ruines de ces deux temples à celles du plus grand de tous, qu’on croit avoir été le temple de Jupiter Olympien. Il étoit d’une dimension qu’on doit appeler colossale. Le diamètre des colonnes, à leur assise inférieure, étoit de dix pieds, et la mesure de l’eutre-colonnement etoit égale à’ celle de ce diamètre. Ce temple étoit un pseudodiptère. Il avoit huit colonnes de sront et seize aux ailes, ou slancs.

Tout l’emplacement do ce vaste’ édifice est couvert de blocs de pierres énormes, entas ées les unes sur les autres. Quelques-unes plus distinctes par la position que leur a donnée leur chute, laissent mieux apercevoir la place qu’elles ont dû occuper. Certaines pierres de l’entablement ont vingt-quatre pieds dix pouces de longueur. Il paroit que l’intérieur de dix temple étoit décoré de deux ordres de colonnes l’un sur l’autre.

On remarque dans les colonnes des sronts et dans celles des flanes, que quelques-unes seulement furent cannelées, ce qui prouve que ‘l’achèvement vement du monumens fut interrompu pu pur la guerre, et que depuis, les circonstances obligèrent de laisser l’ouvrage imparsait.

Nous n’avons sait mention ici que de trois temples, dont le Voyage de l’abbé de Saint-Non donne une description abrégée. Nous devons dire cependant qu’on y trouve encore la notion de l’existence de trois autres temples du même ordre dorique grec, également renversés, mais dont les matériaux peuvent fournir aux dessinateurs les moyens d’en restituer l’ensemble.

Il manque ainsi, comme on voit, aux antiquités de la Sicile, un ouvrage qui en embrasse toutes les parties. Nous terminerons cet article, avec le regret de n’avoir pu profiter des lumières, que doit répandre sur ce pays un nouveau voyageur (M. Hittorf), mais aussi avec l’espoir que la publication des dessins que nous avons vus, ne laissera plus rien a désirer aux architectes et aux amateurs de l’antiquité.

SELLERIE, s. f. Nom Qu’on Donne Arboisien basse-cour, OU DANS UN lieu voisin des écuries, à la pièce ou L’LIENT en ordre sur les selles et les harnois des chevaux.

SELLETTE, s. f. On appelle AINSI Une pièce de bois moisée, arrondie SES PAR Extrêmités, Posée de niveau, au haut de l’arbre d’engin non, et sur Laquelle are assemble Les Deux Liens Qui présage le sauconneau.

SEMELLE, s. f. Espèce de tirant fait D’une plate-forme, Où sont assemble les pieds de la forme d’comble non, verser eu empecher l’écartement.

SEMELLE D’ÉTAIE. Pièce de bois couchée à plat sous le pied d’étaie juin, D’UN chevalement OU D’UN Pointai.

SÉMINAIRE. s. m. On donne ce nom à un établissement, à une maison de communauté dépendante ordinairement de l’évêché, où l’on reçoit et où l’on instruit les jeunes gens qui se destinent à l’état ecclésiastique, de tout ce qu’ils doivent apprendre pour en remplir un jour les sonctions.

Les enseignemens de ce genre étant assez nombreux, et les études auxquelles ont à se livrer ceux qui doivent recevoir les ordres sacrés, étant assez multipliées, le séminaire participe, sous plus d’un rapport, des établissement d’éducation et d’instruction publique.

Il doit y avoir des salles consacrées aux differens cours, aux diverses sortes d’exercites, et aux réunions qu’ils exigent.

Cette espèce d’établissement devant recevoir un nombre plus ou moins considérable d’élèves qui y sont domiciliés, on y doit pratiquer autant de petites chambres ou de cellules, que la maison soit renfermer de séminaristes. Il y aura en outre des pièces de nécessite, telles que résectoires,


cuisines, offices, de grandes salles destinées à toutes les provisions.

Un séminaire doit avoir une chapelle avec toutes ses dépendances, quelques appartenons pour les supérieurs, une bibliothèque, des corridors pour pouvoir s’y promener à couvert, et une ou plusieurs grandes cours servant de lieux de récréation.

Le caractère extérieur de l’architecture d’un séminaire doit être simple, grave, cl participer de celui des édifices religieux.

SENTIERS, s. m. pl. (Terme de jardinage. ) Ce est Ainsi Qu’on Appelle Dans Les Jardins Soit du genre régulier, Soit du genre irrégulier, de petites allées et de petits chemins Qu’on pratique OU DANS LES parterres, OU DANS LES taillis, bocages, etc.

SEPTIZONE, s. m. , en latin septizonium. Nom qu’on donna jadis à Rome, au mausolée que Septime Sévère fit élever pour lui et sa famille. Suétone, dans la vie de Titus, nous apprend qu’un antre monument du même nom, se trouvoit dans le dixième quartier de la ville. Il semble qu’on peut inférer de-la, que ces monumens, au lieu d’avoir donné leur nom à la forme de construction que la composition du mot nous indique, le reçurent plutôt d’un type déjà consacré et usité longtemps auparavant.

Septizone signifie effectivement édifice compose de sept zones, ou rangs de constructions. Y eut-il de ces édifiées à sept étages, et destinés a d’autres usages, qu’à celui des sépultures ? C’est ce qu’on ne sauroit affirmer. Mais l’histoire nous en montre un très-ancien modèle dans le bûcher d’Ephœstion, dont nous avons donné la description au mot MAUSOLÉE. (Voy. ce mot. ) Lorsqu’ ainsi que nous l’avons fait à cet article, on compare et la disposition de ce monument funéraire, et la forme des bûchers d’apothéose des empereurs romains, à la disposition et à la forme des grands mausolées qui en surent très-certainement les imitations, ou voit que l’usage de ces constructions, pyramidales à plusieurs étages, fut aussi ancien que général chez les Grecs et les Romains.

Le bûcher d’Esphœstion, d’après la description de Diodore, devoit comprendre sept étages en retraite l’un sur l’autre. Les bûchers de consécration sur les médailles nous montrent aussi plusieurs étages, au nombre de trois, de quatre ou de cinq. Ces variétés, s’il faut s’en rapporter rigoureuse ment aux types des monnoies, donneroient à penser que le nombre de sept étages n’avoit rien d’obligatoire. Peut-être ce nombre tenant à quelqu’opinion particulière, ne fut-il point outre-passé dans ces sortes de constructions, et par cette raison, il aura donné son nom à tous les édifices funéraires exécutés selon celle forme.

Quoi qu’il en soit, les restes du septizone de Septime Sévère, que plus d’un dessin nous a fait connoître, s’étaient conservés jusqu’à Sixte-Quint, qui le fit détruire parte qu’il menaçoit ruine. Il paroît qu’il avoit été construit aux dépens d’autres édifices, car on y voyoit des colonnes de diverses matières et de différentes formes. Selon les notions qui nous en ont été transmises, il se composoit de rangs de colonnes adossées à un mur percé par intervalles de petites fenêtres, qui sans doute éclairoient les escaliers par où l’on montoit an faîte de l’édifice. Il ne restoit au temps de Sixte-Quint que les trois rangs de colonnes inférieurs, et c’est en raison de la hauteur de sa masse dépouillée de colonnes, qu’on l’a restitué, avec les sept ordonnances que présentent les dessins qu’on en a faits.

Quelques-uns ont voulu ne faire qu’un seul monument, du septizone de Sévère et de celui qui, d’après la notion de Suétone, existent près de l’endroit où étoit né Titus, c’est-à-dire long-temps avant Septime-Sévère. On a prétendu que le monument dont ce dernier avoit fait son mausolée, étoit un ouvrage commencé long-temps avant lui, et auquel il auroit donné son nom, pour l’avoir terminé et lui avoir affecté sa vraie destination.

On ne sauroit nier que ces monumens aient été multipliés beaucoup plus qu’on ne pense, car il se trouve dans plus d’une ville antique des restes de constructions qui doivent avoir été des septizones, à ne prendre ce mot que sous le rapport d’étages multipliés et en forme pyramidale. De ce nombre surent indubitablement les grands mausolées, qui, avant d’être des constructions en pierre ou en marbre, avoient commencé pur être des montagnes de terre, à plusieurs rangs de terrasses, comme le tombeau d’Alyattes en Lydie et celui d’Auguste à Rome. (V. TOMBEAU, SÉPULCRE. )On doit (architecturalement parlant) regarder comme ayant été des septizones, les phares, ou les édifices servant de fanal, sur les ports de mer (voyez PHARE), et enfin il paroît probable que beaucoup de constructions ou d’habitations particulières, à Rome, auront été disposées et bâties en forme de septizone.

SÉPULCRAL, adj. m. On donne cette épithète à plus d’un ouvrage d’art, soit en sculpture, soit en architecture, destiné à l’usage des sépultures. Ainsi l’on dit : urne sépulcrale (Voyez URNE), inscriptionsépulcrale (voyez EPITAPHE), colonne sépulcrale (voyez COLONNE), monument sépulcral (voyez MAUSOLÉE, SÉPULCRE, TOMBEAU).

Mais on dit aussi caractère sépulcral, et c’est sous ce dernier rapport que je me propose de traiter brièvement la notion qu’exprime le mot de cet article, quoiqu’on en ait déjà parlé au mot CARACTÈRE.

Les institutions modernes n’ont jusqu’à présent offert à l’architecture que peu d’occasions d’édifices consacres aux sépultures. C’étoit jadis, comme on l’a dit plut d’une fois, à l’art de bâtir que l’on


confioit plus ordinairement le soin de conserver les restes mortels de l’homme. Trop de faits et de monumens déposent de cet usage, pour qu’il soit nécessaire d’en rappeler ici le souvenir. Tout le monde sait aussi que le christianisme ayant introduit de nouvelles croyances, les églises el les lieux qui les environnent, devenus dépositaires des corps morts, les monumens funéraires entrèrent plus particulièrement dam le domaine de la sculpture. (Voyez MAUSOLÉE. ) Cependant l’usage assez ancien des cimetières construits et indépendans des églises, s’est renouvelé de nos jours, et il est probable qu’en se propageant, il fournira de nouveau à l’architecture les occasions de monumens qui invoqueront les moyens, c’est-à-dire l’art de leur imprimer le caractère sépulcral. Nous pouvons mettre encore au nombre des ouvrages auxquels doivent appartenir et l’épithète et le caractère sépulcral, certaines chapelles ou constructions religieuses, destinées aux sépultures.

C’est à ces sortes de monumens qu’il importe d’assigner un caractère qui, à l’extérieur d’abord, en annonce bien la destination. Or, il nous paroît que ce n’est point à inventer du nouveau en ce genre, que l’architecte doit viser, mais bien à user de ces formes consacrées par un long usage, de ces types dont tout le monde comprend le sens, et qui, sans le secours d’aucune inscription, apprennent aux yeux leur signification. On trouvera dans les nombreux ouvrages de l’antiquité, un assez grand nombre de formes soit générales, soit de détail, qui perpétuellement et exclusivement appliquées jadis aux monumens funéraires, se sont depuis naturalisées plus ou moins chez les modernes, et se sont introduites dans la langue de leurs arts.

Telle est, sans aucun doute, la forme pyramidale. On n’entend point qu’il puisse être question, dans les usages de notre architecture et de nos institutions religieuses, de renouveler en grand les entreprises des Egyptiens. Il suffit que la forme dont il s’agit soit devenue l’expression la plus simple et la plus claire de sépulture, et qu’elle emporte encore, avec soi, l’idée de durée et en quelque sorte d’éternité, pour qu’il soit, on peut le dire, impossible de la remplacer par un signe plus caractéristique. Un grand nombre de monumens funéraires grecs et romains nous en montre l’emploi réuni, à celui des masses les plus variées, à des colonnades, etc. , et servant seulement de couronnement aux tombeaux construits sur des plans et avec des dispositions que l’Egypte ne connut pas.

Ce mélange, qui trouve de si nombreuses autorités dans l’architecture grecque et romaine, peut encore s’assortir aux monumens funéraires de l’architecture moderne, et aucune autre forme ne pourra donner à leur extérieur le caractère qui leur est propre.

Ce n’est pas que l’architecte ne soit libre de puiser encore dans beaucoup du sarcophages, qui furent aussi taillés à l’instar des édifices, plus d’un détail capable d’imprimer le caractère sépulcral à ses compositions. On veut parler surtout de ces couvercles du tombeaux taillés eu manière de srontons, accompagnés de tes sormes qui se reploient aux angles, et qu’un appelle les cornes, à certains autels quadrilatères.

Quant à l’intérieur d’une chapelle consacrée à la sépulture, l’Italie moderne a plus d’un modèle à nous offrir, des ressources que l’on peut tirer de la couleur même de certains matériaux. Nul doute que la couleur qui affecte si vivement les sens, doive se compter au nombre des moyens qui contribueront au caractère sépulcral. N’employer que de ces sortes de moyens, ce seroit, on en convient, une puérilité peu digne de l’art. Les dédaigner par trop, ce seroit aussi par trop méconoitre la pari qui, dans tous les ouvrages des arts, doit appartenir au sentiment, ou, si l’un veut, à cet instinct, qu’on ne saurait empêcher d’être le juge en première instance de tous leurs effets. Disons donc que des colonnes du marbre noir, que des revêtissemens de granit soncé, ou d’autres matières sombres, produiront nécessairement une impression sérieuse et analogue au local, et que si l’on joint à cet effet, celui d’une certaine obscurité mystérieuse, le caractère sépulcral s’en trouvera sensiblement renforcé. On ne prétend pas remplacer pur ces impressions, si l’on peut dire physiques, celles qui doivent naitre, avant tout, du mode d’architecture, du genre de l’ordonnance, du choix des proportions, des profils, des détails, et même du goût de construction, toutes choses qui constituent le fond de l’art, et sur lesquelles l’artiste doit trouver dans son talent les inspirations nécessaires.

SÉPULCRE, s. m. Ce mot est un des synonymes assez nombreux dans la langue française, qui désignent soit lus lieux, soit les monumens destinés à l’inhumation. Il nous paroît que ce mot, en latin (sepulchrum), étoit plus générique qu’il ne l’est en français, où lu mol tombeau semble avoir aujourd’hui prévalu a l’égard des monumens sunéraires.

Sépulcre, chez les Romains, semble avoir signifié plus particulièrement un local soit creusé ou excavé, soit construit avec plus un moins de frais et d’étendue, et qui pouvoit être destiné à l’inhumation ou à la sépulture d’une samille. C’est le terme, du moins, qu’on trouve le plus ordinairement employé à cette désignation chez les écrivains. Il indique ordinairement une réunion de morts. C’est dans ce sens que l’entend Tertullien, lorsqu’il dit : Qu’est-ce que les sépulcres, sinon des hôtetelleries de cadavres ? Comme le mot tombeau est, en français, celui que l’usage applique le plus généralement aux sépultures, qui sont des


ouvrages de l’art plus ou moins considérables, c’est à ce mot que nous renverrons l’abrégé des notons nombreuses, que fournissent les sormes si diverses, que les Anciens donnèrent à leurs monumens sunéraires. Voyez TOMBEAU.

SEPULCRETUM. C’est le nom qu’on donna, dans l’antiquité. à des lieux d’inhumation qui semblent répondre à ce que nous appelons cimetière.

Cependant le cimetière, par le fait de ses usage, est un terrain consacré à la sépulture de la multitude, et l’un doit dire du plus grand nombre des cimetières, qu’ils ne comportent point de distinctions ni de séparations de lieu ou de construction, soit pour les personnes, soit pour les familles. Les édifices sacrés et les églises surent long-temps les seuls dépositaires des monumens funéraires. VoyezMAUSOLÉE.

Ce qui répond, dans l’antiquité, à ce que nous appelons cimetière on lieu public d’inhumation, et qu’on appeloit sepulcretum, a reçu, depuis quelques années, do nouvelles lumières, par les découvertes nombreuses qu’on a faites dans la grande Grèce, la Sicile et la Campanie, de sépultures publiques situées tout près de beaucoup de villes, soit le long des routes, soit sur des terrains disposés pour cette destination.

La plupart de ces lieux de sépulture avoient très-anciennement été oubliés, et Suétone nous dit que, du temps de Jules-César, la colonie envoyée à Capoue rencontra dans les travaux qu’elle saisoit pour des constructions nouvelles, d’anciennes sépultures qui attirèrent l’attention, par les vases curieux qu’on y découvrait. Il en fut de même des temps modernes. Depuis long-temps on avoit trouvé dans beaucoup de souilles saites de hasard aux environs de Naples et en Sicile, des tombeaux renfermant de ces vases peints auxquels on donna d’abord, pur erreur, le nom de vases étrusques. L’es prit d’investigation et la recherche des monumens de l’antiquité prenant un accroissement progressif, on découvrit de plus en plus de ces tombeaux, et les vases aussi curieux par leur forme que précieux par leurs peintures, surent tellement recherchés, qu’on mit et plus de soin et plus de méthode dans leur découverte, et dans celle dus lieux qui les recèlent.

Des explorations réitérées oui donc sait connoître qu’à une époque quelconque, presque toutes les villes avoient dans leur voisinage une espèce de cimetière, c’et-à-dire de local propre à recevoir, dans un ordre sort régulier, des sépultures particulières qui renfermoient un au deux corps. On a observé plus d’une sorte de pratique pour former ces sortes d’hypogées. Quelquefois chaque sépulcre est creusé sort profondément sur le penchant d’une montagne, et l’on y pénétrait par un puits refermé à sou orifice. D’autres sois il se saisoit une tranchée très-profonde, et chaque sépulcre, ou, si l’on veut, cercueil, fait et sabriqué comme on le dira plus bas, venoit se ranger à côté d’un autre, et quand cette rangée étoit complète, on la recouvroit de terre, et par-dessus cette couche de terre, on établissoit une nouvelle rangée des mêmes cercueils. On a découvert ainsi jusqu’à trois de ces rangées, les unes au-dessus des autres, que la terre avoit recouvertes et dérobées, pendant une très-longue suite de siècles, à la violation.

Les cercueils qui renferment les corps dont on retrouve encore les restes, étoient faits de deux manières : les uns sont d’un seul bloc ; c’est ainsi qu’on les voit particulièrement dans la Pouille, ils sorment un rectangle parfait : d’autres ont leur couvercle fait en forme de toit. Quant à ceux qui sont construits ou faits par assemblage, ils se composent, dans leurs longs côtés, de six grosses pierres jointes ensemble, et de deux pierres semblables formant chacun de leurs petits côtés. Lorsque ces cercueils ont huit on dix palmes de long, on compte à leurs grands côtés dix à douze pierres élevées en deux assises, et toujours deux aux petits côtés. C’est une règle constante. Les couvercles ont plus d’une variété. Les uns sont plats, et d’une seule pierre, laquelle s’emboîte très-exactement, et entre dans l’entaille qui la reçoit : tels sont ceux dont la matière a plus de consistance. Le plus souvent les converties horizontaux, qui sont de tuf, sont faits de trois morceaux, quelquefois de deux, et quelquefois, dans l’intérieur de la caisse, il y a de petites colonnes pour servir de support au couvercle et l’empêcher de se rompre. Les couvertures des autres tombes sont faites quelquefois en angle ou en manière de toiture, souvent d’une seule pièce, quelquefois de deux, et l’on en trouve où les pierres sont disposées pyramidalement en dehors et en forme de gradins.

L’intérieur de ces cercueils ne contient ordinairement qu’un seul corps ; on en trouve où deux squelettes sont placés parallèlement sur une petite élévation. Il règne ordinairement en dedans, vers le haut, un rebord sur lequel on plaçoit les objets qu’on enterrait avec les morts, et c’est là, ainsi qu’autour des corps, qu’on trouve ces vases peints que les découvertes récentes ont extrêmement multiplies, et qui sont devenus un des objets les plus curieux, les plus instructifs, et les mieux conservés de toute l’antiquité.

Je ne porterai pas plus loin, sur cette matière, les notions, dont j’ai emprunté quelques détails à l’ouvrage du chanoine Jorio, célèbre investigateur d’antiquités à. Naples, ouvrage dans lequel il a le premier fait connoître, une multitude de particularités relatives à cette partie des sépultures chez les Anciens.

SÉPULTURE, s. f. Ce mot, quoiqu’il paroisse embrasser, dans l’ordre d’idées qu’il rappelle, la notion la plus générale, paroît cependant res-


treint par l’usage actuel, à indiquer particulièrement un lieu d’inhumation, plutôt que les monumens sunéraires mêmes, ou les sormes que les pratiques diverses des peuples leur ont données.

Ainsi on vient de voir dans l’article précédent, que les villes du la grande Grèce et de la Sicile avoient leurs sépultures situées en dehors de leurs murs, et assez ordinairement le long des routes ; et l’on a vu que l’usage assez général fut de les receler profondément en terre.

L’usage des Romains fut tout différent sur ce dernier point. Les sépultures aussi se portèrent hors de l’enceinte de Rome, et tous ses environs se peuplèrent de tombeaux, mais visibles, et construits avec plus ou moins de grandeur et de luxe. Voyez TOMBEAU.

Nous ignorons, et rien n’a pu encore nous donner de notions précises sur le mode de sépulture qui dut avoir lieu pour la multitude ;car il faut bien se garder de croire que soit la crémation, soit l’inhumation en des tombes particulières, aient été pratiquées à l’égard du grand nombre d’habitans des dernières classes, dans les villes populeuse Beaucoup de villes antiques ont conservé encore dans leurs enviions un grand nombre de ruines de tombeaux, et il en est peu qui n’aient en ainsi leur necropolis ou ville des morts. Mais quelque étendue qu’aient eue ces lieux de sépulture, il est indubitable que les restes des monumens funéraires qu’on y trouve, n’ont pu appartenir qu’aux familles distinguées, aux gens plus ou moins fortunés. Il dut y avoir des sépultures communes pour le commun des hommes, et peut-être le temps, ainsi que d’autres moyens de consomption, en ont-ils depuis bien des siècles effacé les traces.

Ces lieux de sépulture publique et commune, on les nomme aujourd’hui cimetières. (Voyez ce mot. ) Cependant on appelle encore sépulture, des lieux ou des monumens destinés à recevoir les tombeaux des plus grands personnages. Ainsi on dira que la sépulture des rois de France et de la famille royale, est dans l’église de Saint-Denis. Il y avoit jadis près de cette église une chapelle où étoit la sépulturedes Valois. La sépulture des grands-ducs de Toscane est dans la magnifique rotonde, qui termine l’église de Saint-Laurent à Florence.

On dit encore (mais seulement de quelques familles distinguées ), qu’elles ont leur sépulture en tel pays, dans telle chapelle. D’où il résulte que sépulture se dit ordinairement, non des tombeaux, monumens funéraires, mausolées, etc. , mais du lieu où reposent les corps et où se placent leurs tombes.

SÉRAIL, s. m. Ce mot, dans sa signification originaire, veut dire habitation, palais. Il se dit par excellence du palais qu’occupe le Grand-Seigneur à Constantinople.

C’est un grand enclos qui aboutit à la pointe de terre où fut bâtie l’antique Bysance, sur le Bosphore de Thrace, et à la jonction de la mer Egée et du Pont-Euxin. Il est en forme de triangle, dont un côté. s’appuie à la terre et tourche à la ville ; les deux autres sont bordés par la mer, et par une rivière qui s’y jette. Son circuit est d’environ trois milles. Du côté de la mer, il est fermé par de sortes murailles très-élevées. Ces murailles sont flanquées, de ce même côté, par des tours carrées, placées à une assez grande distance les unes des autres. Du côté de la ville, il y a des tours rondes, moins distantes entr’elles. C’est dans ces tours que se tiennent ceux qui veillent à la garde du sérail.

Les étrangers ne peuvent voir de ce palais que les deux premières cours, la salle où se tient le Divan, qui est à l’extrémité de la seconde, et la salle d’audience. Ces deux salles sont d’une médiocre beauté.

Quant au reste des appartemens, on suit qu’il y a quantité de marbres et de porphyres ; que la distribution de ces intérieurs est assez confuse, et n’a rien de régulier ; que, pour la plupart, les chambres reçoivent fort peu de jour, qu’elles ont pour unique ornement d’assez riches tapis, qui en couvrent le plancher, et des brocards d’or et d’argent, dont quelques-uns sont relevés par des broderies de perles.

A l’entour du sérail, du côté du port, sont deux kiosques ou pavillons. L’un situé sur le quai, est fort peu élevé, et il est soutenu par plusieurs belles colonnes de marbre. Le Grand-Seigneur y vient souvent, et c’est à cet endroit qu’il s’embarque, quand il veut se promener sur la mer. L’autre pavillon est bâti sur des arcades.

Il y a encore à Constantinople d’autres sérails. L’un, qu’on appelle le vieux sérail, appartient au Grand-Seigneur. Il n’est destiné qu’au logement des femmes, du Grand-Seigneur dernier mort. Ce palais est bien bâti, est environné du hautes murailles, et n’a d’autre ouverture que celle de la porte. Les autres sérails appartiennent à différons particuliers. Les dehors n’offrent aucune beauté, pour mieux faire briller à l’extérieur celui du Grand-Seigneur ; mais les intérieurs ont beaucoup de magnificence. L’or et l’azur sont prodigués dans les plafonds, de très-beaux tapis couvrent les planchers, les murailles soul revêtues de carreaux de porcelaine.

Toutes les salles et toutes les chambres ont des espèces d’estrades élevées d’un demi-pied ou d’un pied, couvertes de tapis beaucoup plus riches que ceux du reste des planchers, avec quantité decoussins en broderie, appuyés contre les murailles. Les appartemens des semmes sont séparés de ceux du maître. Il n’y entre que des eunuques.

SERLIO, né à Bologne en 1518, mort à Fontainebleau en 1578.

Le nom de cet habile architecte n’est guère connu que des artistes, et encore l’est-il presque antiquement par ses écrits, On doute en effet qu’il


subsiste de lui quelque monument encore entier. Ayant quitté l’Italie fort jeune, et n’y étant point retourné, les biographes italiens n’ont eu presque aucune occasion d’en parler ; et le temps ou il vint en France, sous François Ier. , ayant été celui de la première période des arts dans ce pays, il dut participer au sort commun à tous les artistes qui y travaillèrent alors. Le goût des arts u’étoit pas assez répandu, pour que les contemporains se fissent un devoir, ou un plaisir, d’en décrire les ouvrages, ou de recueillir des notions sur leurs auteurs.

Vasari ne nous a rien appris de Serlio, sinon qu’il sui élève du célèbre Balthazar Peruzzi, et qu’il hérita de lui beaucoup de dessins des antiquités de Rome, qu’il fut mettre eu œuvre dans les troisième et quatrième livres de son Traité d’architecture (Libro d’Architectura).

Nous lisons dans nue vie do Serlio, par d’Argenville, qui n’indique pas les sources où il a puisé ses notions, qu’il quitta trop jeune l’Italie pour y élever quantité de monumens remarquables. . . . . Que François Ier. le fit venir en France en 1541. Effectivement, cet architecte n’auroit eu alors que vingt-trois ans, et il y a lieu de présumer qu’à cet âge, il n’avoit pas encore eu l’occasion de se faire connoître assez, pour être appelé loin de Rome où il avoit étudié, à Venise, par exemple, où d’Argenville prétend qu’il construisit la célèbre école de Saint-Roch. Le même biographe, dans le peu de mots qu’il dit de cet édifice, remarque que le goût des croisées au rez-de-chaussée de cet édifice est un peu gothique. Cela seul auroit dû lui rendre difficile à croire, qu’un élève de Balthazar Peruzzi, à une époque où Venise employoit les talens des San Micheli, des Sansovino, des Palladio, eût fait rétrograder l’art vers le goût gothique. La vérité est que les détails de l’école de Saint-Roch, sans être vraiment entachés de gothique, sont encore en arrière du beau style des maîtres qu’on vient de citer. Aussi attribue-t-on cette architecture à l’école de Buono ou Lombardo, c’est-à-dire celle de la sin du quatorzième siècle, et Serlio ne put v avoir aucune part.

Je crois que c’est également sans aucune autorité, qu’on lui attribue, et le palais Grimani à Venise, et le palais Malvezzi à Bologne ; à moins qu’on ne suppose ce qui a nu être, mais ce qui auroit besoin de preuves, que ces édifices auroient été élevés, soit d’après ses dessins, soit sur les modèles qu’il anroit envoyés dans ces villes. Probablement il ne doit y avoir de Serlio aucun édifice en Italie.

Une sorte de ftalité a voulu, qu’en France il subsite à peine quelque reste bien conservé, des travaux nombreux qu’il dut y exécuter.

François Ier. avoit sormé le projet de remplacer par un véritable palais, les vieilles el disparates constructions auxquelles on donnoit le nom de Louvre. Serlio fut donc appelé par lui, pour l’exécution de cette grande entreprise. Nous manquons aujourd’hui des notions nécessaires pour retrouver dans les parties diffèrentes du palais actuel, les traditions de tous les travaux commèncés, abandonnés et modifiés depuis, qui s’y sont succédés, jusqu’à l’époque de son achèvement. On ne doit pas douter qu’il n’y ait eu de l’ouvrage de Serlio. Mais su borna-t-il à quelques parties, à quelques corps séparés, ou y eut-il de lui un projet général ? Dans ce dernier cas, on a peine à croire que cet architecte n’en eût pas inséré les dessins dans le livre de son Traité, où il traite de l’architecture des palais.

Si l’on ajoute foi à une opinion qui s’est perpétuée sur cet objet, Serlio auroit sait un projet du Louvre, mais l’ierre Lescot un auroit, dans le même temps, présenté un autre, supérieur au sien, tant pour la beauté des proportions, que pour lu régularité de l’édifice, et l’architecte italien auroit eu la générosité peu commune, de conseiller lui-même l’adoption du projet de son rival. Pareil trait de désintéressement a été raconté de Bernin, à l’égard de la colonnade du Louvre par Perrault. Nous avons sait voir aux articles BERNIN et PERRAULT, que la chose ne put point avoir lieu, et que si l’histoire en eut cours alors, ce ne fut qu’une répétition de ce qui avoit été raconté un siècle auparavant, de Serlio et de Lescot.

Quoi qu’il en soit, François Ier. ne tarda point à employer Serlio dans d’autres ouvrages, et il lui donna la conduite des bâtimens qu’il saisoit construire à Fontainebleu ; c’est là qu’on devroit pouvoir retrouver de grands et précieux modèles de son talent, si toutes sortes de circonstances n’eussent contribué à suspendre l’exécution de ses projets, et si une succession de changement et d’additions, sous les règnes suivans, n’eût achevé de dénaturer ce qui reste de lui.

Serlio fit une longue résidence à Fontainebleau, et outre quelques parties importantes du château royal par lui construites, on tient qu’il fit encore exécuter dans celle ville plusieurs édifices, à la vérité peu importans. Aussi attribue-t-on à son séjour en ce pays un goût particulier de bâtir, qui se fuit remarquer surtout, par l’arrangement ou l’appareil artistement combiné du grès avec la brique, et encore à des profils et des corniches qui ne se composent que de briques.

Les parties du château encore existantes, qu’on reconnoît pour avoir été son ouvrage, sont, pour la plupart, celles qui se voient entre la cour en fer à cheval et les parterres, et particulièrement dans la grande et belle cour qui est située sur la pièce d’eau. Elle est décorée d’un ordre dorique, d’un caractère ferme et d’un bon profil. L’ordre est dans des proportions élégantes. Les détails et les ornemens y sont exécutés avec goût et avec recherche.

On attribue encore à Serlio l’invention d’une grotte décorée de caryatides, qu’on doit appeler moins sculptées, que construites ; cha-


que membre ou pour mieux dire, chaque muscle, est formé par un bloc de pierre, eu sorte que cette sculpture semble être un opus incertum.

Serlio avoit sans doute fait exécuter dans les intérieurs du château, un grand nombre de partis d’ornement et de décoration, dont il reste à peine des souvenirs, tant il s’y est opéré de restaurations et de changement, sous lesquels ont disparu le caractère et le dessin de l’ouvrage primitif.

Dans la ville et sur la place, près du château, on voit encore aujourd’hui une belle porte d’un style appelé rustique : elle est pratiquée dans un mur de clôture. Les colonnes soul aussi en bossages. Mais la pureté des profils annonce l’habile architecte. Ce genre de portes en bossages fut très en vogue au siècle de Serlio. Les architectes les plus célèbres en ont composé à l’envi. Ainsi en trouvons-nous dans la plupart des traités d’architecture. Serlio s’est exercé en ce genre avec prédilection et la sixième section de son Libro de Architectura contient, un recueil sort nombreux de ces compositions de portes. On en trouve une sous le n° 7, qui a beaucoup de ressemblance avec celle de Fontainebleau.

Le seul ouvrage de Serlio qui a survécu à ses autres travaux, et sur lequel s’est sondée la juste réputation dont il jouit, et que lui accordent tous les maîtres de l’art, est son Traite d’architecture Il fut composé particulièrement à Fontainebleau. Quoiqu’écrit à différentes époques, et publié partiellement, dans un ordre différent de celui qu’exige la classification des matières, ses six sections comprennent, avec beaucoup de méthode, toutes les parties de l’art, et forment un corps très-complet.

Les écrits de Serlio ont été réunis, dans l’édition de 1569, en un seul ouvrage divisé en sept livres.

Le premier est un petit traité de géométrie relative à l’architecture.

Le second traite de la perspective.

Le troisième comprend les plans, les mesures, les profils et les représentations d’un grand nombre d’édifices antiques d’Italie, et hors d’Italie. C’est dans ce livre qu’il est probable, que Serlio aura mis en lumière les dessins de son maître Balthazar Peruzzi.

Le quatrième livre est, sous le titre de règles générales de l’architecture, un traité des cinq ordres, où la doctrine de Vitruve se trouve exposée fidèlement et savamment commentée.

Au cinquième livre, Serlio traite, comme le dit le titre qu’il lui a donné, de diverses sortes de saints temples selon la forme des chrétiens. L’auteur s’est borné à nous apprendre, comment les temples des payens ont été changés en églises chrétiennes, et comment les autels destinés aux sacrifices des animaux, ont pris la forme actuelle, pour célébrer le saint sacrifice de la messe.

Le titre du sixième livre annonce qu’il est le recueil, dont on a parlé plus haut, de ces projets de portes rustiques, aeuxquels Serlio se plut à laisser s’exercer le caprice de son crayon, pour occuper ses loisirs à Fontainebleau. On dit que les éloges qu’il entendoit prodiguer à la porte du palais bâti par le Cardinal de Ferrare, et les copies qu’un sui en demandoit, lui firent naître l’idée d’en composer selon le même goût irrégulier et capricieux, une trentaine qu’il accompagna de vingt autres d’un style sage et pur, comme pour servir de correct il au genre des premières, ou pour témoigner qu’il n’avoit prétendu que faire voir dans celles-ci, la facilite qu’il y a d’être sécond, lorsqu’on n’a en vue que de ‘faire du nouveau.

Lé septième livre de l’édition de 1569 renferme des observations sur La construction de différons bâtimens civils.

Les guerres civiles qui troublèrent le royaume sous Charles IX, obligèrent Serlio de se retirer à Lyon. La goutte, peu de temps après, vint troubler la douceur du repos dont il avoit espéré jouir. Il se vit réduit à vendre, pour subsister, quelquesuns de ses dessins. Dans des momens plus calmes, il revînt à Fontaineblean où il finit ses jours en 1578, âgé de soixante ans.

Serlio compta, dit-on, parmi ses élèves le célèbre Philander, qui avoit commencé l’étude de l’architecture à Rhodes, et il ne lut fut pas inutile dans l’éditiou de Vitruve, que celui-ci avoit entreprise. Le disciple fut de quelque secours à son maître, par ses connoissances littéraires, pour l’interprétation de la doctrine de Vitruve.

On a observe’ que Serlio, quoique sort attaché aux principes de l’architecte latin, dans sa théorie, ne pareil pas y avoir été aussi fidèle dans la pratique ; du moins on entend, par ce dernier mot, les détails et les profils des cinq ordres dont il a donné les modèles dans ses traités. A cet égard, chaque architecte a pris les mêmes libertés. Vitruve lui-même n’est pas toujours d’accord avec les monumens antiques qui nous sont restés. Aussi doit-on regarder les règles que chacun propose en ce genre, comme une espèce de moyen terme, entre les nombreuses variétés qui doivent avoir résulté jadis, et qui résultent encore aujourd’hui, de toutes les causes accidentelles propres à modifier l’aspect, le caractère cl les proportions des édifices.

SERPENTE. On appelle of this nom juin Sorte de papier Extrêmement fin et transparent, ne pas sur soi SERT pour Prendre le trait d’ONU dessin, d’estampe juin, Verser le Rendre ainsi encore transparent, on y passe juin couche de vernis.

SERPENTIN, INE. Marbre on pierre. Les Anciens appelèrent ophites, du mot grec ophis, serpent, le marbre ou la pierre que nous nommons serpentin ou serpentine s parce qu’il a la couleur de la peau du serpent. En effet, son fond est noirâtre, avec des taches, ou des raies vertes et


jaunâtres. Cette matière est rare, et on ne l’emploie guère qu’en incrustations. Les plus grands morceaux qu’on en cite, sont quelques taries dans les compartimens de l’attique intérieur du Panthéon à Rome, et dans la même ville, deux colonnes à l’église de Saint-Laurent in Lucina. On en a fait des tables qui servent à l’ornement de quelques intérieurs de palais.

Il y a aussi du serpentin tendre qui vient d’Allemagne, et dont on sait des vases ; mais on n’eu use point dans les ouvrages d’architecture.

SERRE, s. f. Considérée comme simple objet d’utilité dans la culture et le jardinage, la serre est un bâtiment dans lequel on relire, pour les mettre à couvert des rigueurs de l’hiver, les arbrisseaux ou les plantes qui ne sauraient résister au froid. On donne le nom de serre chaude à la serre où l’on construit des fourneaux, qu’on pratique dans le local souterrain, d’où l’on dirige les tuyaux de chaleur, qui tempèrent à volonté l’air du local occupé par les plantes. C’est par ce moyeu qu’on parvient à avoir des fleurs, des fruits et des productions précoces.

Il est inutile dédire que la serre doit être exposée au midi, percée de façon à recevoir le plus qu’il se pourra des rayons du soleil, et garnie de grands vitraux a doubles châssis.

La serre devient naturellement un objet d’agrément, dans les grands jardins, et peut offeir à l’architecte le motif d’une composition heureuse quant à l’extérieur, et qui, dans son intérieur, fournisse une promenade, ou un refuge contre les intempéries des saisons.

Une serre habilement construite, et disposée avec goût, où l’on cultive avec soin de ces plantes exotiques, qui fleurissent en toutes sortes de saisons, paroît surtout convenir à ce qu’un appelle un jardin d’hiver. Placée au bout d’un parterre, elle formera un point de vue qui peut devenir pittoresque, en été, par les variétés de vases remplis d’arbustes ou de piaules qu’on dispose en amphithéâtre, et qui ornent toutes les ouvertures. En hiver, lorsqu’on l’ouvre à certaines heures, elle sait quelquefois illusion, et produit une sensation qui contraste agréablement avec celle de la saison. Son intérieur peut être aussi disposé de façon à offrir pinceurs allées pour la promenade, et des lieux de repos. On joint volontiers à la serre des volières qui semblent donner à ce lieu une sorte de vie el de mouvement, propres à rappeler ou à faire pressentir les charmes du printemps.

SERRÉ. Sur Emploie de participe Comme adjectif, pour Exprimer, en architecture, l’espacement Que l’sur Donne aux Colonnes, Soit Dans l’ancien ordre dorique des Grecs, Soit Dans this ordonnance Que Vitruve Appelle pycnostyle, et Où il recommande CES treprise colonnemens Étroits, ne pas t’aspérité donnoit à l’édifice des Nations Unies, plus caractère mâle et plus solide. L’aspérité de Vitruve consistoit Fait DANS L’espacement des Colonnes serrées.

SERRURE, s. f. Sorte de machine qu’on exécute en fer, en cuivre on en bois, et qu on applique à un ventail de porte ou d’armoire pour les fermer, et qui s’ouvre avec une clef.

Dans les temps reculés l’on employoit à la clôture des portes de beaucoup plus simples procédés. On se contentoit quelquefois d’attacher la porte avec des cordes, et le nœud de la corde faisoit l’office de nos serrures. D’autres fis, on plaçoit transversalement dans l’intérieur de la maison, et devant la porte, un verrou de bois, supporté, sans doute, des deux côtés par un lien en fer ; dans ce verrou étoit fixé un morceau de fer ovale, qui servoit à lier le verrou avec la porte, et à l’y fixer. Ce fer étoit creusé, et dans l’intérieur il y avoit un écrou à cris, dans lequel s’adaptoit un fer, dont le bout étoit garni d’une vis, et qui tenoit lieu de clef. Lorsqu on vouloit ouvrir cette espèce de serrure, on vissoit la clef dans le fer ovale creux, et on le reliroit ; alors la porte détachée du verrou s’ouvroit, et on ôtoit celui-ci. On ouvroit ainsi les portes quand on étoit dans l’intérieur de la maison, et pour les fermer, on remettoit le verrou et on y enfonçoit le morceau de fer creux ovale. Afin de pouvoir fermer et ouvrir, lorsque l’an étoit en dehors de la maison, on tailloit dans la porte, audessus de l’endroit où étoit la noix, c’est-à-dire le fer ovale creux, une ouverture assez grande pour y pouvoir passer la main, enfoncer ta noix dans le verrou ou la retirer.

Il y eut dans l’antiquité plusieurs autres manières de serrure dont le détail seroit ici hors de propos, ces procédés n’ayant plus aucune application, depuis que ces moyens plus ou moins grossiers ont été remplacés par l’art des Modernes, chez lesquels des mœurs fort différentes, et une multitude de besoins domestiques, ont donné lieu à imaginer bien d’autres expédiées et de bien plus commodes. Chez les Anciens, d’ailleurs, les portes des intérieurs des maisons, des armoires et des meubles, pouvoient se passer de serrures. Ou se contentoit d’y mettre le scellé avec un cachet, et cet usage est encore ce qui nous explique le nombre infini de sceaux et d anneaux qui nous sont parvenus.

Aujourd’hui, l’usage des serrures en fer est devenu général, et il forme une sorte d’art mécanique susceptible des plus nombreuses variétés. Ce qu’on appelle une serrure de sureté, est un assemblage de pièces plus ou moins compliquées. Les plus importantes sont les pênes, les ressorts, les moraillions, le foncet, le palastre, la cloison, les gâchettes, les auberons, les rouets, les râteaux, le canon, la broche, les estoquiaux, la bouterolle, les cramponets, etc. Au dehors, la serrure est garnie d’une entrée ou écusson.

On donne aux serrures différens noms. On dit :


SERRURE A BOSSE. C’est celle dont la couverture est carrée et enfoncée, formant une cloison oblique ; l’entrée est percée au milieu de relie couverture, sur laquelle, au-dessus de l’entrée, sont placés intérieurement deux crampons portant un petit pêne, derrière lequel est un ressort monté sur un estoquiau. Son foncet porte quelquefois une broche avec un fer à rouet, ou une bouterolle ; au-dessus de l’entrée est une auberonière, par où passe l’auberon du moraillon, à travers lequel passe le pêne pour fermer.

SERRURE TREFLIÈRE. Est une serrure qui ne peut s’ouvrir que par un côté, qui n’a qu’une entrée. Telles sont les serrures a bosse, et celles qu’on pose aux ventaux d’armoire, etc.

SERRRURE BENDARDE. Est celle qui peut s’ouvrir des deux côtés, qui a une entrée dans la couverture ou le foncet, et une autre dans le palastre.

SERRURE A HOUSSETTE. Serrure dont le pêne est à demi-tour, se fermant de lui-même, en laissant tomber le couvercle d’un coffre.

SERRURE A UN PÊNE EN BORD Est celle dont : le pêne est plié en équerre par le bout, et recourbé en demi-rond, pour faire place au ressort.

SERRUERE A DEUX FERMETRURES Serrure de coffre, dont le pêne est fendu ou coude en équerre, pour passer dans deux cramponets. On en sait à trois, quatre fermetures. et au-delà, pour lesquelles ou multiplie les ressorts. Ces serrures sont ordinairement composées de pênes à pignon, avec des crémaillères que la clef sait mouvoir.

SERRURE A RESSORT. On appelle ainsi celle dont le pêne se ferme de lui-même, par un ressort, et qu on ouvre par un seul demi-tour de clef en dehors, et en poussant un bouton par-dedans.

SERRUERE A PÊNE DORMANT. Serrure dont le pêne ne peut cire ouvert ni fermé, que par le moyen de la clef, et qui a un ressort, lequel entre dans un cran à côté du pêne, et qui empêche qu’un puisse l’ouvrir avec le crochet.

SERRURE A CLENCHE, ou LOQUET, ou CADOLE. C’est une serrure à pêne donnant, qui porte un loquet sur le bord inférieur du palastre, lequel s ouvre et se ferme par-dehors et par-dedans, avec : un bouton, un gland, ou une olive.

SERRURE A PASSE-PARTOUT. Serrure qui a deux entrées, l’une à côté de l’autre, el par conséquent qui est à doux clefs. Telles sont les serrures des appartemens, des maisons royales et de divers établissemens. Ces serrures sont toutes différemment garnies ; elles ont chacune leur entrée particulière. Mais la seconde entrée est saite pour une clef, qui doit être en ire les niai us du concierge, du maitre de la maison, ou du supérieur, cl cène clef a ta propriété de pouvoir ouvrir les serrures de toutes les portes.

SERRURERIE. L’art de faire des serrures a donné son nom à l’art de la serrurerie, quoique les serrures sassent aujourd’hui la moindre partie d une profession, qui embrasse un très-grand nombre de travaux et d’emplois, lorsqu’on y comprend, comme cela se doit, les ouvrages si multipliés du fer, et les applications innombrables qu’on en sait dans le bâtiment, à tous les accessoires d’utilité ou de décoration des édifices.

Il n’est ni dans l’esprit ni du ressort de ce Dictionuaire, d’embrasser les procédés de travailler le fer. A ce dernier mol, nous avons cru devoir nous contenter de l’énumération des différens noms qu’un donne au fer, selon sa grosseur, ses façons, ses usages et ses défauts. Ces nombreuses dénominations expliquent suffisamment toutes les variétés que le travail donne a celle matiere, considérée généralment dans ses rapports aveu la bâtisse. Voyez FER.

La serrurerie en multiplie encore les emplois pour les besoins de la vie, par des travaux et des genres d’industrie, dont le détail seroit la matière d’un ouvrage spécial.

La serrurerie, vue sous un rapport plus particulier avec l’art proprement dit de l’architecture, ne sauroit donc nous occuper, qu’en considérant ses travaux comme pouvant dans plus d’un emploi, contribuer a la décorai ion des édifice. Nous avons consacré déjà nu article a l’emploi qu’on a sait des grands unvraies de serurrerie, comme objets de clôture, sous le nom de grille, (V. ce mot. ) Nous ne répéteront donc point ici, que cet ait peut, dans tous ses de sins, s’approprier une multitude de formes, de deuils, qui constituent la peinture et la sculpture d’ornement.

SERVANDONI, né en 1695, mort en 1766.

Cet artiste qui s’est acquis, dans le dernier siècle, une trés-grande célébrité, la dut a deux genres, dont un seul auroit fait sa réputation. La peinture qu’il cultiva d’abord, le conduisît aux études de l architecture, et l’architecture dont il posséda le génie, vint ensuite lui prêter les grands moyens qu’il mit en œlivre avec tant d’éclat, dans l’an des décorations de théâtre et delà composition des fêtes publiques.

Né a Florence, il y contracta d’abord un goût très-vis pour le dessin e la peinture. Le genre de peinture auquel il se livra dès ses premières années, et le inaitre dont il prit les premières leçons (le célèbre Pannini), influèrent bien certainement sur la direction que devoit naturellement suivre son génie. Pannini s’étoit fait alors remarquer par une espece de compositions, qui rénnissoit les vues


de paysage, à celles des monument on des ruines de l’architecture antique. Celle réunion d’objets exige que le paysagiste soit architecte, ou que l’architecte soit paysagiste.

A cette école, Servandoni commença à devenir l’un et l’aune. Ses tableaux de ruines et de paysages qui décorent aujourd’hui les cabinets des amateurs, surent les préludes des grandes conceptions, auxquelles son talent devoit être un jour appelé.

Il lui falloit agrandir le cercle de ses études. Dans cette vue il alla à Rome, où il étudia sérieusement l’architecture sous Jean-Joseph de Rossi, mais plus utilement encore dans les monument d’antiquité de la ville immortelle. Il ne s’étoit propose d’abord, que demeure plus de correction et une plus grande vérité, dans la représentation de ces magnifiques débris, que n’en mettent ordinairement les peintres du genre auquel il s’étoit adonné.

Servandoni paroissoit travailler pour la gloire plus que pour la sortune. Or, il arrive plus souvent a la gloire de donner la fortune, qu’à la soi lune de conduire à la gloire. Sa renommée ne tarda point à s’étendre. Entraîné aussi par le goût des voyages, il passa en Portugal, où il peignit des décorations pour l’Opéra italien, et donna plus d’un projet de différentes fêtes. Les succès qu’il obtint passèrent ses espérances. Il fut décoré de l’ordre de Christ j c’est pour cela que depuis on l’appeia généralement le chevalier Servandoni.

En 1724 il vint en France. Sa réputation qui l’y avoit devancé, lui procura bientôt la direction des décorations de l’Opéra. Ce fut en 1728 qu’il développa pour la première suis, dans l’opéra d’Orion, lu magie de son art. Tout Paris se trouva transporte près des embouehmes du Nil, au milieu des ruines et des débris des pyramides, Il paroît qu’on connut pour la première lois à ce théâtre ce que peuvent produire d’illusion, la belle composition des lignes, la vérité des formes propres aux monumens, le prestige des deux perspectives linéaire et aérienne, joint au charme de la couleur et à l’effet de la lumière.

Aussi, des ce moment, le spectacle de l’Opéra prit une forme nouvelle. Pendant l’espace d’environ dix-huit ans, que la partie de ses décorations fut confiée a Servandom, il en exécuta plus de soixante, et l’on convint qu’il avoit laissé bien loin derrière lui tous ses prédécesseurs. On met au nombre de ses plus belles compositions, celle du palais de Ninus, du temple de Minerve, des Champs-ELyées du palais du Soleil, et de la mosquée de Scanderberg, où ta perspective, l’illumination et la richesse de l’exécution, produisirent chez les spectateurs un enthousiasme extraordinaire.

Toutefois on jugea que l’artiste s’étoit surpassé lui-même, dans la décoration du génie du sen pour l’opéra de l’empire de l’Amour. L’heureuse des lumières et le brillant des couleurs, y produisoient un effet impossible à décrire. D’une urne transparente placée au milieu du théâtre, sembloient partir des rayons lumineux, qui jetoient sur toute la décoration un éclat que les yeux avoient de la peine à soutenir. Servandoni eut dans ses décorations un mérite qui manque en général à beaucoup de ces ouvrages, où les décorateurs se croyant libres de tout faire, s’affranchissent souvent des liens, non-seulement du vrai, mais même du vraisemblable. Pour lui il ne se permettoit aucune élévation d’édifices, dont le plan n’auroit pas pu justifier la possibilité en exécution.

En 1731, l’Académie royale de peinture et sculpture l’admit dans son sein, comme peintre paysagiste. Son morceau de réception fut une composition fort pittoresque, où se trouvoit représenté un temple avec des ruines.

L’année suivante, Servandoni exposa son modèle du portail de Saint-Sulpice, et bientôt la première pierre en fut posée. Nous en parlerons à la fin de cet article, avec ses autres travaux d’architecture, pour ne pas interrompre la suite des entreprises décoratives, qui ont acquis à son nom une si grande célébrité.

Les décorations scéniques ne sont ordinairement qu’un accessoire aux plaisirs du théàtre, et n’y contribuent qu’en complétant l’effet du spectacle. Mais tel fut le talent de Servandoni en ce genre, et telle l’admiration du public, qu’il parvint à attirer la foule, par une espèce de spectacle, qui consistoit uniquement en décorations. En 1738 il obtint la jouissance de la salle des machines aux Tuileries, et il y donna de nombreuses représentations, non pas seulement de certaines vues d’édifices célèbres, mais de véritables drames, si l’on peut dire, où les personnages n’étoient que les accessoires, et dont l’objet principal étoit une succession de scènes destinées particulièrement à parler aux yeux. Nous avons rendu compte de quelques-unes de ces compostions ailleurs. Voyez DÉCORATION.

Dans la même année, Servandoni eut deux occasions, d’exercer d’une autre manière son rare talent pour la décoration.

La première fut la fête donnée pour la paix. Il fut chargé d’exécuter le mouument qui devoit servir au feu d’artifice. Il fit une grande construction de forme pyramidale, sur un plan carré. Un grand soubassement étoit orné de pilastres doriques, audevant desquels on voyoit des statues figurées en marbre, représentant la paix, l’abondance, et d’autres personnages allégoriques ; la masse pyramidale éloit couronnée à, son sommet par un globe plein d’artifice.

Dans la seconde fête donnée à l’occasion du mariage d’Elisabeth de France, avec don Philippe, infant d’Espagne, Servandoni surpassa tous ceux qui l’avoient précédé en ce genre, et l’opinion est


encore qu’il n’y a été surpassé" par personne. Il avoit choisi pour emplacement de ses décorations, l’espace que parcourt la Seine depuis le PontNeuf, jusqu’au Pont-Royal, heureuse situation pour faire participer au spectacle un nombre prodigieux de spectateurs. Ce fut sur les terrains qu’occupe la statue d’Henri IV, et en avant du Pont-Neuf, que fut construit le bâtiment devant servir à l’exécution du feu d’artifice. Ce bâtiment étoit un temple de forme parallélogramme, entouré de colonnes doriques de quatre pieds et demi de diamètre, et de trente-deux pieds de hauteur. Toutes les richesses de l’architecture en ornemens, en bas-reliefs, en statues, y avoient été prodiguées. Sur ce temple consacré à l’hymen, s’élevoit un attique avec une terrasse, soutenant un couronnement, qui portoit à quatre-vingts pieds l’élévation de toute cette masse. Entre le Pont-Neuf et le Pont-Royal on avoit construit, sur deux bateaux accouplés, un salon octogone. Les bateaux étoient cachés par des rochers qui sembloient sortir de l’eau. Huit escaliers conduisoient à une terrasse dont le salon accupoit presque toute la superficie. Il étoit formé par huit arcades, d’où pendoient des lustres en transparens colorés. Du milieu du salon s’élevoit une colonne isolée, avec de pareils transparens rangés par étage. L’intérieur de cette vaste pièce destiné pour la musique, étoit garni de gradins en amphithéâtre occupés par les musiciens. Louis XV et toute sa cour honorèrent cette fête de leur présence, et plus de quatre-vingt mille spectateurs purent y assister commodément.

Servandoni reprit avec encore plus d’éclat et de succès, les travaux de son spectacle de décorations. En 1740 il composa la descente d’Enée aux enfers, et il y fit exécuter sept changemens de scènes. Le sujet qu’il avoit choisi permettoit beaucoup plus de variétés et de contrastes que les précédais. Il favorisait au plus haut point les passages rapides des ténèbres à la lumière, du terrible au gracieux. L’artiste paroît avoir, dans ce spectacle, atteint la perfection, ce que l’admiration des spectateurs lui témoigna de la manière la plus incontestable.

L’énumération de toutes les inventions de Servandoni, en ce genre, alongeroit beaucoup trop cet article, sans ajouter à sa gloire. Qu’il nous suffise de citer encore les litres de plusieurs autres compositions, telles que le retour d’Ulysse à Ithaque en 1741, et l’année suivante, l’histoire de Léandre et Héro, en 1754 la forêt enchantée du Tasse, en 1755 et années suivantes, l’histoire d’Alceste, la conquête du Mogol par Tamas-KouliKan, la chute des anges rebelles d’après Millon.

En 1755, Servandoni fut mandé à ta cour du roi de Pologne, électeur de Saxe, Il y fit les décorations de I opéra d’Aétius. Ses succès lui méritèrent, outre un présent considérable, vingt mille francs d’appointemens, avec le titre d’architecte décorateur de Sa Majesté Polonaise.

Mais des monumens d’une plus longue durée dévoient procurer à Servandoni une gloire moins fugitive, et lui assigner un rang plus honorable dans les arts. Un vaste monument, l’église de Saint-Sulpice, à Paris, avoit été commencé en 1646, sur les dessins de Leveau. La première pierre en avoit été posée la même année par la reine Anne d’Autriche, alors régente du royaume. Les travaux interrompus en 1678 ne furent repris qu’en 1718, sous la conduite d’Oppenord, directeur général des bâtimens et jardins du duc d’Orléans, alors régent du royaume. Cet architecte jouissoit en son temps, d’une grande réputation comme dessinateur ; mais si l’on consulte le recueil gravé de ses œuvres, on remarque en lui, un des héritiers du goût licencieux, qui avoit perverti l’architecture en Italie dans le siècle précédent, et un continateur de l’école des Boromini et des Guarini.

C’étoit surtont dans les portails d églises, que la bizarrerie de cette école s’étoit le plus hardiment développée. La grande hanteur des nefs dans les temples chrétiens, les diversités d’élévation et de plan, n’avoient guère permis d’appliquer à la décoration de leurs frontispices, l’unité et la simplicité des péristyle du temple antique, et nous avons montré ailleurs (voyez PORTAIL), les difficultés qu’éprouvèrent les plus grands architectes modernes, à coordonner la hauteur des devantures d’église, avec les dispositions régulières qu’exigent les ordres de colonnes.

L’église de Saint-Sulpice, une des plus grandes et des plus élevées qu’il y ait, alloit subir l’application banale de ces ordonnances plaquées, et à masses irrégulières, que le goût du temps et la routine avoient aceréditées. Les fondemens du portail étoient déjà jetés, et cette grande composition alloit être continuée sur les dessins d’Oppenord. C’est dire assez, qu’elle auroit offert re faux système de lignes contournées ou brisées, de formes ondulées, dans lequel on s’étoit habitué à chercher la richesse et la variété de l’art.

Servandoni parut. Il présenta un nouveau modèle, qui resta pendant un an exposé à la critique. L’ascendant de sa réputation, et peut-être aussi l’attrait de la nouveauté, lui conquirent tous les suffrages.

C’étoit, en effet, une nouveauté alors, qu’une façade d’église formée par des lignes droite !, qu’une ordonnance régulière de colonnes, qu’une architecture où enfin les ordres reparoissoient avec leur véritable emploi, avec leur caractère propre, avec la pureté de leurs profils, avec la justesse de leurs proportions. Ajoutons que Servandoni avoit le goût du grand, et que dans son portail il fut réunir à des masses larges, imposantes et variées, une disposition qui, avec un couronnement, s’il eût été digne d’elle, seroit peut-être la plus heureuse qu’on ait jusqu’ici imaginée, pour s’adapter à la grande élévation de nos églises.

En montant l’architecture de son portail sur une


aussi grande échelle, en adoptant le parti de ses deux ordonnances, sans ressaut, sans avant et sans arrière-corps, dans une longueur de 184 pieds, il trouva le moyen de donner à l’ensemble une grande majesté, et de procurer à l’église un porche d’une très-vaste étendue. La partie la plus remarquable de cette masse, est sans contredit celle de l’ordre inférieur, dont le caractère et les détails se rapprochent beaucoup plus qu’on ne l’avoit fait jusqu’alors, du caractère et de la forme de l’ancien dorique grec, dont, à cette époque, on connoissoit fort peu les monumens. Servandoni, obligé de donner une grande solidité an support de l’étage supérieur, a pris le parti de doubler les colonnes de son rez-de-chaussée, non comme l’avoit fait Perrault, à la colonnade du Louvre, dans le sens de la longueur, mais dans le sens de la profondeur de la galerie formée par les colonnes. De cette sorte, les colonnes, lorsqu’on les voit en avant, ont l’avantage de l’isolement, et surtout celui de donner des entre-colonnemens égaux, et des espaces parfaitement réguliers pour les triglypes et les métopes. On diroit, à la vue de son ordre dorique, que Servandoniauroit eu quelqu’avant-goût de ce dorique grec, dont il est à douter toutefois, qu’à cette époque, il ait pu avoir une connoissance positive. Il y a dans le genre des cannelures à vive arête, dans la manière large et serme à la fois de son chapiteau, de ses triglyphes, de ses mutules, quelque chose de grandiose, qu’on ne trouve point dans presque tous les doriques de l’école de sou temps.

Le second étage de ce portail offre une galerie en arcades, dont les piédroits sont revêtus d’un ordre adossé de colonnes ioniques. Il paroît certain que Servandoni avoit établi un fronton au-dessus de cette ordonnance. Ce fronton entre les deux tours qui flanquent ce frontispice, de voit-il faire un heureux effet ? Peut-être n’y a-t-il pas lieu de le regretter. On prétend qu’ayant été srappé de la foudre en 1770, il en étoit venu à menacer ruine. On le détruisit tout-à-fait, et au-dessus de l’entablement de l’ordre ionique, on éleva des statues qui portoient sur des piédestaux qu’on voit encore. Il seroit à souhaiter qu’on les y replaçât. Si le fronton étoit de trop, entre les deux masses qui pouvoient démentir son emploi, une rangée de statues corrigeroit peut-être le grand vide qui règne entre les deux tours.

Ces tours qui accompagnent le portail, s’y trouvent fort habilement jointes, sans en rompre l’unité, Plus d’un changement a déjà eu lieu dans les masses qui en forment les deux étages supérieurs. Un architecte nommé Maclaurin, leur fit subir une première modification qui ne fut pas heureuse. Depuis, M. Chalgrin fit un projet beaucoup plus d’accord avec le tout. Ce projet n’a reçu encore son exécution que dans une des deux tours. Il reste à terminer la seconde selon le même dessin.

Une grande place en avant de l’église étoit entrée dans le plan général de Servandoni. Une seule maison qu’on voit encore, et qui est d’une tressolide construction, indique le caractère d’habitations simples et nobles à la fois, dont il auroit entouré cette enceinte. Mais ce local resta long-temps sans pouvoir être déblayé ; depuis quelques années, l’étendue qu’on lui a donnée ne permet plus de faire revivre les projets de cet architecte.

On trouve cités dans la vie de Servandoni par d’Argenville, un assez grand nombre de travaux d’un genre inférieur, comme portes de maisons, escaliers, chapelles, dont il seroit, je crois, assez difficile aujourd’hui, soit de démontrer l’authenticité soit même de retrouver les vestiges.

Dans le très-grand nombre d’inventions qui exercèrent son génie, on s’est plu à faire remarquer un modèle et des dessins de temple pour les Grands-Augustins, à Paris, les projets d’un arc de triomphe à la porte de la Conférence, d’un grand théâtre avec toutes ses dépendances, mais surtout d’une place qui devoit être celle de Louis XV, entre les Tuileries et les Champs-Elysées. Cette place, destinée aussi aux fêtes publiques, auroit rassemblé dans ses galeries vingt-cinq mille personnes, sans compter la soule innombrable que l’enceinte même auroit pu contenir. Elle devoit être ornée de 360 colonnes et de 136 arcades, tant intérieures qu’extérieures.

Lorsqu’on pense à la quantité d’ouvrages de tout genre dont Servandoni fut chargé, tant en France qu’en d’autres pays, et qui ont assuré à son nom une gloire aussi étendue que durable, on est porté à croire qu’il auroit dû laisser une immense fortune. Il n’en fut rien, C’est qu’il ne comprit jamais ce que signifie le mot économie. Ami de la bonne chère et de la joie, c’étoit un besoin pour lui d’associer à ses plaisirs de nombreux amis, car les amis de cette sorte ne sont jamais rares. L’argent fuyoit de ses mains plus vîte qu’il n’y venoit, et les poursuites de ses créanciers le forcèrent plus d’une fois de chercher une retraite en d’autres pays.

Après beaucoup de voyages, de travaux, de contre-temps, il vint de nouveau se fixer à Paris, où il cessa d’être occupé, et mourut en 1766.

SERVI (CONSTANTIN DE), né à Florence en 1554, mort en 1622.

Cet artiste d’une famille des plus distinguées de Florence, fut tout à la fois peintre, ingénieur et architecte.

Il voyagea par toute l’Europe, et son mérite personnel lui mérita l’accueil de toutes les cours.

Le grand Sophi de Perse le demanda au granddue Cosme de Médicis. Constantin de Servi se rendit en Perse, où il demeura environ un an ; mais on ignore à quels travaux il fut employé.

De retour à Florence, il eut la surintendance de tous les ouvrages de la galerie, et des travaux de la magnifique chapelle de Saint-Laurent. On


sait que les ouvrages dont il s’agit ici, sont ces mosaïques composées de pierres précieuses, que les Italiens appellent Lavoro a commesso. De ce genre sont ces belles tables qui ornent les plus riches cabinets, et qui forment des espèces de tableaux, ou compositions de toutes sortes d’objets, propres à être exécutés avec des pierres précieuses, dont les couleurs répondent à celles des objets naturels eux-mêmes. Ce sont particulièrement des plantes, des fleurs, des coquilles, des oiseaux, etc.

Constantin de Servi alla en Angleterre, où il s’attacha au prince de Galles, qui le nomma surintendant de ses palais, avec une pension de 800 écus romains.

D’Angleterre il passa en Hollande, où il fut employé par les Etats-Généraux de ce pays. Il s’y attira l’estime de tout le monde, et surtout celle du comte Maurice de Nassau. Il y fit le dessin du palais que ce prince vouloit faire construire pour sa résidente à la Haye. De retour en Toscane, il devoit envoyer au prince le modèle en relief de cet édifice. On ne sait ni si l’envoi eut lieu, ni si le projet reçut son exécution.

Après beaucoup d’autres excursions en divers pays de l’Europe, Constantin de Servi se fixa définitivement en Toscane, où le grand-duc, dans le dessin de se l’attacher, lui donna le commandement de Lucignano. (Cet article est emprunté à Milizia. )

SERVICE, s. m. Ce mot is employee, Dans la bâtisse, pour Exprimer le transports des Matériaux Soit du chantier au pied du bâtiment, de Soit Cet endroit Sur Le tas.

De plus édifice is Élevé, plus le non de service is longue et difficile, lorsqu’on arrive au terme de son fils achevement.

Sur Donne CE nom A PLUS D’UN échafandage Que l’Construit sur DANS LES batimens, pour le Service de Leur bâtisse. On dit non pont de services, non Escalier de service, etc.

SERVITUDE, s. f. Ce. terme appartient à la jurisprudence des bâtimens. On le définit un droit sur la propriété d’autrui, pour un passage, pour n jour, pour un évier, ou toute autre sujétion à laquelle un voisin est légalement soumis.

La servitude s’appelle active ou passive. On l’appelle active à l’égard de celui qui en profite, et passive à l’égard de celui qui en souffre.

La servitude s’appelle réciproque, quand deux voisins ont l’un sur l’autre un droit paroil.

Il y a des servitudes pour un temps ; il y en a d’autres à perpétuité. (On peut consulter sur cet objet les Lois et Coutumes des bâtimens, par Desgodets. )

Nous distinguerons servitude de sujétion. Le premier de ces mots, ainsi qu’on l’a dit, exprime, dans les bâtimens, certaines conventions stipulées entre voisins, et garanties par les lois. Le second, beaucoup plus général, exprime une multitude derapports plus ou moins gênans, auxquels l’architecte est tenu d’avoir égard, dans la conception et l’exécution de ses projets ; et ces rapporta dépendent des besoins divers, souvent des caprices des particuliers, quelquefois aussi des convenances locales et impérieuses du terrain et de son site. Voyez SUJÉTION.

SÉVÈRE, SÉVÉRITÉ. On donne ce nom, dans tous les arts, à une sorte de goût, de style, de manière dont un ouvrage est conçu el exécuté, et par suite on le donne encore à l’ouvrage même.

Sévère est l’opposé d’agréable. Le style sévère, dans un édifice, est celui qui n’y admet que ce qui constitue le nécessaire, et néglige toutes les formes, tous les ornemens accessoires, d’où résulte l’impression de la variété, de la richesse et du luxe.

Le plus nécessaire, dans un édifice quel qu’il soit, est, sans contredit, la solidité. Mais l’architecture exige le mérite de la solidité, d’abord dans la réalité de la chose, ensuite dans son apparence. La solidité réelle et positive peut tenir uniquement et à certains matériaux, et à un certain emploi de ces matériaux, dont l’effet n’aura aucun rapport sensible avec le goût, ni avec les impressions de nos sens. Mais la solidité apparente résulte de certaines dispositions de masses, d’un certain accord entre les pleins et les vides, d’une certaine rectitude de lignes, qui produisent l’impression de la qualité qu’on appelle sévérité.

Ainsi des masses uniformes, de grandes surfaces lisses, de grandes parties rectilignes sans ressaut, sans interruption, porteront le caractère d’une grande solidité, parce que l’instinct seul, sans parler du raisonnement, nous apprend que le temps et la destruction ont moins du prise sur ce qui est simple, que sur ce qui est composé. Voyez SOLIDITÉ

Qui ne voit au contraire, que la diversité des masses, la multiplicité des percés, les plans contournes et mixtilignes, ne peuvent point ne pas produire pour l’esprit, le sentiment de foiblesse et d’inconsistance, comme ils doivent en opérer l’effet dans la réalité ?

Ce qu’on appelle sévérité en architecture, tiendra donc à une grande simplicité de plan, à une grande uniformité d’élévation, el aussi à une grande économie d’ornemens.

On entend peut-être mieux la sévérité sous ce dernier rapport.

Effectivement, c’est ainsi qu’on l’explique, et qu’on la définit dans les arts du discours. On y distingue le style sévère et le style orné. Le premier est celui des écrivains et des orateurs ordinairement les plus anciens, qui, dans chaque sujet, occupés principalement des choses plus que des mats, jaloux d’instruire plutôt que du plaire, de prouver, eu s’emparant de la raison plutôt que


de l’imagination, ont négligé les charmes de la diction, et préféré la solidité de la logique aux fleurs de la rhétorique. On reconnoît le style orné, à une certaine prétention dans la variété des tournures dans le choix des formes, dans la recherche des images, dans le soin de flatter agréablement l’oreille par des mouvemens cadencés, et des chutes variées.

Il en est de même du style sévère en architecture. Les maîtres de ce style se font remarquer par l’attention qu’ils portent, avant tout, aux qualités fondamentales de l’art de bâtir, par le soin qu’ils ont de ne rien mettre de superflu dans leurs compositions, de s’en tenir à l’expression propre de chaque caractère, et à l’exécution scrupuleuse des proportions de chaque ordre, de ne rien innover dans les types reçus, de subordonner les ornemens, c’est-à-dire l’agréable à l’utile, c’est-à-dire aux formes constitutives des membres dont se compose lu corps d’un édifice.

Si l’on veut retourner cette définition et prendre l’inverse de chacune des notions qu’elle renferme on trouvera qu’il s’est donné dans l’architecture nu style remarquable par l’affectation de nier ou de dissimuler ce qui est le principal d’un édifice, et de faire prévaloir sur le nécessaire, précisément ce qui est le superflu, par la prétention à une variété de formes, de lignes, de contours, tendante à détruire toute idée d’ordre, de type constitutif et indicatif de chaque caractère, remarquable surtout par l’ambition des nouveautés, plaisir le desir de flatter les yeux, au préjudice du plaisir de l’esprit et de la raison.

En appliquant la notion de ces deux styles aux monumens de l’architecture, il n’y a personne qui ne range sous l’indication du premier, c’est-à-dire du style sévèrê, le plus grand nombre des édifices du quinzième et du seizième siècle. Je dis le plus grand nombre, parce qu’il s’y en trouve, parmi ceux du quinzième, quelques-uns, surtout a Florence, où la sévérité peut paroître excessive, et d’autres, parmi ceux du seizième siècle, qui tiennent un milieu très-heureux entre la sévérité et le relâchement des principes : car la sévérité a aussi différens degrés. Mais personne n’hésitera d’appliquer la notion du second style, c’est-à-dire opposé, au style sévère, au goût qui régna dans le dixseptième siècle.

L’idée précise de sévérité, en architecture, peut être rendue sensible à l’esprit comme aux yeux, dans les ordres, par le dorique grec, où le principe de solidité, de nécessité, d’utilité, se trouve écrit en caractères qu’aucun œil ne peut méconnoitre.

Cette idée se manifeste encore clairement dans certains édifices, du genre de ceux qui ne sauroient, sans une inconvenance révoltante, admettre ni les variétés de formes, ni le luxe des ornemens, ni les badinages des détails, auxquels le caprice aime à se livrer. Tels sont des portes de citadelles ou de fortification, des prisons, des arsenaux, des magasins, etc.

SEUIL, s. m. C’est la partie inférieure d’une porte, ou la pierre qui est entre ses tableaux. Elle ne differe du pas, qu’eu ce qu’elle est arrasee d’après le mur.

Le seuil a quelquefois une feuillure pour recevoir le battement de la porte mobile.

SEUIL D’ECLUSE. (Terme ‘architecture hydraulique. ) Pièce de bois qui, étant posée de travers entre deux poteaux, au fond de l’eau, sert à appuyer par le bas, la porte ou les aiguilles d’une écluse, ou d’un pertuis.

SEUIL DE PONT-LEVIS. Grosse pièce de bois avec feuillure, arrêtée au bord de la contrescarpe d’un fossé, pour recevoir le battement d’un pout-levis quand ou l’abaisse. On l’appelle aussi sommier.

SGRAFFITO. Mot italien qui exprime un certain genre de peinture ou plutôt de dessin en grisaille sur mur, et qu’on a traduit jadis en français par le mot égratigné, manière égratignée. C’est ce que signifie en effet le mot italien, et ce mot exprime assez bien la nature du procédé, par le- quel on exécute cette sorte de dessin, ou pour mieux dire, de gravure sur murailles.

Voici comment on y procède.

On forme sur le mur en maçonnerie qu’on veut ainsi décorer, un enduit fait de sable et de chaux, ou l’on mêle une cendre de paille brûlée, qui donne un mortier, en raison de la quantité qu’on y introduit une teinte noirâtre ou grisâtre plus ou moins forte. Lorsque la couche de ce mortier est sèche, on y passe une teinture de chaux délayée dans de l’eau de colle. Dessus cette teinture blanche on trace les dessins de la composition qu’on veut exécute, avec des cartons ou papiers piqués, en faisant usage d’un petit sac rempli de charbon pilé, qu’on srappe sur le trait indiqué par les petits trous des piqûres, de façon que la poussière passant à travers ces trous, marque les traits du dessin en points noirs.

Le peintre se sert alors d’une pointe de ser pour fixer sou trait, ou de plusieurs pointes en manière de fourchette, qui forment des hachures, lesquelles enlevant la teinte blanche el découvrant l’enduit du mortier noir qui est dessous, produisent d’une manière très-expéditive un dessin engrisaille, c’est-à-dire en blanc et noir. Il est encore facile de former des demi-teintes, en passant par endroit un gris léger, sur les parties qu’on veut éteindre.

On a jadis usé fréquemment, à Rome, de cette manière de décorer les murailles, à peu de fiais, et encore aujourd’hui la pratique-t-on à Gênes, au dehors des maisons. Cette méthode de décoraration plus simple que la fresque, a encore l’avan-


tage tage de mieux résister aux injures du temps. Quelques restes de sgraffito de la main de Polydore, élève de Raphaël, ont subsisté jusqu’à nos jours, et il est à croire que le plus grand nombre a dû sa destruction moins au laps du temps, qu’aux changemens survenus dans beaucoup des habitations qui en étoient ornées.

SIEGE, s. m. Dans son acception ordinaire, ce mot signifie un meuble fait pour s’asseoir. Il s’en fait de toutes sortes de matières, et de formes diverses. On donne en effet ce nom et à des meubles portatifs et mobiles, et à des bancs de pierre, tels uns les degrés des théâtres anciens, où s’asseyaient les spectateurs.

Les sièges, par la dignité de quelques-uns de leurs usages, par la richesse de leur matière, par la beauté de leur-formes el la variété de leurs ornemens ont été jadis, el sont encore quelquefois d’importantes compositions, où le génie de la décoration architecturale trouve à s’exercer.

L’antiquité nous a laissé quelques monumens durables du goût que ses artistes portèrent à de tels ouvrages. On a trouvé dans l’Attique deux siégés sculptés en marbre, et dont les ornemens désignent clairement l’usage. La partie antérieure présente deux chouettes d’un assez grand relief, et qui semblent supporter soit la banquette, soit les bras du siège. Sur la partie latérale d’un de ces deux sièges, est sculptée la table où l’on placcit les couronnes, les palmes et les différens prix donnés aux vainqueurs dans les jeux du stade. It est bien probable que ce sont les sièges des Agonothètes juges des combats.

Plus d’un siège de marbre ou de porphyre s’est trouve dans les ruines des Thermes à Rome, et orne aujourd’hui les musées de cette ville.

Mais de tous les objets auxquels le nom général de siège convient, il n’en est point qu’on puisse comparer pour la grandeur, la richesse el le goût de la composition, aux trônes des divinités, surtout de celles qui étoient d’or et d’ivoire. Nous en renvoyons la description au mot TRONE DES DIVINITES. Voyez TRONE.

Signinum (OPUS). Ce est le nom Que Donne Vitruve ( lib. 2. bouchon. 4. lib. 8. bouchon. 7. ) À une Sorte de mortier, ne pas sur l’utilisation de faisoit verser les puits et les citernes. Ou mèloit ensemble Cinq partis de pur sable, de chaux et Deux. Ou bien remuoit CE mélange, et Ou y mettoit faire petits morceaux de Pierre ou de tuf, du Poids d’environ juin Livré ; attenante sur le battoit Avec des masses de bois Garnies de fer. SELON Pline, sur le faisoit also signinum opus Avec des tuiles pilées et de la chaux.

SILVANI (GHERARDO), né en 1579, mort en 1675.

Silvani fut un des derniers architectes du seizième siècle à Florence, c’est-à-dire de ceux qui persistèrent dans ce goût sage, pur et grandiose, auquel cette ville doit d’être encore aujourd’hui, dans ses monumens, une des belles écoles de l’architecture.

Il devint architecte, comme beaucoup l’étaient devenus avant lui, sans avoir fait de l’art de bâtir sa première on principale étude. Né de parens très-honorables, mais déchus de leur fortune, par l’effet des causes poliliques, Silvani, tout eu se livrant aux occupations du négoce dans la maison de son père, nourrissoit déjà la passion qui dévoit faire de lui un artiste célèbre. Il fut placé pour apprendre la sculpture chez Valerio Cioli, un des plus habiles maîtres de ce temps ; mais il le perdit au bout d’un an. Il perdit encore au bout de trois mois de. séjour dans son école, le célèbre Bandini. Une autre sorte de fatalité l’empêcha d’entrer chez Jean de Bologne. Un sort plus heureux le fixa chez Jean Caiccini, où il trouva enfin à être employé selon son mérite.

Il faut lue dam Beldinucci, qui en fait mention avec le plus grand soin, les détails de tous les travaux auxquels Silvani dut enfin sa réputation comme sculpteur, et les occasions qui le firent architecte.

Ce fut en 1612 qu’il fut chargé de rebâtir la grande chapelle de Saint-Pierre-Majeur : il en fit le modèle de relief, en donna les dessiôns, et exécuta en entier l’ouvrage tel qu’on le voit aujourd’hui.

Vers le même temps, le grand-duc Cosme II ayanl dessein d’agrandir le palais pitti, commanda un modèle à Silvani en concurrence avec Jules Parigi. Il nous manque un dessin pour bien comprendre l’idée que Baldinucci nous a transmise du projet de Silvani. Sa description donne toutefois à croire que ce fut une très-grande conception. Peut être que sa grandeur même en empêcha l’adoption Il arriva, comme on l’a vu souvent ailleurs, qu’on se rabattit au projet le plus économique, celui de donner deux ailes au palais.

Silvani ne fut pas plus heureux dans le projet et le modèle de palais, que lui avoit commandé l’archiduchesse d’Autriche, Marie-Madeleine, pour sa campagne de Poggio Imperiale, Silvani étoit un homme doux, modeste, ennemi de toute brigue, qui ne paroissoit jamais que quand il étoit appelé ; et il ne manque jamais d’hommes qui, sans être appelés, et même parce qu’on ne les appelle point, se piésentent toujours les premiers. Or, notreaichitectě trouva long-temps sur son chemin de pareils hommes. Cependant il dut à la meilleure de toutes les protections, celle du talent, d’assez nombreuses occasions de l’exercer, d’agrandir le cercle de ses entreprises, et d’augmenter sa fortune. Jusqu’alors les travaux de la sculpture y avoient presqu’uniquement contribué. Mais ayant épousé la petite-fille du célèbre Bernard Buontalenti, dont il ent quatorze enfant, il dut s’adonner de préférence à l’architecture.


Il serait difficile, dit Baldinucci, de nombrer tous lus ouvrages qui remplirent le cours de sa longue vie. Nous trouvons qu’il refit à neuf le palais du comte Alberto dé Bardi ; qu’il en éleva un autre très-grand et très-beau an podestat de Montale ; qu’il restaura et embellit la chapelle des Salviati dans l’église de Santa Croce ; qu’il exécuta, d’après son modèle, une très-belle maison de Campagne pour le sénateur Alexandre Guadagni, qu’il termina le bâtiment de Pierre Guicardini, ainsi que le grand escalier et la chapelle commencés par Cigoli, et que la mort l’avoit empêché d’achever ; qu’il restaura et refit dans un goût plus moderne l’église de Saint-Simnon, avec la décoration du grand autel, du checur et des chapelles ; qu’à Volterra il termina un palais pour l’amiral Inghirai, qu’il lui commença une maison de campagne, ouvrage que la mort de l’amiral fit abandonner.

A Pistoia, Silvani acheva la plus grande partie du nouveau palais de la Sapienza, à Florence l’oratoire commencé jadis par Caccini son maître. On met au nombre de ses plus grands travaux la restauration, ou pour mieux dire le renouvellement du palais de Luca degli Albizzi, et où l’on admira l’habileté avec laquelle il sut, profitant des vieilles bâtisses, les transformer en une toute nouvelle architecture. Tous les travaux qu’on vient de citer, il les exécuta dans le court espace de six années.

L’église des Théatins avoit été commeucée par Matteo Nigetti, qui en négligeoit l’exécution. On fut obligé de lui donner un successeur. Silvani fut chargé non de continuer, mais de recommencer l’entreprise. Il fît un nouveau modèle sur un plan beaucoup plus étendu, et il trouva un moyen ingénieux d’mtgmen’er le local destiné à l’habitation des religieux, placée sur un espace étroit, el qui ne permettoit aucun agrandissement. Il rebâtit dans le méme temps le couvent de Sainte-Maie des Anges, dont était supérieur sou frère don Slvador Silvani.

Le savant Jean-Baptiste Stozzi commanda à Silvani de lui faire une façade pour son palais, près de la Trinité. Strozzi étoit aveugle. Mais telle étoit alors l’influence des mœurs, particulièment sur l’architecture, que tont homme riche devoit annoncer par l’extérieur de sa maison, son goût et son amour pour les arts. Ainsi, quoique privé, par son infirmité, de pouvoir jouir de la décoration de son palais, Strozzi n’en eut pas moins l’ambition de payer son tribut à l’usage de son temps, et l’on rapporte qu’à défaut de la vue, le laei lui servit à connoitre et à juger le modèle que Silvani lui présenta. On peut, ce nous semble, atlirmer que ce nouvean moyen de critique ne le trompa point, et l’on s’en convaincra en voyant la façade de ce palais, rapportée par Ruggieri, tum. 3, pl. 52 de so Studiod’ Archittetura civile. Milizia, dans la vie extrêmement abrégée d’un des architectes les plus féconds qu’ait produits la Toscane, n’a consacré que deux lignes au jugement de ce palais lais, qui, dit-il, a trois étages mal proportionnés. On ne voit pus sur quoi repose cette laconique censure. Les trois étages dont il s’agit, nous paroissent au contraire offrir, non pas si l’on veut, un modèle de façade bien original, mais très-certainement, une conformité fort heureuse, avec, les meilleurs ouvrages du seizième siècle. Silvani, comme Baldinucci nous l’apprend, ne fit autre chose que la façade dece palais (la facciata di sua casa), Dès-lors il dut l’adapter à des divisions en largeur et hauteur déjà données. C’est donc des détails qu’il faut porter un jugement, plutôt que de la conception d’un nouvel ensemble. Or, on peut affirmer que toutes les formes des’ fenêtres, que leurs chambranles, les ordres qui les décorent, que les intervalles des étages, que la porte d’entrée les pilastres qui la flanquent, ainsi que ceux des angles du bâtiment, l’entablement dorique qui les surmonte, sont autant de parties et de détails où se retrouvent le style, la manière et les principes des plus habiles prédécesseurs de Silvani. Peut-être y aurơit-il à critiquer, dans cet ensemble, comme un peu étrangères à la composition, les petites fenêtres de nécessité. , en œil-de-bœuf, de l’étage d’en haut. Peut-être encore y desireroiton on un entablement qui couronnât toute cette masse, d’une manière plus digue d’elle.

Il faut citer comme un des meilleurs ouvrages de Silvani et des beaux monumens de Florence, le palais Capponi (in Via larga). L’architecture, outre mille difficultés dépendantes des sites, des terrains, et de toutes sortes de sujétions qui entravent le génie de l’artiste, éprouve encore de plus grands obstacles de la part des ordonnateurs, qui souvent veulent plut qu’ils ne peuvent, et après avoir accepté des projets au-dessus de leurs moyens, se trouvent forcés de les rapetisser ou de les laisser imparfaits. C’est ce qui arriva au palais Capponi. Le propriétaire se lassa de l’entreprise qu’if avoit approuvée, ou plutôt de la dépense qu’elle exigeoit. Il obligea Silvani d’en réduire l’élévation déjà fort avancée. Or, on conçoit ce que peut perdre, aux yeux des gens de goût, un édifice dont tous les rapports avoient été calculés, lorsqu’on en vient, par la suppression d’une partie de son élévation, à lui donner une largeur qui semble alors disproportionnée. Malgré çe défaut, qu’on ne doit pas imputer à l’architecte, ce palais est encore un des plus remarquables monumens de l’architecture toscane.

Silvani éprouva un désagrément d’un autre genre, au palais qu’il fit pour les frères Castelli, riches négocians de cette époque, et qu’on appelle aujourd’hui le palais Marucelli, et liens Castelli, avant de s’adresser à Silvani, s’étoient ingéré à en donner eux-mêmes les projets, et en avoient commencé l’exécution sous la direction de gens peu versés dans l’art. Ils curent enfin recours à


Silvani, qui fut obligé, pour réduire à un meilleur dessin, les constructions malhabilement commencées sans perdre toute la dépense déjà faite, de se soumettre à des données fort gênantes, tant de la part des travaux qu’il falloit conserver, que pour satisfaire aux caprices des propriétaires. Toutefois ce palais, considéré surtout dans sa façade fut jugé en son temps, et l’est encore aujourd’hui, comme un des excellons ouvrages entre tous ceux qu’on admire à Florence.

La réputation de Silvani s’élevant de jour en jour, le grand-duc Ferdinand Il ne crut pas pouvoir confier à un talent plus éprouvé la place d’architecte de la cathédrale, qui venoit de vaquer par la mort de Jules Perigi. Ce grand édifice avoit besoin de plus d’une réparation. Silvani y en opéra de plus d’un genre, et des plus importantes, soit en déchargeant les reins des voûtes du poids de matériaux inutiles qu’on y avoit laissés, soit en renouvelant plusieurs parties de charpente, tous travaux qui améliorèrent singulièrement la construction. Mais il eut encore l’ambition de donner enfin un frontispice à cette grande basilique, qui, comme plusieurs autres à Florence, étoit restée imparfaite dans sa façade. Cependant son projet n’eut pas plus de succès que beaucoup d’autres, et Sainte-Marie-des-Fleurs, ce chef-d’œuvre du quinzième siècle, est arrivée jusqu’au dix-neuvième, sans avoir pu recevoir ce Complément, sujet perpétuel de concours et de déba s restés sans décision.

Le vieux pont de Pisc étoit tombé dans une crue d’eau du fleuve, l’an 1635. Il fut question d’en rebâtir un nouveau. Silvani fut appelé pour en donner les dessins. Sou avis étoit de diminuer, autant qu’il seroit possible, le nombre des arches, et par conséquent des piles. Il proposait de faire le pont à une seule pile, c’est-à-dire de deux arches, ou de trois arches, avec deux seules piles ; et il en présenta le modèle, avec l’engagement de terminer le tout au plus tard en trois années. Mais survint entre les concurrens un certain Bartolotti, qui se fit fort d’exécuter le pont sans pile et d’une seule arche. Il le fit en effet, mais le premier janvier 1644, le pont s’écroula. Plusieurs années s’écoulèrent, et après un assez long temps, on eu vint à le rebâtir avec trois arches et deux piles, selon le projet de Silvani. Toutefois il n’eut pas l’honneur de l’exécution. Son grand âge l’eût empêché de se livrer à ce travail, et l’ouvrage fut confié à Francesco Nave, architecte romain.

Aucun architecte n’a peut-ètre à offrir une liste d’ouvrages aussi nombreuse que Silvani. Ce qu’on peut attribuer à trois causes, l’infatigable activité de l’artiste, la longueur d’une carrière poussée jusqu’à quatre-vingt-seize aus, mais surtout l’état de l’architecture et le goût, ou pour mieux dire, l’usage du temps où il vécut. Chaque âge amène avec soi des causes différentes, dont les effets se réalisent dans les œuvres de bâtir. Lorsque de grandes choses ont été faites et produites en architecture, le goût s’en propage, et de proche en proche, un certain courant de mode tend à tout renouveler. C’est ce qui étoit arrivé au temps de Silvani. Les deux siècles qui le précédèrent, avoient mis l’architecture dans le plus grand honneur. De toutes parts s’étoient élevés de grands et magnifiques monumens ; les princes, les grands, de simples particuliers opulens, avoient mis leur ambition dans la grandeur et la beauté de leurs habitations. Ces exemples produisirent de nombreuses imitations. Chacun voulut, selon ses moyens, suivre le mouvement imprimé au luxe. Il se crée alors, pour tous les degrés d’ambition, un certain art de remettra à neuf les anciens bâtimens, de les changer d’habit si l’on peut dire, et de leur redonner une physionomie plus moderne. C’est l’âge des refaçons, des restaurations, des remaniemens, et cet âge-là fur celui où vécut Silvani.

On l’a déjà vu occupé de semblables soins, et Baldinucci va encore se contenter d’énumérer les travaux infinis (dit-il)qui l’occupèrent en ce genre. Le infinite restaurazioni e riduzioni al moderno di chiese di ville di nostri cittadini, etc. De ce nombre furent la villa du sénature Ugolini à San Martino a Strada celle de Guichardini à Valdipesa ; celle de Giulio Morelli et du sénateur de la même famille, ainsi que leur maison à Florence ; le Casin du marquis Salviati, et son palais d’habitation ; la villa du sénateur Luigi Altoviti a Romitizzo ; la maison du prieur Sébastien Ximennès ; la villa du sénateur Lorenzo Strozzi à Valdipesa ; la maison du chevalier del Rosso, ainsi que sa façade ; celle de Jean-André del Rosso ; celle du marquis Vincenzio Capponi ; le superbe salon du palais Galli, dans la rue dé Pandolphini ; la grande salle du palais Pucei ; la façade de la maison Gianfigliazzi, sur le bord de l’Arno. Quelques-uns de ces édifices et d’autres encore, soit convens, soit églises, entièrement construits par lui, furent son ouvrage en propre. Mais le plus grand nombre ne fit pas moins d’honneur à son talent, par l’intelligence et l’habileté avec lesquelles il fut redonner, en quelque sorte, une nouvelle existence à d’anciennes bâtisses, conçues sans goût, et exécutées sans aucune considération d’art.

Silvani ne fut pas moins recommandable parses qualités morales, que par ses talens. Ce fut un homme de bonnes mœurs, désintéressé, charitable appliqué à tous ses devoirs, et les remplissant avec le zèle le plus scrupuleux. L’extrême vieillesse où il parvint, ne le ralentit jamais, surtout dans. la surveillance de la cathédrale, Confiée à ses soins. . On raconte qu’il ne diminua rien de l’assiduité de ses inspections, continuant de monter, tout seul, les centaines de degrés qui conduisent au sommet de la coupole de la tour. Tout ce qu’on put obtenir de lui. sui qu’il se fit accompagnér de quelqu’un, et il choisit pour aide ; et pour compa-


gnon un ouvrier de la fabrique, centenaire luimême.

SIMBLEAU, s. m. Ce est le cordeau ou La ficelle Avec quoi les charpentiers tracent juin circonférence, when sa grandeur surpasse la Portée d compas non.

SIMÉTRIE. Voyez SYMÉTRIE

SIMPLE, SIMPLICITÉ, Nous réunissons d’autant plus volontiers, sous ces deux mots, les notions de la qualité qu’ils expriment, que le mot simple, qui est un adjectif, s’emploie souvent aussi substantivement, et l’on dit le simple, en l’opposant au composé. On dit le simple, comme on dit le beau le grand, pour la beauté, la grandeur, etc.

Le simple donc, ou la simplicité, est, dans tous les arts, une qualité essentielle, en tant qu’elle est un des principes les plus actifs, et les plus sensibles du plaisir que leurs ouvrages nous procurent

En effet, de quelque genre que soient ces ouvrages, qu’ils soient de nature à s’adresser plus particulièrement ou à l’intelligence, ou à l’imagination, ou au sentiment, ou à toute autre des facultés de notre ame que l’on voudra, et qu’ils s’y adressent soit par un de nos sens, soit par an autre, ce que demande avant tout chacune de ces facultés, et ce que vent chacun des sens qui leur sert de ministre, c’est de concevoir, de se figurer, et de jouir facilement.

Ainsi nous demandons aux idées et aux images de se présenter à notre ame dans l’ordre le plus clair, et sous des formes qui se laissent saisir sans confusion.

C’est cette manière d’être des idées, des formes, des lignes, des contours et de leurs figures, que nous appelons simplicité.

Il y u entre la simplicité et l’unité, des rapports qui font très-facilement confondre la nature et les effets de chacune. Cependant leurs notions sont distinctes. Lorsqu’ Horace a dit. . . . . sit quodvis simplex duntaxat et unum, il n’a probablement pas entendu réunir ces mots, comme de parfaits synonymes, comme l’expression redondante d’une seule et même notion. Quoiqu’il soit vrai de dire, que les effets de ces deux qualités doivent souvent se rencontrer ensemble, que le principe d’unité empreint dans un ouvrage, y est peut-être le résultat de l’esprit de simplicité, et que ; réciproquement, là doit régner le mérite de la simplicité, où se découvre le principe d’unité, toutefois l’analyse métaphysique sait appliquer à chacune, un caractère distinctif.

L’unité consiste particulièrement, dans les arts d’imitation, à produire la liaison de toutes les parties avec le tout, à ramener tous les détails a un point fixe, à faire enfin que chaque chose, eu quelque genre que ce soit, offre une combinaison nécessaire, d’où l’on ne puisse rien détacher, sans que l’ensemble en soit détruit, Voyez UNITÉ.

On voit qu’une semblable qualité doit réellement coopérer aux effets qu’on attend de la simplicité.

Cependant nous dirons que du son côté la simplicité, à l’égard des arts d’imitation, consiste à établir dans les élémens dont se compose chaque ouvrage, l’ordre le plus naturel, à en disposer les idées et les images avec cette économie qui nous les présente, comme le fait. la nature, c’est-à-dire de manière, que le principal n’y soit jamais offusqué par les accessoires, que tous les détails y soient distribués et gradués en leur rang, pour faire Valoir et briller l’ensemble.

Il y a au reste dans le développement de la théorie de ces deux qualités, tant d’applications diverses, que de nombreux volumes n’en épuiseroient pas la matière. Il en est de la simplicité comme de l’unité. Il doit y avoir de l’unité dans la conception première d’un ouvrage ; dans son plan, dans son but, dans ses moyens d’exécution.

Nous en dirons autant de la simplicité ; et comme tous les arts se tiennent par un lieu commun, il n’y a point de précepte applicable, sur le sujet dont il s’agit, à l’éloquence, à la poésie, à la musique, à la peinture, qui soit étranger à l’architecture.

Trois sortes de simplicité doivent donc se trouver dans l’œuvre de l’architecte. Simplicité de conception dans la plan général d’un édifice. Simplicité dans l’effet général qui doit en manifester le but. Simplicité dans les moyens d’où dépend son exécution.

C’est dans la conception première, ou le plan général d’un édifice, que la simplicité doit avant tout régner. J’entends par conception et plan de l’édifice, l’idée fondamentale qui repose sur la nature et la destination du monument.

Tout ouvrage d’architecture est un assemblage de parties, auxquelles l’architecte donne l’être. Considéré sous ce rapport très-abstrait, il y a sans doute un art d’assembler ces parties pour le plus grand plaisir des yeux, qui doit entrer aussi dans les combinaisons du génie de l’artiste. Mais l’architecture n’existant au fond, que par et pour les besoins de la société, l’architecte entendroit mal les obligations qui lui sont imposées, si, dans ses plans et ses conceptions, il bornoit son art et le mérite de la simplicité, à tracer des lignes dont la régularité, l’uniformité : et la symétrie pourroient recommander l’ensemble, mais indépendamment de ce que la raison y doit desirer. L’antiquité sans doute, nous a transmis en plus d’un genre d’édifices des modèles de simplicité dans les plans, que l’architecte doit toujours avoir le désir d’imiter. Toutefois nous dirons que c’est plus encore l’esprit de cette simplicité, que sa réalité, qu’il doit s’approprier. Les mœurs des sociétés


modernes, des besoins plus compliqués, des institutions d’un autre genre, ont établi d’assez grandes différences entre des monumens consacrés, si l’on veut, au même emploi chez les Anciens et chez les Modernes, mais qui ne peuvent plus admettre dans leur disposition une parfaite ressemblance.

Ainsi le type du temple grec n’est quelque chose d’aussi simple, sous tous les rapports, que parce que les formes du culte extérieur, c’est-à-dire les pratiques et les cérémonies religieuses, prescrivoient on ne peut pas moins de sujétions à l’architecte. La diversité des climats en met également une très-grande dans les intérieurs d’un grand nombre de monumens. Sans aucun doute, toutes ces causes exigent, pour la conception des plans, une plus grande multiplicité de choses et de détails chez les Modernes. Mais la simplicité entendue comme elle doit l’être, et non réduite mathématiquement à la moindre expression, brillera tout autant, et peut-être avec plus de mérite et d’éclat, dans la composition d’un monument, que des besoins nombreux et divers tendent à compliquer. Un très-grand nombre de pièces, ou de divisions, peut se trouver distribué sur une vaste étendue de terrain, de manière à se développer ave Clarté, par une succession de dégagemens, qui les fasse parcourir facilement, sans présenter à l’esprit et aux yeux l’idée ou l’image d’un labyrinthe.

Il appartient surtout à la nature où à la destination de l’édifice, d’inspirer à l’architecte la pensée générale, qui doit servir de type à son invention ; car il n’est pas de monument que son emploi ne doive assujettir à une première donnée simple, qui devient le premier régulateur de sa composition. Quelque diversité et quelque multiplicité que présente dans ses détails, le programme d’un édifice, il s’y trouvera toujours le mérite de la simplicité, si l’artiste a su subordonner toutes ses parties à un motif général, qui en contienne, si l’on peut dire, l’explication. Ce motif général est pour l’architecture ce qu’il est pour les compositions poétiques. Le poëme le plus étendu, le plus varié dans les divers chants dont il se compose, peut reposer également sur un sujet simple dans sa nature, et des-lors susceptible de développemens qui, pour être nombreux, ne détournent jamais l’attention de l’objet principal. Or, tel est en tout genre l’avantage de la simplicité, dans ce qui est la conception première d’un ouvrage.

La seconde sorte de simplicité, dans un monument, avons-nous dit, est celle de son effet. J’entends par le mot effet, l’impression que tout ouvrage fait sur nous. Cette impression, dans les œuvres de l’architecture, résulte particulièrement de ce qu’on appelle l’élévation, qui, pour le plus grand nombre des hommes, constitue l’essentiel d’un monument, et qui pour tout le monde est réellement ce que la figure extérieure est à tous les corps. Il y a sans doute entre le plan et l’élévation une connexion naturelle, mais dont l’effet n’est saisi que par le petit nombre. En beaucoup de cas aussi, une élévation vicieuse, compliquée, tourmentée dans ses détails, peut avoir lieu sur un plan simple et judicieusement ordonné.

La simplicité d’effet exige donc, que l’ordonnance générale d’une élévation se développe par des lignes peu interrompues. L’usage des ressauts, des avant-corps, ne doit avoir lieu qu’autant qu’une nécessité sensible l’exige. Il y a toujours dans les partis d’architecture les plus simples, dans l’emploi le plus uniforme des ordres et de tous leurs accessoires assez de détails pour empêcher l’effet d’un édifice de tomber dans la monotonie. Imaginer des élévations mixtilignes, pour y introduire sans besoin des diversités, c’est faire de l’architecture un jeu vraiment puéril, c’est dégrader l’art, en substituant à l’idée d’utile et de nécessaire, qui doit toujours s’y manifester, pour contenter la raison, celle de caprice et d’arbitraire, qui ne seroit d’un édifice qu’un ouvrage de mode, genre de goût qui ne peut appartenir qu’aux productions d’un luxe éphémère.

La simplicité d’effet résulte également de l’emploi judicieux et modéré des ornemens. C’est une erreur en architecture, comme dans tous les autres arts, de croire, qu’en fait d’ornemens, la richesse dépende de la prodigalité. Tout ce qui devient trop abondant, devient vil. La surcharge des ornemens en déprécie infailliblement la valeur. La confusion, qui est le résultat de cette exagération, détruit pour l’œil et pour l’esprit, l’impression et le sentiment qu’on a vonlu produire. Oui, le simple est en tout, non le principe, mais le vrai moyen de l’art d’orner, c’est-à-dive de donner aux ornemens leur valeur. Si cette valeur leur manque, ils ont manqué leur but. Qu’est-ce qu’un moyen qui ne produit pas son effet ? Tous les ouvrages de l’esprit, les inventions du poëte, les compositions de l’orateur ou de l’écrivain, nous démontrent que toujours, et en tout pays, l’abus des images, l’emploi continuel des figures ou des ornemens du style, en apprauvissant le discours, font naître le dégoùt ou l’indifférence pour les richesses qu’on y prodigue. Il suffit de même de se représenter, en idée, l’effet’un de ces péristyles, de ces frontispices de monumens, où une succesion bien ordonnée de parties, de membres, de profils, d’ordres, de chapiteaux, de détails d’ornemens, a lieu sur des sonds lisses, sur des vides bien ménagés, où toutes ces choses sont réparties avec une économie qui permette a l’œil de les parcourir avec facilité, et à l’esprit d’en saisir aisément la raison, d’en embrasser l’ensemble et les détails, et d’y admirer le lien qui les unit. Que l ou compare à cette impression, celle que sont éprouver, soit les monumens de l’Inde, dans leurs compositions bigarrées d’une multitude de sormes, ou de découpures multipliées, soit les frontispices de ces églises gothiques surchargés de sculptures


sans nombre, où nul repos n’est offert aux yeux et où la confusion des détails opère sur l’esprit, le même effet que celui d’une foule dans laquelle on ne peut distinguer personne. On aura, je pense, dans ce parallèle, l’idée la plus claire de la qualité qu’on appelle simplicité d’effet en anchitecture, et de la confusion qui en est le contraire.

Le troisième genre de simplicité qui nous a paru devoir caractériser essentiellement l’ouvrage de l’architecte, est celui des moyens d’exécution.

Ce qu’on doit entendre ici par moyens d’exécution, comprend une idée plus étendue qu’on ne pense, en la restreignant aux seuls procédés de la construction. Ce n’est pas que la simplicité dans ces procédés, ne soit un des élémens matériels de la qualité morale donl il s’agit ici surtout. Effectivement, partout où l’art de bâtir, moins développé par la pratique ou par la science, a formé les premières constructions, on observe que la plus graude simplicité régna dans les conceptions, les plans et les élévations. Ce fut peu à peu, et avec le secours d’instrumens plus variés, qu’on oa mettre aussi plus de variété dans l’emploi des matériaux, qu’on substitua des voûtes aux plates bandes, qu’on s’enhardit à faire porter des masses les unes sur les autres, à élever de plus en plus les plafonds et les couvertures, à ployer enfin toute espèce de matière, au gré des contours qu’on voulut donner à la forme générale du bâtiment.

Il est dans la nature de l’homme et de toutes ses inventions de ne s’arrêter jamais. Si la nouveauté a des bornes, le désir du nouveau n’en a point, et l’on en veut même lorsqu’il n’y en a plus. Cependant on prend pour tel le bizarre et l’extravagant, et c’est en ce genre, il faut l’avouer, qu’il n’y a plus de terme, Le simple est un, comme la vérité. Le composé est comme le saux, ses diversités sont infinies. Qui pourroit nombrer celles du mauvais goût en architecture lorsque l’abus dela science de construire, vient lui prêter ses difficultés, ses problèmes, ses solutions, ses porte-àfaux, ses badinages, ses tours de force ?

J’en ai dit assez pour faire comprendre comment le trop simple, dans les moyens d’exécution, peut comprimer ou arrêter l’essor du génie de l’architecture, et combien l’abus de la diversité, dans les procédés de la construction, peut y introduire de caprices qui la dégradent. La simplicité d’exécution tient donc le milieu entre ces deux excès. Elle ne se refuse point à la grandeur, à la hardiesse, aux mouvemens heureux des plans et des élévations, mais elle veut que tout ce que produisent soit l’art, soil la science même, rende aux yeux un compte sacile et clair de la manière dont tout est exécuté, que l’onvrage non-seulement soit solide, mais le paroisse à l’œil le moins expérimeuté.

La simplicité d’exécution, ou du système de construstion, a une double influence sur les ouvrages. Je parle ne l’influence morale on de celle du goût. Il à étés plus d’une fois question, à plus d’un article de ce Dictionnaire, du système imitatif de la construction primitive en bois, qui devint le type de l’architecture grecque, et nom avons eu plus d’une occasion de montrer que de tous les modèles fournis par les besoins locaux e-par l’instinct de chaqne contrée, à l’imitation que l’art peut en faire, celui de la construction en bois (ou de la cabane) dut nécessairement procurer à l’architecture, ce juste milieu qui réunit la variété à la simplicité.

On aperçoit dès-lors, que le système de construction émané de l’imitation dont on parle, ayant produit un ensemble de formes, qui doivent leur raison au modèle qu’elles suivent, plus l’architecte restera fidèle aux données de ce type primitif, dans les procédés de sa construction, plus la forme générale de son édifice acquerra de simplicité. Nous avons fait voir ailleurs, que c’est pour avoir abandonné ce principe originaire, que l’architecture libre de toute règle, tomba dans ce chaos de bizarreries, où il ne fut plus possible de trouver un terme aux écarts de la raison, parce qu’il étoit impossible de leur trouver un principe.

La supériorité de l’architecture grecque sur toutes les autres, provient très-certainement de la nature de son principe, à la fois simple et varié. C’est dans ce principe, considéré comme moyen d’exécution, que la construction trouve la solidité, qui repose elle-même sur la simplicité : c’est dans ce principe que la composition trouve l’obligation de respecter cette alliance du besoin avec le plaisir, qui n’est elle-même que l’union de la raison et du goût, dans les formes que l’art donne aux édifices.

Ou doit reconnoître la même influence de ce principe sur ce qu’on appelle la décoration, ou l’art d orner l’architecture. Quel terme assigner aux inventions du goût d’orner, quel frein aux caprices et à la confusion de tous les élémens décoratifs, si l’action du principe constitutif de l’art n’intervient comme régulateur en ce genre ? La simplicité, qualité essentielle dans ce qui fait l’ornement de l’architecture, trouve dans la simplicité du système de construction, ou d’exécution, tout à la fois son principe, sa règle, et l’exemple de ce juste milieu, en deçà ou au-delà duquel, on n’aperçoit que luxe ou pauvreté.

SIMPULE, s. m. (en latin simpulum. ) C’est le nom que les anciens romains donnaient à un vase servant aux sacrifices. Il servoit à faire des libations. Probablement on en usoit aussi, ce que semble indiquer la forme de son anse, pour puiser du liquide dans un autre vase plus grand. Les cabinets d’antiquités conservent de ces sortes de vases eu bronze.

On tes voit aussi fréquemment figurés comme ornemens en bas-relief, soit sur les superficies latérales des autels en marbre, soit dans les


frises, ou autres emplacemens de l’architecture. Ils y sont ordinairement réunis à d’autres instrumens de sacrifices, tels que la patère, l’aspergille, etc.

La religion chrétienne a, dans les pratiques de son culte, admis plus d’un objet, auquel on trouve de la ressemblance avec ceux du paganisme. Ainsi quelques-uns des vases qui servent au saint sacrifice, ont dû inspirer aussi aux artistes d’en répéter I’image dans les ornemens des temples. C’est par une suite fort naturelle de cet esprit d’imitation, qn’on voit sculptés sur plusieurs espaces des membres de l’architecture des églises, certains vases qui rappellent la forme du simpulum antique.

SINGE, s. m. Machine composée d’un treuil tournant sur deux chevalets faits en croix de Saint-André, qui a des leviers, bras ou manivelles à chacune de ses extrémités, pour le faire tourner. Cette machine sert à élever des fardeaux au haut d’un bâtiment, à tirer les terres de la fouille d’un puits, et à monter on descendre les mœllons et le mortier.

On appelle encore singe, un instrument composé de règles mobiles, les unes au-dessus des autres, dont on se sert pour copier des dessins et les réduire. On donne aussi à cet instrument le nom depantographe.

SINGLER, v. act. C’est tracer des lignes par un cordeau tendu, et qu’on a blanchi ou noirci auparavant, avec une poussière qui se détache sur le corps où l’on veut faire un tracé, par le mouvement de vibration qu’on donne à la corde.

Singler est aussi, dans le toisé, prendre avec un cordeau le pourtour d’une voûte, le développement des marches d’un escalier, et de sa coquille, ou avec une bande de parchemin contourner les moulures d’une corniche, et de tout autre ornement qui ne peut pas être mesuré avec le pied ou la toise.

SINGLIOTS, s. m. pl. On appelle AINSI les foyers Ou centres de l’ovale du jardinier, Autour desquels glisse le cordeau ne circula Qui SERT à le traceur.

Siparium. Voyez RIDEAU,

SISTRE, s. m. Instrument de musique originaire d’Egypte, ET QUI Vint Ë Rome with the superstitions de Ce pays. Nous ne en mentionner ici Faisons Que Comme being non symbole de l’art égyptien, et Pouvant encore, Dans certains CAS, Figurer en Façon d’ornement Dans Quelques compositions d’architecture.

SISTYLE. Voyez Systylé.

SITUATION, s. f. Se dit particulièrement, en architecture, de la manière dont un édifice, par le lieu qu’il occupe, se présente à la vue du spectateur.

Les villes, pour la plupart, sont dès résultats de causes naturelles, qui ont déterminé leur première fondtion et leur accroissement dans certains lieux, par préférence à d’autres. Parmi ces causes naturelles, on peut compter la qualité du territoire, la proximité d’une rivière, la salubrité du site, garantie par telle ou telle exposition. Les causes politiques ont encore influé sur le choix des positions, qu’exige ou que conseille, pour les cas de guerre, la position des lieux escarpés et montueux. De là, beaucoup de villes situées sur des hauteurs, et qui présentent au paysagiste des aspects pittoresques et variés, sorte d’avantage ou d’agrément qui n’entra jamais pour rien dans les raisons qui firent naître une ville en de tels endroits.

S’il n’est guère possible que des raisons d’agrément ou de beauté visuelle déterminent l’emplacement des villes, il n’est ni rare ni difficile que l’art et le goût président au choix d’une situation convenable aux monumens dont les cités s’embellissent, et l’on en citeroit plus d’un exemple si ces choses n’étoient pas trop connues. Qui peut ignorer combien un grand édifice placé sur une hauteur qui domine la ville, reçoit d’une telle situation, de grandeur et de majesté, et combien il en communique à tout ce qui l’entoure ? Il est ainsi des situations que donne et peut seule donner la nature. Il en est d’autres qui sont à la disposition des hommes. L’ouverture d’une grande rue en face d’un édifice, une place proportionnée a ses dimensions, des percés multipliés, qui, en y aboutissant de différens côtés, contribuent à le faire voir de loin sous tous ses aspects, sont des moyens de faire valoir sa situation ; et ces moyens peuvent dépendre de la prévoyance des ordonnateurs, ou quelquefois résulter, après coup, des améliorations que procure la saine police des villes. Mais il importe beaucoup que de tels soins accompagnent, dès leur origine, la création des monumens, tant il est quelquefois difficile d’obtenir, surtout dans les villes populeuses, les terrains nécessaires à une belle situation.

La connoissance de la situation qu’on destine aux édifices, est une des premières obligations que l’architecte doit s’imposer.

Quoiqu’il y ait, dans l’architecture, une beauté positive, qui se fonde sur plus d’un point indépendant des accompangnemens d’un édifice, il y a toutefois un mérite d’accord et d’effet, qui tient aux relations de l’espace et du lieu qu’il occupe. Un édifice n’est pas de nature, comme un tableau, à ne pouvoir être vu que d’un point déterminé, au-delà ou en deçà duquel on ne voit point, ou l’on voit trop et trop peu. Les masses de l’archi-


tecture doivent satisfaire le spectateur, à des points d’éloignement divers ; c’est pourquoi certains détails auront besoin d’être prononcés avec plus ou moins de saillie et d’énergie, pour correspondre à l’effet qu’ils doivent produire de loin.

On a donné plus d’une raison de la grande saillie que la sculpture imprima aux figures des métopes du temple dorique de Minerve à Athènes. Outre le besoin de correspondre à la saillie des figures en ronde bosse du fronton, il m’a toujours semblé que ce temple, placé sur l’Acropolis, et devant être vu de toutes les parties de la ville, l’artiste avoit dû prendre en considération l’effet que ce couronnement de l’édifice pouvoit produire de loin, pour être d’accord avec celui de la densité des colonnes.

Quelle règle prescrire à l’architecte sur cette matière ? Aucune, ce me semble. Il y a de ces convenances que te goût seul fait apprécier. Les effets produits par les situations, c’est-à-dire par les différentes manières dont l’œuvre de l’architecte, selon les distances, se présente à la vue, sont si nombreux, que l’artiste n’est tenu que de choisir entre les plus importans, et de régler en conséquence, sur quelques-uns de ces points de vue, la proportion et la saillie tant de la masse générale, que de la masse principale, quoique subordonnée de chacune des parties.

SOCLE, s. m. Zoccolo en italien, vient du latin soccus, chaussure.

Ainsi on a comparé le corps inférieur sur lequel s’élève, soit un piédestal, soit une colonne, à la semelle ou sandale qui se trouve placée sous le pied de l’homme.

Effectivement, le socle, à quelqu’espèced, objet qu’il s’applique en architecture, est toujours le corps qui sert de support à tous les autres membres.

Dans les corps isolés, tels que colonnes, piédestaux, bases quelconques, le socle est un solide, carré le plus souvent, qui a moins de hauteur que de largeur, et qui se place sous les moulures et profils. On lui donne aussi le nom de plinthe.

On appelle socle continu le même objet placé de même au bas d’une ordonnance ou d’un bâtiment mais qui, au lieu d’être isole’, règne de niveau dans une façade, comme tous les autres profils. VoyezSOUBASSEMENT.

SOFITE ou SOFFITE, s. m. De l’italien soffitto, qui veut dire plafond. On peut user de ce nom en français, comme étant synonyme du mot plafond, et il exprimera le dessous d’un plancher, surtout de celui qui, formé par des solives croisées, offre les compartimens ornés de rosaces qu’on appelle caissons. Effectivement, le mot plafond, pur sa composition, ne rend point, ou rend mal l’image de ces dessous de plaucher.

Au reste, on a plus ordinairement appliqué en français le mot italien soffite à ces surfaces vues en dessous des architraves, par exemple, ou des larmiers, et qui reçoivent, selon le caractère de chaque ordre, plus ou moins d’ornemens, et des ornemens de divers genres.

Ainsi, l’ordre dorique a ordinairement les soffites de sa corniche ornés de gouttes faites en forme de clochettes, disposées sur plusieurs rangs correspondans au droit des gouttes qui sont eu bas des triglyphes.

L’ordre ionique nous montre quelquefois soffite de sa corniche orné de petites rosaces séparées par de petits denticules.

Le soffite de la corniche dans l’ordre corinthien est, selon la progression de richesses affectée à cet ordre, divisé en compartimens de petits caissons, ornés de rosaces et séparés par des modillons en forme de consoles sculptées avec enroulemens.

SOIGNÉ, adject. Quelles que soient les beautés de tout ouvrage d’art, quelque mérite fondamental qu’offre un édifice, dans sa conception, son plan et son ordonnance, il laissera beaucoup à désirer, si une exécution soignée ne donne à chaque partie, ce fini qui en complète la forme, et qui, par un faire précieux, relève jusqu’à la valeur d’une matière commune ou vulgaire.

Sous ce rapport, l’architecture participe à quelques-unes des propriétés de la sculpture (voyez SCULPTURE), qui entre pour beaucoup dans son travail ; aussi doit-elle encore lui emprunter le charme que cet art donne à ses ouvrages, en imprimant à leur matière, ce fini mécanique, distinct sans doute de celui que donne la science, mais qui le fait briller avec plus d’avantage, et qui a encore celui de plaire aux yeux du plus grand nombre.

Le soigné, le rendu précieux dans les œuvres de l’architecture, comme dans tout autre ouvrage, peut sans doute se rencontrer avec des formes vicieuses, des détails incorrects, et un ensemble défectueux. Or, il est certain que ce fini, dont on parle, ne peut ni corriger ni compenser le vice élémentaire du fond des choses ; aussi ne le donnet-on ici que comme un complément des autres mérites. J’ajouterai, qu’il forme toujours un préjuge favorable à l’opinion qu’on prend, et de l’artiste et de son travail.

SOL, s. m. Du latin solum. Ce est la superficie de la terre, l’aire Proprement dite, de la place sur le bâtiment des Nations Unies Laquelle élève.

Also CE le mot de Les Latins, pour Exprimer juin superficie quelconque distincte À du terrain, et sur Laquelle sur élevoit différens objets. AINSI Pline (ou for better dire Varrou), décrivant les Cinq corps pyramidaux du tombeau de Porsenna, Qui en formoient l’amortissement, et Qui conséquente par portaient Sur une superficie fort élévée Au-dessus du terrain, dit : quas Supra quinque


uno solo pyramides. Il Faut entender et traduire uno solo by a Seule plate-forme.

SOLES, pl s. f. . On appelle AINSI Toutes les pièces de bois, posees de plat, Qui Servent A faire les empattemens des machines, Telles Que grues, engins, etc. Sur les Nomme racinaux, Quand, Au lieu d’être des plaques, Elles Ont presqu’autant d ‘Épaisseur duc d’Étendue.

En maçonnerie, On entend par semelles les jetées de plâtre au panier, au Québec les maçons police Avec la truelle, verser les ex-enduits.

SOLIDE, s. m. Ce mot DEVIENT non substantif Quand Ou l’Emploie, par exemple, dans L’utilisation de la géométrie, pour Exprimer ous signifiant un corps Qui a trois dimensions, longueur, largeur et Profondeur.

Sur Emploie encore CE mot substantivement en Architecture et Dans Les constructions verser entr’autres Designer droits incorporels, non massif Ou un corps Epais en maçonnerie. Sur le dit also du fond d’un terrain non Dans les fondemens D’UN édifice.

SOLIDE, Adj. des Deux genres. VoyezSolidité.

SOLIDITÉ, s. f. Qualité essentielle de l’art de bâtir, de laquelle dépend particulièrement la durée des édifices, et qui fait aussi une partie plus importante, qu’on ne pense, de leur beauté. Disons même que sans le mérite de la solidité, ceux de l’agrément, de la commodité, de la richesse, perdroient bientôt leur valeur.

Il est dans la nature de l’homme d’estimer et de chercher tout ce qui peut rendre ses œuvres durables. Comme il existe en lui un sentiment invincible, qui le porte à prolonger la durée de son existence, tant au physique, par les moyens conservateurs de la santé et par la reproduction de son être, qu’au moral, par le désir de perpétuer sou souvenir et son nom, il ne se peut pas que ce sentiment n’agisse point également sur les ouvrages de ses mains. Or, l’architecture est, entre tous les arts, celui qui peut le plus satisfaire ce désir de perpétuité, qui est le propre des nations, comme des particuliers.

Les peuples auciens nous ont laissé à cet égard de mémorables exemples de cette passion, et des moyens que sait employer, pour la satisfaite, l’art de bâtir. Les restes d’une infinité de leurs édifices déposent, jusque dans leurs ruines, des soins qu’on avoit pris d’assurer leur durée, par la solidité attachée à leurs matériaux, et à la manière de les employer. L’état de destruction du plus grand nombre de ces monumens, n’a rien qui contredise l’opinion qu’on avance ici. Tous les efforts de l’homme, en effet, ne peuvent rien produire d’éternel. L’idée d’immortalité, à l’égard des productions de la créature, n’est qu’une hyperbole perbole du langage. Le temps est leur ennemi naturel, et tout doit devenir sa proie. Si l’on ajoute à ce principe de ruine, les causes innombrables qui travaillent à accélérer toute destruction, les fléaux naturels, les guerres, les révolutions, les vicissitudes politiques qui changent la face des Empires, loin d’attribuer au manque de solidité, l’état de dégradation dans lequel se trouve le plus grand nombre des édifices antiques, on y verra au contraire la preuve la plus convaincante, qu’ils surent doués de ce mérite, à un très-haut degré, puisque la réunion de tous les élémens de destruction, n’a pu les faire disparoître.

Ce mérite se découvre plus clairement encore, dans ceux de ces monumens que le hasard seul a conservés, ou que quelques causes particulières à leur destination auront préservés, Il en existe, comme on sait, soit à Rome, soit en d’autres lieux, qui ont à peu près deux mille ans d’antiquité, et où l’on ne trouve d’autre marque de vétusté, que celle d’une teinte rembrunie ; et toutesons sans qu’on en ait pris le moindre soin. Cependant, en dépit même de tous les accidens qui ont pu les atteindre, ils promettent de transmettre encore à bien des siècles futurs, les leçons de solidité, que des ouvrages beaucoup plus modernes n’ont pu même faire passer jusqu’à nous.

Ce goût pour la solidité semble avoir été toujours en diminuant, depuis les temps qu’il faut appeler antiques. Les édifices du moyen âge ne sauroient soutenir le parallèle avec ceux des siècles précédons ; et si l’on excepte quelques ouvrages de l’art de bâtir, des deux premiers siècles du renouvellement des arts, siècles où les mœurs, les opinions et le goût des particuliers, ramenèrent dans l’érection des palais le luxe de la solidité, on ne sauroit présager une longue durée au plus grand nombre des constructions de cet âge.

Que seroit-ce, si l’on vouloit examiner sous ce rapport le goût du temps où nous vivons, c’est-à-dire sous le rapport des opinions et des mœurs, qui ont une influence si particulière sur les moyens d’où résulte la solidité. On ne sauroit nier que la solidité bien entendue ne soit ou ne puisse être, selon les différences du but qu’on se propose, tantôt économique, tantôt dispendieuse. Elle est une économie, dans les édifices qu’on destine à être d’une longue durée, puisqu’elle rend inutiles les réparations, les refaçons, les remaniemens qu’une construction débile amène nécessairement après un petit nombre d’années, puisqu’elle éloigne le plus qu’il est possible le besoin de les reconstruire. Elle économise dune pour l’avenir. Mais par cela même elle est dispendieuse pour le présent. Ainsi on bâtira avecsolidité ou sans solidité, selon qu’an gré des mœurs et des opinions régnantes, un principe plus ou moins égoïste bornera à la jouissance du moment, ou é’endra à celle des temps futurs, les entreprises de Part de bâtir.

Le mépris de la solidité, on la recherche des


moyens économiques, tient encore, en raison des pays et des temps, à certaines causes, parmi lesquelles on peut distinguer quelquefois le manque des matériaux, que la nature ne dispense pas également partout ; quelquefois cette grande division des fortunes entre les particuliers, qui prescrit au plus grand nombre l’épargne des matières et des procédés ; quelquefois l’esprit de commerce et d’industrie, qui ne calcule dans la construction des habitations, que le revenu de leurs locations ; quelquefois les systèmes de gouvernement, d’où résulte, entre tous, cette sorte d’égalité apparente, qui trouve plus de facilité à se manifester dans l’économie, que par la dépense des bâtimens.

Or, toutes ces causes, et beaucoup d’autres, réagissent également sur la construction des monumens publics, parce qu’il est très-naturel, que ce qu’on appelle l’esprit public d’un peuple, se compose des habitudes et des opinions particulières. Lorsque le sentiment qui dirige les habitudes, se concentre dans les jouissances personnelles, et dans celles du présent, les dépenses publiques, qui ne se sont qu’aux dépens des contributions particulières, éprouvent bientôt cette action des calculs de l’intérêt, qui met, avant toute autre considération, celle de l’économie. Le premier point de vue qui se présente aux ordonnateurs, est le point de vue de la dépense. Alors la première condition qu’on impose à l’architecte, n’est point de faire ce qu’il y a de mieux, mais ce qui coûte le moins. Cependant comme la grandeur, cette qualité pricipale des monumens, ne sauroit avoir lieu, prise dans le sens positif de dimension, sans de dispendieuses fondations, sans un emploi de matériaux choisis, sans de longues et profondes combinaisons, qui exigent un laps de temps considérable, et un grand concours de moyens, l’esprit d’économie trouve plus expédient de se déterminer pour les projets d’une moindre dimension. De là le rapetissement de toutes les compositions ; de là le rabais sur tout ce qui peut garantir aux édifices une longue durée, et perpétuer en ce genre la gloire d’un pays.

Nous n’avons voulu, par ces considérations, que faire comprendre, quelle est, sous le point de vue moral, et dans ses rapports politiques avec l’architecture, l’importance de la solidité.

Nous nous croyons dispensés d’en recommander le mérite, dans ses rapports techniques et positifs avec les travaux de cet art. Du reste on ne doit pas non plus s’attendre à trouver ici on traité, ni un ensemble des lois de la solidité. Tout ce qui composeroit cet ensemble se rencontre à tons les articles de construction qui sont partie de œ Dictionnaire, et nous y renvoyons le lecteur.

On se bornera, dans cet article, à l’exposé succinct des principaux élémens pratiques de la solidité.

Il faut mettre en première ligne de ces élémens, la bonté des fondations ou de l’assiette sur laquelle s’élevera l’édifice. C’est là que toute économie est préjudiciable. La fondation étant ce qui porte la construction, il saut qu’elle soit portée elle-même par un sol, qui ne puisse éprouver ni pression ni mouvement, et l’un doit creuser jusqu’à ce qu’on trouve celle qualité dans le terrain, ou il faut y suppléer, au besoin, par des plates-formes solides, par des pilotis, et par tous les procédés qu’on a rapportés au mot FONDATION. (Voyez cet article. ) Généralement toute la dépense qu’on porte aux sondations, bien qu’elle soit perdue pour les yeux, et semble l’être pour le moment présent, est pour l’avenir de l’édifice une véritable économie, puisque là est la principale garantie d’une consistance, qui épargnera dans la suite des dépenses de restauration, qu’on a vu quelquefois égaler celles de leur construction.

Tout édifice étant un composé de parties, le principe de la solidité veut que l’on considère ces parties composantes, d’abord en elles-mêmes, ensuite dans leur composition ou leur liaison.

Considérées en elles-mêmes, les parties de l’édifice sont les matériaux qu’on y emploie. Or, du choix de ces matériaux dépendra le plus ou moins de solidité dans la construction.

Ce choix a deux objets ; le premier est le genre des matières, le second la qualité de chacune. Lorsque la nature des causes physiques ou des considérations morales permet à l’architecte de choisir entre tous les matériaux, sans aucun doute les marbres et les pierres auront la préférence, et parmi les pierres, celles qui offriront le plus de dureté. C’est évidemment par ce choix de la qualité des pierres, que des édifices, qui datent de deux ou trois mille ans, sont parvenus jusqu’à nous, encore intègres dans les parties qui en subsistent ; ce qui prouve que leur état de ruine est dû à un tout autre principe qu’à celui du défaut de la matière. (Voyez PIERRE. ) La brique peut tenir, après les pierres, le second rang pour la solidité des constructions. La brique est en quelque sorte une pierre artificielle, susceptible d’une grande consistance, selon le degré de sa fabrication, et lorsqu’elle est employée avec un bon mortier, elle forme un tout peut-être plus compact qu’on ne peut l’obtenir des pierres ; et elle a, dans la construction des voûtes, l’avantage de la légèreté, de la facilité d’exécution, et d’une plus grande durée. On voit en effet des arcades en briques, dont une moitié a été détruite, et dont l’autre moitié reste depuis un nombre considérable d’années, suspendue en l’air, sans annoncer le moindre commencement de dissolution, (Voy. BRIQUE. ) Après l’emploi de la brique, on doit mettre la maçonnerie en mœllons, ou petites pierres en revêtement, sur un massif en blocage. Les Romains ont fait en ce genre des constructions très-solides, dont Vitruve a décrit les procédés, et dont il a été question à divers articles


de ce Dictionnaire. (Voyez INCERTUM OPUS, RETICULATUM. ) Le bois doit se ranger an dernier rang des matières qui peuvent servir à faire des bâtimens solides : non que, dans les constructions des maisons ordinaires, on n’emploie cette matière en plus d’un pays, de façon à produire des ouvrages durables ; mais comme nous n’entendons traiter ici de la solidité, que dans son rapport avec l’art de l’architecture, c’est-à-dire avec les édifices qui sont du ressort de cet art, le bois ne peut entrer dans les considérations du genre qui nous occupe, que comme servant, le plus ordinairement, dans les combles, aux toitures, et par conséquent exigeant aussi ce bon choix de matériaux, qui contribue à la longue durée des monumens. Voyez Bors.

Si c’est du choix du genre des matériaux, et de la qualité de leur espèce, que doit dépendre, avant tout, la solidité, le second point que l’architecte doit avoir en vue, sera la manière d’opérer la meilleure composition, c’est-à-dire la liaison des parties.

Les principes de solidité qui se rapportent à cet objet peuvent se diviser en deux classes : l’une qui comprend les simples notions que donne le bon sens et l’expérience ; l’autre qui embrasse les connoissances mathématiques, sur lesquelles se fonde la science de la construction.

Il faut reconnoître qu’il se donne effectivement, dans l’art de bâtir, deux classes d’édifices, les uns simples dans leurs plans, dans leurs élévations, et dans la combinaison de leur ensemble ; les autres composés d’élémens très-variés, pour satisfaire, soit à des besoins plus compliqués, soit à des goûts plus recherchés.

Les édifices de la première classe trouvent leurs modèles, par exemple, dans les entreprises de l’Egypte, dans un assez grand nombre des temples grecs, soumis en général à un type assez uniforme, où l’on ne connoît que des lignes droites, des plans simples, des intérieurs qui ne demandèrent aucune combinaison de voûtes, de résistances et de poussées, La solidité de semblables monumens fut un résultat même de leur simplicité. Le seul bon sens apprit aux architectes, que l’effet de la durée dans leurs constructions, dépendoit de l’art d’unir si bien toutes les parties, et tous tes matériaux, que cette union produisît un juste équilibre de forces, et tel, qu’une partie ne pût point céder, indépendamment d’une autre, ni se soutenir sans offrir un soutien à celle qui l’avoisinoit, qu’aucune pression ne pût s’opérer sans trouver une résistance capable de lui opposer un obstacle. Le même instinct de la solidité apprit encore, que moins il y a de parties dans une construction, moins il y a de chances pour la désunion, qui est le premier agent de la destruction. Aussi voyons-nous que, presque dans tous les pays, les plus anciens édifices se composent de blocs de pierre d’une dimension prodigieuse. Or, le simple bon sens et l’expérience suffisent, pour faire comprendre qu’il importe à la solidité des édifices, d’y diminuer, autant qu’il est possible, la quantité des matériaux, en augmentant le volume de leur masse, selon que la nature le permet.

Ce que l’on dit à cet égard s’applique uniquement aux constructions en pierre ; celles qui sont on maçonnerie, soit de brique, soit de blocage, loin d’infirmer la valeur de cette règle, lui donneroient, s’il en étoit besoin, une force nouvelle, puisqu’il entre dans la perfection de ce procédé de construction, que les masses qu’elle produit ne fassent qu’un tout indivisible. Il en est de même de certaines maçonneries d’écumes de lave ou scories de volcan, qui ressemblent à des éponges, mais ayant la dureté du fer, et qui offrent : une infinité de pores ou de petits trous, dans lesquels le mortier entre et s’incorpore avec la matière.

Un des grands moyens de solidité dans les édifices, de quelque nature qu’ils soient, est donc celui de la liaison que l’on procure aux matériaux qu’on emploie. Le plus ordinaire consiste dans la composition des mortiers (voyez CIMENT, MORTIER) dont on use, surtout pour les constructions en pierrailles, en mœllons, briques, etc. Les pierres de taille, selon leur dureté, reçoivent aussi entre leurs joints plus ou moins de mortier. Mais les Anciens nous ont laissé de nombreux exemples de la liaison des pierres, par des crampons de métal (voyez CRAMPON) ; le bronze fut plus particulièrement employé à cet effet. Les ruines de l’Egypte nous sont voir des tenons de bois qui servirent de liaison aux pierres, et le fer est le métal que les Modernes y appliquent de préférence.

Les moyens de solidité dont on vient de faire mention regardent surtout la construction, considérée dans un système simple, et sans ce qu’on appelle science. Il n’y a aucun doute que des usages et des besoins plus compliqués, que des bâtimens destinés à de nouveaux emplois, que la direction des esprits et des études vers les sciences mathématiques, ont dû amener dans l’architecture, des compositions dont l’exécution ne sauroit avoir lieu, que par les ressources pratiques, dépendantes du calcul des forces et des résistances, que par les connoissances de la mécanique, que par les opérations géométriques, qui démontrent la vertu des différentes sortes de courbes à employer dans les voûtes. C’est à l’aide de cette science que les Modernes ont osé élever des masses, dont la dimension surpasse en hardiesse tout ce que les Anciens ont fait. L’art des voûtes de toutes sortes de figures, a fourni à l’architecture des combinaisons nouvelles, qui ont amené à leur suite l’amour du merveilleux et le goût du difficile. Peut-être est-il permis de croire que l’architecture, en sacrifiant les idées et les sormes simples, aux inventions composées et difficultueuses, a seulement échangé un genre de gran-


deur pour un autre, et le plaisir facile de l’admiration, contre le sentiment souvent pénible, et toujours moins durable, de l’étonnement.

Ce qu’il faut dire en effet du principe de solidité, dans son rapport avec les sensations que l’architecture doit produire, c’est qu’il importe, plus qu’on ne pense, qu’il soit mis à découvert. Tout artifice qui tend à le déguiser, va directement contre l’esprit de l’art, et contre cet instinct de raison qui nous porte à mettre l’utile avant tout, dans les ouvrages qui particulièrement reposent sur le besoin. Or, lasolidité étant le premier besoin des édifices, et la durée qui en dépend étant le principal résultat que nous en exigeons, non-seulement nous voulons qu’ils soient solides, mais nous voulons encore le savoir, et pour le savoir, le plus grand nombre des hommes veut en être instruit par l’apparence elle-même, veut en pouvoir juger par ses propres sentimens, et non sur la seule garantie des savans.

Ce qui met tout le monde en état de porter un jugement certain sur cet article, c’est l’observation constante du principe, qui veut que le fort porte le foible. Ainsi a-t-on eu de tout temps une grande admiration pour les masses pyramidales, sortes de formes où l’on ne sauroit s’empêcher de voir la solidité portée, par la seule nature de ces constructions, au plus grand excès, puisqu’il est dans les conditions de cette structure, que la solidité du support augmente, à mesure que diminue le poids qui doit être supporté.

Lorsqu'il arrive que par un système de construction inverse, comme dans celle des trompes, malgré l’artifice qui en assure la solidité, nous voyons la force supportante diminuer pour la vue, à mesure que s’accroît la masse supportée, cette contradiction choque l’instinct ; et il est vrai de dire qu’on ne doit employer cette méthode de bâtir, que dans les cas où elle est dictée par une nécessité impérieuse. Ce n’est pas qu’il n’entre aussi dans quelques habitudes de notre esprit d’estimer et d’admirer le difficile, uniquement parce qu’il est difficile ; mais ce goût des tours de force appartient surtout à cette période de temps, où toutes les notions de l’antiquité étant oubliées, et toute saine théorie inconnue, ou chercha le beau dans l’extraordinaire, la grandeur dans l’exagération, la richesse dans la prodigalité, et la solidité dans une multitude de moyens factices, d’armatures étrangères, de contre-sorts et d’arcsboutans, qui toutesois en dénonçant à la raison le vice de la hardiesse même, peuvent surprendre un moment le suffrage des yeux.

SOLIN, s. m. Sur Donne CE nom à l’espace Qui is Entre les épisodes des solives posees Sur une poutre, Sur une sablière ous sur mur de l’ONU. This is espace ordinairement REMPLI de maçonnerie.

On appelle also solin l’arête, Soit de plâtre, de mortier Soit, qu’on fait aux couvertures des toits, le temps d’Un Mur de pignon, pour sceller et Arrêter les premières tuiles Ou ardoises.

SOLIVE, s. f. Pièce de bois, de brin ou de sciage, qui sert à former les planchers.

Il y a des solives de différentes grosseurs, selon la longueur de leur portée.

Les moindres solives sont de cinq à sept pouces de gros, pour les travées qui ont depuis neuf jusqu’à quinze pieds d’étendue. Les solives de


quinze pieds ont six pouces sur huit d’épaisseur ; celles de vingt-un pieds ont huit pouces sur dix ; celles de vingt-quatre pieds ont neuf pouces sur onze ; celles de vingt-sept pieds ont dix pouces sur douze. Ces proportions sont générales pour toutes les solives. Il y a cependant quelques différences sur cette règle de dimension, entre les solives ordinaires et les solives qu’on appelle d’enchevêtrure, comme on va le voir dans la table suivante :

TABLE des dimensions des solives, eu égard à leur longueur.

SOLIVES D’ENCHEVÉTRURE. SOLIVES ORDINAIRES. Longueur. Largeur. Hauteur. Largeur. Hauteur. 6 pieds. 5 pouces. 7 pouces. 4 pouces. 5 pouces. 9 6 7 4 6 12 6 8 5 7 15 8 9 6 7 18 9 10 6 8 21 10 11 7 8 24 11 12 8 9


Les solives d’une grande portée doivent être liées ensemble avec des liernes entaillées, et posées en travers par-dessus, ou avec, des étrésillons entre chacune. Selon la coutume de Paris (article 206), il n’y a que les solives d’enchevêtrure qu’on peut mettre dans un mur mitoyen, et dans un mur même non mitoyen, mais elles doivent porter sur des sablières. On les pose de champ, et la distance qui les sépare doit être égale à leur hauteur : ce qui donne à leur disposition une apparence agréable de symétrie.

La disposition des solives, telle qu’on la pratique, a servi de modèle, comme on l’a dit plus d’une fois, à l’imitation que l’architecture a faite de l’emploi primitif du bois, dans les constructions en pierre, et c’est cette disposition que l’ordre dorique nous représente, par les triglyphes et les métopes.

Le mot de solive vient du mot solum, plateforme, plancher.

SOLIVE DE BRIN. On nomme ainsi celle qui est de toute la longueur d’un arbre équarri.

SOLIVE DE SCIAGE. Solive que l’on a débitée dans un gros arbre, selon la longueur de cet arbre.

SOLIVE PASSANTE. Solive de bois de brin qui fait la largeur d’un plancher sous poutre. Cette solive se pose sur les murs de refend, plutôt que sur les murs de face, parce que ceux-ci en diminuent la solidité, et qu’elle s’y pourrit. Lorsque l’on est obligé d’y poser des solives de cette espèce, on la fait porter sur une sablière portée par des corbeaux.

SOLIVE D’ENCHEVÉTRURE. On appelle de ce nom les deux plus fortes solives d’un plancher, lesquelles servent à porter le CHEVÊTRE (voyez ce mot), et qui sont ordinairement de brin. On donne le même nom aux plus courtes solives qui sont assemblées dans le chevêtre.

SOLIVEAU, s. m. Moyenne pièce de bois d’environ six pouces Cinq à de gros, HNE Laquelle, plus courte Qu’une solive ordinaire.

SOMMELLERIE, s. f. Est Un lieu Situé au rez-de-chaussée d’Une grande maison, et près de la pièce Qu’on Appelle bureau. Cet endroit SERT à Garder le vin de la cave ; et ordinairement il une juin communication Avec la cave nominale juin descente Particulière.

SOMMET, s. m. C’est le point culminant de tout corps. On donne ce nom à ce qui forme aussi le point le plus élevé des édifices et des différentes parties dont ils se composent.

Ainsi le sommet d’un temple antique est le fronton qui le couronne. Le sommet de ce fronton recevoit souvent une statue ou quelqu’autre ornement. Le sommet d’un obélisque consistoit dans un corps qu’on appeloit pyramidium. Ce ' portoit souvent à son sommet un globe ou un style chez lui Romains. Plus d’une pyramide paroissant se terminer en pointe, avoit toutefois à son sommet petite plate-forme sur laquelle, d’après les descriptions des écrivains, on plaçoit une statue. Nous lisons dans Pline, qui a emprunté cette notion à Varron, que les cinq pyramides de l’étage inférieur du tombeau de Porsenna portoient à leur sommetun globe de bronze surmonté d’un pileus, auquel étoient attachées des clochettes formant un carillon.

Le sommet d’un édifice peut se terminer, soit en terrasse ou plate-forme, soit en toiture ou comble plus ou moins aigu. Il entre généralement dans l’instinct ou le goût de la décoration, de frapper les yeux par quelqu’objet d’ornement, qui s’élevant au-dessus du sommet de toute construction, en fasse pyramider la forme et ajoute à sa hauteur. Nous avons indiqué ailleurs quelles surent jadis les pratiques de l’architecture à cet égard, et ce qu’elles peuvent être encore aujourd’hui. Voyez COURONNEMENT.

SOMMIER, s. m. C’est dans la construction, s’il s’agit d’une arcade, la première pierre qui pose de chaque côté sur les piédroits.

C’est, lorsqu’il s’agit d’une plate-bande, la pierre qui pose d’aplomb, d’un côté et de l’autre sur une colonne ou un pilastre. Le sommier, dans le langage de l’architecture, s’appelle architrave, qui signifie maîtresse poutre.

Dans la charpente ou la construction en bois, le sommier est une pièce de bois qui porte sur deux piédroits et sert de linteau, soit à une porte, soit à une croisée, et quelquefois à des ouvertures plus considérables. On voit effectivement construire beaucoup de maisons de commerce où l’on pratique, pour l’ouverture que demandent les boutiques, des sommiers qui consistent en une poutre d’une assez grande épaisseur, et sur laquelle tombe la charge des trumeaux an maçonerie, qui s’élèvent dans une bailleur de quatre ou cinq étages. Rien de plus périlleux que cette méthode ; aussi arrive-t-il qu’un est obligé de soulager le sommier par un montant de fer. Lorsqu’on emploie ainsi le sommier de charpente, la solidité veut, tout au moins, que les trumeaux ne portent que sur ses extrémités, et que les baies ou les ouvertures des fenêtres seules correspondent au point de centre du sommier.

On appelle sommier la pièce de bois qui portant une grosse cloche, sert de base à la lame, et au bout de laquelle sont attachés les tourillons de fer.

Ou donne encore le nom de sommier à des pièces de bois, comme des poutres, qui portent le plancher d’un pont de bois.

Il y a de même, dans plus d’une machine, des pièces de bois servant à divers usages, et auxquelles on donne le nom de sommier.


SOMMIER. Voyez SEUIL DE PONT-LEVIS.

SONDER, v. agir. Le SE SERT of this verbe, pour expimer l’opération par Laquelle sur reconnoît la qualité du fond d’un terrain non Ou L’On veut bâtir.

Un efffet this, sur soi SERT D’UN gros tarier, Qu’on Appelle sonde, Dont les bras de fer, de Trois pieds Chacun, s’emboîtent L’un dans l’autre Avec de bonnes Clavettes.

Quelque bon Que Paroisse terrain de l’ONU, sur ne jamais Doit fonder Dessus sans l’Avoir préalablement sonde.

SONNETTE, s. f. Machine Composée de deux de Montans à-plomb, poulies AVEC, ET soutenus de Deux arbres Avec éleveur non ; le tout porté Sur un assemblage De semelles. This Machine, Le Moyen du mouton enleve une force nominale de Bras with the cordages, Sert à enfoncer des pieux et des pilotes. A CHAQUE corvée Qué les hommes de la police pour frapper, sur Leur crie, Apres un certains Nombre de coups, au renard pour les faire Cesser Même en temps, et au lard pour les faire recommencer Tous Ensemble.

SORIA (Jean-Baptiste), architecte romain, né en l581, mort en 1651.

Nous ignorons sous quel maître il apprit son art. Mais comme, avant de recevoir les leçons d’un maître en particulier, on ne peut point ne pas être l’élève de son siècle, c’est-à-dire des exemples et des ouvrages qui influent sur la direction du goût de chaque époque, il est visible, par les monumens qu’a construits Jean-Baptiste Soria, qu’il fut un des suivans de Pierre de Cortone, de Carle Maderne, des Longhi, et de cette école nombreuse du dix-septieme siècle, qui, sans tomber dans les écarts de Boromini, n’a su véritablement imprimer à ses ouvrages aucun autre caractère que celui de l’absence de tout caractère.

Le siècle où vécut Soria se fait distinguer à Rome, dans la construction d’un assez grand nombre d’églises, qui surent remarquables par leur richesse, plus que par leur beauté, et qui n’ajoutèrent rien aux inventions des siècles précédens. On les reconnoît à une physionomie assez uniforme dans leur plan, comme dans leur élévation, et surtout à la monotonie de ces devantures banales, de ces frontispices en placage, compositions froides et sans caractère, qui surent, comme on l’a vu à l’article PORTAIL, d’insipides répétitions les unes des autres.

Jean-Baptiste Soria ne s’est guère sait connoître que par ces sortes d’ouvrages, dans lesquels il est juste de dire qu’il eut le mérite, en se conformant à cette espèce de mode, de n’y point ambitionner de formes ni d’accessoires bizarres, étrangers à l’ajustement des ordonnances de colonnes Voilà, ce nous semble, ce qu’on peut dire de mieux de son portail de S. Carlo de Catenari. Deux ordres, l’un au-dessus de l’autre, de pilastres en bas corinthiens, en haut composites, y forment un léger avant-corps couronné d’un fronton. Cette façade n’a réellement rien qu’on y puisse ou louer ou blâmer dans sa composition générale. Si un meilleur choix d’ornemens, si des détails plus purs de chambranles aux portes et aux fenêtres, si plus de caractère dans les profils et dans les entablemens se fussent trouvés réunis à l’ensemble, d’ailleurs simple, de ce frontispice, on l’auroit peut-être cité comme un des meilleurs en son genre.

Nous croyons qu’on n’eu sauroit dire autant du portail de Sainte-Marie de la Victoire, également à deux ordres l’un au-dessus de l’autre. Ici se fait mieux sentir l’inconvénient de la hauteur des nefs, lorsque la largeur de l’édifice n’y correspond point. Soria employa dans ce portail tous les moyens d’exhaussement qu’il put trouver, pour masquer l’extrémité du pignon de la grande nef. Il plaça chacune de ses ordonnances sur un piédestal fort élevé, et au-dessus de son fronton il pratiqua une sorte de rampe qui lui sert d’alongement : ressource malheureuse et addition contre nature. Ou peut encore se plaindre d’avoir à compter dans cette façade quatre frontons superposés, en y comprenant effectivement ceux de la porte d’entrée, et de la grande fenêtre du second étage.

Il est difficile de parler avec plus d’éloge de ses frontispices aux églises de Saint-Chrysogone, et de Sainte-Catherine de Sienne à Monte Magna Napoli.

Le meilleur ouvrage en ce genre de Soria paroît être le portique et la saçade de San Gregorio, une lui fit exécuter son protecteur le cardinal Scipion Borghèse. On ne peut refuser à cette composition. qui toutefois est, selon l’usage d’alors, a deux ordres de colonnes l’un au-dessus de l’autre, un certain caractère d’élégance plus de correction, de simplicité ou d’unité que de coutume, Elle a encore le mérite d’une apparence heureuse, ce qu’elle doit, sans doute, eu partie à sa situation et à son soubassement, élevé sur une montée en gradins. Ajoutons que les deux étages, qui toutefois auroient aussi bien convenu à un palais qu’à une église, forment une masse assez bien proportionnée, et exemple des vices ordinaires aux portails de ce siècle.

Ce qu’on lui a reproché, c’est particulièrement d’être sans connexion avec le monument qu’elle précède, et qu’elle devroit mieux annoncer. On entre par le portique, dans une fort belle cour environnée dune galerie, au fond de laquelle se présente l’église. On regrette donc que l’architecte, qui pouvoit disposer d’un semblable local, n’ait pas eu l’idée d’un plan et d’une composition à la fois simples et pittoresques, qui, en réunissant pour l’œil le portique d’entrée avec le temple auquel il auroit servi de vestibule, eût formé de


ces deux masses, un tout harmonieux et majestueux tout ensemble.

SOSTRATE. Nom d’un des plus célèbres architectes de l’antiquité.

Il étoit de Guide, et, selon Pline, ce fut lui qui éleva dans sa patrie les jardins suspendus qu’on y admiroit. On sait assez que par jardins suspendus, il faut entendre des plantations, que nous dirions en terrasses. Or, il paroît que le mot suspendu, pensilis, ne peut donner ici d’autre idée que celle de portiques on d’arcades soutenant la masse de terre où les arbres avoient leur racine ; et c’est ainsi qu’un pareil ouvrage devoit être celui d’un architecte.

Mais ce qui a le plus illustré nom de Sostmte, c’est la grande et magnifique composition du fanal qu’il construisit pour Alexandrie, sous Ptolémée Philadelphe, dans. la petite île de Pharos, qui depuis donna son nom à cette sorte d’édifice. Voyez PHARE.

A cet article, nous avons rapporté les détails qui ont été recueillis sur la composition et les dimensions de ce monument, sur sa durée et sur son entière destruction.

Nous n’ajouterons ici que quelques mots sur l’inscription que Sostrate y avoit fait graver. Elle portoit ces mots : Sostrate de Guide, fils de Dexiphanes, aux Dieux conservateurs pour ceux qui naviguent. Les écrivains sont d’accord sur ce point. Mais selon Lucien (dans son Traité sur la manière dont on doit écrire l’histoire), l’architecte, après avoir gravé secrètement cette inscription qui devoit perpétuer son nom, crut devoir en dérober la vue aux spectateurs. A cet effet, il la cacha en la surchargeant d’un enduit à la chaux, sur lequel il écrivit le nom du roi régnant. Le temps fit tomber cet enduit, et le nom deSostrate reparut. Pline avance le contraire, et il loue la magnanimité du roi Ptolémée, pour avoir permis à Sostrate de Guide, architecte du monument, d’y inscrire son propre nom. (Plin. L. 36. ch. 12. )

On lit dans Cedrenus. que Cléopâtre employa, l’architecte mécanicien Dexiophanes à joindre, par de grands travaux, au moyen d’une jetée dans la mer, l’île de Pharos et son fanal à la ville d’Alexandrie. Voyez PHARE.

SOUBASSEMENT, s. m. La formation de ce mot indique assez sa signification. Il a été forme, du mot. italien basamento, qui exprime sort bien la différence du support isolé appelé base, lequel s’applique aussi à un corps isolé, d’avec le support continu qu’on voit régner sous toute l’étendue d’une construction.

Les Anciens avoient deux mots pour rendre l’idée de soubassement, selon que la masse qu’on y imposoit, étoit en colonnes ou sans colonnes. L’unde ces mots est stylobates, composé du mot porter et du mot colonne ; l’autre est stéréobate, qui est formé du mot porter et du mot solide.

Il paroît donc résulter de ces deux mots, que stylobates (stylobate en français) devoit s’appliquer à un corps qui porte des colonnes, et que stéréobates devoit signifier le corps de construction qui sert de support à une masse quelconque. Cependant nous voyons que Vitruve, dans son chapitre 3e. du IIIe. livre, se sert indifféremment de ces deux mots par rapport aux colonnes.

Gagliani, dans son Commentaire sur ces deux espèces de synonymes, prétend que communément le mot stéréobate signifie le petit mur d’appui qu’on établit sous les colonnes, mais lisse et sans aucun ornement ; tandis que stylobate exprime particulièrement ce support qui est orné d’une base profilée et d’une corniche.

Laissant de côté cette discussion, nous dirons qu’en français le mot stylobate est particulièrement employé à signifier ce qui supporte des colonnes, et que le mot soubassement a une acception plus générale, qui, par la composition du mot, peut dans le fait s’appliquer à tout, mais paroît mieux convenir aux masses de bâtimens sans colonnes, qu’aux colonnades mêmes.

Soubassement exprime donc, en architecture, l’idée générale d’une masse considérable et étendue, qui en supporte une semblable. On pourroit sans doute donner aussi ce nom à une levée de terre, à une terrasse, sur laquelle s’éleveroit une autre masse. On pourra le donner encore à un piédestal continu, mais peu élevé, sur lequel seroient rangés, comme cela se pratique dans certaines galeries d’objets d’art, des statues, des vases et autres monumens du même genre.

Mais dans la construction des édifices, on appellera soubassement cette partie de leur élévation, qui est, à leur égard, ce qu’est la base à une colonne, ou le piédestal à une statue. Or, ce premier effet dusoubassement est de donner une plus grande valeur, et un agrément de plus à tout édifice. Indépendamment de l’importante considération relative à la salubrité de tout local, il est certain que l’aspect d’un monument, dont l’ordonnance posera sur le terrain, paroîtra plus lourd à l’œil et semblera privé d’élégance.

Les Grecs ne manquèrent jamais d’élever leurs temples sur de très-hauts soubassemens, qui ajoutent singulièrement à leur dignité. On doit en effet donner le nom de soubassement à ces trois rangs de degrés très-hauts, qu’on voit régner uniformément sous les colonnades des temples doriques périptères. D’autres temples ont un soubassement qui règne seulement de trois côtés, et qui vient aboutir aux degrés placés en avant de la face antérieure. Tel est, par exemple, le temple de Nîmes, qui est un pseudo-périptère. Cette sorte de soubassement a son socle profilé et sa corniche. Plus d’exemples de cette pratique des Anciens dans les élévations de leurs temples, seroient inu-


tiles, tant ils sont connus des architectes et des antiquaires.

L’usage des soubassement est moins apparent dans les églises modernes, qui souvent ne sorment point un ensemble aussi déterminé par leur plan et leurs élévations, que les temples antiques ; toutefois, si l’architecture n’y traite point cette partie dans un caractère aussi prononcé, on peut dire qu’il en est peu, lorsqu’une ordonnance de colonnes on de pilastres en décore l’extérieur, où cette ordonnance ne repose sur une base continue, comme cela se voit à la grande basilique de Saint-Pierre à Rome.

Mais où le soubassement nous semble jouer un rôle important, chez les Modernes, c’est dans l’architecture des palais, et surtout de ceux du seizième siècle en Italie. On en citeroit fort peu où cette partie ne soit traitée avec un soin très-particulier. Le plus souvent elle se compose de bossages ou de resends distribués avec beaucoup d’art, et de manière à faire un contraste heureux avec le reste de la construction. La saillie du soubassement tend encore à le détacher, et offre à l’ordonnance des étages supérieurs une sorte d’assiette, qui fait mieux valoir leur importance. Quelquesois le soubassementcomprend dans les compartimens des bossages les petites ouvertures d’un étage, qui est celui des pièces de service. Le plus souvent il n’est percé que par les fenêtres du rez-de-chaussée. Dans, ces cas il semble être le piédestal de l’édifice. Il arrive aussi qu’il se borne à n’en être que le socle.

C’est dans les palais de San Micheli, de Palladio, de Sansovino, de Scamozzi, qu’on peut étudier toutes les formes, toutes les variétés et tous les genres de proportion, que l’architecture sait donner auxsoubassemens des palais, (Voyez ce qui en est dit aux articles de la vie de ces grands maîtres, où l’on a décrit leurs plus beaux ouvrages. )

SOUCHE DE CHEMINÉE, s. f. C’est un tyan composé de plusieurs tuyaux de cheminée, qui paroit au-dessus d’un comble. Il ne doit être élevé que de trois pieds au-dessus du faîte.

Les tuyaux d’une souche de cheminée sont, ou adossés les uns au-devant des autres, comme cela se pratiquoit anciennement, ou rangés sur une même ligne, et se joignant par leur épaisseur, comme cela a lieu lorsqu ils sont dévoyés.

Les souches de cheminée sont ordinairement en plâtre pur, pigeonné à la main, et on les enduit des deux côtés aven du plâtre au panier. Dans les bâtimens considérables, on les construit de pierre, ou de brique de quatre pouces, avec mortier fin et crampons de fer.

SOUCHE FEINTE. Souche qu’on élève sur un toit, pour répondre à la hauteur, à la figure, à la situation des autres, et leur faire symétrie.

SOUCHE RONDE. Tuyau de cheminée de figure cylindrique, en manière de colonne creuse, qui sort hors du comble, ainsi qu’il y en a dans d’anciens bâtimens. Ces sortes de souches ne se partagent point par des languettes pour plusieurs tuyaux ; mais elles sont accouplées ou groupées.

SOUCHET, s. m. Voyez PIERRE DE SOUCHET, À l’article de la Pierre de SES according Défauts.

SOUCHEVER, v. agir. Ce est, Dans Une carrière, oter Avec la masse et les pièces de fer la pierre de souchet, pour faire tomber les bancs de pierre Qui sont dessous.

SOUCHEVEUR, s. m. Ouvrier de carrière, sur un support Qui Travaille particuliérement à oter le souchet, pour separer les bancs de pierre et les faire tomber.

SOUDER, v. agir. Attacher, joindre ensemble les Extrêmités de Deux pièces de métal, Soit en les mettant au feu jusqu’a that the Soit métal blanc et presqu’en fusion, et les incorporant salle L’un dans l’autre Avec le marteau, CE qu ‘sur les pratique à l’Egard du fer, Soit en employant la soudure, Ce Qui a lieu à l’Egard du plomb, de l’étain, de l’or et de l’argent.

SOUDURE, s. f. On emploie particulièrement dans le bâtiment la soudure pour le plomb. On fait un mélange de deux livres de plomb avec une livre d’étain, et il sert à joindre dans les couvertures, les tables de plomb ou de cuivre. On nomme cette soudure, soudure au tiers.

En maçonnerie, on entend par soudure, du plâtre serré, dont on se sert pour raccorder deux enduits qui n’ont pu être faits en même temps, sur un mur ou sur un lambris.

SOUDURE EN LOSANGE OU EN ÉPI Grosse soudure, avec bavures en manière d’arête de poisson. On la nomme soudure plate, quand elle est plut étroite, et qu’elle n’a d’autre saillie que ion arête.

SOUFAITE, s. m. Pièce de bois d’comble un, Posée de niveau au-dessous du faîte, Liée par des entre-toises, liernes, ous croix de Saint-André, Avec les fermes.

SOUFRE, s. m. Substance minérale combustible et fusible, Qui, lorsqu’elle is fondue, pénètre DANS LES moindres cavités. On se en SERT Avec Assez d’avantage pour sceller des grilles, des barreaux de fer Dans Les Endroits bas, this Matière n’étant pas sujette A être altérée par l’humidité.

SOULAGER, v. agir. Le SE SERT au figuré of this mot Dans la construction, pour Exprimer l’effet Qui resulte des Moyens Qu’on Emploie, Soit Pour sûr de


partager, plus d’appui des Nations Unies LE POIDS D’une masse, pour Soit opposant Une résistance à la poussée D’une voûte. AINSI sur Soulage poitrail non OÜ non sommier Qui porte le trumeau D’une façade de maison, en Lui Donnant verser soutien de l’ONU Montant ous de fer Ou de bois debout, ous tout Autre. Sur Soulage le mur de la retombée D’une voûte, contrefort Un par sur l’arc-boutant.

SOUPAPE, s. f. (Terme d’architecture hydraulique. ) Platine de cuivre, ronde comme une assiette, avec un trou au milieu, en forme d’entonnoir, dans lequel s’emboîte quelquefois une boule, mais plus ordinairement une autre platine, en sorte qu’elle le bouche exactement, étant dirigée par sa tige, qui passe dans la gaîne soudée au-dessous de la première platine.

La soupape sert dans le fond des réservoirs et des bassins, pour les vider, en l’ouvrant avec une bascule ou une vis, dans le commencement des conduites, pour pouvoir les mettre à sec sans vider les réservoirs, quand on veut y travailler. On met aussi des soupapes dans les ventouses des conduits, pour laisser passer l’air et empêcher l’eau de sortir.

Les soupapes diffèrent des clapets, en ce que ceux-ci n’ont qu’un simple trou couvert d’une plaque, qui s’élève et s’abaisse par le moyen d’une charnière. Les clapets, toutefois, peuvent servir partout où l’on met des soupapes.

SOUPENTE, s. f. Espèce d’entresol, dont le plancher est sormé de chevrons couverts de planches jointes à rainures et languettes, et qu’on pratique dans la hauteur d’étages fort élevés. pour donner aux grands appartemens de petits logemens de commodité.

SOUPENTE DE CHEMINÉE. Espèce de potence ou lien de fer, qui relient la hotte ou le faux manteau d’une cheminée de cuisine.

SOUPENTE DE MACHINE. Pièce de bois qui, retenue à-plomb par le haut, est suspendue pour soutenir le treuil et la roue d’une machine. Telles sont les soupentes d’une grue, qui sont retenues par la grande moise, pour en porter le treuil et la grande roue qu’on appelle à tambour.

Dans les moulins à eau, ces sortes de soupentes se baissent avec des coins et des crans, selon la crue ou la décrue des eaux, pour en faire tourner les roues par le moyen de leurs alichons.

SOUPIRAIL, s. m. C’est le nom qu’on donne à une baie en glacis, pratiquée dans l’épaisseur d’un mur de fondement, dont les deux jouées sont rampantes, pour donner de l’air et un peu de jour aux lieux souterrains. L’ouverture des soupiraux se place ordinairement dans le soubassement des fenêtres du rez-de-chaussée.

SOUPIRAIL D’AQUEDUC. (Terme d’architecture hydraulique. )On appelle du ce nom une certaine ouverture en abat-jour dans un aqueduc couvert, ou à-plomb dans un aqueduc souterrain, et qu’on pratique d’espace en espace, pour donner de l’échappée à l’air, qui, s’il y restoit renfermé, s’opposeroit au cours de l’eau.

SOURCES, s. f. pl. (Jardinage. ) C’est un grand agrément pour un jardin, surtout du genre irrégulier, que d’avoir dans son terrain des sources, qui donnent à l’art les moyens naturels d’en conduire les eaux, de les distribuer au gré des différens sites, et selon les effets qu’on prétend en tirer, pour l’embellissement et pour l’ utilité. On peut voir ce qui a été dit à cet égard a l’article EAU.

Dans les jardins, on appelle sources plusieurs rigoles de plomb, de rocaille ou de marbre, qui sont ordinairement bordées de mousse ou de gazon, et qui, par leurs détours et sinuosités, forment au milieu des bosquets plantés sans symétrie, et sur un terrain en pente, une espèce de labyrinthe d’eau, ayant quelques jets aux endroits où ces rigoles se croisent.

SOUS-CHEVRON, s. m. Pièce de bois d’dôme non, ous d’comble non en dôme, Dans Laquelle is assemblé non debout de bois, Appelé clef, Qui retient Deux chevrons Courbes.

SOUS-FAITE. Voyez SOUFAITE.

SOUTERRAIN, adj. et subst. On appelle ainsi tout lieu qui se trouve sous terre, soit qu’il soit l’ouvrage de la nature, soit qu’il ait été ainsi pratiqué par l’art.

Les souterrains naturels sont ceux qu’on appelle grottes, antres ou cavernes. Au mot GROTTE (voyez ce terme) nous avons fait mention de quelques-unes des plus célèbres productions de la nature en ce genre, et nous y renverrons le lecteur.

Ce que les souterrains naturels, considérés en général, nous offrent comme ayant eu, ou pu avoir quelques rapports avec l’art de bâtir, nous l’avons fait voir à l’article ARCHITECTURE, en recherchant quelques-unes de ces causes locales, qui ont pu influer dès les premiers âges de certaines nations, sur te goût et les pratiques de leur architecture. On ne sauroit nier en effet que, dans quelques pays, les premières sociétés n’aient pu profiter des grottes ou des souterrains naturels, pour en faire leurs habitations, et selon la nature facile à exploiter de certains matériaux, n’aient pu se creuser des demeures qu’on appellera souterrains. Cependant on doit dire que l’esprit systématique a beaucoup exagéré les conséquences de ce fait, et qu’on s’est souvent mépris sur les causes qui en beaucoup de pays, et surtout dans le voisinage de beaucoup de


villes, ont produit de grandes et nombreuses excavations. Si l’on accorde que l’Egypte a pu devoir l’extrême simplicité de son architecture et de ses procédés de construction aux habitudes des souterrains et des excavations, que plus d’une cause bien connue multiplia dans cette contrée, il faudra aussi reconnoître que beaucoup de ces souterrains, qui dans des temps postérieurs auront servi d’asyle ou de retraite à plus d’une sorte d’habitans, avoient été originairement creusés pour un tout autre emploi, c’est-à-dire pour extraire les pierres employées aux grandes constructions des temps précédens.

Or, telle fut certainement l’origine de ce grand nombre d’excavations souterraines que nous présentent les environs de beaucoup de villes anciennes et modernes. Qui ne sait pas, par exemple, que ces vastes souterrains qu’on appelle catacombes à Rome, à Naples, à Syracuse et ailleurs (voyez CATACOMBE), ne devinrent des lieux de sépulture, qu’après avoir cessé d’être les carrières d’où l’on avoit extrait pendant des siècles, les terres, les sables, les matériaux propres à la bâtisse ? Ainsi Paris se trouve environné de souterrains dont l’étendue ira toujours en croissant ; et quelqu’étonnant que pourra paroître un jour ce long travail des siècles, nous n’avons toutefois aucune admiration pour ces résultats d’opérations purement mécaniques.

Il faut la réserver, cette admiration, pour les souterrains qui furent réellement des ouvrages de l’art, c’est-à-dire qui nous présentent une image ou une répétition des monumens construits sur terre, et qui eurent une destination religieuse ou politique.

Si nous en croyons l’histoire ancienne, et les découvertes modernes, aucun peuple n’eut plus d’occasions de pratiquer ce genre d’architecture, que le peuple égyptien, et ce fut surtout à l’époque où le siège du gouvernement étoit établi à Thèbes ; car on convient assez maintenant que ce fut de ce point que les institutions, les mœurs, et les pratiques des arts et de l’architecture, se répandirent, soit en remontant le Nil vers l’Ethiopie, soit en descendant vers le Delta. L’usage des sépultures favorisa, particulièrement dans la Thébaïde, le travail des souterrains. C’étoit dans de profondes excavations que les rois cherchoient à dérober aux recherches des âges futurs, les lieux qui devoient recevoir leurs corps. La description du tombeau découvert récemment par Belzoni, et qu’il a cru être celui de Psamméticus, peut donner la plus juste idée de cette sorte de monumens, où l’on retrouve le même goût de disposition d’ornemens, et de peintures hiéroglyphiques que dans les édifices construits, avec cette différence que tout s’y est trouvé intact et dans un état de conservation qui s’explique, quand on pense que l’air et la lumière n’y avoient pas pénétré depuis quelques milliers d’années. Ce qui étonne encore dans cette sorte de travail c’est la difficulté qu’on dut éprouver de creuser à une aussi grande profondeur, non pas une seule chambre, mais une suite de chambres sépulcrales, et même à deux étages. La découverte de ce souterrain, due en partie au hasard, comme nous l’apprend Belzoni, doit faire penser que beaucoup d’autres ouvrages du même genre, attendent encore de semblables recherches.

Si quelque chose peut nous confirmer dans l’opinion que les Egyptiens, peut-être parce que les limites de leur territoire étoient bornées par la nature, furent portés à en augmenter l’étendue dans leurs entreprises souterraines, et s’y adonnèrent constamment, c’est la notion conservée par Pline, que la ville même de Thèbes étoit traversée sous terre, par des conduits qui auroient passé sous le fleuve. Pline, il est vrai, semble révoquer ce fait en doute, sous prétexte qu’Homère n’en a point parlé. C’est peut-être la moindre des raisons qu’on put opposer à cette tradition, que nous ne nous chargeons pas toutefois de défendre.

N’ayant point à faire ici l’histoire des entreprises souterraines des Egyptiens, mais nous bornant à constater leur goût pour cette pratique, nous ferons encore mention du célèbre édifice construit dans la basse Egypte, sous le nom de Labyrinthe. Les trois auteurs qui en ont parlé avec le plus d’étendue, Hérodote, Strabon et Pline, s’accordent à y faire mention de parties souterraines. Quant aux appartemens souterrains, dit le premier de ces écrivains, je ne sais que ce qu’on m’en. a dit ; les gouverneurs du Labyrinthe ne permirent point qu’on me les montrât. Strabon parle de cryptes longues et nombreuses, qui communiquoient entr’elles par des chemins tortueux. De là (dit Pline), on entre dans des chambres souterraines par des conduits creusés aussi sous terre.

Du reste, que les Egyptiens aient encore excavé des montagnes, pour en faire des monumens semblables à ceux qu’ils construisoient sur terre, c’est ce qu’a prouvé la découverte récemment faite du monument d’Ypsamboul, dont M. Gan a donné les détails et la fidèle représentation, dans son ouvrage sur les monumens de la Nubie. Cette excavation souterraine a cela de particulier, qu’elle fut faite dans la masse d’une montagne de pierre ; que l’architecture, ses colonnes, ses détails, ses ornemens, les statues et les colosses qui décorent le monument, sont taillés à même le rocher. Les sables ayant recouvert cette construction souterraine et obstrué son entrée, tout l’ouvrage a été trouvé dans un état de conservation parfaite.

On ne sauroit dire combien d’autres souterrains du même genre on découvriroit dans ce pays, si les recherches et les travaux dispendieux que ces découvertes exigent, au lieu d’être le produit des efforts de quelques particuliers pouvoient avoir


lieu aux dépens d’un gouvernement intéressé à en faire les frais.

Des différences sensibles de terrains, d’usages et d’institutions publiques, suffisent à expliquer, pourquoi l’histoire et les recherches modernes ne présentent aux investigations des voyageurs en Grèce, ni le même goût dans ce pays pour les travaux souterrains, ni l’usage de ces sortes de constructions établies dans les profondeurs du sol. Cependant la Grèce eut aussi ses grottes mystérieuses, soit données par la nature, soit modifiées par l’art. La plus célèbre fut celle de Trophonius, mais on ne sauroit dire quelle fut dans cette cavité souterraine la part du travail de l’homme. La nature du sol de la Grèce, pays hérissé de montagnes, dont plusieurs offrent les traces de volcans et de feux souterrains, fait voir combien les seules causes physiques, dûrent préparer de retraites déjà accommodées aux besoins des habitans encore sauvages de ces contrées. A mesure que la civilisation augmenta et que les villes se multiplièrent, la superstition dut s’emparer de ces lieux, où l’on plaça le berceau des êtres mythologiques, et il n’y eut point de grotte ou de souterrain, qui ne devint un monument de quelque naissance mystérieuse, de quelqu’événement fabuleux.

Ainsi voyons-nous le promontoire du Ténare, dont la base avoit été excavée par l’action des feux souterrains, devenir un monument religieux. C’est à l’entrée de ces cavernes noircies par la fumée des volcans, que les mythologistes placèrent, nonseulement les portes de l’Enfer poétique, mais encore le trône des vents. la route des orages, et l’étable des chevaux de Neptune, dont le temple creusé dans le roc en sorme de grottes, étoit environné d’une forêt de sapins, qui par son obscurité augmentoit l’horreur de ce local. La lecture de Pausanias nous donneroit lieu de recueillir beaucoup d’autres notions de ce genre sur les excavations nombreuses d’un pays, où la religion eut l’art de s’emparer, en quelque sorte, de la nature entière de tous les accidens des terrains, des montagnes, des rochers, de toutes les sources, de toutes les rivières, de tous les aspects, de toutes les illusions de l’homme et de toutes les traditions de la crédulité, pour rendre l’idée de la Divinité présente en tous lieux.

Quelques écrivains ont tenté d’établir quelques systèmes sur certaines excavations qu’on trouve en Grèce, telles que les grottes de Nauplie dans l’Argolide, et qu’on a prétendu être l’ouvrage des Cyclopes. Nul doute que le travail des mines, en quelques contrées de ce pays, n’ait donné lieu, ainsi que celui des carrières, à de grands travaux souterrains. On a voulu déduire de certains faits de ce genre l’existence d’une sorte d’architecture troglodyte, qui auroit précédé la pélasgique. Ces recherches savantes sout étrangères aux seules notions dont j’ai voulu faire la matière de cet article. Des excavations qui ont pu avoir des objets d’utilité particulière, ne prouvent point qu’on ait eu l’intention de faire sous terre des ouvrages semblables aux monumens construits. Or, ce caractère bien distinctif dans la nature des travaux souterrains je prétends qu’on ne l’a point trouvé en Grèce comme en Egypte, et la modique grotte de Pan à Athènes, celle d’Archidamas consacrée aux Nymphes, travaux où l’art entra pour quelque chose, sont de trop petits ouvrages pour constater, chez les Grecs, l’usage et le goût de ces substructions ensouies sous terre et à si grands frais, dont l’Egypte nous a conservé tant et de si étonnans modèles.

Après l’Egypte, le pays le plus connu pour le goût et la pratique de ces ouvrages, qu’on peut appeler d’architecture souterraine, ou par excavation, est sans contredit l’Inde. Nous avons eu déjà l’occasion d’observer (voyez Indienne-architecture), que le plus grand nombre des entreprises de ce pays, ne doit pas porter le nom de construction proprement dite, puisqu’ils sont, soit des rochers isolés, façonnés par la ciseau en forme de monumens, soit des excavations pratiquées dans des bancs de pierre, où l’on mit la masse même à contribution, pour y sculpter supports, plafonds, ornemens, etc.

Nous avons déjà parlé de l’Italie, en faisant mention des grandes excavations produites par les carrières aux environs de quelques grandes villes, et auxquelles on a depuis donné le nom de catacombes. En envisageant, comme nous l’avons prétendu faire en cet article, les souterrains dans leur rapport avec l’architecture, il nous semble que les anciens habitans de l’Italie n’ont réellement laissé que très-peu de vestiges de leur goût pour les ouvrages souterrains, du genre qu’on a déjà spécifié. Les sépultures seules ont pu donner lieu â des travaux de ce genre. (Voyez Secpulcretum.) Il est certain qu’outre l’espèce de tombeaux dont nous avons parlé à cet article, et qui précédèrent le temps de la domination de Rome, les Romains, sans adopter l’usage des sépulcres entièrement souterrains, ne laissèrent pas de pratiquer souvent dans les constructions de leurs tombeaux et mausolées, des divisions propres à recevoir les sarcophages, et dont le plan étoit inférieur au sol. Le seul nom d’hypogée qu’on leur donnoit, témoigne encore de cet usage. Généralement cependant, autant qu’on peut le conclure des restes nombreux de leurs monumens funéraires, les excavations souterraines furent rarement appliquées à cet usage. La pratique de la crémation des corps favorisa surtout l’emploi des columbarium, destinés particulièrement à recevoir dans de trèspetites niches les urnes qu’on y rassembloit en très-grand nombre.

Ce n’est pas qu’on ne puisse citer des travaux assez considérables d’excavations, pratiquées par les Romains pour d’autres usages, comme, par exemple, cette montagne perforée qu’on appelle la grotte de Pausilippe, pour abréger le chemin de Naples à Pouzzol. Les environs de Baies nous montrent encore de semblables travaux commencés pour le même objet d’utilité, et l’on présume que ce que l’on appelle la grotte de la Sybille fut également une route souterraine restée sans exécution.

De semblables travaux furent exécutés par les Romains pour la décharge de quelques lacs, tels que celui d’Albano, qui, avant qu’on leur eût ouvert d’issue, étoient sujets à des crues d’eau, et à des débordemens funestes aux campagnes voisines.

L’énumération et la description des grauds travaux de ce genre, chez les peuples anciens et modernes, pourroient devenir sans doute le sujet et lu matière d’un ouvrage aussi curieux qu’intéressant, mais dont le moindre abrégé seroit, comme on l’a dit, hors de toute mesure avec cet article, et encore étranger à l’objet principal de ce Dictionnaire.

Ce seroit dans le Dictionnaire des ponts et chaussées qu’il seroit convenable de réunir l’historique de ces sortes d’entreprises. On sait que déjà plus d’un canal a obligé de lui pratiquer, dans plus d’un endroit, un lit souterrain, comme on le voit au canal de Saint-Maur, exécuté depuis peu d’années. Les aqueducs ont souvent aussi nécessité de grandes et pénibles excavations, pour procurer aux eaux leur courant et leur niveau, à travers les montagnes.

Il se fait dans ce moment un prodigieux travail de ce genre à Londres, C’est un très-grand et large chemin pratiqué sous la Tamise pour suppléer, dans un endroit qui réunira les deux parties de la ville, à la construction d’un pont qui eût gêné la navigation.

SPÉCULAIRE (pierre). Au mot Phengites nous avons déjà placé une courte notion de ces espèces d’albâtres gypseux et transparens, auxquels on donnoit le nom de pierre spéculaire. Elle se débitoit en lames aussi minces qu’on le vouloit, et elle faisoit dans les fenêtres, chez les Anciens, l’office du verre. Il paroît que ce que nous appelons fenêtre ou châssis de fenêtre, chez les Romains s’appeloit specularis ou specularia, et le lapis specularis aura été ainsi nommé, comme étant la pierre employée en carreaux de fenêtres.

A l’article Verre ou Vitre, nous discuterons la question relative à l’emploi du verre en carreaux de vitre. (Voy. Vitre et Verre.) Nous bornerons l’article Spéculaire à faire connoître les variétés de la pierre à laquelle on donne ce nom, et les propriétés de sa nature transparente, dans l’emploi qu’on en fit chez les Anciens.

Il peut y avoir eu jadis plus d’une cause qui ait rendu l’emploi du verre, appliqué aux fenêtres, moins commun qu’il n’auroit pu l’être. On peut se permettre de croire que ce ne fut, ni l’ignorance du verre, connu de tout temps, ni la cherté, ni la difficulté d’en faire des carreaux, sorte d’emploi le plus simple de tous. Si le verre paroît, d’après quelques passages des écrivains, avoir été tardivement mis en œuvre à Rome, dans les fenêtres, ne seroit-ce pas, parce que différentes sortes de pierres spéculaires, faisant l’office de vitre, outre l’ancienne habitude, réunissoient à une plus grande solidité, des avantages très-réels ?

Il y avoit en effet de nombreuses variétés dans les pierres spéculaires ; il s’en trouvoit dont la transparence égaloit celle du cristal et du verre le plus diaphane. Quand Pline veut parler de la limpidité du vernis qu’Apelle mettoit sur ses tableaux, il ne prend pour point de comparaison ni le verre ni le cristal, mais « à travers ce vernis l’on voyoit (dit-il) sa peinture comme au travers d’une pierre spéculaire » Veluti per lapidem specularem intuentibus.

Le même écrivain nous apprend qu’on tiroit des pierres spéculaires de beaucoup de pays différens. L’Espagne jadis en avoit approvisionné Rome. Depuis on en avoit fait venir de Chypre, de Cappadoce, de Sicile, et plus récemment encore d’Afrique.

L’Espagne fournissoit les meilleures. La Cappadoce dounoit de plus grandes dalles, mais leur qualité étoit plus molle, et leur transparence étoit plus terne. On en exploitait aussi dans le territoire de Bologne en Italie, d’une moindre étendue, sujettes à avoir des taches, et quelquefois des durillons d’une substance siliceuse.

Pline nous décrit une espèce de pierre spéculaire, que l’on trouvoit sous terre, renfermée entre des pierres plus dures, saxo inclusus ; ce qui nous paroît ressembler beaucoup aux feuilles de talc, qui sont entre les pierres a plâtre. Mais, selon lui, on en comptoit encore une autre espèce fossile, dont les plus grandes lames ne passoient pas la longueur de cinq pieds. Nunquam adhuc quinque pedum longitudine amplior.

On voit par cette énumération des espèces de pierre spéculaire, et par la dimension que quelques-unes avoient, pourquoi on put souvent en préférer l’emploi, dans bien des circonstances, à celui des carreaux de verre. Mais un des avantages réels de cette substance sur celle du verre, c’est qu’elle étoit inaltérable. C’étoit, selon Pline, le privilège de l’espèce de pierre spéculaire blanche, sed candido mira natura. Quoique tendre, elle résistoit à toutes les injures des saisons, et elle ne vieillissait point.

Or, rien ne fut mieux adapté aux besoins d’éclairer l’intérieur des grands monumens. Il paroît d’après divers passages des auteurs, que la manière d’employer ces sortes de vitraux, étoit de les sceller dans les murs mêmes. Les clathra des fenêtres de l’amphithéâtre de Pola forment des entrelacs, dont les traverses ou barreaux (comme l’on voudra dire) sont de pierre, et il est probable que leurs intervalles furent remplis de pierre spéculaire.

Juba, cité par Pline, écrivoit qu’on trouvoit en Arabie une pierre aussi transparente que le verre, dont on faisoit les carreaux des fenêtres. In Arabiâ quoque esse lapidem vitri modo translucentem quo utuntur pro specularibus.

Au temps de Néron, on avoit trouvé en Cappadoce une qualité de pierre, qu’on appela Phengites, à cause de son éclat et de sa transparence. (Voyez ce mot.) Pline, en parlant du temple de la Fortune, construit de cette pierre, qui transmettoit la lumière dans son intérieur, ajoute que cet intérieur se trouvoit éclairé par un autre moyen que celui des spéculaires. Alio quam specularium modo. Quelques commentateurs veulent qu’on lise haud alio quant specularium. Peu importe la version qu’on adopte, il est visible que dans l’une comme dans l’autre, Pline compare ce moyen d’éclairer un intérieur par la transparence de ses murs, au moyen usité de la pierre spéculaire commune.

Si, d’après le passage de Sénèque (voy. VERRE, ) l’emploi des vitraux proprement dits, ou des carreaux de verre, semble n’avoir daté à Rome que de son siècle, il y a moins lieu qu’on ne pense de s’étonner que l’usage en ait été aussi tardif. Entre les causes qui l’ont répandu si généralement chez les Modernes, il saut compter sans doute le bon marché de la fabrication du verre, mais particulièrement aussi le manque presqn’absolu de ces pierres transparentes, qui étaient autrefois aussi nombreuses que diverses, et qui donnoient un véritable équivalent du verre.

Si la nature nous eût fourni avec abondance ces matières transparentes d’un débit si facile, qui pourroit dire jusqu’à quel point leur exploitation économique, eût retardé ou diminué la pratique des carreaux de verre, surtout s’il est vrai, comme on est porté à le croire, que la pierre spéculaire, appliquée aux fenêtres, avoit plus d’un avantage sur les vitraux ? Or, il paroît qu’elle pouvoit d’abord être moins fragile que le verre. Une de ses propriétés, ensuite, étoit de mieux préserver delà chaleur, en interceptant les rayons du soleil. C’est ce que remarquèrent, selon Philon (de légatione ad Caium), les ambassadeurs d’Alexandrie. En comparant, dit-il, les propriétés des pierres transparentes avec celles du verre blanc, ils observèrent que ces pierres, en transmettant la lumière, préservent à la fois et de l’action de l’air et de l’ardeur du soleil.

Les voyageurs ont trouvé encore en Grèce, plus d’un exemple de cette manière d’éclairer les intérieurs, par le moyen de pierres transparentes. Or, tout porte à croire que cette pratique moderne, en ce pays, est une tradition de l’ancien usage, si dans quelques endroits même, les pierres spéculaires qu’on y voit ne sont pas des restes d’antiquité.

Cornelio Magui et Chandler décrivent, avec les mêmes circonstances, les fenêtres du l’église du couvent de Saint-Luc en Béotie, la plus belle de la Grèce moderne. Ces fenêtres, au lieu de carreaux de verre, ont de carreaux de pierre transparente. La chiesa, dit Cornelio Magui, e di bella architecture incrustata di marmi fini ; e in carte finestre spiccano pietre con vene trasparenti rossicie. Selon Chandler, « les bas côtés ou galeries de cette église sont éclairés par des morceaux de marbre transparent, appelé jadis phengites. Il sont placés dans le mur par compartimens carrés, et répandent une lumière jaune ; vus eu dehors, ils ressemblent à la pierre commune et sont grossièrement taillés. »

Plusieurs de ces pierres, qui selon la nature de leur substance, ou peut-être par le laps des années, ont pu acquérir une transparence rougeâtre, sont devenues, en vertu d’une opinion superstitieuse des Grecs modernes, dépositaires de ce qu’ils appellent le feu sacré, qui, à un certain jour de l’année, est censé descendre du ciel. C’est à cette croyance qu’on dut probablement, dans le temple de Minerve à Athènes, converti en église chrétienne, la conservation de quelques dalles de pierre spèculaire, qui au temps de Spon, Wheler, Cornelio Magui, la Guilletiere, etc. , étoient encore visibles, et étoient tenus pour des objets miraculeux à cause de leur rougeur diaphane.

« Les pierres transparentes du temple d’Athènes (dit la Guilletiere) sont taillées en rectangle ou carré long. Chacune est à peu près longue de trois pieds, sur un et demi de largeur. On plaçoit derrière elles des lampes, ce qui leur donnoit une couleur rougeâtre. Les Turcs les regardoient avec beaucoup de vénération. »

Cornelio Magui rapporte la même chose, et Spon et Wheler, qui avoient vu, dans plus d’un endroit de la Grèce, des carreaux de pierre spèculaire, n’hésitent point, à l’aspect des dalles miraculeuses d’Athènes, d’y reconnoître le phengites de Pline.

Nous pourrions citer encore les fenêtres de l’église de San Miniato à Florence, toutes garnies de pierres transparentes, qui tiennent lieu de vitres, si cet exemple n’étoit fort connu, et si nous ne craignions d’alonger par trop cet article.

SPECUS. On appeloit ainsi le canal, où l’eau couloit dans les aqueducs élevés au-dessus de la superficie du sol. Il étoit construit, ou en pierres de taille ou en briques. On lui donnoit, sur cent pieds de longueur, au moins un demi-pied de pente, et on le couvroit d’une voûte, soit pour le préserver des ordures que le veut auroit pu y porter, soit pour empêcher l’action du soleil, et l’introduction dus eaux pluviales, qui auroient pu se mêler à celles des sources, qu’on vouloit faire parvenir, dans toute leur pureté, aux lieux de leur destination.

Quelquefois, ces canaux étoient couverts de


dalles de pierre posées horizontalement. L’Aqua Claudia, l’Aqua Marcia se trouvèrent supportées par un seul et même rang d’arcades. Les canaux des eaux qu’on appeloit l’Anio vetus et l’Aqua Claudia avoient aussi leur specus ou conduit particulier, placé sur la même construction.

SPHAERISTERIUM. Lieu destiné chez les Anciens, soit dans les gymnases, soit dans les maisons des riches particuliers, à l’exercice où l’on employoit la balle. Cet exercice et ce lieu paroissent répondre au jeu de paume moderne, et au bâtiment qui reçoit son nom de ce jeu.

Pline le Jeune décrivant ses deux maisons de campagne de Laurentum et de Toscane, y place un sphœristerium. L’empereur Vespasien en avoit un dans son palais ; et, selon Lampride, Alexandre Sévère s’exerçoit souvent au jeu de balle dans son sphéristère.

SPHÈRE, s. f. Corps parfaitement rond, qu’on nomme aussi globe ou boule, et qu’on emploie souvent dans les ouvrages de l’architecture. Pline appelle orbis, le globe ou corps sphérique de bronze, qui terminoit le sommet de chacune des cinq pyramides inférieures du tombeau de Porsenna à Clusium. Nous voyons que la maîtresse borne milliaire des Romains au Capitole, et de laquelle partoient toutes les autres bornes, étoit surmontée d’un globe de bronze. Les Modernes en placent volontiers à la pointe des clochers, et en beaucoup d’autres lieux, comme simples oruemens.

SPHÉROÏDE, s. m. Corps Formé par la révolution D’une ellipse sur fils hache. Sur Donne Volontiers au contour D’UN dôme La Moitié D’UN sphéroïde, Être Parce Qu’il de obole, plus haut Qu’une demisphère, Tant pour lu Solidité Qui resulte du Peu de poussée of this courbe, Qué pour en Rendre la proportion en plus élégante.

SPHINX, s. m. Si nous parlons ici de cet animal fabuleux, ce n’est pas, comme on le pense bien, pour en rechercher l’explication allégorique en Egypte, ou en expliquer la tradition mythologique en Grèce ; ces détails ne sont point dans les attributions d’un Dictionnaire, qui doit se restreindre, en chaque sujet, à ce qui touche plus ou moins directement l’architecture, ses monumens et leurs objets de décoration.

Contentons-nous donc de faire remarquer que le Sphinx, sous le rapport de l’art, c’est-à-dire des images qu’on en fit, nous offre plusieurs variétés, entre lesquelles on doit remarquer celle du. Sphinxthébain, dont plus d’un ouvrage grec : nous a conservé la ressemblance. Phidias, dans la composition du trône de son Jupiter Olympien, avoit placé comme soutiens des bras du siège, des Sphinxs enlevant les enfans des Thébains.

D’après ces images, il paraîtroit qu’il n’y eut aucun rapport d’allégorie, entre le Sphinx de l’Egypte, et celui que la mythologie grecque nous représente comme une sorte de monstre à tête de femme, sur un corps de lion ailé, proposant des énigmes, et dévorant ceux qui ne les pouvoient pas deviner. Rien de commun, comme on voit, entre cette création du mythe grec, et celle du caractère hiéroglyphique des Égyptiens, excepté l’union fantastique de deux animaux, qui en Grèce ne paroît avoir rien signifié, si ce n’est une tradition imitative du symbole le plus usité en Egypte ; car il est douteux que l’idée de secret, de mystère ou d’énigme, appliquée par les Grecs au Sphinx, ait été généralement reçue en Egypte.

Si nous en croyons ce que donne à entendre, pour ce pays, l’idée d’une telle association de deux natures, savoir, d’un corps de lion et d’une tête de semme, et ce que presque tous ceux qui ont tenté de pénétrer l’esprit de quelques hiéroglyphes nous assurent, cette union de deux êtres n’exprima rien autre chose, que l’état où est le Nil quand il inonde l’Egypte. Comme ses inoudations arrivent aux mois de juillet et d’août, lorsque le soleil parcourt les signes du Lion et de la Vierge, les Egyptiens auroient réuni sous ce double emblème, les signes de l’époque qui étoit pour eux celle de la prospérité de leur pays.

Aucun signe en effet ne fut plus multiplié en Egypte, L’ouvrage de ce genre le plus célèbre et le plus considérable fut le Sphinx colossal, dont on vit long-temps la tête sortir hors des subles qui avoient enseveli le reste de la figure, près d’une des plus grandes pyramides. On douta longtemps s’il étoit formé de plusieurs blocs rapportés ou non. Des fouilles faites il y a quelques années, par le consul d’Angleterre au Caire, M. Salt, l’ont mis tout-à-fait à découvert, et on a avéré qu’il avoit été taillé à même la masse de pierre, qui forme en ce lieu la base des pyramides. Le déblaiement intégral de ce colosse, a sait voir un petit escalier qui communiquoit à la porte, d’un petit temple, placé entre les pattes du Sphinx. Ce petit temple se présentoit sous la forme des monolythes égyptiens.

Les ruines aujourd’hui bien connues des temples égyptiens, ont consirmé ce que les anciens historiens nous avoient appris, de l’emploi multiplié des Sphinxs pour former les avenues des édifices sacrés. On les y voit encore placés sur deux lignes parallèles, les uns en face des autres, et chacun sur une base. Ce sont là les espèces d’allées qui semblent conduire vers le temple. Ainsi les écrivains anciens avoient décrit ces avenues. Ainsi les retrouve-t-on encore avec plus ou moins de mutilation, dans les plaines de l’antique Thèbes.

Du reste, ces avenues, dans lesquelles les Egyptiens avoient singulièrement multiplié ces représentations de figures composées de deux espèces l’animaux, qu’on appelle aujourd’hui du nom de


Sphinx, nous prouvent qu’il y eut des variétés dans ces mélanges de nature, d’où il faut conclure que ce que nous appelons Sphinx, n’est pas nécessairement un composé d’un corps de lion avec une tête de semme.

D’abord on met sous ce nom, devenu général, des figures qui ne sous autre chose que des lions, sans aucune association d’une autre espèce d’animal. Rien n’est plus commun que ces ouvrages, qui, outre le caractère sans art de la sculpture égyptienne, font voir encore sur leur base des signes biéroglyphiques. On en voit d’autres d’un meilleur travail, et qu’on doit supposer avoir été des copies saites dans des temps postérieurs, et peut-être sous la domination des Romains. Tels sont ceux qui sont placés à Rome comme ornemens de la fontaine de Termini, et qui jettent de l’eau.

Les voyageurs modernes nous ont fait connoître, sous le nom de Sphinx un mélange d’espèces autre que celui dont on se forme ordinairement l’idée. Ainsi à Thèbes, il y a des avenues telles qu’on les a décrites, qui se composent de figures représentant des lions à tête de bélier. On a cherché à donner de cette réunion de deux animaux divers, des explications qui ne peuvent être qu’arbitraires. Comment deviner les idées que les Egyptiens avoient prétendu exprimer par ces amalgames de signes, dont la clef est probablement perdue ?

Le Sphinx, mélange d’un corps de lion et d’un buste de femme, paroît être celui dont les répétitions se sont le plus propagées et multipliées hors de l’Egypte, surtout dans les sculptures d’ornement des Grecs et des Romains, comme on en voit à un des plus élégans trépieds de bronze, trouvé dans les ruines de Pompéia et conservé au Muséum de Naples. Mais il est à croire que réduite à cet emploi purement décoratif, cette figure n’y conserva plus aucune valeur, même d’allégorie morale. C’est du moins ce qu’il est permis d’affirmer de l’emploi que les Modernes en font, soit dans ce qu’on appellel’arabesque, soit dans l’application purement routinière qu’on en sait à toutes sortes de meubles, d’objets de luxe ou de caprice.

SPINA (épine). C’est le nom que les Romains, donnaient à cette partie exhaussée ordinairement sur plusieurs degrés, en manière de plate-forme, qui s’étendoit au milieu et dans presque toute la longueur du cirque, qu’elle séparoit en deux allées où les courses avoient lieu.

On lui donna ce nom, parce que cette sorte de construction partageoit l’arêne du cirque, comme l’épine du dos partage le corps de l’homme.

Les médailles nous ont conservé sur les types où sont représentés des cirques, d’assez sidéles imitations de la spina et des objets dont ils étoient ornés. Aux deux extrémités, s’élevoient les bornes an nombre de trois, placées sur un piédestal commun, et saites eu forme du cônes alongés. C’étoit entre ces bornes et la spina que devoient passer les chars, et comme cet espace étoit assez etroit, c’étoit à ce tournant qu’il étoit facile d’échouer.

Les principaux monumens que les médailles nous font voir, dans la longueur de la spina, sont des autels à diverses divinités, de petites édicules ou chapelles, des colonnes isolées surmoutées des statues de la Victoire, des trépieds, des portiques de la différens genres, des colonnes supportant des frontons, ou des plates-bandes couronnées par les symboles de Neptune, de Castor et Pollux, des statues et des groupes.

Ce fut pour l’ornement de la spina de leurs cirques, que les Romains enlevèrent à l’Egypte les obélisques, qu’ils placèrent quelquesois au milieu, quelquesois aux extrémités. Plusieurs de ces obélisques se retrouvent encore aujourd’hui dans Rome moderne, placés aux mêmes endroits qu’ils occupèrent jadis. Tel est celui de la place Navone, reste elle-même et souvenir de l’emplacement où étoit le Circus Agonalis, qui donna à la place moderne le nom de Piazza, Nagona, et par corruption Navona.

Nous renvoyons du reste le lecteur au mot CIRQUE, où l’on s’est étendu sur la description, tant de l’ensemble, que des détails et des particularités de ces monumens du la magnifocence romaine. VoyezCIRQUE.

SPIRAL, adj. m. On appelle ainsi un corps, une ligne qui environne un objet quelconque en tournant. La ligne spirale est celle qui en tournant s’éloigne toujours de son centre. Telle est la ligne dont est formée la volute du chapiteau ionique ; telle est, en particulier, la ligne que décrivent les cercles d’une vis autour d’un cylindre.

La colonne qu’on appelle torse est formée par une ligne spirale. Il y a dans l’antique plus d’un exemple de cannelures en spirale. On peut citer à cet égard les colonnes du petit temple de Clitumne près Spoletto, qui sont ainsi cannelées dans le tiers insérieur de leur sût.

SPOLETTO (jadis SPOLETUM), ville antique de l’Ombrie, aujourd’hui dans les États de l’Eglise.

La ville moderne a conservé, du moins dans ses environs, plus d’un reste témoin de sa magnificence passée. Hors de ses murs est une petite église, dont le sanctuaire est pratiqué dans un temple dit de la Concorde, dont il subsiste encore six colonnes corinthiennes, trois de chaque côté, et dont la frise est dorique : ce qui semble indiquer que ce fut un ouvrage sait dans les bas siècles, des débris de quelqu’autre monument.

On voit les restes d’un temple de Jupiter dans le couvent de Saint-André, et d’un temple qu’on appelle de Mars, au-delà de la rivière, là où est


l’église de Saint-Isaac ou de Saint-Julien. Il y a aussi des vestiges d’un palais de Théodoric.

Un aqueduc très-considérable, bâti par les Romains, amène l’eau de Monte Luco, à six milles de Spoletto et de la Caprareccia, qui en est à trois milles. Les conduites passent sur an pont de 600 pieds de longueur et de 300 pieds de haut, qui joint les deux montages, et qu’on appelle Ponte delle Torri. Ces eaux passent aussi sur le Ponte Sanguinario, qui joint le Monte Sant’Angelo avec Monte Luco.

A neuf milles de Spoletto on trouve à gauche sur le chemin, un petit temple antique bâti vers la source du Clitumnus, qui a donné à ce monument le nom sous lequel on le désigne ordinairement. On ne connoît pas l’époque de sa construction, mais son goût extrêmement orné, permet de croire qu’il ne doit pas appartenir à une trèshaute antiquité.

Plus d’une particularité, sa conservation et sa situation pittoresque en sont un des restes d’architecture romaine les plus intéressans. La disposition de son plan est surtout remarquable par sa singularité. Sa façade se trouvant sur une pente escarpée qui conduit au Clitumne, le péristyle antérieur n’a point d’entrée. L’architecte a reporté en arrière-corps deux petites entrées, qui, avec leur avant-corps, forment dans le plan une sorte de croix. Chacune de ces entrées, avec son avantcorps moins élevé que le corps principal du temple, repose sur un soubassement très-haut, qui donne une sort grande élégance à tout l’ensemble. Trois escaliers, ou rangs de degrés, conduisent à chacune des entrées latérales. Un de ces escaliers est en sace, les deux autres sont de côté, et aboutissent à un petit vestibule formé de deux pilastres d’angle carrés et isolés, et de deux colonnes, d’où l’on passe dans une petite pièce quadrangulaire.

Cette pièce vous introduit dans une espèce d’atrium ou d’avant-temple, qui a son côté antérieur borné par le péristyle de face dont on a parlé, lequel se compose de quatre colonnes également espacées, et de deux pilastres d’angle carrés et isolés, qui figurent les antes, mais détachées du mur du pronaos.

De ce pronaos, ou avant-temple, on arrive au corps principal du temple, dont le plan est un carré long, se terminant dans le fond par une grande niche, surmontée d’un fronton que supportent, de chaque côté, deux colonnes adossées au mur et posant sur un stylobate commun.

Tout l’édifice n’a guère que vingt-cinq pieds de hauteur, dont huit pour le soubassement général.

Quoiqu’en général l’ordonnance et les profils de cette architecture soient d’un bon goût, quelques détails de sa décoration autorisent à penser, que ce monument nu doit pas remonter à une époque sort ancienne. Ainsi la niche du fond du temple nous offre no cintre inscrit dans un fronton dont la base est coupée, sorte de licence qu’on ne trouve guère qu’à Spalatro et aux monumens des bas siècles. Le luxe et la variété des ornemens sculptés sur le sût des colonnes, semblent également annoncer un goût, dont on citeroit difficilement des exemples, dans les ouvrages réputés pour être ceux du meilleur temps de l’architecture. On ne peut guère s’empêcher de regarder comme l’abus d’une recherche capricieuse, les diversités décoratives de l’ordonnance corinthienne du grand péristyle. Le pilastre d’angle a ses cannelures en hauteur ; la colonne qui lui est voisine est cannelée dans toute sa longueur en spiral. Les deux colonnes du milieu ont la totalité de leur fût ornée de seuillages en écailles, comme on le voit à certaines tiges de candélabres, toutes inventions que le goût admet volontiers dans les objets, qui sont du ressort de ce qu’on appelle l’ornement, et que la gravité de l’architecture repousse ou dédaigne.

Palladio a essayé d’excuser cette recherche d’ornemens, par la petite proportion du temple. Selon lui, les Anciens ne se permirent d’aussi légers détails qu’à l’égard des petits édifices, et négligèrent ces soins minutieux dans les grands monumens. On pourroit accorder qu’il en ait été ainsi, et même par beaucoup de raisons indépendantes du goût, sans que cela prouvât que les Anciens aient eu là-dessus le moindre système, et sans qu’on doive s’en autoriser pour faire une règle, de ce qui peut-être ne fut qu’une exception.

STADE, s. m. C’est le nom d’une mesure itinéraire chez les Grecs, qui varia de longueur selon les différens pays, et dont les variétés, par les confusions résultantes du même mot, pour exprimer des mesures différentes, ont donné lieu à de nombreuses discussions étrangères à notre objet.

C’est du nom de cette mesure, qu’on appela chez les Grecs le lieu destiné aux divers exercices du corps, et aux différens genres de course, parce qu’on donna à ces sortes de lieux, de terrains, ou de monumens, la longueur déterminée par le stade itinéraire.

Nous n’avons à parler ici du stade que sous ce dernier rapport.

Il faut donc distinguer les stades du genre ainsi désigné, selon leur emploi public ou particulier.

Considéré selon ce dernier emploi, le stade étoit, à proprement parler, une partie nécessaire de l’édifice appelé Gymnase. (Voyez ce mot. ) C’en là qu’on se livroit aux divers exercices athlétiques, qui entroient plus ou moins dans les habitudes ordinaires de la vie, et dans l’éducation de la jeunesse. Ce lieu, selon la description de Vitruve, étoit disposé de manière que ceux que la curiosité ou l’oisiveté y conduisoit, pouvoient y voir commodément les combats des athlètes. L’espace, beaucoup plus long que large,


étoit arrondi par une de ses extrémités, et garni de plusieurs gradins sur lesquels on s’asseyoit.

Le stade, considéré sous le point de vue de monument, et de l’emploi beaucoup plus important, que lui donnèrent les établissemens gymnastiques de la Grèce et de Rome pour les jeux publics, étoit le lieu même où se célébroient ces jeux. C’est ainsi qu’on nommoit stade olympique l’endroit où se tenoit la célèbre réunion des villes de la Grèce pour les jeux olympiques. On appeloit à Delphes stade pythiquele lieu où se faisoient les jeux pythiques, etc.

La lice, ou la carrière appelée le stade, étoit un espace de terrain d’une étendue déterminée, selon les mesures itinéraires de chaque pays, et entouré d’une levée de terre, on espèce de terrasse, dont quelquefois la nature avoit sait d’abord les premiers frais, et que l’art saçonna depuis. Tel étoit le stade d’Olympie. On y avoit pratiqué, sans doute à une de ses extrémités, une tribune pour ceux qui présidoient à la célébration des jeux.

La longueur du stade varioit donc selon les lieux. Celui d’Olympie avoit six cents pieds. La description que Pausanias nous en a laissée, donne à connoître que ce stade étoit précédé d’une autre enceinte, destinée aux courses de chevaux, longue de quatre cents pieds, et autour de laquelle on avoit pratiqué des loges, qu’on distribuoit par la voie du sort, à ceux qui amenoient des chevaux pour concourir aux prix. La construction de cette enceinte se terminoit à l’endroit même qui étoit le point de départ des concurrens, et ce point de départ, appelé aphesis, avoit donné son nom à tout le bâtiment, qui, soit par son plan, disposé de manière a aboutir en angle (dont la base touchoit le portique d’Aguaptus), soit parce que son élévation pouvoit en affecter la forme, ressembloit (dit l’écrivain) à une proue de vaisseau.

On distinguoit trois parties dans les stades, l’entrée, le milieu de la carrière et son extrémité. L’entrée avoit plusieurs noms ; on l’appeloit apheteria, du verbe grec qui signifie laisser aller, parce que c’étoit de cet endroit que partoient les concurrens. Comme à cet endroit on marquoit l’entrée de ta carrière par une simple ligue tracée sur le terrain, dans la largeur du stade, on lui donnoit le nom degramnè (ligne). A cette ligne superficielle, qui marquoit originairement l’entrée de la carrière, on substitua dans la suite une espèce de petit gradin, auquel on donna le nom de balbis, qui devint aussi la démarcation de l’espace formant véritablement l’entrée de la lice.

Il paroît que le bâtiment appelé aphesis, ou l’hippodrome d’Olympie, fut, soit par la disposition de ses loges, soit par les détails de sa constructions, ainsi que de sa décoration, un ouvrage remarquable et digne d’admiration. Cleaetas, son auteur, en étoit si glorieux, dit Pausanias, que sur une statue qu’il avait faite à Athènes, et à laquelle il inscrivit son nom, il fit une mention spéciale de l’Aphesis d’Olympie en ces termes : Je suis l’ouvrage de Cleœtas, fils d’Aristocles, inventeur de l’Ippaphesis d’Olympie.

Il faut conclure, et des paroles de Pausanias sur la levée do terre, ou terrasse qui environnoit le stade d’Olympie, et des mentions qu’il fait ailleurs, d’autres stades dont le circuit étoit en gradins de marbre, que jamais les Eléens ne firent une semblable dépense. Il est vrai que les mots, amas de terre, ne signifient pas que cette terrasse se borna à n’être qu’une butte naturelle, ou même augmentée par art. Rien n’empêche d’y voir une terrasse dans le sens où nous entendons encore aujourd’hui ce mot, et qui auroit été soutenue par des épaulemens ou constructions en pierre.

Mais nous savons que plus d’un stade en Grèce, fut entouré dans tout son pourtour par des constructions dispendieuses. Sur l’isthme de Corinthe il y avoit, selon Pausanias, un stade construit en marbre blanc. A Delphes, dans la partie supérieure de la ville, on voyoit un stade bâti d’abord uniquement en pierres du Parnasse, et que dans la suite Hérodes Atticus fit décorer en marbre penthélique. Unstade que Pausanias cite comme un des plus magnifiques et des plus remarquables, étoit celui qu’avoit construit à Athènes Herodes Atticus ; il étoit de marbre penthélique et d’une grandeur extraordinaire.

Tous les stades dont nous entendons parler ici, sont ceux qui formoient des édifices indépendans des gymnases. On en feroit une longue énumération, seulement à ne citer que ceux dont les auteurs ont fait mention, ou dont les voyageurs ont retrouvé les restes. Ainsi Pausanias nous fait counoître celui d’Argos, dans lequel se célébroient les jeux sacrés de Jupiter Néméen et de Junon ; celui d’Epidaure, ceux de Megalopolis, de Tégée et de beaucoup d’autres villes. Chandler et Pococke nous apprennent qu’à Smyrne el à Ephèse, il y avoit un stade distinct du gymnase de ces villes. A Alabanda, Chandler a vu les ruines d’un stade qui sert aujourd’hui de marché à la ville moderne bâtie en cet endroit. A Laodicée, on a aussi trouvé les ruines d’un stade, dont le dessin existe dans les Ionian antiquities.

Le cirque fut le monument qui chez les Romains remplaça le stade des Grecs, autant pour les nsages que pour la forme ; seulement il l’emporta en grandeur et en magnificence. Voyez CIRQUE, SPINA.

STALACTITES, s. m. pl. On appelle ainsi les dépôts formés dans les fentes des grottes et des cavernes, par des eaux qui y filtrent goutte à goutte, et laissent couche par couche la terre calcaire qu’elles abandonnent. Leur réunion ressemble à ces congélations qui se forment le long et au bord des toits dans les dégels.


On se sert quelquefois des stalactites, ouvrages de la nature, pour la décoration des fontaines ou des grottes artificielles dans les jardins. A défaut des stalactites naturelles, la sculpture en fait des imitations, où l’art peut facilement défier la nature.

STALLE, s. f. Sur Donne CE nom à des sièges Dont le fond se lève et se baisse à volonté, et qu’on pratique autour du chœur d’église juin, pour l’utilisation des Prêtres.

Les stalles soi police eu bois, et chacune Version is séparée de sa voisine par Une cloison Qui arriver Jusqu’au coude, et insérez d’appui est quand le siége is relevé. Il ya de CES de les REMARQUABLES par la perfection de Leur menuiserie, et Par les sculptures Dont Elle Est Quelquefois ornée.

STATUE, s. f. A l’article SCULPTURE (voyez ce terme), nous avons dit quelque chose des emplois divers, auxquels l’architecture applique les statues dans les édifices. N’ayant encore ici à considérer lesstatues, que sous les rapports qui sont communs à l’architecture, et comme partie de la décoration des monumens, nous serons d’autant plus obligés de resserrer les notions relatives au mot de cet article, que si nous sortions du cadre qu’il nous prescrit, nous devrions entrer dans un sujet immense.

Bornons-nous donc à dire, sous quels rapports les statues entrent dans le domaine de l’architecture.

Les trois points de vue principaux sous lesquels l’architecte a besoin de considérer les statues qu’il admet dans ses compositions, sont celui de la décoration, celui de la proportion, celui du style.

J’aurois pu dire qu’avant tout les statues ont, avec la destination de chaque édifice, un rapport de convenance et de signification, qui fait le principal mérite de leur emploi pour l’esprit. Mais quoique ce rapport soit des plus importans, il m’a semblé que ce point de vue purement moral, pouvoit paroître un peu en dehors des théories pratiques de l’art.

Supposant donc, comme un point incontestable, que les statues doivent, par leur sujet, correspondre à ce qui est l’objet même, ou la destination des monumens, l’architecte doit les considérer comme un de ses principaux moyens de décoration.

Il en sera à cet égard des statues, comme de tous les autres objets décoratifs qui entrent dans l’ensemble d’un édifice. A part ce que ces objets peuvent avoir d’instructif el de significatif pour l’intelligence le goût les considère et doit les employer, d’après les principes de celle harmonie visuelle, qui a pour objet unique de plaire aux yeux. On sait que chaque mode d ordonnance a sa mesure d’ornement, prescrite par la différence des sensations analogues à son caractère. Or cette mesure dépend autant de la quantité que de la qualité, et nous ne répéterons pas ici ce qui a été dit à tant d’articles de ce Dictionnaire, savoir, que l’ornement, considéré en général, comme la monnoie, devient vil s’il est trop multiplié, que son effet et sa valeur dépendent des contrastes qu’on y oppose, et que ces oppositions sont les parties lisses qui reposent la vue, les espaces qui interrompent et détachent les objets ; enfin, qu’en ce genre comme en tout autre, le plaisir demande aussi ses privations.

Les statues, envisagées comme ornement de l’architecture, recevront les mêmes lois de goût dans l’emploi qu’on en fera. En placer partout et sans motif, les multiplier indéfiniment, en faire une sorte de lieu commun, pour remplir des intervalles, pour meubler des espaces inutiles, c’est leur ôter toute valeur.

Je n’ignore pas ce qu’il est possible de dire en faveur de la profusion des statues, surtout si l’on entend se prévaloir de ce que les récits des historiens, et plus d’une description, nous apprennent sur la prodigalité qui eut lieu chez les Anciens à cet égard.

Mais d’abord il faut prendre en considération les mœurs des peuples qu’on prétend imiter, les usages civils et religieux, qui, sans tenir compte des règles du goût, dûrent faire la loi dans une multitude de cas. L’usage des statues fut infini chez les Grecs. S’il eut fallu ménager à chaque simulacre une place, un point de vue, une convenance d’optique ou de disposition, des villes qui comptoient plus de statues que de citoyens n’auroient pu suffire à loger leurs habitans. Il dut arriver (ce que nous apercevons dans les notions que l’histoire nous permet de consulter) qu’une multitude de réunions de statues, comme dans l’Altis d’Olympie, se trouvèrent placées sans aucun égard à aucune disposition symétrique, ni quant à leur mesure ni quant à leur rapport, avec celles qui les avoisinoient, ni enfin selon aucun plan préalablement établi. Aucune conséquence à tirer de là pour l’emploi de statues, lorsqu’elles n’ont rien d’obligé, quant au nombre, quant à la mesure, ni quant à la place, c’est-à-dire s’il s’agit d’un monument fait exprès, et où l’œuvre du statuaire entre, et doit entrer aux mêmes conditions que celui du sculpteur d’ornement.

Que voyons-nous également à Rome, dès que l’esprit d’imitation et de conquête eut importé par milliers les ouvrages du ciseau grec ? Tout fut plein de statues ; et comme elles devinrent des espèces de trophées do victoire, c’étoit dans le but de flatter la vanité, et non de plaire au goût qu’on les prodigua comme objets d’ostentation dans certains monumens publics. Croirons-nous, par exemple, que le bon goût ait présidé à la décoration de ces théâtres (voyez SCÈNE) où nous lisons qu’on entassa une fois jusqu’à trois mille statues ?

Si nous avons à chercher quelques exemples instructifs chez les Anciens, d’un emploi décoratif de statues bien entendu dans l’architecture, il nous semble que nous les trouverons en consultant, et certains restes, et certaines descriptions de leurs temples.

Ainsi nous y voyons les statues employées à décorer, tantôt les sommités et les acrotères des frontons de leurs péristyles, tantôt les dessous des portiques et les espaces des entre-colonnemens. D’autres temples nous font encore voir leur intérieur orné de niches qui furent remplies de statues. La divinité principale du temple y occupoit la place principale, soit au fond, soit au milieu du naos.

C’est dans de pareils emplois qu’il faut considérer les statues, comme objets d’ornemens pour l’architecture, et c’est là seulement qu’on peut appliquer à cet emploi les règles de goût, qui en peuvent limiter le nombre et prescrire la proportion.

Lorsque l’architecte peut disposer de l’emploi des statues, dans leur rapport avec le bon effet qui doit en revenir à l’édifice, après la considération de leur nombre et de leur disposition, il s’occupera d’en régler les dimensions relatives a celles de son monument. Nul doute que dans hypothèse où nous plaçons l’architecte, comme libre ordonnateur du tout et de ses parties, il ne soit tenu d’établir un rapport de proportion entre l’ornement et l’objet à orner.

Vainement objecteroit-on ici les nombreux et imposans exemples de l’antiquité grecque, et l’usage de placer des divinités colossales dans des intérieurs de temple d’une modique étendue. Nous avons déjà parlé de cette pratique (voyez COLOSSAL), et nous avons montré à l’égard du Jupiter d’Olympie (que son temple n’auroit pu contenir debout), qu’une grande et belle idée avoit pu suggérer cette ingénieuse disproportion. Mais il faut croire que ce fut habituellement par système, et non comme exception, qu’on faisoit dans une stature ainsi colossale les simulacres des divinités, et sans aucun rapport de proportion avec le local qu’elles occupaient. L’on vouloit frapper ainsi les sens de la multitude, et exprimer d’une façon matérielle, l’idée de la supériorité des Dieux sur les hommes. Le colossal n’étoit pas relatif, mais réellement positif dans ces statues.

On ne sauroit donc se prévaloir de ces exemples dans une théorie dégoût, qui cherche à établir des règles générales, et applicables à l’emploi décoratif des statues, uniquement sous le rapport d’harmonie.

Il est sensible qu’il y aura un certain rapport naturel de mesure à observer, par exemple, entre les colonnes d’une colonnade, et les statues qu’on placera dans les entre-colonnemens. Des statues qui ne seroient que de grandeur naturelle, deviendroient ridicules à côté de colonnes de cinquante pieds de hauteur. Même ridicule, mais disproportion peut-être plus choquante encore, entre desstatues colossales et de petites colonnes. Sans vouloir pousser trop loin ici une comparaison, dont l’idée exagérée cesseroit d’être de la raison, on pourroit dire que les statues qui accompagnent l’architecture, qui entrent dans les espaces, et qui occupent l’intérieur d’un édifice, peuvent se considérer comme étant ses habitans, et dès-lors établissent entr’eux et leur demeure une certaine corrélation nécessaire de dimension.

Mais quelles seront les règles fixes de ce genre de rapports ? Nous dirons à cet égard, comme pour les proportions mêmes de l’architecture, qu’il n’y a rien que l’on puisse déterminer par la rigueur mathématique. Les arts de goût, de génie et d’invention ne sont tels, que parce qu’on ne sauroit y rien soumettre à la démonstration du calcul. Comme le génie et le goût ne sauroient se définir qu’au sentiment, et par le sentiment, il en est de même de ce qu’on appelle leurs règles. Le génie les trouve et les fait ; le goût en jouit ; le sentiment les explique. Et quoique ces sortes de vérités ne se puissent pas démontrer, et quoique la froide raison puisse les méconnaître et les nier, elles n’en sont pas moins de tous les temps, et n’en restent pas moins applicables à tous les ouvrages.

Nous avons dit que les statues a voient encore avec l’architecture, un rapport d’harmonie important à observer, c’est celui du style de leur sculpture.

Il a été déjà fait quelques observations sur cet objet au mot SCULPTURE. On peut dire que cet accord de style entre les deux arts, est un effet naturel du cours ordinaire des choses, dans la direction que suivent assez simultanément tous les arts du dessin. Il y a effectivement entr’eux une telle communauté de manière, que naturellement le même courant d’opinion et de goût, porte les artistes contemporains à donner, chacun dans leur art, la même physionomie à leurs productions. J’entends par-la une certaine expression sensible aux yeux, comme à l’esprit, de quelques qualités générales, résultat assez nécessaire, soit de la direction des écoles, soit de la pente des esprits, et du penchant qui les porte à vouloir du nouveau.

Pour celui qui sait lire dans les ouvrages de chaque siècle les effets de ces causes, il est évident que le goût de la sculpture s’est toujours trouvé le même, que celui de l’architecture dont elle fut appelée à décorer les édifices. Chez les Anciens, timide et peu développée dans les monumens du premier âge, simple mais grandiose au siècle de l’entier développement de l’art de bâtir, lourde et négligée à l’époque de la décadence, elle suivit toutes les phases que le génie de l’architecture fut tenu de parcourir. Si nous


examinons de même le cours de cet art depuis la renaissance, nous verrons que la sculpture, d’abord maigre et roide, ensuite riche et abondante, enfin licencieuse et désordonnée, a marqué aussi du même sceau, en Italie, le goût des trois époques les plus distinctes de l’architecture. Aussi faut-il dire qu’il y a eu accord parfait de style entre les deux arts à chacune de ces époques.

Concluroit-on de là que l’architecte doit toujours compter sur cette coïncidence naturelle de manière entr’eux, certain que le style de son édifice rencontrera toujours une correspondance obligée dans le style des autres arts ? Ce seroit tirer, de données très-générales, une application beaucoup trop rigoureuse. Ce qu’on vient de dire ne sert qu’à montrer, quelle est l’intention de la nature, et par conséquent quelle doit être l’attention de l’artiste, dans le choix des moyens particuliers dont il peut user, pour faire de son œuvre un tout complet et parfait sous le rapport de l’harmonie du style.

Le style est dans les arts du dessin, comme dans ceux du discours, ce qu’est le caractère de physionomie de chaque homme, ce qui le différencie des autres par des traits légers, si l’on veut, mais qui n’en sont pas moins capables d’y établir de notables dissemblances. Ces grands traits, que nous venons de faire remarquer dans tes grandes époques de l’art, sont en quelque sorte, comme ceux qui séparent les races, les genres, les espèces ; ce qui n’empêche pas qu’il n’y ait entre les individus d’innombrables variétés. Il en est de même de chaque artiste, son talent participe, si l’on veut, du style ou de la physionomie de son époque. Mais il n’en a pas moins son style à lui, sa physionomie en propre, et la propriété de correspondre au style de tel architecte, à la physionomie de tel ou tel monument.

C’est donc sous ce point de vue, qu’il importe à l’architecte de comprendre ce que, dans l’emploi qu’il fera des statues, comme ornemens de ses édifices, il y aura d’accord ou de désaccord entre des figures simples ou composées, sages ou maniérées, finies ou peu achevées, et le genre de ses ordonnances, l’effet de ses masses, l’exécution de leurs détails. Voyez, du reste, sur cet objet l’article SCULPTURE.

On a donné aux statues qui entrent dans la décoration des édifices, des places, des jardins, un assez grand nombre de noms relatifs, soit à leurs positions, soit à leurs destinations, soit a leurs sujets. Nous n’en citerons ici que les plus usités.

Ainsi l’on dit :

STATUE ALLÉGORIQUE. C’est celle dont l’objet est d’exprimer la personnification de quelque qualité abstraite, comme la prudence, la force, la justice, ou des effets de la nature et de ses œuvres, comme les saisons, les parties du jour, les élémens ; ou des nations, des royaumes, des villes, des provinces qu’on représente avec les symboles de leurs productions ou de leurs propriétés, etc.

STATUE COLOSSALE. Statue qui excède la mesure ordinaire des corps. Toute figure au-dessus de six pieds passe pour colossale ; mais il y a de nombreux degrés en ce genre. Les Anciens ont fait des statuesqui ont eu plus de cent pieds d’élévation, Il faut distinguer les figures colossales du genre relatif d’avec celles d’un colossal absolu. On fait les premières pour satisfaire à la distance qui doit les séparer de la vue, mais dans l’intention qu’elles ne paraissent pas aussi grandes qu’elles sont. Les statues du genre colossal absolu, sont celles que l’on fait pour qu’elles paroissent réellement des colosses. Voyezl’article ci-dessus et les mot COLOSSE, COLOSSAL.

STATUE CURULE. Statue ordinairement assise chez les Romains, qui la nommèrent ainsi de la chaise ou du siège qu’on appeloit sella curulis. Quelques-uns veulent que l’étymologie de l’adjectif curulis soit le substantif currus, char, et ils pensent que statua curulis doit s’entendre des statues ou des figures représentées dans des biges ou des quadriges, sortes de monumens qui surent très-multipliés chez les Anciens, surtout chez les Romains. Les commentateurs sont divisés, et sur l’étymologie du mot, et sur l’idée précise de son emploi, relativement aux figures que ce mot désigne. Ne seroit-il pas possible d’accorder les deux opinions, en considérant que la statue appelée curule, qui doit désigner une statue, assise, du nom de sella curulis, peut encore avoir désigné la même position, selon l’autre étymologie, puisqu’il y avoit des chars où l’on étoit assis, et où la sculpture représenta ainsi les personnages auxquels on élevoit de semblables monumens ?

STATUE ÉQUESTRE. On appelle ainsi l’ouvrage de sculpture, dans lequel le personnage est représenté à cheval. Les statues de ce genre, ordinairement en bronze, surent très-nombreuses dans l’antiquité ; mais elles ont presque toutes péri par l’effet des révolutions. Une seule, celle de Marc-Aurèle, qu’on voit aujourd’hui au Capitole, a échappé à la destruction. Deux statues équestres d’une beaucoup plus petite proportion, celles des Balbus, père et fils, et qui sont en marbre, ont été tirées des ruines d’Herculanum. On ne pourroit citer de tant d’autres que des fragmens.

Le goût des statues équestres en bronze s’est reproduit, chez les Modernes, avec le renouvellement des arts. Les plus anciennes sont celles qui furent élevées en Italie dans les villes de Venise, de Padoue, de Florence. Les plus considérables furent celles que la France érigea en l’honneur de ses rois, tant à Paris que dans plus d’une grande ville. Détruites toutes par le fanatisme


révolutionnaire, elles se relèvent à l’envi. Paris en compte déjà deux de terminées, celle de Henri IV et celle de Louis XIV. Une autre de ce dernier roi vient d’être placée à Lyon. D’autres sont encore sous la main des artistes.

Il existe de grandes statues équestres en bronze à Copenhague, à Saint-Pétersbourg, à Vienne, et Londres en compte quelques-unes beaucoup moins importantes.

STATUE GRECQUE OU A LA GRECQUE. Il faut entendre par-là, non toute statue faite en Grèce, mais ce que les Romains désignoient ainsi, et ce qu’on peut désigner encore, pour distinguer ces ouvrages, de ce qu’en terme d’art on appellera statue romaine. Voyez plus bas.

Les Romains appeloient donc figure à la grecque toute figure de personnages romains, qui, au lieu d’être habillés, étoient, selon l’usage des Grecs, représentés nus, usage que les jeux du stade avoient accrédité. Ils nommoient aussi ces figures Achilléennes, du nom d’Achille, qu’on faisoit nu la lance en main, car les Grecs représentoient aussi les guerriers sans vêtement. De là le mot de Pline : Greca res est nihil velare.

STATUE HYDRAULIQUE. Nom qu’on donne à toute figure qui sert d’ornement à une fontaine, à une grotte, à un bassin, et qui y fait l’office de jeu d’eau ou de robinet, par quelqu’une de ses parties, ou par quelqu’atrribut qu’elle tient.

C’étoit une statue hydraulique que cette jolie figure antique d’un Amour avec une oie, dont le bec recevoit, comme on le voit encore aujourd’hui, un conduit de métal par lequel l’eau sembloit s’échapper de l’animal lui-même.

C’est une statue hydraulique que celle du Triton de la fontaine Barberine à Rome, qui souffle dans une conque, d’où l’eau sort en jeu d’eau.

On citeroit dans les ouvrages hydrauliques modernes, dans les cascades des jardins, et surtout à Versailles, une multitude de figures d’hommes ou d’animaux, qui recèlent les conduits de métal d’où sortent, sous toutes sortes de jets, de bouillons et de formes diverses, les eaux que l’art y a conduites.

STATUE PÉDESTRE. C’est une statue représentée en pied. Cependant cette définition seroit trop générale, et elle s’appliqueroit à trop de sujets, tant est commun l’usage de faire ainsi le plus grand nombre des statues.

Le nom de statue pédestre s’applique donc particulièrement à ces statues honorifiques et monumentales, qu’on élève à d’illustres personnages, et on leur donne volontiers cette dénomination, pour les distinguer, non des statues curules ou assises, mais des statues équestres. Ainsi, parmi les statues des rois de France que la révolution a détruites, il en existoit de pédestres, en bronze, dans plus d’une ville. Telle étoit, dans la ville de Reims, la statue pédestre de Louis XV, qui depuis peu vient d’être refaite en bronze, cl replacée sur sa même base. Telle est, dans la cour de l’hôtel-de-ville de Paris, la statue en bronze de Louis XIV, faite par Coisevox.

STATUE PERSIQUE. On a donné quelquefois ce nom à des figuras d’hommes, faisant dans l’architecture fonction de colonnes. Cette dénomination leur vint du récit de Vitruve, qui décrit un portique de Sparte, lequel avoit, en place de colonnes, des statues représentant des Perses, monument de la victoire remportée sur l’armée de Xerxès. Cette étymologie fait pendant, chez cet auteur, à celles desstatues féminines appelées caryatides, du nom des femmes de Carie. Sans contester ici, que ces deux explications purent être autrefois accréditées, par l’opinion régnante au temps de Vitruve, on peut croire que l’emploi de statues, soit viriles, soit féminines, en place de colonnes, peut, ou avoir précédé l’époque historique que Vitruve leur assigne, on avoir été tout-à-fait indépendant des faits auxquels il prétend en attribuer l’origine. Les figures colossales en forme d’Atlantes ou de Télamons, qui formoient comme l’ordre supérieur de la nef du temple de Jupiter Olympien à Agrigente, étoient alternativement viriles et féminines. Voyez TÉLAMON, CARYATIDE, PERSIQUE.

STATUE ROMAINE OU A LA ROMAINE. On appelle ainsi, pour les distinguer des statues grecques ou à la grecque (voyez plus haut), les statues, soit qu’elles soient réellement antiques, soit que l’art des Modernes les ait habillées dans le costume romain.

Les Romains distinguoient les statues de ceux de leurs compatriotes auxquels ils eu élevoient, suivant la diversité des vêtemens qu’on leur donnoit.

On appelait paludatœ les statues des empereurs, avec un loug manteau par-dessus leur cuirasse. On donnoit le nom de thoracatœ aux statues militaires, seulement avec la cotte d’armes. Les statues des simples soldats s’ appeloient loricatœ. Quant aux statues de personnages représentés sous le costume civil, on appeloit trabeatœ celles des sénateurs, des augures ; togatœ celles des personnes revêtues de la toge, et tunicatœ celles de ceux qui n’avoient que le vêtement de dessous, c’est-á-dire la tunique, La stola étoit l’habillement que les femmes portoient par-dessus la tunique, et les statues vêtues de la stola étoient nommées stolatœ.

STÈLE, s. f. Ce mot est grec et signifia (ce qu’ou lui fait signifier encore aujourd’hui, dans la langue de l’archéologie) une colonne, un cippe, un terme, pent-être même un obélisque,


c’est-à-dire toute espèce de monument en pierre, d’une forme plus ou moins alongée, circulaire ou quadrangulaire, se terminant peut-être sonvent en pointe, et sur lesquels on gravoit des inscriptions, des symboles, etc.

Une inscription grecque, trouvée depuis peu d’années en Egypte, sur un socle qui avoit appartenu à un obélisque transporté à Londres, fait mention de la conservation d’une stèle élevée en mémoire d’un bienfait obtenu par les auteurs de ce monument. On a conclu de là que le mot stèle avoit pu convenir et être donné aux pierres obéliscales.

Il paroît que, dans les plus anciens temps, les stèles étoient comme des espèces de fastes historiques, où l’on gravoit les événemens mémorables.

Si l’on consulte l’étymologie du mot, qui est ςαω, ancien verbe qui a fourni le futur ςησω au verbe ιςημι, et qui signifie être debout, ériger, etc. , stèle auroit simplement exprimé en grec l’idée de pierre debout. Or, comme dans toute l’antiquité on trouve l’usage de graver sur des pierres debout, n’importe de quelle forme et dans quelle dimension, les lois, les actes publics, et une multitude d’autres notions, il nous paroît que ce mot peut très-bien avoir renfermé, dans la manière de parler des Grecs, jusqu’aux obélisques égyptiens, qui n’étoient rien autre chose que d’énormes pierres debout, chargées d’inscriptions en caractères hiéroglyphiques.

STÉRÉOBATE. Ce mot est grec, et se compose de deux mots qui signifient, l’un solide, et l’autre, porter. Vitruve a latinisé ce mot, et s’en sert en le confondant même avec le mot stylobate.

Stéréobate se dit aussi dans le langage technique de l’architecture en français, mais on emploie beaucoup plus ordinairement le mot soubassement. Voyez ce terme.

Stéréobate exprime donc l’idée générale de soubassement. Quoique Vitruve s’en soit servi comme d’un synonyme de stylobate, Gagliani a fait observer que le mot stéréobate doit particulièrement signifier, dans les soubassemens de colonnades des temples, ce petit mur sur lequel s’élèvent les colonnes, avec cette distinction, qu’il doit être lisse et sans profils, tandis que le mot stylobate est réservé à signifier ces sortes de soubassemens, qui sont ornés de bases et de corniches. D’après cette théorie, le premier répondroit à ce qu’on appelle socle, et le second à ce qu’où appelle piédestal.

STÉRÉOTOMIE, s. f. Mot pris du grec, et Qui signifié Aujourd’hui, that la composition des Deux LUN. solide et coupé exprimoit jadis, savoir, coupé des solides. Voy. COUPE DES PIERRES.

STRATONICÉE. Ville de l’Asie mineure, dans la Carie, où il s’est conservé un assez bon nombre de restes d’antiquités.

Quoique cette ville, comme son nom l’indique, remonte à un âge assez reculé, puisqu’elle reçut ce nom de Stratonice, femme d’Antiochus Soter, il paroît qu’elle fut rebâtie en grande partie par Adrien. On croit en effet, dit M. de Choiseul-Gouffier, retrouver dans ses ruines l’empreinte d’un goût postérieur à l’ère des Seleucides, et peu digne de cette époque glorieuse pour les arts.

Stratonicée avoit été célèbre par deux grands temples, celui d’Hécate et celui de Jupiter Chrysacoreus, où se réunissoient les habitans des villes de la Carie. On n’y en reconnoît plus aujourd’hui le moindre vestige, mais on y trouve ceux de plusieurs autres monumens.

Tel est le mur d’une enceinte carrée, un peu plus longue que large, formé par une muraille de marbre blanc. Les faces extérieures de ce monument sont décorées d’une base et d’une corniche de sort bon goût. Au-dessous de celle-ci sont des ornemens circulaires en forme de patères ou de boucliers. Les deux degrés qui s’élèvent au-dessus de la corniche, et qui indiquent des retraites de pierres en forme pyramidale, firent soupçonner que le monument avoit été du genre sépulchral. Cette conjecture se trouva confirmée par une longue inscription grecque, en tête de laquelle on lit : Monument de Philecus.

Parmi les ruines de Stratonicée, on remarque les restes d’une muraille qui paroît avoir formé l’enceinte d’une cour, dont l’intérieur étoit décoré par des colonnes corinthiennes. Elles sont trop espacées pour que les architraves pussent porter de l’une à l’autre. Leur fût est entièrement lisse ; leur hauteur a neuf diamètres, et le diamètre est de quatre à cinq pieds. Le plan du chapiteau est elliptique. Il diffère du corinthien ordinaire par la grandeur des volutes, par l’ordonnance, la forme et la division des feuilles, qui sont celles de l’olivier.

Le voyageur à qui nous empruntons ces détails, fait mention, au milieu des débris de cette ville, des restes encore fort remarquables d’un théâtre en marbre, dont le plan, dit-il, ne diffère de celui de Telmissus que par quelques détails. Il y a remarqué que les accoudoirs qui terminent les gradins, au bord des escaliers, sont ornés de pattes d’aigles d’une belle exécution. La décoration de la scène étoit ornée de colonnes et de statues, dont on voit encore les débris à la place qu’elle occupoit. Il y a des tambours de colonnes ovales.

Au milieu d’une très-grande quantité de décombres, une porte encore entière attire l’attention. Les profils de son couronnement offrent plus d’une particularité. Premièrement, la corniche sculptée au-dessus du linteau du chambranle pose immédiatement dessus, sans frise ni architrave. Secondement, au lieu de profiler dans son retour


de chaque côté, elle est coupée perpendiculairement.

On voit à Stratonicée, entre quelques fragmens de sculpture, un autel circulaire avec des têtes de taureau et des guirlandes. Sur cet autel on découvre une inscription fort endommagée. Un débris d’entablement a conservé sur sa frise un bas-relief représentant une course de chars. Extrait du Voyage pittoresque de la Grèce, par M. de Choiseul-Gouffier.

STRIURE, s. f. Ce est, Arboisien colonne cannelée, each with cannelure fils listel. Voyez Cannelure.

STRUCTURE, s. f. Ce mot, forme du latin structura, est, Quoique Pris ordinairement Dans acception juin, plus noble, non synonyme du mot bâtisse. Il Exprime La Manière Dont non édifice Construit is. Il Différé de la construction, en sens CE, Qué CE dernier mot s’applique généralement, Soit à this partie de l’architecture Qui Comprend tout Ce qu’il ya DANS CET art de matériel, de mécanique, de scientifique, Soit à la qualité Ou des Matériaux de Leur emploi Dans bâtiment des Nations Unies ; la structure, bien au contraire, terme, plus relevé, et si l’On Peut dire du langage poétique en genre CE, embrasse les Rapports Exterieurs de l’art Qui se manifestent aux yeux par la hardiesse des masses, la beauté des formes, les proportions des ordonnances, et l’habileté de l’exécution apparente.

STUC, s. m. De l’italien stucco, qui signifie matière propre à boucher, enduit, etc.

On appelle ainsi une composition, ou une espèce de mortier fait avec de la poudre de marbre et de la chaux, dont on se sert, dans l’architecture, pour faire des enduits ou revêtemens, des ornemens, et toutes sortes de figures en bas-relief.

Il nous est resté, dans un grand nombre de ruines d’édifices anciens, des ouvrages de stuc, dont la conservation prouve quelle peut en être la durée. La construction des Romains fut surtout favorable à l’emploi du stuc. Soit qu’ils usassent de cette sorte de maçonnerie, ou de simples pierrailles et d’autres petits matériaux, étoient rendus adhérens entr’eux par le mortier liquide de chaux et de pouzzolane ; soit qu’ils usassent de la brique, de l’opus incertum ou du reticulatum, dont les joints se remplissoient de même mortier, ils couvroient ces bâtisses d’enduits de stuc qui s’y attachoient avec une grande ténacité. Sur ces enduits communs, ils étendoient une nouvelle couche d’un stuc beaucoup plus fin, qui pouvoit recevoir un beau poli. Cet enduit de stuc recevoit, ou de la peinture ou des figures faites en bas-relief de la même composition, mais encore plus soignée. C’est de ce genre de stuc que doit parler Vitruve sous les mots albarium opus ou opus coronarium.

Cette matière servoit à faire les corniches, les profils, et tous les détails de l’architecture. C’est le même procédé qui fut retrouvé au temps de Raphaël, pour la décoration des toges du Vatican, et dont les modèles furent fournis particulièrement par les Thermes de Titus.

Le stuc, tel qu’on l’emploie encore aujourd’hui à Rome, se compose, ainsi qu’on l’a dit, d’un mélange de chaux et de poussière de marbre, dans des proportions variées, selon l’emploi qu’on en veut faire. Immédiatement après que ce mélange a été opéré, il forme une pâte plus ou moins molle et ductile, et qu’on applique très-facilement et à loisir aux endroits où l’on veut s’en servir. C’est là un de ses avantages sur le plâtre, qui ne garde que très-peu de temps sa ductilité. Lorsque le stuc a pris un peu de consistance, on lui donne, soit avec des moules, soit à l’aide de divers instrumens, la forme générale de l’objet qu’on veut représenter. Pendant cette opération, sa consistance augmente encore. On peut alors le tailler, le façonner, le gratter, et il se prête en cet état, comme une argile encore flexible, au travail du stucateur. Il durcit enfin peu à peu et il acquiert une solidité que le plâtre ne sauroit avoir, et qui l’emporte sur celle de beaucoup de pierres. Ajoutons qu’il n’est point sujet à se fendiller comme le plâtre, qu’il reçoit autant de fini qu’on peut en desirer, et qu’il conserve inaltérables les couleurs qu’on lui donne.

Le stuc en revêtemens lisses, lorsqu’il est préparé avec soin, et dans une saison qui lui permet de durcir avant d’être exposé aux intempéries de la pluie ou du froid, acquiert même à l’extérieur des édifices, une très-grande solidité.

Les ornemens en stuc ont l’avantage d’être beaucoup plus économiques, que ne le sont les mêmes objets sculptés en pierre ou en bois. Cette économie pour les ornemens qui se ré pètent, comme sont, par exemple, les rosaces dans les caissons des voûtes, tient à ce qu’ils peuvent être jetés en moule, et qu’ils n’ont plus besoin que d’un léger réparage. Bramante fut le premier à employer cette uréthode dans la décoration des voûtes qu’il a voit commencées à Saint-Pierre. Voyez l’article LAZARI dit BRAMANTE.

On fait en France des stucs qui sont une composition de poussière de marbre et de gypse, où l’on introduit des couleurs, et à laquelle on donne un poli qui la fait ressembler entièrement aux marbres pour le brillant. Ces sortes de revètemens se conservent assez long-temps dans les endroits secs, mais l’humidité leur fait perdre facilement l’éclat qu’ils avoient reçu.

L’usage a donné le nom de stucs, non pas seulement aux enduits et à leur matière, mais encore aux ouvrages de sculpture et d’ornement qu’on exécute avec cette composition. Ainsi s’appellent les figures qui font partie dos ornemens arabesques des loges du Vatican, et qu’on connoît sous le


nom de stucs de Raphaël. Cet art a acquis, dans l’école de ce grand peintre, toute la perfection que les Anciens lui avoient donnée, tant pour la composition de la matière, que pour le goût et l’heureux emploi qu’on en fit. Ainsi Jules Romain le transporta à Mantoue (voyez l’article PIPPI), où il exécuta en stuc la célèbre frise dont nous avons parlé à son article, ainsi qu’une multitude d’autres objets de décor intérieur.

STYLE, s. m. L’étymologie de ce mot dont on use en français, dans un sens fort détourné de sa primitive acception, est le mot stylus latin, ou le mot grec σιυλος. L’un et l’antre, dans chacune de ces deux langues, signifia tantôt un corps circulaire comme une colonne, tantôt un poinçon rond comme un crayon, aigu d’un côté, avec une tête aplatie de l’autre, dont on se servoit pour écrire sur des feuilles préparées avec un enduit quelconque de cire. Le côté aigu servoit à tracer les caractères sur cet enduit, et le côté plat servoit à effacer. Le style, comme on le voit, et comme nous le montre plus d’un monument figuré, dans les peintures d’Herculanum, tencit, en certains cas, lieu de plume ou de crayon, mais il pouvoit être aussi quelquefois une arme assez meurtrière, et l’histoire ancienne rapporte plus d’un exemple de l’emploi ou de l’abus qu’on avoit fait du stylus, soit pour se défendre en cas d’attaque, soit pour se suicider. Or, ce dangereux emploi se trouve encore confirmé par le nom de stylet, donné à une sorte de poignard, qui fut plus ou moins connu dans les temps modernes.

Pour arriver du suite à l’origine certaine de l’idée qui fut jadis, et est encore plus particulièrement aujourd’hui attachée au mot style, soit dans la littérature, soit dans les arts du dessin, il est facile de voir, et ceci n’a certainement pas besoin de longues preuves, que la notion morale de ce mot fut, comme beaucoup d’autres, une dérivation nécessaire de sa notion matérielle. Ou appliqua par métonymie â l’opération de l’esprit, dans l’art d’exprimer ses pensées avec les signes de l’écriture, l’idée de l’opération mécanique de la main, ou de l’instrument qui trace ces signes. L’homme est en effet toujours obligé, pour rendre sensibles les notions de l’intelligence, d’en emprunter les expressions aux sans et aux images de la matière. Le même mot style signifia donc ce qu’il y a de moins matériel, c’est-à-dire, et la conception des idées, et l’ait de les développer dans un ordre quelconque, comme il signifia ce qu’il y a de moins spirituel, c’est à-dire, l’outil, qui, docile à la main, donnoit, par le moyen des signes graphiques, de la couleur et du corps aux pensées.

Pareille transposition a encore lieu dans notre langue (et je crois dans toute langue), à l’égard d’autres notions et d’autres instrumens. Ainsi disons-nous (sans sortir du sujet de cet article), non-seulement de l’écrivain calligraphe, mais de l’écrivain homme de génie, qu’ils ont une belle plume, une plume hardie, brillante, habile. Le mot mêmeécrivain appliqué à ces deux hommes, nous sait voir comment, tout naturellement, l’instrument aigu employé à tracer des lettres, donna son nom au talent de rendre ses pensées, par le secours des mots et de leurs signes.

Le mot style fut donc, et a toujours continué d’être appliqué à ce talent, dans la littérature C’est aux ouvrages et aux dictionnaires qui traitent du cette partie étendue du domaine de l’esprit, que nous devrions nous contenter maintenant de renvoyer le lecteur, qui desireroit se rendre compte de toutes les variétés de cette notion, et par conséquent de l’emprunt qui en a été fait dans la théorie des arts du dessin.

Cependant il importe, pour qu’on puisse bien juger du lien qui unit les arts graphiques à ceux du discours, du faire remarquer, que ce qu’on appelle style, en littérature, se considère sous deux rapports principaux.

Selon le premier, on entend particulièrement la forme que l’écrivain donne à l’ensemble de ses pensées, selon la nature du sujet qu’il traite, des effets qu’il veut produite, et de l’accord de ce moyen, avec le but auquel il doit tendre. Il n’y a pas de traité d’éloquence ou de rhétorique, qui n’ait énuméré, et fait connoître par les épithètes qui les désignent, toutes les sortes de styles en rapport avec tous les genres d’ouvrage prosaïques, poétiques, historiques, philosophiques, didactiques, etc. , ou avec les différens dons de la raison, de l’imagination, de l’esprit, du sentiment, du goût, et de toutes les autres qualités de chaque écrivain.

Selon le second point de vue, le mot style désigne, dans une acception beaucoup plus généralisée, cette forme typique et caractéristique, que des causes très-générales impriment aux productions de l’esprit, selon les différences des climats, des impressions physiques, des habitudes, des mœurs, de l’action des gouvernemens et des institutions politiques ou morales.

Dans ce dernier sens, style, appliqué à l’idée qu’on prend de la forme que chacun donne à l’expression de ses pensées, selon la propriété de ses facultés particulières, selon la nature des sujets qu’il traite, selon la diversité des genres auxquels se rapportent ses productions, selon l’influence des causes physiques, politiques ou morales, dans les diverses contrées, style, disons-nous, devient synonyme decaractère, ou de la manière propre, de la physionomie distinctive qui appartiennent à chaque ouvrage, à chaque auteur, à chaque genre, à chaque école, à chaque pays, à chaque siècle, etc.

Mais on voit combien il fut naturel, que cette acception du mot style, affectée aux œuvres littéraires, ou à l’art d’exprimer, par le discours, les idées ou les images des choses, entrât aussi dans le vocabulaire des arts du dessin. Ces arts doivent, en effet, être considérés comme un langage, et comme une manière d’écrire, qui emploie à la vérité les corps et la matière, mais particulièrement, pour exprimer, sous les formes sensibles, des rapports intellectuels, des affections morales, et produire, par d’autres agens, des effets qui sont également du ressort de l’imagination, de l’esprit et du goût.

Sans aucun doute, c’est de la littérature, que l’emploi moral du mot style aura passé dans la langue théorique des beaux-arts. Il seroit très-sacile, si un semblable parallèle ne devoit point trop alonger cet article, et en pure perte, de passer en revue toutes les nuances de goût qui ont fourni à la critique littéraire, cette foule d’épithètes, par les quelles se distinguent tous les genres de style. Nous serious voir que les désignations de style sublime, pompeux, énergique, brillant, modéré, tempéré, agréable, léger, prosaïque, poétique, historique, clair, confus, régulier, désordonné, noble, vulgaire, naturel, factice, etc. etc. , s’appliquent avec la même précision aux arts du dessin, se fondent sur les mêmes principes, s’appuient des mêmes exemples, et rencontrent, chez tous les hommes instruits, le même accord de vues, d’opinions et de sentimens.

Aipsi, dans la critique de ces arts, le mot style s’emploie de la même manière, et dans la même mesure, pour apprécier les différentes façons de voir, de comprendre, et de sentir les objets de la nature, soumis à l’imitation de l’artiste, pour déterminer les divers genres de forme, de composition, de proportion et d’harmonie qui doivent se trouver en rapport avec les diverses sortes des sujets tributaires de chaque art, selon le degré que chaque sujet occupe, dans la classe des êtres matériels, on dans la sphère des créations de la poésie ou de l’imagination.

Cette même critique de l’art distingue aussi, comme la critique littéraire, les différences notables de style, que les causes naturelles des climats, et les causes morales des habitudes ou des institutions politiques, impriment aux ouvrages, et dont chaque artiste reçoit plus ou moins l’influence, ainsi que celle du siècle où il a vécu.

Style, par conséquent, à l’égard des arts du dessin, de leurs ouvrages, des sujets de ces ouvrages, des facultés diverses et diversement modifiées de chaque artiste, exprime de même une manière d’être caractéristique, qui les sait reconnoître et distinguer avec plus ou moins d’évidence, et de la façon dont la nature imprime à chaque nation, à chaque pays, à chaque individu, une physionomie particulière.

C’est ainsi qu’un œil un peu éclairé distingue au premier abord les productions de l’art de chaque siècle, des différens maîtres qui y brillèrent, et les manières distinctes de chaque école.

Ainsi voyons-nous que, dans l’antiquité, le connoisseur discernoit, sans hésiter, le style (εργασια) de l’aucienne école attique, le style de la nouvelle, le style de l’école helladique, le style de l’école de Sicyone, de l’école d’Egine, de l’école de Corinthe, etc. Ainsi, le style de chaque période de l’art se manifestoit clairement. Et encore aujourd’hui, le savoir de l’artiste et de l’archéologue parvient aisément à discerner, au moins les grandes variétés de style qui séparent les productions d’âges distans les uns des autres.

Style est, dans le langage des arts du dessin, très-souvent synonyme de manière, et peut-être pourroit-on, pour trouver une distinction entre ces deux mots, dire, que manière comporteroit une idée plus spécialement applicable, soit à l’exécution de l’ouvrage, soit au talent pratique de l’artiste, lorsque le mot style désigneroit plutôt l’emploi des qualités morales qui déterminent la manière, ou encore le résultat de qualités générales qui influent sur le goût de chaque siècle, de chaque pays, de chaque école, de chaque genre.

Selon cette distinction, si l’on, parle, par exemple, des ouvrages de Raphaël, on dira qu’il a eu trois manières plutôt que trois styles. C’est que l’on compare le plus souvent ses productions, sous un certain rapport technique, qui se fait remarquer sensiblement aux yeux par l’exécution. Mais s’il s’agit de comparer le même maître dans l’ensemble des qualités qui embrassent la conception, la composition, la noblesse des formes, des caractères de tête, des ajustemens, avec Michel Ange, on dira, je pense, que ce dernier eut une manière de dessiner plus savante, une manière plus hardie, mais que Raphaël l’emporte sur lui par le style.

En suivant cette même distinction, si l’on compare l’école vénitienue à l’école romaine, la première sera autant supérieure à l’autre par la manière de peindre et de colorer, qu’elle lui cédera pour la noblesse et la grandeur du style.

Ceci me porte à faire remarquer, qu’on n’use guère du mot style à l’égard de la couleur et de l’harmonie des teintes. On dit le style du dessin, le style de composition, de draperies, etc. , et l’on ne dit pointstyle de couleur, style d’harmonie, mais plutôt manière de colorer, manière de clair-obscur, etc.

Ce qu’un vient de dire des arts d’imitation de la nature corporelle, nous paroît convenir également aux œuvres de l’architecture. Le mot style, en tant qu’il indique, dans cet art, des différences de système, de goût et de physionomie, soit entre les peuples, soit entre les siècles, soit entre les artistes de même époque, prend les mêmes acceptions, reçoit les mêmes distinctions.

Style, dans les monumens de l’art de bâtir,


indique, ce qui forme le trait caractéristique du goût local de chaque pays, ce qui fait que presque personne ne sauroit s’y méprendre. Ainsi le style égyptien se fait reconnoître à l’uniformité de ses masses, à la monotonie de ses détails, à la simplicité de ses lignes et à une grande recherche de solidité. Ainsi le style arabe ou gothique, opposé eu tout au style de l’Egypte, a une physionomie qui ne permet à personne de le méconnoître, au premier aspect.

Nous ne dirons rien ici du style de l’architecture grecque, parce que cet article n’a pas pour objet l’analyse de tous les styles mais seulement l’analyse de la notion, de la signification, el des acceptions du mot style. Nous nous contenterons donc de faire simplement remarquer, que ce mot s’applique aux diverses variétés que l’art de bâtir des Grecs a subies dans le cours des âges. Ainsi les architectes distinguent-ils dans les monumens et dans les variations de leurs goûts, plus d’une diversité de style.

On reconnoît le style antique grec, dans les formes et les proportions de l’ordre dorique sans base.

On reconnoît le style des époques suivantes, à l’alongement même des formes et des proportions du dorique, à l’emploi plus commun de ceux des ordres, qui comportent plus d’ornemens, chez les Romains surtout, à la préférence donnée au corinthien, à l’emploi et, il faut le dire, à l’excès de la richesse, à la profusion des ressources décoratives, et à l’abandon des types élémentaires, ou des principes qui forment la constitution de cet art.

Enfin, on appelle style du bas âge de l’architecture grecque ou graeco-romaine, celui qui se sait distinguer par une ignorance des raisons, qui avoient assigné à chaque forme sa place, à chaque emploi sa forme, à chaque destination sa physionomie. On le reconnoît à un mélange désordonné, produit par l’habitude même de faire servir des débris d’anciens édifices, à des édifices nouveaux, d’où naquit l’entière confusion des types et l’oubli de tout ordre.

Les architectes usent aussi du mot style pour désigner le goût de toutes les parties qui entrent dans l’ensemble de l’architecture. Ils reconnoissent un style de formes el de proportions, un style de profils et de détails, un style de décoration et d’ornemens.

Ainsi l’architecture, celui de tous les arts du dessin, qui semble le moins en rapport avec ce qu’on appelle l’art d’écrire ou la littérature, n’en a pas moins adopté l’espèce de métonymie qui transporta jadis à l’expression intellectuelle des idées, la notion de l’instrument, destiné, dans l’origine, à n’en tracer que les signes. Et pourquoi celle métaphore ne lui seroit-elle pas aussi justement applicable, s’il est vrai que, selon l’esprit qui constitue le genre de son imitation, cet art, par tel ou tel autre choix de formes et de proportions, sait rendre intelligibles aux yeux, telles ou telles conceptions abstraites, telles ou telles combinaisons de l’intelligence ; s’il est vrai que, par un emploi diversement modifié de parties, de membres, de détails et d’ornemens, il sait, comme à l’aide de signes de l’écriture, faire naître en nous des idées déterminées, des jugemens positifs, sur les objets sensibles qu’il crée ; s’il est vrai que, par les diverses modulations des accords qu’il produit, il sait exciter en nous les impressions de toutes les qualités morales, qui sont du ressort de son domaine imitatif ?

En terminant cet article, où après avoir montré l’origine de l’emploi du mot style, nous n’avons eu pour objet que de montrer la justesse et l’étendue de son application à tous les arts, il nous reste à dire, que dans les arts du dessin, on l’emploie encore d’une façon un peu plus vague, et qui n’est guère bien comprise que par les artistes qui professent, ou par les élèves qui étudient, comme lorsqu’on dit, qu’un ouvrage a du style, ou n’a point de style, qu’une composition, que des draperies, manquent de style.

Il noua paroît que, dans cette locution, où aucune épithète ne spécifie le genre, ou la nuance de style dont on parle, ce mot se doit entendre comme style par excellence, tel que celui de l’antique en sculpture, ou celui des plus grands peintres d’histoire en peinture. A moins qu’on ne puisse encore interpréter cette locution, par celle dont on use, en d’autres cas, comme lorsqu’on dit qu’un homme, un ouvrage, sont sans physionomie, ou sans caractère, c’est-à-dire manquent de ces traits qui particularisent les objets, les individus, et qui tendent à les faire facilement reconnoître et distinguer entre tous les autres.

STYLOBATE, s. m. Ce mot est grec, et il n’y a de francisé que sa terminaison. Στυλοξατες est composé de deux mots, σιυλος, colonne, et βατες du verbe βαινειν, porter, c’est-à-dire porte- colonne.

Quelques-uns, et Daviler entr’autres, considèrent le mot stylobate comme tout-à-fait synonyme de piédestal. En effet, le mot italien piedes-tallo, si l’on en croit les lexiques, auroit succédé au motpiedestylo, et alors il auroit, dans le mélange du mot grec stulos, colonne, et du mot italien piede, pied, signifié la même chose que stylobate.

Cependant l’étymologie grammaticale n’est pas toujours la raison des synonymies, et l’usage nous paroît avoir établi dans la langue technique de l’architecture, surtout en français, une différence assez sensible entre piédestal et stylobate.

On appelle généralement piédestal (voyez ce mot), tout corps, de quelque figure qu’on le fasse, qui sert de support isolé, à un fort grand nombre d’objets, et particulièrement à des statues. Mais dans son rapport avec l’architecture,


piédestal se dit d’un corps carré, qui a une base et une corniche, dont, les profils différent selon l’ordre de la colonne qu’on y impose. Dans ce sens, il est bien vrai que le piédestal sert de support à la colonne, mail non immédiatement, puisque la colonne ne laisse pas d’avoir encore son socle et les divers profils qui forment sa base. Ainsi il n’y a pas de raison d’affecter exclusivement au piédestal, l’idée de porte-colonne, plutôt qu’à la base qui en est le support immédiat.

Le mot stylobate, qui signifie la même chose que piédestal, si l’on interroge l’étymologie, nous paroît beaucoup plus propre à déterminer l’idée de support de colonnes, puisqu’en réalité il ne sauroit être affecté, comme le mot piédestal, à l’idée de supporter généralement beaucoup d’autres objets. Il est vrai aussi que dans les cas où on l’emploie à exprimer l’idée de support de colonnes, il pourra se trouver qu’il n’en soit pas le support immédiat, surtout s’il s’agit de colonnes ayant leur plinthe et leur base particulière.

Pour se rendre bien compte de l’emploi plus direct, et tout-à-sait spécial de stylobate comme support immédiat de colonnes, il faut se représenter chez les Grecs qui firent ce mot, ces temples périptères d’ordre dorique sans base, qui furent si généralement répandus dans toutes les contrées de la Grèce, et dont il existe encore aujourd’hui un si grand nombre de restes (voyez DORIQUE), que l’on seroit tenté de croire, qu’à une certaine époque, presque tous les temples furent construits selon ce type uniforme. Or, il est certain queles Grecs appelèrent stylobate, ce que nous appelons encore d’une manière plus générale, soubassement continu. Tel étoit autour du temple ce massif élevé de quatre, cinq ou six pieds, interrompu seulement en avant par les degrés très-élevés par où l’on montoit, ou tels étoient ces mêmes degrés disposés tout alentour de l’édifice. Il est sensible qu’un semblable soubassement, sur lequel s’élevoient les colonnes sans base de l’ordre dorique grec, étoient immédiatement et exclusivement le support des colonnes.

Le nom de stylobate lui convint donc, avec la plus grande exactitude de signification. Mais en admettant cette conjecture, on ne sauroit s’empêcher d’admettre aussi, que par analogie, le même nom fut donné à des soubassemens continus sur lesquels s’élevoient, dans, les ordonnances périptères, des files de colonnes ioniques ou corinthiennes qui avoient une base.

C’est à Cet emploi dans tes édifices ornés de colonnes, que dut être affecté postérieurement le mot stylobate ; quoiqu’on ne puisse pas nier qu’on ait pu, d’analogie en analogie, s’en servir encore comme synonyme de stéréobate, qui paroît mieux convenir à l’idée plus générale de soubassement en français. (Voyez au mot SOUBASSEMENT, la distinction proposée par Gagliani entre stylobate et stéréobate.)

Aujourd’hui on se du mot soubassement pour Signifier, dans chaque sorte d’édifice, toute espèce de partie de construction plus ou moins exhaussée, qui devient comme le piédestal du corps principal, et le mot stylobate est affecté plus particulièrement à tout corps de soubassement qui porte un ordre ou une rangée de colonnes.

SVELTE, adj. des deux genres. Ce mot emprunté à l’italien svelto, qui a aussi le substantif sveltezza, exprime, soit dans les corps vivans, soit dans les œuvres de l’imitation, une certaine qualité, qui tient à la grâce, à la délicatesse, mais surtout à la légèreté.

Ainsi svelte se dit, quant aux qualités corporelles, d’une taille légère, dégagée et généralement mince.

On admirera de même cet agrément dans le dessin, la proportion et l’ensemble d’une figure peinte ou sculptée, en tant que cette qualité n’ayant rien toutefois d’exagéré, contraste avec la lourdeur ou le manque d’élégance. Il paroît ainsi, d’après le dire de Pline, qu’on admira autrefois en Grèce, le style des statues de Lysippe, qui l’éloignant de la manière lourde et de la stature carrée, qu’un goût plus sévère donnoit à la conformation des corps, fut imprimer à ses figures ce caractère plus léger, qu’un pourroit exprimer par le mot svelte. Au reste, on sait que le goût dont ce mot est l’expression, convient à une certaine classe de sujets et de figures, et ne sauroit s’appliquer à toutes.

En définissant ce goût comme on vient de le faire, il est sensible qu’il y a peu d’ouvrages d’art, ou même d’industrie, auxquels la qualité de svelte ne puisse plus ou moins appartenir. Il y a dans tous les travaux de la main de l’homme, tant de manières de les rendre plus ou moins agréables, que les idées d’élégance et de délicatesse, comprises dans le mot svelte, en ameneront quelquefois l’emploi, surtout s’il s’agit d’ouvrages qui comportent des formes qu’on peut alonger ou raccourcir plus on moins, comme sont, par exemple, des vases, des trépieds, des candélabres, etc.

C’est sous ce rapport que l’architecture peut aussi s’approprier soit l’idée, soit la qualité de svelte. Sans parler des variétés de proportion dans chaque ordre de colonnes, dont la gravité ou la légèreté forment plus ou moins le caractère spécial, on conçoit que la construction toute seule, selon le genre des matériaux qu’elle emploie, selon, la nature des plans et des élévations, peut donner à ses supports une procérité, une ténnité de masse qui produira pour l’œil un effet assez semblable à celui d’une taille svelte dans un corps, ou d’une proportion légère dans les membres dont il se compose. Or, l’ensemble d’une construction semblable, soit à l’intérieur d’un édifice, soit à l’extérieur, pourra être aussi appelé svelte.


Cet effet frappera plus particulièrement les sens, dans les monumens de cette sorte de construction qu’on nomme gothique, où l’espèce de goût qui leur est propre, affranchi de toute règle, de tout système raisonné de rapports entre le tout et chacune de ses parties, se trouva libre de toute sujétion, et ne cherchant point la beauté dans la proportion, ne visa qu’à conquérir l’admiration de l’instinct, et la conquit en effet, précisément par la disproportion. Or, c’est le plus souvent à cela qu’est dû le caractère de ces supports élancés, qui n’ayant à éprouver ni charge, ni poussée, ont permis, dans les intérieurs, d’établir beaucoup plus de vide que de plein : et c’est de la procérité ou de l’exiguité des supports el de la grandeur des vides entr’eux, que résulte ce svelte que l’on vante dans quelques-unes de ces constructions.

De tout ceci, il semble qu’on pourroit conclure, que si le svelte, pour être une qualité louable, doit être restreint, comme toute autre qualité, entre certains termes, qui seront ici le trop lourd ou le trop léger, il en devra être du svelte dans l’ensemble et les parties d’un édifice, comme dans l’ensemble et les parties du corps humain et de ses imitations par l’art ; c’est-à-dire que comme la disproportion entra la grosseur et la hauteur du corps humain y produit la maigreur, et le vice d’un élancement frêle et désagréable, de même une impression semblable résultera pour les yeux et pour l’esprit de toute légèreté, procérité on hardiesse d’élévation qui sera due à un désaccord entre le diamètre du support et sa hauteur. Que si toutefois cela trouve des admirateurs, il en faut seulement conclure que dans les ouvrages de l’art, le sens ordinaire admire moins la chose eu elle-même, que la difficulté réelle ou apparente de son exécution.

SUJÉTION, s. f. On appelle ainsi, en architecture, soit dans la construction des édifies, soit dans la bâtisse des maisons et habitations, une certaine nécessité que l’artiste éprouve de se conformer aux besoins et aux convenances de quelques usages, ou de s’assujettir à certaines incommodités de voisinage ou de localité qui sont inhérentes aux terrains sur lesquels il bâtit. Sous ce dernier rapport, voyezle mot SERVITUDE.

Le mot sujétion, comme plus général, s’applique plus volontiers aux difficultés de faire accorder dans les plans et les élévations des édifices, la régularité, la beauté de l’ordonnance, les principes abstraits de l’harmonie, du l’art et du goût, avec ce qu’exigent l’emploi du monument, le service intérieur de ses convenances, la facilité de ses dégagemens, ou de ses abords, et ses rapports avec la destination principale. Quel que soil, en spéculation, le besoin de symétrie, de beauté et d’harmonie pour le plaisir de l’esprit et des yeux, il faut convenir que dans, a réalité, tout édifice devant être le résultat d’un besoin, c’est ce besoin qui doit faire la loi. L’architecture n’a pas, comme les autres arts, le privilège de travailler uniquement pour le plaisir. Toutefois, comme la chose a été développée ailleurs (voyez ARCHITECTURE), cet art a le secret, plus peut-être qu’aucun autre, de produire un plaisir qui lui est propre, c’est de faire sortir très-souvent la beauté que nous cherchons, du besoin que nous exigeons, et de nous plaire ainsi par le côté même qui sembloit devoir s’opposer au plaisir. Là est aussi le talent de l’architecte, et la difficulté d’une sujétion impérieuse deviendra quelquefois, sous la main de l’artiste ingénieux, le principe d’une beauté inattendue.

SUNIUM. Ancien bourg de l’Attique, situé sur le promontoire du même nom, où il s’est conservé des restes fort précieux d’antiquité, dont le recueil des Unedited antiquities nous a donné de fidèles détails, sur lesquels on n’avoit auparavant que de vagues notions, dans le voyage de Spon et Wheler.

Deux monumens principaux qui, par la pureté de leur style et de leur exécution, semblent devoir appartenir au meilleur temps de l’architecture, se recommandent à l’attention des artistes, comme des historiens de l’art.

Le premier est celui auquel on donne le nom de propylées. Il paroît que Sunium, comme Eleusis et Athénes, avoit son principal temple élevé sur une hauteur qui auroit été la citadelle de cette ville, et que cette citadelle auroit eu aussi, comme celles des deux villes qu’on vient de citer, une entrée décorée par l’architecture. Cependant les propylées de Sunium ont et moins de grandeur et un plan beaucoup plus simple.

Cet édifice en plan, tel que les dessins du recueil cité nous le présentent, se borne à un carré long-qui n’a pas toutefois en longueur le double de sa largeur. Il se compose de deux murs dans sa longueur, qui offrent deux restes de mur en retour de chaque côté de l’entrée principale. Du reste, on ne sauroit mieux comparer le tout ensemble qu’à ce que Vitruve a appelé le temple in antis. En effect, chacun des deux murs formant le corps de l’édifice, se termine à extrémité par une ante ou pilastre, qui se reploie, pour se raccorder aux deux colonnes, à quoi se borne son péristyle, qui, tel qu’il est, formeroit dans les grands temples périptères, ce qu’où nomme pronaos. Même plan, même disposition pour la partie postérieure. Le dessinateur de ce reste d’antiquité a complété cette façade, en rachevant au-dessus de l’architrave, le couronnement par un fronton et par une frise dorique ornée de triglyphes, dont les gouttes se sont conservées sur l’architrave. Rien de plus probable que cette restitution.

Du reste, l’ordre dorique de cet édifice nous paroît être fort semblable à celui du temple de Minerve à Athènes. Même l’orme, même galbe,


même proportion, en sorte que si l’on jugeoit de l’âge des monumens doriques, par l’alongement de la proportion de leurs colonnes, on devroit déclarer l’architecture dorique de Sunium, comme tout-à-fait contemporaine de celle du Parthenon. Ses colonnes ont également cinq diamètres de hauteur, avec une fraction en plus pour le chapiteau, et elles n’ont aussi qu’une assez modique diminution.

Il s’est conservé à Sunium des restes plus considérables d’un monument aussi plus important, d’un temple qui paroît avoir encore, comme à Altènes, couronné l’acropole de la ville. Ce temple avoit été vu et assez bien examiné par Wheler, qui, dans son voyage, fait mention des quatorze colonnes auxquelles il étoit alors réduit. C’est encore de quatorze colonnes que se compose la ruine de ce temple, dans les dessins de l’ouvrage que l’on a cité plus baut.

Il subsiste du péripteron de ce temple une file de neuf colonnes d’un côté, et seulement trois de l’autre, avec les deux colonnes du pronaos qui a conservé une de ses antes. Rien ne seroit plus facile, d’après ces données, que d’en rachever l’ensemble, tant étoit uniforme la disposition des temples grecs. Aussi peut-on assurer que celui-ci devoit avoir six colonnes dans ses fronts, et treize dans ses ailes, en y comptant les colonnes d’angle. Les frontons et les parties supérieures de l’entablement sont détruites, mais l’architrave subsiste encore, avec les gouttes qui indiquent les triglyphes. L’ordre dorique sans base de ce monument paroît être absolument le même que celui du Parthenon d’Athènes. Le temple s’élevoit sur trois degrés qui en formoient le stylobate. La superficie des colonnes, du côté surtout où elles sont exposées à l’air de la mer, est sensiblement rongée.

Il seroit fort à souhaiter qu’on pût faire des fouilles autour et dans l’enceinte des monumens de Sunium ; très-probablement on découvriroit, outre l’ensemble de leurs plans, des particularités. plus instructives que celles qui résultent de la seule vue de leurs ruines.

SUPERFICIE, s. f. Mot synonyme de surface, Qui se dit cependant, plus specialement en architecture et Dans la construction, lorsqu’on l’applique à la partie apparente des Diverses matières, sur Lesquelles s’exerce le travail des outils. AINSI sur dira enlever la superficie D’une pierre, D’UN bloc, etc. , polir la superficie d’Une Table de marbre ; et pour Toutes ous Pratiques de la CE genre de les opérations, sur employera le mot superficie de préférence A Celui de surface.

SUPERPOSITION, s. f. Ce mot Exprime, DANS L’architecture, la position de immédiate et sans intermédiaire, d’un corps au-Dessus d’Un Autre, comme, par exemple, la position de la base d’une colonne sur de juin, d’Une statue Sur une colonne, etc.

SUPPORT, s. m. Se dit en général de tout ce qui supporte un poids quelconque ; et dans l’architecture ou la construction, de tout corps soit simple, comme une colonne, soit compose, comme un pilier de maçonnerie, soit plis composé encore, comme une voûte, tous objets sur lesquels d’autres s’élèvent, et dont ils sont les soutiens. Tout support doit être, soit par sa solidité intrinsèque, soit par la nature de sa construction, soit par l’étendue de sa masse, proportionné à l’objet qu’il doit soutenir, et cela autant en vertu du principe de la solidité, que pour l’impression que nos yeux eu reçoivent. Rien ne les contrarie plus, que certaines colonnes de marbre, employées dans les édifices de la décadence des arts, à soutenir les retombées d’arcades plus épaisses même que les chapiteaux qui s’en trouvent débordés. La solidité réelle du support existe dans la dureté de la matière, mais l’apparence du sort supporté par le foible, donne à la réalité, un démenti dont l’effet est désagréable, et qui répugne à cet instinct du vrai et du convenable, qu’on appelle le goût.

SURBAISSÉ, participe adj. Se dit, en architecture, arc de tout, de Toute arcade, De toute voûte Qui a DEPUIS sa base JUSQU’A fils sommet, juin hauteur Moindre de La Moitié de sa largeur. La formesubraissée ne Doit Être employée au Québec lorsqu’elle is Nécessaire, Parce Qu’elle est généralement Moins solide, Moins simple, et par conséquents Moins belle Que la forme plein cintre. Voyez VOUTE.

SURBAISSEMENT, s. m. Ce est le trait de tout l’arc, du Toute arcade ous voûte surbaissée, et Qui a la Forme d’une partie d’ellipse.

SURBAISSER, v. agir. Elever arc non OÜ juin voûte à juin hauteur Moindre de Celle que Donne la hauteur de la demi-circonférence du cercle. On dit surbaisser et surhausser, pour dire, Donner un arc non Plus ou moins de la hauteur Qui correspondent à la Mesure de la Moitié de sa base.

SURCHARGE, s. f. Se dit de l’excès de la charge en volumes or in Épaisseur, QU’A non plancher par le trop du Matériaux de fils aire.

SURFACE, s. f. Se dit de Cé Qui n’a Qué dimensions de Deux, largeur et Longueur, sans Épaisseur, de Quelque Manière Que l’objet Soit Place. On dit la surface de mur d’un, D’UN plancher, D’une glace, etc.

SURPLOMB, s. f. On dit de Toute la construction Qu’elle est en surplomb, when surface sa sorte de la ligne verticale Que Donne et Indique la corde à Laquelle en cas de suspension plomb non, (Voyez Aplomb.) Cela Se entend particuliérement des contructions Dont la nature is d’être perpendiculaires, et non de Celles Qui affectent la forme pyramidale.

SURPLOMBER, v. agir. Ce est pour la construction juin, juin colonne, mur un, une façade d’édifice, Être hors de la ligne d’aplomb.

SYÈNE. Ville de l’antique Egypte, dont le nom moderne est Assouan. Son emplacement au sudouest de la ville nouvelle, étoit borné par le Nil d’une part, et de l’autre par des rochers de granit. Sun assiette occupoit le penchant de la montagne, contre l’ordinaire des villes égyptiennes.

Les Egyptiens ont couvert de sculptures et d’hiéroglyphes les surfaces lisses des rochers dans tous les environs de Syène, principalement les blocs qui sont à pic et baignés par les eaux. Ces figures sont de grandeurs différentes et plus ou moins profondément creusées.

Il n’existe plus de l’antique Syène qu’un temple, dont les restes occupent le penchant de la hauteur dont on a parlé. On y entre aujourd’hui, ou plutôt ou y descend, par la plate-forme, dont une grande partie est enfoncée, et l’on se trouve sur un sol formé de sable et de poussière.

Un portique de quatre colonnes, et des arrachemens de murailles, sont tout ce qu’on en peut reconnoître, tant il est ruiné et encombré. Sa largeur étoit d’environ quarante pieds. Ce qui subsiste de sa longueur a trente-quatre pieds. Le couronnement et les chapiteaux des colonnes sont encore à découvert, et il n’est pas fort difficile, d’après l’exemple d’autres monumens, de se représenter la façade extérieure de celui-ci, à peu près telle qu’elle devoit être. L’entrée étoit tournée du côté du fleuve. Au milieu des rochers et des masses de granit sur lesquelles ce temple est fondé, on est surpris de le trouver bâti en grès ; mais ce fait est bien plus commun et plus remarquable à Philae. En général, les constructions en granit sont beaucoup plus rares en Egypte qu’on ne le croit communément, et l’architecture ne paroît guère avoir employé cette matière, que dans la formation des monumens ou temples monolythes.

Deux colonnes du temple de Syène sortent des décombres, les deux autres ne sont plus visibles. On y distingue encore deux sortes de chapiteaux semblables par le galbe, c’est-à-dire par cette forme qui imite te calice du Lotus, mais variés dans leurs ornemens. Le plus voisin de la porte est de l’espèce la plus commune en Egypte. Les murailles ne sont qu’en partie couvertes de sculptures, d’ou l’on est porté à croire que le témple n’avoit pas été achevé. Ce qui reste des bas-reliefs est mal conservé, et l’on ne peut rien conclure de leurs sujets pour deviner à quelle divinité le temple avoit été consacré. Toute recherche à cet égard seroit superflue.

Quand on songe à la haute antiquité et à la célébrité de cette ville, on ne sauroit croire qu’elle n’ait eu qu’un aussi modique temple. Les villes nouvelles, qui, dans le cours des siècles, se sont succédées sur le même sol, auront accéléré la destruction de l’antique Syène. (Extrait de la description de l’Egypte, tom. I. )

SYMÉTRIE, s. f. , est, en français, le mot latin symetria, qui est lui-même le mot grec συνμετρια, dont la composition nous donne son explication. Or, ce mot grec se compose de l’adverbe συν, avec, et deμετρον, mesure. Ainsi la notion très-claire qu’il renferme, est celle, ou de ce qui est fait avec mesure, ou d’une mesure en rapport avec une autre. L’adverbe avec exprime nécessairement, ou un emploi, ou une corrélation de mesure.

Comme il y a très-certainement dans le mot grec que répète littéralement le mot symetria, une idée de rapport, les Latins l’ont ainsi traduit dans la langue de l’architecture, par le mot proportio, proportion, mot devenu, en français, général pour exprimer, non un simple rapport de parité ou d’identité entre deux mesures, entre deux objets, mais cet ensemble de rapports qui établit un système de corrélation plus abstraite, au moyen duquel, par une portion d’un tout, on peut connoître la dimension de ce tout, et par le tout juger de la dimension de chacune de ses portions.

Le mot proportion ayant, pour exprimer ce système général de corrélation, prévalu en français, sur le mot symétrie, ce dernier mot s’est trouvé, selon le langage ordinaire, borné à ne signifier guère autre chose, que le rapport de conformité exacte entre deux mesures, deux corps de bâtimens, deux objets quelconques.

Nous réserverons toutefois pour la fin de cet article, le peu de notions que sa théorie comporte sous cette dernière signification.

A prendre le mot symétrie, dans la sens plus étendu que Vitruve lui donne, en tant qu’il signifie proportion, nous croyons d’autant plus utile de nous y arrêter ici, que nous trouverons l’occasion de donner au sens d’un autre mot, que Vitruve met en parallèle avec symetria, un développement que nous avons omis, à l’article qui lui a déjà été consacré. Ce mot est eurythmia, eurythmie, dont on use souvent, sans peut-être se faire une idée exacte de sa signification.

Au mot EURYTHMIE nous nous sommes contentés de rapporter le passage fort concis de Vitruve, sur cette qualité de l’architecture, et nous avons renvoyé au mot SYMÉTRIE, pour la distinction de ces deux notions et le développement de leur théorie. C’est ce développement que nous allons essayer de donner ici, en faisant servir la comparaison des deux idées d’eurythmie et de symétrie,


et celle de chacune de leurs étymologies, à commenter le passage de Vitruve. Fixons donc, autant qu’il sera possible, un genre de notions, sur lequel l’équivoque du langage, et la disette d’autorités dans les textes anciens, a laissé une obscué que nous ne nous flattons pas toutefois de dissiper entièrement ; tant il est facile que certains mots de goût, que le sentiment s’explique, résistent à l’analyse rationnelle !

Des deux mots dont je me propose de discuter ici le sens et les emplois, l’un, symetria, symétrie, outre l’évidence étymologique de sa composition, se présente chez lis écrivains, si fréquemment, et si clairement affecté à une notion déterminée, qu’on ne sauroit bésiter sur sa signification. Mais l’autre eurythmia, eurythmie, ne se trouvant employé que deux seules fois, et par Vitruve tout seul (lib. 1 c. 2. lib. 6. c. 2. ), pour exprimer une des qualités de l’architecture, et l’explication qu’il en donne, étant ; faute d’exemples et d’applications sensibles, restée vague et abstraite, il devient nécessaire d’interroger ce que doit être son acception simple, et de chercher dans la composition du mot, d’abord ce qu’il ne peut pas exprimer, ensuite ce qu’il paroît devoir exprimer.

Ce mot, par lequel Vitruve prétend faire connoître une des qualités, ou, si l’on veut, une des beautés de l’architecture, se composant de l’adverbe ευ, bon ou beau, et du substantif ρυθμος, rythme, ou sauroit signifier autre chose, que beau rythme ou beauté de rythme. Nous avons donné plus haut l’étymologie du mot symetria. Pour se faire une idée un peu claire de la différence des deux qualités ex primées par symétrie et par eurythmie, ne conviendroit-il pas d’en chercher la distinction dans les mots mètre et rythme, qui en sont les élémens ?

Rien de plus commun, on en convient, que la confusion qui a lieu de la part de ceux qui se servent de ces deux mots dans le discours ordinaire. Cette confusion, ou doit le dire avant tout, résulte assez naturellement d’une certaine ressemblance ou proximité d’idée entr’eux, ainsi qu’on le verra. A l’égard de l’architecture, l’équivoque est encore plus facile, parce que le mot rythme, appartenant spécialement à la musique et à la prosodie, il n’a pu être appliqué aux qualités ou aux effets de l’architecture, qu’à raison d’une espèce d’analogie, en sorte que dans cet art, l’idée de rythme, transportée de la région des sons à celle des formes, n’a pu être qu’une métonymie, une espèce de métaphore.

Il s’agit donc de se rendre compte du sens propre et élémentaire du mot mètre, qui a formé symétrie, et du mot rythme, d’où vient eurythmie.

Or, on sait que mètre, metron en grec, signifie mesure, et que rythme, en grec ruthmos, signifie nombre.

On voit combien sont collatérales ces deux notions. Il est reconnu qu’en général le mot mètre s’applique à la mesure de l’étendue dans les corps, et que te mot rythme, qui signifie nombre, s’applique à la mesure dans le temps. Ainsi, rien de plus facile que de prendre réciproquement, et ces notions, et leurs expressions, les unes pour les autres.

Cependant, puisqu’il y a deux mots, procédant, sans aucun doute, de deux variétés d’idées, c’est dans ces variétés que nous trouvons l’explication propre des mots composés eurythmie et symérie. Je dois même dire, avant tout, que si l’idée de nombre, dans eurythmie, semble continuë à l’idée de mesure dans symétrie (entendue comme proportion), cette idée de proportion ne sauroit être identique avec celle de rythme, soit dans la musique, soit dans la poésie, d’où très-certainement elle a été transportée dans l’architecture, ce qui indique déjà, que tout ne sera point réciproque entr’elles.

Mais définissons avec plus de détail le rythme en musique et en poésie. Qu’est-ce que le rythme dans ces deux arts ? C’est, avons-nous déjà dit, la mesure du temps. Et qu’est-ce à leur égard que le temps ? C’est le plus ou le moins de lenteur ou de vitesse, qu’on met à prononcer les sons ou les syllabes des mots. C’est ce qui produit, en poésie, ce qu’on appelle la quantité, et détermine les longues et les brèves. C’est, en musique, ce qui produit la longueur ou la brièveté des sons, ce qui détermine leurs successions, et en règle les intervalles.

Ainsi déjà nous apercevons en poésie la différence du rythme et du mètre. Les vers peuvent être à la fois rythmiques et métriques, et ils peuvent êlre métriques, sans être rythmiques. Ils ont le rythme et le mètre lorsqu’un ordre, un principe, une convention quelconque, ont réglé la lenteur ou la vitesse de prononciation de chaque syllabe dans une langue, et ensuite déterminé le nombre de pieds qui constituent leur mesure.

Si telle est la nature du rythme, et si telle est la nature du mètre, il est certain que la notion du rythme, qui règle l’ordre et la succession des sons et de leurs intervalles, est très-distincte de celle du mètre, qui ne fait que déterminer la mesure du vers, selon qu’il a plus ou moins de pieds, soit que ces pieds ne soient que des syllabes sans rythme réglé, comme en français, soit que ces pieds soient composés de groupes de syllabes, nécessairement longues ni brèves comme en latin.

Quant au rythme dans la musique, on a reconnu qu’il consiste dans un certain ordre, en vertu duquel le musicien, selon ce qu’il doit exprimer, accélère ou ralentit la durée des sous, règle leurs intervalles, et produit une succession de mouvemens variés.

Maintenant, s’il est indubitable que l’idée de rythme a été transportée de la musique dans l’ar-


chitecture, il nous faut chercher quelle sorte de ressemblance peut rapprocher l’effet des formes qui s’adressent aux yeux, de l’effet des sons propres aux plaisirs de l’oreille.

Il me paroît que dans cette assimilation, le rythme, à l’égard des yeux, sera un certain ordre, qui opérera sur les formes et les parties des corps, sur leur disposition, sur leur succession et leurs intervalles, un plaisir, du même genre, que celui du rythme musical à l’égard de l’oreille. La diversité d’emploi des formes de l’architecture, les combinaisons variées de leurs dimensions et des intervalles de leurs parties, l’entremêlement de leurs saillies, les effets de leurs oppositions, de leur répétition, de leur simplicité ou de leur richesse, beaucoup d’autres de ces rapports, tout-à-fait distincts de ceux de la symétrie (ou proportion), ne semblent-ils pas correspondre dans leurs impressions sur les yeux, aux rapports par lesquels le rythme musical et poétique produit ses impressions sur l’oreille ?

Or, ne seroit-ce pas là ce que Vitruve a entendu spécifier, par le mot eurythmie, qui signifie beauté de rythme ou rythme par excellence, dans l’article du chapitre 2, liv. Ier. , où il énnmère et définit toutes les qualités qui constituent l’architecture ? Voici ses paroles :

Eurythmia est venusta species, commodusque in compositionibus membrorum aspectus ; hœc efficitur, cum membra operis convenientia sunt altitudinis ad latitudinem, latitudinis ad longitudinem et ad summam omnia respondeant suœ symetriae.

Item symetria est ex ipsius membris conveniens consensus, ex partibusque separatis, ad universœ, figurœ speciem ratœ partis responsus, ut in hominis corpore, è cubito, pede, palmo, digito cœterisque partibus symetros est, sic est in operum perfèctionibus : et primum in œdibus sacris, ut è columnarum crassitudinibus aut è triglypho, etc.

« L’eurythmie est cette beauté sensible, cet agréable aspect que donne la disposition des membres d’un ouvrage d’architecture : ce qui a lieu, lorsque ces membres ont une heureuse correspondance entre leur hauteur et leur largeur, entre leur largeur et leur longueur, de manière à s’accorder avec l’effet de la proportion générale. » « Quant à la symétrie, c’est l’accord uniforme, entr’eux, des membres d’un ouvrage, et la corrélation de chaque partie avec le tout ; comme on le voit dans le corps humain, où il existe un semblable rapport entre le bras, le pied, le palme (la main), le doigt et les autres parties. Ainsi en est-il dans les ouvrages parfaits. Par exemple, dans les temples, le module se prend ou du diamètre de la colonne, ou du triglyphe, etc. »

Remarquons d’abord, que ces deux articles, se suivent dans Vitruve, preuve qu’il n’a point regardé les deux mois comme contenant la même nation ; leur définition ensuite nous présente des idées fort distinctes.

Et effectivement, la symetria ou la proportion, telle que Vitruve l’explique, telle que le mot la définit, trouve dans la nature un type positif, un régulateur uniforme, dont on ne sauroit méconnoître l’évidence ; c’est celui qui assujettit chaque partie au tout par une correspondance réciproque et telle, que la partie fait connoître la mesure du tout, comme le tout, la mesure de chaque partie.

Mais l’eurythmie telle que Vitruve l’explique, telle que le mot même semble la définir, étant simplement un agréable rapport de mesures, d’espaces, ou d’intervalles, dans tes membres de l’architecture, ou d’un édifice, n’a point, dans la nature, de type aussi positivement applicable à l’ordre qu’elle doit suivre.

En un mot, le compas peut juger de la justesse des rapports de la symetria (ou proportion) ; quant à la justesse du rapport rythmique, l’œil n’a pour en juger, que le goût et le sentiment du beau.

Remarquons en effet, que le mot eurythmie l’indique ; il ne signifie que beauté de nombre ou de rythme. C’est qu’effectivement, tout rythme n’est pas nécessairement beau. Il y a en musique de bons et de mauvais rythmes ; c est-à-dire qu’il peut y avoir un bon et un mauvais emploi dans le chaut, comme dans la versification, des langues et des brèves, des intervalles des sons, de la succession des mouvemens vifs et lents, d’où résulteront des effets agréables ou non. De même, dans l’architecture, certaines répartitions d’espaces, certaines divisions de parties, certaines successions de membres ou de profils, produiront des impressions plus ou moins agréables. Mais, comme on l’a vu, Vitruve ne propose, à cet égard, ni exemple, ni modèle, ni règle ; et dans le fait, il n’y aura d’autre règle, que celle qui se fondera sur l’expérience des sensations, que les ouvrages de la nature et ceux de l’art nous font éprouver.

L’eurythmie reste donc dans le domaine de la théorie du goût.

Il n’en est pas ainsi de la symétrie, ou de la proportion, considérée dans sa nation élémentaire et théorique. L’assimilation des rapports réciproques du tout à chaque partie, dans le corps humain, nous présente une idée fixe et une règle évidente, de ce que peut être un édifice pour nous plaire, de la manière dont l’œuvre de la nature nous plaît : non que cela signifie, que tout rapport indistinctement emprunté à tous les corps, doive produire un heureux effet. On sait que la nature elle-même produit des exceptions à sa règle, c’est-à-dire des défectuosités. Ainsi peut faire l’architecture. Mais, je le répète, il ne s’agit


que de l’idée et de la notion de symétrie (on proportion). Or, il n’y a pas d’idée plus claire, de notion plus distincte.

Je pense donc que Perrault s’est trompé, en prétendant qu’eurythmie et symétrie sont deux synonymes. « Tous les interprètes (dit-il) ont cru que l’eurythmie et la proportion que Vitruve appellesymétrie, sont ici deux choses fort différentes, parce qu’il semble qu’il en donne deux définitions ; mais ces définitions, à le bien prendre, ne disent que la même chose, l’une et l’autre ne parlant, par un discours également embrouillé, que de la convenance, de la correspondance, et de la proportion que les parties ont au tout. »

Galiani, tout en reprochant á Perrault d’êtres tombé dans l’erreur, lorsqu’il regarde l’eurythmie et la symétrie comme deux synonymes, me paroît avoir établi leur distinction sur une signification abusive du mot eurythmie, faute d’être remonté à l’idée primaire de ce mot. Il ne pouvoit pas se tromper sur le sens de symétrie dans Vitruve ; aussi dit-il fort bien, que la symétrie n’est pas un rapport de situation entre les parties, mais un rapport de quantité de chaque partie. Mais voici comment il explique l’eurythmie. L’eurithmia e quella che insegna l’eguale distribuzione de membri di un édificio, accioche facciano grato aspetto. Ainsi, d’après cette explication, l’eurythmie ne seroit que ce qu’on appelle vulgairement, en français, symétrie, c’est-à-dire la parité ou la répétition identique des parties ou des membres, d’un côté comme de l’autre d’un édifice : notion sort différente de celle que présente Vitruve, et que présente le sens même du mot, à consulter son origine et sa formation.

D’où vient cette confusion d’idées ? Je l’ai déjà dit. C’est que la notion de rythme, notion essentielle et positive dans la musique et la poésie, n’est, à proprement parler, qu’une métaphore en architecture, puisqu’on a ainsi transporté l’idée d’ordre, d’intervalle, de succession des sons, de lenteur ou de vitesse des mouvemens pour l’oreille, à l’idée d’ordre, d’espaces et de succession des formes, pour les yeux et pour le plaisir de la faculté visuelle.

Mais cet ordre rythmique, pour être nommé et désigné dans l’architecture par un mot d’emprunt, n’y en existe pas moins. Le goût et le sentiment du beau ne sauroient hésiter à l’y reconnoître, comme aussi l’analogie et la justesse de la comparaison, qui lui a transporté l’idée et le nom de rythme.

Y a-t-il en effet, dans l’emploi des matières, des formes, des lignes, des contours, des espaces, des saillies, ou des épaisseurs, des ornemens, des détails enfin de l’architecture, et y a-t-il dans leur continuité, dans leur répétition, dans leur succession, dans les variétés que cette succession y produit, dans leur retour plus ou moins périodique, dans les moyens fournis à l’artiste par ce mélange, d’éviter l’ennui de l’uniformité, et de procurer la variété que l’œil recherche, y a-t-il, dis-je, dans le résultat de toutes ces combinaisons, une espèce d’ordre ou d’arrangement, qui permette d’en considérer les effets comme analogues, pour l’œil et l’esprit, aux effets résultant pour l’esprit et l’oreille, de l’ordre des sons employés selon toutes les variétés que leur sait éprouver le rythme ? Eh bien, si l’on est forcé d’en convenir, cet ordre ou cet arrangement de formes et de lignes, on l’aura, par une transposition d’idée sort naturelle, appelé rythme ; el selon que cet ordre sera parvenu à être agréable, on l’aura appelé beau, excellent. L’architecture aura eu, par suite de la métaphore, son eurythmie, qualité, comme on voit, très-distincte de la symetria ou proportion, telle qu’on est forcé de l’entendre.

Dans le sait, la définition que Vitruve a donnée de l’eurythmie, sans pénétrer jusqu’au fond de l’idée, ne contient rien qui combatte notre analyse. Le développement que nous donnons à cette notion, ne renferme rien, non plus, qui soit étranger à sa définition, laquelle, comme on l’a vu, n’exprime et ne donne à entendre, qu’une idée de beauté et d’agrément, dans l’aspect produit par la dispostion des membres d’un édifice, commodus in compositionibus membrorum aspectus. Le tout repose sur un accord de hauteur, de largeur, de longueur dans les membres, altitudinis ad latitudinem, latitudinis ad longitudinem, lequel répond à l’ensemble de la proportion générale, ad summam suœ symetriœ respondeant.

Par ces mots, accord réciproque dans les membres, de hauteur, de largeur et de longueur, Vitruve me paroît avoir spécifié précisément l’objet du rythme architectural, qui ne peut s’exercer et se faire sentir, que sur les dimensions des membres el les mesures des formes. Ce sout les différences et les mélanges de mesure, qui donnent le mouvement aux compositions de l’architecture.

Prenons pour exemple la modénature d’un entablement. Supposons (en laissant de côté les raisons qui en établissent les grandes divisions) que les dix ou douze membres, ou profils qu’on y compte, au lieu d’être de mesures différentes, fussent uniformément rangés chacun dans une hauteur égale, et sans aucune variété de saillie (on peut s’en former l’idée dans plus d’un monument égyptien, qui se termine ainsi, par une rangée de tores, ou de plates-bandes tout-à-fait uniformes). Cette répétition de formes toutes égales, et leur continuité, ne produiront-elles pas pour les yeux, la même impression d’indifférence, que la répétition et la continuité du même son, à intervalles toujours égaux, produisent pour l’oreille ? Mais que les membres ou les profils de cet entablement viennent, selon divers motifs, à se ranger dans un ordre de hauteurs et de mesures toutes différentes, et à se placer les uns au-dessus des autres,


avec des saillies inégales, qui produiront des effets de lumière et d’ombre différens, on voit tout de suite, que notre œil éveillé par cette diversité d’espaces, trouvera du plaisir à en comparer les mesures, et que l’esprit éprouvera cette impression de mouvement, que les modulations du rythme sont éprouver dans le chant.

Mais c’est la juste correspondance de hauteur, de largeur, de longueur des membres entr’eux (selon les paroles de Vitruve), qui forme l’excellence du rythme, ou l’eurythmie architecturale. Ici en effet, comme dans sa musique et la poésie (et on l’a déjà dit), les rapports de mesure peuvent être plus ou moins bien gradués. Les tores, les profils qui constituent les divisions d’une base de colonne, d’un chapiteau, d’un chambranle, d’un fronton, ont des rapports de hauteur, de largeur, non-seulement entr’eux, mais encore avec la colonne, le chambranle et le frontispice, dont ces membres font partie, et peuvent leur communiquer plus ou moins de lourdeur et de légèreté, rendre leur aspect plus ou moins agréable.

Enfin, il est évident que l’eurythmie entendue comme modulation des profils et des membres d’un édifice, comme consistant dans cette juste correspondance des rapports de hauteur, de largeur, de longueur, dont parle Vitruve, s’appliquera de même aux grandes parties d’un édifice, aux rapports généraux de ses grandes divisions, à la correspondance plus ou moins heureuse de la hauteur de la masse extérieure, et à la corrélation de la largeur d’un intérieur, avec sa longueur. On peut parcourir toutes les formes qui entrent dans les compositions de l’architecture, les portiques, les arcades, les cintres, les niches, les portes, les pleins et les vides, partout on verra qu’il peut y avoir un ordre de rapports dans les espacemens de chaque objet. On verra que cet ordre, selon qu’il paroîtra ressembler, plus ou moins, à celui que produit la beauté du rythme musical, dans la succession des sons, la mesure des temps et la justesse des mouvemens, présentera aux yeux un aspect plus ou moins agréable.

Cependant, de quelque manière qu’on définisse ou qu’on développe la notion de l’eurythmie, et son application aux œuvres de l’architecture, on doit reconnoître que cette notion n’a ni en elle-même, ni dans son application, une base aussi simple, aussi claire, aussi positive, que celle de la symétrie (ou proportion), qui, comme on l’a dit, repose sur cette imitation puisée dans l’organisation du corps humain, où le tout et chaque partie peuvent se servir réciproquement démesure.

Et voilà, encore un coup, la différence qui sépare l’eurythmie de la symétrie, et qui établit une dissemblance sensible dans la notion élémentaire de chacune.

Mais voici d’où procède la confusion qu’on en sait si facilement. C’est que l’une et l’autre qualité consiste en rapports, et en rapports dont le but est de nous plaire ; c’est qu’en fait de théorie d’art et de goût, il n’y a aucune notion qui ne soit contiguë à une autre, et n’en emprunte quelque chose. C’est que dans le fait, il n’y a, même en morale, aucune qualité qui ne participe de quelqu’autre, aucune vertu qui, bien qu’ayant un caractète propre, ne se trouve mêlée avec les attributs d’une autre vertu. Ainsi, force et modération, sagesse et courage, sont des vertus sort distinctes, et toutefois il n’y a pas de vraie force sans modération, point de modération sans force. Il en est de même de toutes les qualités dans les arts, et par conséquent de celles qui constituent le mérite de l’architecture. Le plaisir de l’eurythmie tient donc par quelques endroits, aux impressions que nous fait le système de la symétrie. Toutes deux captivent nos yeux et notre esprit, par un ensemble de rapports qui, bien qu’émanés d’une source différente, ne laissent pas de nous affecter d’une manière assez semblable. Il me semble, en effet, qu’on pourroit comparer la vertu de l’eurythmie et de la proportion en architecture, à celle de la mélodie et de l’harmonie en musique, qui, distinctes entr’elles par leur nature, se rapprochent souvent dans leurs effets, au point que le commun des hommes des confond, par la manière d’en jouir el de les apprécier.

Je me suis beaucoup plus étendu dans cette dissertation, sur la notion de l’eurythmie, que sur celle de la symétrie : d’abord, parce que l’idée de la première est beaucoup plus abstraite, et par conséquent moins claire que celle de la seconde ; ensuite, parce que symétrie, dans la langue de Vitruve, devant se traduire par proportion, c’est à ce dernier mot qu’il convient d’en renvoyer l’interprétation complète. Voyez PROPORTIONS.

Cependant symétrie a, an français, une acception exclusive que tout le monde connoît trop, pour que je m’y doive arrêter long-temps. J’en ai même assez dit déjà, pour qu’il me fût permis de finir, si je ne croyois devoir ajouter à la simple définition de cette idée, quelques considérations fort abrégées, sur ce qui nous sait trouver du plaisir dan l’emploi de la correspondance symétrique, qui est, en certains cas, une obligation plutôt qu’un mérite de l’architecture.

On appelle donc généralement symétrie dans cet art, et dans ses ouvrages, cette exacte parité de parties similaires, qui se répètent d’un côté comme de l’autre d’un ouvrage, d’un édifice, soit pour la dimension, soit dans la composition de la masse, soit par l’uniformité des détails.

Si l’on cherche la cause du plaisir que nous procure cette symétrie, qui divise ainsi un tout en deux parties égales et similaires, il me semble qu’on le trouvera dans ce sentiment qui nous fait admirer les œuvres de la nature, et nous invite à en transporter les lois dans les productions de nos arts. Or, il est à remarquer que la symétrie est affectée par la nature, à un tres-grand nom-


bre de choses créées, mais surtout, et je pense, sans aucune exception, à l’organisation extérieure des créatures vivantes et animées.

De là cette sorte d’instinct qui porte l’homme, dans tout ouvrage auquel il veut donner la valeur de l’unité, à lui affecter cette propriété, de laquelle dépend le caractère le plus apparent d’unité de plan, de moyens et de but. Si le corps humain, par exemple, au lieu de présenter de chaque côté la répétition identique des mêmes membres, se trouvoit inégalement pourvu de membres d’une façon à droite, et d’une autre forme à gauche, ne sembleroit-il pas qu’il y auroit plus d’un homme dans un seul homme ?

Or, il est tout aussi évident, que cet effet extérieur auroit lieu, à l’égard d’un édifice, dont les deu moitiés auroient des masses, des mesures et des détails insymétriques. Ce ne seroit plus un, ce seroit deux bâtimens.

La répétition identique des mêmes élémens et le principe de symétrie, sont tellement inhérens à la nature de l’architecture, que la plus nombreuse colonnade ne se compose, comme on sait, que d’une seule colonne répétée. Qu’on essaie, comme on en trouve des exemples chez quelques peuples, de diversifier les types et les mesures des colonnes, l’édifice va paroître un composé des morceaux de plusieurs. Le plaisir facile de l’unité aura disparu, pour être remplacé par le malaise pénible de la disparité.

Cependant on observe que la nature qui s’est assujettie à l’exacte symétrie, pour l’extérieur et l’apparence des corps, a suivi un tout autre-système, à l’égard des parties qui entrent dans l’organisation de leur intérieur, et que les yeux n’aperçoivent pas. Il en est de même en architecture ; tout ensemble dont notre œil peut embrasser la totalité, doit être soumis à la symétrie. Mais ce que nous exigeons de la façade d’un palais, ou de tout autre édifice semblable, ce seroit une sujétion puérile el ridicule, de prétendre y assujettir sans nécessité sa distribution intérieure. Trop de convenances et de besoins y sont une loi de la diversité, el s’opposent à une répétition symétrique, dont l’effet, d’ailleurs, ne sauroit plae qu’en spéculation, puisque, dans la réalité, il ne sauroit être saisi ni par l’œil, ni par l’esprit de tous ceux qui n’en connoissent, ou n’en peuvent point connoître le plan.

SYRACUSE. Ville la plus grande de l’antique Sicile, et une des plus considérables de l’antiquité, si l’on s’en rapporte aux descriptions des auteurs anciens, et surtout à celle de Cicéron. Nous allons la rapporter, ne seroit-ce que pour dédommager le lecteur de la pénurie des restes qu’une fortune ennemie semble y avoir à regret conservés.

« On vous a souvent rapporté (dit l’orateur romain) que Syracuse est la plus grands et la plus belle ville de toute la Grèce, et ce que l’on en dit est constant. C’est une ville si étendue, qu’on diroit qu’elle est composée de quatre autres. L’une est une île qui, quioiqu’enveloppée de deux ports, s’avance dans l’embouchure et l’entrée de l’un et l’autre port. C’est là qu’est bâtie la maison que le roi Hiéron avoit habitée, et dont les préteurs coutinuent de se servir. Elle renferme plusieurs édifices sacrés, mais principalement deux de beaucoup supérieurs aux autres. L’un est un temple de Diane ; l’autre qui, avant l’arrivée de Verrès, étoit très-orné, est consacré à Minerve. A l’extrémité de cette île est une fontaine d’eau douce, qui porte le nom d’Aréthuse, d’une grandeur incroyable, prodigieusement poissonneuse, et qui seroit toute couverte des flots de la mer, si, par un môle et une jetée de pierres, elle n’en étoit séparée. » « La seconde partie de Syracuse est appelée Acradine. Il y a une place très-spacieuse, de belles galeries, un prytanée en très-bon ordre, une salle magnifique pour le Conseil, un superbe temple de Jupiter Olympien, et les autres quartiers de cette partie sont partagés par une large rue continue, et par plusieurs rues de traverse qui contiennent des édifices particuliers. » « La troisième ville annexée à Syracuse se nomme Tycha, parce qu’il y avoit un très-ancien temple consacré à la Fortune. Il y a de plus un vaste gymnase et beaucoup d’édifices sacrés, ce qui rend ce quartier recommandable, et très-peuplé. » « Enfin, on appelle Neapolis quatrième ville, comme étant la dernière bâtie. Il y a tout en haut un très-grand théâtre, et en outre deux temples magnifiques, l’un de Cérès et l’autre de Proserpine, plus un superbe colosse d’Apollon qu’on appelle Téménites. »

On cherche vainement aujourd’hui dans l’enceinte des murailles de l’antique Syracuse, dont on évalue le circuit à vingt milles, la trace de presque tous ses monumens. Le seul, dont Cicéron a parlé, comme situé dans l’île, qu’on appelle encore aujourd’hui Ortygia (mot grec qui veut dire île), et qui présente encore des restes fort considérables, est le temple de Minerve, qu’on a très-anciennement transformé en église, devenue la cathédrale. Il paroît que dans des temps voisins du nôtre, on a démoli la partie occidentale de l’édifice antique, pour y bâtir le portail de goût moderne qu’on voit aujourd’hui. Le mur intérieur de la cella du temple a été ouvert en arcades, et l’on a muré les entre-colonnemens du peripteron, pour donner à l’église des bas côtés, et par conséquent plus de largeur.

On voit encore dans le mur latéral de l’église qui donne sur la rue, douze à treize colonnes engagées dans la construction nouvelle, de ma-


nière toutefois que plus de la moitié de leur diamètre est en saillie. Il est visible que le temple avoit autrefois treize colonnes dans ses flancs, en comptant les colonnes d’angle, et les frontispices en comptoient six. La place des colonnes du pronaos se voit encore dans l’intérieur de l’église. Ces colonnes sont d’ordre dorique sans base, et elles n’ont guère que cinq diamètres de hauteur.

On ne sait si l’on doit regretter que, pour faire de cet antique monument une église moderne, on l’ait ainsi mutilé, masqué et dénaturé. On peut dire que, si ce que l’on y a ajouté de murailles et de constructions étrangères le dénature, il est fort à croire que, sans ces changemens accessoires, il n’en existeroit plus rien.

C’est ce que nous ont persuadé les restes devenus aujourd’hui presqu’invisibles du temple de Diane. Ce temple célèbre, le premier qui fut élevé à Syracuse, est tellement détruit, et ce qui en reste est tellement recouvert et enseveli au milieu de toutes sortes de masures, qu’il faut en deviner l’emplacement, par quelques débris enclavés dans l’intérieur même de quelques habitations et de maisons élevées autour, et où ils sont comme enterrés. Deux colonnes doriques du genre de celles qu’on voit au temple de Minerve, existent encore dans un mur mitoyen de deux maisons, dont l’une, en 1779, était celle d’un notaire. On ne voyoit alors que la partie supérieure de leur fût, avec leurs chapiteaux entièrement dans le caractère de l’ancien dorique grec, et qui, sans doute aussi parce qu’on en est plus près, paroissent avoir une saillie et un caractère de force très-prononcé.

Ce qu’on appeloit autrefois à Syracuse, et qu’on nomme encore, la fontaine d’Aréthuse, a survécu à tous les monumens de l’art. C’est une propriété des ouvrages de la nature. Celui-ci est surtout merveilleux dans sa position, telle que Cicéron l’a décrite, par l’extraordinaire abondance et la pérennité des eaux. Il est probable qu’autrefois ce lieu avoit été décoré par l’art. Un vaste bassin devoit renfermer les eaux de la source, dans une enceinte où l’on nourrissoit des poissons. L’endroit précis d’où l’eau sort avec l’abondance d’une source qui donneroit naissance à un fleuve, étoit peut-être surmonté d’une œdicula. Aujourd’hui ce n’est plus qu’un très-grand lavoir. Le trop-plein s’échappe par divers petits canaux qui aboutissent à la mer.

De tant d’édifices, sacrés qui ornoient les divers quartiers de Syracuse, il n’existe plus d’autres vestiges, à l’exception des restes ci-dessus entionnes, que, dans le quartier appelé Acradine, deux fûts de colonnes tronqués, qu’on croit, avec beaucoup de vraisemblance, avoir appartenu au temple de Jupiter Olympien. Le genre de leurs cannelures indique qu’elles avoient été d’ordre dorique. Mirabella, qui écrivoit au commencement du dix-septième siècle, et qui est mort en 1624, dit qu’il y avoit encore six de ces colonnes parfaitement conservées ; qu’on voyoit clairement par ce qui restoit des débris de ce temple, qu’il avoit dû avoir douze colounes de longueur ; qu’à juger de celles qui étoient encore sur ed, le fût de ces colonnes, toutes d’une seule pierre, avoit vingt-cinq palmes de hauteur, sans compter les chapiteaux, et que, leur grosseur étoit telle, qu’il falloit trois hommes pour en embrasser la circonférence : Crassitudo verò tanta est, quantùm tres homines circumambire brachia possint.

En laissant Acradine à droite et entrant dans Néapolis, on trouve les restes d’un amphithéâtre bâti sur un terrain inégal. Cet édifice, moitié taillé dans le roc, et moitié construit en grosses pierres, avec des corridors voûtés, étoit d’une forme ovale fort a longée dans le plus grand diamètre de l’amphithéâtre, et fort resserrée sur le petit diamètre. Il paroît qu’en tout c’étoit un monument médiocre, et qui fut élevé par les Romains, pour l’usage seul de la colonie qu’ils y établirent. Du reste, l’édifice va se détruisant de plus en plus, on en abat journeement les corridors, et l’on enlève les restes des gradins, pour pouvoir plus aisément labourer sur son emplacement.

Près des ruines de cet amphithéâtre, on voit celles d’un autre monument, qui, bien que très délâbré, offre encore dans sa ruine un aspect assez intéressant. C’est le théâtre. Les gradins, qui étoient entièrement taillés dans le roc, seroient beaucoup mieux conservés, si l’on eût pu empêcher les habitans d’y venir prendre des matériaux pour leurs bâtisses. Malgré ces dégradations, on distingue encore une grande partie des gradins ; les deux repos ou paliers appelés prœcinctiones, qui servoient à la circulation des spectateurs, et les escaliers par où l’on entroit et par où l’on sortait.

Quant à l’exécution des parties de l’édifice, le peu qui en existe encore, suffit pour faire voir qu’elles avoient été faites avec le plus grand soin. On remarque que chaque gradin étoit entaillé dans son épaisseur, de manière à donner aux pieds de celui qui étoit plus haut, un rebord pour l’empêcher de gêner celui qui étoit assis au-dessous de lui. Il paroît qu’autour du théâtre, il régnoit une galerie circulaire, dont on aperçoit encore la plate-forme en quelques endroits. Elle portoit certainement un ordre d’architecture avec une galerie, ou un rang de loges couvertes. Mais tout cela a disparu. On distingue seulement très-bien les deux angles de l’avant-scène, et par conséquent il est encore possible d’évaluer son étendue.

Une inscription gravée en creux sur le montant d’un des degrés au-dessus de la première prœcinction, à partir d’en bas, porte ces deux mots en grec : BASILISSAS FILISTIDOS ; et vis-à-vis, à la même hauteur, on en a découvert une autre qui porte également en caractères grecs ces deux


mots un peu effacés : ACLEOS FRONITI. On a crn que la première indiquoit que le théâtre avoit été construit sous la reine Philistide, et que l’autre désignoit l’entrepreneur ou l’architecte de ce monument.

On ne sauroit douter qu’il n’ait été un des plus magnifiques de l’antiquité, puisque Diodore, en parlant des différens édifices qui ornoient plusieurs villes de la Sicile, au beau siècle de ce pays, et entr’autres du théâtre d’Argyrium, comme d’un des plus remarquables, avance que celui de Syracuse l’émportoit sur tous ceux de celte île. Syracusano excepto pulcherrimum.

Peu de villes eurent à leur disposition et dans leur voisinage, d’aussi prodigieux moyens d’exploiter la pierre la plus favorable à la construction. Partout on découvre des bancs dé rocher, dont la facile excavation procuroit à peu de frais des lieux de sépulture, ou des chambres sépulchrales de toute dimension. On entre dans beaucoup de ces hypogées, mais on en trouve très-peu qui offrent des vestiges d’art et de décoration. Une seule de ces petites excavations dans un plan circulaire avec des niches, a conservé à son entrée les restes de deux colonnes doriques engagées, et soutenant un entablement avec triglyphes, surmonté d’un fronton circulaire.

Rien ne fait mieux connoître à quel point, l’architecture avoit dû embellir de monumens nombreux et solides la ville de Syracuse, que la prodigieuse exploitation des carrières voisines de cette ville, et d’où ont été extraits les matériaux de toutes ses constructions. Ces carrières, qu’on appelle Latomies, forment par leur plan une véritable ville souterraine, creusée dans la masse des rochers découverts qui dominent Syracuse d’un côté. Cette sorte de ville a ses rues alignées, ses places, ses carrefours, et l’on ne s’étonne pas, en y entrant, qu’on ait pu destiner un tel emplacement à servir de prison. Il est probable encore qu’on employoit les prisonniers à l’extraction et à la taille des pierres.

Ces excavations, qui ne sont souterraines que par rapport à la montagne qu’elles pénètrent, n’avoient pas les inconvéniens et les difficultés de celles qui sont creusées, n’importe à quelle profondeur, sous le terrain de la plaine qui environne Paris. On s’y procuroit la pierre dans la hauteur de la roche ; cette pierre n’etoit pas par couche ou par lits, ce qui fit qu’on put y tailler des colonnes monolythes. On voit diverses tranchées faites dans l’élévation de la masse de ces rochers, et il en est qui furent commencées, et qui n’allèrent que jusqu’à une certaine distance. Telle est celle de la fabuleuse oreille de Denis-le-Tyran. Ce n’est qu’une ouverture faite à une partie de la montagne, d’où l’on a extrait, en ligne sinueuse, une quantité quelconque de pierres, et qu’on ne poussa point plus avant.

Naturellement à Syracuse, comme dans tant d’autres villes antiques, on fit servir plus ou moins anciennement tout ou partie des excavations de ces carrières à l’usage des sépultures. On y voit encore aujourd’hui les traces de cette pratique. Les latomies devinrent aussi des catacombes, et nous renvoyons le lecteur, pour plus de détails, à ce mot. Voyez CATACOMBES.

SYSTÈME, s. m. Ce mot est formé de deux termes grecs, la préposition sun et le verbe istèmi, qui, rapprochés, signifient ce qu’on exprime par ensemble, composition.

Un système, en quelque genre que ce soit, est un assemblage de plusieurs choses formant un tout. Il n’est point du ressort de ce Dictionnaire, de parcourir les applications diverses de ce mot, ni d’entrer dans les divers sens qu’il comporte, ni de traiter du bon ou du mauvais emploi de ce qu’on appelle, sous plus d’un rapport, l’esprit de système.

Nous bornant ici à expliquer dans quel sens on emploie le mot système en architecture, nous dirons qu’on en use ordinairement pour désigner la théorie du principe originaire d’où cet art est né, des causes premières qui lui ont imprimé son caractère spécial, des conditions qui lui sont imposées pour satisfaire à l’unité de son principe.

Ce que nous appelons système, en architecture, est antérieur aux règles. Les règles n’ont fait que déterminer pour l’artiste, les meilleurs moyens d’être fidèle aux types originaires qui constituent lesystème de l’art. Voyez l’article ARCHITECTURE.

Pour mieux faire comprendre ce que nous entendons par système, en architecture, il nous faut revenir sur quelques notions. Bien que nous n’admettions comme véritablement art, que l’architecture grecque, nous n’avons pas laissé cependant de reconnoître d’autres modes de bâtir, chez d’autres peuples et dans d’autres temps, modes qui, provenus de causes différentes, et d’élémens originaires distincts ; ont trouvé à se répandre et à se perpétuer en quelques contrées. Nous avons fait voir aussi, comment l’architecture n’ayant aucun modèle positif à imiter dans la nature, ne pouvoit tenir ce qui y supplée, que de certaines causes, de certains besoins donnés par la nature, à la vérité, mais qui, variables et divers selon les lieux, et les climats, devoient en recevoir aussi des moyens d’imitation différens : Que de ces causes locales avoient dû résulter effectivement des systèmes locaux de construction, d’ordre, d’embellissement : Qu’entre ces systèmes il y en avoit eu un plus fécond que tous les autres, plus susceptible de réunir les principes divers d’unité et de variété, de solidité et d’agrément, d’offrir l’heureuse combinaison du besoin et du plaisir, c’est-à-dire de ce qui peut à la fois satisfaire la raison, les sens et l’imagination : Et voilà ce qui nous a paru consti-


tuer la supériorité du système de l’architecture grecque, sur les systèmes des autres architectures.

Il résulte de là, que l’idée de système est applicable à plus une sorte d’architecture, et que chacune peut avoir le sien. Mais il ne s’ensuit pas, que tout système, bien qu’inspiré par les diverses causes qu’on peut appeler physiques et matérielles, soit également beau, et qu’il n’y en ait pas de préférable. Quand la nature elle-même auroit en divers pays, produit des édifices, ou des formes de bâtimens différens entr’eux, comme le sont, par exemple, les espèces soit d’animaux, soit de plantes, productions réelles et immédiates de sa volonté ou de sa puissance, il u’en faudroit pas conclure, que pour être l’ouvrage même de la nature, ces modes ou systèmes de bâtir auroient un égal mérite, qu’il ne devroit pas y avoir de supériité entre eux, et qu’il seroit interdit à l’intelligence, à la raison, au goût, de reconnoître la prééminence de l’un sur l’autre. Ce que l’on fait à l’égard de toutes les productions de la nature, à l’égard de tous les êtres crées, à plus forte raison peut-on le faire, à l’égard d’ouvrages qui ne sont que des conséquences indirectes des causes naturelles.

C’est pourquoi ayant développé à leurs différens articles, quelles nous ont paru être les causes naturelles, qui ont exercé une action plus ou moins nécessaire sur ce qu’on appelle les systèmes divers d’architecture, chez tous les peuples connus, il nous a semblé que le système grec étoit de tous, celui qui éloit le plus système, en tant qu’il est l’assemblage le plus complet des élémens qui peuvent former un tout, où chaque partie trouve une raison nécessaire, subordonnée à la raison nécessaire de l’ensemble, où chaque chose explique sa manière d’être, où chaque détail est à la fois conséquence et principe d’un autre détail, où enfin on ne sauroit rien ajouter, sans faire du superflu, d’où l’on ne sauroit rien enlever sans tout détruire. Or, il me semble que ce pourroit être là une définition assez satisfaisante du mot système.

SYSTYLE. Vitruve distingue dans l’architecture grecque cinq espèces de temples, par la différence de leurs entre-colonnemens. Cette méthode ne paroît pas reposer sur des faits bien positifs, ni sur des principes bien clairs. Il se pourroit que le mot species, qu’il emploie, ne signifia point ce que, méthodiquement parlant, nous entendons par espèce. Peut-être ce mot ne veut-il dire que manière, forme, apparence. Quoi qu’il en soit, le nom de systylos, composé de et de exprimant un rapprochement des colonnes, se donnoit dans les temples, à ceux où les colonnes moins serrées que dans le pinocstylos, l’étoient plus que dans le diastylos, et surtout que dans l’aréostylos.

TAB

TABERNA. Ce mot, dont sur un fait taverne en français, étoit Celui Dont sur soi servoit à Rome, pour exprimer ce que nous appelons généralement boutique. On nommoit tabernœ argentariœ, les boutiques des banquiers, que Tarquin l’Ancien fit construire autour du Forum. Les comédies appelées Tabernariœ, le furent ainsi, parce que les sujets étoient pris dans la classe des gens à boutiques, ou parce que la scène représentoit les demeures des gens du peuple. Pauperum Tabernas, a dit Horace, par opposition à Regumque turres.

TABERNACLE, s. m. , en latin tabernaculum, qui vient de taberna, pauvre et misérable maison, ainsi appelée de tabula, planche, parce que la taberna n’étoit qu’un très-chétif assemblage de bois. Le même mot signifie particulièrement tente, par cela que dans les camps, la tente se composoit nécessairement de matériaux légers et assemblés à la hâte.

Ainsi traduit-on généralement tabernaculum par tente, et c’est l’équivalent de ce mot en hébreu, que la Vulgate a rendu par le mot tabernaculum. Les Israélites, comme l’on sait, habitèrent long-temps sous la tente, ainsi que le font encore aujourd’hui les Arabes et tous les peuples nomades ou pasteurs, et ils en conservèrent l’usage, jusqu’à la construction du temple de Jérusalem. Ils appelèrenttabernacle par excellence, l’espèce de tente portative, faite de planches de bois de cèdre, qu’ils dressoient dans chaque endroit du désert où ils campoient. Cette tente qui leur servoit de temple mobile, renfermoit les tables de la loi, les vases sacrés, tout ce qui formoit les symboles révérés du culte du vrai Dieu. Dans la suite, ces objets furent renfermés dans ce qu’on appeloit l’arche sainte, placée dans le lieu le plus retiré du temple, et qui porta, par tradition, le nom de tente ou tabernacle.

La religion chrétienne a emprunté à la judaïque cette dénomination, qu’elle applique aussi au lieu qui renferme ce qu’il y a de plus révéré et de plus auguste, c’est-à-dire le saint sacrement, et les vases consacrés. Dans les premières églises, le tabernacle avoit eu encore une ressemblance avec celui dont le christianisme a pris le nom. Elle consistoit dans les draperies qui servirent de voiles au saint des saints : et de là la disposition de l’ancien ciborium, formé de quatre colonnes, et d’une petite coupole, avec des rideaux tout alentour, qui, selon les circonstances, le cachoient à la vue. Nous avons fait voir au mot BALDAQUIN, que là est l’origine de cette moderne construction,


que l’on a souvent élevée au-dessus du tabernacle et de l’autel. Voyez BALDAQUIN.

Aujourd’hui, selon l’usage, et selon l’acception donnée à ce qu’on appelle tabernacle, sur l’autel chrétien, ce mot désigne un ouvrage soit de menuiserie, soit de marbrerie, soit de métal ou d’orsévrerie, auquel on applique différentes, formes, mais le plus souvent celle d’un petit édifice, avec une porte qui donne entrée à l’espace où l’on renferme le ciboire, avec les hosties consacrées.

L’art a donné toutes sortes de formes aux tabernacles, et ces formes ont aussi suivi le cours des variétés de goût, que ne cessent d’éprouver les meubles et les édifices. Naturellement, en ne considérant que l’emploi matériel du tabernacle, sur l’autel chrétien, on ne l’a que trop souvent configuré sous l’apparence d’armoire, et alors on lui a donné le caractère vulgaire de meuble. La richesse des matières a, si l’on veut, ennobli souvent dans l’opinion, ce que cette forme offre de commun ; mais le style noble ou trivial est, là comme ailleurs, tout-à-fait indépendant du prix matériel, et de la dépense du travail.

Il nous semble qu’il y a des formes qui, toutes seules, ont la propriété de produire dans l’esprit l’idée de noblesse, de sainteté, de vénération. Telle est la forme de temple. C’est donc celle qui doit le mieux convenir au tabernacle, et il est vrai, comme on l’a déjà dit, qu’on l’y a souvent affectée.

D’après ce type, le tabernacle représenteroit une œdicula. Si la position de l’autel étoit adossée, ce petit temple y seroit élevé et disposé de manière à ne présenter qu’une façade d’édifice. Pour les autels isolés ou vus de toutes parts, l’artiste trouveroit dans l’imitation de toutes les sortes de temples quadrangulaires, circulaires, ou à pans coupés, de quoi satisfaire à toutes les convenances d’aspect que le sujet exige.

On ne prétend pas, au reste, limiter à un seul genre de forme ou de décoration, la composition du tabernacle. Il y a beaucoup rie motifs ingénieux qui dépendent de l’art du sculpteur, et qui peuvent très-heureusement s’appliquer à ce sujet, et l’on pourroit citer quelques-unes de ces compositions, où le tabernacle se trouve fort heureusement accompagné par des anges adorateurs.

On a souvent aussi donné à la masse générale du tabernacle, la forme d’une niche surmontée d’un fronton que supportent des colonnes, et de là est certainement venue la dénomination de niche en tabernacle qui entre dans le vocabulaire de l’architecture. Voyez NICHE.

TABLE, s. f. Ce mot vient du latin tabula, qui signifie généralement un corps plane, tel qu’une planche, dont la surface de formes différentes, a plus ou moins d’étendue et peu d’épaisseur. On applique ce mot à un grand nombre d’objets, mais le plus fréquemment à exprimer le meuble le plus usuel peut-être, de tous ceux qui entrent dans les besoins de la vie et dans les usages de la société.

Il ne sauroit appartenir à ce Dictionnaire, ni de traiter en détail de tous les emplois de la TABLE, considérée comme meuble, ni d’énumérer toutes les dénominations que le langage ordinaire lui affecte, selon toutes les diversités de matière, de forme, et d’usage, qu’il comporte.

N’ayant à considérer ici la table, que dans son rapport avec l’art de l’ornement, qui fait partie de l’architecture, nous nous contenterons de faire connoître les principales manières d’orner les tables, que le goût des Anciens et des Modernes a imaginées, scion leur matière, leur forme, leur étendue, leurs emplois, etc. , et nous dirons ensuite quelles sont les acceptions de ce mot, lorsqu’il s’applique, non plus à signifier un meuble, mais à exprimer, dans la construction et la décoration des édifices, certaines surfaces qui en font partie, et auxquelles on donne différentes destinations.

L’élément du meuble appelé table, est une planche le plus souvent de bois, qui porte sur un ou plusieurs pieds.

Bientôt il dut arriver à la table, d’éprouver ce que la richesse, et le luxe qui s’ensuit, produisent nécessairement dans tous les objets usuels, c’est-à-dire d’être transformée aussi en objet de plaisir et de vanité. D’abord ce fut à la matière même qu’un goût plus raffiné demanda le mérite ou de la variété ou de la rareté, et par conséquent de la cherté. De l’emploi des bois les plus communs, et grossièrement travaillés, on passa à la recherche des bois plus rares et susceptibles d’un beau poli. Nous voyons les Romains payer un prix excessif, des tables de bois étrangers, des morceaux taillés dans certaines racines, ou excressences d’arbres, qui fournnisoient des veines ou des configurations curieuses. On fit des tables de marbre, on en fit en incrustations de pièces rapportées. On mit les métaux précieux à contribution. Enfin, comme la rareté fait toujours, pour le luxe, une partie de la beauté, on imagina d’emprunter aux anciens enduits de murailles, des dalles de stuc pour les convertir en tables.

La forme des tables tient à la configuration de leur plateau, et à celle de leurs pieds ou de leurs supports. Il y a tant de besoins divers auxquels l’emploi de la table doit être subordonné, que nous nous bornerons, pour ne pas sortir des limites que nous nous sommes données, à ne parler que des trois formes les plus communes, savoir, la


forme circulaire, la forme quadrangulaire, et la polygone.

La forme de table circulaire comporte souvent, en petit surtout, un seul pied ou support. C’est ce que les Romains appeloient monopodium. On nommoit tripos la table à trois pieds, et on affecte encore avec beaucoup de convenance cette disposition aux tables circulaires d’une très-grande étendue. La table carrée ou en carré long exige quatre pieds, si les supports eu sont isolés.

Cependant il y a aussi une manière de ne donner que deux supports à une table quadrangulaire, et on en use ainsi nécessairement, si son plateau est d’une assez grande portée, surtout s’il est de marbre ou de toute autre matière fort épaisse. On lui donne alors pour pied à chacun de ses petits côtés, un support massif lui-même, et qui a pour largeur, celle de la table. L’on voit plusieurs de ces tablesantiques à Rome, dont le trapézophore ou porte-table est ainsi établi, de manière à fournir un appui des plus solides, et susceptible en même temps d’une très-riche décoration.

Enfin, si une table est polygone, c’est-à-dire à plusieurs pans coupés, ou si elle est d’une très-grande longueur, ou multipliera ses pieds au gré de la solidité, qui est une des premières conditions en ce genre, comme partout ailleurs.

C’est surtout par la diversité de leurs supports, ou de leurs pieds, que les tables ont reçu jadis, et reçoivent encore aujourd’hui, la plus grande richesse d’ornemens. L’antiquité a épuisé toutes les idées dans cette partie du luxe décoratif, et les Modernes n’ont pu mieux faire, que de les répéter. Aussi presque toutes les configurations que les Anciens empruntèrent, soit aux êtres naturels, soit aux animaux symboliques, ont-elles passé dans l’ajustement des meubles des Modernes. Voy. PIED, TRÉPIED.

Nous n’alongerons point cet article de la description de tous les accessoires que le goût peut diversifier à l’infini, dans les supports des tables. Nous préférerons de faire connoître ici la destination de certaines tables antiques, qui, liées à des usages religieux et politiques dans l’antiquité, s’étoient approprié un genre de luxe, propre à en faire des monumens d’art très-remarquables. Nous allons extraire quelques détails sur cet objet de notre ouvrage intitulé le Jupiter Olympien.

Au nombre des travaux qui dûrent exercer le plus l’art de la toreutique, il faut mettre les trapèzes ou tables, de quelque genre qu’elles fussent. On les distinguoit naturellement en deux grandes classes. Il y avoit les tables qui servoient aux usages civils et domestiques, et il y avoit celles que l’on consacroit aux dieux et aux cérémonies religieuses. Les tables et les trépieds offrirent au génie de l’ornement une multitude de sujets de composition. Mais rien ne fut plus multiplié que ces objets considérés comme votifs ou religieux. Le trépied placé devant les statues, ou en avant des temples, etoit effectivement un autel portatif, employé à la combustion des victimes et des offrandes. La table étoit destinée à recevoir les fruits et les oblations de tout genre. Dans l’intérieur des temples, et mise en rapport avec les statues, elle avoit encore pour objet, de servir aux repas sacrés que l’on préparoit pour les dieux.

La table fut donc bien souvent, soit pour son service usuel, soit comme signe commémoratif de cet usage, une sorte de meuble habituel des édifices sacrés. C’étoit ainsi qu’elle figuroit dans le temple des Juifs. Elle étoit d’or, et sa représentation est encore très-visible sur un des bas-reliefs de l’arc de Titus à Rome. Il y avoit à Syracuse une table d’or devant la statue d’Esculape. Denis-le-Tyran la fit enlever après avoir bu le vin qu’on y déposoit pour le bon génie. Il seroit aussi long qu’inutile, de faire ici mention de tous les objets d’art antiques, où l’on voit de ces tables consacrées aux cérémonies du culte. La belle coupe Dyonisiaque, jadis au trésor de Saint-Denis, aujourd’hui au cabinet des antiques de la bibliothèque du Roi, nous montre un trapèze fort saillant, destiné aux mystères de Bacchus.

C’est d’après cet usage si général, que nous avons entrepris de rendre à leur vraie destination, deux tables que nous présente le texte de Pausanias, et dont les commentateurs et traducteurs nous paroissent avoir méconnu l’ensemble, faute d’avoir su se rendre compte de la place que pouvoient y occuper les personnages, ou les figures qui, sans aucun doute, faisoient partie de leur décoration, exécutée en bas-relief sur l’épaisseur du plateau, à l’endroit qu’occupent nos tiroirs.

La première de ces tables étoit en avant du groupe formé par le trône des grandes déesses à Mégalopolis, ouvrage de Damophon de Messène. Sur l’épaisseur dont on vient de parler, étoient représentées en bas-reliefs, sans doute de pièces de rapport, des nymphes, dont l’une portoit le petit Jupiter, une autre tenoit un flambeau ; d’autres nymphes avoient des fioles et des vases. La méprise des traducteurs a été de se figurer ces sujets, comme des statues isolées.

Nous avons relevé, avec une certitude plus grande encore, une pareille erreur à l’égard de la célèbre table, en or et ivoire, des jeux olympiques, ouvrage de Colotès, et qui servoit d’ornement à la célébration de ces jeux. On y déposoit les couronnes, et les autres sortes de prix, destinés aux vainqueurs. Nous trouvons cette table répétée sur un très-grand nombre de médailles antiques. Nous n’entendons pas dire, que ce fut identiquement la même, que celle de Colotès à Olympie, mais bien, que l’usage général fut dans tous les jeux ou combats du stade, d’avoir une table, où l’on étaloit les prix que les concurrens devoient se disputer. Il fut donc naturel, que le stade des jeux olympiques eût en ce genre un ouvrage digne de sa célébrité.


Puisqu’un des plus habiles artistes toreuticiens de ce temps fut chargé de son exécution, on doit penser que ce meuble d’or et d’ivoire, devoit briller encore, par les figures dont l’art avoit dû l’embellir.

Cependant, faute par Pausanias d’avoir indiqué la place précise, que ces figures pouvoient occuper dans l’ensemble de la composition, les commentateurs et traducteurs ont entendu les mots qui désignent la partie postérieure, et les deux côtés, sans dire de la table, comme s’il s’agissoit d’un objet que l’écrivain grec auroit oublié de nommer. Rien toutefois de plus simple à supposer, qu’une frise formant l’épaisseur de la table, et qui offroit dans ses deux grands et ses deux petits côtés, un espace propre à recevoir des séries de figures en bas-relief. Telle étoit donc la table des jeux olympiques. Sur sa face antérieure, on voyoit les figures de Jupiter, de Junon, de la mère des dieux, de Mercure, d’Apollon et de Diane. Sur la face postérieure étoit la description des combats du stade. De chaque côté étoient représentés, ici Esculape, Hygiœa sa fille, Mars et le dieu Agon, là Pluton, Proserpine, deux nymphes, dont l’une tenoit une balle, et l’autre une clef.

Il nous reste à faire observer encore, à ce sujet, que deux sièges massifs de marbre, à Athènes, dont on trouve la représentation dans l’ouvrage de Stuart, et qui très-probablement servirent aux Agonothètes, présentent sur un de leurs côtés, la figure de la table stéphanophore, qui, comme on l’a dit, étoit d’usage dans la célébration des jeux.

Le mot table, avons-nous dit au commencement de cet article, s’emploie aussi par analogie de configuration, dans la construction ou la décoration de l’architecture, pour signifier certaines parties plus ou moins saillantes ou renfoncées, qu’on destine à plus d’un usage, et qui ont, le plus sovent, la forme d’un carré long.

On a appliqué le nom de table à la plupart de ces parties saillantes, très-probablement parce qu’originairement on se sera servi de grandes dalles de pierre, qui auroient été propres à faire effectivement des tables avec le secours de leurs supports.

Ainsi appelle-t-on table à crossette, des dalles cantonnées par des crossettes, ou oreillons, et qu’on destine à recevoir des inscriptions.

On donne le non de table couronnée, à celle qui est surmontée d’une corniche. On y taille quelquefois un bas-relief, ou l’on y incruste une tranche de marbre de couleur.

On appelle table d’attente, une partie de pierre, qu’on laisse en bossage dans la construction d’un édifice, soit pour y sculpter un bas-relief, ou quelque armoirie, soit pour y graver quelque inscription.

Ce qu’on fait dans les travaux en pierre, on le pratique de même dans les ouvrages en maçonnerie et l’on donne le nom de table de crépi, à un panneau crépi, entouré de naissances badigeonnées, aux murs de face les plus simples. Dans les constructions plus soignées, on les entoure de piédroits, de montans, de pilastres ou de bordures en pierre.

On dit table en saillie, de celle qui excède le nû du parement d’un mur, d’un piédestal ou de toute autre partie qu’elle décore, comme on appelle table renfoncée, celle qui entre dans le dé d’un piédestal, et qui est ordinairement entourée d’une moulure, en manière de ravalement.

On donne à une table qu’on pique, le nom de rustique, parce qu’on y fait celle façon, pour l’assortir au goût qu’on appelle aussi du même nom, et qu’on emploie dans les constructions en bossages, ou dans certains édifices, tels que fontaines, grottes, et autres fabriques, dont on orne les jardins.

TABLEAU vient, comme le mot précédent, de tabula, planche, parce que les peintures mobiles et portatives, chez les Anciens, furent originairement exécutées et continuèrent en général de l’être, sur des fonds de bois, tabulœ. L’on discernoit par ce mot, les espèces de peintures, auxquelles nous donnons aussi spécialement le nom de tableau. Le mot générique de peinture se donne bien, à la vérité, aussi aux ouvrages portatifs et mobiles, sur bois, sur toile, sur cuivre, ou toute autre matière qui les rend transportables, mais on ne donne pas réciproquement le nom de tableau, aux ouvrages adhérens aux enduits des murailles, et qui se font soit à détrempe, soit à fresque, soit à l’huile.

Le mot tableau, ainsi entendu, comme objet d’ornement, et qui peut être en rapport avec l’architecture, nous indique donc ce à quoi nous devons, dans ce Dictionnaire, restreindre les notions qu’il comporte, et nous serons à son égard, ce que nous avons déjà observé de faire, à l’égard du mot peinture (voyez ce mot), dont nous avons réduit les notions théoriques, uniquement à l’emploi, ou à l’abus qu’on en peut faire dans les monumens de l’art de bâtir.

Ici, en ne considérant le tableau, selon le sens ordinaire de ce mot, que comme pouvant être un objet d’agrément et d’embellissement dans les intérieurs des édifices, à plus forte raison devrons-nous borner à un très-petit nombre de points, les observations que ce sujet comporte.

Il semble d’abord fort inutile de dire, qu’on admet dis tableaux dans les appartenons, parce qu’à moins d’entendre le mot appartement, comme constituant l’intérieur des grands palais tributaires de l’architecture, il n’y a rien à prescrire pour les convenances des habitations ordinaires. Le tableau, dans celles-ci, n’est qu’un objet mobile à volonté, et auquel le goût du proprié-


taire ne sauroit imposer d’autre condition, que celles d’un jour favorable, et d’une proportion qui soit en rapport avec son local.

Les tableaux constituent générale meut un genre de luxe et d’embellissement, qui ne semble convenable qu’aux palais, ou aux demeures spacieuses des gens riches.

Ils peuvent donc y trouver place de deux manières, soit comme collection d’ouvrages d’art, soit comme décoration subordonnée à une disposition régulière. Dans le premier cas, on donne à ces collections le nom de cabinets de tableaux (voyez ces mots), et là, comme il a été dit à cet article, plus d’une sorte de sujétion s’oppose à un arrangement, dans lequel il soit permis à l’architecture d’intervenir. Sous le second rapport, des tableaux peuvent faire, et dans la réalité, constituent un des principaux mérites d’une galerie. (Voyez ce mot.) On appellera donc galerie de tableaux, non pas celle qui sera décorée par la peinture décorative d’ornemens adhérens aux murs, mais celle, dont les superficies verticales recevront une suite de tableaux uniformes, et qui, au lieu d’être sans rapport de sujet et de mesure entr’eux, seront liés à un motif général de décoration, dont ils feront partie. Telle étoit autrefois la galerie en tableaux du palais du Luxembourg, dont la suite, due au pinceau de Rubens, représentoit l’histoire de Marie de Médicis. Or, rien ne peut faire mieux comprendre la différence qui existe entre un cabinet de tableaux, et une galerie en tableaux, que ce qui est arrivé à celle de Rubens. Les changemens survenus dans le palais du Luxembourg, ayant porté à pratiquer un vaste escalier, dans l’aile occupée par la galerie, les tableaux ont été enlevés du local où ils saisoient une décoration régulière, et ont été reportés dans l’autre aile, qui contient aujourd’hui un grand cabinet, ou, si l’on veut, une collection de tableaux mobiles et suspendus, dont ceux de l’ancienne galerie font partie.

On ne sauroit trop désirer, pour le succès de la peinture, que l’architecture ait de plus nombreuses occasions d’employer les tableaux, comme partie nécessaire et principale de la décoration des galeries. Rien ne s’allie mieux avec la distribution régulière des ordonnances de colonnes ou de pastres, et de tous les accessoires de l’ornement, que les espaces égaux et symétriques d’une série de tableaux, qui, coordonnés par l’architecte, avec les formes, les pleins et les vides de sa composition, doivent se subordonner au dessin général, et concourir à l’harmonie du tout ensemble. Nous pouvons citer un exemple assez récent de cet heureux accord des deux arts, dans la nouvelle sacristie de Saint-Denis, où une suite de tableaux exécutés par divers artistes, représente les traits de l’histoire de Saint-Louis. On imagineroit difficilement un plus agréable motif de décoration, pour une galerie de tableaux, et une plus heureuse alliance des ressources des deux arts.

Les Anciens employèrent, non pas seulement ce qu’on appelle généralement des peintures, mais ce qu’ils nommoient tabulas, et ce que nous entendons aussi spécialement, par le mot tableau, dans des édifices publics, tels que portiques et temples.

Les portiques auxquels on donna, plus d’une fois, le nomade pœcile, à cause de la diversité des ornemens de peinture qu’on y avoit multipliés, dûrent être remplis de tableaux sur bois, s’il est vrai que celui d’Athènes, par exemple, avoit été peint par Polygnote, peintre à l’encaustique, genre de peindre qui ne pouvoit guère avoir lieu sur mur. Beaucoup de villes eurent de ces portiques. Il y en avoit un à Sparte. Dans le bois sacré de l’Altis, à Olympie, on en admiroit un, semblable à celui d’Athènes, et auquel on donnoit le même nom de pœcile. Les lesché furent des édifices du même genre, et celui de Delphes devint le plus célèbre de tous, par les peintures dont Pausanias, lib. 10, nous a laissé une ample description.

Nous ne rapporterons pas ici toutes les mentions de peintures dans les temples des Anciens ; nous nous bornerons au contraire à citer l’exemple d’un seul, qui étoît orné de tableaux réellement portatifs et sur bois (tabulœ), et qui, d’après l’idée que Cicéron, qui l’avoit vu, nous en donne, auroit ressemblé à une galerie de tableaux. Il s’agit du temple de Minerve dans le quartier d’Ortygie à Syracuse, et dont il subsiste encore des restes fort remarquables. (Voyez SYRACUSE.) Ce temple, dit Cicéron, étoit une des plus grandes curiosités de la ville. Nihil Syracusis quod magis visendum putant. Sur les murs intérieurs de la cella étoit représenté en tableaux le combat équestre d’Agathocle. Pugna crat equestris Agathoclis régis in tabulis picta. His autem tabulis interiores templi parietes vestiebantur. Cicéron ajoute que Verrès enleva encore de ce temple vingt-sept tableaux représentant les rois et les tyrans de la Sicile. In quibus erant imagines Siciliœ regum ac tyrannorum.

La peinture en tableaux mobiles s’est trouvée appliquée de même, dans les temps modernes, à des édifices qui, sous d’autres noms, et avec des destinations fort diverses, peuvent être assimilés aux portiques ornés de tableaux chez les Anciens. On peut en effet considérer, sous le même aspect, ce grand nombre de cloîtres en portiques, qui firent la gloire des bâtimens religieux qu’on appellemonastères. L’Italie en compte encore beaucoup que le pinceau des plus habiles maîtres a illustrés, et tel étoit, pour ne pas prendre d’exemple hors de Paris, le cloître des Chartreux, dont les tableauxpeints par Lesueur représentoient la vie du fondateur de cet Ordre. Ces tableaux pouvoient s’appeler, comme ceux des Anciens, ta-


bulœ, puisqu’ils étoient sur bois. Remis depuis sur toile, et placés sans former, comme jadis, une suite, dans le cabinet de tableaux du Luxembourg, ils peuvent encore, outre leurs autres mérites, rappeler l’intérêt qu’une semblable disposition des ouvrages de l’art doit inspirer, quand elle est appropriée au caractère de l’édifice.

C’est pourquoi nous croyons qu’il importe au succès même de la peinture, et à l’effet des tableaux dans nos églises, de les y placer de manière qu’ils entrent dans les combinaisons même de l’architecture et de sa décoration. On a eu, et l’on a encore trop d’exemples de tableaux auxquels le hasard ou le caprice semblent avoir assigné des emplacemens, qui en font ou de véritables hors-d’œuvre, ou des disparates, aux lieux qu’ils occupent. Tantôt ils masquent ou obstruent les pleins ou les vides de l’édifice, sans raison plausible, tantôt dispersés sans ordre ni symétrie, presque toujours ils manquent entr’eux de cette liaison dans leurs sujets, qui motiveroit leur rapprochement.

On pourroit citer aussi quelques exemples de tableaux qu’une disposition primitive de l’architecte ou du décorateur, a appelés à figurer dans un bel emplacement, ou à se servir de pendant ; et c’est là qu’on peut se convaincre de l’intérêt que le local en reçoit, et qu’ils reçoivent eux-mêmes du local : car nous convenons que la chose peut être ici réciproque. Hors les retables des chapelles, qui présentent à volonté des emplacemens que l’architecture suppose aisément être des vides, ou ne sauroit, sans nuire à l’effet de l’architecture, regarder comme indifférente la place qu’occuperont les tableaux. C’est pourquoi nous pensons qu’ils ne sont bien placés dans nos temples qu’autant qu’ils le sont d’après une disposition décorative, qui les mette en rapport, comme ute autre espèce d’ornement, avec l’ensemble et les détails, avec le caractère propre de l’ordonnance générale, et le goût de l’édifice.

TABLEAU DE BAIE. On donne ce nom, dans la baie d’une porte ou d’une fenêtre, à la partie de l’épaisseur du mur qui paroît au dehors, depuis la feuillure, et qui est ordinairement d’équerre avec le parement.

On nomme aussi tableaux, le côté d’un piédroit, ou d’un jambage d’arcade, sons fermeture.

TABLETTE, s. f. C’est un diminutif du mot table, ce dernier mot entendu, non dans l’acception usuelle de l’emploi qu’on fait du meuble ainsi appelé, mais comme signifiant, dans le sens premier du mottabula, une planche de bois.

Ce mot exprima généralement, chez les Romains, tout ce qui, dans l’origine, servit à peindre et à écrire. De là les tables des lois, qui furent probablement en bois, avant d’avoir été faites en pierre ou en bronze. Mais le bois débité en feuilles extrêmement minces, enduites de cire, et dans de petites dimensions, fournit à l’écriture une sorte d’équivalent des peaux préparées, du papyrus et autres matières. Ces feuilles de bois légères et portatives se réunissoient en manière de livre, et là est l’origine du mot tablettes, qui est passé jusque dans le langage moderne, C’est ainsi qu’on dit encore, mettre sur ses tablettes telle notion, tel renseignement.

Mais tablette, au singulier, se dit usuellement de planches en bois, qu’on emploie à toutes sortes d’usages, pour y ranger une multitude d’objets qu’il est sort inutile d énumérer ici. On place des tablettesà plusieurs étages dans les armoires, mais surtout elles servent à former les bibliothèques, et à recevoir des rangées de livres selon la diversité de leur dimension et de leur volume. La bibliothèque, entendue sous ce rapport purement matériel, est un assemblage de tablettes horizontales, rangées avec ordre et symétrie, et espacées entr’elles à de certaines distances pour porter les livres. Elles sont souvent décorées des membres de l’architecture, comme colonnes, pilastres, consoles, corniches, etc.

On a donné aussi, par analogie de forme et d’épaisseur, le nom de tablettes à des dalles de pierre débitée pour couvrir un mur de terrasse, ou le bord d’un réservoir, d’un bassin, etc. On doit observer de faire ces tablettes en pierre dure.

On donne encore le nom de tablette à une banquette. (Voyez BANQUETTE.) On dit :

TABLETTE D’APPUI. C’est une dalle de pierre plus ou moins épaisse, qui couvre l’appui d’une croisée, d’un balcon.

TABLETTE DE CHEMINÉE. C’est quelquefois une simple planche de bois, plus souvent une dalle de pierre ou une tranche de marbre, avec ou san profils, posée sur le chambranle d’une cheminée.

TABLETTE DE JAMBE ÉTRIÈRE. C’est le nom qu’on donne à la dernière pierre qui couronne une jambe étrière, et qui porte quelque moulure en saillie, sous un ou deux poitrails. On la nomme imposte oucoussinet, quand elle reçoit une retombée d’arcade.

TABLINUM. Nom d’une pièce formant l’ensemble de la distribution de la maison romaine. Elle étoit située dans cette partie de l’atrium qui faisoit face à son entrée. Sa position n’est pas indiquée par Vitruve avec une grande précision. Il saut, dit-il, donner au tablinum les deux tiers de la largeur de l’atrium, s’il est de vingt pieds ; s’il est de trente à quarante, on ne lui donnera que la moitié de cette étendue. Si l’atrium a quarante ou cinquante pieds, on divisera cette largeur en cinq parties, et on en donnera deux au tablinum. Comme Vitruve ne fait pas expressément mention


de la longueur ou de la profondeur de cette pièce, mais seulement de sa largeur, par rapport à celle de l’atrium, ou peut croire qu’elle étoit carrée.

On croit que le tablinum étoit la pièce aux archives, où le maître de la maison conservoit ses comptes et ses écrits d’affaires. C’est ce que donnent à entendre Festus et Pline. Cependant, comme il salloit passer par le tablinum pour entrer dans l’intérieur de la maison, et qu’un cabinet d’affaires doit sembler avoir été mal situé en ce lieu, on a cru que cette destination n’avoit existé que dans les plus anciens temps. Lorsque les Romains eurent par la suite agrandi leurs maisons, le cabinet des archives aura été placé illeurs, et la pièce qui ne servoit plus à cet usage, aura continué de porter le nom de tablinum, nom qui lui a voit été donné de tabula, comme ayant été probablement garnie de planches ou remplie d’armoires.

TABULA, is le nom Que les Romains donnoient à that Nous appelons vulgairement Une planche en bois, et ILS appeloient du nom Même la peinture exécutée sur cette planche. Voyez TABLEAU.

TABULATUM. Toujours, el par la suite de la signification de tabula, les Romains désignoient CE par mot les planches, les plafonds, les lambris Qui étoient de menuiserie ; ILS et affectèrent also the same nom aux balcons et des maisons Saillies, Comme being des ouvrages en bois. Vitruve cependant, d’après Une Autre analogie, les Appelle projectiones.

TAILLE, s. f. Se dit de la coupe, de la division ous d’un corps quelconque, lorsqu’on en retranché CERTAINES partis art with et mesure, est pour lui la forme Donner Que l’On veut.

Ainsi la taille D’une pierre se dit de la forme Qu’on Lui donne, according to lieu Qu’on Lui destine. Quant à la science, Qui embrasse beaucoup, plus généralement la méthode d’assortir la forme de each pierre, Dans la construction des édifices, a toutes les configurations des superficies, des Courbes, et des lignes Géométriques qu’exige le dessin de l’architecte, sur la Nomme coupé des pierres. VoyezCOUPE

TAILLER, v. agir. Terme général fort, ne pas sur l’utilisation Dans Toutes Sortes d’arts Ou Procédés mécaniques, et Dans Les opérations de construction de la, pour Exprimer L’Action de couper, d’équarrir, par exemple, Une pierre, Ou Une pièce de bois, suivant les formes et les hit dans analogues à La Qu’elle lieu Doit Occuper.

TAILLEUR DE PIERRE, s. m. Ce est Celui Qui taille, Qui façonné les pierres, après qu’elles en Ontario été tracées par l’appareilleur, suivant les formes et les Mesures de la place à Laquelle sur les destine.

TAILLOIR, s. m. Au mot ABAQUE, synonyme de tailloir, dans la langue de l’architecture, on a déjà traité de cette partie essentielle du chapiteau, et l’on a fait connoître les différentes formes qu’elle reçoit, selon le caractère de chaque ordre de colonnes. Nous avons ainsi indiqué l’origine étymologique du mot abaque, dans son application à l’architecture.

Cette partie du chapiteau n’a pas laissé de recevoir quelques autres dénominations inspirées par la nature de sa forme et de son emploi.

On l’a quelquefois appelée trapèze, mot qui, abrégé de, signifie table à quatre pieds ou table carrée ; et de fait, le tailloir du dorique, par exemple, offre la même configuration que celles d’une table ou d’un plateau quadrangulaire.

Vitruve nomme encore l’abaque du chapiteau toscan, plinthe, mot qui signifie en grec, brique, ou carreau de terre cuite. C’est toujours le même genre d’analogie, la même sorte d’emprunt fait à des corps, semblables pour la forme au plateau qui couronne les chapiteaux.

On ne sauroit guère tirer d’une pareille source la formation du mot tailloir, qui noua paroît n’avoir d’autre étymologie que le mot taille, tailler, et par conséquent ne signifier rien autre chose que morceau simplement taillé. Voyez ABAQUE.

TALC, s. m. Sorte de pierre composée de feuilles minces, luisantes et transparentes. Sa substance est tendre, onctueuse, douce au toucher. On en compte plusieurs espèces.

Celle que l’on emploie à beaucoup d’objets d’ornement, surtout dans l’architecture, se trouve dans les carrières à plaire. C’est une sorte de gypse qui produit un plâtre extrêmement fin, blanc et d’une qualité supérieure. On l’emploie à faire ce qu’on appelle des ouves en stuc, et aussi à couler des figures dans les moules, Voyez GYPSE.

TALON, s. m. Du latin talus, est, dans, l’architecture, le nom d’une moulure concave par sa partie inférieure et convexe par la supérieure.

Le mot latin talus signifie la partie postérieure du pied, que nous appelons talon ; il signifie aussi dé à jouer, parce qu’on usoit à cet effet d’osselets, Petits os, soit naturels, soit imités, qui font partie ducalcaneum ou métatarse.

On peut présumer que c’est de la ressemblance avec I un ou l’autre de ces objets, que l’architecture aura emprunté le nom de talon, pour désigner la moulure dont il s’agit ici. Elle est dans le système des profils, le contraire de la doucine. On l’appelle talon renversé, par opposition au talon droit, tel qu’on l’a défini, lorsque la partie


concave est en haut, et que la convexe est en bas. Voyez CIMAISE et CIMAISE LESBIENNE.

On appelle talon, nue espèce d’ébauchoir dont les sculpteurs se servent pour les ouvrages en stuc. Il s’en fait de toutes les grandeurs.

Talon est encore un terme de serrurerie. C’est une petite éminence en saillie que l’on pratique à l’extrémité d’un pêne, au dedans d’une serrure, pour l’arrêter contre le cramponet, ou à l’extrémité d’un tirant, pour l’encastrer dans la pièce de bois où il est fixé.

Talut, s. m. Sur Exprime CE par mot l’inclinaison sensible, ou La pente Qu’on Donne à certains ouvrages de construction, Comme aux pyramides, ous à des travaux de maçonnerie, Ou de terrasse, comme dans un les épaulemens de terrain, Dans des fortifications des OÜ murailles de villes de guerre.

Sur ne pas confondre CE de DoIt terme with Celui de glacis, Dont la pente douce, plus HNE.

TALUTER, v. agir. Ce est de l’ONU Talut, donner du Talut à mur de l’ONU, à l’élévation D’une terrasse, Mettre Une Ligne ous surface de juin en Talut.

TAMBOUR, s. m. Chacun connoît la forme la plus ordinaire de cet instrument de percussion qu’on appelle ainsi. Nous entendons parler, entre beaucoup d’autres formes données à cet instrument, de celle qui est usitée dans le militaire. C’est à celte sorte de tambour, que l’architecture a emprunté la dénomination qu’on donne à ces tronçons ou assises circulaires de pierre, dont on forme les fûts des colonnes, lorsqu’elles ne peuvent être faites d’un seul bloc, ou que l’on est obligé de se régler, pour les tailler, sur la hauteur du lit des carrières. A Paris surtout, où les lits des carrières ont peu d’épaisseur, les assises des colonnes moyennes surtout, lorsqu’on les travaille sur le chantier, ressemblent réellement en diamètre et en élévation, à la mesure ordinaire du tambour militaire.

On a de même et en vertu de la même analogie, donné le nom de tambour à chacune des pierres pleines ou percées, dont est composé le noyau d’un escalier à vis.

On donne encore le nom de tambour à cette partie du chapiteau corinthien orné de feuillage et de volutes, qu’on appelle aussi vase, cloche ou campane. Voyez CAMPANE.

Tambour se dit aussi d’une enceinte formée de lambris au-devant d’une porte. Voyez PORCHE A TAMBOUR.

TAMPON, s. m. Est juin Espèce de cheville de bois Dont sur remplit non trou percé Dans la Pierre ou le marbre, AFIN de Pouvoir y placer juin patte Ou Autre ferrure à pointe.

Ce est aussi un morceau de bois, Avec Lequel les menuisiers et les charpentiers bouchent les trous des pièces de bois et des planches, principalement celles du bois de sapin. On en a rencontré also groupe dans les Côtes des poteaux de cloison, et des solives De planchers, pour Retenir les entrevoux.

Tamponner, v. agir. Mettre tampon des Nations Unies, boucher trou non with tampon des Nations Unies.

TANNERIE, s. f. Grands Bâtiment en Manière d’usine, with Cours et hangars, ou L’façonné sur le cuir pour le tanneur et le durcir.

TAPIS, s. m. Ce mot vient du mot grec et latin tapes, tapetis, qui signifia ce que nous lui faisons aussi signifier, un ouvrage fait au métier, ou à l’aiguille, en laine, en soie, ou en fil, qui sert à différens usages.

Le mot tapis a fait en français le mot tapisserie, qui exprime et l’art d’exécuter ces sortes d’ouvrages, et aussi l’espèce de ces mêmes ouvrages, qu’on distingue par l’idée du tenture. (Voyez TAPISSERIE.) Le tapis est dans nos usages l’équivalent de peristroma en grec, formé du verbe peristronnumi, qui veut dire étendre par terre tout autour. Nous verrons que l’équivalent du mot et de l’idée de tapisserie, en français, est le mot parapetasma, qui signifie en grec, d’après sa composition, para et petao, ce qui couvre, ce qui s’étend, ce qui se déploie.

Les tapis sont donc dans nos usages des objets d’utilité et de luxe.

Sous le rapport d’utilité, on les fait en toutes sortes do formes et de dimensions, pour mettre sous les pieds, sous les tables, sur les marches des escaliers. On en fait de mobiles, qu’on transporte à volonté d’un lieu dans un autre. On en fait d’un tissu ou d’un travail plus ou moins commun. Mais la luxe s’est aussi emparé de ce besoin, et l’art du dessinateur s’est plu à étendre sur les planchers, pour être foulées aux pieds, des compositions qui sembleroient ne devoir figurer que pour les tentures des murailles.

Le goût toutefois devroit conseiller aux artistes, qui inventent les sujets d’ornement, et les compositions décoratives des tapis de pied, de n’y adapter que des dessins, qui ne soient pieds trop en opposition, avec la réalité de la destination des étoffes sur lesquelles on les exécute. A cet égard, on doit le dire, la manie de la variété a envahi aussi ce genre de décoration. On n’a mis quelquefois aucune différence entre les tapis et les tapisseries. Nous ne voulons point parler de l’espèce d’inconvenance que présente quelquefois l’emploi d’anciennes tapisseries chargées de figures ou de sujets historiques, que leur vétusté, ou d’autres causes étrangères au goût, ont condamnées à l’état de tapis de pied. Tout au plus ne citerions-nous cette sorte d’emploi que comme un exemple propre à faire mieux sentir, ce qu’a de déplacé l’emploi de certains genres de décorations pittoresques aux tapis.


Il est, à cet égard, nu point de vue, dans lequel le jugement du goût semble s’accorder sort naturellement, avec celui que fait naître l’impression de ces objets sur les yeux. Ce point de vue est celui de la position du tapis. Autres doivent être des composions destinées à orner les planchers sur lesquels on marche. Autres celles qui, placées verticalement, forment comme des tableaux le revêtement des murs.

Cette seule considération devroit porter le décorateur en tapis, a puiser l’esprit des ornemens qu’il y applique, dans une espèce d’imitation, par exemple des parterres, des compartimens qui en font le charme, ou bien dans une ressemblance plus ou moins positive, des pavemens de mare, ou en assemblages d’autres matières, que l’art de la marqueterie met en œuvre.

Sans prétendre presser ici cette théorie, avec plus de rigueur qu’elle n’en comporte, il nous semble qu’on pourroit donner pour modèle à l’art de décorer les tapis, celui que les Anciens ont affecté au goût de composition décorative de leurs mosaïques, qui, destinées à revêtir les planchers, et le sol de leurs intérieurs, y jouoient à peu près le même rôle que les tapis dans nos appartemens, et autres lieux où ils peuvent trouver place. C’est là qu’on peut observer combien les légèretés de l’ornement, cette partie, d’où l’arabesque tira ses plus agréables ressources, sont convenablement applicables aux distributions de compartimens que réclament les tapis de pied. Ce n’est pas qu’il ne se trouve des mosaïques antiques ornées de figures, mais ces figures sont sort loin de prétendre à être, en grand surtout, des tableaux. Elles sont ordinairement renfermées dans les espaces symétriques de quelques compartimens, et elles y sont plutôt des ornemens symboliques, sans aucune liaison d’action entr’elles, que de véritables compositions.

L’artiste qui exécuta l’un des plus célèbres pavés en mosaïque de l’antiquité, celui de la salle de festin nommée Aste, ou non balayée, à Pergame, avoit pris le motif de sa composition, de l’idée même d’un plancher au naturel, ou effectif, en sorte qu’on n’y voyoit d’autre imitation, que celle des objets mêmes, débris du festin, ou restes de ce que les convives auroient ou jeté, ou laissé tomber à terre.

Si l’on n’est pas tenu de porter jusque-là, dans l’ornement du plancher d’un local, l’imitation des choses qu’on peut y rencontrer, ou que le hasard y pourroit amener, au moins convient-il de ne pas y faire figure de ces compositions d’objets, et de formes tout-à-fait hors de mesure, soit avec la destination du lieu, soit avec l’emploi d’un tapis. La nature des choses, lorsqu’on l’interroge, assigne assez clairement, par cet emploi seul, ce qui convient ou disconvient en ce genre. Ainsi toute superficie, sur laquelle on doit marcher, indique assez au dessinateur un choix de formes, qui n’offre aucuns détails capables, tout simulés qu’ils soient, de contrarier la vue, et l’action de marcher, soit par des angles multipliés, soit par des aspérités fictives, C’est l’effet qui recuite dans Certains tapis, comme dans quelques pavemens en marbre, des contrastes trop sensibles de morceaux découpés, et qui tranchent entr’eux par des couleurs trop opposées.

Nous croyons qu’il doit suffire ici, d’avoir indiqué certains principes de goût qui fassent éviter les bizarreries, auxquelles la manie de la variété et de la nouveauté expose, lorsqu’on y applique, sans règle et sans choix, tout ce que l’imagination peut se permettre, dans le champ indéfini de l’ornement.

Il arrive assez souvent que les tapis sont considéres comme de simples objets de luxe, de richesse, ou de convenance, sans aucun égard aux sujets qui y sont représentés. Ainsi l’usage admet de ces riches étosses dans les sanctuaires des églises, en avant des autels. Or, tout le monde sent le ridicule, pour ne rien dire de plus, qu’il y auroit à voir représentés sur ces tapis des symboles profanes, et des ornemens discordans avec le local qu’ils occupent, C’est dire assez que dans le cas où l’on exécute, pour une semblable destination, les tapis qui doivent orner le lieu saint, le dessinateur doit leur approprier, avec un goût sévère d’ornement, des figures et des détails d’objets analogues à ce qui les environne.

Terminons cet article en disant que les tapis servent encore, dans l’ameublement des appartement, à couvrir les tables, les bureaux sur lesquels on écrit, et autour desquels on se rassemble pour la discussion des affaires. De là cette locution ordinaire, mettre une affaire sur le tapis.

TAPIS. (Jardinage.) L’art d’embellir les jardins a emprunté à celui d’orner les intérieurs, le mot tapis. Si en effet, comme on l’a dit, le tapis d’ameublement a souvent dérobé aux ornemens des parterres en verdure, plus d’un motif de dessin ou de composition, une ressemblance de goût et d’effet devoit suggérer l’application de l’idée de tapis à ces grandes surfaces qu’on destine dans les jardins à être plantées en gazon.

Ainsi appelle-t-on tapis de gazon, tapis de verdure, tout grand espace formant pelouse, qui est plein et sans découpure, et qu’on garnit d’une herbe très-fine. On en pratique ainsi dans les cours ou avant-cours des maisons de campagne, dans les bosquets, dans les boulingrins, dans le milieu des avenues et des grandes allées.

TAPISSERIE, s. f. On a déjà indiqué, à l’article précédent, la différence que l’usage met, en français, entre l’emploi du mot tapis, et celui du mot tapisserie, Bien qu’on puisse dire qu’un tapis est de la tapisserie, et que la tapisserie puisse être un tapis, cependant ce dernier mot a reçu deux si-


gnifications particulières. On l’emploie à signifier ces grands ouvrages, qui, de quelque manière qu’ils aient été fabriqués, servent spécialement à l’ornement et à la tenture des murs, et de quelques autres parties encore, mais qui doivent presque toujours être placés verticalement, et non horizontalement, comme les tapis. On emploie encore ce mot à signifier l’art en lui-même, ou les procédés dont on use pour la fabrication de ce genre d’ouvrage.

Ainsi on dit une tapisserie, en parlant de l’œuvre ; on dit la tapisserie en parlant de l’art d’en faire, et de la même manière qu’on dit une peinture, pour un œuvre de l’art de peindre, et la peinture pour l’art qui crée de semblables œuvres.

La tapisserie, considérée comme l’art d’exécuter les tentures, auxquelles on donne le même nom, ne sauroit être du ressort d’un Dictionnaire, où nous ne devons nous occuper de semblables objets, que sous le point de vue de décoration, et des rapports qui en sont entrer les ouvrages dans les bâtimens et les embellissemens de l’architecture.

Nous nous contenterons donc de dire, quant à cet art, qu’il est très-antique, et qu’on en découvre les traces dans les plus anciennes notions historiques. Denx procédés divers ont toujours fait distinguer ses travaux. Celui qui, sans doute, précéda l’autre, puisqu’il est le plus simple, fut le travail à l’aiguille. Une multitude de passages des écrivains de l’antiquité nous font voir ce genre d’ouvrages, comme étant l’occupation des femmes. Il saut en effet regarder comme de véritables tapisseries, ces étosses brodées, dont les poëtes nous ont laissé des descriptions, qui prouvent qu’on y exécutoit toutes sortes de figures, de scènes, de compositions formées de personnages, et jouant ainsi l’apparence de la peinture. Les poëtes, tout en ajoutant le charme de ta fiction aux objets dont ils parent leurs récits, n’en constatent pas moins l’existence et la réalité des usages qu’ils embellissent. Ainsi on peut conclure des sujets brodés par le poëte sur la ehlamyde de Jason, non que ces sujets y étoient, mais que l’usage étoit de broder les vêtemens. On ne croira certainement, ni à la réalité des sujets de composition brodés sur la draperie du lit nuptial de Thétis et Pélée, ni même à l’existence de ces deux époux, mais on sera fort en droit d’inférer de l’épisode poétique de Stace, que l’on faisoit, de son temps, des étoffes tissées et brodées en tapisseries, pour étendre sur les lits.

Il est historiquement certain que tous les ans, un certain nombre de jeunes filles athéniennes, travailloient et ornoient de broderies le peplos, qu’on promenoit dans la fête des Panathénées, avant de le consacrer à la Minerve Poliade. Or, ce peplos, tel qu’il nous est décrit, étoit une véritable tapisserie où l’on représentoit, sans doute à l’aiguille, les exploits de la Déesse. Un distique de Martial nous donne à penser, que l’art de la tapisserie avoit long-temps été partiqué dans l’Orient, avec le secours de l’aiguille, mais qu’enfin les Egyptiens firent tomber cette industrie, en y substituant le travail du métier.

Hac tibi Memphitis tellus dat munera : victa est
Pectine niliaco jam Babylonis acus.

Il est donc constant que l’art de la tapisserie fut pratiqua aussi ; au métier dans l’antiquité, et il n’est point de notre sujet d’entreprendre de déterminer l’époque de ne changement de procédé. Ce qui nous est plus clairement démontré, c’est que lei Grecs, au temps de Péricles, connoissoient les tapisseries de l’Orient, el qu’ils en ornaient leurs théâtres.

Il n’y a rien de plus décisif sur ce point, que les vers ou Aristophane, dans sa comédie des Grenouilles, vers 938, fait dire à Euripide, qu’il n’avoit produit, à l’exemple d’Eschite, sur la scène, ni chevaux ailés, ni capricerfs, tels qu’en représentent les tapisseries de Perse, παραπετασμασιν μηδοχοις. On sait assez que c’est de ce pays que passèrent en Grèce et à Rome ces caprices nombreux, qui furent du domaine de l’ornement et de l’arabesque. Or, le travail de la tapisserie dut se les approprier d’autant plus naturellement, qu’on la regarda comme destinée avant tout au plaisir des yeux.

Nous ne saurions douter que beaucoup de ces ouvrages n’aient eu, chez les Grecs et les Romains, les mêmes emplois que dans les temps modernes Si nous n’avons pas la preuve qu’on les fit servir de tentures ou d’ornemens aux murs, dans les intérieurs, soit des palais, soit des monumens publics, nous tenons de plus d’un passade des écrivains, que de véritables tapisseries, selon la signification du mot parapetasma (voyez l’article TAPIS), ornoient les sanctuaires des temples, et en cachaient à volonté la vue, ainsi que celle des simulacres qui y étoient renfermés. Tel étoit dans le temple des Hébreux, ce que nous appe lons le voile, qui, placé et tendu devant l’arche, déroboit la vue du saint des saints. Tel étoit l’objet de ce peplos dont on a déjà parlé, qu’on ossroit aux divinités et qu’on renouveloit â certaiues époques. Sans aucun doute on pouvoit en faire qui servissent d’habillement à certaines idoles antiques. Mais quand on sait ce qu’étoit ce qu’on appeloit palladium, et à quoi se réduisoit, dans le temple de Minerve Poliade, à Athènes, l’idole à laquelle on consacroit le peplos d’une très-grande dimension dont on a déjà parlé, il est difficile de lui supposer d’autre emploi, que celui d’être étendu comme un grand rideau, en avant du sanctuaire où résdoit la petite idole de ce temple.

Mais l’emploi dont nous parlons ne laisse plus aucun doute, quand on lit dans Pausanias, que le roi d’Antiochus avoit fait au temple de Jupiter


à Olympie, l’offrande d’un riche parapetasma de pourpre brodé en or, lequel s’étendoit en avant du simulacte de la Divinité. On ne sauroit douter de la nature de sou emploi, et nous avons résuté ailleurs la conjecture de Stuart qui imagina de le faire servir dans l’intérieur du temple, qu’il supposoit entièrement découvert, à préserver, par sa position horizontale, la statue des intempéries des saisons. Cela contredirait sans aucune autorité toutes les notions en ce genre. Les Egyptiens suspendoient de ces voiles devant les avenues de leurs temples. La mosaïque de l’Palestrine, tableau abrégé de l Egypte, nous en fait voir un qui ne laisse aucun doute sur son usage, sa forme et il position. Il ressemble à une voilé de vaisseau, et il est hissé perpendiculairement. Du reste, Pausanias a pris soin de lever tout doute à cet égard ; car en parlant du parapetasma du temple d’Olympie, il nous apprend qu’il s’abaissoit jusqu’à terre, au contraire du temple d’Ephèse, où, pour découvrir le sanctuaire, il se relevoit jusqu’au plafond. On est encore autorisé à croire que dans beaucoup de cas, les Anciens usèrent des tapisseries, comme cela se pratique aujourd’hui dans l’Orient, en guise de portes, et de la manière dont nous les employons sous le nom de portières.

Nous ne prétendons donner dans cet article qu’une très-légère esquisse des notions historiques de l’art de la tapisserie, et encore sous le rapport qui l’unit à l’art de bâtir, ou à la décoration des édifices. C’est pourquoi nous ne rechercherons point les traces de l’existence et de l’état, soit des procédés, soit du goût des tapis et des tapisseries, pendant la période du moyen âge. Si l’on consulte la destinée de tous les arts, pendant cette longue nuit, et à l’époque où un nouveau jour vint les éclairer, on se persuade qu’ils parcoururent dans leur renaissance, à peu prés les mêmes routes, qu’à leur origine, dans les siècles auliques dont nous connossons l’histoire.

Ainsi l’art de la tapisserie nous paroît avoir recommencé pour les temps modernes, comme autrefois, par le travail plus ou moins grossier de l’aiguille. Ou en pourroit citer comme preuve et comme exemple, la célèbre tapisseriequ’on appelle de la reine Mathilde, ouvrage qui nous présente l’enfance de l’art de broder des figures sur toile. Si l’on en juge par un sort grand nombre de très-vieillestapisseries, où sont exécutées au métier des scènes fort étendues de personnages, de vues champêtres, de perspectives et autres objets semblables, il sembleroit que de sort bonne heure, et dès les premiers temps de la renaissance, on auroit employé la tapisserie à reproduire les tableaux d’histoire, et tous les sujets qui sont du ressort de la peinture. Or, il ne nous est pas démontré que les peuples de l’antiquité’ aient ainsi converti en véritables tableaux leurs tapisseries proprement dites. Non qu’on veuille nier qu’ils y aient représenté des figures humaines. Ce que nous avons rapporte au mot RIDEAU (voyez ce mot), de ces toiles (aulœa), qui dans les théâtres se levoient insensiblement comme sortant de terre, nous prouve qu’elles étaient ornées de figures ; mais rien ne nous dit si ces toiles étoient (issues comme nos tapisseries, si elles étoient brodées, ou seulement peintes. Au contraire, il nons paroît que sort anciennement, chez les peuples modernes, l’art des tissus dont on parle, se partagea en deux genres d’ouvrages, celui des tapis comprenant toutes sortes de compositions, mais bornées à ce qu’on appelle ornement, et celui des tapisseries de tenture, ambitionant la plus parfaite ressemblance avec les tableaux historiques.

Il fut dès-lors très-naturel, que les progrès de cet art dépendissent de ceux de l’art de peindre, puisque nécessairement, la tapisserie du genre dont On parle, ne peut être attire chose, que la copie d’une composition, ouvrage du pinceau. Aussi voyons-nous que l’époque du commencement du seizième siècle, c’est-à-dire de Michel Ange, Raphael et Titien, fut celle où la fabrication de la tapisserie en Flandre, prit son développement. Il v voit alors dans ce pays de très-célèbres manufactures, où les procédés de Cette industrie étoient portés au point de pouvoir reproduire, avec une grande exactitude, tous. us les effets de la peinture. Léon X forma alors le projet d’orner les murs d’un certain nombre de salles du Vatican, avec des tapisseries, dont Raphael feroit les modelés en cartons coloriés. Ou dut à cette grande et dispendieuse entreprise, les plus belles compositions, du prince de la peinture. Quoique sous certains rapports, surtout ceux du brillant et de l’harmonie des teintes, | l’art de la tapisserieait reçu depuis en France, et à la manufacture royale des Gobelins, un accroissement d’illusion qui la fait rivaliser avec celle du pinceau, toutefois on doit dire que les inventions de Raphael surent très-heureusement rendues, et que peut-être dans aucun autre temps, son style et le caractère de son dessin n’auroient trouvé un mode de traduction plus fidèle.

Les tapisseries dont on vient de parler, avoient été comme on l’a dit, destinées par le pape Léon X à l’ameublement de quelques chambres du Vatican. C’étoit encore l’usage alors de tapisser ainsi les appartemens. C’est que les palais et les châteaux de ce temps, se composoient de trèsgrandes salles, propres par conséquent à recevoir des tentures d’une étendue proportionnée. La tapisserie, dans le fait, par la nature et de sa matière et de son travail, indépendamment de la division qu’exigent les sujets historiques, a besoin d’être vue a quelque distance. Le succès des fabriques de Flandre porta Louis XIV à propager en France ce genre de goût et d’industrie, et il établit lu célèbre manufacture des Gobelins, où cet art, à ne parler que de la perfection mécanique, s’est vu porté ! au plus haut point qu’il puisse


atteindre. Le dix-septième sîècle avoit conservé l’usage des grands intérieurs, et le luxe des tapisseries s’y trouva encore conforme. Bientôt tout se rapetissa, jusque dans les habitations des grands et des riches. L’ameublement et le goût de décoration des appartemens, furent obligés de se restreindre à la mesure que l’architecture leur prescrivoit. Les tapisseries en figures furent remplacées par des étoffes de soie, par des boiseries dorées, par des caprices d’ornemens arabesques plus ou moins insignifians, et enfin par l’usage même des papiers de tenture substitués, avec beaucoup d’économie, à tous les genres d’embellissemens des temps anciens.

Les anciennes tapisseries bannies des appartemens, ne trouvèrent de refuge que dans les décorations accessoires et temporaires des églises, des fêtes politiques ou religieuses, où, comme il a été déjà dit, on ne les considère que sous le rapport d’une étoffe, dont le prix continue de s’attacher à son apparence, mais sans égard aux sujets qui s’y trouvent représentés.

Cependant la manufacture royale des Gobelins, toujours entretenue par la munificence royale, ne laisse pas de produire encore des copies de tableaux, et de le disputer par la vivacité des coleurs aux effets de la peinture. Ces ouvrages, aujourd’hui plus curieux qu’utiles, n’entrent plus dans les besoins de la société, et leur grande dépense, trop au-dessus des fortunes ordinaires, en auroit annulé la fabrication, si le Gouvernement ne les eût destinées à servir de présens aux cours étrangères.

Un autre établissement du même genre, à Paris, connu sons le nom de la Savonnerie, et soutenu aussi par le Gouvernement, se borne à fabriquer des tapis, qui nonobstant le luxe d’ornemens qu’on y étale, et peut-être par ce luxe-là même, ne laissent pas que d’avoir beaucoup de débit dans les appartemens, à la décoration desquels ils contribuent sort agréablement.

TAQUETS, pl s. f. . Sur Donne CE nom à de petits piquets Qu’on enfonce en terre Jusqu’a Leur tête, pour les faire Servir de repaires à alignement des Nations Unies, ous pour Leur faire indiquer la hauteur des déblais et remblais, DANS LES ouvrages de terrasse.

Sur Encore Appelle taquets, de petits morceaux de bois Tailles et échancrés en équerre, Qu’on attache sur les Montans d’encognure D’une armoire, pour Soutenir les tasseaux des tablettes.

TARGE, s. m. (Jardinage.) Ce est dans les parterres de buis en compartimens, le nom Qu’on Donne à l’ONU ornement Qui a la forme d’un croissant non arrondi par les Extrêmités.

TARGETTE, s. f. Platine de métal, impor- Un petit verrou plat, portable dans deux petits crampons, dont on se sert pour fermer des guichets, des volets de fenêtres, d’armoires, etc. , sur Lesquels sur les attache Avec des clous ous des vis. Il y en a en panache, il y eu un d’ovales, carrées et de d’Autres formes.

Tarière, s. f. Outil de fer, en forme cylindrique, de differentes grosseurs et Espèces, ne pas juin Extrémité aplatie d’équerre passe à Travers un morceau de bois Qui SERT à le mouvoir, et DONT L’Autre Extrémité is tournée en vis tranchante, ous Faite en forme de cuiller, Dont les bords are tranchans. IL SERT Aux Charpentiers ET aux charrons.

TAS, s. m. Dans son acception vulgaire, ce mot signifie un amas de plusieurs choses, ou une quantité quelconque des mêmes objets mis ensemble en un monceau. On dit ainsi un tas de pierres, un tas de plâtras.

Tas, dans le langage de la construction, se dit de la masse du bâtiment même qu’on élève. Ainsi dit-on retailler une pierre sur le tas, avant de l’assurer à demeure.

On appelle tas de charge, une saillie formée par plusieurs assises de pierre, posées les unes sur les autres, et qu’on nomme aussi encorbellement. Telssont les coussinets à branches d’où sortent, dans l’architecture gothique, et prennent naissance les ogives, formerets, arcs doubleaux. Tels sont les parapets des anciennes tours, auxquelles on pratiquoit des créneaux.

On appelle tas droit une rangée de pavés, sur le haut d’une chaussée, d’après laquelle s’étendent les ailes en pente, à droite et à gauche, jusqu’aux ruisseaux d’une large rue, ou jusqu’aux bordures de pierre rustique d’un grand chemin pavé.

TASSEAU, s. m. Se dit, dans la maçonnerie, des petits fragmens de mœllons, maçonnés en plâtre pour faire le scellement des sapines ou escoperches, afin de tendre sûrement des lignes pour planter un bâtiment.

Tasseau est, en charpenterie, un morceau de bois, ayant un tenon passé dans un arbalestrier, qui sert avec, la chantignole à soutenir les pannes d’un comble.

Tasseau est dans la menuiserie, une petite tringle de bois attachée avec des clous, ou portée par des taquets, ou de toute autre manière, pour soutenir les tablettes d’une armoire, d’une bibliothèque, etc

TASSER, v. act. Ce verbe exprime l’effet de la pression des matériaux dans un bâtiment, effet qui, a lieu également partout, lorsqu’on y a employé, surtout en le fondant sur un terrain égal et de même nature, les mêmes matières et la même dose do mortier. Cet effet lieu inégalement lorsque des diversités de matériaux présentent à la


charge des parties sur-imposées, une inégalité de résistance, dans les inférieures, ou lorsque l’on élève sur une partie de construction, des masses beaucoup plus lourdes que dans une autre. Il importe qu’une bâtisse d’une grande étendue soit élevée de front et tout ensemble, pour que le tassement ait lieu simultanément partout. Il suffit quelquefois d’un tassement inégal, pour opérer la ruine d’un édifice, et y produire, surtout dans les voûtes, des désunions, auxqles il est difficile de remédier après coup. C’est particulièrement au sol qui sert d’assiette, qu’on doit porter la plus grande attention, afin d’obtenir une égale puissance de résistance à la charge qu’on lui imposera. Ainsi une des tours que Bernin avoit élevée au portail de Saint-Pierre, se trouva fondée sur un sol jadis remué et sujet à des filtrations d’eau. Il se fit à l’édifice un tassement si inégal, qu’on fut obligé de détruire cette construction.

Tate Ou TATONNÉ. Se dit d Dans beaucoup ouvrages, Mais redingote Dans Ceux du dessin, d’Un trait incertain, OU D’UN travail Dans Lequel l’artiste un fait voir Qu’il n’étoit Sûr ni de Ce qu’il vouloit faire, ni de La Manière Dont il vouloit opérer.

TATTI (JACOBO dit SANSOVKNO), né en 1479, mort en 1570.

Tattifut le nom patronimique de ce célèbre artiste qui n’est guère connu. et que nous ne serons également connoître ici, que sous le surnom qu’on lui donna, pour avoir été l’élève d’un très-habile sculpteur, André Contucci, appelé Sansovino, parce qu’il étoit né sur la montagne de ce nom.

Jacques Tutti, dit Sansovino, vit le jour à Florence en 1479. Dès ses premières années il montra un goût décidé pour les arts du dessin, mais surtout une rare aptitude aux travaux de relief. Son père, empressé de seconder ces heureuses dispositions, le proposa pour élève à André Contucci (du mont Sansovino), qui l’accepta d’abord avec plaisir, et se fit ensuite un honneur de cultiver par des soins assidus, un talent dont il prévoyoit que les succès feroient rejaillir de la gloire sur lui-même. De là naquit entre l’élève et le maître, un attachement du genre de celui que la nature forme entre le père ut le fils, et ce fut précisément ce sentiment, devenu alors public, que l’opinion se plut à consacrer, en substituant au nom de la famille de Jacques, le surnom de de son maître.

Aux exemples et aux bonnes leçons de ce maître, le jeune Sansovino eut le bonheur de joindre un genre d’encouragement, qui ne se rencontre pas souvent dans les élèves, chez qui l’émulation produit quelquefois moins de rivaux que des envieux.

Une ardeur commune, un même zèle conduit par un même goût, quoique dans deux arts distérens, avoient uni de bonne heure, par une étroite amitié, André del Sarto et Sansovino. Naturellement il se fit entr’eux un utile échange de talens. L’étude du dessin, à laquelle ils se livrèrent de concert, mit dans leurs productions une telle conformité de manière, que leurs ouvrages, à la différence près de la matière, sembloient être d’une seule main. Au nombre de ceux qui dessinèrent d’après le célèbre carton de Michel Ange, nous trouvons cités conjointement, André del. Sarto et Sansovino.

On seroit du ce dernier une seconde histoire, aussi intéressante, aussi nombreuse en ouvrages remarquables, si l’on avoit à l’envisager, comme sculpteur du premier ordre qu’il sut, avant que l’architecture, qui d’abord le partagea, se fût tout-à-fait emparée de lui. La seule nomenclature de ses travaux de sculpture est si étendue, que nous serions aussi en peine d’en donner ici la totalité, qu’embarrasses de choisir ceux qui mériteroient une préférence. C’est pourquoi nous renvoyons à Ja vie de cet artiste par Vasari, et surtout par Temanza, ceux qui voudront le connoître sous les deux rapports de sculpture et d’architecture.

Nous avons en plus d’une occasion de remarquer, que cette communauté pratique de travaux, qui régna si long-temps entre tous les arts, eut son principe dans l’exercice du dessin, école première, et véritablement indispensable de toutes les opérations, qui ont pour objet l’imitation. La grande pratique du dessin qui avoit tant contribué aux progrès de Sansovino, comme sculpteur, avoit dû lui communiquer aussi le goût, et l’initier aux secrets de l’architecture.

Ce goût ne put qu’augmenter, par la liaison que le hasard fit naître, entre lui, et Julien de San Gallo, architecte de Jules II, qui se trouvoit alors à Florence, et qui l’emmena avec lui à Rome, où Bramante, dont il devint l’ami, lui donna de nombreuses occasions de connoître et d’étudier l’antique, et de se livrer à des travaux de tout genre. L’excès du travail, joint à l’excès du plaisir, lui occasionna une maladie, qui le força de regagner Florence, où l’air natal lui rendit bentôt la santé.

L’entrée du pape Léon X dans celte ville, en 15l5, devint pour les artistes, le sujet d’une multitude de travaux de décoration, auxquels tous les arts s’empressèrent de contribuer. Sansovino dut à cet événement, de débuter dans la carrière de l’architecture. Il fut chargé de faire des dessins d’arcs triomphaux, mais il se distingua surtout par une entreprise décorative plus importante, qu’il partagea avec André del Sarto, je veux dire la façade temporaire de Sainte-Marie-des-Fleurs, qu’on exécuta en bois. L’idée en fut grande, et bien conçue. Sur un vaste soubassement, il éleva plusieurs rangs de colonnes corinthiennes deux par deux. Les intervalles étoient occupés par des niches avec les statues des Apôtres. L’ensemble présentoit un grand nombre de


bas-reliefs, avec tous les ornemens ou détails d’architecture, et disposés aveu le goût et la richesse, qu’un habile architecte sait appliquer aux plus magnifiques édifices. Le Pape ne put s’empêcher dé dire, que si le monument eût dû être sait en marbre, il n’y auroit eu rien à y changer. Sansovino exerça de nouveau son talent, dans un autre projet de façade, pour l’église de Saint-Laurent, que Léon X avoit a cœur de voir exécuté. Mais il eut ici Michel Ange pour concurrent, et Michel Ange avoit la faveur du Pape. Les deux rivaux se retrouvèrent à Rome. Le projet de façade, comme on sait, n’eut point lieu. Michel Ange perdoit son temps, en cherchant à exploiter des marbres, et Sansovino se fixa pendant quelques années à Rome, où il fit plusieurs statues et se fortifia dans l’architecture, par des travaux qui commencèrent sa réputation.

De ce nombre furent les dessins et modèles de l’église de Saint-Marcel, des frères Servites. L’ouvrage entrepris n’eut pas de suite.

Citons encore pour être des premiers essais de son talent, la belle loggia, qu’il fit hors de la Porta del popolo, sur la voie Flaminienne, pour Marc Cascia ; les commencemens de construction de la villa du cardinal dé Monté, sur l’acqua Vergine ; une maison d’une heureuse distribution, pour Messer Luigi Leoni, et à Rome, dans la rue dé Banchi, un palais pour la famille de Goddi, aussi noble, que bien disposé dans son intérieur.

Les diverses nations catholiques avoient déjà construit à Rome, ou étoient en train d’y construire des églises nationales. La nation florentine avoit formé le projet, non-seulement de rivaliser avec les autres puissances, mais de les surpasser en magnificence.

On se doute bien que Léon X, Florentin lui même, ne pouvait que seconder cette pieuse entreprise. Les plus célèbres de cette époque, entr’autres Antoine San Gallo, Raphael, Balthazar Peruzzi, présentèrent des projets. Le Pape préféra celui de Sansovino, qui mit bientôt la main à l’œuvre.

Borné par l’alignement de la strada Giulia, sur laquelle le monument devoit s’élever, et par le Tibre qui coule sort près de l’espace affecté à l’église, Sansovino, pour lui donner plus d’étendue, imagina d’empiéter sur le fleuve, et de fonder une partie de sa construction dans l’eau, surcroît en même temps de travail et de dépense, et surtout de difficulté. Selon Vasari, les frais de ces fondations auraient payé la moitié de la construction des murs de l’église. Il paroît que Sansovino s’étoit engagé là, dans un projet dont il avoit mal prévu les obstacles. Une chute qu’il fit, en surveillant les travaux, vint, à ce que l’on croit, sort à propos le tirer d’embarras. Le soin de sa santé lui prescrivit encore une sois de retourner à Florence, et Antoine San Gallo, qui le suppléa dans la continuation de l’entreprise, eut l’honneur de triompher de toutes ses difficulté ; mais de nouveaux contre-temps vinrent suspendre son exécution. Ce fut d’abord la mort de Léon X, ce lui ensuite le pontificat d’Adrien VI, et enfin le sac de Rome, sous Clément VII.

Sansovino échappa à tous les malheurs de cette époque, et sa bonne fortune lui fit trouver un asyle à Venise, où désormais nous le verrons déployer, comme architecte, les grands talens dont il n’a voit montré jusqu’alors, si l’on peul dire, que les préludes.

Deux circonstances concoururent à le retenir dans la ville, qui devint pour lui une nouvelle patrie. La première fut la haute protection du doge Gritti, qui, quatre ans auparavant, l’avoit accueilli avec toutes sortes de bienveillance. La seconde, et qui influa sur la destinée du reste de sa vie, fut sa liaison avec Pierre Aretin, liaison qui se changea en une étroite amitié, que vint resserrer de plus en plus leur union avec le célèbre Titien, d’ou naquit cette espèce de triumvirat si profitable aux arts, et que la mort seule peut dissoudre.

Sur ces entrefaites, maître Bnono, architecte des vieilles Procuraties, vint à mourir, et Sansovino fut appelé a lui succéder dans cet emploi, avec un traitement de quatre-vingts ducats, et une maison pour son habitation, sur la place Saint-Marc, près de L’horloge. Cet emploi comprenoit dans ses attributions, la surintendance d’inspection de l’église de Saint-Marc, du campanile, et des constructions adjacentes (excepte le palais ducal).

La première opération qu’il proposa, fut l’enlèvement et le déblaiement des boutiques, échoppes et bâtisses en bois, qui encombrant les deux grandes colonnes de granit, ornement de ce lieu, le déparoient, et masquoient la vue du grand canal.

Un travail plus important l’occupa bientôt, je parle de la réparation des coupoles de l’église de Saint-Marc, singulièrement détériorées par leur vétusté d’abord, et puis par l’accident d’un incendie, dont elles avoient beaucoup souffert, un siècle auparavant, Il entoura la grande coupole, celle qui est au centre de la croisée, par un cercle de fer composé de plusieurs bandes dentelées, qu’on serra le plus possible avec des écrous de bronze et des coins du même métal. Ce cercle fut placé en dehors, un peu au-dessus des cintres des petites fenêtres, pour arrêter les progrès de quelques lézardes de la coupole. Encore aujourd’hui, les ouvriers l’appellent il cerchio del Sansovino, pour le distinguer des deux cercles, qui furent placés, dans la suite, autour de la coupole dite de la Madone, et de celle qui est vis-à-vis la porte d’entrée. Sansovino restaura aussi tous les dômes qu’on admire dans l’intérieur du temple, et il eut un tel succès dans ces travaux délicats autant que pénibles, qu’outre la réputation qu’il en acquit,


on porta son traitement annuel à la somme de cent quatre-vingts ducats.

Le bâtiment de l’école ou confrérie de la Miséricorde, entrepris dès l’année 1508, d’après le modèle d’Alexandre Liompardo, par Pierre et Jules Lombardi, étoit resté sans exécution. L’an l532, Sansovinofut chargé d’en faire l’architecture : et de fait, ce qui existe de cet édifice est entièrement son ouvrage. Quoiqu’il n’ait pas reçu sou complément, surtout a l’extérieur, toujours y trouve-t-on soit dans les niches qui le décorent, soit dans des détails de profils, et le style de ce maître, et les preuves de la magnificence avec laquelle l’ensemble avoit été conçu. Mais c’est surtout par l’intérieur, qui offre des parties achevées, qu’on peut en mieux juger. Outre un bel escalier et la chambre qu’on appelle l’Albergo, on y voit deux magnifiques et vastes salles, l’une à rez-de-chaussée, l’autre au-dessus : celle d’en bas est partagée en trois nefs, par deux rangées de colonnes d’ordre composite, et les murs latéraux qui soutiennent le plafond. La salle supérieure n’a aucune décoration, mais on ne croit pas qu’originairement elle ait été projetée avec autant de simplicité.

Dans le même temps Sansovino commençoit sous les auspices du doge Gritti, la construction de l’église de Saint-François de la Vigne, monument simple, mais de cette noble simplicité qui est souvent le véritable luxe des édifices religieux. Tout l’intérieur, moins la coupole, fut exécuté sur ses dessins. Probablement quelques circonstances qu’on ignore, suspendirent l’achèvement entier de cette église, car nous lisons que ce dôme et a façade surent l’ouvrage de Palladio.

Une médaille représentant l’extérieur de cette église, tel que Sansovino l’avoit projeté, nous donne l’idée du frontispice qu’il comptoit y ajuster. On est obligé de couvenir qu’elle n’a pu que gagner à celui que Palladio y a substitué.

L’antique bâtiment de la Monnoie, à Venise, menaçoit ruine, et il n’y avoit aucun moyen de le réparer. En 1535, il fut décidé d’en construire un nouveau. Trois architectes présentèrent des projets. Le conseil des dix choisit celui de Sansovino, qui fut exécuté. Son architecture offre un ensemble qui seroit digne par son plan et sa belle construction, d’appartenir au palais d’un prince. La construction est toute en pierre d’Istrie. Sansovino avoit dû contracter à Florence le goût du bossage, goût dont les Anciens ont laissé d’assez nombreux exemples. et on a en occasion de faire voir, dans la vie de plus d’un architecte florentin, que certains genres de matériaux invitent, plus que d’autres, à cet emploi de la pierre. Or, aucune n’y convient mieux que celle de Florence, soit par sa couleur, soit par sa dureté, ou la grandeur des masses qu’elle fournit. La pierre d’Istrie, la plus belle que l’on connoisse, et qui approche le plus du marbre blanc, devoit inspirer à l’architecte plus de réserve dans l’application de l’emploi dont on parle, et il nous semble que Sansovino, et, après lui, les plus célèbres architectes vénitiens, ont usé de celle réserve. Au reste, rien ne convenoît mieux que la sévérité de ce goût de construction, au caractère du bâtiment à élever pour la Monnoie, genre de monument dont la destination principale semble exclure tout à la fois, ut l’idée de la magnificence, et celle de l’élégance.

On ne sauroit disconvenir, que la façade qui donne sur la Peschiera, ne réponde tres-bien, par son style, à l’usage d’un hôtel des monnoies. Sa masse est à trois étages, eu y comprenant le rez-de-chaussée qui se compose de neuf arcades en bossages. Dans la suite, et par raison d’utilité pour le service intérieur, les ouvertures de ces portiques forent bouchées jusqu’aux impostes de leurs cintres, et ce changement n’a contribué qu’à mieux faire ressortir le caractère de l’édifice. L’étage au-dessus est une ordonnance dorique, dont les pilastres sont entrecoupés de bossages ; la frise a des triglyphes et des métopes. Le troisième étage, ou l’étage supérieur, est orné d’un ordre ionique, qui porte un entablement avec des consoles. Il règne d’un étage à l’autre une progression d’ornemens rendue sort sensible. Ainsi on a vu que de simples arcades sont surmontées d’une ordonnance dorique, au-dessus de laquelle s’élève l’ionique. La même gradation se fait remarquer dans les ouvertures, qui sont, au bas, des cintres en bossages, plus haut, des fenêtres sans chambranles ; et tout eu haut, des croisées avec chambranles et frontons.

L’intérieur, ou la grande cour de cet hôtel des monnoies, est parfaitement d’accord, dans son élévation, avec l’extérieur qu’on vient de décrire. J’entends que c’est la même disposition générale, la même ordonnance et la même dimension en hauteur. Elle en diffère seulement par plus d’étendue en longueur, et par l’étage au-dessus des arcades du rez-de-chaussée, qui, au lieu de fenêtres, est lui même en arcades, et forme aussi, au-dessus des galeries inférieures, nu autre promenoir ouvert, circulant tout à l’entour de ce grand cortile. On doit mettre cette architecture sur la première ligne des beaux édifices, produits de la grande école que le seizième siècle vit briller et s’éteindre, et d’où sont sorties toutes les imitations plus ou moins heureuses des siècles suivans.

Eu 1536, le Sénat résolut de faire construire un édifice digne de recevoir la belle et précieuse collection de livres, qu’avoient donnée à la république François Petrarca, et le cardinal Bessarion. Sansovinofut chargé d’exécuter on modèle de ce monument, et le modelé approuvé, l’architecte se mit à l’œuvre.

Le plan de l’édifice, tout en longueur, nous offre une suite de vingt-un portiques ou arcades au rez-de-chaussée, sur la petite place Saint-


Marc, avec un retour de trois des mêmes portiques, d’un coté vers la lagune, de l’autre vers le campanile. Ces portiques sont suite aux galèries de la grande place Saint-Marc. L’ordonnance des portiques à rez-de-chaussée est dorique : celle de l’étage supérieur est ionique ; les arcades y sont des fenêtres cintrées, rétrécies par de plus petites colonnes, ioniques elles-mêmes. Sansovino en concevant celle décoration, avoit eu l’intention de se raccorder avec la hauteur des deux étages de l’aile de la place Saint-Marc, déjà depuis longtemps construite, c’est-à-dire qu’en vue de l’achèvement de l’aile gauche devant faire suite aux portiques de sa bibliothèque, il s’étoit imposé la sujétion d’une hauteur déjà donnée, et d’une disposition qui, ainsi que sa dimension, auroient dû faire la loi. (On peut voir à la vie de Scamozzi, que cet architecte ne tint aucun compte de la prévision de sou prédécesseur.)

Quoi qu’il en soit, il nous semble que ce fut la véritable raison qui engages Sansovino à donner aux entablemens de ses deux ordres, ta hauteur qu’on y remarque. En effet, l’entablement de son ordre dorique a, en hanteur, le tiers de la colonne, et celui de l’ionique au-dessus en a plus de la moitié. Tout annonce, et la balustrade qui termine l’élévation le donne encore à penser, que l’architecte eut besoin de porter celle-ci jusqu’à un certain point obligé. Toutefois le talent de l’artiste fut d’avoir fait disparoître le résultat de cette sujétion, par la beauté et la variété des ornemens dont il embellit sa façade, Les archivoltes de toutes ses arcades sont remplies de figures sculptées. Rien de plus riche que la frise dorique, si ce n est celle qui règne au-dessus de l’architrave ionique, C’est ici surtout que se manifeste avec évidence le dessin, dont on a parlé, d’exhausser l’élévation de cette façade. La frise dont on parle a presqu’autant de hauteur que l’architrave et la corniche ensemble ; son champ est occupé par une suite de petits génies, soutenant des festons, des cartels et des mascarons qui se trouvent mêlés avec beaucoup de goût à cette composition. Ailleurs, la même frise renferme des bas-reliefs continus. La corniche offre dans ses profils tous les ornemens que peut comporter l’ordre ionique. Une balustrade surmontée de statues, couronne le tout, el s’élève assez pour cacher d’en bas, la vue d’un comble fort exhaussé, que l’intérieur du local avoit nécessité.

L’arcade du milieu de la grande façade conduit à un bel escalier à deux branches, richement décoré dans ses voûtes, par Alexandre Vittoria. Il donne entrée dans une grande pièce, où est renfermée une riche collection de sculptures antiques, dont l’heureuse disposition appartient à Scamozzi, qui acheva cet intérieur (comme on peut le voir à la, vie de cet architecte). De là on passé dans le local même de la bibliothèque, qui occupe sept arcades de ce bâtiment en longueur. On y admire la voûte merveilleusement décorée de caissons, et de peintures de plus d’un excellent peintre. L’autre partie du bâtiment, où l’on arrive par un escalier qui s’embranche avec le précédent, donne sur la Peschiera, est destinée à des bureaux d’affaires. Il n’y eut réellement d’achevé par Sansovino, que la construction de l’emplacement qu’occupent la bibliothèque, le muséum et l’escalier. Nous aurons occasion de revenir sur ce grand édifice, a l’occasion d’accidens qui y survinrent dans la suite.

Nous ne devons pas oublier toutefois, avant de quitter ce monument, de faire mention d’une prétendue difficulté architectonique, dont Sansovino occupa alors tons les architectes, et dont il crut avoir trouvé la solution. Il l’agit de la frise dorique et de la division uniforme des triglyphes et des métopes, qui en constituent l’ornement. Les Grecs, dans les colonnades doriques de leurs temples, en terminoient les angles, par un triglyphe qui ne tomboit pas exactement à l’aplomb de l’axe de la colonne d’angle ; et ils élargissoient graduellement l’espace des métopes, aux extrémités de la frise. Les Romains ayant beaucoup modifié les proportions et le caractère de l’ordre dorique, au lieu de terminer l’angle de sa frise par un triglyphe, trouvèrent plus analogue à leur nouvelle disposition, d’y établir une demi-métope ; et c’est ainsi que Vitruve l’enseigne, eu se servant du mot semi-métope. Maintenant les architectes modernes et les commentateurs, au lieu d’entendre cette demi-métope dans un sens qui exprimât une mesure approximative, et par le fait, une métope coupée en deux parties égales de chaque côté de l’angle, s’imaginèrent qu’il falloit qu’elle fut dans toute la rigueur mathématique, la moitié précise de la métope courante dans la frise, ce qui ne peut pas être, dès qu’on fait tomber l’angle de l’architrave à l’aplomb du nû de la colonne. Sansovino opérant ici non sur une ordonnance de colonnes isolées, mais sur des demi-colonnes adossées à des piédroits, imagina de donner, non à la colonne d’angle, mais à un pilastre d’angle, le supplément d’un corps en retraite ce qui lui permit d’alonger l’entablement, et par conséquent d’élargir l’espace de sa métope d’angle. Voilà toute la solution de ce problème, dont on fit alors du bruit, mais qui, comme on le voit, ne méritoit ni d’être proposé, ni d’être résolu.

En 1532, le feu avoit détruit une grande partie du palais Cornaro, celui qui donne aussi sur le grand canal, près de Saint-Maurice, et qu’on distingue par ce surnom. Georges Cornaro, procurateur de Saint-Marc, conçut l’idée d’en rebatir un beaucoup plus magnifique, et il en confia l’entreprise à Sansovino, qui fut répondre à ses intentions, par un des plus beaux projets que l’architecture ait exécutés. Aussi lisons-nous dans la description qu’eu donna François son fils, ce peu


de mots qui suffisent à l’éloge de ce palais. « Par sa situation (dit-il), par sa magnificence, sa grandeur, la beauté de ses matériaux, sa construction la justesse de ses proportions, il occupe un des premiers rangs parmi les plus memorables édifices de Venise. » Son plan offre les dégagemens les plus commodes, les distributions les plus variées. Son élévation en trois étages, porte sa masse à une hauteur, qui te fait dominer avec beaucoup de noblesse sur ce qui l’entoure. Les proportions de chaque ordonnance sont fort régulières. On auroit désiré moins de hauteur à entablement de l’étage supérieur. La critique a reproché à Sansovino d’avoir dans son atrium, du côté du grand canal, aminci les murs latéraux, en sorte que le mur de l’étage supérieur se trouve porter à faux dans une partie de son épaisseur. On voit que l’architecte se permit cette infraction aux lois de la solidité, pour faire voir une portion de pilastres d’angle se raccordant avec la retombée des cintres. Mais on pense qu’un architecte du mérite de Sansovino, ne devoit pas avoir besoin de cette ressource défectueuse.

Les beaux ouvrages que cet architecte avoit déjà construits à Venise, propagèrent sa réputation par toute l’Italie. Rome, qui avoit vu naître son talent dans l’architecture, auroit voulu jouir des fruits de son âge mûr, et l’appeloit à la cour du Pontife. De son côté, la ville de Florence, où il avoit débuté dans la sculpture, te sollicitoit pour y venir faire la statue de celui qui lui avoit rendu la liberté, par la mort d’Alexandre de Médicis. Sansovino résista aux instances de toutes ses invitations, et ne songea plus qu’à porter a fin les grandes entreprises commencées à Venise, et a répondre aux espérances que cette ville avoit conçues de son génie.

Bientôt, sur un des côtés du campanile de Saint-Marc, il construisit une loggia destinée à des réunions de nobles vénitiens pour converser ou conférer entr’eux. Ce petit édifice est un peu élevé au-dessus du niveau de la place : par quelques degrés, on arrive à une petite terrasse environnée d’une balustrade dans ses trois côtés. De la s’élève la façade ornée de huit colonnes d’ordre composite, engagées dans le mur, et qui soutiennent un entablement continu. Trois grandes arcades s’ouvrent dans les trois plus grands entrecolonnemens. C’est par elles qu’on passe, pour monter dans la grande salle. Les quatre autres entre-colonnemens sont plus étroits, et reçoivent des niches fort ornées. Au-dessus, el à l’aplomb des arcades, est un attique orné de bas-reliefs en compartimens, qui, par leurs mesures, correspondent exactement aux divisions de l’étage inférieur. Le tout est couronné par une balustrade, qui règne sur les trois côtés de l’édifice, construit des plus beaux marbres, et décoré de statues et de bas-reliefs de la plus belle exécution. Le projet avoit été d’environner d’un corps semblable chacune des trois autres faces du campanile.

Sansovino, dans le rétablissement qui eut lieu de l’église du Saint-Esprit, fut chargé d’en faire le chœur et la façade, qu’il exécuta avec beaucoup de succès, vers l’an 1542. Ce fut à la même époque, qu’il éleva un des plus superbes palais de Venise, sur le grand canal, près de San Salvatore, pour Jean Delphino. On doit y remarquer surtout, la cour et l’escalier, pour la beauté des ornemens, et tout l’intérieur pour son heureuse distribution.

L’église de Saint-Fantin avoit été commencée en 1501, d’après les dispositions testamentaires du cardinal Zenon, neveu du pape Pie II. Malgré les efforts ceux qui en entreprirent la construction, l’édifice étoit loin encore d’être achevé en 1533. Il y manquoit ce qui devoit en être le sanctuaire. Le manque de fonds avoit été la cause de ce délai. On vendit enfin plusieurs maisons de la succession du cardinal fondateur, et de ces deniers Sansovino fut chargé de terminer le monument, en ajoutant à son extrémité, la très-belle chapelle qu’on y admire, et qui, malgré le soin qu’eut l’architecte d’assortir sa composition au reste de l’église, n’en fait pas moins remarquer l’extrême supériorité de son goût, sur celui qui avoit présidé à l’érection de tout le reste, où rien ne semble répondre aux intentions de richesse et de magnificence, que le fondateur avoit énoncées dans son testament.

Vers l’an 1545, Sansovino s’occupa de terminer les grands travaux du monument de la Bibliothèque, et il ne s’agissoit plus que de voûter de l’autre côté, la partie occupée par les bureaux des trois Procuraties ; mais la voûte à peine terminée s’écroula. On attribua cet accident à diverses causes. Selon les uns, c’étoit incurie et malfaçon de la part des ouvriers. C’étoit, selon d’autres, l’effet d’une gelée extraordinaire, survenue cette anuée. On prétendoit ailleurs, que l’ébranlement avoit été causé par des décharges d’artillerie. Le plus probable est que l’architecte avoit trop compté sur ses armatures en ser. Ce malheur eut les suites les plus sâcheuses pour Sansovino. Il fut mis en prison, destitué de son emploi d’architecte en chef, et condamné à payer mille écus d’or, en dédommagement de la perte occasionnée par sa faute, ainsi qu’on le crut alors. Il paroît toutefois que Sansovino parvint à se justifier. Ses nombreux amis, et Aretin à la tête, écrivirent en sa faveur. Mendozza, ambassadeur de Charles-Quint auprès de la république de Venise, sollicita son élargissement. L’affaire enfin s’arrangea, Sansovino sortit de prison, et ce qui fait croire que ce ne fut pas à titre de grâce, c’est que l’amende à laquelle on l’avoit condamné, lui fut remboursée, qu’il fut réintégré dans son emploi, et payé de nouveau, pour le rétablissement de la voûte, qui ne fut plus faite en pierre, mais en char-


pente, avec un lattis de roseaux, sur lesquels fut appliqué l’enduit qui en forme la décoration.

Le nombre des monumens construits par Sansovino, est tel, qu’on doit se contenter d’en citer plusieurs, ne pouvant les décrire tous. Souvent, dans le choix qu’on fait de quelques-uns, on se décide plus par la célébrité qu’ils tirent de leur importance, que par le mérite intrinsèque de leur architecture. Ainsi, l’on ne trouve que de courtes mentions sur des édifices qui seroient la réputation de tout autre. Telles sont l’église de Saint-Martin près l’Arsenal, celle des Incurables, dans la forme d’une ellipse, l’école de San Giovanni degli Schiavoni, et divers ouvrages, parmi lesquels il en est qu’on attribue à d’autres architectes, ce qui, à vrai dire, n’a lieu, que parce que Sansovino, comme tous les grands artistes, eut plus de copistes encore que d’imitateurs.

Une grande construction qui lui appartient exclusivement, fut celle qu’on a appelée les fabriche nuove di Rialto, bâties sur le grand canal, pour l’utilité du commerce. L’édifice est à trois étages. Le rez-de-chaussée offre un portique de vingt-cinq arcades. Pareil nombre de fenêtres leur correspond dans les deux étages supérieurs. Des boutiques occupent le bas, et de chaque boutique un escalier conduit aux pièces d’en haut. Une disposition vicieuse dans les murs de l’intérieur, qui ne portent pas d’aplomb les uns sur les autres, y a occasionné de fréquentes réparations. Ou regrette que la solidité ne se soit pas trouvée, dans cette construction, unie à la beauté de son ordonnance.

Sansovino avoit aussi donné un projet, pour le célèbre pont de Rialto. La république, alors engagée dans une guerre contre les Turcs, ne put donner suite alors à cette entreprise, et le projet de Sansovinofut oublié, dans la suite, avec ceux de beaucoup d’autres célèbres compétiteurs.

Il faut citer comme un des ouvrages recommandables de cet architecte, son église de San Geminiano, au fond de la place de Saint-Marc, dont on ne peut plus parler aujourd’hui que par souvenir, ou d’après les plans et dessins qu’on en a conservés. Elle a été détruite récemment, pour opérer la communication entre les deux bâtimens des Procuraties anciennes et des nouvelles, qu’elle intercepotoit ; et l’on doute que cet avantage ait compensé, pour la ville de Venise, la perte d’un monument que beaucoup de titres auroient dû rendre précieux. Cette église avoit reçu en 1505 une sorte de commencement, et sa principale chapelle avoit été élevée sur le modèle de Cristophoro dal Legname, sculpteur et architecte. En 1556, Sansovino fut chargé d’en compléter l’ensemble. Son premier soin (et c’est un des principaux mérites qu’on y admira) fut de coordonner avec autant d’habileté que de goût, le cintre de la chapelle déjà existante, et son entablement, avec l’ordonnance générale du reste de cet intérieur. Son plan est un carré parfait, au milieu duquel s’élève une coupole de modique hauteur, reposant sur quatre colonnes adossées chacune à un pilier, ce qui forme dans chaque sens, trois nefs, dont la plus large est celle du milieu. Sa façade, ou son portail, n’offre rien de fort remarquable, et il est un des premiers exemples de ces frontispices à plusieurs ordres adossés, que l’on a répétés dans le siècle suivant, avec beaucoup de monotonie. Au reste, Sansovino eut évidemment, dans cette composition, l’intention de la faire concorder, pour la hauteur, avec celle du bâtiment des Procuratie vechie ; intention qu’il avoit déjà eue dans son monument de la Bibliothèque, ainsi qu’on l’a vu, et que Scamozzi paroît depuis s’être étudié à contrarier, aspirant peut-être à faire adapter sa nouvelle élévation, au corps entier de la place Saint-Marc.

Sansovino est l’auteur de beaucoup d’ouvrages moins importans, mais qui constatent, et la multiplicité de ses connoissances, el la sécondité de son génie. Il y a de lui à Venise plus d’un mausolée où le talent de l’architecte le dispute à celui du sculpteur, et où les deux arts n’en sont que mieux unis. On cite, entr’autres, dans l’église de Saint-Sébastien, celui de l’archevêque de Chypre, ensemble aussi simple dans sa majesté, que riche et varié. C’est une belle arcade ornée de colonnes, élevées sur un soubassement, et qui portent un beau fronton. L’entre-colonnement est occupé par la tombe de l’archevêque, et sa statue est représentée couchée.

Ce fut à l’âge de quatre-vingts ans, qu’il exécuta pour le doge Reniero le beau monument sépulcral qu’on admire à l’église de Saint-Sauveur ; les deux statues qui ornent les niches latérales du monument sont aussi de sa main, et rien n’y décèle l’époque d’un âge aussi avancé.

On doit encore faire ici mention des belles portes de bronze, dont il donna les dessins, et qu’il exécuta pour la sacristie de Saint-Marc. C’est là qu’il a consacré par les portraits de Titien et d’Aretin qu’il y a introduits, avec le sien propre, l’étroite amitié qui ne cessa de les unir tant qu’ils vécurent. Liés et par la conformité de leurs vues, et par la réputation dont ils jouirent, et par l’intérêt commun qu’ils prirent à leurs succès réciproques, on a attribué à cette liaison une partie de l’éclat que les arts répandirent alors sur Venise.

Venise aussi se montra digne d’avoir de tels talens, puisqu’elle fut les honorer par les plus flatteuses distinctions. Dans un moment de détresse, où l’on ne trouva forcé d’avoir recours à une imposition extraordinaire, qui devoit peser indistinctement sur tous les citoyens, le Sénat n’en excepta que Titien et Sansovino.

Cet architecte mourat à l’âge de quatre-vingt-onze ans, le 27 novembre 1570.

Sansovino doit être compté dans le petit nom-


bre, non-seulement de ceux qui ont formé et illustré la grande école vénitienne, mais des plus grands artistes du seizième siècle. Quelqu’éclat qu’ait jeté après lui Palladio, dont le nom, dans l’opinion publique, semble avoir effacé ceux de ses prédécesseurs, pour ne l’être plus par aucun de ceux qui l’ont suivi, il est manifeste que pour ce qui est du mérite fondamental de l’art, il n’a rien ajouté aux ouvrages de Sansovino, et lui a dû beaucoup sous le rapport de la composition, du goût, de l’ordonnance et de la manière d’employer les ordres. Aucun architecte n’eut plus que Sansovino de grâce dans le style, de correction dans les détails, de noblesse dans l’invention, de fécondité dans les idées. On lui a reproché de manquer souvent de solidité dans sa construction, défaut qui tint peut-être à ce que l’occupation de ses premières années, ne lui aura pas permis d’approfondir ce genre d’études.

Quant aux dons personnels, il paroît que la nature avoit été fort libérale envers lui. On vante les agrémens de sa figure, ceux de son caractère et la gaîté de son humeur, qualité précieuse, qui contribue autant au bien-être de l’esprit, qu’à la santé du corps, et à laquelle Sansovino fut peut-être redevable d’avoir parcouru, sans infirmités, une si longue carrière.

Bien que prévue depuis long-temps, et arrivée au dernier période de la vie humaine, la mort de Sansovino fut pour Venise qui l’avoit adopté, et pour Florence sa patrie, un sujet de deuil et de vifs regrets. Sa mémoire fut honorée par plus d’un témoignage public de louange, dans plus d’une inscription. Mais il n’en subsiste plus aucune. Nous rapporterons la plus simple et la plus courte, dont l’auteur fut Bernardo Baldovinetti.

Il Sansovin ch’ Adria superba ir fece
Di bronzi e marmi di palagi e tempi
Che illustra l’Arno, e tolse a primi tempi
Della scultura il pregio, orqui si giace.

TAUROMINIUM ou TAORMINE. Ville antique de la Sicile, qui a conservé entre quelques débris de ses anciennes constructions, les restes peut-être les plus intègres qu’il y ait, d’un théâtre aussi remarquable par les détails de son architecture, que par la singulière beauté de la position qu’il occupe au sommet de la montagne, où la ville étoit bâtie.

Ou diroit en effet que la nature elle-même auroit donné le plan et comme l’idée première, de ce théâtre, et que l’art n’auroit fait que l’achever et le façonner à l’usage de l’ancien peuple qui s’étoit chargé de le décorer. En effet, l’anse et la forme même de la montagne avoient donné la portion du cercle, où l’on ne fit que tailler les gradins dans la roche, en surmontant le tout d’une construction en briques, avec une galerie extérieure servant de couronnement à l’édifice. Deux rochers escarpés sormoient comme une avant-scène naturelle, et entre ces rochers on construisit le proscenium sur une sorte de terrasse donnée aussi par la nature. La peinture, et à plus forte raison le discours, ne sauroient rendre la grandeur et la magnificence des aspects, que l’œil embrasse de la galerie qui circule autour du théâtre. La vue s’étend de là sur une large baie, au bout de laquelle coule le fleuve Alcantaro. Plus loin on aperçoit les riches campagnes qui décorent la base immense de l’Etna, les grands bois qui forment la ceinture de sa moyenne région, les neiges perpétuelles qui couvrent la plus haute de toutes, enfin son sommet, qui, selon l’expression du poëte, semble être une colonne du ciel, et qui vomit des torrens de fumée. En se retournant d’un autre côté vers le midi de la Sicile, on découvre les plaines riantes de Leontium, qui s’avancent dans la mer par différens caps, que l’on voit produire autant de plans tous plus riches les uns que les autres, celui de Catania, d’Augusta, enfin jusqu’à celui où est bâtie Syracuse, que l’on voit à peine se perdant dans la vapeur. Voilà quelle est la vue dont on jouit, de la galerie du théâtre de Taormine, et ce qui servoit de perspective aux spectateurs placés sur les gradins supérieurs.

Il n’a point encore paru de dessin qu’on puisse dire fidèle de ce monument, et d’après lequel on puisse en donner des détails exacts. A ce défaut nous extrairons quelques notions de la description qu’en a faite Philippe Dorville, dans sa Sicula illustrata.

Le théâtre de Taormine (dit-il) est aujourd’hui presque dans son entier, ou au moins il conserve les vestiges de son antique forme, car l’amphi-théâtre, c’est-à-dire le lieu où les spectateurs étoient assis, les gradins ou degrés, ainsi que les escaliers, étoient taillés dans le roc vif. Le reste de l’édifice étoit construit en briques de la plus grande forme. Nous ne pouvons déterminer quelle étoit la matière des colonnes, des portiques, et des autres parties de l’édifice ; mais il est probable qu’elles étoient de marbre, car on trouve dans les carrières les plus proches, un marbre diversement nuancé de rouge. Or, telles sont plusieurs des colonnes qui ornent les églises de Taormine, et dans le pays, la tradition est qu’elles ont été enlevées au théâtre.

L’on montoit à la galerie d’en haut, qui circuloit tout à l’entour, par des escaliers et des degrés. On observe qu’il n’y avoit point de ces paliers dans la montée qu’on appeloit prœcinctiones. Il n’y avoit pas non plus de vomitoires, et il ne pouvoit pas y en avoir, puisque les gradins étoient taillés dans la masse même du rocher. Il paroît, autant qu’on en peut juger par ce qui en subsiste encore, que chaque gradin avoit en largeur le double de sa hauteur, et il y a lieu de penser qu’ils étoient recouverts de planches.

Derrière le rang le plus élevé, ou le plus éloi-


gné de l’avant-scène, et autour de l’amphithéâtre occupé par le peuple, il y avoit trente-six niches ornant l’intérieur de la galerie. Ces niches étoient alternativement ornées de frontons angulaires et circulaires. Il est naturel de penser qu’elles étoient remplies par des statues, qu’on sait avoir été très-multipliées dans tous les théâtres des Anciens.

De chaque côté de l’édifice, au lieu où se terminent les gradins de l’amphithéâtre, c’est-à-dire aux deux extrémités de l’avant-scène, on voit les restes assez entiers, de deux corps de bâtiment, dont la construction est antique. Ils étoient distribués en plusieurs pièces, et, autant qu’on en peut juger, il y en avoit deux étages. Ces deux corps étoient réunis par la construction même de ce qui formoit la scène proprement dite, laquelle étoit décorée d’ordonnances d’architecture, et percée de trois portes ; celle du milieu étoit plus grande que les deux autres. Derrière cette devanture régnoit une sorte de corridor qui étoit le postscenium. On peut voir dans le Voyage de Saint-Non, tom. IV, une restititution en élévation et en plan de ce théâtre, d’après laquelle, bien qu’elle laisse à desirer, nous avons rectifié quelques inexactitudes de la description de Dorville, et avec d’autant plus d’assurance, que nous avons nous-même visité les restes de Taormine.

Il existe encore dans cette ville quelques autres débris d’antiquité, tels que des constructions d’anciens aqueducs masquées par des constructions nouvelles. Plus haut, d’autres aqueducs apportoient sans doute des eaux abondantes, dans cinq piscines très-vastes, dont la première, encore parfaitement conservée, indique le plan et la construction des quatre autres qui étoient adossées à la montagne. Ces piscines, quoique moins grandes que celle qu’on appelle à Baies la piscina mirabile, sont absolument dans le même goût ; elles forment de grands carrés longs avec des arcs portés sur des piliers. On y voit encore l’ouverture par laquelle arrivoient les eaux, et une autre pour écouler le trop plein des réservoirs. Il y a un escalier pour y descendre, et enfin une écluse pour les vider entièrement et en ôter le limon.

L’eau de ces piscines se rendoit, dit-on, à une naumachie au milieu de la ville. C’est ainsi qu’on appelle un reste de construction antique décorée en niches ou arcardes de onze pieds d’ouverture, séparées par des piliers carrés en forme de contreforts. Le tout est construit en briques. Quelques autres vestiges du même genre de construction, engagés dans des maisons voisines, donnent le côté parallèle de cet édifice, et permettent de conclure que sa largeur étoit d’environ vingt-quatre toises.

Ce qui faisoit le bassin de cette prétendue naumachie, est rempli de terres et de plantations formant aujourd’hui un jardin. Il est peu vraisemblable, malgré l’opinion vulgaire dans le pays, qu’il y ait jamais eu une naumachie dans cette partie de Taormine. La position du lieu où l’on suppose qu’elle auroit été, et l’escarpement de ce côté de la montagne, suffisent pour persuader le contraire. On peut croire que ce mur antique, décoré d’arcades, faisoit plutôt partie d’une place publique, ou de quelqu’autre monument dont on ignore l’usage.

Près de la porte qui conduit à Messine, on rencontre une fabrique antique qui sert de maison à un particulier et n’a rien de curieux ; mais en dehors de la porte on remarque un grand nombre de tombeaux et diverses constructions du même genre, ce qui fait croire que ce local étoit consacré aux sépultures. Le premier de ces tombeaux est tellement ruiné, qu’il seroit difficile d’en deviner la forme. On y voit encore cependant, deux parties circulaires avec incrustations en marbre blanc, de même qu’à une autre partie de construction en ligne droite, avec des panneaux d’une saillie peu sensible. On y distingue aussi deux tronçons de colonnes en briques : mais tout cela est si enterré et si dégradé, que difficilement distingue-t-on les constructions antiques, d’avec les bâtisses modernes élevées sur le même sol.

Il y avoit près de là un autre grand tombeau, ou peut-être une espèce de temple, construit en grosses pierres de taille, posées à sec et élevées sur trois gradins qui régnoient au pourtour. On en a fait une petite église, ce qui l’a fort dénaturé. L’édifice avoit sept toises de long, sur quatre toises deux pieds de large. Mais il est impossible aujourd’hui de dire ce qu’il pouvoit y avoir d’intéressant pour l’art.

Les environs de Taormine présentent encore d’autres monumens sépulcraux d’une moindre dimension. Ils sont tous d’une forme carrée, avec des pilastres aux angles et un revêtement en stuc. Ils s’élèvent sur trois gradins. Leur intérieur a environ douze pieds en carré, et offre les mêmes détails que les sépulcres romains. Il y a plusieurs petites niches pour recevoir les urnes cinéraires, et une principale pour le chef de la famille. Tout cela semble annoncer des ouvrages faits sous la domination des Romains, et postérieurs à Jules-César, qui, après avoir chassé de Taormine les habitans naturels du pays, y plaça une colonie romaine.

Aujourd’hui tous ces monumens servent d’habitations aux paysans, qui s’y logent et en font des écuries.

TAUDIS, s. m. Petit grenier pratiqué dans le fond d'un comble de mansarde. Ce est aussi Un petit lieu pratique sous la rampe d’escalier, pour servir de bûcher, ous pour tout Autre utilisation domestique.

TECTORIUM OPUS. Au mot ALBARIUM OPUS, on a indiqué déjà la différence de signification qu’il faut mettre entre l’albarium et le tectorium


opus. Le premier de ces mots embrasse l’idée d’un procédé moins important et plus restreint. Il ne faut pas toutefois le borner à n’être que ce que nous appelletions un simple blanchiment à la chaux et au moyen du pinceau. L’albarium pouvoit être un enduit léger dans lequel, selon le poli qu’on lui pouvoit donner, il étoit possible d’employer avec la chaux soit la poussière de marbre, soit simplement du plâtre. Ainsi le pense Galiani, et il est d’avis que le tectorium opus embrasse l’idée d’une opération beaucoup plus étendue.

Le tectorium opus, dans les constructions antiques, est un enduit plus ou moins épais, et qui faisoit le même effet, et remplissoit le même objet que l’enduit de plâtre, dans la bâtisse de Paris. Comme on établit ici sur les murs, et sur les cloisons, des enduits de plâtre de tout degré d’épaisseur, de qualité plus grossière ou plus fine, de plâtre gâché plus serré et plus clair, ainsi le pratiquoit-on dans letectorium opus, mot général, comme a composition le montre, et qui signifie qu’il recouvroit la construction en briques, en mœllons, ou de toute autre matière.

On mettoit beaucoup de soin à la préparation du tectorium, et Vitruve nous a donné sur ce point beaucoup de détails. Nous en avons rapporté déjà plusieurs au mot ENDUIT. (Voyez ce mot.) Nous compléterons ici ce qui regarde la notion précise de ce qui fait l’objet de cet article.

Non-seulement on choissisoit, pour faire l’enduit appelé tectorium, la meilleure chaux, mais on l’éteignoit bien long-temps avant qu’on s’en servît, et on ne la croyoit propre à être employée, que lorsqu’elle avoit acquis assez de ténacité, pour s’attacher à la truelle, comme le fait la terre grasse. Pour mieux élaborer le mortier, on le faisoit pétrir par les ouvriers dans un bassin particulier. Letectorium devoit être composé de trois couches de mortier avec chaux vive, et de trois autres couches d’un mortier mêlé de poudre de marbre, ce qui lui faisoit prendre le nom de marmoratum. Les enduits encore existans en très-grand nombre, dans les restes des édifices antiques, nous prouvent cependant, que l’épaisseur de ces six couches n’étoit pas de plus d’un pouce.

On commençoit par crépir les superficies des murs ou des voûtes avec de la chaux commune. Lorsque cet enduit commençoit à sécher, on le couvroit d’une première couche de mortier de chaux fine, qu’on aplanissoit avec le plus grand soin, afin d’égaliser toute la surface, et pour donner plus de finesse aux parties saillantes des angles. Cette couche étant séchée, on y appliquoit une seconde et ensuite une troisième couche. Le mur ainsi recouvert, recevoit un mortier composé de marbre grossièrement pilé, et ensuite d’un marbre beaucoup plus pulvérisé. Ce dernier enduit étoit battu, et complétement égalisé avec un instrument de bois, et enfin poli avec du marbre, pour lui donner un lustre mat.

Au moyen de ces procédés, les murs et les voûtes se trouvoient couverts d’un enduit très-uni, très-fin, parfaitement propre à servir de fond aux peintures dont on décoroit l’intérieur des bâtimens, et il acquéroit avec le temps une solidité à toute épreuve. C’est ce que nous prouvent les murs aujourd’hui intacts de beaucoup de maisons, dont on pouvoit jadis, comme on le fait encore à présent, détacher, l’enduit orné de peintures, sans crainte de les endommager. De semblables peintures enlevées aux murs en Grèce, étoient transportées en Italie par de riches romains, qui les incrustoient dans les murs de leurs maisons de ville ou de campagne. Ainsi, dans une maison de Pompeia, a-t-on trouvé de ces sortes d’enduits peints, qu’on avoit détachés d’un autre local, et qu’on n’avoit pas encore eu le temps de replacer au nouveau lieu qu’on leur destinoit.

Lorsqu’on vouloit couvrir du tectorium opus des murs qui, au lieu d’être en maçonnerie, étoient de simple charpente, dans la crainte qu’au bout d’un certain temps l’enduit appliqué sur le bois ne vint à se fendre, voici comme on paroit à cet inconvénient. On couvroit d’abord le mur ou la cloison de terre grasse. On y clouoit ensuite des roseaux sur lesquels on appliquoit une seconde couche de terre argileuse, où l’on clouoit encore d’autres roseaux, mais dans une direction telle, qu’ils se croisoient avec ceux de la première rangée, et c’est sur ces roseaux qu’on appliquoit les couches de mortier avec chaux et poussière de marbre dont on a parlé.

On recouvroit le tectorium opus des couleurs les plus brillantes, telles que le minium ou le rouge, l’armenium ou le bleu, le purpurissum ou pourpre-foncé, ainsi que de beaucoup d’autres, dont on formoit des fonds colorés, tantôt unis, tantôt ornés de figures et de compartimens. La couleur étoit appliquée sur la dernière couche de stuc encore fraîche. Pour conserver l’éclat des peintures, on les frottoit avec de la cire punique mêlée d’un peu d’huile très-pure. Ce mélange avoit été fondu et appliqué très-chaud. On le laissoit refroidir sur le mur, et ensuite, avec un réchaud rempli de charbons ardens, on le réchauffoit et l’on faisoit pénétrer dans l’enduit tout ce qu’il pouvoit recevoir. Le tout étant séché, on lui faisoit subir, avec des linges secs, un frottement qui produisoit sur la peinture l’effet d’un vernis.

TÉLAMONS, s. m. pl. Les Grecs désignèrent par plus d’un nom, certaines figures sculptées, qu’ils employèrent dans leur architecture, a être des supports réels ou fictifs, tenant lieu de colonnes.

Au mot CARYATIDE (voyez ce mot), nous avons parcouru avec beaucoup de détails, toutes les notions historiques et théoriques, que comporta jadis l’emploi des figures sculptées, appliquées à


servir de supports dans l’architecture. Si, à cet article, nous avons rassemblé le plus grand nombre de faits, d’autorités, d’exemples et de préceptes de goût, que cet objet de décoration peut comporter, c’est que le nom de caryatide est jusqu’à présent le seul, que l’on ait donné en français, aux statues-colonnes. Mais dans l’antiquité, deux autres mots grecs d’origine, et naturalisés en latin, pouvoient exprimer le même genre d’ouvrage. Ces deux mots, que la langue des arts admet aussi, sont atlantes et télamons. Tous les deux ont pour racine, en grec, le verbe ταλαω, souffrir, supporter. Vitruve nous dit, l. 6, ch. 10, que les figures viriles qui supportent les entablemens, sont appelées télamons à Rome, atlantes en Grèce. Quœ virili figurâ signa mutulos aut coronas sustinent, nostri telamones appellant, Grœci verò eos atlantes vocitant. Il est donc bien permis de regarder ces deux mots, comme parfaitement synonymes.

Au mot ATLANTES, nom nous sommes contentés de donner signification et son étymologie, en renvoyant au mot TÉLAMONS, et plus particulièrement aux mots PERSIQUE et CARYATIDE. Depuis l’époque où ces articles furent publiés, de nouvelles découvertes sont survenues, qui nous mettent à portée de produire d’autres autorités fort curieuses, sur l’emploi très-remarquable que l’on fit des atlantes outélamons dans l’architecture.

Très-probablement, le plus grand exemple qu’il y eut de cet emploi, dans tous les monumens de l’antiquité, fut celui que viennent de nous fournir les découvertes faites parmi lis ruines du temple de Jupiter Olympien, à Agrigente, temple d’une dimension prodigieuse, qui fut une des colossales entreprises de l’architecture grecque (voy. AGRIGENTE), et dont les restes ont porté jusqu’a présent le nom de temple des Géans. Nous eûms le trt, à l’article cité, d’avancer que cette dénomination moderne étoit due, soit à l’énormité de quelques-uns de ses débris, soit au sujet jadis sculpté dans un de ses frontons, et qui représentoit la gigantomachie.

Fazello (de Rebus Siculis), écrivant au commencement du seizième siècle, fit remonter les renseignemens sur cette ruine, jusqu’à l’an 1401, en rapportant des vers rimés en latin, d’un poëte de ce temps, qu’il retrouva dans les archives de Girgenti. Deux circonstances importantes se trouvent énoncées dans ces vers. Il y est d’abord parlé de trois figures gigantesques, dont le col et les épaules servoient de support, et il y est dit ensuite que la chute de ces trois colosses eut lieu le 3 de décembre 1401. Le même Fazello rapporte que ces trois colosses ou géans, comme il les appelle, restés long-temps debout, sur trois colonnes ou piliers, au milieu des ruines de ce temple, devinrent le sujet de la composition des armoiries de la moderne Agrigente, et de l’épigraphe qui les accompagne, signat Agrigentum mirabilis aula gigantum. Ainsi voit-on sur l’écusson de cette ville, trois figures nues, qui semblent supporter trois tours. Gigantes in scuto ostentat arcem humeris sustinentem. De là vint donc à cette ruine, dans le moyen âge, la dénomination populaire de palais de Géans, palazzo dé Giganti.

Quels étoient ces géans ou télamons ? c’est ce que les fouilles exécutées, vers le commencement de ce siècle, au milieu des débris du temple olympien, nous ont manifesté.

Ce temple a été décrit avec beaucoup d’exactitude et de clarté par Diodore de Sicile. Il nous apprend qu’il avoit ses murs en dehors ornés de colonnes circulaires à moitié engagées, et en dedans de colonnes quadrangulaires. On avoit vu là naturellement un pseudopériptère et les colonnes carrées, on les avoit expliquées par une ordonnance de pilastres correspondans aux demi-colonnes extérieures, et la chose peut très-bien s’entendre ainsi. Mais l’état entièrement ruiné de l’intérieur du temple étoit resté inconnu, les décombres cachant entièrement l’aire de son naos. Or, il a été avéré qu’au lieu de colonnes formant les trois nefs comme dans les grands temples, il y avoit des piliers quadrangulaires, et au lieu du second ordre de colonnes surmontant, selon l’usage, l’ordre inférieur, il régnoit une rangée de télamons, ou atlantes en ronde bosse, faisant fonction de colonnes et supportant l’entablement.

Des fragmens de ces colosses se sont retrouvés dans les décombres du temple, et en assez grand nombre, pour qu’il ait été facile à M. Cockerell, il y a quinze années, d’en recomposer une figure toute entière. Depuis, de nouveaux fragmens retrouvés et assemblés, ont permis d’en remettre plusieurs autres dans leur premier ensemble, et ainsi s’est confirmée la vraie raison qui avoit fait appeler cet édifice temple des Géans.

D’après les renseignemens donnés par plus d’un voyageur, et récemment encore par M. Hittorf, ces télamons avoient à peu près vingt-cinq pieds de hauteur. Ils ont les deux bras ployés au-dessus de leurs têtes, dans l’attitude des porte-faix qui chargent des fardeaux sur leurs épaules ; leurs cheveux symétriquement bouclés sont surmontés d’un bonnet. Cette sculpture est d’un style qui tient du genre des anciennes écoles. Les yeux y ont de l’obliquité, et les coins de la bouche sont relevés. Généralement, le goût et le travail en sont assez grossiers. Ce qu’on explique, non par l’époque qui fut très-certainement celle du développement de l’art, mais d’abord par la position très-élee d’où cette sculpture devoit être vue, ensuite par la nature de la pierre du pays, qui ne comporte point de fini, enfin parce que ces figures devoient être toutes revêtues de stuc, et peut-être de couleurs comme l’architecture. Mais Diodore nous apprend que ce temple ne fut point terminé dans son comble, et très-probablement ces télamons


restèrent dans une espèce d’état d’ébauche, auquel la dégradation n’aura pas laissé d’ajouter de nouvelles défectuosités.

A l’article SALONIQUE (voyez ce mot), on a fait mention d’un monument antique, où règne audessus des colonnes une ordonnance de piliers carrés auxquels s’adossent des figures d’un bas-relief assez saillant, et qui, si elles ne paroissent pas faire fonction de caryatides, en sont au moins le semblant. D’autres exemples qu’on a rapportés, et qu’on rapportera encore, prouvent que cet usage d’adosser des statues à des pilastres, et d’en faire le soutien réel ou fictif des plates-bandes ou des entablemens, fut beaucoup plus commun qu’on ne l’avoit pensé. Voici une nouvelle autorité de cette pratique dans une moindre dimension sans doute, et que les découvertes récentes de Pompeia en 1824, viennent de nous fournir.

Une salle qu’on croit avoir été une salle de bains, a son entablement supporté par des montans, entre lesquels sout des ouvertures ou fenêtres. Ces montans ou trumeaux, comme nous les apellerions, servent de fond à des figures de télamons ou atlantes en ronde bosse, tout-à-fait semblables à ceux du temple d’Agrigente. Elles posent chacune sur un socle. Elles ont, comme les télamons d’Agrigente, les deux bras ployés au-dessus de leurs têtes, et elles expriment dans leur attitude l’effort d’un homme portant un fardeau. La plus grande différence entr’elles, et celles du temple de Jupiter Olympien, consiste dans la dimension. Les télamons de Pompeia n’ont guère qu’un pied et demi de hauteur ; ils sont en terre cuite, et les moulures de la corniche qu’ils supportent, sont de stuc. Quelques-unes annoncent par l’espèce de ceinture de poils qu’ils ont, qu’on eut l’intention d’en faire des êtres de la nature du Faune.

C’est ainsi que sont effectivement représentées ces trois grandes figures antiques qui supportent un bassin, qu’on voyoit jadis à Rome dans les jardins de la villa Albani, et qui ornent aujourd’hui le Muséum royal de Paris. L’emploi auquel on les a appliquées, quoique fort convenable à leur caractère, étant très-certainement d’invention moderne, rien n’empêche de croire que ces statues atlantiques surent originairement employées comme support, en place de colonnes, dans quelqu’édifice, sous un couronnement quelconque.

Pirro Ligorio, dans sa description manuscrite de la villa Adriana Tiburtina, nous a conservé la mention d’un semblable emploi de télamons, placés dans une salle à manger ou triclinium (ainsi qu’il l’appelle), dont la forme étoit circulaire, mais décrivant un décagone, dont les angles étoient peu prononcés. Elle avoit, dit-il, à chaque angle, au lieu de colonnes, des figures en marbre noir, drapées de plis légers, avec les nus en marbre rouge. Je vais rapporter les propres paroles de Pirro Ligorio. Aveva questo (Triclinio) alquanto della forma rotonda, ma decagona, e degli angoli dolcemente angolata, incrostata tutta di marmi mischi e di compartimenti. Aveva figure, par colonne, del marmo negro i vestimenti di sottilissimi veli, vestite colle mani e piedi e braccia del marmo rosso, poste in ogni angulo una, che sostenevano mutuli, capitelli e corone, delle quali, solo una ne avemo veduta intera, e delli posamenti delle altre tutti foderati di marmo mischio, cinque piedi alte da terra, ed esse figure sono di grandezza tre volte il naturale.

TELMISSUS. Ville antique de l’Asie mineure, dans la Carie, où M. de Choiseul-Gouffier a fait connoître des restes de monumens fort curieux, et dont on peut voir les dessins dans son voyage pittoresque de la Grèce.

La planche 65, tom. I, contient quelques sarcophages en pierre grise de différentes grandeurs. Il s’en trouve un fort grand nombre sur le penchant de la colline où étoit bâtie Telmissus jusqu’à la mer. Un de ces sarcophages a sur son petit côté une ouverture carrée, par laquelle il est vraisemblable qu’on introduisoit le corps mort. On fermoit sans doute après cette entrée, avec une pierre qu’on scelloit exactement.

La planche 66 nous montre un autre sarcophage beaucoup plus grand. « Il est (dit M. de Choiseul) d’un dessin très-singulier, et je n’en connois aucun du même genre. On diroit, ajoute t-il, qu’on ait voulu imiter un édifice construit en bois ; c’est au moins ce que paroissent indiquer certains dés de pierre faisant au-dessous du couvercle fonction de modillous ou de mutules dans les deux côtés plus longs. »

Il n’y a aucun doute, comme l’observe le ce’lèbre voyageur, que les Anciens aient souvent imité dans leurs sarcophages les formes générales de l’architecture et les détails des édifices. Ces sortes d’imitations plus ou moins exactes sont innombrables. Qui ne sait aussi que de tout temps l’on s’est plu à donner ces sortes de ressemblances à beaucoup d’autres objets, tels que meubles, coffres, armoires, etc. ? Nous hasarderons sur la vue du dessin de ce grand sarcophage, de mettre en avant une autre espèce d’imitation analogique. Elle nous est suggérée par les bandes multipliées que présentent ses élévations. Pourquoi ne supposeroit-on pas qu’on anroit eu en vue d’imiter la construction de certains coffres, entourés de bandes de métal pour en assurer la solidité ?

Dans une montagne voisine de Telmissus, et dans la roche dont elle se compose, on voit un très-grand nombre de tombeaux. Quelques-uns ne sont que de simples trous. Mais il en est deux, véritables monumens d’architecture, qui fixent bientôt tes regards. Ils offrent des façades d’édifices réguliers. M. de Choiseul, tom. I, pl. 68 et suivantes, a fait connoître le plan, l’élévation et les détails des plus importans de ces sépulcres taillés dans la masse du rocher.


L’ordre employé dans ce monument ne permet pas de le croire fort ancien ; on s’aperçoit qu’on a cherché à lui donner un caractère simple et sévère. Toutes les parties de la modénature sont lisses et carrées. On y a supprimé la frise ; l’architrave est en deux bandeaux, et la corniche a des modillons cubiquement taillés. Les acrotères répondent au caractère lisse du fronton. Toute cette simplicité a dû être inspirée, par le travail même d’une architecture prise dans la masse de pierre, dont est formée la montagne. Le frontispice présenté un vestibule composé de deux antes ou très-larges pilastres, et de deux colonnes isolées, dont le chapiteau est ionique. La base a un double plateau, l’un carré, l’autre circulaire, et un seul tore saillant.

Sous ce vestibule est une porte feinte parfaitement figurée, et qui n’a jamais eu d’autre ouverture qu’un des espaces d’un panneau inférieur, par lequel on s’est ménagé le moyen de creuser au-de-là et de pénétrer dans la chambre qu’on a creusée. Cette chambre a onze pieds trois pouces de large, sur neuf pieds deux pouces de profondeur ; sa hauteur est de cinq pieds dix pouces. Autour de cet intérieur règne une banquette de trois pieds deux pouces de large, sur deux pieds neuf pouces de haut.

Il est à croire que les corps déposés dans ce sépulcre ne furent point enfermés dans des sarcophages, de la nature surtout de ceux qu’on trouve à Telmissus, car aucun n’auroit pu être introduit par la petite ouverture dont on a parlé. Peut-être y déposoit-on les corps, de la manière dont on les voit dans les sépulcres de la grande Grèce, sur la banquette même autour de la chambre.

L’entrée de ce sépulcre se fermoit par une dalle de pierre qu’on faisoit glisser dans des rainures taillées pour la recevoir, et dont la surface extérieure répondoit à celle des autres panneaux figurés sur la porte. Sur le panneau correspondant à celui-ci, est une inscription grecque, mais tellement effacée, qu’il a été impossible de la déchiffrer.

La planche 69 renferme, avec d’autres détails de ce monument, le dessin exact de la totalité de la porte feinte, dont le chambranle est formé de deux faces tout unies, et surmonté d’une manière de corniche, qu’accompagnent deux consoles sans ornement ni enroulement. On remarque le soin avec lequel on a cherché à y copier les têtes de clous, dont on fortifie les portes faites en menuiserie.

Il s’est conservé à Telmissus les restes d’un théàtre pratiqué sur le penchant d’une colline, comme le sont presque tous ces édifices en Grèce. Il est construit d’une pierre grise fort dure. Toute la partie circulaire sur laquelle se plaçoient les spectateurs est assez bien conservée, mais les extrémités qui joignent le proscenium, et qui n’étoient pas soutenues par le terrain, sont entièrement détruites. Cette partie, ainsi que la scène, est remplié de décombres, qui ne permettent pas de rechercher les sondations.

On peut donc seulement se faire une idée générale du plan de ce théâtre, et de l’élévation extérieure de la scène. Elle était divisée par cinq portes accompagnées de piédestaux, sur lesquels étoient peut-être placées des colonnes mi des statues. Sous cette élévation un reconnoît parsaitement les trous ménagés pour recevoir les solives du plancher de la scène. Au-dessous sont trois conduits par lesquels ou passait sous la scène et dans l’orchestre.

TÉMOIN, s. m. Se dit dans l’arpentage, dans les fouilles de terre que l’on fait, soit pour abaisser des terrains, soit pour leur nivellement, d’une butte qu’on laisse d’espace en espace, afin de juger de l’état du travail fait ou à faire. On couvre volontiers ces buttes de gazon.

On appelle faux témoins les buttes dont on exhausse les sommets, pour rendre les cubes plus gros qu’ils ne devroient l’être, et à dessein de tromper sur la quantité du travail.

TÉMOINS DE BORNE, pl. Petits tuileaux d’une certaine forme que les arpenteurs mettent sous les bornes qu’ils plantent, où à certaine distance, pour séparer les héritages dont ils font mention dans leur procès-verbal, et qui servent, en cas qu’on transporte les bornes par fraude et usurpation, à reconnoitre leur première situation.

TEMPLE, s. m. Nom général qu’on donne à un édifice consacré au culte et a l’adoration de la Divinité.

De tous les genres d’ouvrages qui appartiennent à l’art de bâtir, aucun n’a obtenu plus de solidité, de grandeur et de magnificence, et aucun n’a été plus multiplié, que celui dont un sentiment universel s’est plu de faire en tout temps, et en tout pays, hommage a la Divinité. L’idée d’un Etre suprême, créateur et conservateur de tous les êtres, s’est toujours trouvée partout, la première dans l’ordre des idées, qui ont fondé les sociétés. Il fut donc naturel qu’en bâtissant des villes, les hommes les missent sous la protection d’un pouvoir supérieur, principe premier de l’harmonie sociale, et de la dépendance sans laquelle aucun ordre de choses ne peut subsister. De là l’érection des édifices sacrés, lieux de réunion ou des croyances et des cérémonies communes, devenant le lien des esprits, produisent cet accord moral qui d’hommes incohérent et isolés, l’orme un corps plitique, sous le nom de cité, de peuple ou de nation.

Toute idée a besoin de signes qui la fixent, qui la rendent sensible, et qui la perpétuent. L’idée de Dieu, bien qu’inhérente à la nature de l’homme,


bien qu’elle soit instinctive, et le résultat partout nécessaire du développement de sa raison, n’en a pas moins besoin d’être sans cesse rappelée et renouvelé à l’intelligence, tant l’état d’ignorance où mille causes retiennent le plus grand nombre, tant l’action des passions et des appétits sensuels qui égarent eu corrompent le sentiment du juste et de l’injuste, tendent puissamment à faire triompher le principe matériel sur le principe moral. Le législateur a donc mis au premier rang des institutions sociales, celle qui place la Divinité en tête de toutes les lois, de toutes les pratiques, de toutes les actions, et maintient sans cesse l’idée de Dieu comme principe de toutes les autres.

Or, comme c’est par les sens qu’il est nécessaire de parler au plus grand nombre des hommes, l’art de bâtir est de tous les arts, celui qui s’est trouvé le plus propre à ce genre d’enseignement sensible et matériel. La supériorité de la demeure divine sur les habitations des mortels, semble leur rappeler, à tout instant, la distance qui sépare les créatures du Créateur, et en faisant dominer son temple si fort au-dessus de leurs têtes, rend l’idée du son existence et de sa puissance toujours présente à leurs yeux, comme a leurs esprits.

Ce qu’on vient de dire n’a rien de systématique. C’est la pure et simple exposition d’un fait, qui existe chez toutes les nations de la terre, que l’on remarque dès les premiers âges des premières sociétés, dont les nombreux vestiges n’ont pu encore être anéantis par le laps des temps, et dont les ruines les plus antiques nous ont conservé les plus éclatans témoignages.

Que trouve-t-on, en effet, lorsqu’on parcourt le Globe, dans tous tes lieux où des restes de constructions attestent l’existence de peuples, dont les noms effacés de la mémoire des hommes, ne vivent plus que dans quelques récits de l’histoire ? Que sont ces blues énormes gisant à terre, depuis une multitude de siècles, comme des pierres tumulaires, témoins en quelque sorte éternels, chargés d’apprendre au voyageur qu’il y eut là un empire ? Ce sont les débris de ses temples. Tout s’est anéanti, on ne découvre plus aucun vestige reconnoissable d’habitations. Pour quoi partout en remarque-t-on des demeures divines ? C’est parce que l’art de bâtir a voit toujours mis en œuvre dans ces monumens, et les matériaux les moins destructibles, et les moyens les plus propres à assurer la solidité de leur emploi. Leur grandeur et la vaste étendue de leurs dimensions, en offrant peut-être plus de prise aux attaques du principe destructeur, n’ont pas laissé du protéger les témoignages de leur antique existence, et partout la terre a conservé les fondations, dépositaires de la grandeur et de la magnificence de leurs plans, comme de leurs élévations.

C’est dans l’érection des temples et dans la diversité de leurs formes, que le génie de chaque peuple semble avoir épuise tout ce qu’on peut imaginer de propre, en architecture, a élever le sentiment et l’esprit des hommes, au niveau de la grande idée que l’ouvrage de l’art doit représenter. Ici, des édifices pyramidaux qui aspirant, par leur procérité, à porter jusqu’aux ciel les yeux et les pensées du spectateur. Là, des masses de rocher taillées et travaillées comme peur être des emblèmes de l’éternité. Ailleurs, des bancs de pierre et de montagne perforés, comme pour assurer aux temples une durée égale à celle de la nature. Dans d’autres pays, de nombreuses enceintes élevées, en amphithéâtre, autour de la colline surmontée par l’autel. Chez quelques peuples, des terrains consacrés en plein air, ni enclos d’épaisses et solides murailles, qui ont survécu à plusieurs générations d’états de royaumes. Ainsi, partout l’idée de Dieu se trouve écrite par l’art de bâtir, en caractères jusqu’à présent ineffaçables, et qui nous prouvent que le temple fut, toujours et partout, l’édifice le plus considérable.

Si des travaux antiques, ou de pays éloignés, nous passons à ce qui s’est fait, dans les temps plus rapprochés du nôtre, et à ce qui existe dans les contrées que nous habitons, nous verrons de même les édifices sacrés, non-seulement occupant la première place dans les entreprises de l’art de bâtir, mais présentant au milieu de toutes les villes, une grandeur, une élévation et un luxe de travail, qui peuvent délier les travaux du même genre, dans les siècles antérieurs. Nous voulons parler de ces vastes constructions du moyen âge, qui, sous la fausse dénommation de gothiques élèvent encore aujourd’hui leurs masses et leurs sommités audacieuses, au-dessus des édifices de toutes les villes du l’Europe. Lorsque le goût de la belle architecture reparut avec celui des autres arts de la Grèce et de Rome, une noble émulation s’empara de tous les peuples modernes, et ce fut à qui adapteroit avec plus de succès, les sormes régulières des ordonnances, des plans et des élévations des temples de l’antiquité classique, aux convenances et aux besoins du christianisme. Des prodiges de dépense, de grandeur et de richesse en ce genre, ont distingué tous les siècles et tous les pays, depuis le renouvellement du bon goût. Toute l’architecture antique a été mise à contribution, pour fournir à la composition des nouveaux temples, dé quoi réunir, avec des ensembles jusqu’alors inconnus, tous ies genres de solidité dans la construction, de grandeur dans les intérieurs, de magnificence extérieure et de hardiesse dans l’élévation des masses. De somptueux péristyles ont annoncé leurs entrées, de riches ordonnances ont décoré leurs enceintes, de vastes et brillantes coupoles élancées dans les airs, ont étendu leur aspect à des distances prodigieuses. Enfin, pour résumer ceci en deux mots, le chef-lieu du christianisme a érigé sur les débris de l’antique Rome, le temple et la coupole de Saint-


Pierre, monument qui n’eut point d’égal dans l’antiquité, et qui très-probablement n’aura jamais de rival dans la suite des âges.

Ce préambule a eu pour objet de faire entendre, quelle immense matière serait celle d’un ouvrage qui comprendroit l’histoire générale des temples, les notions diverses qui se rapporteraient dans une telle étendue de temps et de pays, à leurs formes, à leur structure, à leurs emplois, à leurs mesures, à leur goût, à leurs ornemens, etc. Or, ce n’est pas sans raison que nous avons esquissé eu raccourci le point de vue d’une semblable histoire. On a déjà compris que nous nous sommes proposé d’expliquer par là, pourquoi l’article TEMPLE, dans ce Dictionnaire, ne sauroit approcher de la proportion qu’exigeroit, même dans le plan le plus succinct, l’universalité de ces connaissances.

Nous avons encore une autre raison à rendre de la mesure étroite, dansa laquelle nous avons dû circonscrire ici les notions du mot temple. Nous n’aurions pu, en effet, que répéter les nombreux détails qui ont été déjà donnés dans celle matière, à chacun des articles, soit de ceux que nous avons consacrés sous leurs titres, à chacune des architectures plus ou moins anciennes ou modernes, que l’on connît sons un nom particulier, soit de ceux qui contiennent des descriptions de temples existans encore dans les ruines de toutes les villes antiques, dont les noms font partie de la nomenclature générale de ce Dictionnaire, soit enfin de ceux, où nous avons embrassé la biographie des célèbres architectes, et dès-lors les notions descriptives et critiques de leurs monumens.

L’architecture d’ailleurs, à laquelle ce Dictionnaire doit surtout rapporter les recherches de tout genre, qui en font l’objet principal, étant l’architecture devenue universelle, c’est-à-dire celle des Grecs, la seule qui ait des principes fondés en raison, et un système applicable aux besoins de tous les pays, nous nous bornerons à faire connoître dans cet article, l’origine des temples grecs, les variétés et les progrès de leur construction, leurs différentes espèces, selon leur étendue, leurs formes, leur composition, leurs emplois et leur destination, tant en Grèce qu’en Italie, où le même genre de culte propagea les mêmes usages, et, à quelques différences près, le même système de disposition et de décoration.

NOTIONS HISTORIQUES sur l’origine du temple grec, et fut les causes de formation primitive.

Si l’on s’en rapporte à un certain instinct primitif, dont on retrouve des traces dans l’histoire des plus anciens peuples connus, les hommes eurent d’abord un culte aussi simple, que l’étoient leur intelligence et l’état de leur société. Très naturellement, dans les pays de montagnes, ce fut sur quelque sommet élevé, que le besoin d’adresser des hommages au grand Eire, dut eu rassembler les adorateurs. C’étoit, comme la Bible nous l’apprend, sur les lieux hauts, que la superstition chez tous les peuples voisins du peuple juif, avoit établi ses autels et sis sacrifices. Un grand nombre de documens, de vestiges plus ou moins authentiques, et d’usages postérieurs, traditions de pratiques plus anciennes, nous permettent de conjecturer qu’en Grèce, les sommets des montagnes furent aussi les premiers lieux sacrés ; la plupart ayant reçu celle destination de quelques aventures mythologiques, auxquelles l’imagination avoit donné naissance, et que depuis une pieuse crédulité n’avoit pas manque d’accréditer.

Le premier temple aura dune été un simple Terrain consacré par un autel, où se faisoient les sacrifices, où se déposœint les offrandes. Ce terrain ne s’appela point autrement que lieu sacré hieron en grec. Très-naturellement on l’entoura postérieurement d’une enceinte quelconque. On croit retrouver encore aujourd’hui quelques-unes de ces enceintes, dans des restes de murailles construites en grosses pierres polygones. Bien qu’il y ait un grand abus de critique, à prétendre que partout où l’on trouve de ces vestiges et de ces matériaux, il y eut un hieron ou enceinte sacrée, comme si mille autres raisons n’avoient pu faire employer le même genre de bâtisse à d’autres objets, on peut se prêter à croire que la religion, tout en changeant et de culte e de forme, aura pu faire durer long-temps les restes de ces lieux consacrés par d’antiques souvenirs.

L’hieron, entendu comme enceinte sacrée, a dû subsister dans les usages religieux, et constituer exclusivement le temple tant qu’un simple autel fut l’unique signe du culte, le seul point de centre des cérémonies. On voit qu’il devoit suffire aux besoins des premières sociétés, et sa position à ciel découvert n’exigeoit rien de plus.

Je n’examinerai point ici (tant la recherche seroit longue et inutile au but que je me propose), si, dans la suite même des temps, ce culte en plein air, sur le terrain sacré enclos de murs, dut subsister, et jusqu’à quel point il s’en conserva des traces. Rien n’est durable comme les usages religieux, et sans doute plus d’une superstition l’aura perpétué dans plus d’un endroit. Je ne cherche ici qu’à rendre compte des causes probables, qui influèrent à la fois sur les pratiques du culte, et par suite sur la formation des temples.

Or, j’en crois voir une très-vraisemblable dans l’idolâtrie proprement dite, ou le culte des idoles. On ne sauroit affirmer que, surtout dans les premiers âges de la Grèce, l’enceinte sacrée n’admettoit aucune figure en présence de l’autel. Mais ce qu’il est fort permis île croire, c’est que dans un temps où la première pierre, le premier tronc d’arbre plus ou moins façonné, pouvoit tenir lieu de simulacre, on ne s’occupa guère de met-


tre à couvert d’aussi informes idoles. L’idée d’un temple, comme bâtiment construit, ne dut se présenter que lorsque le progrès dans l’art des figures taillées, eut commencé à donner à la Divinité, une personnification assez sensible, pour qu’on pût, et prendre l’image pour une réalité, et porter quelque soin à sa conservation, en lui procurant une demeure.

De cet usage aura dû dater, ce nous semble, le besoin, et dès-lois l’usage du temple construit, c’est-a-dire du terrain sacré, réduit, selon les lieux, à une moindre étendue. C’étoit toujours l’hieron dans son sens naturel el primitif, mais sa nouvelle destination lui fit donner le nom de naos en Grèce. Plus l’art de la sculpture, par le développement progressif de l’imitation, parvint à perfectionner la forme des idoles, plus l’imagination des peuples crut y voir le Dieu lui-même, et plus il devint nécessaire de lui donner une habitation conforme à son importance, à la grandeur et à la beauté de l’image. Le templefut donc assimilé à une maison. De là la différence qu’on doit mettre dans l’interprétation des textes grecs, entre les deux termes principaux hieron et naos, L’hieron, entendu comme enceinte sacrée, avoit existé d’abord, et put continuer encore d’exister, sans naos ou habitation divine, Le naos exista souvent sans enceinte sacrée ; mais comme, considéré en tant que bâtiment, il renferme encore lui-même un terrain sacré dont il devient l’enceinte ; et comme le mot général hieron ne signifie que lieu sacré, il a pu être donné a des temples construits sans enceinte à l’entour, ainsi qu’à des enceintes sans bâtiment ; et une multitude de passages prouvent ce double emploi. Or, c’est à une critique exercée et sans système, qu’il appartient de discerner, dans quel sens ce mut doit être souvent entendu.

Nous croyons donc voir dans les progrès de l’art des idoles en Grèce, et dans l’accroissement de leur culte, l’origine du besoin d’avoir des temples construits, pour devenir l’habitation du Dieu. La statue de la Divinité devint alors le point de centre du culte, ce qui n’empêcha point l’autel placé en plein air, d’êlre le lieu des sacrifices, et les cérémonies religieuses d’être pratiquées en dehors. Or, voilà ce qui expliquera, quelle fui, par la suite, la conformation des plus grandi temples, et pourquoi le plus grand luxe de l’architecture dut se portera leur extérieur.

Pour le présent, il nous suffit de voir, comment et pourquoi le Dieu devenu idole à figure humaine, fut encore assimilé aux hommes, pur le besoin d’avoir une habitation. Or, dès qu’on fit d’un temple une habitation, il fut tout naturel qu’elle prit la forme des maisons. C’est ce que la suite nous montrera.

Mais je ne peux m’empêcher de m arrêter à ce point, qui paroît d’autant plus certain, que les faits subséquens permettent de remonter à leurs précédens, pour faire observer une des différences caractéristiques de l’architecture grecque, avec l’architecture de l’Egypte, d’où une critique routinière prétend venir luire les modèles des arts de lu Grèce, quoique dans le fait il n’y ait entre les ouvrages des deux nations en ce genre, d’autres ressemblances, que celles de certains élémens, qui ne peuvent point ne pus être communs à tous les hommes, même lorsqu’ils n’ont aucune communication entr’eux.

La différence dont je veux parler, me paroît être résultée, de la différence même du type primitif donné par les symboles du culte, ou par les premiers objets, sous la forme desquels l’idée de la Divinité fut rendue sensible. Il paroît constant que le polythéisme sera né des rapports divers, sous lesquels on se figura les attributs des puissances, et des propriétés de l’Etre suprême. On convient que les idées morales et métaphysiques furent fixées, en Egypte, dans son écriture hiéroglyphique, et exprimées par la forme matérielle des corps et surtout des animaux, qui devinrent, dans l’imitation qu’on en fit, les images sensibles des diverses combinaisons de l’intelligence. Dès-lors on s’explique aisément comment une figure d’animal, connue pour exprimer telle vertu, telle qualité, sera devenue dans son application aux choses divines, une figure consacrée, où sans doute on auroit dû voir, non la chose elle-même, mais celle qu’elle signifioit. De l’habitude d’honorer dans le signe imitatif d’un animal, un des attributs de la Divinité, le peuple ignorant aura dû bientôt passer jusqu’au respect pour le signe matériel (ce qui arrive presque partout). Mais qui pouvoit alors s’opposer à ce que l’un transportàt, au modèle, le respect qu’on avoit pour son image, et qu’on ne le prît lui-même, en toute réalité, pour être un symbole vivant de la chose signifiée ? De là sera provenu ce qu’on appelle le culte des animaux.

Or, il paroît qu’on est d’accord, que dans chaque genre de temple en Egypte, il y avoit un animal sacré, qu’on entretenoit en vie. Tels étoient entr’autres l’épervier, l’ibis, le vautour, le crocodile, le cynocéphale, le chien, le bœuf, etc. Les restes des temples de l’Egypte, encore en très-grand nombre, ont conservé ce qui dut être l’espèce de sanctuaire propre à de pareilles divinités. Les Grecs le nommèrent secos. C’étoit un très-petit local, privé le plus souvent de lu lumière du jour, et qui ne ressermbloit pas mal, à ce que nous nommerions, dans nos ménageries, une loge. Ce local étoit, par le fait, sans rapport avec l’ensemble de tous les bâtimens beaucoup plus considérables, qui, ajoutés les uns en avant des autres, et probablement dans des temps divers, servoient d’antécédent au petit secos occupé par l’animal. Rien, comme on le voit, ne put, en ce genre, ni servir de modèle aux Grecs, dans la disposition de leurs temples, ni leur inspirer la moindre imi-


tation. Chaque temple naquit en chacun des deux pays, d’un principe divers, et se forma sur un type qui fut originairement particulier.

Le temple grec fut donc, dans l’origine, une maison préparée pour l’habitation d’un dieu, que l’art avoit déjà façonné sur le modèle de la figure humaine.

C’est peut-être là, quoique je ne sache pus qu’on l’ait jusqu’ici remarqué la raison la plus simple et la plus naturelle, de la différence caractéristique qu’on est forcé de reconnoître, entre la disposition dutemple égyptien et celle du temple grec, et entre les principaux élémens de leur construction.

A l’article ARCHITECTURE, nous avons essayé de ramener à quelques principes originaires, tels que ceux des premières habitudes, des besoins locaux et des ressources naturelles aux diverses contrées, les formes les plus caractéristiques, sous lesquelles se distinguent certains modes d’architecture. Nous avons attribué en partie à l’usage des excavations souterraines, en Egypte, la simplicité, la massivité el le manque presqu’absolu de projections dans les masses, que nous présentent les monumens construits de ce pays. De pareilles théories ne doivent jamais être prises trop à la lettre, ni entendues dans le sens absolu d’une démonstration. Nous avons d’ailleurs, pour expliquer le genre de couronnement des édifices égyptiens, mis en avant la rareté des bois, qui dut faire trouver dans la pierre seule, et dans son seul emploi, une manière d’être, et une conformation toute différente du système de bâtir en Grèce. On peut ajouter encore à ces causes originaires et déterminantes de l’art de bâtir, l’usage dicté par le climat, de terminer les maisons en terrasse, usage qui s’est perpétué, et qui se perpétuera, tant qu’il sera favorisé pur un ciel habituellement sans nuage. Aussi a-t-on remarqué, que non-seulement tous les temples eu Egypte, ou pour mieux dire tous les corps do bâtiment qui composèrent leur ensemble, sont uniformément couverts en terrasse, mais qu’on n’a pas encore découvert dans ce pays, la moindre indication de ce qu’on appelle un fronton.

Nous ne répéterons pas ici, que le fronton, image du toit, est tout à la fois la représentation de la charpente qui forme les couvertures en bois, et la preuve de l’emploi immémorial du bois dans lestemples de la Grèce. Comme on ne sauroit se refuser à croire que les habitations particulières, dès les premiers âges, furent eu bois, il est tout aussi nécessaire de croire, que les premières demeures préparées aux premiers simulacres des dieux, furent des constructions du même genre. Les premiers temples se composèrent donc de simples murs, dont le bois formoit l’élévation, et que surmontoit un toit composé de solives inclinées, venant s’appuyer sur les pièces de bois horizontalement posées, qui depuis donnèrent naissance à l’architrave, dont le nom qu’il porte apprend l’origine. Les deux extrémités du toit formèrent les deux frontons antérieur et postérieur, et voilà de toute nécessité le premier temple grec.

Comme, par une suite d’inductions et de preuves indubitables, ce premier temple, répétition évidente de la maison alors en usage, nous révèle dans son type originaire, le système que l’architecture s’appropria, en développant et perfectionnant son modèle, l’architecture va nous donner à son tour, l’histoire du temple en Grèce, celle de son accroissement, de son développement, de ses variétés et de ses diverses compositions.

Mais aurons-nous besoin d’aller interroger dans toutes les contrées, les restes de ce nombre prodigieux de temples, ouvrages d’un si grand nombre de siècles ? On sent combien un tel rapprochement seroit difficultueux et long. Puis, qui nous assureroit, vu l’immense destruction qui a eu lieu en ce genre, que le hasard nous attrait conservé un exemple complet de chacune des diversités, auxquelles ces monumens fuient soumis ?

Eh bien ! un seul traite d’architecture celui de Vitruve, va nous mettre à même de parcourir toutes les diversités du temple grec, depuis le plus simple et le plus petit quel nous venons d’imaginer, en quelque sorte à priori, d’après la seule autorité de quelques faits, jusqu’à celui que des vestes encore existans nous lieront connoître, comme étant ce que l’art a conçu et exécuté de plus grand et de plus riche. Or, cette énumération descriptive de tous les genres de temples, qu’a produits l’architecture grecque, bien qu’extraite d’un chapitre ou deux de Vitruve, nous croyons qu’elle doit suffire à l’histoire complète de celte partie de l’art, pour plus d’une raison. D’abord, c’est qu’instruit dans son temps, mieux qu’on ne peut l’être aujourd’hui, sur une matière pour laquelle il avoit fait des recherches, Vitruve a dû être à portée de connoître toutes les variétés qu’il avoit intérêt de rassembler. Disons ensuite que les rîtes religieux avoient, tant en Grèce qu’à Rome, prescrit un certain nombre d’espèces, de formes et de dispositions pour les édifices sacrés, sur lesquelles l’art s’exerçoit librement quant à ce qui est proportion, dimension, ornement et goût, mais toutefois d’après certains types donnés qui évidemment ne furent pas très-nombreux, et que tout architecte devoit connoître. Enfin, deux autres considérations viennent témoigner en faveur de l’exactitude de Vitruve. La première est que toutes les espèces de temples dont il nous a donné idée et la description, ont retrouvé leurs homonymes et leurs pareils, dans les restes encore assez nombreux, que le temps n’a pu achever de détruire, sur le sot d’un grand nombre de villes antiques. La seconde, c’est qu’entre tous ces monumens parvenus jusqu’à nous, on peut douter qu’il s’y en soit trouvé d’une espèce étrangère à ceux que renferme l’analyse de l’architecte romain.


NOTIONS HISTORIQUES ET THÉORIQUES sur les développemens successifs du temple grec.

Nous avons vu que la nature des choses, que les faits et l’histoire, s’accordent à nous donner une idée précise, de ce que dut être dans sa conformation et sa construction, le temple primitif en Grèce. Le système constant et universel de l’architecture grecque perfectionnée, ne nous a pas permis de supposer, qu’il ait pu être autre chose qu’un assemblage de bois de charpente, dans ses murs et dans sa couverture. Vitruve nous a conservé un nouveau témoignage de cette origine et de cette constitution première, dans les notions qu’il nous donne du temple toscan, dont la structure, selon toutes les apparences, s’étoit perpétuée en Etrurie, et s’étoit propagée à Rome. Or, l’on sait que les arts de l’Etruire ne furent, en tout genre, comme sa langue, son écriture et sa mythologie, qu’une émanation très-ancienne des pratiques et des usages de la Grèce. Eh bien, ce temple toscan, décrit par Vitruve, étoit un composé de bois de charpente. Des poutres en bois formoient sa toiture, ses combles et son entablement.

Ainsi peut-on affirmer que la chose avoit eu lieu fréquemment en Grèce, avant une certaine époque. Polybe nous apprend que Dorimaque étant arrivé au temple de Dodone, brûla ses colonnes, ou ses portiques, selon qu’on voudra entendre le mot ςοας ; et comme il ajoute qu’il renversa en suite la cella την ιεν αν οιχιαν il est à croire que la cella étoit environnée de colonnes en bois. Plus d’un passage de Pausanias sait mention de colonnes de bois conservées, comme témoins de l’ancien usage, dans les édifices en pierre qui succédèrent à leurs antiques modèles. Ou peut même croire que l’usage des colonnes aux frontispices du temple ne fut pas, dans les premiers temps, d’une nécessité absolue. Lorsqu’un sommier en bois, vu le peu de largeur de ces constructions, put, sans aucun inconvénient, s’étendre d’un mur à l’autre, il y eut, comme la simple nature l’indique, un vestibule couvert en avant de la porte, qui se trouva reculée sous cet abri.

Ce fut là que prit naissance le premier temple à ordonnance régulière, selon la classification de Vitruve, je veux parler du temple qu’il appelle in antis. Très-naturellement, lorsque la maison du dieu acquit de plus grandes dimensions tant en longueur qu’en largeur, le sommier, ou la plate-bande en bois dont on vient de parler, eut besoin d’être soulagée dans sa portée, par des supports verticaux, en des bois debout, qui furent les colonnes primitives. Mais il est encore plus évident, que lorsque la pierre fut, dans la suite, substituée au bois, l’architrave en pierre n’aura pu remplacer la plate-bande en bois, que pur une réunion de blocs, qui exigèrent plus impérieusement encore, l’emploi des colonnes d’une ante à l’autre, c’est-à-dire de la tête d’un des murs latéraux du temple, a la tête de l’autre mur. Voyez ANTE.

Tout, dans les ouvrages de l’homme, et surtout dans ceux de l’architecture, ayant dû aller progressivement du simple au composé, il nous a paru naturel, en suivant tes résultats de cette loi générale, pour la formation des temples en Grèce, de placer le temple in antis, comme le premier dans les inventions de l’art, ainsi que Vitruve le place en tète, dans l’ordre de leur composition. Cependant la succession des inventions et des compositions de ce genre, ne fut pas telle, qu’on genre plus varié cl plus composé, dut faire tomber dans l’oubli celui qui l’étoit moins. Au contraire, la diversité des besoins et des circonstances, qui toujours ont dû présider à la confection des temples, fit concourir entr’elles, toutes les sortes de dispositions, auxquelles les progrès des sociétés donnèrent lieu. Or, celle qui dans l’ordre naturel des choses fut la première, n’en continua pas moins d’être employée, lorsque les besoins et les convenances l’exigèrent. Il n’y eut de changé, que ce que le perfectionnement de l’art dut y ajouter d’ordre et de régularité.

Ainsi le temple in anits (ou comme les Grecs l’appeloient, εν παραστασιν) reçut aux têtes de ses murs latéraux, la forme d’un pilastre correspondant par ses détails et ses profils, à ceux des colonnes intermédiaires, dont Vitruve porle le nombre à deux, quoique rien n’ait pu empêcher d’y en placer davantage. Mais on doit observer que Vitruve, dans sa classification méthodique, a eu aussi l’intention de soumettre sus exemples, a une progression de richesse comme de grandeur. Le temple à antes paroît donc avoir été en usage dans tous les temps. Tel étoit à Athènes celui dont il s’est conservé des restes fort considérables, et que Smart, dans son premier volume des antiquités de cette ville, appelle temple sur l’lliissus. Vitruve nous apprend qu’il y i n a voit un de ce genre, entre les trois temples de la Fortune, que l’on voyou près de la Porta Coltina, aujourd’hui Porta Salara.

La construction des temples en Grèce, dut suivre les progrès de la population et de la richesse du pays. Tant que les hommes restèrent divisés en bourgades, le temple in antis construit en bois put suffire aux besoins du culte. Nous en dirons autant du second genre de temple qu’ou appela prostyle, parce qu’on y substitua à chaque pilastre des antes formant la tête des murs latéraux, une colonne isolée, laquelle s’alignant avec les deux colonnes du milieu, donna un front du temple, un vestibule ouvert des deux côtés, et ce que nous appelons aujourd’hui un péristyle isolé. L’architecture a conservé, et dans de grandes proportions, trop d’exemples de ce genre de frontispices de temple, pour qu’en ait besoin d’en citer ici. La composition du temple grec acquit bientôt un accroissement, dans la répétition qu’on fit du prostylon à la


face postérieure de l’édifice, en sorte qu’il eut deux entrées parfaitement semblables, deux vestibules à colonnes isolées, et surmontées d’un fronton. Ce genre de temple qu’on nomma amphiprostyle, est le troisième dans l’ordre que leur assigne la classification de Vitruve. Très-probablement, long-temps avant que l’architecture ait été réduite en art, par l’importance que dut exiger le travail de la pierre, les temples dont on vient de parler, avoient reçu dans le travail du bois, des formes déjà déterminées, et une sorte de régularité.

Nous avons déjà eu l’occasion d’expliquer (voy. ARCHITECTURE, CABANE), comment ce qu’on apelle la cabane en bois, devint le modèle de l’architecture, et comment les colonnes, les chapiteaux, les srontons, les entablemens et toutes les parties de la modénature, avoient dû être façonnées dans leur configuration, et même leurs proportions, de manière, que l’art n’eut plus qu’à terminer et à polir, si l’on peut dire, dans des matières plus précieuses, l’ébauche des édifiées en bois. Fixer à cette sorte d’élaboration une époque précise, seroit, surtout aujourd’hui, une prétention d’autant plus vaine, que de pareils travaux, résultais d’une succession d’épreuves et de tentatives, ne sauroient avoir eu de date. On est assez porté à croire que ce fut après la guerre des Perses, qui avoient incendié beaucoup detemples en Grèce, que l’architecture en pierre prit tout son développement dans les temples.

Alors, effectivement, nous voyons s’agrandir outre mesure les images des dieux. C’est de cette époque (ainsi que nous i’avens montré dans notre ouvrage du Jupiter Olympien) que datent ces statues colossales d’or et d’ivoire, et ces trônes qui firent dans des compositions plus ou moins semblables, l’ornement de presque tous tel sanctuaires. Il fallut que l’agrandissement des temples suivit celui des simulacres divins.

La dimension du local destiné à la demeure d’un dieu colossal, exigea l’accroissement de l’extérieur, soit pour que le dehors répondit à la magnificence du dedans, soit pour donner une plus haute idée du culte, soit pour la commodité des cérémonies, et de ceux que leur pompe devoit y appeler et y réunir. De là, probablement, la disposition du quatrième genre de temple, je veux dire, selon Vitruve, letemple périptère.

Il fut dans la nature de l’architecture, et on doit le dire aussi des autres arts, en Grèce, de rester fidèle an type originaire de sa formation. Sortie d’un germe fécond, celui de la construction en bois, où se trouvèrent réunis les deux principes d’unité et de variété, elle ne fit, dans te cours des siècles, que tirer les conséquentes de l’un et de l’autre. Si l’on considère cet art, particulièrement dans l’un de ses plus grands résultats, celui de la disposition des édifices sacrés, on ne sauroit s’empêcher d’admirer, comment, à l’instar de la nature dont il sembla s’approprier les lois qu’elle suit dans la production des êtres, il réussit, par nue suite de développement successifs, à faire arriver ce qu’on peut imaginer de plus chétif, au punit de ce qu’on peut inventer de plus magnifique : de telle sorte que l’élément primitif se retrouve toujours entier, toujours visible dans ses diverses transformations. Ainsi dans l’arbre, dont les rameaux multipliés s’étendent sur le champ qu’il ombrage, on reconnaît toujours le frêle arbrisseau, qui eu renfermoit l’espérance.

Lorsque des colonnes isolées, placées aux deux fronts du bâtiment sucré, eurent procure’, tout à la fois, un abri utile et un aspect agréable, l’analogie toute seule dut suggérer d’ajouter aux deux flancs de l’édifice, et le même agrément et la méme utilité. Deux flies de colonnes ainsi placées auraient par trop rapetissé l’intérieur du naos, si ses deux fronts n’eussent eu que les quatre colonne duprostylon ; et voilà pourquoi Vitruve enseigne de donner six colonnes de front au temple périptère. Ces deux colonnes étoient nécessaires pour former la galerie circulant a l’entour. Du reste, il faut encore observer, comme les monumens nous le prouvent, que cette règle de Vitruve, n’est qu’une condition de l’ordre méthodique qu’il a suivi, connue pour rendre compte de la formation progressive dutemple.

Le sens du mot périptère et l’emploi du mode qu’il exprime, sont tout-à-fait indépendant du nombre de colonnes, que peuvent comporter les deux côtés antérieur ou postérieur du temple. Le mot, par sa composition, ne signifie autre chose qu’édifice avec des ailes. Ces colonnades latérales sont en quelque sorte au bâtiment, ce que les ailes sont à l’oiseau. Ainsi un temple est périptère, lorsqu’il est environné dans tout son pourtour, de colonnes isolées formant galerie continue, et les monumens de l’antiquité encore existant, nous montrent des temples périptères à huit colonnes de front. Tel étoit le temple de Minerve à Athènes. Si nous en jugeons cependant par les restes très nombreux de temples grecs, il est vrai de dire, que le plus grand nombre des périptères sont à six colonnes de front. Sans entrer ici, à cet égard, dans un dénombrement qui seroit étranger et à la question, et à l’objet de cet article, nous pouvons citer comme périptères exastyles, les temples de Thésée à Athènes, de ta Concorde et de Junon à Agrigente, de Cérès à Ségeste, de Corinthe, de Sunium, et deux temples de Pestum, etc.

Du reste il faut dire, que la disposition périptère devint, et pour la magnificence extérieure des temples, et pour l’effet de l’architecture, ce que l’art pouvoit imagine de plus riche et de plus simple à la sois, de plus capable de donner une haute idée des demeures divines. Dans aucune autre disposition, l’emploi des colonnes ne sauroit se montrer avec plus de grandeur, de noblesse et d’harmonie. Le génie de l’art n’a pu rien inven-


ter depuis, dans les temps anciens et modernes, qui égale cette création des Grecs.

Cependant tel fut l’esprit de leur architecture, et du modèle sur lequel elle s’étoit formée, que toujours libre sous les entraves des lois qu’il devoit suivie, l’artiste fut le maître d’eu modifier les applications, au gré des besoins et des convenances, que les temps et les lieux pouvoient présenter. Lorsque, dans un même espace donné, le temple réclama une plus grande étendue pour l’intérieur de la cella, Vitruve nous apprend, que l’architecte eut la liberté d’augmenter la largeur de cet intérieur, aux dépens de l’espace qu’auroit occupé la galerie formée par la colonnade environnante. On supposa alors, que le mur de la cella se seroit interposé dans les entre-colonnemens du péripteron. De là l’usage des colonnes engagées, dont on a pu, par la suite, faire abus, mais qu’on ne sauroit blâmer dans plus d’une occasion. Cette pratique donna naissance au pseudopériptère ou faux périptère, ainsi nommé, parce que cette disposition de colonnes engagées dans le mur, tont à l’entour du temple, n’est véritablement qu’une image réduite, une représentation simulée du viai périptère. Plus d’un exemple antique de cette disposition de temple est parvenu jusqu’à nous. Le vaste temple de Jupiter Olympien, dans la ville d’Agrigente, fut un pseudo-peériptère, comme nous l’avoit appris sa description par Diodore de Sicile, et comme nous l’ont confirmé quelques fragmens conservés dans ses ruines. Ici une cause, autre que celle dont Vitruve a fait mention, motiva cette disposition ; L’énorme dimension de ce temple auroit exigé, dans l’emploi ordinaire de colonnes isolées, des entrecolonnemens proportionnés ; mais leur largeur eût été hors de mesure pour des plates-bande monolithes, avec la nature et l’étendue des pierres du pays. Les colonnes adossées n offrant qu’un demi-diamètre, les blocs multipliés qui composent les plates-bandes de l’architrave, trouvèrent nu point d’appui et une liaison dans le mur de la cella. Nous citerons encore comme exemple d’un pseu-dopériptère, le templeappelé la maison carrée à Nîmes, et à Rome celui qu’un appelle de la fortune virile.

Le plus haut degré de richesse d’architecture qu’ait atteint en Grèce le temple proprement dit, ou considéré comme corps isolé de construction, consista dans la disposition du diptère, ou ayant double rang d’ailes, c’est-à-dire une double file de colonnes latérales, et par conséquent deux rangs de galerie ou promenoirs circulant à l’entour. Cette disposition qui exigeoit également une multiplication de colonnes, aux deux façades antérieure et postérieure du naos, ne paraît avoir dû s’appliquer qu’au moindre nombre de temples, ou à ceux qui furent à la sois les plus célèbres et les plus dispendieux. Vitruve en cite deux exemples, l’un dans Rome, au temple dorique de Quirinus ; le second et de beaucoup le plus fameux, fut celui de Diane a Ephèse, construit par Ctésiphon, selon l’ordre ionique.

Mais l’architecture adopta encore ici, et par plusieurs raisons, au nombre desquelles il est permis de complet celle le de l’économie, une liberté à peu près du même genre que la précédente. Ermogène d’Alabande fut l’auteur de cette innovation, qui consista dans la suppression de la file de colonnes intérieures, ce qui donna à la galerie environnante, la largeur de deux entre-colonnemens. Aussi appela-t-on ce temple pseudodiptère, ou faux diptère. Ermogène, avoit construit dans ce système le temple de Diane à Magnésie, et ou en voyait, du même genre, un autre d’A-pollon, hâti par l’architecte Mnesthès.

A ces diverses espèces de temples, tous construits sur un plan quadrilatère. , il faut joindre celle des temples circulaires.

Pour ne parler d’abord que de ceux dont le circuit consistait eu colonnes, il y en avoit du deux sortes, ceux qu’on appelait monoptères, et ceux qu’on nommoit pèriptères.

Le temple circulaire monoptère étoit ainsi désigné, non par opposition au diptère, c’est-à-dire, non parce qu’il n’avoit qu’un rang de colonnes au lieu de deux, mais parce qu’il consistoit uniquement en ce seul rang, et qu’il n’a vu il point de mur ou de cella. C’est de ce genre qu’était, sans doute, le temple appelé de Sérapis a Pouzzol, dont la colonnade circulaire subsiste encore, dans les restes qui s’en sont conservés, et où rien n’indique qu’il y ail eu un mur, et où tout prouve le contraire. Celle sorte de temple n’avoit point de couverture.

Le temple circulaire périptère avoit, comme le temple périptère de forme quadrangulaire, une cella construite el environnée d’un rang de colonnes. Tels sont à Rome, le temple dit de Vesta, et a Tivoli, celui qu’on a appelé de la Sibylle. L’intérieur se terminoit en coupole qu’on appeloit tholus et selon Vitruve, ce tholus recevoit pour couronnement extérieur un fleuron.

Mais outre ces socles d’édifices, soit sormés, soit entourés de colonnes, il faut compter au nombre des temples circulaires, d’autres grands monumens qui, tels que le l’anthéon de Rome, auroient été beaucoup plus multipliés qu’on ne pense, s’il fal-loit regarder comme ayant été jadis des temples, une très-grande quantité de constructions terminées en coupole, qui existent dans les ruines antiques de Rome, de Pouzzol, de Baies et autres villes. Il est probable qu’on a pu leur appliquer souvent à tort le nom de temple ; cependant le I’anthéon dont on vient de parler, autorise à croire que plusieurs de ces édifices circulaires, furent consacrés à la Divinité. Le magnifique frontispice en colonnes, qu’Agrippa avoit élevé en avant de ce temple dédié à tous les dieux, ne laisse aucun doute sur cette destination. On sait


encore qu’il l’avoit mis particulièrement, sous la protection de Jupiter Vengeur et de Cybèle.

Pausanias fait mention en Grèce de plus d’un édifice circulaire terminé en coupole, et affecté à des usages autres que ceux de la religion. Il en est toutefois qui purent réunir une destination religieuse, à un emploi politique. Il scroit d’ailleurs peu conforme à une saine critique, de conclure rigoureusement que les Grecs n’eurent et ne connurent pas telle ou telle sorte d’édifice, de cela seul, qu on n’en découvre plus aujourd’hui de vestiges. Trop de raisons seroient à rendre de ce manque d’autorités, et le détail de ces raisons alongeroit inutilement cet article.

Il faut le terminer, par la mention de ce qui nous paraît avoir dû fomer dans l’antiquité, ce qu’elle a produit de plus grand, de plus magnifique, et de plus dispendieux en fait d’édifices sacrés. Nous voulons parler des temples à périboles.

Ainsi allons-nous voir que cette sorte de complément du luxe architectural des Grecs, fut comme la dernière conséquence du principe originaire du temple, comme le plus haut développement du germe qui lui donna naissance. L’idée de péribole nous ramène en effet à l’idée primitive, d’où nous avons vu, d’après les laits historiques, et l’autorité des traditions, sortir successivement toutes les productions de l’art. Une enceinte consacrée sous le nom d’hieron (lieu saint), fut le premier temple. Une simple haie en fixa la circonférence. Des bois et des plantations en firent les premiers abris. Lorsque l’habitation du dieu ou le naos cul succédé à la pierre servant d’autel, et lorsque l’espace du local sacré s’étendit au-delà des murs de la maison divine, il fut encore plus naturel de circonscrire ce terrain, par un enclos de murs. Dans cet enclos se trouvèrent enfermés les arbres du bois sacré ; c’est ce qu’on appela temenos, alsos. Ainsi, dans des temps très-postérieurs, Lucien nous a décrit les bois sacrés qui environnoient le temple de Gnide. Ainsi voyons-nous les temples d’Esculape entourés, comme nous le fait voir encore aujourd’hui ce qu’on prend, à l’ouzzol, pour letemple du dieu Sérapis, de chambres et de locaux accessoires à l’usage des malades. Le temple de Jupiter Olympien à Athènes, avoit un péribole de quatre stades de circonférence.

On ne finiroit pas de citer toutes les mentions qu’on trouve chez les écrivains, de périboles autour des temples. La ville de Pompeia nous en offre en petit, à In vérité, un notable exemple dans ce temple qu’on a nommé, on ne sait pourquoi, temple d’Isis. Tout, dans cette ville, ne semble être qu’un diminutif des monumens de l’architecture grecque. Tel est effectivement le petit temple, dont on parle. Ce qui est, à proprement parler, son naos, est élevé sur un assez haut soubassement, non pas au milieu, mais à l’extrémité d’un péribole carre en colonnes, faisant galerie couverte tout à l’entour. L'area de ce péribole a conservé ses autels encore debout, et une trés-petite œdicula. Mais cela suffit, pour nous faire concevoir comment le péribole pouvoit former souvent un ouvrage de beaucoup supérieur en travail, en dépense et en grandeur, à celui du naos. C’est aussi en considérant cet entourage de portiques et de colonnades, formant sur une grande échelle, l’encadrement, si l’on peut dire, d’un de ces vastes temples périptères ou diptères, dont nous avons parcouru les variétés, que nous entendons qu’on doit placer cet ensemble au premier rang, non-seulement des templesgrecs, mais encore des plus spacieux, qui aient été imaginés et construits chez les peuples anciens, même en y comprenant les Egyptiens.

On se rappelle, qu’au commencement de cet article, en montrant la différence élémentaire du temple grec, d’arec le temple égyptien, nous avons fait remarquer que ce dernier, loin de former un tout architectural, subordonné à l’unité de plan, d’ordonnance et d’élévation, susceptible d’offrir de spacieux intérieurs, et tous les rapports sous lesquels la science et l’art de bâtir peuvent se montrer, n’étoit au contraire qu’une série de corps appliqués les uni aux autres, et dans des mesures toutes différentes. Or, quelque grandeur de dimension qu’on puisse accorder à de tels assemblages, nous ne saurions y voir ni la grandeur linéaire du grand temple grec à péribole, ni surtout la grandeur morale de ce qu’on doit appeler un ensemble : car autre chose est un ensemble, autre chose un assemblage.

Mais rien n’a dû être plus exposé à la destruction, surtout dam les régions de l’antiquité grecque et graeco-romaine, où les villes out succédé aux villes, où de nouvelles religions, de nouvelles mœurs, de nouvelles dominations ont remplacé les anciennes, que ces grands corps de bâtimens, ces grandes enceintes formées de portiques en colonnes. En vain chercherai t-on à Athènes des restes de celle qui compléta jadis le temple olympien de cette ville. A peine est-on d’accord sur l’emplacement occupé autrefois par ce temple, enrichi de toutes les merveilles de la sculpture et de l’architecture. Son vaste péribole, selon Pausanias, étoit rempli tant des statues de l’empereur, qui avoit terminé le temple, que des anciens simulacres des divinités, et de quelques petits édifices sacrés.

Pour nous faire une juste idée de cette sorte de temple, il saut comparer aux récits des monumens qui ne sont plus, les plans et élévations du grand temple de Palmyre, qui, bien que dégradé et mutilé dans beaucoup de parties de sa vaste circonférence, doit cependant à l’abandon total où est réduit depuis long-temps le lieu qu’il occupe, d’avoir conservé les restes les plus remarquables de ce qui composa jadis, et son temple périptère, et le péribole qui lui servoit d’accompagnement.


Nous avons dit que le péribole du temple olympien d’Athènes avoit quatre stades de circuit, c’est-à-dire deux mille quatre cents pieds. Celui du temple de Palmyre avoit, d’après les plans des voyageurs anglais, de sept à huit cents pieds, dans chaque côté de son quadrangle. Les dessins de cette enceinte, dont il subsiste de très-grandes parties, nous montrent qu’elle étoit formée, dans trois de ses côtés, d’un mur percé par des portes. En dedans de ce mur s’élevoient deux rangs de colonnes, régnant tout à l’entant, ce qui produisoit deux galeries ou promenoirs. Si l’on en croit les plans que tout le monde peut consulter, ce grand péribole avoit une entrée magnifique, consistant en une colonnade extérieure, occupant le milieu du mur, qui, de ce côté, étoit plein. Cette colonnade conduisoit à trois portes, et dans l’intérieur, au-delà des portes, une colonnade semblable répétoit celle de l’extérieur, espèce de composition qui rappelle l’idée des propylées d’Athènes et d’Eleusis. Le rang intermédiaire des colonnes du côté de l’entrée manque dans le plan que nous avons sous les yeux. S’il manqua de même autrefois, le nombre des colonnes du péribole auroit été de 360.

Si un sort heureux ne nous eût pas conservé mi semblable témoignage de la grandeur et du luxe architectural des grands temples, on l’auroit révoqué en doute, et l’on auroit eu quelque droit d’en contester l’application, aux périboles des temples célèbres, dont nous trouvons de si nombreuses citations chez les écrivains. (Voy. PÉRIBOLE.) Maintenant, lorsque nous voyons que ce fui généralement aux principaux édisices sacrés, aux plus grands et aux plus renommés, que surent affectées ces sortes d’enceintes, qui dévoient ajouter une si grande mgnificence à leur aspect, ne nous sera-t-il pas permis, et de croire que ces enceintes qui n’existent plus que dans les paroles des historiens, dûrent ressembler à celles dont nous connoissons les restes, et qu’elles constituèrent dans l’échelle destemples antiques, le degré le plus élevé, auquel l’art ait atteint en ce genre ?

Pour restreindre dans les bornes d’un article de dictionnaire, la notion principale d’un des plus vastes sujets de l’histoire de l’architecture, nous avons annoncé dès l’abord, que nous ne traiterions ici que du temple grec ou romain, le seul qui soit véritablement en rapport avec la critique et la théorie de l’art proprement dit. Il resterait sans doute beaucoup d’autres points de vue sous lesquels le temple, objet de cet article, pourrait être considéré par l’architecte, comme, par exemple, les différens ordres qu’on y employa, le nombre de colonnes que comportoient leurs frontispices, la manière d’en espacer les colonnes, au gré de plus d’une sorte de convenance. Mais tous les détails de ces différentes pratiques se trouvent à tous les mots grecs latinisés qui les expriment, et qui sont passés dans le vocabulaire de l’architecture, chez les Modernes ; tels que ceux qui se composent du mot style (colonne en grec) et du nombre ou de l’épithète qui en désignent les variétés. Voyez EUSTYLE, EXASTYLE, DIASTYLE, etc.

Sans doute, si l’on vouloit encore parcourir tout ce qu’une telle matière comporte de détails accessoires, il faudroit non pas un article, mais un volume. Tout en restant dans le cercle de l’art des Grecs, l’histoire complète de ses temples, la discussion de toutes leurs variétés, et la description de tous les objets de décoration qui les embellirent, seroient le sujet d’un très-intéressant ouvrage. Il nous semble inutile de faire remarquer au lecteur, qu’un semblable dessein est tout-à-fait en opposition, avec celui qui doit constituer le système et l’esprit d’un dictionnaire, où chaque notion, chaque partie d’un tout doit s’en trouver divisée, par la sujétion qu’impose l’ordre alphabétique.

Si nous touchons ici quelques mots des principaux ornemens qui trouvèrent place au dehors, comme dans l’intérieur des temples, ce sera uniquement pour avoir occasion de rappeler au lecteur, les articles où il pourra rencontrer les notions que celui-ci ne pouvoit pas embrasser.

L’architecture grecque avoit dû, comme en l’a dit bien des fois, au principe même, ou si l’on veut, au besoin de sa construction primitive, une de ses principales beautés décoratives ; on veut parler de la forme du fronton, qui, créé par la nécessité, devint un tel sujet de luxe et de magnificence, que rien de semblable dans toutes les autres architectures ne peut v être comparé. On entend parler surtout de ce qui en fait le complément, c’est-à-dire des sculptures en bas-relief ou en statues, qui remplirent les superficies de son tympan. Voyez FRONTON.

Ce fut ainsi que la frise, cette partie de l’entablement qui, dans le dorique, représentoit ce qu’il y avoit de plus vulgaire originairement, devint, par les accessoires dont on l’orna depuis, une des richesses les plus remarquables du temple grec. Voyez MÉTOPE, FRISE.

On ne sauroit dire à quel point y fut portée la richesse des matières, des peintures, des métaux précieux, et de tout ce qui ajoute au mérite de la forme, celui de l’éclat, de la rareté’, de la grandeur des musses, et de la variété des couleurs. Voyez BRONZE, PEINTURE, COLOSSAL, BASRELIEF, STATUE.

Il faut dire, en terminant cet article, que si l’architecture parvint à donner au temple grec ce rare mérite d unité, d’ensemble et d’harmonie, qu’on est encore aujourd’hui forcé d’admirer, jusque dans les ruines qui en subsistent, cela fut dû, indépendamment du principe primitif de la construction, à la nature même du culte, qui n’admettiot point la multitude dans l’intérieur des édifices sacrés, et dont les cérémonies, toutes extérieures, n’imposoient à l’architecte aucune sujétion susceptible de contrarier la régularité de l’ordonnance la plus simple.


Or, on l’a fait observer déjà dans plus d’an article de ce Dictionnaire, le culte du christianisme repose sur des nécessités directement contraires, et le nom d’église, ecclesia, assemblée, suffit pour faire comprendre comment, d’un principe si divers, devoit naître une aussi grande dissemblance dans les plans, les élévations, les mesures, les proportions et les décorations des deux genres d’édifices. A cette simple cause d’une assemblée nombreuse, réunie dans l’intérieur du temple chrétien, est dû le système moderne, qui a transporté au dedans toute la magnificence, l’étendue et la dépense de colonnes, d’ornemens, d’ordonnances, qui constituèrent le principal mérite de l’exléneur du temple grec. De l’obligation d’une grande étendue en plan, naquit celle d’une procérité extraordinaire dans les nefs, et par conséquent dans les frontispices des églises. Ces réflexions ont été déjà produites à l’article EGLISE. (Voyez ce mot.) Nous n’en reproduisons ici la mention, que dans la vue de prémunir les architectes, contre une indiscrète imitation de l’antiquité, dans la formation des temples chrétiens. Imiter l’antique n’est pas transporter à d’autres emplois, des plans et des dispositions qui ne sauroient leur convenir. Cette sorte d’imitation mécanique mériteroit à peine le nom de copie. Ce que l’artiste doit chercher à imiter chez les Anciens, c’est, non le positif de leurs ouvrages, non les règles que la mesurée et le compas y fout trouver, mais les raisons de ces ouvrages, mais l’esprit de ces règles, mais le principe moral, dont, et les ouvrages et les règles, sont les conséquences. Ce n’est doue pas à faire dans une église, le fac simile d’un temple grec, que doit tendre l’imitateur intelligent de l’antique : mais en employant les formes, les types, les détails de l’architecture grecque, qui ne sont autre chose, que ce que les mots, si l’on peut dire, et les formules du discours, sont à l’art d’écrire, il doit s’efforcer, non de faire ce qui fut fait par les grands architectes de l’antiquité, mais de faire ce qu’ils auroient sait, si d’autres usages, d’autres convenances, d’autres besoins politiques civils et religieux, leur eussent prescrit d’autres obligations.

TÉNACITÉ, s. f. Ce mot exprime, dans la composition des corps, une qualité en vertu de laquelle, leurs élémens et les parties dont ils sont formés, acquièrent une forte adhérence, ce qui les rend plus propre à soutenir la pression, à résister à la percussion ou à toute autre action qui tendroit à les dissoudre. Ainsi l’on dit de certains matériaux, qu’ils ont, ou qu’ils n’ont pas de la ténacité. On le dit de certains enduits, de certaines couleurs.

On le dit aussi des terrains, et il est essentiel d’avoir égard à leur plus ou moins grande ténacité, dans le prix de la fouille des terres, dans le calcul des mines.

TÉNIE, s. f. Du latin ténia, bandelette. Voyez LISTEL.

TENON, s. m. Bout d’une pièce de bois ou de fer diminuée carrément, environ du tiers de son épaisseur, pour entrer dans une mortaise. On appelle épaulemens les côtés du tenon qui sont coupés obliquement, lorsque la pièce est inclinée, et décolement la diminution de sa largeur, pour cacher la gorge de sa mortaise.

Tenon en about. --C’est un tenon qui n’est pas d’équerre avec sa mortaise, mais coupé diagonalement, parce que la pièce est rampante pour servir de décharge, ou inclinée pour contreventer et arbalêtrer. Tels sont les tenons des contre-fiches, guettes, croix de Saint-André, etc.

Tenon à queue d’aronde. --Tenon qui est taillé en queue d’à ronde, c’est-à-dire qui est plus large à son about qu’à son décolement, pour être encastré dans une entaille.

TENONS DE SCULPTURE. Ce sont, dans les ouvrages sculptés, des bossages ou des parties de la matière, étrangères à l’objet représenté, que l’on conserve pour donner de la solidité à des détails détachés de la masse. Tels sont ceux qu’on laisse derrière les feuilles d’un chapiteau corinthien pour leur donner plus de consistance.

TENTYRIS ou TENTYRA, aujourd’hui DENDERA. Ville d’Egypte et jadis la métropole d’un Nome appelé Nomus Tentyrites, du nom de cette ville selon Strabon, Pline, Ptolémée et Etienne le géographe. On y admire encore de fort beaux restes d’antiquité dans plusieurs débris de ses temples. Ces précieux monumens ont été dessinés et décrits dans le grand ouvrage de l’Egypte, avec un tel soin et une telle étendue, que nous y renverrons le lecteur, nous contentant, pour rester fidèles au plan de ce Dictionnaire, d une très-courte énumération des principaux objets conservés par le temps à notre admiration, et de quelques réflexions plus abrégées encore, sur l’époque a laquelle on peut attribuer leur exécution.

Le premier monument que l’on rencontre en arrivant sur les ruines de Tentyris, du côté du nord, est un petit édifice de forme rectangulaire, d’environ cinquante pieds en longueur, sur un peu moins en largeur. Il est composé de quatorze colonnes, dont six subsistent dans leur entier. Les autres n’existent que jusqu’à la hauteur des murs d’entre-colonnement. Cette construction n’a point été achevée, et elle pareil être une des dernières qui aient été élevées dans l’intérieur de la ville. Le fût des colonnes est lisse et sans aucune espèce d’ornement. Les chapiteaux à campane, ne sont en quelque sorte que dégrossis et préparés, pour recevoir les sculptures dont ils devoient être ornés. Deux portes, l’une au nord, l’autre au sud, donnoient entrée dans cet édifice, Tout porte à croire


que ce n’étoit là qu’un de ces petits bâtimens destinés à servir d’introduction à de plus grands.

A une distance d’à peu près trois cents pieds, espace tout parsemé de débris de granit qui paroissent avoir appartenu à des statues, on trouve une fort belle porte remarquable par sa proportion et les sculptures dont elle est ornée. La face nord a éprouvé de fortes dégradations, et est privée de la plus grande partie de son couronnement ; mais la face sud est parfaitement conservée. Sa construction est en grès d’un grain très-sin, et assez compacte pour se prêter aux plus petits détails. On a remarqué que cette sculpture est d’un fini de travail, qu’on ne découvre nulle part ailleurs, que dans les autres édifices de Dendera. A travers l’ouverture de cette porte, on aperçoit en perspective le grand temple dont on parlera tout à l’heure.

A quelque distance de cette porte, se fait remarquer la sommité d’un édifice qui paroît presqu’entièrement ensoui sous les décombres. On lui donne le nom de Typhonium. Quoique sa partie antérieure n’existe plus, cependant il subsiste encore en avant une colonne, qui ne permet pas de douter que sa façade ne fût composée de deux colonnes, avec des antes surmontées d’un entablement. L’édifice est entouré d’une galerie ornée dans chacun des grands côtés de neuf colonnes. La face postérieure en a quatre, toutes réunies ntr’elles et avec les autres, par de petits murs d’entre-colonnement. Les colonnes sont couronnées de chapiteaux ornés de tiges de lotus. Au-dessus des chapiteaux sont des pierres cubiques qui, sur chacune de leurs faces, offrent une figure de typhon enveloppée de fleurs de lotus. La corniche de l’entablement, a pour ornement, un scarabée avec des ailes emblématiques, qui s’élèvent au-dessus de quelques figures hiéroglyphiques. Toutes les superficies de ce monument sont couvertes d’hiéroglyphes sculptés et peints.

En sortant du Typhonium on trouve, à peu de distance, des restes de construction qui appartiennent à un autre monument. Ce qui en subsiste fait présumer qu’il dut avoir une assez grande étendue, et qu’il étoit formé de pilastres et de colonnes. Peut-être fut-il élevé au temps des Romains. On y remarque une portion de frise formée de grappes de raisin et de pampres de vigne.

Mais le grand temple de Dendera est un des plus beaux ouvrages d’architecture égyptienne qui se sont conservés, des mieux exécutés dans toutes les parties et des plus entiers. Son portique ou pronaos est ce qui fixe le plus l’attention. Il se compose de six colonnes placées de sront sur une même ligne, et de deux espèces d’antes angulaires. Excepté l’entre-colonnement du milieu, les autres sont remplis, selon l’usage général des temples, par de petits murs d’appui qui s’élèvent jusqu’à plus du tiers de la colonne. Celui du milieu offre une plus grande largeur que les autres, ce qui s’explique, puisqu’il n’y avoit que cet accès de libre pour pénétrer dans l’intérieur. Les chapiteaux des colonnes sont formés de la réunion de quatre masques d’Isis, lesquels sont surmontés d’un dé dont chaque face représente une espèce de temple.

La masse générale du temple se compose de deux parties bien distinctes, qui sont enchâssées, si l’on peut dire, l’une dans l’autre, savoir, le portique ou pronaos, et le temple proprement dit. La longueur du tout ensemble est d’environ deux cent quarante pieds ; la façade est large d’environ cent trente. De part et d’autre, le portique est en saillie de dix à douze pieds sur les faces latérales du temple. La hauteur totale du portique est d’environ cinquante-cinq pieds ; celle du temple est à peine de quinze pieds. Les murs sont parfaitement dressés suivant un talus qui donne à toute la masse une grande apparence de solidité. Le tout est couvert de sculptures hiéroglyphiques, d’une exécution et d’un fini si précieux, qu’on peut avancer que l’art égyptien y a été porté a sa plus grande perfection.

Nous ne porterons pas plus loin les détails descriptifs des différentes parties dont se composa le temple de Dendera. C’est au dessin qu’il appartient d expliquer aux yeux, ce que les plus nombreuses paroles seroient difficilement comprendre.

Derrière le grand temple et à une assez petite distance, se voit un édifice dont le mur latéral de l’ouest et une partie du mur de face sont en ruine. Sa forme est presque carrée ; son intérieur est composé de quatre pièces. Le tout est couvert de sculptures hiéroglyphiques. La corniche et la frise ont des ornemens aussi riches et aussi variés que ceux du grand temple.

Une porte semblable à celle dont on a fait mention plus haut, est presqu’ entièrement enfoncée sous les décombres provenant de la destruction des maisons particulières qui, à différentes époques, ont sait partie de la ville de Tentyris. Cette porte est remarquable par une inscription grecque portant que sous l’empereur César et l’an 31 de son règne. . . . . . les citoyens de la métropole et du Nome ont consacré ce propylée à Isis, etc. Nous devons faire encore observer qu’à la façade du grand temple ci-dessus décrit, existe également une inscription grecque qui porte que sous le règne de Tibère, César, fils d’ Auguste. . . . . . les citoyens de la ville et du Nome ont consacré ce pronaos à Vénus, très-grande déesse, etc.

Ces inscriptions et beaucoup d’autres semblables, recueillies par M. Letronne dans ses Recherches pour servir a l’histoire de l’Egypte, pendant la domination des Grecs et des Romains, prouvent que beaucoup des monumens encore subsistans, dans leurs débris plus ou mains bien conservés, ont dû être l’ouvrage de siècles très-postérieurs à ceux des Pharaons. Si l’on rapproche ces autorités, du celle même de la description dont


on a fait un léger extrait, et où l’on voit que l’exécution des temples de Tentyris se recommande par une perfection, un soin et une conservation de détails qu’on ne trouve pas ailleurs au même degré, on sera très-porté à croire que pendant cinq ou six siècles d’une domination étrangère, beaucoup d’édifices et de temples ont dû être ou rétablis, ou faits à neuf, tout en conservant les erremens de l’architecture égyptienne. Le planisphère de Dendera a fourni encore une preuve nouvelle que ces constructions ont dû être d’une époque très-postérieure. Le seul goût de décoration symétrique et d’ajustement très-agréable de ses accessoires, goût dont on ne sauroit citer, jusqu’à présent, aucun autre exemple en Egypte, le genre de sa sculpture qui indique un autre style, que celui des figures hiéroglyphiques habituelles, tout donne à penser qu’il faut porter dans l’histoire de l’art et des monumens de ce pays, un esprit de critique qui ne pouvoit se développer, qu avec le secours des voyageurs qui ont eu le loisir d’explorer, ce qu’avant eux on n’avoit fait qu’entrevoir.

TERME, s. m. Ce mot est dérivé du latin terminus, qui vient du grec τερμα, lesquels signifient également, dans ces deux langues, fin, but, borne, extrémité d’un lieu, et qui ont reçu depuis plus d’une application détournée de leur signification matérielle.

Le mot terme est le nom qu’on donne en sculpture et dans la décoration édifices, à certaines figures dont la forme a perpétué l’idée de l’objet qui leur donna naissance.

Le terme en effet fut d’abord une simple borne, une pierre carrée, ou une souche, qui marquoit l’extrémité des héritages, et les limites de chaque propriété. De là naquit à Rome, et dès les premiers temps de sa fondation, l’espèce de culte rendu à ce signe protecteur. Il devint sacré, et bientôt l’instinct de la reconnoissance en fit un dieu. Sans doute ce sentiment étoit déjà parvenu à lui donner une forme humaine, comme à toutes les autres créations de l’esprit, qui dans le paganisme revêtirent des corps. Une tète fut placée sur ces pierres gardiennes des champs ; et Numa, pour inspirer de plus en plus le respect des propriétés, déifia cette sorte d’effigie, en lui élevant un petit temple sur la roche Tarpeïenne. Le dieu Terme continua donc, pour être fidèle à l’idée primitive de sa fonction, d’être représenté sous la forme d’une borne, ou d’une pierre carrée, surmontée d’une tête, et sans bras ni pieds, comme pour exprimer qu’il ne pouvoit changer de place ; car l’immobilité étoit son principal attribut, et l’art n’auroit pu se permettre d’en altérer le caractère.

Il est arrivé à ce symbole figuratif, comme à beaucoup d’autres, de se perpétuer dans les compositions des arts et de l’architecture, après que leur sens primitif, et la raison de leur forme ou de leur emploi avoient disparu. Ce qu’on appelle l’ornement, dans les conceptions de l’art, est devenu, comme on l’a montré à ce mot (voyez ORNEMENT, DÉCORATION), le refuge et le réceptacle d’une multitude de signes, déshérités par l’effet du temps, de la propriété qu’ils eurent autresois d’exprimer des idées, qui ont cessé d’avoir cours dans l’esprit des hommes. Ces signes réduits ainsi à ne pouvoir plus parler qu’aux yeux, sont devenus une sorte d’écriture morte, quant à l’intelligence, mais qui peut encore s’adresser au goût, par l’emploi varié, ingénieux et heureusement combiné que l’architecte en sait faire. Et c’est ce qui est arrivé à la figure du Terme.

Une fois, en effet, qu’il fut rentré’ dans le domaine des signes arbitraires de la langue capricieuse de l’ornement, il fut facile de l’appliquer à de nouveaux emplois dans les édifices. Ainsi le voyons-nous, même dans l’antiquité, servir quelquefois en manière de supports, à remplacer les atlantes et les télamons (voyez ces mots), à suppléer les pilastres, à soutenir des sestons et des draperies sous le nom d’hermes. Voyez ce mot.

Nous trouvons encore chez les Anciens le terme devenir une abréviation de statue dans ces figures, quon nomme aussi hermétiques, parce qu’elles furent d’abord consacrées, et particulièrement sur les routes, aux figures de Mercure. Mais bientôt il y en eut, avec les têtes simples ou accouplées de toutes les sortes de divinités. Le terme ainsi employé reçut quelquefois dans son extrémité inférieure l’addition de deux pieds. Il s’en fit aussi où le buste, c’est-à-dire la partie supérieure du corps, partageoit avec la pierre quadrangulaire, la moitié de la hauteur totale du simulacre. Il paroît qu’à une certaine époque, les figures en terme se multiplièrent, pour l’ornement des bibliothèques, des gymnases et des lieux d’étudé, où ils offroient des portraits de philosophes et d’hommes célèbres. Le grand nombre de ces ouvrages parvenus jusqu’à nous, dépose du grand emploi qu’on fit de la forme du terme sous ce dernier rapport.

C’est donc aussi, comme ornement susceptible de s’appliquer diversement aux œuvres de l’architecture, que le terme est entré dans les usages de la décoration chez les Modernes. A cet égard nous devons dire qu’il n’a guère été mis en œuvre comme partie constituante de l’ordonnance architecturale, que là où il a pu se mêler, comme objet décoratif, aux compositions légères qui peuvent convenir, par exemple, à un intérieur de salle de spectacle, ou à des compartimens arabesques. On ne sauroit nier cependant qu’on ne l’ait appliqué quelquefois aussi, en sorme de pilastre, à soutenir les corniches et frontons de quelques chambranles de fenêtres, ou peut-être même à faire fonction de colonne dans quelques petites parties de corps avancés, comme balcons on galeries. Michel Ange l’avoit appliqué en ma-


nière de pilastre à la décoration du grand mausolée de Jules Il, qui ne reçut pas d’exécution, selon le projet de l’auteur. On en retrouve le souvenir au monument extrêmement réduit qu’il en fit par la suite, et qu’il termina pour l’église de San Pietro in vincoli. Cependant on doit dire que hors quelques rares et légères exceptions, le terme, dans les attributions que l’architecture lui a données, a presque toujours été distinct des atlantes ou caryatides, dont le seul emploi, et la destination particulière, sont de tenir lieu de colonnes.

Le terme, chez les Modernes, a souvent servi, comme chez les Anciens, d’ornement aux intérieurs, employé comme support de têtes ou de bustes, et c est à cette pratique que fut dû très-probablement l’usage de ce que l’on appelle gaine (voyez ce mot), laquelle, dans le fait, ne diffère du terme ou de l’hermes, qu’en ce que la tête qu’on y impose, ne fait pas partie de son support.

La sculpture moderne, en s’emparant de la forme du terme, comme objet de décoration, soit appliqué à l’architecture des portes, soit destiné à figurer dans les embellissemens des jardins, n’a pas laissé que d’enchérir beaucoup sur la composition du terme antique, dans la dimension de la masse, par la diversité de l’ajustement, des sujets et des inventions. On ne fera qu’indiquer ici, tant ces ouvrages son’ connus, et à la vue de tout le monde, dans les célèbres jardins dont ils font l’ornement, ces termes d’une dimension colossale, dont les figures à mi-corps se combinent plus ou moins pittoresquement, avec la forme de gaîne qui les termine par en bas. La sculpture s’est plue à en faire des sujets poétiques et allégoriques. On y voit représentées avec leurs attributs, soit les saisons, soit les heures du jour, soit les quatre parties du monde.

Des termes de ronde bosse peuvent encore quelquefois être employés, et l’ont été avec succès, à former des clôtures, en devenant, dans leur état d’isolement, les points d’appui des grilles ou des barreaux de métal qui s’entremêlent à eux. L’exemple le plus remarquable, qui soit à notre connoissance, d’un semblable emploi des termes, dans l’architecture, se voit en Angleterre, à Oxford. La face principale d’un fort beau bâtiment circulaire, qu’on y appelle, à cause de cette forme, théâtre, lieu de réunion des assemblées de l’Université, est précédée d’une cour demi-circulaire, dont l’enceinte se trouve circonscrite, selon le même plan, par quatorze grands termes que surmontent des bustes et des têtes de philosophes, d’une proportion colossale. Ces termes ou pierres quadrangulaires sont engagés dans leur partie inférieure, et divisés par un petit mur d’appui, sur lequel sout scellées les grilles qui s’étendent ainsi d’un terme à l’autre.

Quoiqu’on ait fait quelquefois les termes de forme arrondie, et tout en avouant, qu'à l’égard d’un objet qui, né du caprice et de l’imagination, ne sauroit avoir de modèle positif, on ne puisse lui prescrire d’autres règles, que celles de la convenance, de l’usage, et de la tradition de son origine, nous pensons que la forme quadrangulaire est celle qui surtout s’allie le mieux avec l’architecture. Nous ne nous arrêterons donc pas à combattre ici les abus qu’un goût insatiable de nouveautés a multiplies, tant dans l’emploi du terme, que dans les diversités de configuration qu’on a quelquesois fait subir à son type, soit en le convertissant en consoles, soit en le chargeant d’ornemens ou de détails qui en dénaturent le caractère. Si nous ajoutons aux notions de cet article, la nomenclature des diverses désignations qu’en ont données quelques lexiques, c’est moins pour autoriser plusieurs de ces abus, que pour les faire éviter. On applique donc aux termes quelques épithètes qui en indiquent la destination, et l’on dit :

Terme angélique. --C’est une figure d’ange représentée a mi-corps, et dont la partie inférieure se termine en gaîne. On eu voit de semblables à plus d’une église.

Terme double. --C’est un terme composé ou de deux demi-corps ou de deux bustes adossés, qui s’élèvent sur une seule et même gaine, en sorte qu’ils présentent deux faces, et que l’on a faits ainsi pour correspondre à deux points de vue.

Terme en buste. --Terme qui consiste dans sa partie supérieure en une tête seule, soit qu’elle se termine au col, soit qu’on y ait joint l’estomac ou les pectoraux. Il s’en trouva ainsi beaucoup dans l’antiquité et dans les imitations qu’en ont faites les artistes modernes.

Terme en console. --On donne ce nom, dans l’ornement, à un terme dont la gaîne, par le bas, se termine en enroulement, et dont le corps ou la tête font fonction de support. On peut citer comme exemples en ce genre, l’emploi qu’on a fait plus d’une fois de cette manière de terme pour décorer les maîtres-autels de quelques églises, ou les montans des cheminées.

Terme marin. --Nom qu’on donne à un caprice d’ornement, qui a été quelquefois appliqué à des décorations de fontaines, de grottes ou d’édifices hydrauliques. Ce sont des figures à demi-corps de tritons, dont la partie inférieure, au lieu d’être en gaîne, se termine par une double queue de poisson tortillée.

Terme rustique. --Terme dont la gaîne est ou taillée en bossages, ou sculptée en manière de congélations lapidifiques, et le corps est la figure de quelque divinité champêtre.

TERMES MILIAIRES, s. m. pl. On trouve ce nom donné à ce que l’on appelle hermes (voyez ce mot), c’est-à-dire à certaines représentations de Mercure, consistant en une tête de ce dieu, placée


sur une longue pierre, ou carrée ou diminuée par le bas en forme de gaîne.

Ces sortes de termes, chez les Grecs, auroient servi à marquer les stades, ou les distances des chemins. Ainsi Plaute les désigne sous le nom de lares viales. Les routes, comme l’on sait, et la sûreté des grands chemins étoient dans les attributions de Mercure. Il y avoit de ces termes hermétiques à plusieurs têtes, peut-être comme pour correspondre à plus d’un chemin. On voit à Rome, à l’extrémité du pont Fabricius, deux de ces termes qui ont chacun quatre têtes, et qui ont fait prendre à ce pont le nom moderne de Ponte quatro capi.

TERMINÉ. Synonyme d ‘ achevé, fini.

TERMINER, v. act. Ce mot, dans la langue des beaux-arts, s’entend de deux manières, et sous deux sens, dont l’un exprime une idée plus matérielle que l’autre.

L’idée la plus simple du mot terminer, est celle qui s’applique à l’achèvement matériel de tout ouvrage, quel que soit le degré de mérite auquel l’artiste soit parvenu. Dans le sens moral du mot, l’ouvrage est terminé lorsqu’il est arrivé au point qui doit lui servir de terme, et ce terme est cette sorte de complément de toutes les qualités, qui empêche de désirer quelque chose de plus, ou quelque chose de mieux.

Il y a entre les mots terminer, achever, finir, certaines variétés que le goût comprend mieux, que le discours ne peut les rendre. Quant à l’architecture, on se sert peut-être plus volontiers, et plus souvent, du mot terminer, dans son acception simple, pour signifier qu’un édifice a reçu, ou n’a pas reçu, le complément de toutes les parties dont il doit être composé, d’après le projet qui en a été donné, ou d’après les besoins qu’il comporte.

S’il s’agit, dans cet édifice, d’exprimer ce qui se rapporte à l’exécution matérielle de sa matière, et des détails de ses profils et de ses ornemens, on se servira par préférence du mot fini ou du mot achevé. Ainsi l’on dira que l’aile de tel palais n’a point été terminée, qu’il reste à terminer la nef de telle église, ou un de ses bas côtés. Mais on dira que les sculptures de sa frise ou de ses chapiteaux, ont été bien ou mal finies.

Il y a encore, en fait d’architecture, d’édifices, et d’objets de décoration, un emploi très-fréquent du mot terminer : c’est celui par lequel on exprime, de quelle manière la masse en hauteur, d’un ouvrage quelconque, reçoit ce qui en doit être la sommité. On dit alors de cet ouvrage, qu’il se termine par tel ou tel objet, par telle ou telle forme. Une colonnade, un péristyle, se terminent par un fronton. Un obélisque se termine par un pyramidium. Une coupole se termine par une lanterne, qui se termine elle-même par un globe et une croix, etc.

TERRAIN. Voyez TERREIN.

TERRASSE, s. f. On fait signifier à ce mot deux choses, qui se rapprochent entr’elles par une idée commune, mais que séparent deux emplois fort distincts.

Ainsi terrasse, comme l’indique le mot et sa formation, est un ouvrage de terre, soit que la nature, selon les diversités des sites, en ait fourni elle-même à l’architecture ou au jardinage la formation primitive, soit que l’art soit parvenu, par des terres rapportées et accumulées, à en produire la masse et l’élévation (voyez TERRE-PLEIN), et terrasse est le nom qu’on donne à toute couverture d’un bâtiment qui est en plate-forme.

TERRASSE (comme ouvrage ou élévation en terre). L’ouvrage qu’on appelle ainsi, se pratique soit pour l’utilité, soit pour l’agrément. Comme objet utile, c’est particulièrement aux fortifications des places de guerre qu’on l’applique. C’est à de pareils travaux que sont dus ces remparts existans encore dans beaucoup de villes, et qui, devenus inutiles, depuis que le système d’attaque et de défense a changé, ont été convertis en promenades plantées d’arbres. On tiroit ordinairement les terres qui devoient produire ces élévations, des fossés que l’on creusoit en dehors des murailles, et qui étoient ensuite remplis d’eau. Mais ces sortes d’ouvrages ne sont point du ressort de ce Dictionnaire.

La terrasse, à quelqu’usage qu’on l’emploie, entre toutefois dans les attributions de l’art de bâtir, loisqu’il est nécessaire de soutenir par des épaulemens de construction, les amas de terre qu’on élève à quelque hauteur que ce soit.

Nous trouvons que dans l’antiquité on employa ainsi les terrasses à formér de très-vastes monumens. L’usage des tombeaux donna naissance à ces grands ouvrages. On sait assez que dans beaucoup de pays anciens, et surtout en Grèce, ce que nous appelons tombeau, tumulus, ne fut, pendant très-long-temps, qu’une butte naturelle ou une élévation artificielle de terre, qu’on surmontoit de colonnes ou de cippes, et dont on entouroit la base par une construction, Pausanias (l. 2. ch. 29) nous décrit comme formé de cette sorte, le tombeau de Phocas. Lorsque le tumulus avoit peu d’élévation, on conçoit qu il n’eut guère besoin d’aucune autre bâtisse, ni d’ouvrage proprement dit en terrasse. Mais l’histoire ancienne, mais des descriptions, et dis restes encore existans, nous apprennent qu’il y eut d’immense tumuli, amas considérables de terre, qui ne peuvent être expliquées que par l’emploi de ce que nom appelons des terrasses. Tel étoit d’abord (nous dit Hérodote) en Lydie, l’antique monument sépuleral du roi Alyates, père de Crésus. Son soubassement étoit en grosses pierres ; le reste, ajoute l’historien, est un amas de terre. Son circuit par en bus étoit de


cinq cent quatre-vingt-dix-huit toises : les deux petits côtés devoient avoir chacun quatre-vingt-quatorze toises. Aussi l’écrivain grec dit-il, qu’à l’exception des monumens de l’Egypte et de Babylone, c’étoit un ouvrage de beaucoup supérieur à tout ce qu’on admiroit ailleurs.

Cependant il reste à concevoir, comment Hérodote auroit pu vanter à ce point un ouvrage qui, hors son soubassement, partie toujours accessoire et insignifiante d’un monument, n’auroit été qu’une montagne artificielle, si cette élévation n’eût consisté qu’en levées de terre.

Un autre monument antique postérieur, décrit avec plus de détail par Strabon, et dont il subsiste des restes et des traditions, le mausolée d’Auguste à Rome, étoit aussi une énorme levée artificielle de terre, comme le site le démontre, et ayant des plantations d’arbres verts jusqu’à son sommet, qui se terminoit par la statue colossale en bronze de l’empereur. Or, il n’est pas permis de croire que la magnificence du mausolée d’Auguste, qu’on plaça au nombre des merveilles du Monde, se seroit bornée à n’être qu’un monticule de terre rapportée, sur les pentes duquel il y auroit eu des arbres. Aussi, d’après l’indication de Strabon, et celle des vestiges encore existans, n’a-t-on pas hésité de le restituer, il y a déjà long-temps, comme formé de terrasses circulaires solidement construites, en retraite les unes audessus des autres. Dans le sol de ces terrasses étoient plantées des rangées de cyprès, qui, d’étage en étage, arrivoient et conduisoient jusqu’au sommet.

Le tombeau d’Auguste peut dune servir de commentaire à la notion d’Hérodote sur le monument d’Alyates. Au lieu de n’être qu’une simple butte naturelle de terre, ou faite de rapport, elle aura présenté un composé de terrasses circulant par étages solidement construits, et s’élevant à une hauteur, que la dimension de son soubassement permet de porter à quatre ou cinq cents pieds.

Tous les critiques qui ont cherché a donner une explication plausible, de ce que l’on appelle les jardins suspendus de Babylone, sont tombés d’accord, que pour avoir été ainsi appelés, ces jardins avoient été, et n’avoient pu être autre chose que des terrasses ou amas de terre, maintenus par des épaulemens en constructions, mais élevés sur des portiques en arcades qui leur donnoient réellement l’apparence d’être en l’air. Or, on avait à Babylone, pour faire de pareils travaux, l’avantage du mortier de bitume, que l’humidité ne pouvoit pas altérer.

La nature, sans doute, a plus ou moins inspiré l’usage des terrasses pour l’embellissement des habitations et des jardins, surtout dans les pays montagneux. Aussi doit-on distinguer eu ce genre d’ouvrages, ceux dont les inégalités du sol font les frais, de ceux qui sont les produits de l’art.

Partout où l’on construit sur des terrains montueux, la terrasse devient comme une sorte de condition obligée de la disposition de l’architecte, et ai les terrasses simples, ou à plusieurs rampes, ajoutent à l’aspect du bâtiment, on ne sauroit dire aussi de quel agrément elles sont pour les belles vues qu’elles procurent. La terrasse la plus célèbre qu’on puisse citer aux environs de Paris, est celle de Saint-Germain-en-Laye, aussi remarquable par sa longueur et sa situation, que par la grande étendue de pays qui de ce point s’offre à l’œil du spectateur.

La terrasse devient souvent un ornement pour les jardins du genre régulier, car pour les autres, dont le système et le goût repoussent l’emploi des lignes droites, il est sensible qu’une terrasse en construction ne sauroit y trouver place. Il n’est pas à supposer cependant que la construction ou la maçonnerie soit toujours nécessaire à la formation d’une terrasse. Quand la nature fournit elle-même des levées d’une terre forte et compacte, on peut se contenter d’y pratiquer des terrasses en talus et en glacis. Souvent encore on ne revêt de pierres, ou de maçonnerie, qu’un seul côté, et l’autre se taille en pente douce, qu’on peut gazonner pour mieux obvier à l’éboulement des terres.

Les terrasses ont lieu dans les jardins, soit sur des terrains plats, pour procurer des aspects plus variés, soit pour sauver des inégalités. Dans tous les cas on les orne de plants divers d’arbres ou d’arbustes, de vases, de caisses, de pots de fleurs posés sur des dés de pierre. On y élève des statues qui, alignées et symétriquement rangées, forment un coup d’œil riche et théâtral. Il y a peu de jardins qui offrent dans leurs terrasses, dans leur disposition et leur correspondance, un emploi des statues plus noble et mieux approprié au local, que le jardin des Tuileries à Paris.

TERRASSE (comme couverture en plate-forme). Ce mot (comme on l’a vu) signifie dans son acception naturelle et primordiale, nue masse de terre exhaussée, dressée et plane, ordinairement épaulée par des murs, et d’où la vue domine sur les objets environnans. Seroit-ce de quelques-unes de ces propriétés qu’on auroit transporté ce mot en italien comme en français, à cette espèce de couverture des édifices, qui, au lieu de toiture, présente à leur sommet une superficie plane, dressée et supportée par les murs ?

Telle est, au reste, la définition des couvertures en terrasse, ou plate-forme, qui surmontent universellement les édifices dans certains pays, et sont encore plus ou moins usitées dans quelques autres.

Nul doute que les diverses températures et les influences variées des climats n’aient décidé dans chaque pays, du mode de couverture à donner aux bâtimens, et à préférer, selon le plus ou le


moins d’agrémens ou d’inconvéniens, selon aussi une multitude de besoins qui dépendent des causes naturelles, et enfin selon les matériaux et les moyens que rencontre et met en œuvre l’art de bâtir.

Ainsi voyons-nous que de nos jours encore, certains pays, comme ils le firent dès la plus haute antiquité, n’emploient d’autre forme de couverture que celle de la terrasse, au sommet de leurs habitations. La Bible est pleine de citations qui déposent de cet usage chez les Hébreux. Dans le Deutéronome, ch. 22, v. 8, un article recommande expressément d’établir sur la couverture de sa maison, et tout à l’entour, un parapet, de peur de se rendre coupable de la mort de celui qui viendroit à se précipiter en bas, faute de cette précaution. Selon les relations des voyageurs modernes, et d’après les dessins qu’ils nous ont fait voir des maisons actuelles de la Judée, tous les édifices se terminent aujourd’hui par des terrasses. Tel doit avoir été, si l’on en croit les pratiques encore usitées, l’usage universel tout l’Orient.

Ce qu’où sait du climat de l’Egypte, où les pluies sont extrêmement rares, et les neiges inconnues ainsi que les glaces, suffiroit pour nous faire penser qu’on ne dut y connoître que les couvertures enterrasse, si le manque de bois qu’a toujours éprouvé ce pays n’en étoit une preuve nouvelle, et si les restes nombreux de ses édifices, ainsi que le caractère én inemment significatif a cet égard, de son architecture, n’étoit la démonstration irrécusable de l’usage des plates-sormes, au lieu de toitures, dans tous les édifices. Au milieu du nombre infini de restes de l’architecture égyptienne, dans tous les pays où elle s’est propagée, on n’a pas encore découvert la forme d’un fronton, signe caractéristique de la toiture en charpente. Nous avons rendu compte à l’article de cette architecture (voyezEGYPTIENNE (architecture), de la manière uniforme dont étoient couverts tous les édifices, les temples, leurs portiques, les galeries, les intérieurs de tout genre, si toutefois on peut donner le nom d’intérieur, à ce qui ne pouvoit être couvert que par des dalles de pierre, posant d’un mur à un mur, ou d’une colonne à une colonne. N’ayant connu ni l’emploi des longues poutres dans leurs constructions, ni la pratique des voûtes, les Egyptiens furent obligés de multiplier singulièrement les mêmes masses à la suite les unes des autres, et surtout les colonnes, dans leurs grandes salles polystyles, parce qu’ils n’avoient, pour les couvrir en plafond, que des pierres d’une mesure donnée. Voilà pourquoi tout est en terrasse dans leurs monumens. Or, ce que nous remarquons, comme un effet nécessaire de leur système et de leurs moyens de bâtir, Hérodote l’avoit remarqué, et il nous l’a dépeint avec beaucoup de justesse, dans sa description du Labyrinthe, lorsque, se plaçant sur une hauteur, d’où l’on apercevoit à vol d’oiseau, cet ensemble contigu de tant de masses d’édifices, il en compare l’aspect à celui d’une plaine de pierres. On peut bien croire dès-lors, que les habitations particulières de l’Egypte antique De dévoient avoir, comme celles d’aujourd’hui, d’autres couvertures que des terrasses.

L’usage des toitures en charpente fut sans doute très-répandu en Grèce et dans l’Italie, mais il ne dut pas exclure entièrement l’emploi des couvertures en plate-forme. S’il existe peu, ou s’il n’existe plus de restes de terrasses dans les ruines des édifices grecs ou romains, la cause en est sensible, c’est que les faîtes de toutes les bâtisses sont ce qui éprouve en premier les coups de la destruction. Mais une multitude de passages et de documens recueillis chez les écrivains, ne peret pas de mettre en doute que dès la plus haute antiquité il y eut des maisons et des palais couverts en terrasse Par exemple, Homère nous en donne une preuve, dans le récit qu’il fait (Odyssée, l 10, v. 552) de la mort d’Elpenor. Il raconte qu’ayant été dormir sur la tarrasse du palais de Circé, qui manquoit de parapet d’un côté, et étant mal réveillé, au lieu d’aller du côté de l’escalier, il se précipita du haut de la maison en bas. On citeroit d’autres traits chez les écrivains latins, comme témoignage de l’emploi des terrasses, s’il ne suffisoit pas de renvoyer le lecteur à Vitruve, qui (liv. 7, ch. 1) nous apprend de quelle manière les aires devoient être exécutées, lorsqu’elles étoient pratiquées à découvert, sub dio. Ces détails, nous les avons déjà donnés à. l’article AIRE. Voyez ce mot.

L’Italie moderne a dû à la bonne qualité de ses enduits, surtout à Naples, l’usage général des terrasses sur les maisons. Toutes celles de la ville qu’on vient de citer sont ainsi terminées par des terrasses, qui ont un parapet donnant sur la rue. L’emploi universel de la pouzzolane, permet de couvrir ainsi les maisons d’un massif assez épais, et imperméable aux eaux p’uviales. La douceur des hivers garantit encore cette sorte de mortier des atteintes de la glace. Rome moderne use aussi volontiers de terrasses au sommet de beaucoup de palais et de maisons ; toutefois le plus grand nombre se trouve surmonté de mœniana, ou de ce qu’on appelle loggia, petites constructions qui mettent au moins perpendiculairement la. terrasse, à couvert de la chute des eaux.

Plus on remonte vers le Nord, plus les terrasses deviennent rares. Le climat en fait beaucoup moins sentir l’agrément. On y éprouve moins long-temps et moins souvent le besoin d’y jouir de la fraicheur, et des aspects que les lieux élevés procurent ; et des longueur des hivers, la chute des neiges surtout, réclament des toitures solides et plus ou moins aiguës. Aussi remarque-t-on que l’on pourroit, en quelque sorte, calculer les climats d’abord par l’absence ou la multiplicité des toits,


ensuite par la pente plus ou moins rapide qu’on leur donne.

En France on fait peu de terrasses, et indépendamment de beaucoup d’autres raisons, il ne paroit pas qu’on ait jusqu’à présent réussi à faire adopter un enduit ou un mastic durable et imperméable, quoique quelques épreuves récentes aient sait concevoir des espérances à cet égard.

On emploie le plus ordinairement, en France, à la formation des terrasses, deux sortes de procédés : celui des dalles en pierres, et celui des lames de plomb. Les inconvéniens en sont générament sentis, lorsque les plates-formes qu’on pratique ainsi, ont lieu sur des planchers en solives. Nous n’entendons toutefois parler du danger des terrasses, qu’à l’égard de ces sortes de constructions, qui sont celles des habitations et des maisons ordinaires. S’il s’agit, en effet, d’édifices qui demandent ou admettent des terrasses sur des voûtes en pierre ou en maçonnerie solide, il est alors possible d’en couvrir les plates-formes, par des pierres d’une épaisseur et d’un volume qui assurent leur solidité, et les rendent moins perméables à l’humidité.

Mais le premier procédé de faire les terrasses dans les bâtisses ordinaires sur solives, n’emploie pas des pierres aussi étendues et d’une semblable épaisseur. C’est, au contraire, de simples dalles que l’on use, et ces sortes de dalles se réduisent ordinairement à l’épaisseur des carreaux. On évite aussi de leur donner trop de longueur, dans la crainte qu’elles ne se sendent ; et de là, le besoin, en les multipliant, de multiplier aussi leurs joints. Or, ce sont ces joints multipliés qui, nécessitant l’emploi du mortier qui doit les unir, occasionnent, selon la nature de ce mortier, de fréquentes désunions, par où s’opèrent des filtrations d’eau. Les inégalités de tassement dans les bâtisses, le travail des bois de charpente, tendent aussi à déranger le niveau des dalles. Ajoutons que le peu d’épaisseur de ces dalles destinées à recevoir les eaux pluviales, à éprouver l’action des neiges qui y séjournent, des gelées et surtout des dégels, fait qu’elles sont facilement pénétrées par l’humidité, et en transmettent le principe dissolvant au massif qu’elles recouvrent.

On peut saire une partie de ces reproches aux couvertures de terrasse en plomb. Ce métal ductile et facile à travailler et a étendre, a l’inconvénient d’être poreux, et de transmettre l’humidité plus encore que la pierre. Il y faut aussi pratiquer des soudures, qui produisent le même inconvénient que celui des joints aux dalles de recouvrement. D’autres métaux encore remplacent le plomb, mais rien ne peut empêcher que l’humidité qu’ils transmettent, ne pourrisse les bois des solives sur lesquelles s’établissent de semblables terrasses.

TERASSE (contre-). On appelle ainsi une terrasse élevée nu-dessus d’une autre, pour quelque raccordement de terrain, ou élévation de parterre.

TERRASSE (en sculpture). On donne ce nom dans les ouvrages de sculpture, à cette partie de la plinthe d’une statue, où pose la figure. Il y a effectivement des cas assez nombreux où l’artiste ménage une certaine épaisseur de matière sur sa plinthe pour former comme une sorte de terrain factice qui devient quelquefois nécessaire, par exemple, pour motiver l’introduction de ces troncs d’arbre qui servent d’accompagnement et de tenon, surtout aux figures en marbre.

TERRASSE (en marbre). Ainsi appelle-t-on, dans le langage de la marbrerie, un tendre, c’est-à-dire un défaut du marbre, qu’on nomme bouzin dans les pierres. On remédie autant qu’on le peut à ce défaut, avec de petits éclats et de la poudre du même marbre, qu’on mêle avec un mastic de la même couleur.

TERRASSIER, s. m. Ce nom Désigne Soit l’ouvrier entrepreneur des travaux D’une terrasse, Soit Les Ouvriers Que l’entrepreneur Emploie aux mouvemens de terre, et Qui travaillent sous Lui, ous à La Tâche, ous à la journée.

TERRE, s. f. La matière à laquelle on donne ce nom, si on la considère, ou si on l’emploie dans son état naturel ou primitif, ne sauroit donner lieu, ni à beaucoup de notions, ni à un grand nombre d’usages applicables à la construction. Ce n’est pas que la terre ne comporte d’innombrables diversités de qualités, dont l’analyse et la connoissance importent beaucoup aux arts du besoin, en tête desquels se place l’agriculture. Mais si l’architecture doit avoir quelques lumières sur ces variétés, ce ne sera guère que sous les rapports que les qualités des terrains, où il élevera ses bâtimens, pourront avoir, soit avec les fondations qu’il leur confiera, soit avec les matériaux qui en recevront l’influence.

Ce que la terre a de plus directement applicable à l’art de bâtir, se rapporte à l’emploi qu’on en fait, comme matière propre à former des murs. Le plus simple et le plus grossier de ces emplois, consiste à faire d’une terre grasse délayée, et mêlée quelquefois d’autres substances qui y forment liaison, tantôt des murs de séparation entre les champs et les jardins, tantôt même des caban ou des chaumières pour les villageois, qui n’ont pas d’autres moyens de se construire des habitations. Ce moyen inspiré par la simple nature, et dont on use encore en plus d’un pays, a pendant reçu, et, à ce qu’il paroît, fort anciennement, un certain perfectionnement, qui en fait un procédé régulier, dont nous avons rendu compte en son lieu, sous le nom de PISÉ qu’on lui donne (voyez ce mot), et qui permet de donner à


cette sorte de bâtisse une solidité, une propreté extérieure, et une régularité qui le rendent applicable à beaucoup de petits corps de bâtimens, dans les grands établissemens ruraux.

Mais la terre ou l’argile a été dès les plus anciens temps mise en œuvre, pour former des briques dont on a composé les plus grands et les plus durables ouvrages. A l’article BRIQUE (voyez ce mot), nous avons donné de nombreux détails sur ce genre de matériaux, et sur ses variétés, particulièrement sur l’emploi que l’Egypte fit des briques crues, c’est-à-dire en terre simplement séchée au soleil. Les voyageurs qui ont poussé les recherches dans ces contrées et à plusieurs centaines de lieues au-delà des cataractes du Nil, ont rencontré partout des restes de constructions antiques en briques crues, et les habitans de ces pays n’usent guère aujourd’hui encore d’antres sortes de matériaux, dans les bâtimens qu’ils construisent. Il est vrai qu’ils ne peuvent convenir que sous des climats où il pleut rarement, et où l’on ignore ces vicissitudes de température, qui dans les hivers du Nord sont succéder aux pluies et aux causes d’humidité, l’action de la gelée et du dégel, action à laquelle ne résisteroient point des matériaux en terre crue.

Il reste à faire connoître quelques-unes des désignations qu’on donne à la terre, sous le petit nombre de rapports qu’a cette matière, soit avec l’art de bâtir, soit avec celui du jardinage, qui est une des attributions de l’architecture. On dit :

Terre argileuse. --Terre dont on se sert pour faire des briques et autres ouvrages.

Terre franche. --Espèce de terre grasse, sans gravier, dont on fait du mortier et de la bauge en quelques endroits.

Terre glaise. --Terre argileuse dont on use pour former les fonds des bassins.

Terre maigre. --C’est une terre sablonneuse qu’on mêle quelquefois avec de la terre trop grasse.

Terre massive. --Nom général qu’on donne à toute terre que, dans le langage du bâtiment, l’on considère, comme étant entièrement solide, sans aucun vide, et toisée cabiquement, ou réduite à la toise cube, pour l’estimation de sa fouille.

Terre naturelle. --On appelle ainsi une terre, qui n’a encore été ni éventée, ni fouillée. On la nomme aussi quelquefois terre neuve.

Terre rapportée. --Terre qui a été transportée d’un lieu à un autre, soit pour combler des fossés ou des bas-fonds, soit pour élever des terrasses.

TERREAU, s. m. (Jardinage.) On appelle ainsi, dans le jardinage, une sorte de terre noire, résidu du fumier pourri et macéré, dont on forme ce qu’on appelle les couches dans les jardins potagers. On le modifie diversement par des mélanges, selon les plantes on les arbustes qu’on veut faire venir et cultiver.

Le terreau est encore employé dans les parterres, et leurs plates-bandes, comme moyen propre à détacher l’effet de la verdure des plantes qui servent à faire desbordures. Plus volontiers cependant on use, pour procurer cet effet, de mâchefer, ou de petits cailloux de couleur concassés, parce que les herbes parasites n’y croissent pas aussi facilement.

TERRE CUITE. Nous avons parlé assez au long de l’emploi que l’architecture grecque a fait de la terre argileuse cuite, comme moyen de construction. (Voyez BRIQUE.) Ce qu’on a dit de la durée et de la solidité de cette matière appliquée à la bâtisse, on peut le dire aussi de ses applications à l’ornement et aux décorations diverses des édifices. Le très-grand nombre de fragmens et d’ouvrages de terrecuite parvenus jusqu’à nous, prouve, que si cette matière le cède à toutes les autres, par la valeur, l’éclat et la beauté, elle a sur elles, outre l’avantage de l’économie, celui de ne point tenter la cupidité, et nous ajouterons qu’elle est peut-être douée de plus de résistance, contre les causes ordinaires de destruction.

Nous sortirions par trop des limites de ce qui fait la matière de ce Dictionnaire, si nous voulions seulement énumérer tous les emplois de la terre cuite dans l’antiquité. La plastique, qui fut une des quatre parties de l’art de sculpter en Grèce, et qui eut de si nombreuses attributions, peut se considérer et se définir en grande partie comme ayant été l’art de travailler en terre cuite. Les seuls rapports sous lesquels il nous est donné d’en considérer ici les produits, sont ceux qui embrassent les ouvrages soit bas-reliefs, soit statues, dont l’architecture, dès les temps les plus anciens, décora les édifices, et surtout les temples.

Nous ne pouvons guère douter que la terre cuite en statues, n’ait été employée à décorer les frontispices des temples, alors que leur construction consistoit particulièrement dans le bois. Ainsi le temple Etrusque, tel que Vitruve nous l’a décrit, et tel qu’il se pratiquoit encore de son temps à Rome, ne devoit recevoir dans ses frontons et sur ses acrotères, que des statues de terre cuite, pour ne pas trop charger les solives qui formoient son entablement. Or, on sait que la légèreté est le propre des ouvrages de ce genre en terre cuite, parce que la condition de la terre, pour être cuite dans de grands volumes, est d’être creuse.

Si la pratique de la terre cuite, par plus d’une autre raison, dut être une des premières et des plus anciennes dans la formation des simulacres divins, elle ne cessa point d’avoir lieu pendant les temps postérieurs de l’art perfectionné. Autrefois, comme aujourd’hui, il y avoit toutes sortes de degrés dans la grandeur et le luxe des édifices sacrés. L’or et l’ivoire, les métaux et les marbres, pourvoient briller au milieu des principaux temples, dans le


même temps et dans la même ville, où de plus petits temples, moins richement dotés, se contentoient d’une idole de bois ou d’un dieu d’argile.

Pausanias fait mention de statues en terre cuite, qu’on voyoit encore de son temps dans plus d’un temple de la Grèce, et il ne les donne pas pour être des ouvrages d’art antiques, ainsi qu’il le fait remarquer à l’égard de plus d’un simulacre en bois. D’une part, on peut croire que la dévotion aura perpétué d’anciennes effigies dans cette matière, et l’on peut supposer d’autre part, que beaucoup d’entr’elles auront fait place par la suite à de plus riches ouvrages. Voilà sans doute la raison pour laquelle les statues antiques en terre cuite sont aujourd’hui assez rares. A peine, je pense, pour-roit-on en citer une qui ait été trouvée dans les ruines de Rome. Mais il s’en est conservé sous les cendres qui ont enseveli Pompeia. On les voit au Muséum de Naples, et leur style n’annonce point un art fort ancien.

Si le temps nous a transmis fort peu de statues antiques de terre cuite, il n’en est pas ainsi des bas-reliefs en cette matière. Le très-grand nombre qui en existe, et dont presque toutes les collections d’antiquité se sont plus ou moins enrichies, nous apprend que l’architecture les employa volontiers, comme ornemens des édifices. La beauté de la sculpture dans plusieurs de ces ouvrages, l’élégance de leurs formes, la perfection du dessin de leurs figures, tout concourt à certifier, que les monumens où ces terres cuites surent appliquées, appartinrent aux âges de l’art le plus développé.

Ce fut ordinairement dans les frises des temples qu’on les employa. L’art du moulage qui fut, chez les Anciens, une partie nécessaire de la plastique, fournit le moyen le plus économique de multiplier cette sorte d’ouvrages. Il y a en ce genre des choses tellement probables, qu’elles pourroient dispenser de les prouver. Mais les répétitions nombreuses et les plus identiques des mêmes figures, des mêmes compositions en terre cuite, qu’ou voit dans les recueils de ce genre, démontrent que tous ces exemplaires sortirent d’un même moule, fait également en terre cuite, ainsi qu’on en trouve la preuve, pl. 33 du Recueil d’ouvrages en terre cuite, par M. d’Agincourt. Beaucoup de ces bas-reliefs ont leur sond percé d’un trou assez grand, pour qu’on puisse y passer une corde, ce qui a fait conjecturer, par un critique, assez mal-à-propos, selon nous, qu’on les suspendoit dans les ateliers pour servir de modèles. Il se présente une supposition beaucoup plus naturelle, et que confirment évidemment les deux bas-reliefs d’une même frise, gravés pl. 7 du Recueil qu’on vient de citer. Sur chacun on voit la marque de quatre trous, qui répartis inégalement sur le champ ou le fond des figures, n’ont certainement point dû servir à l’usage indiqué. Il paroit indubitable que ces trous ont dû être pratiqués, dans l’intention de recevoir ; des crampons, ou ligettes de métal, qui traversant l’épaisseur de la terre cuite, étoient scellées dans le massif de la construction, et dont l’ouverture disparoissoit ensuit par l’introduction de quelque stac ou mortier.

Nous renvoyons au Recueil dont nous avons donné le litre plus haut, le lecteur qui voudroit connoître à combien de genres d’ornemens d’architecture la terre cuite fut employée. Mais pour se faire une plus juste idée de la variété, de l’élégance et du bon goût d’un grand nombre des sujets que la plastique fut multiplier en ce genre, nous recommanderons surtout la belle collection de M. Towneley qui, après la mort de ce célèbre amateur, a passé duns celle du British Muséum, qui a été publiée sous le titre de A Description of the collection of antient terracottas. On y remarque un bon nombre de composition qui se trouvent aussi dans des bas-reliefs en marbre ; en sone qu’on ne sauroit dire si les marbres ont été copiés d’après les terres cuites, ou si ces dernières surent des répétitions de marbres renommés.

Les terres cuites, qui entrèrent, sous de trèsnombreux rapports, dans les ornemens de tout genre des édifices antiques, reçurent très-fréquemment des couleurs : ce qui n’étonnera point ceux qui savent, combien fut usuelle et générale la pratique de peindre jusqu’à l’extérieur des monumens sacrés et profanes. La sui e des bas-reliefs Volsques en terre cuite trouvés à Velletri, nous fait voir ces bas-reliefs revêtus de différentes teintes, qui leur donnoient jusqu’à un certain point l’apparence de tableaux. Mais les enduits de couleur pouvoient avoir encore pour objet, d’en rendre par une teinte égale, la matière plus uniforme à l’œil, et aussi de les garantir contre les intempéries des saisons.

L’usage des ornemens de terre cuite dans l’architecture s’est conservé par tradition en Italie. Les villes de Milan, de Pise, de Sienne, de Florence, de Venise, de Rome, de Naples et. de ses environs, fournissent mille exemples de cet emploi depuis la renaissance des arts.

Il saut mettre, en effet, au nombre des ouvrages en terre cuite, qui firent au seizième siècle un des principaux agrémens des palais et des habitations particulières, ces ouvrages en compartimens de tout genre, dont le sond, de matière argileuse durcie au seu, étoit recouvert d’an émail de. faïence diversement coloriée. Ce procédé devenu si habituel dans les travaux de la poterie domestique, fut à cette époque employé avec autant de goût que de succès, dans la décoration soit extérieure, soit intérieure, Egalement propre à remplacer avec une extrême solidité, sans aucune épaisseur, les teintes variées de la peinture d’ornement, et les formes en relief plus ou moins saillantes de la sculpture, il eut encore l’avantage de multiplier à l’infini ses produits. Il n’y eut rien dans le domaine de la décoration qu’il ne s’appro-


pria. Les rinceaux, les fruits, les fleurs, les guirlandes, les festons, tous ces caprices d’imitation de têtes d’animaux symboliques, de parties détachées ou tronquées du règne animal ou végétal, furent reproduits avec des couleurs variées et formèrent des compartimens qui rivalisèrent avec les inventions peintes de l’arabesque.

Cet art sortit aussi alors de l’Italie, et les artistes de ce pays en propagèrent le goût en France. D’anciens châteaux en ont conservé quelques traces. Il n’y a guère plus de trente ans que le génie de la destruction se fit un jeu de faire écrouler la masse entière, précédemment minée, du célèbre château qu’avoit bâti François Ier. dans le bois de Boulcgne près de Paris, et qu’il avoit appelé Meudon, en mémoire de sa captivité dans la capitale de l’Espagne. Tous les ornemens intérieurs et extérieurs de ce château, brilloient encore de l’éclat des couleurs, et des bas-reliefs émaillés dont la terre cuitefaisoit le fond.

Nous avons vu que l’économie est un des avantages du procédé qui, offrant un moule une fois fait pour les ornemens courans surtout, met à même d’en faire à l’infini la répétition exacte, par les empreintes que l’argile humectée permet d’en tirer. Or, on sait qu’il est dans la nature et dans l’esprit de la décoration architecturale et de l’arabesque, de reproduire soit comme continus, soit comme se faisant pendant, les mêmes objets et les mêmes détails de figures symétriques. Mais c’est encore plus particulièrement aux bâtimens construits en matériaux économiques, aux maisons ordinaires de ville et de campagne, où l’on cherche l’agrément sans grande dépense, que nous sembleroit devoir convenir le procédé des ornements en terre cuite, produits par le moulage. Le plâtre, comme on le sait, est, à Paris surtout, la matière à peu près unique, dont on use, pour produire avec économie soit les ornemens, soit les bas-reliefs dont on veut décorer l’extérieur des habitations. Mais on sait aussi qu’il n’y a rien de moins durable. Pourquoi ne chercheroit-on pas à accréditer pour ces sortes d’emplois, la terre cuite, susceptible de la même économie, par le moyen du moulage, et susceptible encore de recevoir et de garder toutes les couleurs, qui peuvent la mettre d’accord avec celles des matériaux qui la recevroient ?

TERREIN, s. m. Ce mot n’est pas un pur synonyme du mot terre. Il exprime dans l’art de bâtir, ou t’espace du sol sur lequel on élève un bâtiment, ou la nature même de ce sol, considéré non-seulement à sa superficie, mais encore dans ses profondeurs.

Rien de plus important que de bien connoître le terrein sur lequel on se propose de bâtir, c’est-à-dire de le connoître à fond. Or, le fond d’un terrein est très-variable. La terre se compose de couches d’une nature si différente, qu’il est rarement donné de prévoir ce que sera définitivement le sol sur lequel il faudra fonder. Les terreins offrent des fonds de différente densité ou consistance, comme de roche, de tuf, de gravier, de sable, de glaise, de vase, etc. C’est à toutes ces variétés que le constructeur doit avoir égard.

Terrein ne signifie quelquefois rien autre chose qu’espace, ainsi qu’on l’a dit ; c’est ce qu’on exprime en disant terrein vague, terrein enclos. Les Anciens ménageoient souvent dans le voisinage de leurs temples, des terreins consacrés, sur lesquels il étoit défendu de bâtir. --On dit :

Terrein de niveau. --C’est une étendue de terre dressée et sans aucune pente.

Terrein par chutes. --Terrein dont la continuité est interrompue, mais qui se raccorde avec un autre terrein, par des perrons, ou par des glacis.

TERRE-PLEIN, s. m. Nom général Qu’on Donne à tout amas de terre rapportée Entre des murs, Soit faire verser des terrasses, Soit pour servir à de chemins Ou de communications d’Un Lieu à Autre non, Ou de boulevards Dans les villes de guerre.

TÊTE, s. f. En traitant des notions que comporte, dans ses rapports avec la sculpture et avec l’architecture, le mot qui fait le sujet de cet article, nous ne répéterons rien de ce que nous avons développé, et peut-être un peu trop, hors des limites de la matière qui est celle de ce Dictionnaire, au mot BUSTE. Voyez ce mot.

Quoique la tête de l’homme, dans l’imitation séparée qu’eu fait la sculpture, soit la partie, sans doute, la plus importante du buste, cependant sous ce nom, comme son véritable sens l’indique en français, ainsi que dans l’italien busto, il faut comprendre la tête humaine accompagnée d’une portion plus ou moins étendue du corps, comme les épaules, la poitrine, et quelquefois plus encore.

Ici nous considérerons uniquement les divers emplois que l’architecture, dans ses ornemens, sait de la tête seule, non-seulement de l’homme, mais des animaux.

Un des plus anciens emplois de la tête ainsi envisagée, nous paroît être celui qu’en fit l’architecture égyptienne dans un de ses chapiteaux, qui a ses quatre faces ornées d’une tête qu’on croit être celle d’Isis, avec des oreilles de vache et la coiffure ordinaire des statues féminines. Ces quatre têtes sont adossées entr’elles, de façon que chacune se borne à n’être que ce qu’on appelle le masque ou le visage, sculpté plutôt de bas-relief, qu’en bosse. Ce chapiteau à têtes d’Isis est fréquemment employé en Egypte, et on le trouve avec plus d’une variation.

Une tête seule et sans buste, fut très-souvent appliquée par l’architecture grecque, comme ornement symbolique, particulièrement aux clefs des arcades. Nous voyons ainsi à l’amphithéâtre de


Capoue, chaque pierre formant la clef de chaque arcade des portiques extérieurs de ce monument, ornée d’une tête de divinité en relief très-exhaussé. Nous avons déjà fait remarquer à l’arc de triomphe d’Auguste, dans la ville de Rimini, des tétes d’un très-haut relief, sculptées sur des espèces de patères ou de boucliers circulaires, et qui sont, comme l’indiquent leurs attributs, celles de Jupiter, do Vénus, de Neptune et de Pallas.

L’espace qu’on appelle métope, ou l’intervalle qui sépare les triglyphes dans la frise dorique, fut souvent orné de ces parties circulaires qu’on prend pour des patères ou pour des boucliers, et sur lesquelles on sculpta volontiers des têtes de Méduse ou d’autres personnages mythologiques. Il existe encore dans les recueils d’antiques, de ces parties de plafond, qui doivent avoir été comme des caissons circulaires en marbre, dont le milieu, eu place de fleuron ou de rosace, est occupé par une tête d’une sculpture fort saillante.

Rien de plus commun dans tous les monumens d’architecture ou de décoration, que l’emploi de ces têtes qu’on désigne par les noms de masques ou de mascarons. (Voyez ces mots.) Le culte de Bacchus et les mystères dionysiaques ayant été répandus chez tous les peuples antiques, l’art des Grecs s’empara de la plupart des symboles, que les fêtes et les cérémonies avoient propagés. Bientôt encore le théâtre multiplia, par l’emploi qu’on y faisoit du masque, les représentations de toutes les sortes d’expressions dont les rôles des acteurs avoient besoin. La fabrication des masques devint une sorte d’école de l’art d’exprimer par les traits du visage, toutes les passions, toutes les affections de l’ame ; la sculpture ne pouvoit guère manquer de puiser pour l’ornement, dans cette source abondante de motifs et de sujets, qui d’abord eurent une relation spéciale avec les monu¬mens, et qui finirent par n’être plus pour les yeux, que des signes tout-à-fait arbitraires d’idées sans déterminations. De là, sous le nom de masque ou de mascaron, ces représentations de têtes capricieuses soit isolées, soit rangées sur une ligne, et supportant des festons continus.

Les Modernes ont bérité dans leurs pratiques ou leurs routines décoratives, de l’usage antique d’orner avec des têtes, les clefs des arcades de leurs portiques. Aucune idée religieuse ou politique ne s’étant mêlée chez eux à cet usage, on chercheroit souvent en vain dans ces têtes, un motif en rapport avec l’édifice auquel on les applique. Lorsque ce ne sont point des objets banaux et sans aucune signification, ce qui est arrivé trop souvent, la sculpture se donne pour sujet arbitraire de représenter sous des traits, divers, ou les saisons, on les figures capricieuses des faunes, des satyres, des déités agrestes de la Fable, ou tout simplement des tétes d’âges différens et de caractères variés, où l’on se plaît à rendre sensibles, comme dans les masques antiques, l’expression capricieuse ou contrastée de toutes les sortes de physionomie.

La religion chrétienne admet sans doute et applique à l’ornement de ses temples, surtout en médaillons, les bustes des apôtres et des saints. Mais comme ornement de pratique et d’usage, on n’y emploie guère d’autres têtes sans buste, que celles des anges, ou de ce qu’on appelle des petits chérubins ailés. On les trouvera souvent employées ainsi au-dessus des cintres de quelques portes des sacristies, au-dessus des bénitiers, ou dans certaines décorations de gloires rayonnantes.

Un grand nombre de têtes d’animaux furent aussi, dans l’antiquité, la matière d’ornemens propres à beaucoup de parties de l’architecture. Qui ne sait ensuite combien fut général l’emploi qu’on en fit dans tous les objets de luxe, tels que meubles, vases, trépieds, candélabres, ustensiles de tout genre, qui naturellement s’approprient tous les détails de la décoration architecturale ? Ainsi la pierre qui fait la clef de l’arcade du monument triomphal de Rimini, est décorée d’une tête de taureau. Un semblable symbole se voit dans la frise du tombeau qu’on appelle près de Rome la tour de Métella, et à laquelle on a donné plus vulgairement, à raison de cette sculpture, le nom de Capo di bove. On ne sauroit compter les diverses sortes d’ouvrages et de parties d’édifices, où la sculpture employa la tête de lion. Elle figure sur presque toutes les urnes à l’usage des bains et des fontaines. Tantôt elle semble servir d’attache aux anneaux simulés en marbre, à l’imitation des anneaux mobiles qui dans la réalité s’adaptoient aux baignoires de métal : tantôt elle est avec plus ou moins de réalité, l’orifice véritable ou fictif destiné à l’écoulement des eaux. La tête du bélier se trouve sculptée aux angles d’une infinité d’autels, de trépieds et de cippes de toute espèce, etc.

L’usage des sacrifices dans le paganisme, devint encore pour l’imitation des objets qui sont la matière de cet article, une source très-féconde d’ornemens. Nous ne pouvons nous refuser à croire que d’abord on conserva comme indication ou commémoration de l’immolation des victimes, les têtes des animaux sacrifiés, qu’on attacha probablement, ou aux murs des temples, ou aux montans des autels. Ces têtes finirent par se décharner, et leurs squelettes, doués de la l’acuité de su perpétuer, fournirent à la sculpture de si nombreux exemples de cet usage, que l’artiste ayant à caractériser par un symbole intelligible à tous, le lieu des sacrifices, l’autel où on les avoit consommés, fut induit très-naturellement à reproduire l’image de ces têtes décharnées qu’on appela bucrania (voyez BUCRANE), et on les représenta ornées encore des bandelettes-sacrées, des


festons et des guirlandes dont les victimes avoient été parées.

Si cette pratique de la sculpture d’ornement trouva dans les usages religieux de l’antiquité, une origine et une raison plausibles, il a été remarqué déjà, que rien, chez les Modernes, ne put autoriser l’architecture à employer indistinctement cette espèce d’ornement, qui n’étant plus en rapport avec aucune de nos pratiques, a de plus l’inconvénient d’offrir la vue d’un objet on ne peut pas moins agréable. On ne sauroit donc approuver l’emploi que l’architecte Debrosses en a fait dans quelques métopes de sa frise dorique, au palais au Luxembourg.

Si nous faisons ici mention de quelques pratiques de ce genre, dans un ordre d’idées assez analogues, quoique moins importantes, c’est uniquement pour faire voir, comment a dû naître dans l’antiquité, l’usage si multiplié des représentations dont nous avons fait la courte énumération.

Ainsi on connoît certains usages modernes qui consistent également à attacher comme trophées, des têtes d’animaux tués à la chasse, aux portes des habitations du chasseur. De là on a vu dans plusieurs châteaux l’architecture faire des têtes imitées de différons animaux, une sorte d’enseigne ou d’inscription figurée de la destination de certains lieux. Des têtes de chien ont été placées sur la façade du bâtiment qu’on appelle le Chenil. Sur les portes d’un pare on a figuré des têtes de cerf ou de sanglier ; des têtes de cheval ont décoré, comme à Chantilly, le bâtiment des écuries. On a vu des têtes do bœufs et de moutons désigner une boucherie.

On donne le nom de tête a différens ouvrages de construction. L’on dit :

TÊTE DE CANAL. On appelle ainsi, dans nu jardin, l’entrée d’un canal, et ta partie la plus proche du jardin, où les eaux viennent se rendre après le jeu des fontaines. On donne aussi ce nom à un bâtiment rustique, en manière de grotte, avec fontaines et cascades au bout d’une longue pièce, d’eau.

TÊTE DE CHEVALEMENT. Pièce de bois qui porte deux étaies, pour soutenir quelque pan de mur, ou quelqu’encoignure, pendant qu’on fait une reprise sous œuvre.

TÊTE DE MUR. C’est ce qui poroît de l’épaisseur d’un mur, dans une ouverture, et qui est ordinairement revêtu d’une chaîne de pierre, ou d’une jambe étrière.

TÊTE DE VOUSSOIR. C’est la partie soit de devant, soit de derrière d’un voussoir d’arc.

TÊTE PERDUE. On appelle ainsi toutes les têtes des boulons, vis et clous, qui n’excèdent point le parement de ce qu’ils attachent ou retiennent, et qui même y entrent jusqu’à s’y trouver renfoncés.

Tétrastyle. Sur distinguoit sous majoré D’UN rapport, et l’sur classoit diversement Dans Le Système architectonique, les temples, SELON LES différences d’ordre according to their ensemble de la conformation et la répartition des Colonnes Extérieures, according le PLUS OU Le Moins d ‘ espace de Leurs entre-colonnemens, according Le Nombre des Colonnes affectées à Leurs frontispices. Sous CE Dernier Point de Vue, le temple tétrastyle étoit, Comme L’Indique la formation du mot, Celui Qui n’avoit Que Quatre Colonnes de l’avant. Tel est, par exemple, Celui Qu’on Appelle Aujourd’hui, à Rome, de la Fortune virile.

THALAMUS, du mot grecθαλαμος, Éclairé, chambre. Un coucher. SELON Vitruve, le thalamus étoit Placé Dans la maison grecque, AINSI Que l ‘ antithalamus, each D’UN Côte de l’œcus ous salon, Dans Lequel se tenoit la maîtresse de la maison. Le thalamus étoit sa chambre à coucher ; l ‘ antithalamus etoit Celle de Ses esclaves.

THÉATRE, s. m. En latin theatrum, du grec θιατρον formé du verbe θεαομαι, qui veut dire regarder, contempler. Théâtre, détini d’aprés son étymologie, signifie donc un lieu pour voir et regarder. Tel fut, en effet, le but ou l’objet principal des premiers locaux, où les hommes se réunirent pour jouir du plaisir naturel et, si l’on peut dire, instinctif de se voir et de se considérer dans les imitations de l’art. Les récits des voyageurs nous représentent ainsi les peuplades des sauvages, se groupant ou s’assemblant en cercle, autour d’histrions ou de saltimbanques, qui mêlent à des danses grossières, quelques espèces d’actions, dout les sujets sont tirés des habitudes de leurs mœurs, ou des traditions de leurs aventures guerrières. La est l’élément primitif des compositions de l’art dramatique, et aussi de l’art qui devoit, en suivant les progrès de la civilisation, préparer et perfectionner pour le spectacle scénique et pour ses spectateurs, l’édifice qu’où appelle théâtre.

DU THÉATRE CHEZ LES ANCIENE

Plus d’un degré marqua en Grèce les progrès de cet art. Il paroît que les fêtes de Bacchus et de Cèrès, qui de très-bonne heure consacrèrent l’époque de la moisson et des vendanges, devinrent dès lors le sujet et l’occasion de réunions, où les chants et les danses se mêlèrent aux cérémonies religieuses, et firent chercher des emplacemens favorables, au besoin de voir et d’entendre. Le creux d’un vallon, quelque partie circulaire de


montagne donnée par la nature, prêtèrent à ces premiers spectacles un local agreste et sans art. Lorsque quelque chose de semblable à la représentation d’une action entre des personnages s’y fut introduit, une sorte de cabane de branches d’arbres représenta la scène. Peu à peu on façonna le terrain montant sur lequel se tenoient les spectateurs, de manière à inspirer l’idée des gradins ou degrés des théâtres postérieurement construits.

Cet état de choses dut se perpétuer avec peu d’amélioration, tant que la population resta divisés dans les bourgs, avant la formation des villes. Lorsque, dans celles-ci, on eut à célébrer de pareilles fêtes, on fut obligé d’élever quelques échafaudages temporaires, que le retour périodique des, cérémonies tendit à rendre de plus en plus fixes et solides. L’on comprend que plus l’art dramatique, s’étendant et se perfectionnant, attiroit de spectateurs, plus, de son côté, la construction fut obligée d’agrandir et d’améliorer le local destiné à la multitude.

La nature seule des choses nous apprendroit qu’eu suivant le cours des âges, et l’extension donnée aux jeux scéniques, par le culte et par la politique, on dut faire en charpente des théâtres réguliers, si nous ne savions par l’histoire, comme on le verra bientôt, qu’il en arriva réellement ainsi. Disons d’avance que du temps du poëte dramatique Pratinas, qui vécut dans la soixante et dixième olympiade, il n’y avoit encore à Athènes qu’un théâtre en bois. Pendant la représentation des pièces de Pratinas, les sièges s’écroulèrent. Cet accident fut cause que du temps de Thémistocle, on construisit en pierre, le théâtre connu soua le nom de Bacchus.

Mais ce théâtre fut creusé dans le flanc de la montagne de l’Acropole, qui regarde le mont Hymmette. Là, comme on le voit, se seront réunis les élémens de la formation des théâtres primitifs, c’est-à-dire (ce qu’une multitude d’autres théâtres nous démontre) l’emplacement ou l’adossement à une montague ou à un rocher, et la disposition déjà élaborée dans la construction en bois.

On ne prétend point attribuer ici, par-là, au théâtre en pierre d’Athènes, une priorité sur tous ceux qui furent construits de même, soit dans l’Asie mineure, soit dans les autres parties de la Grèce. Une histoire positive et chronologique de ces monumens, ne pourroit reposer que sur des daies données soit par les écrivains, soit par les édifices Les unes et les autres nous manquent. Nous n’entendons établir dans cet article, que des notions. générales sur l’origine et les progrès de cette partie si intéressante de l’architecture grecque, en renvoyant d’ailleurs, pour toutes les notions parliculières et les détails techniques du sujet, aux nombreux articles de ce Dictionnaire qui en traitent.

Quoiqu’on n’eu ait aucune preuve, il nous paroît toutefois probable, que les Athéniens, auxquels est due très-certainement l’invention du drame, ou de l’action scénique régulière, auront été aussi Tes premiers à réduire le lieu de sa représentation à des formes, des distribuions et des proportions déterminées par le besoin et le plaisir. Un édifice tel que le théâtre en marbre de Bacchus, n’aura pu être conçu, projeté, exécuté que sur des données antérieures, déjà consacrées par l’usage et dictées par une longue expérience. Hesychius nous apprend que pendant long-temps on faisoit des gradins en planches pour les spectateurs. Tabulata ligna in quibus spectabant Athenis, priusquàm Dyonisii theatrum extructum esset. Ce fut donc dans ces constructions temporaires que l’art et la science de bâtir les théâtres s’essaya long-temps, et parvint à fixer l’ensemble et les rapports nécessaires des deux parties dont ils doivent se composer.

Lorsqu’on veut se rendre compte de la disposition élémentaire du théâtre grec, il ne faut pas perdre de vue ce qui donna naissance aux représentations scéniques. Le drame, originairement, ne fut qu’un chœur, qui ebantoit des dithyrambes en l’honneur de Bacchus, sans aucun autre acteur déclamant. Dans la suite on y ajouta un acteur récitant quelques aventures mythologiques, puis on lui donna un interlocuteur ; enfin le chœur, de principal qu’il avoit été, devint personnage accessoire, dans l’action dramatique, et ne joua plus que le rôle d’un acteur. La scène (ou le lieu d’une semblable action) fut donc origmairement disposée, pour recevoir un très-grand nombre de personnages chantans ; ce qui explique pourquoi et comment, même après que l’action dramatique fut devenue principale, et que le chœur n’en fut plus que l’auxiliaire, le lieu de cette action dut s’étendre en largeur, beaucoup plus qu’en profondeur. Ajoutons que la très-grande multitude des spectateurs ayant exigé un vaste emplacement en demi-cercle, meublé de gradins les uns au-dessus des autres, le diamètre de ce demi-cercle détermina nécessairement l’étendue en largeur, du local où l’action et le spectacle devoient se donner.

Ainsi la scène, ou ce qu’on appela ainsi (voyez SCÈNE), fut, non l’espace où I action avoit lieu, où les acteurs se tenoient, où le chœur chantoit, mais ce qui servoit, comme dans un tableau, de fonds à tous ces personnages ; et le local qu’aujourd’hui nous appelons scène, répondit à ce que nous nommons avant-scène, proscenium. (Voyez ce mot.) Il n’est pas douteux que dans les premiers théâtres en bois, on dut décorer par la peinture, selon la diversité des sujets qu’on représentoit, cette devanture qui faisoit face aux gradins du théâtre, c’est-à-dire aux spectateurs. Au temps d’Eschyle, un des premiers poëtes tragiques, Agatarchus, selon ce que nous apprend Vitruve, avoit peint, probablement pour une des pièces de ce poëte, une scene dans laquelle il fit montre


d’un grand savoir dans l’art de la perspective. On a déjà parlé de cet ouvrage au mot SCÈNE. Je n’y reviens ici que pour rappeler ce qui est dit à cet article, savoir, qu’avant l’érection du théâtre en matière plus solide, la devanture, ornée par les perspectives d’Agatarchus, ne fut très-probablement qu’une cloison recevant le rideau peint qui la cachoit.

Nous trouvons chez les écrivains plus d’un passage, où il est fait mention de scènes peintes. Mais nous ne rappelons ici ces notions que pour indiquer ce qui dut donner naissance à la disposition définitive, et même au goût de cette partie du théâtre antique. Sans doute, lorsque le théâtre en marbre de Bacchus à Athènes fut construit, les yeux étoient, depuis long-temps, accoutumés à voir les personnages de l’action, se détacher sur des fonds, où l’art de la peinture décorative s’étoit plu à figurer, et en toute liberté, des compositions d’architecture, auxquelles l’artiste avoit pu prodiguer, sans grande dépense, toutes les richesses de l’art. Quand il fallut satisfaire également les yeux, par une architecture réelle et en matériaux solides, l’architecte ne se trouva-til pas induit à porter dans cette partie duthéâtre, le luxe de détails et d’ornemens, que nous savons avoir été habituellement appliqué à la scène ? Il nous suffit d’avoir indiqué, ce qui aura été le principe, et de sa forme définitive, et du goût qui, jusqu’aux derniers temps de l’art, fut celui de sa décoration.

Ce que l’on nommoit proscenium, avons-nous dit, ou avant-scène étoit, dans l’ensemble du théâtre antique grec ou romain, le lieu même où se passoit l’action. Selon Vitruve, chez les Grecs, une portion des acteurs arrivoi’t jusque sur l’orchestre. C’ètoient probablement les danseurs, car le mot orchestre désigne précisément le genre de spectacle qui dépend de la danse. Cet espace avoit une étendue comprise entre le gradin inférieur de ce que nous appelons amphithéâtre, et la ligne du proscenium. Derrière la scène étoient disposées différentes salles, formant le postscenium. Elles étoient affectées aux services divers, dont le détail seroit étranger aux notions purement architecturales.

Si l’on se fait une juste idée des deux parties principales du théâtre antique, on comprend avec la plus grande clarté, qu’il consistoit en un plan semi-circulaire d’un côté, et rectangulaire de l’autre, formet ce qu’on appelle vulgairement un fer à cheval. La moitié dont on vient de parcourir la distrilution, étoit comprise dans la partie quadrangulaire, et de ce côté, pour un très-grand nombre dethéâtres adossés, comme on va le voir, à une côte ou à une pente de montagne, devoit se trouver l’entrée principale. Aussi Vitruve nues apprend-il que cette partie de l’édifice se terminoit par un portique servant à mettre les spectateurs à couvert, lorsqu’il surveoit de la pluie, et qu’on employoit aussi aux répétitions des chœurs.

L’autre moitié du théâtre celle qui, comme on l’a dit, étoit t selon le sens propre du mot, véritablement théâtre ou lieu fait pour voir, se composoit nécessairement d’un demi-cercle, forme dictée par la nature, pour qu’un grand nombre d’hommes réunis pussent également, de tous les points de la demi-circonférence, et voir et entendre ce qui se faisoit et se disoit au point de centre de la ligne duproscenium, qui, chez les Romains, terminoit le demi-cercle.

On a déjà dit que, dès l’origine, œ besoin, et celui d’assembler une multitude d’individus, placés par degrés les uns au-dessus des autres, a voient suggéré le choix des premiers théâtres ; dans des emplacemens donnés par la nature. Effectivement, le três-grand nombre de théâtres dont les restes nous sont parvenus, démontre que partout où les localités le permettoient, on plaçoit cet édifice, de manière à économiser la dépense de construction, que son élévation dans un terrain un iauroit occasionnée. La croupe d’une côte dans laquelle on pouvoit creuser la partie demi-circulaire des gradini, offroit de grands avantages, car d’abord on étoit souvent dispensé de faire des fondations, et ensuite les bancs circulaires ou les degrés se tailloient à même la masse. Cependant on ne pratiquoit. ainsi que la partie qui constituoit spécialement le fonde du demi-cercle. Les deux extrémités qui terminoient de chaque côté les gradins, étoient construites, et formoient un massif propre à augmenter la solidité de l’ensemble, et à lier les gradins à la scène. C’est ce que font voir les ruines de plus d’un théâtre antique, et c’est ce que nous avons déjà décrit avec beaucoup plus de détails, aux articles des deux villes de SAGONTE et de TAUEROMINIUM, où existent les deux théâtres las mieux conservés de tous ceux que le temps a épargnés.

Au mot AMPHITHÉATRE (voyez ce mot), on trouve la description anticipée de ce que nous aurions à faire connoitre ici, sur la disposition des gradins, et sur les escaliers qui établissoient une facile circulation, entre toutes les rangées de degrés. L’amphithéâtre ne fut, en effet, que la conjonction de deux théâtres, et les Romains n’eurent, à cet égard, qu’à se régler sur les pratiques des théâtresgrecs.

Plus d’une variété toutefois eut lieu dans la distribution des degrés. Souvent on ne les divisoit pas en étages, c’est-à-dire en groupes. Il existe effectivement des théâtres d’une fort grande étendue, dont tous les gradins se suivent sans aucune interruption. Lorsqu’on vouloit établir des étages de degrés, par les séparations des paliers, on régloit le nombre de ces étages, d’après la hauteur totale, ou l’étendue de l’intérieur. On en établissoit trois dans les grands théâtres, et deux dans les petits. Ces séparations ou paliers, sont ce que Vitruve appelle prœcinctiones. Voyez BALTEUS.

Pour monter aux degrés, et circuler facilement


entr’eux, l’on séparoit leurs rangées en plusieurs sections, entre lesquelles étoient pratiqués des escaliers. Lorsque la hauteur du théâtre étoit partagée par plusieurs prœcinctions, chacun de ces étages avoit ses escaliers particuliers formés de marches, ayant en hauteur la moitié du gradin servant de siège. Ces escaliers avoient leur direction vers le centre de l’orchestre, et formoient pour ainsi dire les rayons du demi-cercle. Ils furent désignés par les Romains, sous le nom de cunei parce que les gradins ou sièges compris entre-deux, présentoient la figure d’un coin.

Les ouvertures ou entrées qui conduisoient aux gradins, différoient, selon que ceux-ci avoient été taillés et pratiqués dans le penchant d’une montagne, ou bien construits comme partie d’un édifice élevé sur un sol plane. Aux théâtres tout en construction, les entrées des différens étages faisoient partie de la construction même, sur laquelle se trouvèrent établis les gradins, et ils aboutissoient à chaque étage. Dans les autres, on pratiquoit souvent, sur le côté de la montagne, des chemins qui conduisoient jusqu’aux gradins les plus élevés, d’où les escaliers canduisoient au reste des gradins inférieurs. Cela se remarque ainsi au théâtre de Taurominium.

Au-dessus de la montée totale des gradins qui, selon l’acception du mot grec, étoit véritablement le théâtre que l’on désigne en italien par le mot gradinata, et qu’on appelle généralement en françaisamphithéâtre, s’élevoit, le plus souvent en colonnes, une galerie couverte, destinée à des places distinguées, et pouvant servir aussi de refuge en cas de mauvais temps ; car on ne doit pas oublier que dans les villes grecques, l’édifice consacré spécialement aux représentations scéniques, avoit quelquefois une autre destination, celle de servir de lieu d’assemblée, lorsque le peuple entier d’une ville étoit appelé à délibérer en commun sur les intérêts publics. Tacite, dans le chap. 80 du second livre de son Histoire, le dit expressément des habitans d’Antioche, et Ausone eu dit autant des Athéniens ; il ajoute même que cet usage étoit généralement adopté dans la Grèce.

On ne doit donc pas s’étonner que le théâtre ait participé, dans ses décorations, aux pratiques des institutions civiles. Ainsi voyons-nous qu’au théâtre d’Herculanum, d’un côté et de l’autre duproscenium, on avoit élevé à Nonius Balbus. ainsi qu’à son fils, une statue équestre en marbre. Ces deux morceaux se sont retrouvés sous les laves qui engloutirent ce théâtre. Au théâtre de Taorminium, la galerie dont on parle, au-dessus de gradins, avoit des niches qui sans doute reçure des statues.

Ce double emploi du théâtre, en Grèce pour les jeux de la scène, et pour les délibérations ou assemblées politiques, fut cause, sans doute, que cet édifice devint, dès l’origine, de première nécessité. Aussi est-il rmis de croire qu’il y en eut dans toutes les ville. On ne trouve effectivement aucun emplacement de villes antiques encore reconnoissables par quelques débris, où ne se fassent remarquer des rees de théâtre. Cette sorte de monument étant d’une grandeur et d’une solidité remarquables, auro. certainement survécu partout à toutes les destructions, si ses masses n’eussent offert, par la suite di siècles, une sorte de carrière aux habitans des vles nouvelles, qui employant à leurs constructions des matériaux déjà tout taillés, achevèrent de riner des édifices devenus désormais inutiles. Nonossistant ces causes de dégradation, quelques vestigs leur ont toujours survécu, et l’on feroit une ste infinie de toutes les villes, où de semblable témoins déposent de leur ancienne existence.

Pour ne pas laisser cette assertion ans quelque preuve, nous allons citer, d’après les voyages de Pocoke et de Chandler, les villes de l’Asie mineure qui ont des restes de théâtre savoir : Ephèse, Alabanda, Teos, Smyrne, Haerapolis, Cyzique, Alinda, Magnésie, Laodicée, Mylassa, Sardes, Milet, Staratonicée, Telmessus, Jasus, Patara.

On trouve en Sicile des restes de théâtre à Catane, à Taurominium, à Syracuse, à Argyrm, à Segeste.

Les principaux théâtres de la Grèce proprement dite, et dont il existe des ruines, furent ceux d’Athènes, de Sparte, de l’le d’Egine, d’Epidaure et de Megalopolis. Selon Pausanias, celui d’Esculape à Epidaure, et qui avoit été bâti par Polyclète, surpassoit, pour la beauté de sa disposition et les proportions de ses parties, tous les autres théâtres de la Grèce.

Toutefois, en parlant de cet édifice, le même auteur observe, que les théâtres des Romains surpassoient ceux des Grecs, en grandeur et en magnificence. Il nous paroît qu’il dut en être ainsi, et la chose s’explique de soi-même. D’abord, en fait d’édifices destinés à contenir, comme devoit le faire le théâtre, les citoyens d’une ville, il est évident que leur étendue fut nécessairement proportionnée à chaque population. Or, quelle disproportion ne dut-il pas y avoir, entre les villes même principales de chacun des petits Etats de la Grèce, sous le rapport de la population, et la ville de Rome, avant même qu’elle fût devenue la reine du Monde ? Mais si Pausanias a entendu comparer le plus grand nombre des théâtres des Grecs, avec ceux de la ville proprement dite de Rome, on a pu se convaincre déjà par la situation, et le choix habituel des emplacemens du plus grand nombre de ces édifices en Grèce, qu’ils exigèrent une bien moins grande dépense que ceux de Rome. Ceux-ci élevés sur des terrains planes, comme nous le voyons encore aujourd’hui, par les restes du théâtre du Marcellus, nécessitèrent d’immenses constructions de portiques les


uns sur les antres, à l’extérieur, et dans l’intérieur des combinaisons très-multipliées pour les issues, les dégagement et les corridors destinés à la circulation d’une immense multitude. On sait, en effet, que le théâtre de Marcellus devoit contenir trente mille spectateurs.

Vitruve a employé six chapitres de son cinquième livre, a parcourir les notions théorique, et pratiques de l’art de construis tes théâtres. Dans le premier de ces chapitres, il traite des soins à prendre pour situer convenablement l’édifice sur un lieu sain, et qui ne soit pas exposé au midi, ainsi que de l’élévation qu’on doit lui donner, en raison de la portée de la voix et des effets acoustiques. Le chapitre suivant est rempli uniquement par une théorie sur la musique ancienne, et les différens genres de chant, théorie qui, assez étrangère déjà à l’art de bâtir, ne sauroit être aujourd’hui d’aucun intérêt pour l’architecte. La notion relative aux vases de bronze placés entre les sièges du théâtre, occupe le troisième chapitre, qui se termine par un passage important dans l’histoire du théâtre de Rome. Vitruve nous y apprend que l’emploi de ces vases n’avoit lieu, chez les Grecs, qu’à l’égard des théâtres en pierre ou en marbre, qui étoient peu favorables à la répercussion des sons ; qu’à Rome, au contraire, où les théâtre étoient généralement en bois, cette pratique étoit inutile. Dans le chapitre qui a rapport à la disposition du plan des théâtres, l’auteur indique les procédés géométriques, d’après lesquels devoit être tracé le plan du cercle drit par le degré inférieur. Il falloit y faire quatre triangles équilatéraux. C’étoit sur les différons angles résultant de la combinaison des quatre triangles inscrits les uns dans les autres, que devoient se régler la place des escaliers et les diverses parties de la scène. Dans les deux derniers chapitres, Vitruve traite des rapports que doit avoir la hauteur du portique qui s’élève au-dessus des degrés, avec la hauteur de la scène, de la disposition de la scène, des machines à décoration, des trois sortes de décorations analogues aux trois caractères des pièces tragiques, comiques, satyriques, enfin de la différence entre le théâtre romain et le théâtre grec, pour ce qui regarde les procédés géométriques, d’après lesquels devoit être tracé l’intérieur de leur plan.

J’ai donné l’idée succincte de ces détails, beaucoup moins, comme on voit, pour les faire connoître, que pour faire sentir combien seroit inutile à cet égard, un plus grand développement de notions, qui seroient aujourd’hui sans aucune application. J’ajoute qu’en général elles exigeroient, pour être comprises, et de nombreux commentaires, et le secours d’un grand nombre de dessins.

L’histoire chronologique des théâtres romains repose sur des renseignemens plus positifs, que ceux auxquels on auroit voulu soumettre les époques époques des entreprises de ce genre chez les Grecs. Si nous en croyons les documens de l’historie, Rome auroit, dans les premiers siècles, emprunté une grande partie de sus usages et de ses pratiques aux Etrusques ; et comme il est indubitable que les plus anciennes communications eurent lieu en tout genre entre la Grèce et l’Eliurie, ce que Rome emprunta à celle-ci, avant de correspondre directement avec les Grecs, ne put point ne pas avoir des rapports au moins indirects avec leurs arts. Dans l’Etrurie il y avoit trois espèces de jeux scéniques, ou de pièces appelées tragiques, comiques et satyriquesou champêtres. Les jeux Atellans étoient de ce dernier genre. On les nommoit ainsi de la capitale des Osques, Atella, où ils avoient pris naissance. On trouve en Etruire quelques restes de théâtresantiques, mais on ne peut pas savoir leur date, et il est à présumer qu’ils sont de construction romaine.

Quand un voit qu’a Rome, au siècle de Vitruve, les théâtres se construisoient en bois, il dévient très-probable que les Romains imitèrent en cla leurs voisins les Etrusques, chez lesquels l’usage de bâtir en bois nous est attesté par la construction de leurs temples, construction que Vitruve nous apprend s’être perpétuée à Rome jusqu’à son temps, dans ce qu’il appelle le temple toscan. Les premiers théâtresqui y furent élevés, n’étoient guère que des constructions plus ou moins temporaires, en bois de charpente, qu’on assembloit pour le temps des jeux, et que l’on démontoit après qu’ils étoient terminés. Ce fut l’an 599 de Rome, que les censeurs Val. Messala et Cassius Longinius imaginèrent de construire un théâtre permanent ; mais le consul Scipion Nasica le fit détruire, par respect pour les bonnes mœurs.

Cependant le luxe et la magnificence ne se signalèrent qu’avec plus d’éclat, dans la construction des théâtres en bois, dont la durée éphémère étoit subordonnée à celle des fêtes. Scaurus, gendre de scylla (voyez SCÈNE), prodigua des sommes immenses au théâtre temporaire qu’il fit bâtir. Curion ne pouvant enchérir sur la somptuosité de Scaurus, voulut se signaler par une nouveauté aussi hardie qu’ingénieuse. Il fit faire deux théâtres de charpente tourans chacun sur un pivot, et adossés l’un à l’autre, de manière qu’après avoir servi aux représentations scéniques, ils tournèrent sur ce pivot avec tous les spectateurs qu’ils renfermoient, et se réunirent pour former un véritable amphithéâtre, où l’on donna des combats de gladiateurs.

Enfin, le luxe et le goût des spectacles croissant de plus en plus, on en vint à construire en pierre des théâtres qu’on enrichit des marbres les plus précieux. A son retour de la guerre coutre Mithridate, Pompée fut le premier à en élever un de cette sorte, et il le dédia sous son nom, l’an de Rome 699. Il imita, dit Plutarque, celui de Mitylène, mais il le fit plus grand, et capable de contenir


40, 000 spectateurs. Il nn reste plus à présent que quelques foibles vesties dans les écuries d’un palais à Campo di Fiche.

L’an 741 de Rome Cornelius Balbus consacra sous son nom le théâtre qu’il avoit fait construire en pierre, et de la même année data la dédicace de celui de Marcellus.

Il dut son commencement à Jules-César, qui en avoit jeté les fondmens l’an 706 de Rome. Mais la mort vint arrêtir ses projets et suspendre pendant quelque terps l’exécution de ce monument. Auguste le connua sur le même emplacement, et le dédia sonle nom de Marcellus, fils d’Octavie, en l’honne de laquelle il bâtit par la suite le portique vois de ce théâtre. Il est le seul dont on voie encore aujourd’hui des restes assez considérables, pour donner l’idée de goût de son architecture, c’est-à-dire de celle de ses portiques extérieurs. Lerang inférieur étoit d’ordre dorique ; le supérior est de l’ordre ionique. Les diverses parties que le temps en a respectées, ne sont ni également conservées, ni de la même élévation. Ce qui subsiste des portiques ou de la galerie dorique du rez-de-chaussée, se trouve enterré de plus de moitié, et la cymaise supérieure, de son entablement est ruinée presqu’en entier. L’ordre ionique est mieux conservé. Son entablement est intègre, à la réserve de la cymaise et du larmier de la corniche, qui ne se trouve nulle part. Il ne reste absolument aucun vestige du troisième ordre de portiques, qui sans doute fut corinthien. Des palais et des maisons particulières ont été bâtis des ruines de ce grand édifice, et s’élèvent encore sur ses débris. Cependant les fragmens de son architecture sont au nombre des ouvrages classiques, qui ont servi de modèles aux architectes modernes, et ils sont toujours précieux comme ouvrages du siècle d’Auguste, et faisant connoitre l’état de l’art à cette époque. Or, si l’on en juge par des édifices du même genre, c’est-à-dire formes aussi, comme le furent les amphithéâtres, de portiques en piédroits et arcades, ornées de colonnes, et tel est le Colisée bâti sous Titus, on est obligé de convenir qu’aucun de ces monumens n’égala le théâtre de Marcellus, pour la beauté des proportions, pour la pureté des profils et la précision de l’exécution.

L’Italie supérieure nous offre, hors de Rome, fort peu de restes de théâtres assez conservés, pour qu’on puisse se faire une idée de leur architecture. Il paroîtroit que les jeux ou les combats de l’amphithéâtre auroient eu une prédilection, qui auroit nui dans ce pays aux plaisirs de la scène. Il faut en sortir pour pouvoir citer quelques théâtres assez bien conservés. Les deux principaux dont nous avons fait une mention particulière, aux articles sous le nom des villes où ils existent, sont ceux de Sagunte en Espagne et d’Orange dans les Gaules. (Voyez SAGUNTE, ORANGE.) L’un et l’autre, comme on peut le voir à ces articles, fut construit à la manière que nous avons vu avoir été celle des théâtres grecs, c’est-à-dire qu’on en pratiqua la artie circulaire et les gradins dans la cavité de montagne, où on les adossa. Il faudroit réunr ces deux restes d’antiquité pour en former un tout, la partie la mieux conservée du théâtre de Sagunte étant le théâtre, proprement dit, ou les gradins, et la scène de celui d’Orange présentant encore tous les témoignages propres à en aire retrouver l’entière disposition.

Ce seroit sans doute un fort beau sujet de recherches pour l’art, et pour l’antiquité, qu’un cueil qui embrasseroit la notice exacte de tout e qui reste de vestiges des théâtres antiques en Grèce, ou dans les pays soumis à la domination romaine, et les dessins de tous ceux de ces monumens dont les ouvrages des voyageurs contiennent déjà les plans, les vues et les descriptions.

De pareilles recherches, objet d’un long temps et d’un travail très-étendu, auroient été sans aucune proportion avec la mesure d’un article de dictionnaire. Nous bornerons donc celui-ci à cet aperçu général et abrégé, autant qu’il a été possible, des nombreuses notions qu’embrasse le sujet, renvoyant d’ailleurs à tous les articles de détail, où les diverses parties du théâtre antique trouvent leur explication. Nous allons passer de suite, et dans le même système, à l’exposé succinct des notions relatives au théâtre moderne.

DU THÉATRE CHEZ LES MODERNES.

Le goût du théâtre et l’habitude des plaisirs et des jeux de la scène, s’étoient tellement enracinés chez tous les peuples de l’antiquité, que long-temps encore après l’établissement du. christianisme, rien ne sembloit en avoir diminué le besoin et la passion. Le paganisme étoit tombé ou tomboit de toute part eu ruine, un grand nombre de temples étoient ou déserts ou ruinés, et les théâtres étoient toujours debout en continuant de rassembler la multitude. Leur destruction fut la dernière des victoires obtenues par la religion chrétienne. Les Pères de l’Eglise dûrent lutter long-temps contre le penchant, qui entraînoit encore les premiers chrétiens mal affermis dans leurs croyances, à partager des plaisirs qui étoient des fêtes publiques, et dont ils ne sentoient point les dangereuses conséquences. Mais les chefs de l’Eglise naissante y voyoient d’abord le danger d’une fréquentation avec les payens, qui étoit un objet de scandale et de chute, et puis ils ne pouvoient se dissimuler que le plus grand nombre des pièces de théâtre, remplies des souvenirs et des images des fausses divinités, n’étoient propres qu’a en perpétuer l’existence dans l’esprit des peuples. Aussi continuèrent-ils leurs attaques contre la fréquentation du théâtre, jusqu’à ce que le christianisme les eût entièrement détruits.


Il seroit difficile de fixer avec précision l’époque de l’entier abandon des spectacles payens ; mais on ne sauroit douter que cet abandon n’ait été la cause la plus active de l’état de ruine, dans lequel nous sont parvenus des monumens, qui, déchus de leur emploi, et ne pouvant plus être appliqués à aucune destination utile, dûrent devenir des espèces de carrières, dont on exploita à l’envi les matériaux.

Il ne sauroit appartenir au sujet, le seul que comporte cet article, de rechercher ce que purent être, dans le moyen âge, les inventions scéniques, quel aliment nouveau en réveilla le goût, quelle sphère nouvelle de sujets s’ouvrit aux affections publiques, ni quels lieux devinrent les théâtres des compositions, que l’esprit de ces temps offroit à une pieuse curiosité.

Nous nous hâtons d’arriver à cette époque du renouvellement de tous les beaux arts en Italie, où l’on vil renaître alors, sans aucun danger pour la religion chrétienne, et remettre en honneur tous les restes et toutes les traditions de l’antiquité profane. Le goût dramatique se réveilla, et comme dans les autres parties de la littérature, il se calqua d’abord, si l’on peut dire, plutôt qu’il ne se régla, sur les modèles de la scène grecque et latine. Dans un temps où les langues modernes n’avoient pas encore osé rivaliser avec les idiomes d’Athènes et de Rome, très-naturellement on ne dut aussi concevoir d’autres formes, pour les représentations dramatiques, que celles dont les restes des théâtres romains avoient conservé l’image. Aussi vit-on les premiers drames italiens, joués sur de vastes espaces. Tel avoit été, dans une des extrémités de la grande cour du Vatican, un grand amphithéâtre en pierres, construit par Bramante, pour la représentation des pièces italiennes, où le goût moderne préludoit au succès d’un genre de plaisir, qui devoit bientôt se répandre chez toutes les nations.

Tant que ce plaisir fut concentré dans le petit nombre des gens instruits, ou de quelques sociétés choisies, qui se plaisoient à en faire les frais, on vit renaître en Italie quelques répétitions fort exactes duthéâtre antique considéré dans sa construction, sa forme et sa disposition intérieure. Le plus notable exemple de cette imitation, et qui s’est conservé en entier jusqu’à nos jours, est celui du théâtre olympique de Vicence, bâti par Palladio, dont nous avons rendu compte fort au long à la vie de cet architecte (voyez PALLADIO) : on peut y voir avec quel scrupule il se conforma, dans ce bel ouvrage, à toutes les pratiques de l’antiquité. Long-temps il servi aux exercices dramatiques de la société olympique qui en avoit fait la dépense. Mais il n’est plus guère aujourd’hui, pour cette ville, qu’un monument précieux du talent de son célèbre citoyen, et un souvenir du goût régnant dans un siècle, où tout ce qui rappeloit l’antique, étoit objet d’étude et d’émulation.

On peut dire à peu près la même chose du célèbre théâtre de Parme, construit environ l’an 1618, pour le duc Ranuccio Ier, par Jean-Baptiste Aleotti, savant architecte et ingénieur militaire. Sa construction en bois, comprise dans l’enceinte du palais ducal, offre encore par son plan, son élévation et sa vaste étendue, une image très-approximative du théâtre antique. Aleotti s’y conforma jusque pour la disposition de sa scène, qui rappelle dans sa façade, et dans chacun de ses retours, l’idée de la décoration architecturale des anciens, et jusqu’aux portes par lesquelles entroient ou sortoient les acteurs. Le théâtre se compose d’une suite de gradins en demi-cercle, à la manière antique, et au-dessus s’élèvent deux rangs de portiques, en arcades soutenues par des colonnes ; leurs piédroits sont ornés d’un ordre dorique, dans l’étage inférieur. La même disposition règne pour l’étage supérieur, dont l’ordre est ionique. Cas deux étages offrent de grandes et spacieuses loges, et au-dessus s’élève une balustrade ornée de statues, qui forme l’appui d’une galerie circulant tout à l’entour. Ce beau théâtre, devenu inutile, n’est conservé, et entretenu aujourd’hui, que comme un monument précieux du goût d’alors. Ce n’eu plus qu’une curiosité qu’on montre aux étrangers et aux amateurs de l’art.

En effet, dès que le goût des amusemens scéniques se fut répandu, les princes, qui seuls étoient en état d’en payer les dépenses, en firent pour eux un objet de luxe, qu’ils renfermèrent dans leurs palais ; et le théâtre au lieu d’être un monument public, ouvert à la multitude, devint une salle de spectacle nom qu’il a encore gardé depuis en français. Il ne fut plus question alors de cette dispendieuse construction, tant au dehors qu’au dedans, ni de ces vastes dimensions proportionnées á la population, pour laquelle les jeux de la scène étoient devenus un passe-temps habituel.

Bientôt la composition des pièces de théâtre devint une partie importante de la littérature de toutes les nations de l’Europe. C’est à l’histoire littéraire de ces nations, qu’il faut demander les renseignemens propres à faire connoître les variations, et les progrès du goût en ce genre. Quant á nous, nous ne pouvons que constater les causes qui influèrent sur les changemens, que devoit éprouver la construction des théâtres, et lui imprimer, chez les Modernes, des caractères si différens de ceux des édifices antiques.

Le goût du spectacle et de l’art scénique une fois propagé partout, et ayant pris place parmi les divertisse mens des classes élevées et instruites de la société, il se forma des entreprises particulières d’hommes, d’acteurs ri même de poëtes, qui, spéculant sur le besoin de distraction et de plaisir,


chez les habitans des grandes viles, firent des représentations dramatiques une de commerce, qui devint bientôt assez lucratif pour éveiller la concurrence. Rien ni de grand, ni de dispendieux, ni de magnifique, ne devoit résulter en fait de construction de théâtre, des spéculations intéressées, auxquelles les entrepreneurs de spectacle étoient forcés de soumettre leurs projets. Souvent ce n’étroit que des locaux vides, et ans emploi, qu’on mettoit à peu de frais en état le figurer pour un temps borné. Les troupes de médians, assez volontiers ambulantes, n’avoient besoin que d’emplacement provisoires et de salle temporaires. Lorsque ces troupes en vinrent á se fixer, elles s’établirent alors dans des demeures plus solides. Elles construisirent des salles plus spacieuse, plus commodes, mieux décorées, et avec des divisions de places, où les différences de rang el de fortune firent établir des prix proportionnés.

Telle fut pendant long-temps, et dans toute l’Europe, la destinée de l’art dramatique, et tel fut Je genre des lieux où il obtint ses plus grands succès : car il est a remarquer, que les chefsd’œuvre de cet art, au fond très-indépendant du luxe extérieur des ornemens de l’architecture, furent représentés dans des salles el des bâtiment, dont rien au dehors n’annonçait même l’existence, et que rien au dedans ne recommandait sous le rapport du goût et de la disposition. On peut affirmer qu’il en alla ainsi partout, jusque vers le milieu du dix-huitième siècle, lorsque le retour au style et aux pratiques de l’antiquité eut ramené l’attention publique, sur le singulier contraste qui régnoit entre les ouvrages qui honoraient avec le plus d’éclat le génie de chaque nation, el l’indifférence qui sembloit traiter cette sorte d’institution, comme peu digne d’attirer au dehors les regards du public.

On vit bientôt former des projets de théâtres en rapport, par leur importance extérieure et leur capacité intérieure, avec les monumens publics.

Cependant il ne pouvoit pas être donné aux Modernes de rivaliser en ce genre avec les peuples de l’antiquité. Les mœurs d’une part, de l’autre les habitudes théâtrales, le genre d’imitation scénique, et la manière de la déclamation, ne permirent pas de revenir aux formes et aux dispositions qu’avoient commandées et perpétuées, chez les Anciens, un tout autre ordre de besoins, d’idées, d’opinions et d’usages.

On voit d’abord que la gratuité des places pour les spectateurs, ne pouvant exister, qu’autant que les gouvernemens font les frais de ces monumens, et de leurs jeux, le théâtre moderne ne fut plus ouvert à la multitude, mais bien à ceux qui sérient en état d’en payer le plaisir. Dès-lors il ne fut plus possible d’établir cette uniformité des places, donnée par l’uniformité des gradins d’un vaste amphithéâtre. Il fallut faire des rangs divers et séparés, pour toutes les différences d’états et de fortunes. Tout dut être calculé sur le produit des recettes. Une multitude d’autres raisons, tirées de l’état des sociétés modernes, produisit des combinaisons, tout-à-fait étrangères à celles du théâtre antique. Aux gradins de celui-ci, on substitua des rangs de loges en hauteur verticale les unes au-dessus des autres, et qui, ordinairement construites en bois et attachées contre les murs, offrent à l’œil, lorsqu’il n’y a aucune séparation, le vice d’une porte-à-faux déplaisant, ou, si chaque loge est soutenue par un montant, l’espèce de ridicule d’un mur percé de nombreuses fenêtres.

Au nombre des causes qui se sont opposées au renouvellement du système des théâtres antiques, il faut encore mettre les convenances de l’art dramatique moderne, qui, ayant raffiné sur le genre d’imitation et le degré d’illusion dont les Anciens se contentoient, place l’action et les acteurs beaucoup plus sous les yeux du spectateur. On a fini par exiger de L’acteur récitant, une multitude de nuances dans l’expression et la déclamation, qui excluent les grandes distances établies autrefois entre le lieu de la scène, et le plus grand nombre des places occupées par les auditeurs. Ajoutons qu’une lumière artificielle éclaire le théâtre moderne, ce qu’exige avant toute autre raison, l’heure qui est ordinairement celle du soir et de la nuit, où se donnent les spectacles. N’oublions pas la différence du lieu de la scène, qui est tout en profondeur, et le système de décoration dont l’illusion tient à la facilité d’augmenter, de ménager ou de supprimer, à volonté, l’effet de la clarté ou de l’obscurité.

Les théâtres n’étant plus que des entreprises dépendantes d’intérêts particuliers, les grandes villes en virent le nombre augmenter selon leur population, et cette multiplication-là même fut cause, qu’il ne fut plus possible de leur donner les vastes dimensions qu’ils enrent, lorsqu’un seul pourvoit réunir jusqu’à quarante mille spectateurs.

Cependant ces derniers temps ont vu construire dans plus d’une ville, des théâtres, où l’architecture a pu encore faire pompe de quelques-unes de ses ressources. L’Italie en compte sort peu, qui s’annoncent au dehors par une apparence de forme et de richesse proportionnée au luxe de leur intérieur, et n’est presque toujours en bois, que cet intérieur est construit. On doit toutefois excepter lethéâtre de Bologne, ouvrage d’Antoine Galli Bibiena, qui offre cinq rangs de loges construits en pierre, ci qui fut terminé en 1763. Avant lui, François Galli Bibiena en avoit construit un à Véronne, sous la direction du célèbre Scipion Massei. Il y fit un portique en avant, y pratiqua de fort belles salles dans les angles, et par plus d’une disposition intérieure, tendit à se rapprocher, le plus qu’il fut possible, de certains erremens du théâtre antique.


Généralement, en Italie, il s’est conservé, dans la plupart des grands théâtres, un certain goût de grandeur et d’unité de forme, à l’intérieur, pour ce qu’on appelle la salle et la distribution des loges, qui rappellent quelques souvenirs de l’antiquité. Ainsi l’on cite le grand théâtre royal de Naples, ceux de Milan et de Turin. Toutefois la dépense s’est portée à la décoration intérieure de leurs salles, ouvrages de menuiserie plus que d’architecture, où l’on a prodigué la dorure et les ornemens ; mais rien n’annonce à l’extérieur ni la forme du local, ni même le caractère du monument. L’Angleterre n’offre, en fait de théâtre, rien qui mérite d’être cité comme ouvrage d’art, de goût ou de magnificence.

La France, pendant long-temps la plus mal partagée en ce genre, sous tous les rapports d’architecture, a surpassé, vers la fin du dernier siècle, toutes les entreprises précédentes, dans le théâtre de la ville de Bordeaux, grand édifice qu’on peut appeler véritablement du nom de monument public. Sa masse est un vaste corps de bâtiment, qui a près de trois cents pieds en longueur, sur la moitié de cette mesure pour sa largeur. L’édifice est environné d’un rang de portiques formés par des arcades, dont les piédroits sont ornés d’un ordre de pilastres corinthiens, qui règnent dans toute la hauteur, et du rez-de-chaussée, et de l’étage supérieur. Au-dessus de l’entablement s’élèvent un attique assez exhaussé, et quelques degrés en retraite, pour dérober en partie la vue du grand comble exigé par les besoins du théâtre et du jeu des décorations. Tout, dans ce monument, a été mille en grand. Soit qu’on l’examine dans la belle entente et la régularité de son plan, soit qui l’on considère la largeur et la facilité des dégagemens, et tous les accessoires que réunit un pareil ensemble, on peut le proposer pour modèle de ce qui convient aux usages modernes. On y trouve une très-belle salle de concert, un beau soyer, de grands escaliers, et la richesse de la décoration intérieure n’est pas restée au-dessous de ce que demande un lieu de fêtes-et de plaisirs.

Le théâtre de Bordeaux, bâti par M. Louis vers la fin du dernier siècle, auroit pu exciter dans la capitale de la France l’ambition de l’égaler ou de le surpasser, à l’époque surtout, où sembla se réveiller dans celle ville, le besoin d’honorer par des édifices plus dignes de son importance, un art sur lequel se fonde, en grande partie, la gloire littéraire de la nation. Cependant les circonstances et des causes indépendantes du goût et du talent des artistes, ne permirent pas de porter sur un grand nombre de théâtres, que Paris possède, la dépense, que souvent une moindre ville peut appliquer à un monument unique. Le projet du théâtre français, demandé à MM. Peyre l’aîné et de Wailly, fut jugé trop dispendieux. Il fallut en rapetisser toutes les données dans le monument qu’on exécuta, monument qui, depuis, a subi des changemens de plus d’un genre Après deux incendies qui ont consumé son intérieur, sa salle a été rétablie avec assez de luxe et de dépense, et on le désigne aujourd’hui sous le nom d’Odéon. La partie extérieure de ce théâtre, bâti en pierre, qui a survécu aux deux incendies dont on a parlé, n’a éprouvé aucun changement. C’est encore, sous le point de vue de l’architecture et des convenances modernes, le seul théâtre de Paris, que l’on puisse citer comme méritant le titre de monument. Ses abords, la régularité de la place où il est situé, et des rues qui y correspondent, son isolement surtout, ce qui est rare dans une ville aussi serrée que Paris, en recommandent l’aspect, et sous les rapports de commodité du service, ainsi que de facilité de la circulation, aucun autre n’en approche. Entouré de trois côtés par des galeries couvertes ou promenoirs publics, il offre des abris contre les intempéries des saisons, et les embarras que produit l’affluence du monde et des voitures. Son frontispice est décoré d’un portique de huit colonnes doriques, au-dessus desquelles règne une terrasse. De chaque côté a été pratiquée une arcade, qui lie le bâtiment aux maisons voisines, et dont l’objet est de donner une place couverte, à ceux qui descendent de voitures ou qui y remontent. On trouve encore à louer dans ce plan, le vestibule, les grands escaliers qui y aboutissent, et le foyer.

Il est assez surprenant que l’idée ne soit encore venue à aucun architecte, dans la const notion dispendieuse de quelques-uns de ces édisices modernes, de chercher à concilier la sorme extérieure duthéâtre antique, avec les convenances du theâtre moderne. Je veux dire la forme circulaire qui est le véritable type élémentaire du théâtre, en tant que lieu de rassemblement d’hommes pour assister à un spectacle. Cette considération touche particulièrement à une qualité trèsprécieuse en architecture, celle qu’on appelle le caractère Rien de plus désirable en général, pour tous les genres d’édifices, que d’avoir un type constant, qui donnant à chacun d’eux une physionomie distincte, les fasse reconnoître au dehors pour ce qu’ils sont, apprenne au spectateur leur destination, et établisse ainsi entr’eux comme dans les œuvres de la nature, ce charme de variété dont l’œil et le goût éprouvent le besoin. Tel fut, comme on l’a dit ailleurs (voyez CARACTÈRE), l’esprit de l’architecture antique, et tel fut l’avantage de ses principaux monumens, qu’aucun ne peut être confondu avec un autre. L’emploi nécessaire de chacun, ayant dicté la ferme qui lui étoit le plus convenable, l’art s’en empara, la rendit sixe, et lui imprima comme une sorte de signe caractéristique, qui de plus en plus consacré par l’usage, finit par devenir immuable. Dans l’état actuel de nos sociétés, de nos mœurs et de nos arts, il seroit fort difficile de rétablir


cette espèce de langage architectural. Tant de causes ont produit le besoin de diversité, et tant d’autres s’opposeroient à cette simplicité d’idées et d’usages, d’où peut naître le système caractéristique dont un parle, qu’il seroit impossible d’y ramener l’architecture, dans le grand nombre des édifices publies. Aussi voit-on les architectes appliquer à presque tous, les mêmes frontispices, les mêmes ordonnances, les mêmes masses, les mêmes motifs d’ornement et de décoration extérieure ; en sorte qu’il seroit facile de faire servir, sans grande inconvenance, la masse extérieure de beaucoup de monumens, à des destinations extrêmement diverses, C’est surtout à la forme générale qu’il appartient de rendre sensible le caractère dont on parle, et il nous paroît que cette indication extérieure de la destination du théâtre chez les Anciens, s’appliqueroit facilement au théâtre moderne. La partie du monument qui jadis se terminoit en ligne droite, et recevoit, comme on l’a vu, un promenoir en colonnes, seroit encore aujourd’hui la place d’un beau frontispice, et les galeries en portiques couverts de la partie environnante, non-seulement pourrnoient, mais devroient être l’accompagnement obligé de tous les lieux qui, comme les théâtres, rassemblent un grand nombre de personnes.

Ces observations critiques s’adressent, comme l’on voit, moins aux artistes, qu’à l’esprit actuel des arts, et à l’habitude d’employer l’architecture, ses formes et ses ordonnances, comme un luxe d’ornemens arbitraires, et qui peuvent également convenir à tout, Or, dès que l’architecture de chaque édifice ne reposé plus sur les élémens nécessaires d’un besoin quelconque, il est fort naturel que l’architecte use souvent de ses ressources, plutôt à son gré, au prosit de l’honneur qui peut lui en revenir, qu’en vue d’aucune autre raison. Or, on ne nie pas, qu’abstraction faite de cette théorie du caractère propre de chaque édifice, et de celui qui appartiendroit aux théâtres, on n’ait pu produire des ouvrages d’un sort grand mérite, d’une invention très-remarquable, d’une composition sort riche. En tête de ces ouvrages, il faut citer avec beaucoup d’éloges le grand théâtre de Berlin, exécuté dernièrement en pierre à l’extérieur, avec grandeur et magnificence, par M. Schinckel.

Cet édifice l’emporte incontestablement sous le rapport de l’architecture, de la conception de l’ensemble. et de la belle exécution, sur tout ce que l’on peut voir ailleurs. Un très-grand et trèsbean péristyle, composé de huit colonnes d’ordre ionique, orne la saçade antérieure du monument, et s’élève avec beaucoup de majesté au-dessus d’une montée de trente degrés. Les proportions de cette ordonnance, le style du chapiteau, la forme du sronton et les sculptures de son tympan, tout y rappelle ce que l’architecture grecque des meilleurs temps a produit de plus pur et de plus élégant. Ce péristyle se détache comme avant-corps sur la masse de l’édifice, dont l’élévation variée, ainsi que son plan, se compose d’un corps principal avec deux ailes en retraite. Au milieu de cette masse s’en s’élève une autre, qui osfre une toiture séparée, et aussi sur le devant un sronton. On comprend que l’architecte a fait ainsi ce second étage de construction, pour donner au service intérieur des décorations, la hauteur que nécessite le jeu des machines, sans avoir recours, comme on le voit au théâtre de Paris (appelé aujourd’hui l’Odéon), à une procérité de comble et de toiture désagréable, et qui rapetisse l’effet de l’architecture, sans ajouter à sa dimension.

Sans doute le plan et l’ensemble de ce très-bel édifice que nous ne saurions faire apprécier, comme il le mériteroit, par une description aussi abrégée, ne présentent en aucune façon l’idée ni la sorme duthéâtre antique. Toutefois, malgré le vœu que nous avons exprimé, de voir les architectes se rapprocher, le plus qu’il sera possible, de la forme extérieure et du type que la nature avoit indiqués aux Grecs, nous devons reconnoître, qu’outre les changemens, que de nouveaux usages ont introduits, il peut encore être, dans plus d’un cas, impossible de réaliser cette imitation de l’antiquité. Un de ces cas est celui, où le théâtre unique et principal d’une grande ville, doit réunir dans son enceinte plusieurs destinations, qui chacune comporteroient un local spécial et particulier. Il arrive quelquefois que cet édifice est tenu de rensermer, outre la salle de spectacle, une salle de bal, une salle de concert, des locaux destinés à divers plaisirs ou divertissemens. Or, c’est vraiment là ce que le théâtre de Berlin a été obligé de comprendre dans son plan. La chose ainsi expliquée, peul-être doit-on savoir gré, au contraire, à l’architecte d’avoir formé de toutces ces parties obligées, un ensemble varié si l’on veut, mais ramené avec beaucoup d’habileté, à l’unité d’un plan fort régulier.

Or, on ne sauroit s’empêcher d’y louer beaucoup d’intelligence de distribution, et plus d’une sorte de ressource ingénieuse. Telle est, pour en citer une, celle de la manière dont l’architecte a imaginé de faire arriver les voilures à couvert, sans embarras, et sans aucune incommodité pour les gens de pied. On a parlé de cette montée composée de trente degrés, servant de stylobate au péristyle et correspondant au très-beau soubassement qui règne tout à l’entour de l’édifice. C’est précisément sous ce stylobate antérieur, qu’ont été ménagées deux issues, l’une pour l’entrée, l’autre pour la sortie des voitures ; les personnes qui y sont ainsi introduites sous un portique couvert, ont un accès particulier vers la salle, et toutes les parties intérieurs du monument.

Ce qu’on doit dire encore à l’avantage de son


architecture c’est que tous les détails en sont traités grandement, et d’un style qui ne permet aucune confusion avec les habitations et les palais. Les fenêtres nombreuses dont l’édifice est percé, ont une sorme monumentale, et leurs trumeaux consistent en petites colonnes quadrangulaires, avec un chapiteau dorique.

Ayant résolu de ne traiter l’article : THÉATRE, que sous le rapport tout-à-sait spécial et exclusif de l’architecture, nous ne saurions nous engager dans aucun détail, sur tout ce que comporteroit l’analyse de la salle de spectacle, renfermée dans le monument de Berlin. Nous nous sommes aussi dispensés de toute description semblable, à l’égard des autres théâtres. D’abord, le lecteur comprendra, que rien n’engageroit à plus de notions minutieuses, souvent peu intelligibles, et presque toujours étrangères à l’art, vu le système de construction postiche des loges, vu l’extrême diversité des ornemens arbitraires qu’on y prodigue, vu le manque de solidité de la plupart des matériaux qu’on y emploie, Ajoutons encore, que presque tous les ouvrages de l’art moderne, en ce genre, ayant été de simples ouvrages de charpente et de menuiserie revêtus d’ornemens temporaires, aucun n’a pu durer assez long-temps pour servir de modèle à d’autres. De là est résulté, que rien de fixe ni de déterminé n’a pu s’établir, sur la base toujours mobile et inconsistante des convenances locales ; tellement qu’on n’indiqueroit pas deux salles de spectacle construites, et décorées selon système uniforme. Il n’y a d’uniforme en ce genre, que la diversité.

Nous aurions désiré pouvoir réduire ici, à quelques points regardés comme convenus, les théories qu’ont données, sur la construction des salles de spectacle, disférens auteurs. Mais il est visible, que chaque pays, chaque localité, chaque genre de spectacle, chaque mode dramatique, chaque habitude de société, chaque manière d’envisager les plaisirs de la scène, selon les mœurs, les opinions et les goûts de ceux qui y prennent pait, que bien d’autres causes encore, ont dû insluer très-diversement sur les méthodes des théoriciens. Il est sensible que ces causes, trop nombreuses pour être mises d’accord entr’elles, n’ont dû pro¬duire, de la part de ceux qui ont tenté d’en ramener l’ceffet à un système général, et à une loi commune, que des théories partielles et des règles locales.

Cependant, pour ne pas terminer cet article, sans toucher quelques-unes des notions qui peuvent être généralement appliquées à la meilleure construction de l’intérieur d’une salle de spectacle en bois, nous allons parcourir brièvement les points principaux de ce sujet, sous quelques-uns de ses rapports les plus importuns d’utilité, de convenance et de goût.

Sous le rapport d’utilité, les deux points les plus essentiels (en dégageant ce sujet de toutes les vues d’entrepreneur et d’intérêt particulier) sont ceux qui s’appliquent à la forme la plus favorable pour entendre, et à la forme la plus commode pour voir. Or, il nous paroît que ces deux objets ont entr’eux une très-grande connexion, La réunion de leur esset étant pour chaque individu spectateur, et ordinairement auditeur tout ensemble, le but désirable, c’est aussi à trouver la forme qui accorde le mieux, entr’eux, cette double action, que l’art doit tendre.

En traitant de celte question, nous ne parlerons point d’abord de la partis qu’on appelle le parterre, situé ordinairement de la manière la plus avantageuse, et plus indépendant de la sorme du plan et de celle de l’élévation. Nous entendons parler de l’autre partie, qui comprend les loges et qui forme la périphérie de la salle. Or, nous trouvons que trois formes ont été données aux intérieurs des salles : la sorme carrée, la forme ovale, la forme demi-circulaire.

La forme donnée par le plan quadrangulaire, outre qu’elle est moins belle, moins naturellement applicable à la destination du local, a l’inconvénient de mettre le plus grand nombre des spectateurs, c’est-à-dire ceux qui occupent les deux parties latérales des loges, dans une position fausse, qui les oblige de regarder de côté. L’acteur étant en général le point auquel tendent les regards, ceux qui seront placés tout près de l’avant-scène verront à peu près en droite ligne, mais à mesure que dans chaque côté de cette sorme, les loges s’éloigneront de ce point central de l’attention, on comprend, sans qu’il soit besoin d’une démonstration linéaire, que l’angle visuel deviendra de plus en plus aigu, et dès-lors occasionnera une position pénible pour la tête du spectateur. Ajoutons que cette forme n’a rien qui soit favorable à l’audition ou ù la propagation des sons.

La forme d’un ovale tronqué ofsre à peu près les mêmes inconvéniens dans ses parties latérales, que la forme carrée. Elle a de même celui de placer beaucoup de spectateurs éloignés du point de centre de la scène. Elle a de plus le désavantage, qu’à mesure que les loges s’approchent du lieu de la scène, les siéges de ces loges se trouveront placés de manière, que l’on tournera plus ou moins le dos à l’acteur et nu spectacle. La forme de fer à cheval tient, pour ces désavantages, le milieu entre le carré el l’ovale. Elle peut convenir là où le terrain sur lequel il faut construire, aura plus de longueur que de largeur, parce qu’elle donne le moyen de multiplier les loges.

Mais il paroît que lorsque le terrain et l’emplacement, permettent le choix de la forme à donner aux salles de spectacle, la mieux appropriée à leur destination, la plus simple, et dès-lors la plus belle, sera la forme du demi-cercle. C’est celle qui établit entre tous les points où les spectateurs sont placés, le plus d’égalité de distance,


celle où les spectateurs des loges plus voisines de la scène, gênent le moins ceux des loges qui viennent après, celle d’où chacun peut voir librement, non-seulement ce qui se passe sur l’avantscène, mais encore ce qui se passe au fond, celle où le son est reçu plus également, celle enfin dont l’uniformité prête à la décoration la plus régulière. On peut assimiler à cette sorme celle du demi-cercle elliptique, qui sans doute auroit l’avantage, en évasant beaucoup la circonférence, de rapprocher encore plus le spectateur et l’auditeur, du lieu précis de la scène et de l’acteur. Cependant, en considérant le besoin de lier convenablement dans leur élévation respective, l’avant-scène à la salle, on ne sauroit disconvenir, que le demi-cercle elliptique produit une largeur considérable, qui rend d’un ajustement fort difficile le plafond destiné à réunir ces deux parties. Le théâtre antique étant découvert, n’avoit point cette difficulté, et Palladio copiant, mais en petit, dans un plan elliptique, le théâtre des Anciens, put encore facilement le couvrir. Aujourd’hui le besoin de couverture et de plafond ossre à l’architecte le besoin de rétrécir, autant qu’il est possible, l’ouverture de la scène, ce qui peut engager, lorsque l’on emploie la forme demi-circulaire, pour la salle, à lui donner au-delà du demi-cercle, c’est-à-dire une partie quelconque de l’autre moitié du cercle. L’artiste peut encore trouver dans le génie de la décoration, plus d’un moyen de lier la disposition de la salle, avec celle de l’avant-scène, et de façon à sauver le mauvais effet d’une plate-bande par trop prolongée.

L’article des convenances, en fait de salles de spectacle, comprendroit, si on vouloit épuiser ce sujet, la matière d’un très-long ouvrage, mais seroit aussi l’objet des plus nombreuses critiques, tant il y a de nuances et de degrés, dans ce qu’on appelle convenance en ce genre, tant les goûts de chaque peuple, les usages souvent contraires et les modes presque toujours bizarres, ont introduit d’habitudes que rien ne peut ni corriger ni détruire.

S’il s’agit, par exemple, de cette région qu’on nomme le parterre, la convenance sembleroit prescrire de ranger ce qu’on appelle en amphithéâtre, c’est-à-dire par degrés de sièges en hauteur les uns sur les autres, cette portion des spectateurs que l’usage place à l’unisson, les uns derrière les autres, de manière à se cacher réciproquement la vue de la scène. Déjà, il est vrai, l’exemple en est donné à quelque théâtre ; mais comme, selon certains calculs d intérêt, cette disposition retrancheroit quelques loges dans la région inférieure de la salle, il est douteux que cette convenance devienne une règle générale.

On devroit, ce nous semble, regarder comme une convenance impérieuse, de ne point faire empiéter ce que nous appelons l’avant-scène, autrement dit le lieu où l’acteur récite, dans le local même de la salle, c’est-à-dire le lieu où se tiennent les spectateurs. Il est fort inconvenant surtout d’un assez grand nombre de places, de voir l’acteur en costume grec ou autre, confondu pour l’effet, avec les spectateurs, et si cela est autorisé par le besoin qu’ont d’entendre ceux qui occupent le fond du théâtre, il paroît qu’il ne s’agiroit, en construisant, la salle, que de rapprocher ce fond, d’autant de pieds, qu’on en donne à l’empiétement de l’avant-scène.

Pour la même raison, il seroit on ne peut pas plus convenable, de supprimer toutes les loges qui, dans le plus grand nombre des théâtres, occupent les parties latérales de l’avant-scène. Notre avantscène, dans le système de nos représentations dramatiques, doit être considérée uniquement, pour son effet, et dans l’intérêt de l’illusion scénique, comme le cadre d’un tableau. La scène, durant l’action, est une peinture, ou, si l’on veut, un tableau mouvant, que l’avant-scène doit circonscrire et isoler du spectateur, et par conséquent du reste de la salle.

Le goût entre aussi pour beaucoup dans ce qu’on appelle convenance, mais on peut en séparer les préceptes, pour tout ce qui tient à certains principes de vraisemblance dans la construction et aux détails de la décoration.

Le goût, par exemple, répugne à certaines inventions de l’avant-scène qui osfriront dans sa traverse, toutes les parties d’un entablement que rien ne supporte. Mais où ce grave inconvénient devroit révolter les yeux, si l’habitude ne les y avoit familiarisés, c’est dans cette construction en porte-à-faux de tous les rangs de loges les uns au-dessus des autres. On n’ignore pas quelles sont les sujétions imposées à l’architecte chargé de la disposition d’un intérieur de salle de spectacle. On sait qu’il ne sauroit se permettre de donner aux loges, des colonnes pour supports. D’une part, la proportion en seroit par trop raccourcie ; d’une autre part, les colonnes deviendroient, pour les spectateurs, une gêne et un désagrément. Cependant n’en est-ce pas un pour l’esprit et pour les yeux, que ces loges remplies d’individus suspendus en l’air ? et s’il suffit, pour se rassurer sur le danger, de savoir que ces galeries reposent sur des poutres scellées dans le mur, le goût, qui n’est pas tenu d’entrer dans ces combinaisons, n’en doit-il pas éprouver une impression pénible ? Il nous semble que l’architecte pourroit, en prenant quelque chose sur la hauteur totale de ses rangs de loges, faire paroître en dehors des espèces de mutules ornées si l’on veut, qui indiqueroient au moins une apparence de support, et qui, figureroient, dans les plafonds, des espèces de caissons.

Il y auroit bien d’autres remarques de goût et de raisonnement à saire, sur le système général de nos salles de spectacle. Mais tant que ces sortes d’entreprises seront subordonnées aux vues de quelques intérêts particuliers, et aux calculs du


produit des places, il ne faut point se flatter de voir jamais un ouvrage, qui réponde à la fois aux conditions de la forme et de la disposition nécessaires pour bien voir et bien entendre, aux convenances que l’intérêt de la représentation dramatique exigeroit, et aux règles que le goût devroit prescrire.

Aussi n’alongerons-nous pas davantage cet article, sans doute beaucoup trop court, si l’on considère l’innombrable quantité de détails minutieux, et de points de vue que les usages modernes ont multipliés, mais peut-être aussi beaucoup plus long, que ne le comporte un sujet, d’où l’art véritable de l’architecture se trouve en grande partie exclus.

On applique, par analogie, le mot théâtre à quelques autres emplois, mais auxquels il convient, puisque le verbe grec θεομαι dont il est formé, signifie voir, contempler, regarder. Or, tout ce qui est disposé pour être mis en vue, et fixer les regards de nombreux spectateurs, s’appelle fort naturellement théâtre. Ainsi l’on dit :

THÉATRE ANATOMIQUE. C’est, dans une école de médecine ou de chirurgie, une salle avec plusieurs rangs de sièges disposés en amphitéâtre circulaire, et une table de démonstration placée au bas, avec le siège du professeur, en sorte que de tous les points des bancs de cette sorte de théâtre, les élèves puissent distinguer les objets qui sont la matière des leçons. Ainsi est construite la salle de démonstration anatomique de l’Ecole de médecine à Paris : on la nomme aussi amphithéâtre.

THÉATRE D’EAU. On appelle ainsi, dans les grands jardins royaux surtout, une certaine disposition de plusieurs allées d’eau ornées de rocailles, de figures, etc. , dont on obtient divers changemens, dans une décoration perspective pour des fêtes ou des spectacles. Il y a dans les jardins de Versailles un semblable théâtre d’eau.

THÉATRE DE JARDIN. Espèce de terrasse élevée, avec un talus de gazon et un mur de revêtement, sur laquelle sont des allées d’arbres ou des palissades de charmille en perspective. Du côté opposé est un amphithéâtre formé de plusieurs degrés en pierre, bois ou gazon. L’espace plus bas entre le théâtre et les gradins, sert de parterre.

On met encore au nombre des théâtres de jardin, les théâtres de fleurs. Ils consistent en gradins élevés les uns au-dessus des autres, saits ordinairement de menuiserie, sur lesquels on place, en les entremêlant, des vases ou des caisses de fleurs, que l’on remplace ou qu’on renouvelle selon les saisons.

THÉATRAL, adj. m. Signifie, dans le langage ordinaire, ce qui appartient au théâtre, ce qui est du ressort du théâtre. Mais dans le langage de t’art et des monumens, théâtral signifie ce qui rappelle l’idée de théâtre, c’est-à-dire l’aspect d’objets, qui figurent et se développent les uns au-dessus des autres, comme le font les rangées de degrés du théâtre antique.

L’emploi abusif, en français, quant à l’étymologie, du mot amphithéâtre, qui veut dire double théâtre, pour exprimer la montée de gradins d’un seul théâtre, est cause que l’on use volontiers du mot amphithéâtre, dans les comparaisons que l’on en fait avec certaines sites, certaines dispositions de villes, certaines compositions d’édifices, dont les parties, les détails ou les masses se présentent au spectateur, comme les degrés d’une montée. Ainsi on dit qu’une ville est bâtie en amphithéâtre, qu’un jardin a un aspect d’amphithéâtre. Ces locutions ne signisient rien autre chose, que ce qu’exprime l’idée de théâtral.

Les Italiens, chez lesquels la connoissance plus particulière du theâtre et de l’amphithéâtre, c’est-à-dire la distinction des formes propres à l’un et à l’autre, dut résulter des restes nombreux d’antiquité que leur pays possède, donnent non-seulement le nom de théâtral, mais encore celui de théâtre, à tout ensemble de masses, d’édifices ou de plans sur-imposés en retraite les uns au-dessus des autres. Les pays de montagnes, si féconds en sites de ce genre, fournissent de fréquentes applications de ces mots, et de l’image qu’ils expriment. La nature théâtrale de ces sites, a pour ainsi dire, et sans le secours d’aucun art, imprimé le même caractère aux ouvrages que le seul besoin y multiplie, et aux édifices qui, souvent pour s’y élever, nécessitent des terrasses, des rampes, des pentes douces. Rien de plusthéâtral que la ville de Gênes, dès son origine, ainsi que beaucoup d’autres, avant que l’architecture, profitant des ressources et des indications du terrain, s’étudiât à tirer d’heureux partis de ces situations.

Ce fut d’après de semblables inspirations, en Italie, que furent construits par la suite, et dans le genre le plus théâtral, certains palais ou châteaux de ville et de campagne, dont il sussit de citer les noms, pour faire connoître ce que l’art a produit de plus remarquable en ce genre. Tel est, par exemple, le château de Caprarola. Tel est ce qu’on appelle à Tivoli la villa d’Est. Tels sont un grand nombre de palais de la ville de Gênes, qui semblent être des décorations de théâtre.

Si l’on vouloit citer l’antiquité elle-même, il faudroit faire mention du célèbre temple de Palestrina (l’ancienne Praeneste), dont les ruines encore existantes, et disposées par étages, dévoient produire l’effet le plus théâtral.

Nous pouvons citer près de Paris, le château de Saint-Germain-en-Laie. On trouve encore à Versailles, quand on est au bas de l’Orangerie, quelque chose de vraiment théâtral, dans l’aspect


que produit cette belle masse de bâtiment, couronnée par celle du château.

THÈBES. Ancienne capitale de l’antique Egypte, avant que le siège du gouvernement ait été transporté à Memphis, qui passe des-lors pour être plus récente, et dont il ne reste toutefois aucuns vestiges, tandis que de nombreuses ruines et d’énormes restes de constructions subsistent encore au milieu de la vaste plaine qu’occupa Thèbes, sur les deux rives du Nil, où elle a été remplacée par de pauvres et nombreux villages. Là, sans doute, est la cause la plus probable de la destinée si disférente de ces deux villes. Deux grandes capitales, l’ancienne et la moderne Alexandrie, dans le cours de deux mille ans, en s’enrichissant de tous les matériaux de Memphis, sont parvenues à en esfacer la trace. Mais que purent faire pendant cette longue période, pour la destruction de Thèbes, de chétiss villages, dont toutes les forces n’auroient pas réussi à ébranler une seule de ses colonnes ? Ces monumens dépouillés sans doute par les Romains, de tout ce qui put entrer dans les besoins de leur cupide magnificence, restèrent, au milieu des sauvages habitans de ces contrées, comme des espèces d’antres et de rochers, qui n’eurent à se défendre que contre l’action lente du temps, et d’un climat peu destructeur.

Le premier objet qui srappa dans ce vaste champ de ruines, les auteurs de la description de l’Egypte, fut un cirque ou hippodrome dont l’aire est devenue aujourd’hui un champ en culture. A l’extrémité de son enceinte, on aperçoit les restes d’un petit temple tombé en ruine, en avant duquel est une porte, dont les grandes dimensions paroîtroient convenir à un édifice plus considérable.

A l’extrémité nord de l’hippodrome on trouve les ruines de Médynet-Abou. Elles s’élèvent majestueusement sur une butte factice, et sont entourées d’une enceinte construite partie en pierre, et partie en briques crues. Un petit temple se montre d’abord au pied des décombres. Mais les yeux sont bientôt attirés par les ruines d’un édifice, qu’on juge avoir dû être un palais de souverain. En effet, ses deux étages, et ses fenêtres carrées, et ses murs couronnés d’espèces de créneaux, annoncent un édifice différent de ceux qui étoient consacrés au culte. Vers le nord s’élèvent des propylées au-devant d’un temple, qui porte l’empreinte d’une grande vétusté. On remarque surtout les monumens situés plus loin, vers l’ouest. Un pylône très-élevé conduit dans une grande cour presque carrée, dont les galeries septentrionale et méridionale, sont formées de colonnes et de gros piliers carrés, auxquels sont adossées des statues colossales. Un second pylône termine cette première cour, et conduit à un très-beau péristyle, dont les galeries latérales sont formées de colonnes, et dont le fond est terminé par un double rang de galeries, que supportent des colonnes et des piliers avec statues adossées. Ce péristyle ossre tout à la fois, des restes indicatifs de toutes les religions qui se sont succédées en Egypte. Les Chrétiens y ont élevé une église, où se voient encore de belles colonnes monolythes de granit rouge. Les Mahométans, venus depuis, l’ont destinée à leur culte, et ils en ont fait une mosquée où tout rappelle encore l’islamisme.

Un vaste mur d’enceinte, caché en grande partie sous les décombres, renfermoit plusieurs édifices dont on aperçoit aujourd’hui quelques restes. Sans doute beaucoup d’autres monumens qu’on ne voit plus maintenant, furent contenus dans cet espace.

En sortant de Médynet-Abou, si l’on suit le chemin tracé par la limite du désert, on foule aux pieds une suite non interrompue de statues briséees, de troncs de colonnes et de fragmens de toute espèce. A gauche de ce chemin on trouve une enceinte rectangulaire en briques crues, remplie du débris de colosses et de membres d’architecture, chargés d’hiéroglyphes très-bien sculptés. Ce sont les restes d’un édifice renversé jusque dans ses fondemens.

A droite du chemin est un bois assez touffu, où l’on rencontre encore un nombre considérable de sragmens antiques, de bras, de jambes, et de troncs de statues d’une grande proportion. Tous ces colosses étoient monolythes. Les débris qui en subsistent sont de grès brèche, d’une espèce de marbre, et granit noir et rouge. Des troncs de colonnes très-peu élevés au-dessus du sol, annoncent les restes d’un temple ou d’un palais. A l’extrémité de ce bois, vers l’est, sont deux statues colossales. On les a perçoit à la distance de quelques lieues, comme des rochers isolés au milieu de la plaine. Elles ont près de soixante pieds.

Si l’on quitte ces énormes statues pour regagner le chemin qui borde le désert, on arrive bientôt, à travers des débris, aux ruines vulgairement connues sous la dénomination de Memnonium. Des pylônes à moitié détruits, et dont la hauteur dut être considérable ; des colonnes élevées et d’un gros diamètre, des piliers carrés, auxquels sont adossées des statues colossales de divinités ; des portes de granit noir ; des plafonds parsemés d étoiles d’un jaune d’or sur un fond d’azur ; dus statues de granit rose mutilées, et en partie recouvertes par les sables du désert ; des scènes guerrières sculptées sur les murs, représentant des combats, des passages de sleuve, tout annonce un édifice de la plus haute importance. On a conjecturé que ce fut le tombeau d’Osymandias.

Au nord-est de ce monument, dans une gorge formée naturellement dans la montagne Lybique, on trouve un petit édisice, qui paroît avoir été consacré au culte d’Isis. Il est au milieu d’une enceinte en briques crues et très-bien conservé. On y voit des frises et des corniches élégantes, et qui brillent encore des plus éclatantes couleurs.


En reprenant le chemin tracé sur la limite du désert, on arrive bientôt à Qouarnah, où existe le reste de ce qu’on croit avoir été un palais, qui osfre l’exemple d’un portique sormé d’un seul rang de l’étendue des salles, la manière dont les jours sont disposés, tout y est différent de ce qu’on voit dans les temples.

Si l’on traverse le Nil, on trouve, en parcourant la rive droite du fleuve, des restes non moins surprenans d’édifices au village de Louqsor, qu’il faut traverser pour arriver à l’entrée principale du palais. On est frappé tout d’abord de deux superbes obélisques, d’un seul bloc de granit, de soixante-douze à soixante quinze pieds de hauteur. Derrière ces obélisques sont deux statues colossales assises, de trente-quatre pieds do proportion, qui précèdent un pylône haut de cinquante pieds. Toutes ces masses sont inégales entr’elles et irrégulièrement disposées. Li’ntérieur du monument de Louqsor osfre à la vue plus de deux cents colonnes de dissérentes proportions, dont la plus grande partie subsiste encore en entier. Les diamètres des plus grosses ont jusqu’à dix pieds. Tous ces édifices sont environnés de décombres, qui s’élèvent de beaucoup au-dessus du niveau général de la plaine.

De Louqsor on arrive à Karnak par un chemin bien frayé, où de pari et d’autre, et à des intervalles assez, rapprochés, existent des débris de piédestaux et des restes de sphinx ; on en trouve même d’entiers à corps de lion et à tête de femme. De l’allée de sphinx dirigée sur Louqsor, on passe, en déviant un peu sur la gauche, dans une avenue plus large, formée toute entière de béliers accroupis, élevés sur des piédestaux, à l’extrémité de laquelle est une porte très-élégante. Vient un temple qui porte dans toutes ses parties l’empreinte de la plus grande vétusté, et qui cependant est bâti avec des débris d’autres monumens.

Du côté du nord-est on arrive au palais, par une longue avenue des plus gros sphinx, qui existent dans toutes les ruines de l’Egypte. Elle précède des propylées formées d’une suite de pylônes, au-devant desquels sont des statues colossales, dont les unes sont assies, les autres sont debout. Ces constructions ne se recommandent pas seulement par la grandeur de leurs dimensions ; elles se font remarquer encore par la variété des matériaux qui y sont employés. Une espèce de pierre calcaire compacte comme le marbre, un grès siliceux mélangé de couleurs variées, les beaux granits noir et rose de Sienne, ont été mis en œuvre pour les statues. La porte du premier pylône est elle-même toute entière en granit, et couverte d’hiéroglyphes sculptés avec le plus grand soin.

Le palais de Karnak, vu d’un certain côté, ne présente que l’image d’un bouleversement général. La consusion de toutes ces masses est telle, que le spectateur désespère d’en pouvoir comprendre la disposition. C’est pur l’entrée qui regarde l’ouest qu’il faut pénétrer dans cet ensemble de ruines, pour acquérir une idée de son plan et de sa distribution. Il faut se représenter une première cour décorée sur les côtés de longues galeries, et renfermant dans son enceinte des temples et des habitations. Au milieu est une avenue de colonnes qui ont jusqu’à soixante-dix pieds de haut. La plupart d’entr’elles sont écroulées, et étendent au loin les tambours de leurs assises encore rangés dans leur ordre primitif. Une seule reste debout comme témoin d’une magnificence qu’on ne peut plus que deviner. On passe de pylône en pylône et de salle en salle, de galeries en galeries. Une de ces galeries est formée de piliers à statues adossées, et elle renferme le plus grand des obélisques existant encore aujourd’hui en Egypte.

C’est surtout dans une notice abrégée, qu’il faut désespérer de donner une idée d’un tel amas de constructions, et tellement détruites, qu’il paroît impossible d’en reproduire une restitution quelconque. Comment d’ailleurs saisir l’image d’édifices qui probablement ne furent jamais ni imaginés ni réalisés sur un plan formé d’avance, qui ne surent qu’une accumulation successive de masses uniformes, toujours répétées, ouvrages de plusieurs siècles, et où des besoins, des usages, et des institutions que nous ne pouvons plus ni comprendre ni deviner, faisoient ajouter dans des directions différentes, avec des dimensions toutes diverses, des corps de construction à d’autres corps de construction, des galeries à des galeries, des portiques à des portiques ?

Il resteroit à faire quelque mention des sculptures de Thèbes, des tombeaux des rois, des vastes hypogées creusées à toutes sortes de profondeurs. Mais la description de tous ces travaux souterrains échappe encore davantage a l’analyse qu’on voudroit en faire, et fastidieuse pour le lecteur, elle ne seroit d’aucun intérêt pour l’art, d’aucune utilité à l’artiste.

THÉORIE, s. f. L’idée de théorie, opposée à celle de pratique (voyez ce mot), en tant que l’action morale ou spirituelle qui raisonne et combine, est différente de l’action corporelle ou manuelle, qui façonne et exécute, comporte aussi plus d’un degré, selon le plus ou moins d’élévation des points de vue, auxquels on applique les notions dont l’enseignement se compose.

A l’article PRATIQUE, nous avons reconnu, que surtout à l’égard de l’architecture, on devoit diviser en deux parties ce qui est du ressort de l’exécution, l’une que l’on a appelée pratique savante, et l’autre, que l’on a désignée sous le nom de pratique ouvrière.

Ici, nous croyons, qu’en donnant du mot théorie, l’idée sous laquelle on l’entend le plus ordinairement, c’est-à-dire celle qui comprend


cet ensemble des connoissances d’un art, qu’on acquiert par l’étude ou que l’on reçoit de l’enseignement, on peut reconnoître trois degrés d’étude ou d’instruction théorique.

Nous croyons qu’on doit distinguer la théorie des faits et des exemples, qu’on appellera théorie pratique, la théorie des règles et des préceptes, qu’on appellera théorie didactique, et la théorie des principes ou des raisons, sur lesquelles reposent les règles, et qu’on appellera théorie métaphy¬sique.

En appliquant cette division à l’architecture, on comprend, quant au premier genre de théorie, qu’il est possible d’arriver par une instruction bornée, à resaire ce qui a déjà été fait. On peut enseigner aux élèves à se régler sur les inventions et les ouvrages des prédécesseurs, à prendre pour modèle tels ou tels maîtres, tels ou tels monumens, à regarder comme objets constans d’imitation, les formes, les compositions, les décorations d’ensemble ou de détail, sormant la manière, le style et le goût de ceux à la suite desquels on se place, sans songer à se demander, en vertu de quoi ils ont procédé ainsi. Cette sorte de théorie pratique ou routinière, n’a que trop souvent régné en plus d’un pays, et dans plus d’un siècle, et si on lui a dû, quelquefois, selon le mérite et le talent de certains grands hommes, chess d’écoles célèbres, des imitateurs ou des continuateurs plus ou moins heureux de leur manière, il ne s’est d’ailleurs, et dans d’autres temps, rencontré que trop de ces copistes serviles, qui ont perpétué tes travers et les vices de ceux qui les avoient mis en honneur. La théorie routinière dont on parle, celle qui n’enseigne que par les faits et les exemples, est d’autant plus facile, qu’elle n’exige aucune leçon orale, et que le seul ascendant de l’exemple du maître, a souvent plus de force et d’entraînement, que toutes les doctrines des livres et des traités.

Après cette sorte de théorie, vient celle des règles et des préceptes, ou la théorie didactique, qui, soit par l’étude particuliere, soit par les leçons du maître ou de l’école, apprend à distinguer dans les ouvrages de l’art, certains points communs, où leurs auteurs se sont rencontrés, enseigne à faire des observations sur les effets de ces ouvrages, à les comparer entr’eux, à interroger sur la préférence qu’ils méritent, les susfrages des temps passés, et cet assentiment d’une opinion générale, la plus propre à servir de guide au jugement particulier. Ce genre de théorie est le propre d’un grand nombre de traités, faits par les plus habiles architectes. Après avoir décomposé toutes les parties qu’embrasse l’architecture, et après les avoir soumises, dans de nombreux parallèles, aux diverses autorités des exemples, ils ont cherché à établir les meilleurs rapports entre les formes, les proportions les mieux appropriées au caractère spécial de chaque sorte d’ordonnance, les divisions les plus amies entr’elles, les plus conformes à la faculté visuelle, les détails d’ornemens, sur lesquels se sont accordés les artistes les plus accrédites. De ce concert soit d’ouvrages, soit d’observations sur les ouvrages, soit d’approbations successives données aux uns et aux autres, seront nées les règles, qui, dans l’antiquité même, parvinrent à fixer l’art, à réduire en système tous ses procédés. Ces règles, et les préceptes qui en dérivent, ont été la matière de toutes les théories didactiques des Modernes, et de l’enseignement journalier des écoles.

Cependant il est facile de voir, qu’au-dessus de cette théorie il doit y avoir un degré d’enseignement supérieur, une critique d’une nature beaucoup plus subtile. C’est, non celle qui donne les règles, mais celle qui remonte aux sources d’où les règles émanent. C’est, non celle qui rédige les lois, mais celle qui en scrute et en pénètre l’esprit. C’est, non celle qui puise ses principes dans les ouvrages, mais celle qui donne pour principes aux ouvrages, les lois même de notre nature, les causes des impressions que nous éprouvons, les ressorts par lesquels l’art nous touche, nous émeut et nous plaît. Cette théoriedéveloppe les raisons qui servent do base aux règles. Elle reconnoît certaines beautés comme applicables à toutes les architectures ; mais loin d’établir l’égalité entr’elles, ainsi que quelques esprits voudroient se le persuader, elle nous conduit à reconnoître, qu’une seule mérite le nom d’art. C’est celle qui satisfaisant à tous les besoins, et remplissant toutes les conditions d’utilité, prête au génie les plus nombreuses ressources, parce qu’elle fut le produit d’un modèle primitif, qui réunit à la fois le simple et le composé, l’unité et la variété ; parce que seule elle parvint à s’approprier un véritable système imitatis, lequel consiste, beaucoup moins qu’on ne pense, dans la transposition en pierre, des formes de la charpente, et du bois long-temps employé par la construction, mais dans l’assimilation, que d’heureuses combinaisons parvinrent à faire des lois de proportions données par les œuvres de la nature, aux ouvrages de la main des hommes.

Ces trois degrés de théorie ont sait le sujet d’un si grand nombre d’articles de ce Dictionnaire, que nous ne saurions placer ici les renvois aux mots où ils sont traités. Nous osons nous flatter à l’égard du dernier genre de théorie, qu’on n’en trouveroit, nulle part ailleurs, ni autant de développemens, ni d’aussi complets.

THERMES, s. m. pl. , en latin thermœ, du grec θερμαι étuves, bains chauds.

Ici, comme en beaucoup d’autres cas, l’édifice prit et retint le nom de l’usage auquel il servoit, et ici encore il arriva, que beaucoup d’autres emplois se trouvant ajoutés au premier emploi, le nom une fois donné à l’édifice, n’exprima plus


qu’une seule partie de sa destination. Ainsi comme on l’a déjà dit au mot BAIN, le bâtiment qui sembloit, dans son acception simple, ne signifier que bains chauds, non-seulement étoit destiné aussi aux bains froids, mais rensermoit encore une multitude d’autres emplois, qui faisoient de ces lieux, une sorte de point de réunion d’un grand nombre d’établissemens d’utilité et de plaisir, lesquels avoient aussi ailleurs des locaux séparés, et des noms particuliers, tels que Palestres, Gymnases, Sphœristères, Exèdres, Xistes, Ephébées, etc. Chacun de ces édifices trouvant dans ce Dictionnaire des articles qui en font connoître l’ensemble et les détails, nous n’alongerons point de nouvelles notions sur leur compte, le présent article.

Au mot BAIN (voyez ce mot), nous avons traité, avec une très-grande étendue, de tout ce qui, soit dans les bains ordinaires, soit dans les thermes, ou établissemens de bains publics, avoit rapport à leur principal usage, ainsi que des différentes pièces appropriées à toutes les pratiques que le régime sanitaire, ou les besoins du climat, avoient rendues nécessaires. Nous avons parcouru tous les moyens employés pour l’arrivée, la distribution des eaux, les procédés mis en œuvre, pour en tempérer l’influence, au gré de chacun. Nous aidant à cet égard des monumens de l’antiquité, comme des renseignemens des écrivains modernes, nous avons pris soin de renfermer dans cet article, tout ce qui nous a paru le plus détaillé, et le mieux constaté en ce genre, sur ce qui regarde les bains publics des Anciens, considérés sons le point de vue des usages qui avoient fait élever d’aussi grandes constructions. Si nous nous sommes permis quelques descriptions de certaines de leurs parties, c’est que beaucoup de ces usages dépendent tellement de leur localité, qu’on ne sauroit les faire connoître sans y joindre les indications des lieux mêmes, Du reste, nous terminâmes l’article des bains antiques, en renvoyant au mot THERMES, les notions plus particulièrement propres de l’architecture, et qui font prendre une idée de l’importance, et de la magnificence que les Romains donnèrent à ces monumens.

Si on en croit les relations des voyageurs, et les restes nombreux de constructions, qu’on désigne par le nom de thermes, et qui en ossrent des caractères apparens, les Romains, partout où leur domination s’étendit, auroient singulièrement multiplié cette espèce de monument. Des recherches exactes à cet égard deviendroient la matière d’un très-grand ouvrage, et serviroient assez peu à remplir l’objet que nous nous proposons ici, savoir, de donner une idée abrégée de ces entreprises de l’art de bâtir, et de l’immense étendue à laquelle le luxe de Rome les porta.

Ce luxe paroît avoir daté du règne des empereurs. Victor et Rufus comptèrent jusqu’à 800 bains, dont les principaux étoieot ceux de Paul-Emile, de Jules-César, de Mécène, de Livie, de Salluste, d’Agrippine, etc. Mais tous ces édifices, résultats de fortunes particulières, furent effacés par les établissemens des thermes, auxquels leurs fondateurs attachèrent leur noms, Les plus remarquables furent bâtis, selon l’ordre chronologique, par

Agrippa, vers l’an 10 de l’ère vulgaire.
Néron 64
Vespasien 68
Titus 75
Domiten 90
Trajan 110
Adrien 120
Commode 188
Antonin Caracalla 217
Alexandre-Sévère 230
Philippe 245
Dèce 250
Aurélien 272
Dioclétien 295
Constantin 324

Il existe encore à Rome des restes de quelques-uns de tes grands édifices, mais l’immense destruction qui s’est opérée dans cette ville, a dû naturellement les décomposer, el en isoler les par-tics, de manière à rendre impossible, pour le plus grand nombre, la remise ensemble des membres dont il’ étoient formés. C’est aujourd’hui le fait de l’antiquaire d’en rechercher les emplacement, l’histoire à la main, à l’effet d’en compléter la la topographie de l’ancienne Rome. Pour l’architecte, il n’y a plus guère de visibles et d’instructifs que les restes des thermes de Titus, des thermes de Caracalla et de ceux du Dioclétien.

Il avoit manqué jusqu’à présent, une restitution complète du plus entier de ces monumens, qui pût servir d’indication pour faire connoîrtre, par analogie, le lien commun de toutes les parties qui entroient dans la composition de quelques autres moins bien conservés. Mais cet ouvrage vient d’avoir lieu, par la restauration qu’a faite des thermes de Caracalla, M. Abel Blouet, pendant le cours de son séjour à Rome, comme pensionnaire du Roi. Ce beau travail, dont la publication a été encouragée par le Gouvernement, va rendre une sorte d’existence à un genre d’édifices dont il étoit difficile, vu leur grandeur el la diversité des parties qui les composaient, de se former une juste idée.

Au pied du mont Aventin, entre les murs de Rome, et la voie Triomphale, existent des restes très-considérables de ces thermes, qui furent les plus grands de ce genre, et formèrent un des plus vastes, et à la fois des plus magnifiques édifices de la capitale du Monde ancien.

Construis par l’empereur Antonin Caracalla, dont ils prirent le nom, ces thermes furent ache-


vés dans la quatrième année de son règne, c’est-à-dire l’an 217 de l’ère chrétienne. Selon Lampridius, ils n’avoient point eu orginairement de portique. Eliogable et Alexandre-Sévère y en ajoutèrent dans la suite. S’il est difficile, en général, que de grandes entreprises, toujours susceptibles d’augmentations et de changemens, reçoivent leur exécution d’après des projets définitivement arrêtés d’avance, avec, une correspondance parfaite de leurs parties, les fouilles fartes avec beaucoup de dépense pendant deux années, aux thermes de Caracalla, en faisant retrouver le plan exact de toutes les masses, ont mis à jour la régularité des parties qui entrèrent dans leur composition. Il résulte de la certitude de ce plan, que chacune des faces des corps d’édifices intérieurs, étoit disposée avec une correspondance de symétrie parfaite. Pareille disposition devoit régner à l’extérieur, dont les murs, dans les restes de leurs élévations actuelles, n’annoncent pas qu’on ait porté à ces dehors une grande dépense de décoration. Naturellement ce soin et cette dépense furent appliqués à l’intérieur des galeries, des salles de tout genre, où la multitude étoit plus ou moins admise.

On peul juger de cette magnificence, non-seulement par les nombreux démis encore visibles, des ornement répandus sur toutes les superficies de ces intérieurs, mais encore par les monumens de sculpture qui y ont été trouves. Les plus remarquables sont l’Hercule de Glycon, le torse antique, le Taureau dit Farnèse, la Flore, deux gladiateurs, les deux vasques de granit de la place Farnèse, les deux belles urnes de basalte vert qui sont dans la cour du Musée du Vatican, diverses terres cuites, et une infinité d’autres sculptures et objets d’art. La dernière colonne de granit de la grande salle du milieu a été enlevée de ces thermes en 1564, et donnée par le pape Pie IV au grand-duc Cosme de la Trinité à elle est présentement sur la place de la Trinité à Florence, où elle supporte une statue en porphyre de la Justice.

La masse générale des thermes de Caracalla forme, en plan, un quadrangle de 1011 pieds, sur 1080 L’entrée principale du monument est sur le côté plus petit, et elle s’annonce par un portique extérieur composé de deux étages ou rangs d’arcades l’un sur l’autre, au nombre de cinquante-trois dans chaque rangée. Ces arcades ont leurs piédroits ornés de colonnes adossées, doriques dans le rang d’en bas, ioniques dans l’étage supérieur. Ces arcades introduisent dans une longue galerie, et les piédroits qui la forment, ornés de ces colonnes eu dehors, le sont en dedans, de pilastres correspondant à une rangée pareille de piédroits.

Les trois autres côté’ du quadrangle n’offroient en dehors que des murs sans décoration, d autant plus naturellement, que deux de ces façades extérieures étoient adossées au mont Aventin, aux dépens duquel même avoit été taillée une partie de l’espace, en sorte qu’il n’y auroit eu aucune reculée pour jouir de leur aspect.

Le luxe de l’architecture et de la décoration avoit été réservé pour lus façades intérieures du monument, dont l’enceinte renfermoit le corps de bâtiment le plus important par sa distribution, comme pour la décoration et la richesse de son architecture. Il étoit placé au milieu de cette enceinte, entre deux espaces, l’un moius grand du côté du portique, l’autre double du premier, et qui, l’un et l’autre, avoient des promenades plantées de platanes et d’autres arbres. La façade intérieure de la grande enceinte, en face de celle du portique, offroit une sorte d’amphithéâtre ou rangée de gradins.

Mais le grand corps de bâtiment renfermé dans l’enceinte étoit, quant à l’élévation, la partie la plus remarquable de cet ensemble. Ilse présentoit an spectateur, sur une ligne coupée dans son milieu, par une grande rotonde perche de deux rangs d’arcades d’un côté ; de l’autre régnoient avec une parfaite symétrie, des ouvertures ornées de colonnes et séparées par des massifs ; au-dessus de ces péristyles en colonnes, il y avait des arcades surbaissées.

Rien, au reste, ne serait plus difficile, et peut-être plus inutile, que d’essayer de faire comprendre par le discours, toutes les variétés de forme données à cet innombrable assemblage de pif tes communiquant les unes aux autres, et différant entr’elles par leurs plans, leurs élévations et lents détails, autant que par les emplois qui avœint motivé ces différences. Ou ne sauroit rendre compte à l’esprit de ce qui ne peut être commis que par les yeux.

La construction des thermes de Carcalla est, comme la plupart des grandes constructions romaines, du genre qu’on appeloit emplecton, c’est-à-dire maçonnerie en blocage, revêtue de briques triangulaires, le tout relié par des rangs d’autres grandes briques quadrangulaires, placées de distance en distance les unes au-dessus des autres, et traversant toute l’épaisseur des murs. Ces mêmes murs sont encore euduits d’une, et quelquefois de deux couches de ciment, dans lequel on remarque quelques plaques de marbre, sur lesquelles étoient appuyés les revêtemens.

Les voûtes sont construites en pierres ponces (ou pumici) ; elles sont à l’intérieur revêtues de briques carrées, placées à plat. On observe que, dans quelques salles, ces briques sont doublées d’un autre rang de briques plus grandes, posées de la même manière, et recouvertes d’une couche de ciment, destinée à recovoir les stucs peints ou les mosaïques. Sur ce blocage en pierre pouce qui forme la partie supérieure des voûtes, il y a un enduit de ciment, dans lequel étoient incrustées les mosaïques, dont étoit fait le pavement des terrasses qui couvroient une grande partie de l’édifice.

La maçonnerie des canaux et des réservoirs,


qui fournissoient de Peau pour tous les usages du monument, est faite à bain de mortier. L’intérieur en est couvert d’une forte épaisseur de ciment ; tous les angles rentrans sont arrondis. Leur fond, est une surface courbe, en tous sens, plus basse dans le milieu, et qui se raccorde avec les arrondisse-mens le long des murs. Les pavemens des salles d’enceinte sont en marbre blanc, celui de la salle circulaire du milieu des thermes est en marbre de diverses couleurs ; leurs compartimens reposent sur un blocage en maçonnerie.

Les mosaïques qui forment le pavement des autres salles et des portiques, sont établies sur une construction, qui se compose d’abord d’une première couche de grandes briques posées sur un blocage. Ces briques sont surmontées de petits piliers carrés, lesquels portent un double rang de briques recouvertes d’une couche épaisse de ciment grossier, qui sert de base à un ciment plus fin, dans lequel les mosaïques sont incrustées. Cette pratique n’est pas générale à tous les locaux. Il est probable qu’on la réserva pour les pièces où l’on vouloit faire circuler la chaleur des hypocaustes.

Nous ne dirons que quelques mots du genre et du goût des ornmens, qui furent appliqués à la plus grande partie de ces constructions.

La façade dit côté de feutrée et les deux façades latérales du monument, étant plus ou moins cachées par des objets environnans, et par des plantations, leurs constructions étoient seulement revêtues d’un enduit de stuc lisse. La façade du côté du Xiste, a conservé de grandes parties de décoration, qui se composent d’un enduit de stuc, dans lequel étoient incrustées des mosaïques en vitrifications de différentes couleurs. Les colonnes qui décorœint cette façade étoient de granit rouge, ce qu’a fait connaître la quantité de fragmens de colonnes, qui ont été découverts par le propriétaire du terrain.

L’ensemble de la décoration intérieure du corps de monument compris dans l’enceinte générale, se composait d’un revêtement de marbre jusqu’à la hauteur de la naissance des voûtes. Les parties supérieures, ainsi que les voûtes mêmes, étoient ornées de stucs et de mosaïques vitrifiées de diverses couleurs. Les colonnes dont les dernières fouilles unt fait découvrir de très-nombreux fragmens, étoient de granit rouge et gris, d’albâtre oriental, de porphyre et de jaune antique. Les revêtemens étoient de porphyre rouge et vert, de serpentin, de vert africain, de jaune antique, de Porta Santa, de blanc veiné de violet, appelé en Italie pavonazzetto, d’albâtre et de marbre blanc.

Il ne peut appartenir qu’à l’ouvrage dont j’ai fait mention, et qui opérera la restauration totale en dessin, des thermes de Caracalla, de faire bien connoître ce que surent ces immenses édifices, dont l’idée seule confond aujourd’hui notre intelligence, et dont l’image ne peut qu’échapper à toute espèce d’art, ou de talent de description. Comment, en effet, seroit-il possible de faire parcourir au lecteur, avec l’aide seule du discours, plusieurs centaines de pièces, de salles, de chambres toutes diverses dans leurs formes, leurs proportions, leurs détails, leurs emplois ? Que disent les mots qui expriment des détails d’ordonnance, de proportion, de décoration ? Quelles images peuvent-ils produire qui approchent de la ressemblance ? Et comment se flatter de faire juger des bons ou des mauvais effets d’un plan, ou d’une perspective, du bon ou du mauvais goût des ornemens ? Ce que le discours transmet le plus exactement, et ce qu’il fait peut-être le mieux concevoir, c’est la dimension des espaces, des élévations. Mais qui pourroit soutenir l’interminable énumération des mesures d’un si grand nombre de locaux, et le fastidieux inventaire de toutes leurs particularités ?

Nous ne nous appesantirons donc point ici, en vaines recherches, sur ce que purent être les autres monumens de ce genre, dont il subsiste des restes plus ou moins bien conservés. Il y auroit sans doute quelqu’intérêt dans ces parallèles, pour l’histoire du goût de l’architecture à Rome. Nous ne doutons pas qu’on ne pût encore arriver sur ce point à quelques notions précises. Si, par exemple, le Panthéon fit partie jadis des thermes d’Agrippa, comme le prouvent des fragmens de construction qui lui sont contigus, il est bien probable qu’on aura perdu là, comme dans quelques autres édifices semblables, tels que ceux de Néron, de Titus, etc. , des modèles d’architecture plus recommandables. Mais il est douteux qu’aucun ait surpassé en grandeur celui de Caracalla.

Serlio, en effet, s’est trompé, en avançant que les thermes de Dioclétien étoient plus étendus. Quoique leur ensemble soit aujourd’hui rompu, et découpé en morceaux qui n’ont plus de cohérence entr’eux, il est facile, sinon de rétablir en dessin, ce qui a réellement disparu, au moins d’inférer de tous ces membres épars, quelle fut la superficie que le tout dut occuper. Or, ces calculs et ces rapprochemens ont éte faits ; et il en est résulté, que son enceinte avoit dû le céder en étendue à celle des thermes de Caracalla.

Toutefois rien ne donne une plus haute idée de ces entreprises, et en particulier des thermes de Dioclétien, que la vue des vastes terrains, qu’on parcourt aujourd’hui vides et déserts, sur leur emplacement, et que l’architecture avoit jadis couverts de toutes ses magnificences. Le nom de thermes (termini) est devenu à Rome le nom d’un quartier, que ce seul monument occupa jadis. Une de ses étuves placée à un de ses angles, sert aujourd’hui d’église, sous l’invocation de Saint-Bernard. On voit à l’angle opposé, et faisant pendant, une semblable étuve en état de ruine. Les vastes greniers à blé de la chambre apostolique


se sont emparés d’une belle partie de ses dépendances. Des maisons, des palais modernes, avec leurs jardins, se sont élevés sur ses ruines. L’immense monastère des Chartreux, avec tout ce qui en dépend, occupe une foible partie de ses constructions, et l’église de Notre-Dame-des-Anges, attachée au couvent, est un démembrement d’une de ses salles. Cependant la portion qu’on en a affectée à cette destination, sous le pontificat de Pie IV, et au temps de Michel Ange, qui fut employé à cette transformation, n’est pas, à beaucoup près, la moitié en longueur de l’étendue qu’elle avoit, comme on peut s’en convaincre en consultant le plan qu’en a donné Desgodets, avec toutes ses mesures, page 131 des édifices antiques de Rome.

Si l’on consulte ce plan, la salle dont il s’agit, eut en tout 439 pieds de longueur sur 135 pieds de large. Elle se divisoit en trois parties. Celle du milieu est la seule qui forme aujourd’hui la belle et grande nef de l’église. Elle a 180 pieds 8 pouces de long sur 74 pieds 3 pouces de large. Ce vaste local est couvert pur une voûte à arête, dont les retombées posent sur huit grandes colonnes de granit d’un seul morceau (sauf une d’angle, qu’on a remplacée par une imitation en stuc coloré). Le diamètre des colonnes du milieu est par en bas de 4 pieds 4 pouces. On a remarqué que les chapiteaux des colonnes des angles sont corinthiens, et que ceux des colonnes du milieu sont de ce qu’on a appelé composite. Desgodels a cherché à expliquer cette diversité par des raisons ou des exemples qui pourroient bien n’être que de vaines hypothèses. Il y en a une plus simple, c’est que ces thermes auront pu, comme beaucoup d’autres édifices de cette époque, être construits avec les matériaux d’anciens monumens, et que l’architecte aura employé ici les chapiteaux déjà exécutés qui furent mis à sa disposition.

Beaucoup de changemens successifs sont survenus dans l’ajustement moderne de cette salle, surtout par la décoration des grands tableaux qui ont pris la place des renfoncemens, que produisoient jadis de chaque côté, les arcs collatéraux de l’arcade du milieu. Malgré toutes les innovations qui ont pu enlever à ce reste d’antiquité, une partie de son intérêt et de sa grandeur, on est toujours obligé d’y admirer un des intérieurs les plus spacieux que l’on connoisse, des mieux éclairés par les six grandes ouvertures demi-circulaires des cintres supérieurs, une disposition simple et noble, enfin un modèle de construction, qui seroit facilement applicable aux églises modernes.

Nous ne saurions terminer cet article sans faire une mention particulière d’un beau reste de thermes antiques, long-temps oubliés au milieu de Paris, et qui cependant est le titre à la fois le plus précieux et le plus authentique de l’ancienneté de cette ville. Nous voulons parler des thermes de Julien, qu’une ancienne tradition appelle le palais des thermes. Inutile de rechercher ici ce qui a pu donner lieu à cette dénomination vulgaire, et si, par la suite des temps, l’ensemble de ces constructions avoit pu devenir un lieu d’habitation. Ce que témoignent tous les restes de substruction dont tout cet emplacement est encore rempli, c’est que l’on y pratiqua des caveaux voûtés de bâtisse romaine, des conduits et des souterrains tout-à-fait semblables à ce qui existe partout où il reste des débris de bains publics et de thermes.

Mais au milieu de tous ces débris ou fragmens de constructions enfouies, il s’est conservé une très-belle portion des vastes salles qu’on retrouve dans les thermes de Rome. La grande salle dont on veut parler, est venue jusqu’à nous totalement intègre dans ses murs et dans sa voûte. Cette dernière servit jusqu’à ces dernières années de terrasse à une maison ; on l’avoit chargée de huit à dix pieds de terre, et d’assez grands arbres y avoient pris racine.

Désencombrée aujourd’hui de cette surcharge, et débarrassée dans ses alentours, cette salle se Présente maintenant à la curiosité publique, et à instruction des architectes, comme un exemple fort précieux du système de construction, que les Romains mirent en œuvre chez eux, et qu’ils transportèrent partout ou ils étendirent leur domination. On veut parler de l’art de faire des édifices grands et solides, avec de petits et vulgaires matériaux. Il est vrai qu’un pareil système exige d’excellens cimens et de beaux enduits. Les murs de la salle des thermes de Julien étoient reconvertis d’une couche de stuc, qui a, selon les endroits, trois, quatre et même cinq pouces d’épaisseur.

Cette salle a cinquante-huit pieds de longueur, cinquante-six de largeur, et quarante de hauteur au-dessus du sol actuel de la rue de la Harpe. Une grande fenêtre eu forme d’arcade y introduit une très-belle lumière. Elle est pratiquée en face de l’entrée, au-dessus de la grande niche, et précisément sous le cintre de la voûte. Celle-ci est, comme dans les grands intérieurs des thermes de Rome, construite en arêtes, genre de couverture peu dispendieux et très-solide, parce que toutes les poussées y sont divisées, et qu’il ne s’y opère aucun travail latéral. Si quelque chose pouvoit le démontrer, ce seroit sans doute la durée extraordinaire do cette voûte, malgré les causes de destruction auxquelles elle a été si long-temps exposée. Toutetois elle n’est composée que d’un blocage de mœllons et de briques, liés par un ciment compose de chaux et de sable de Paris.

La construction des murs de la grande salle, est formée généralement, de trois rangées de mœllons, séparées par quatre rangs de briques, qui ont un pouce ou quinze lignes seulement d’épaisseur. Les joints qui les séparent, sont également d’un pouce, et cette mesure est uniforme dans toute la construction. Les quatre biques avec leur joints, for-


ment ainsi une épaisseur d’environ huit pouces. Les moellons, taillés de liais très-dur, ont de quatre à six pouces de face, et environ six pouces de queue.

On trouve sous celle salle, un double rang en hauteur de caves en berceaux, ou plutôt de larges conduits souterrains, de neuf pieds de large, et de neuf pieds de haut sous clef, Il y avoit trois de ces berceaux parallèles, séparés par des murs de quatre pieds d’épaisseur, et se communiquant par des portes de trois et quatre pieds de large. Le premier rang de ces voûtes se trouve à dix pieds au-dessous du sol ; on y descend par quinze marches. Le second étage est à six pieds plus bas. La longueur de ces voûtes souterraines est inconnue. On n’y pénètre pas au-delà de quatre-vingt-dix pieds ; des décombres en interceptent l’issue. Les voûtes sont composées du briques, de pierres plates, et de blocages à bain de mortier. La construction des murs est en petits mœllons durs de six pouces de long, sur quatre pouces de haut. L’épaisseur du mortier dans les joints, va depuis six lignes jusqu’à un pouce.

Il n’y a auoun doute que l’aqueduc antique d’Arcueil, dont on voit encore les restes, amenoit des eaux à ces thermes.

Depuis quelques années on s’est occupé du soin de conserver, et de remettre en honneur ce précieux reste d’un édifice riche en souvenirs, et fécond en leçons de tout genre, pour l’art de bâtir. La voûte de la grande salle a été dégagée et mise à couvert des injures de l’air, sous une grande et solide toiture. On espère qu’il sera possible d’isoler sa construction, des maisons qui l’avoisinent, de désobstruer ses abords, et de parvenir à retrouver, dans tous les fragment de construction, et de souterrains des habitations d’alentour, de quoi restituer une grande partie du plan de ces thermes.

Plus on acquerra de connoissances positives sur la véritable distribution des innombrables parties, qui formèrent l’ensemble de ces édifices, que les Romains multiplièrent partout, et principalement dans leur ville, avec une prodigalité vraiment extraordinaire, plus on sera mis à portée de former des conjectures plausibles sur la diversité de leurs emplois : car pour finir, par où nous avons commencé cet article, il est indubitable, que le mot thermes (bains chauds) est fort loin de rendre compte de tous les genres de besoins qui firent créer ces colosses de construction. L’usage du bain fut sans doute la cause primitive des réunions, pour lesquelles on fit des édifices, où ceux qui n’avoient pas de bains particuliers chez eux, trouvaient, soit gratuitement, soit pour une modique rétribution, l’avantage qu’ils n’auroient pu se procurer Mais il est facile de voir que dès qu’il se forme, dans une grande ville, de grandes réunions d’hommes, mille autres sortes de besoins et d’établissemens viennent bientôt à leur suite ; cela dut être encore plus naturel dans les usages de la société chez les Anciens, où les mœurs domestiques se prêtoient beaucoup moins, que chez les Modernes aux réunions particulières. Aussi avons-nous dit au mol BAIN, que les établissemens de ce genre à Rome, comprenoient ce qu’exprimoit le mot gymnase en Grèce. Il faut donc, se figurer les thermes, comme les points de réunion de la population à Rome, et où chaque classe de citoyens trouvoit à passer le temps, soit aux exercices du corps, soit à ceux de l’esprit, soit dans des espèces de cirques, soit dans des bibliothèque, soit dans des promenades, soit dans des galeries d’ouvrages d’art. On doit croire encore que les grandes salles purent servir à des concerts, à des fêtes, à des spectacles de tout genre, à des banquets. Enfin, ce genre d’édifices auroit compris dans un ensemble de bâtiment, ce qui se trouve séparé selon les mœurs modernes, dans nos Académies, nos Wauxhalls, nos jeux de paume, nos cafés, nos jardins de réunion publics ou autres, et tous nos lieux de divertissement.

THESSALONQCE. Voyez SALONIQUE.

THOLUS, en grec θολος. C’est le nom que les Romains et les Grecs donnèrent à cette forme d’édifice, on de construction, que nous appelons coupole.

La forme des édifices sphériques et circulaires, dans l’ordre des inventions et des opérations de l’art de bâtir, ne dut se produire qu’après la forme des bâtimens rectilignes et quadrangulaires. La nature des choses indique cette marche, quel qu’ait été le choix des matières. Là où dés les commencemens, on employa la pierre, il dut se passer beaucoup de temps, avant qu’on ait tenté de faire décrire à un assemblage de blocs taillés, les courbes nécessaires à la configuration d’une voûte, et surtout d’une voûte sphérique. On a présumé que jamais l’antique Egypte n’en éleva, du moins on n’en rencontre aucune indication, dans les restes très-nombreux de ses monumens.

Il nous a toujours semblé que l’emploi du bois dans les constructions primitives, avoit été le plus favorable aux inventions futures de l’art, le plus fécond en combinaisons variées, le plus propre à inspirer à l architecture, non-seulement pour l’extérieur, la régularité des distributions, des membres, des parties et des ordonnances, mais aussi par la facilité des couvertures, la grandeur et l’étendue des intérieurs. Là où le bois devint la matière première des constructions, les arbres fournirent des poutres et des solives, propres à faire des plafonds de toute mesure. Mais le simple assemblage des chevrons qui donnèrent la forme des toits, enseigna bientôt l’art de faire prendre aux solives la courbure qu’exige la configuration des arcades. Dès qu’on eut ainsi fait un arc, il ne lut plus question, que d’en réunir de la


même manière plusieurs, autour d’un axe, et l’on eut un tholus ou une coupole en charpente.

Que cet emploi du bois ait existé, en Grèce, pour de tels ouvrages, cela nous est attesté par la mention que Pausanias a faite du Philippeum, ou monument bâti par Philippe, roi de Macédoine, après la bataille de Chéronée. Il étoit, dit-il, construit en briques, sur un plan circulaire, et environné de colonnes. A son sommet étoit un fleuron en forme de pavot de bronze, qui faisoit le lien des poutres dont se composoit la couverture. On concluroit à tort de cet exemple, et du siècle où le monument fut exécuté, qu’on n’en avoit point fait de semblables auparavant, ou que les Grecs n’avoient pas connu plus anciennement la pratique des voûtes sphériques en pierres.

Dès la haute antiquité, l’édifice appelé le Trésor de Mynias avoit été bâti en marbre, et étoit un véritable tholos ; ainsi l’appelle Pausanias. Il se terminoit par une voûte, dont le comble, dit-il, n’étoit pas trop aigu. Une seule pierre servoit de clef a la voûte. Cette observation sur la forme peu aiguë de son comble, semble indiquer que d’autres constructions du même genre affectoient davantage cette forme, c’est-à-dire la forme pyramidale.

C’est ce qui dut en effet résulter assez naturellement du modèle primitif, que les combles en bois de charpente avoient présenté à l’art de bâtir en pierre. Nous retrouvons cette forme de tholus à voûte aiguë, dans quelques monumens d’une assaez médiocre importance, quant à l’étendue, et qui furent des tombeaux en pierre, dont il s’est conservé un assez grand nombre en Sardaigne. Ils se terminent par un comble, qui, sans être tout-à-fait aigu, l’est cependant assez, pour que leur construction ait pu être élevée, comme celle des arcs aigus du gothique, sans le Secours d’un échafaudage.

On trouve peu de voûtes dans tes ruines de la Grèce, ce qui ne doit pas faire conclure qu’elles y surent aussi rares qu’on le pourroit croire. Si la paique du bois dans les couvertures et dans les voûtes y eut plus généralement cours, cela pourroit expliquer cette rareté, indépendamment de beaucoup d’antres raisons.

Au contraire, en Italie, le genre usuel de la brique, et de la maçonnerie de blocages, favorisa singulièrement la construction des tholus ou coupoles. Rome, d’ailleurs put porter dans de tels ouvrages une grandeur et une dépense, qui eût été hors de proportion avec les ressources des petits Etats de la Grèce. Aussi presque toutes les villes de la domination romaine, dont les vestiges sont parvenus jusqu’à nous, offrent-elles d’assez nombreux exemples de voûtes sphériques, qui se sont d’autant mieux conservées, que leur construction en maçonnerie, ne put fournir aucuns matériaux utiles aux entreprises à des âges suivans : car on ne doit point perdre de vue, que si les grands édifices en pierre, semblent avoir été les moins durables, c’est parce que des pierres peuvent toujours être taillées du nouveau, pour servir à d’autres édifices, tandis qu’il n’y a aucun parti à tirer pour de nouvelles constructions, des bâtisses dont le corps est formé de pierrailles et de ciment.

THORICION on THORICES, étoit un bourg de l’Attique, situé entre Sunium et Potamus, et qu’on appelle maintenant Porto Rafry, à dix lieues d’Athènes. M. Le Roy y a dessiné les restes d’un temple d’ordre dorique. Il en subsistoit encore de son temps dix colonnes, dont le fût, avec le chapiteau, avoit moins de quatre épaisseurs de diamètre mesuré en bas : ces colonnes ont un commencement de cannelures au-dessous du chapiteau, et probablement elles étoient répétées au pied du fût. On en voit de semblables à Corinthe et an temple dit de Cérès, à Segeste en Sicile. Cela ne signifie autre chose, sinon que ce temple n’avoit pas reçu son ragrément, et n’avoit point été achevé. Nous avons expliqué cette particularité, ou plutôt ce procédé d’exécution, à d’autres articles. Voyez SEGESTE et CANNELURE.

THYRSE, s. m. Il n’entre point dans ce qui fait l’objet principal de ce Dictionnaire, de rechercher quelle fut l’origine de cet attribut mythologique de Bacchus. Il nous suffit de dire que l’espèce de lance donnée par les représentations de l’art à cette divinité, se composoit d’un long bâton, environné de lierre, et se terminant pur une pomme de pin. C’est ainsi que le décrivent Euripide, Virgile, Ovide et Sénèque. Quelquefois aussi il est orné de bandelettes.

Sur un trapézophore en marbre, gravé tom. 4, pl. 10 du Museo Pio Clementino, on voit deux thyrses très-grands, et peut-être les mieux caractérisés de tous ceux qu’on rencontre sur les monumens antiques. Ils sont entourés d’amples bandelettes, qui pendent avec grâce, et dont l’extrémité est garnie de petits rubans, ce qui donne l’idée du thyrse, qui dans la pompe d’Alexandrie, décrite par Athénée, étoit dans les mains de la figure colossale de Nysa.

Le thyrse, quoiqu’il soit l’arme, et par conséquent l’accessoire obligé des figures de Bacchus, peut encore être convenablement appliqué à tout ce qui tient aux représentations scéniques, parce qu’autresois elles étoient, ainsi que les théâtres, sous la protection immédiate de Bacchus.

Ainsi le thyrse peut se mettre au nombre des attributs symboliques que l’art de l’ornement appliquera, soit dans les frises, soit sur d’autres objets, à des salles de sestin ou de réjouissances, ou à des salles de spectacle.

TIBUR, aujourd’hui TIVOLI. Ville antique d’Italie, dans la Campagne de Rome, située à vingt


milles de cette ville, selon le calcul des anciens milles. Aujourd’hui, soit par la différence de la rente nouvelle, soit par celle du nouveau mille, on en évalue la distance à nu peu plus de dix-neuf.

La seule énumération des restes d’antiquité qu’on y voit, et auxquels les archéologues modernes ont donné des noms plus ou motus vérita-tables, alongeroit cet article sans aucune utilité. La belle position de Tibur, la magnificence de ses sites, et la proximité de Rome, en avoient fait autrefois le lieu de délices des riches et des grands. Une multitude de ruines sont aujourd’hui éparses dans son territoire, et ne servent plus qu’à donner l’idée, de ce que dut être jadis cette collection de palais, de maisons de plaisance et de monumens, qui se disputèrent les beaux aspects dont la nature est si prodigue en ces lieux.

Pour concevoir l’ancien Tibur tel qu’il fut aux temps de sa splendeur, il faudroit réunir à l’emplacement qu’il occupe aujourd’hui, les vastes espaces occupés par cette villa de l’empereur Adrien, qui eut plus d’étendue qu’un grand nombre de grandes cités, et toute cette partie de territoire qui commençoit au ponte Lugano. Obligés de resserrer ces notions dans un petit espace, nous ne parlerons que des monumens, dont le nom et la forme u’offrent aucun doute, et ensuite nous renverrons à l’article ADRIENNE (villa), où nous avons parcouru les nombreux fragmens d’édifices, qui composèrent ce prodigieux ensemble.

A partir donc du pont Lugano, distant de Rome de seize milles, la plus remarquable antiquité est le tombeau de la famille Plautia, qui, avec ceux de Cecilia Metella et de Cestius, est un des mieux conservés et des plus intègres. Il est en entier de pierre travertine, à l’exception des inscriptions, qui sont de marbre. Sur un soubassement quadrangulaire décoré d’un ordre ionique entremêlé de niches peu profondes, s’élève le corps du tombeau en forme ronde, couronnée par un entablement. Mais dans les temps modernes, on a converti ce monument funéraire en forteresse, et on y a ajouté des créneaux. On croit aussi qu’originairement la masse en fut ronde du haut en bas, et qu’on y ajouta postérieurement la partie de ce soubassement carré dont on a parlé, pour y placer les incriptions relatives à ceux qui depuis y surent inhumés.

Après ce tombeau, sur la même voie, ou trouve à main droite, dans la villa Gentili, les restes encore bien conservés de deux fort beaux sépulcres, connus sous le nom de tombeaux de Sereni. Leur construction est semblable, et consiste en petites chambres carrées, larges chacune de huit pieds. Au dehors ils sont revêtus de gros blocs de pierre travertine, et leur masse est surmontée d’un piédestal qui probablement, jadis, portoit nue statue. Sur une des faces d’un de ces piédestaux, est sculptée en fort beau marbre, une figure en pied qui tient un cheval par la bride. Quoique mutilé, ce bas-relief se recommande par une fort belle sculpture. Le bas-relief de l’autre sépulcre manque, mais on en voit le dessin dans le recueil des Sepolcri antichi par Pietro Santi Bartoli, pl. 48. On y avoit représenté deux figures en pied, l’une d’un homme, l’autre d’un enfant, près d’une table sur laquelle est une espèce de cercle, avec un oiseau dans le milieu ; sous la table est une figure ou de chien, ou de chèvre, ce qu’on ne sauroit distinguer. Ces deux restes d’antiquité sont aujourd’hui assez défigurés dans leur ensemble, par les masses de construction dont on les a surmontés. Toutefois faut-il s’en plaindre ? Peut-être, en effet, ont-ils dû leur conservation précisément à ce qui a semblé les rendre utiles, en les laisant servir de support à la bâtisse nouvelle. L’inutilité matérielle de ces sortes d’objets d’art, fut pendant trop long-temps la cause de leur destruction.

Les seuls monumens de l’ancien Tibur, dont on retrouve des restes dans la ville actuelle de Tivoli, qui lui a succédé, sont :

1º. Un temple qu’on dit avoir été d’Hercule, et qui s’élevoit à l’endroit aujourd’hui occupé par l’église cathédrale de Saint-Laurent, comme l’ont fait reconnoître les découvertes auxquelles ont donné lieu les fouilles opérées sur ce terrain. Derrière le chœur de l’église, il existe un reste de la cella de l’ancien temple. C’est un grand cul de four bâti en reticulatum, semblable à celui de la villa de Mécène. La courbe de cette partie de l’édifice, prouve que la cella avoit à peu près quatre-vingt-quatre palmes de diamètre.

2º. Le temple dit jadis de la Sibylle, appelé aujourd’hui de Vesta, monument circulaire trèsconnu, et mesuré nombre de sois par les architectes. Il s’élève précisément au-dessus de la cataracte de l’Anio, et il est peu de positions aussi remarquables par la variété des aspects. Aussi y a-t-il peu de monumens qui aient plus exercé le talent des peintres et des architectes. Il consistoit en un seul rang de colonnes autour d’un mur intérieur. Cette colonnade portoit sur un soubassement ayant en hauteur les deux tiers de celle de la colonne. Elle se composoit de dix-huit colonnes corinthiennes, cannelées, avec une base attique sans plinthe. Il ne reste plus que dix de ces colonnes, dont sept sont isolées, les trois autres sont engagées dans un mur de construction moderne. On y observe un renflement, c’est-à-dire que le diamètre au-dessous du chapiteau est moindre que celui de la colonne, mesurée au tiers de sa hauteur, à partir d’en bas. Le chapiteau dans sa hauteur a un peu moins du diamètre de la colonne. Ses feuilles sont celles de l’acanthe, plutôt que de l’olivier. L’ordre est couronné d’un entablement qui a de hauteur les deux onzièmes de la colonne. Sa srise est ornée de bucrànes, de festons, de fruits et de patères, symboles de sacrifices. On


lit sur l’architrave un reste d’inscription, qu’on a tenté de restituer. Les colonnes, ainsi que tous les ornemens, sont en pierre travertine ; mais plus d’un vestige démontre que le tout fut jadis revêtu de stuc, comme cela se voit également à Rome au temple de la Fortune virile. On montoit au temple par un escalier dont on reconnoît encore les vestiges. Le portique circulaire, formé par les colonnes et le mur de la cella, a de largeur deux diamètres de colonne. Son plafond est fort simple et n’est orné que de deux rangs de petits caissons avec rosaces. Lacella est construite en réticulaire incertain. L’intérieur, outre l’ouverture de la porte, étoit éclairé par deux fenêtres, dont les chambranles affectent la forme pyramidale. Le pavement ou le sol de l’intérieur est plus élevé que celui du portique. On y montoit par deux degrés dont les traces existent encore. Dans l’intérieur on voit une niche très-peu profonde, et qui ne se trouve point en face de la porte. On croit que c’est un ouvrage des bas siècles, lorsque le temple fut converti on église chrétienne. Cette nouvelle destination trouve un témoignage dans certains restes d’enduits, qui ont conservé des traces de peinture appartenant à des sujets chrétiens.

3º. Non loin du temple de Vesta, il en subsiste un autre quadrilatère, en tout semblable à celui qui, à Rome, a voisine le temple de Vesta, et qu’on appelle de la Fortune virile. Ce temple étoit prostyle, tétrastyle et pseudonériptère, c’est-à-dire n’ayant quatre colonnes qu à un seul de ses fronts, et celles des flancs étant engagées dans le mur de la cella des deux tiers de leur diamètre. Ses colonnes sont de l’ordre ionique, avec la base attique sans plinthe. Elles posent sur un soubassement général de pierres travertines compactes, lorsque le mur de la cella est d’un travertin poreux qu’on appelle cipolaceio. Aujourd’hui ce temple a perdu toute sa partie supérieure, moins un chapiteau assez dégradé dans sa partie postérieure. Une seule colonne de front est restée, c’est celle de l’angle à gauche. Le côté droit de l’édifice est engagé dans des bâtisses modernes. On montoit au temple par un escalier composé de sept gradins, aujourd’hui la plupart enterrés.

Dans la vigne d’un particulier on voit un édifice circulaire, vulgairement appelé tempio della Tosse, dénomination dénuée de preuves et de toute autorité, et d’autant plus arbitraire, que très-probablement cet édifice ne fut pas un temple. Beaucoup de particularités et de considérations tendent à prouver que ce fut plutôt un sépulcre, et sa construction l’annonce pour être des bas temps. La maçonnerie se compose de petits tufs quadrangulaires, mêlés avec des briques et beaucoup de ciment. L’intérieur a encore des restes du peintures chrétiennes. Il est à croire qu’à une certaine époque on fit de ce monument une petite église ou une chapelle rurale.

Une des ruines les plus considérables de l’ancien Tibur, après les vastes débris de la villa Adriana, est celle de la villa de Mécène. Il est difficile de s’en faire maintenant une juste idée, tant ses masses ont subi de dégradations. Pirro Ligorio, qui vit ce grand reste de construction beaucoup plus intègre, en fit une description abrégée qui peut donner quelqu’idée de sa forme ancienne.

A l’extrémité de la colline qui regarde la Campagne de Rome, s’élevoit cette magnifique maison de compagne sur de très-hautes substructions, qui rétablissoient le niveau dans son plan, comme on le voit encore du côté qui regarde l’Anio. Son élévation se composoit de deux ordonnances ou deux étages, l’inférieur orné d’un ordre dorique. L’ordre de l’étage supérieur étoit ionique. Il reste encore des parties du premier ; le second est entièrement détruit. C’est à ce dernier que doit avoir appartenu la colonne qui, bien que déplacée aujourd’hui, existe toujours sur les ruines près de la route. Cet ordre supérieur ne régnoit pas dans toute la circonférence du bâtiment, mais seulement dans le corps du milieu, où étoit l’habitation du maître. C’est cette partie qu’on voit encore dominer maintenant la masse des ruines, malgré tous les objets qui en masquent l’aspect.

La maison de campagne de Mécène, par la grande étendue de ses masses, interceptoit la voie Tiburtine, ce qui obligea de pratiquer un chemin couvert, qui subsiste encore sous le nom de Porta oscura. Une inscription transportée au Museum Vaticanum, nous apprend que ce chemin couvert avoit été pratiqué et construit par Lucius Octavius Vitulus et Caius Rustius Flavius, quatuorvirs, de l’avis du sénat.

Ce chemin couvert l’étoit par une voûte, percée à son sommet de fenêtres qui y introduisoient verticalement la lumière. Deux de ces couvertures existent encore, et l’on voit l’indication d’une troisième. Toute cette construction n’étoit autre chose qu’une partie formant le rez-de-chaussée. La position de l’édifice avoit obligé de bâtir un grand nombre de corridors les uns sur les autres. Il y avoit des pentes pratiquées en avant, et qui conduisoient à une réunion de degrés qui formaient une sorte de théâtre. Rien ne seroit plus difficile que de donner, par le discours, une idée précise d’un édifice dont les ruines incohérentes, sont devenues une matière de conjectures, que le laps des années rend de plus en plus incertaines.

Aujourd’hui les restes de la magnifique villa de Mécène, sont devenus des usines pour une fonderie de ser. C’est à cet effet qu’on a détourné une partie des eaux de l’Anio, qui, s’échappant sous les voûtes antiques, y forment des chutes et des cascades dont l’effet rend ce lieu extrêmement pittoresque. De là les eaux vont se précipiter dans la vallée où coule l’Anio, et forment, en tombant de la montagne, ce qu’on appelle les petites cascatelles.


En quittant la villa de Mécène, on trouve un reste de mur antique, construit de peperino en grandes pierres carrées, à l’instar des murs de Lanuvium et d’autres villes de l’ancien Latium.

TIERCER, v. agir. Ce est Réduire Au niveaux. On dit Que le pureau des tuiles ous des ardoises D’une couverture sérums tiercé à l’ordinaire, Qué Les Deux niveaux en recouverts de will be désastreuses ce est-à- ; en Sorte Que Si ce est de la tuile au grand moule, Qui a Douze A treize pouces de length, sur Lui give Quatre de pureau ous d’Échantillon.

Tiercerons, s. m. pl. Ce are, DANS LES voûtes gothiques, des ares Qui naîssent des angles, et se en vont Qui joindre aux liernes.

TIERCINE. Voyez PIÈCE DE TUILE.

TIERS-Point, s. m. Ce est le point de de la section Qui est au sommet de l’ONU d’triangle équilatéral. Les ouvriers le nomment AINSI, Parce Qu’il est Le Troisième point après Les Deux Qui sont à la base.

TIERS-POTEAU, Sm Pièce de bois de sciage, de Trois sur Cinq pouces et demi de grosseur, Faite D’UN poteau de Cinq et septembre pouces resendu. This pièce SERT verser les cloisons légères, et Celles Qui présage à faux.

TIGE, s. f. On a quelquesois donné ce nom, à ce qu’on appelle généralement aujourd’hui le fût d’une colonne. Mais on le donne avec beaucoup plus de propriété, à la partie montane d’un candélabre. Ce nom emprunté aux arbustes et aux plantes, convient particulièrement à cette espèce de candélabres en bronze, trouvés en fort grand nombre, sous les cendres qui ont enseveli Pompeia, et qui sont une imitation formelle des tiges de beaucoup de plantes.

TIGE DE FONTAINE. C’est le nom qu’on donne à une espèce de balustre creux, ordinairement rond, qui sert à porter une, ou plusieurs coupes, l’une sur l’autre, dans les fontaines en cascades. Cette tige à chaque étage reçoit un profil différent.

TIGE DE RINCEAU. On appelle ainsi une espèce de branche ordinairement eu enroulement, qui semble sortir d’un culot ou fleuron, et qui, dans ses circonvolutions, porte les feuillages d’un rinceau d’ornement.

TIGETTE, s. f. Ce est, Dans le chapiteau corinthien, juin Espèce de tige ous cornet ordinairement cannelé et orné de seuilles, D’où naîssent les volutes et les hélices.

TIL, s. m. Ecorce d’arbre Dont le fait les cordes à puits, et Dont les appareilleurs nouent des morceaux déliés les uns au bout des Autres, pour faire juin Longueur Nécessaire au tracement de Leurs EPURES. ( Voyez EPURE.) This Sorte de cordeau un TEC avantage, de point de ne s’alonger Comme la corde ordinaire.

TIMPAN ou TYMPAN, s. m. Mot dérivé du grec tympanon et du latin tympanum, tambour.

Nous avons déjà vu le mot tambour appliqué à désigner les tronçons de pierre, dont on forme les fûts des colonnes, qui se composent de plusieurs assises, ou encore le corps du chapiteau corinthien qu’on orne de feuillages. Cette désignation a été empruntée a la forme de l’instrument de percussion qu’on appelle ainsi, et qui est revêtu par ses deux extrémités d’une peau tendue. Mais il y avoit chez les Grecs un genre de tambour, et c’est celui qu’ils appeloient tympanon, qui consistoit en une peau tendue d’un seul côté. Les antiquaires ont même remarqué qu’on ne trouve sur aucun monument antique le tambour à deux peaux. Il paroît que c’est de là que le langage aura emprunté la dénomination de tympanum, donnée à cette partie du fronton, qui se trouve encadrée par les trois corniches, l’une horizontale, et les deux autres rampantes, d’un faîtage triangulaire, ou par deux seulement, si le fronton est circulaire.

Dans le modèle primitif de l’art, c’est-à-dire dans la construction en bois, l’intervalle qu’on vient de définir, entre les solives inclinées ou chevrons, et la poutre horizontale ou le sommier, devoit rester vide. C’est ce qu’on appelle vulgairement grenier. Mais il fut naturel de le fermer avec des planches, et ainsi, lorsque la pierre fut employée à refaire ce qu’avoit fait le bois, il fut encore plus nécessaire d’établir d’une manière solide, le fond compris entre les corniches, et qu’on nomme tympan.

Le timpan resta donc, ou du moins put rester lisse, et nous voyons qu’on le laisse encore souvent ainsi dans plus d’un édifice. Cependant il étoit difficile que le goût de la décoration, à mesure qu’il s’étendit et s’accrut, e cherchât point à s’emparer d’un espace aussi favorable aux travaux de la sculpture ; et les timpans des frontons furent ornés de figures soit de bas-relief, c’est-à-dire prises dans la masse même du fond, soit en statues de ronde bosse, c’est-à-dire adossées au timpan. Voyez le mot FRONTON.

TIMPAN D’ARCADES. Par suite de l’analogie qui a fait donner le nom de timpan au fond compris entre les corniches d’un comble, on l’a donné à cet espace triangulaire qui occupe les encoignures d’une arcade. Les plus simples timpans de cette espèce consistent uniquement en une table renfoncée ; mais ils reçoivent des ornemens de plus d’un genre.

Quelquefois on y placera, selon la nature ou la


destination du monument, des branches de laurier, d’olivier ou de chêne, des palmes avec couronnes, des trophées et des festons. Tous ces objets, selon qu’ils comporteront plus ou moins de richesse, conviendront au dorique où à l’ionique.

Les timpans les plus riches appartiendront surtout aux arcades accompagnées de colonnes corinthiennes. Ainsi on les voit dans un grand nombre d’arcs de triomphe décorées des figures volantes, soit de renommées, soit de victoires. Les arcades corinthiennes de plus d’une église, ont dans leurs timpans des figures assises de femmes, ou autres personnages, représentant des vertus et autres sujets allégoriques.

Quelquesois l’on a exagéré, dans la sculpture des timpans, la saillie quil convient de donner aux figures. On trouve des exemples de cet excès, à plusieurs timpans des arcades de la nes de Saint-Pierre à Rome. Certaines de ces figures non-seulement débordent, par leur saillie, l’épaisseur du cadre qui les circonscrit, mais elles offirent des parties que leur isolement fait sortir des convenances du bas-relief.

TYMPAN DE MACHINE. On appelle ainsi une roue creuse, c’est-à-dire un cylindre qu’on nomme aussi roue à tambour, que l’on met en mouvement au moyen de plusieurs hommes qui marchent dans son intérieur pour la saire tourner. Cette sorte de machine est appliquée aux grues, aux calandres, et à certains moulins.

TIMPAN DE MENUISERIE. Panneau dans l’assemblage du dormant d’une baie de porte ou de croisée, qui est quelquesois, éivdé et garni d’un treillis de ser, pour donner du jour. Cela se pratique aussi dans les timpans de pierre.

TIRANT, s. m. Longue pièce de bois, qui, arrêtée à ses extrémités par des ancres, sous une serme de comble, sert à en empêcher l’écartement, et empêche aussi celui des murs qui la portent. Il y avoit jadis beaucoup de ces tirans, et il en reste encore dans quelques vieilles églises. Ils sont chansreinés, et à huit pans, et on les a assemblés avec le maître entrait du comble, par une aiguille ou un poinçon.

TIRANT DE FER. Grosse et longue barre de fer, aveu un œil ou trou à l’extrémité, dans lequel passe une ancre, pour empêcher l’écartement d’une voûte, pour retenir un mur, un pan de bois, ou une fourche de cheminée.

TOISE, s. f. Nom d’une mesure dont la grandeur varie selon les lieux, Celle qu’on appelle toise de Paris, et dont on fait le plus ordinairement usage, est de six pieds de Roi.

On donne le nom de toise aussi bien à la mesure mesure qu’à l’instrument avec lequel on mesure. Cet instrument est communément une règle de bois. On croit que ce mot vient du participe tensus, tensa, qui a fait tesa en italien, et qui exprime l’idée d’un corps étendu.

TOISE A MUR. C’est une réduction de plusieurs sortes d’ouvrages de maçonnerie, par rapport à une toise de gros mur. Ainsi ou dit toiser à mur, de gros ou de légers ouvrages.

TOISE COURANTE. Toise qui est mesurée suivant sa longueur seulement, comme une toise de corniche, sans avoir égard au détail de ses moulures ; comme une toise de lambris, sans considérer s’il est d’appui ou de revêtement.

TOISE CUBE, SOLIDE ou MASSIVE. Toise qui est mesurée en longueur, largeur et profondeur. Elle contient deux cent seize pieds.

TOISE D’ÉCHANTILLON. On appelle ainsi la toise de chaque lieu où l’on mesure, quand elle est différente de celle de Paris.

TOISE DE ROI. C’est la toise de Paris, dont on se sert dans tous les ouvrages publics, sans avoir égard à la toise locale des différens pays où se font ces ouvrages.

TOISE CARRÉE ou SUPERFICIELLE. Toise qui est multipliée par ses deux côtés, et dont le produit est de trente-six pieds.

Toise, s. m. On appelle of cette nom le mémoire ous dénombrement in writing, des toises Qui entrent Dans la Mesure de each Sorte d’ouvrages, ne pas se composer de la Construction d’un bâtiment. Le CE faittoise pour Juger de la dépense, ous pour Estimer et regler les prix et les Quantités those mèmes ouvrages. Voyez ci-aprèsToiser.

TOISER, v. act. C’est mesurer nu ouvrage avec la toise, soit pour en prendre les dimensions, soit pour en saire l’estimation. On dit retoiser. C’est toiser de nouveau le même ouvrage, ce qui a lieu lorsque les experts ne sont pas d’accord entr’eux sur le toisé.

TOISER A TOISE BOUT AVANT. C’est toiser les ouvrages sans retour ni demi-face, et les murs tant plein que vide ; le tout carrément, sans avoir égard aux saillies, qui doivent néanmoins être proportionnées au lieu qu’elles décorent.

TOISER AUX US ET COUTUMES. C’est mesurer tant plein que vide, en y comprenant les saillies, en sorte que la moindre moulure porte demi-pied, et toute moulure couronnée un pied, lorsque la pierre est piquée, et qu’il y a un enduit, etc.


TOISER LA COUVERTURE. C’est mesurer la superficie d’une couverture, sans avoir égard aux couvertures, ni aux croupes, et en évaluant les lucarnes, yeux de bœuf, arestières, égouts, faîtes, etc. , eu toises ou pieds, suivant l’usage.

TOISER LA TAILLE DE PIERRE. C’est réduire la taille de toutes les façons d’une pierre, aux paremens seulement mesurés à un pied de hauteur, sur six pieds courans par toise.

Lorsque ce sont des moulures, chaque membre, couronné de son filet, est compté pour un pied de toise, dont les six font la toise, c’est-à-dire que six membres couronnés sur une toise de long, qui ne sont comptés que pour une toise à l’entrepreneur, sont comptés pour six toises au tailleur de pierre qui travaille à la tâche.

TOISER LE BOIS. C’est réduire et évaluer les pièces de bois, de plusieurs grosseurs, à la quantité de trois pieds cubes, ou de douze pieds de long, sur six pouces de gros, réglée pour une pièce.

TOISER LE PAVÉ. C’est mesurer à la toise carrée superficielle, sans aucun retour. Le prix est différent selon l’ouvrage. Les ouvrages de sortifications se toisent à la toise cube, dont 216 pieds sont la toise.

TOISEUR, s. m. Sur Donne CE nom à Celui Qui Mesure Avec la toise Toutes Les partis d’ONU bâtiment. Il Doit connoître les Principes de géométrie, sur Lesquels Sont sondées Toutes Les opérations Du toise, et Être au SAIT des nous et coutumes de each paie.

TOIT, s. m. Trois mots, que l’usage a rendus synonymes, expriment en français cette partie de construction, qui sert à couvrir les édifices. Ces mots sont comble, couverture et toit. Comme il n’y a point de parsaits synonymes, nous avons déjà cherché à établir une différence et d’emploi et de signification, entre les deux premiers. Nous avons pensé que le mot comble, dérivé soit de culmen (faîte), soit deculmus (chaume), signifioit plus spécialement cette sommité de l’édifice, et ce que nous appelons le point culminant, dans tout objet, et tout corps qui se sait remarquer par son sommet. Or, ce qui produit dans les bâtimens l’effet qu’expriment le mot culmen en latin, et le mot comble en français, c’est très-certainement la charpente, on l’assemblage des bois qui forment leur tête ; et c’est m mot comble, que nous avons réuni le plus grand nombre des notions historiques, théoriques et pratiques, dont la nature des choses, les besoins divers, selon les pays et les climats, et les lois de la construction, fournissent une ample matière. (Voyez COMBLE.) Nous avons pensé que le mot couverture, présentoit dans sa signification propre, une idée assez distincte, lorsqu’on sépare en deux parties, sous chacun des deux mots comble et couverture, ce que l’usage, à la vérité, consond assez souvent sous l’un ou sous l’autre. Car on observe que si le comble peut être pris pour couverture, celle-ci cependant a pour emploi particulier, de devenir la couverture même du comble, ou du bâtis de charpente dont il est formé. C’est donc au mot couverture que nous avons sait l’énumération et donné la description de toutes les manières de couvrir les combles des édifices, soit en tuiles de toute espèce, soit en ardoises ou dalles de pierre, soit en bardeaux, soit en plomb, soit en autres métaux.

Maintenant, si nous cherchons la signification propre du mot toit dans le mot tectum, substantif, fait du participe du verbe tegere, couvrir, nous voyons qu’il saut l’entendre, mais d’une manière plus générale, comme étant cette partie d’un bâtiment, qui couvre toutes les autres. Entendu ainsi, le tectum pourroit s’appliquer non-seulement aux combles en assemblage de charpente, mais aussi aux terrasses. Cependant, en français, le mot toit désigne exclusivement ce que nous avons vu être signifié par le mot comble. Nous croyons seulement que toit se dit plus vulgairement, et s’applique plus communément à toute espèce de bâtisses, même de l’ordre le plus inférieur, tandis que comble semble convenir davantage, dans le langage de l’architecture, aux monumens, et aussi à quelques-unes de leurs sommités, où le bois n’entre point, et qui seront des voûtes construites en pierres ou en maçonnerie. Ainsi, lorsqu’un édifice, comme le l’anthéon d’Agrippa à Rome, se termine en voûte sphérique, on ne donnera point à cette voûte le nom de toit, mais bien celui de comble, et on dira qu’il y a sur ce comble une couverture de métal.

Du reste, pour toutes les variétés de sorme, de construction et de disposition qu’on peut donner au toit, nous renvoyons le lecteur aux mots COMBLE et COUVERTURE.

TOLE, s. f. Nom Que l’sur Donne à du SER en lames, OU seuilles Plus ou moins déliées et battues au marteau. La serrurerie l’Emploie à divers ouvrages, tells Que les cloisons de serrures, les platines des Targettes et Verroux. On en fait des tuyaux de poêles. La tôle SERT encore DANS L’ornement. Sur la découpe en Plus d’Manière non, et sur Lui sait Produire des seuillages, des fleurons, des rosaces et Autres objets, Qui reçoivent des couleurs, et PEUVENT Figurer en certains Endroits, à l’instar des ornemens en pierre.

TOMBE, s. f. Mot sormé du mot gree tumbos, qui exprimoit, comme il exprime encore généralement aujourd’hui, le local destiné à recevoir le corps mort.


On trouve dans le plus grand nombre des lexiques, que selon l’usage de la langue, tombe signifie cette dalle de pierre, on cette tranche de marbre dont on couvre une sépulture, et qui sert de pavé dans une église ou dans un cimetière. Il nous semble que c’est beaucoup trop restreindre la signification et l’emploi de ce mot. Quel qu’ait été, ou quel que soit encore l’usage de placer des pierres horizontales que l’on couvre d’épitaphes, sur les corps morts, il paroît qu’on ne les a nommées tombes que par suite de l’usage qui fait donner si souvent le nom du tout à ce qui n’en est, ou n’est censé en être qu’une partie. Et effectivement, il est assez certain que jadis les morts, sur les corps desquels on plaçoit ces tables de pierre ou de marbre, étoient enterrés dans un cercueil soit de bois, soit de plomb, soit de pierre, qui devoit avoir aussi le nom de tombe. Ce nom fut toujours synonyme de cercueil. Quelques endroits même ont tiré leur surnom, de l’exploitation qu’on y saisoit de pierres taillées en tombes, et dont on trouve encore d’assez nombreux dépôts. Voyez QUARRÉES-LES-TOMBES.

Si l’on consulte certaines locutions métaphoriques, que l’usage a consacrées, comme descendre dans la tombe, être à moitié dans la tombe, sortir de la tombe, il sera prouvé que tombe, en français, exprime la même idée et le même usage, que cercueil, sarcophage, et même, tombeau, quoique ce dernier mot, comme on a eu déjà l’occasion de le remarquer, au mot SÉPULCRE, soit devenu le mot le plus généralement appliqué aux idées, aux objets, aux usages, et aux monumens funéraires, tant de l’antiquité que des temps modernes. Voyez l’article suivant.

TOMBEAU, s. m. C’est par ce mot, ainsi qu’il vient d’être dit, qu’on désigne le plus ordinairement, en français, la demeure des morts. Quoiqu’une multitude d’usages particuliers, et de pratiques funéraires locales, aient singulièrement multiplié, tant chez les Anciens que chez les Modernes, les sormes données à la sépulture, et par conséquent les mots que le langage ordinaire, ou la langue métaphorique, ont appliqués à la désignation de ces formes et de leurs variétés, cependant on doit dire qu’il en est peu que l’on ne puisse, en srançais, appeler du nom de tombeau. Cette expression étant la plus usuelle, ce seroit très-probablement sous ce titre, que placeroit l’histoire des diverses inventions de l’art en ce genre, l’écrivain qui voudroit, dans un ouvrage exprès, en réunir toutes les notions. Mais autre est la méthode d’un Traité, autre est celle d’un Dictionnaire. Dans cette dernière forme d’ouvrage, on est sorcé de décomposer chaque matière, et d’en répartir les notions sous chacun des mots, qui en expriment ou les parties ou les variétés. Lorsque beaucoup de mots synonymes en apparence, se sont accrédités par l’usage, le devoir du lexicographe est d’en faire discerner les nuances, et d’en placer les notions limitrophes, aux mots respectifs qui les expriment.

C’est ce que nous avons pris à tâche de faire à chacun des articles, qui, sous des noms divers, renferment les documens et les faits relatifs aux pratiques des sépultures, chez tous les peuples.

Ainsi on ne doit pas s’attendre de trouver au mot TOMBEAU, quoique devenu en quelque sorte générique dans notre langue, l’ensemble des détails historiques, théoriques ou descriptifs, que l’on pourroit aimer à trouver réunis. Nous ne pourrions satisfaire à ce desir, qu’en répétant ici ce que nous avons exposé, décrit et détaillé déjà dans un grand nombre d’articles. Nous nous bornerons donc, sur un sujet aussi étendu, à faire ce que nous avons pratiqué à l’égard de quelques autres du même genre, c’est-à-dire à concentrer dans le moins d’espace qu’il sera possible, les notions générales que cet objet comporte, en parcourant brièvement les différences caractéristiques des tombeaux anciens et modernes, et les principaux exemples de leurs variétés. Cet exposé sommaire, en nous forçant de renvoyer le lecteur à tous les articles, où se trouvent les détails et les particularités de la matière, le mettra à portée de réunir, ce que nous avons été obligés de désunir, et lui montrera, que nous n’avons rien omis de ce qui pourroit fournir les matériaux d’un corps complet, sur cette partie de l’art et de l’architecture.

Partout où il a existé des hommes réunis en société, on a trouvé, et l’on trouve partout où il en existe, la pratique de certains usages et de certains soins qui ont eu, et qui ont pour objet, d’une part, la sépulture des morts, d’autre part, la conservation, n’importe à quel degré, des dépouilles de l’homme. Il faut laisser à d’autres et à d’autres ouvrages, de rechercher dans les diversités des pays et des climats, dans les variétés des croyances et des opinions religieuses, toutes les causes locales et particulières qui ont influé sur ces usages.

Mais entre ces causes, il en est deux qui reposent, l’une sur un besoin matériel, et l’autre sur une sorte d’instinct ou de sentiment naturel, et qui peuvent rendre compte des pratiques les plus usuelles de la sculpture, et des motifs qui ont multiplié partout les tombeaux ou les monumens funéraires.

Il ne s’agit d’abord que de se représenter dans l’état, qu’on se plaît à nommer de nature, la plus grossière société d’hommes, réunis par les besoins les plus simples. Sans doute ils dûrent éprouver celui de se soustraire aux effets de la putréfaction des corps ; et l’on comprend, comment partout il fut aussi naturel que nécessaire d’enfouir les cadavres, et de les rendre à la terre. De là les mots inhumer, inhumation. Disons d’a-


vance qu’ici, comme à l’égard de presque tous les ouvrages des hommes, on trouve le type originaire de ce qu’ils ont fait de plus grand, précisément dans ce qui semble en être le plus éloigné. Or, nous avons déjà fait voir aux mots TUMULUS et PYRAMIDE, qu’entre la petite butte de terre, produite par la fosse creusée, et la grande pyramide de Memphis, il n’y a de différence, que celle de quelques centaines de pieds. Dès que les sociétés s’étendirent, et que des villes se sormèrent et s’agrandirent, un devoir de la police de ces villes, fut, de pourvoir à leur salubrité, en éloignant des habitations des vivans, les lieux destinés à recevoir les nombreuses générations que la mort y entasse continuellement. On dut, selon les pays et les terrains, établir soit des cimetières entourés de murs, soit des hypogées ou catacombes. Plus d’un procédé fut employé à procurer l’anéantissement des corps, ou à obtenir qu’ils occupassent le moins d’espace qu’il fût possible. On peut croire que la combustion ou la crémation aura eu, dans certains temps, pour objet, de conserver, et de réduire à la fois au moindre volume les restes des individus. Quelques-uns ont cru encore, que la méthode de l’embaumement en Egypte, avoit dû sa naissance à quelques lois sanitaires, dictées par le climat et les particularités de ce pays. On voit qu’il ne nous appartiendroit pas, d’entrer plus avant dans les considérations de cette nature. Il suffit que nous trouvions là de quoi rendre compte d’un grand nombre de monumens funéraires.

Mais la seconde cause dont nous avons parlé, celle qui repose sur une sorte de sentiment moral commun à tous les peuples civilisés, est devenue partout une source beaucoup plus séconde en ouvrages d’art et d’architecture. Il s’agit de ce desir que la nature a mis chez tous les hommes, de prolonger leur existence physique, mais qui transformé par une nouvelle passion, celle de la gloire, leur fait ambitionner de se survivre, en prolongeant leur mémoire bien au-delà du terme de la vie humaine. On a rendu plus d’une raison du soin de la conservation des corps. On a présumé que l’opinion de leur résurrection, chez plus d’un ancien peuple, avoit suggéré tous les moyens les plus propres à les préserver de la violation, en les cachant, ou en les enfermant sous les masses de construction les plus volumineuses. Toutesois il est à croire que chez le plus grand nombre des peuples, le sentiment d’une immortalité vaniteuse, créa le plus grand nombre des tombeaux. Il faut lire les innombrables épitaphes que l’antiquité nous a transmises, dans les débris des villes et des empires, pour s’expliquer la puissance et tout à la fois le néant de cet orgueil, qui fit croire si souvent, qu’il importeroit à la postérité de connoître les noms d’hommes, qui étoient inconnus de leur vivant. On comprend toutefois que les tombeaux ont dû devenir aussi des espèces de monumens politiques, et servir, comme les statues honorifiques, de motifs, pour rendre durable le souvenir des hommes qui avoient bien mérité de leurs contemporains. Il fut en effet naturel de faire servir à perpétuer leurs noms, les lieux mêmes où reposoient leurs corps. C’etoit un moyen d’assurer aux uns et aux autres une garantie réciproque. De cet usage naquit celui d’élever aux hommes célèbres, dont plus d’un pays réclamoit l’honneur, des tombeaux vides ou simulés, qu’on appela cénotaphes. Les tombeaux surent aussi, et seront encore partout, les témoiguages d’un assez grand nombre d’affections particulières, où les sentimens naturels de l’amour, de la reconnoissance, cherchent des consolations, allègent la douleur en la nourrissant.

Telles furent, à ce qu’il nous semble, les principales causes qui ont fait ériger chez tous les peuples anciens et modernes, cette multitude de monumens, qui dans des formes si variées, et sous tant de noms divers, sont une des plus grandes et des plus curieuses parties de l’histoire des arts. Du moins nous croyons, que la revue rapide que nous allons en saire, en partant des peuples les plus anciens, jusqu’aux temps actuels, pourra mettre le lecteur à même d’appliquer charune des causes qu’on a indiquées, à chacune des pratiques et des inventions qui leur correspondent.

En commençant par l’Egypte, point de départ ordinaire de toutes les notions qui entrent dans l’histoire des arts, nous voyons que nulle part les moyens propres à empêcher les effets d’insalubrité, causés par la dissolution des corps, ne furent pratiqués avec autant de soin. L’embaumement paroît avoir été prescrit, avant tout, par le principe de police sanitaire. Si d’autres vues conseillèrent encore les pratiques de, la conservation des corps, il faut convenir qu’aucun peuple n’y a réussi à l’égal des Egyptiens. On retrouve, après quelques milliers d’années, dans un parfait état d’intégrité, les corps qui avoient reçu les préparations usitées. On les enfermoit dans certaines caisses ou gaînes (voyez GAINE) faites le plus souvent en bois et précieusement peintes. D’autres étoient taillées en pierres dures et en marbres de toute espèce. C’est en cet état que les corps, selon le rang on la richesse des personnes, ou trouvoient un asyle particulier dans les sépulcres qu’on leur bâtissoit, ou alloient se ranger dans les hypogées (voyez ce terme), et ce que nous appellerions les cimetières publics, vestes souterrains creusés en divers lieux, d’où l’on ne cesse d’extraire, depuis des siècles, ce qu’on appelle des momies, c’est-à-dire les corps des anciens Egyptiens, conservés par les procédés de l’embaumement.

Le peuple égyptien, borné de tous côtés dans son territoire par la nature, dut être avare de son terrain ; et c’est peut-être là, une explication à donner, entre plusieurs autres, des innombrables excavations que l’on trouve en Egypte. Il


y eut, en quelque sorte, une Egypte souterraine, habitée par les morts. Ainsi les montagnes de la Thébaïde renfermèrent dans leur sein, des sépulcres creusés à plusieurs étages, et qu’on présume avoir été les secrets dépositaires des corps mêmes des rois. Ces tombeaux souterrains étoient ornés avec le même art, distribués avec le même goût, et brillans des mêmes peintures que les édifices construits, ainsi que nous l’a sait voir celui dont M. Belzoni a transporté en Europe l’image fidèle et complète.

Les monumens creusés en Nubie, et entr’autres celui d’Ibsamboul, qui fut, à ce qu’on croit, le tombeau d’un roi, quelques-uns disent de Sésostris, offrent de très-prodigieux exemples des sépultures Souterraines ; il est à remarquer que toute cette partie supérieure de l’Egypte ne présente aucune indication de pyramide.

C’est à la basse Egypte, et ce sut, à ce qu’il paroît, à la nécropole de Memphis, qu’appartinrent les masses plus ou moins énormes des sépulcres construits en pyramides, constructions qui paroissent avoir exercé l’ambition de plusieurs règnes successifs. (Voyez PYRAMIDE.) Ce genre de monument peut avoir trouvé son origine et ses modèles, également dans les montagnes creusées dont on vient de parler, et dans les montagnes artificielles qu’on dut élever d’abord, sur les terrains en plaine, pour y déposer les tombes des morts, et pour leur servir de monument extérieur. On ne doute point que le plus grand nombre des pyramides de Memphis ne soient, dans ce qui en est le fond, ou si l’on veut le noyau, des monticules naturels ou artificiels, où l’on creusa des conduits en pierre, et qui surent revêtus d’une maçonnerie en blocage, qu’on façonna pour figurer les quatre faces, recouvertes enfin d’assises de pierres, ou d’autres matériaux plus précieux. Voyez l’article PYRAMIDE.

Les voyageurs qui ont parcouru les côtes adjacentes ne l’Egypte et de l’Afrique, et les bords de ta Méditerranée, rapportent qu’elles sont couvertes de monticules, qu’ils soupçonnent être des tumulus. Or, tels paroissent avoir été les tombeaux primitifs de la Grèce, et de beaucoup d’autres pays, qui eurent d’anciennes communications avec elle. Ces tombeaux de la Troade qu’on appelle d’Achille et d’Ajax, étoient des tumulus dont les fouilles out fait reparoître les objets qu’on y avoit enterrés. Rien de plus commun dans les descriptions des écrivains, que ces tombeaux qu’ils appellent χωμα γης, amas de terre. Le magnifique tombeau d’Alyates, roi de Lydie, consistoit principalement dans une énorme levée de terre. (Voyez TUMULUS.) L’usage le plus ordinaire étoit d’environner le tumulus d’un mur par en bas, et de placer à sa cime, un cippe ou une colonne.

Généralement, en Grèce proprement dite, le luxe des tombeaux fut resserré dans des limites assez étroites, ce qu’on explique par la nature des gouvernemens populaires, par certaines lois somptuaires, et surtout par le peu de richesses des petits Etats dont ce pays se composoit. Aussi découvre-t-on dans les restes de ses villes, fort peu d’édifices funéraires. Le tombeau qu’on appelle d’Atrée, est ce qu’on peut citer de plus grand en ce genre, et c’est encore une fort modique construction. Pausanias, dans sa description de la Grèce, ne nous a effectivement donné la notion d’aucun grand monument sépulcral, exécuté en cette contrée. Lorsqu’il parle du tombeau d’AEpytus, dont Homère avoit fait mention, et qui n’étoit autre chose qu’un tertre de terre peu considérable, entouré d’un soubassement de pierre, il remarque avec raison que si le poëte l’avoit admiré, c’est qu’il n’avoit rien vu de plus beau. Et il ajoute que pour lui, il connoissoit plusieurs tombeaux dignes d’admiration ; mais qu’il se contentera de citer ceux de Mausole à Halicarnasse, et d’Hélene à Jérusalem. Lorsqu’on voit Pausanias aller chercher hors de la Grèce, proprement dite, les exemples de tombeaux magnifiques, et quand on observe que sa description n’en a fait admirer aucun dans ce pays, on peut, en rapprochant cette double particularité, du si petit nombre de tombeaux ruinés, qu’on rencontre en Grèce, conclure que, très-probablement, les grands ouvrages de ce genre dûrent y être autrefois fort rares.

Quoique rien ne nous ait fait connoître, jusqu’à présent, de quelle nature étoient, dans ce pays, les lieux destinés aux sépultures publiques, on ne laisse pas d’y découvrir une assez grande quantité de petits monumens, en forme de cippes funéraires ornés de bas-reliefs, où sont représentés probablement les personnages morts. Mais où étoient-ils autrefois situés ? Etoit-ce sur le lieu même des sépultures, en plein air, ou dans des intérieurs de tombeaux ? C’est ce que nous ignorons. Voyez CIPPE.

L’ouvrage le plus célèbre et le plus renommé de l’antiquité grecque, en fait de tombeau, fut effectivement le monument funéraire, à Halicarnasse, du roi Mausole, dont le nom désigna depuis les plus grands travaux de ce genre. A l’article MAUSOLÉE (voyez ce mot), nous croyons avoir indiqué, avec assez de vraisemblance, l’origine et les modèles des édifices semblables à celui de Mausole, dans ces immenses constructions de bûchers, dont l’histoire nous a conservé plus d’une mention, et que la description du bûcher d’Héphastion, par Diodore de Sicile, nous représente comme des prodiges de dépense et de luxe architectural. Nous verrons bientôt reparoître chez les Romains, et les traditions de ce genre de monumens funéraires, et les imitations qu’on en fit, dans les tombeaux des empereurs.

La partie méridionale de l’Italie, qui porta jadis le nom de grande Grèce, offre depuis un demi-siècle, aux recherches, du genre de celles


qui nous occupent, la matière la plus abondante et la plus curieuse. Près d’un grand nombre de villes, dont il restoit à peine des vestiges, on a retrouvé des lieux de sépulture souterraine, qui répondent, en quelque sorte, à ce que nous entendons aujourd’hui parcimetière. Non qu’on prétende qu’ils fussent ce que nous dirions des cimetières publics. Les tombeaux ou sacrophages qu’on y découvre, rangés quelquefois à plusieurs étages, les uns sur les autres, dans des espaces creusés exprès, au sein ou sur la pente des montagnes, furent encore des objets de dépense fort au-dessus des moyens de la multitude. Nous renverrons le lecteur, pour plus de détails sur cette matière, au mot SEPULCRETUM. Mais nous devons ajouter que c’est dans ces sortes de tombeaux, qu’on découvre journellement de ces vases de terre cuite ornés de peintures, et de compositions dessinées au simple trait, ouvrages de l’art grec souvent le plus élégant et le plus parfait, que de fausses notions firent autrefois attribuer aux Etrusques.

Quelques vases de même nature trouvés en Etrurie, quoique d’un art fort inférieur, et le manque de critique sur le goût et les ouvrages de cette antique contrée, purent occasionner l’équivoque de cette dénomination, donnée au plus grand nombre de ces vases. Toutefois il résulte de là une conformité d’usage entre les Etrusques et les Grecs, si cependant cette pratique de placer des vases dans lestombeaux des morts, pratique dont on rend plus d’une sorte de raison, ne fut pas plus générale qu’on ne peut le dire. L’Etrurie, au reste, du moins si l’on entend parler de ce pays, avant la domination des Romains, paroît avoir porté très-loin le luxe des tombeaux, à en juger par la description que Pline a donnée, d’après Varron, du célèbre tombeau de Porsenna, composé de plusieurs rangs de corps pyramidaux, s’élevant en retraite les uns au-dessus des autres, et sous la masse desquels avoit été creusé un vaste labyrinthe. Toutes ces choses donnent à croire qu’il y eut fort anciennement des imitations de goût, ou simplement des rencontres naturelles d’idées, entre les Egyptiens et d’autres nations contemporaines. Au nombre des tombeaux et autres monumens funéraires que l’on trouve encore aujourd’hui en Etrurie, il faut compter d’assez grands hypogées, tels que ceux de Corneto, qui avoient été ornés de peintures, plus des urnes cinéraires ou des sarcophages, que leur style et leurs inscriptions en caractères étrusques, ne permet pas de confondre avec les ouvrages des Romains, mais auxquels ou ne sauroit assigner une date certaine, la langue et l’écriture étrusques s’etant maintenues, long-temps après la conquête de ce pays par les Romains.

S’il est naturel que le luxe et la magnificence des tombeaux, soient une conséquence de la richesse de ceux qui les commandent, ou pour qui on les élève ; si, en outre, la vanité ou l’orgueil, qui accompagnent ordinairement la sortune, furent les premiers ordonnateurs de ces monumens, il devoit arriver que le peuple romain surpassât, en ce genre, tout ce qui l’avoit précédé, soit en nombre, soit en grandeur, soit en diversité. Nous avons eu déjà lieu de mettre en parallèle pour la dépense, avec la plus grande pyramide d’Egypte, le tombeaude l’empereur Adrien, entre plusieurs autres du même genre à Rome (voyez PYRAMIDE), et il nous a semblé, comme il semblera à tous ceux qui savent combien, en architecture, la main d’œuvre et ce qu’on appelle vulgairement façon, l’emporte sur le simple équarrissage des pierres, que chaque grand tombeau romain, avec ses innombrables ornemens, dut coûter beaucoup plus que chaque pyramide.

Quant à la diversité des tombeaux, on peut croire que Rome avoit épuisé tout ce que l’esprit humain peut imaginer. Le nombre des restes qui en existent, surpasse peut-être celui de tous les restes qu’un découvre dans toutes les autres ruines des villes antiques. En parlant du magnisique tombeau d’Auguste, Strabon nous apprend que lorsqu’on entroit dans Rome, du côté où est situé le reste de ce mausolée, il y avoit là comme une sorte de nécropolis où les monumens étoient si multipliés, qu’on prenoit de loin cette ville de morts pour la ville même de Rouie. Eh bien, sur cet immense emplacement, il ne reste pas aujourd’hui le moindre vestige qui puisse attester l’existence de cette ancienne population de tombeaux.

Cependant Rome a conservé assez de ces monumens dans son enceinte, et dans ses environs, pour qu’on puisse y recueillir des exemples de toutes les espèces de tombeaux qu’on voit ailleurs. Nous ne pouvons que rappeler ici, ce qui a fait avec assez d’étendue, la matière de l’article PYRAMIDE, où l’on a montré l’emploi de cette forme sépulcrale dans plus d’un tombeau romain, construit soit à l’instar des pyramides d’Egypte, comme le monument de C. Cestius, soit par un assemblage de petites masses pyramidales, comme celui qu’on appelle des Horaces à Albano.

Si l’on en croit certaines traditions, la colonne Trajane auroit été le tombeau de l’empereur dont elle porte le nom ; l’urne qui renfermoit ses cendres auroit jadis couronné son sommet. C’est pourquoi Pietro Santi Bartoli a jugé à propos de la comprendre dans son recueil des Sepolcri antichi, aussi bien que celle de Marc-Aurèle, qui lui avoit été consacrée par Antonin, dont toutefois elle porte aujourd’hui le nom. A l’article MAUSOLÉE, nous avons cru trouver les modèles de ces grands tombeaux, dans les bûchers d’apparat que l’on construisoit avec d’énormes dépenses, pour devenir la proie des flammes. Cutte pratique passa à Rome du temps des empereurs, et se joignit à la cérémonie des apothéoses. Ainsi voit-


on ces monumens temporaires, fréquemment retracés sur les médailles de consécration. On ne sauroit guère se refuser à y voir les modèles de ces grands tombeaux, qui, tels que ceux d’Auguste, d’Adrien, de Septime-Sévère, rivalisèrent avec celui du roi d’Halicarnasse.

Dans des dimensions beaucoup moindres, et avec bien moins de luxe extérieur, se présentent encore comme des ouvrages d’une construction très-remarquable, pour la solidité, certains tombeaux bâtis en forme circulaire, qu’on appelle aujourd’hui des tours, et qui, dans le fait, devinrent sous ce nom, pendant le moyen âge, des lieux fortifiés, ce que montrent encore à présent les créneaux dont on défigura leur sommet. Tel fut le tombeau de la famille Plautia près de Ponte Lugano, dont nous avons parlé au mot TIBUR (voyez ce mot) ; tel fut cet autre grand sépulcre voisin de Rome, qu’on appelleTorre di Metella. Rien n’approche de la solidité de cette construction dans les disférens étages, dont son intérieur étoit composé. Une frise ornée de guirlandes et de bucrânes ou de têtes de taureau, a fait appeler ce lieu Capo di bove.

Toutes les voies romaines, aux approches de la ville, paroissent avoir été bordées de monumens sépulcraux, dont l’architecture varia les formes à l’infini. Tantôt un énorme sarcophage s’élevoit sur un très-haut soubassement, comme celui qu’on appelle sur la voie Flaminienne, tombeau d’un affranchi de Néron. Tantôt des corps carrés, ornés de bas-reliess sur leurs faces, et posés sur des piédestaux, dévoient se terminer par les statues des personnages renfermés dans la chambre sépulcrale du soubassement, ou dans un local souterrain.

Il paroît que les deux méthodes d’inhumation et de crémation furent pratiquées chez les Romains, conjointement, c’est-à-dire dans le même temps, et souvent dans le même sépulcre, puisqu’on trouve des tombeaux qui renserment et des sarcophages et des urnes, ou du moins les dispositions de petites niches destinées à les recevoir.

Ce qui s’est conservé jusqu’à nos jours, en plus grand nombre, parmi les disférens genres de tombeaux, appartient au genre de ceux qu’on appeloit columbaria. (Voyez le mot COLUMBARIUM.) C’est de ces intérieurs privés de toute lumière, soigneusement fermés, inaccessibles à toute espèce de curiosité, et cependant ornés de toutes les délicatesses des ornemens, tant en peintures qu’eu stucs, qu’est ressorti, au temps de Raphaël, le goût de l’arabesque, avec toutes les inventions décoratives, qui font aujourd’hui le charme de nos appartemens les plus recherchés. C’est encore dans les columbaria, qu’on a trouvé ces belles urnes de matières précieuses, ornemens des Musées. Celle d’Auguste, en albâtre oriental, fut extraite d’une des chambres de son tombeau. Le dessin du tombeau de Septime-Sévère, nous fait voir le lieu d’où l’on a extrait avec des peines infinies, l’énorme sarcophage en marbre environné de bas-reliefs, et surmonté des deux statues couchées de l’empereur et de Julia Mammea, qui a été déposé dans une salle basse du Museo Capitolino. La coupe du dessin de ce tombeau, au lieu appelé Monte del grano, sait croire, par la montagne de terre qui le recouvre, que jadis il fut dans le goût de celui d’Auguste, d’Alyates et de beaucoup d’autres, dont on a parlé plus haut, un tumulus, ou levée de terre, qui sans doute fut formé de terrasses, aujourd’hui détruites. L’issue ou le conduit pratiqué dans la hauteur de sa voûte, prouve qu’il y avoit au-dessus quelqu’autre intérieur, aujourd’hui détruit, avec tout ce qui forma la masse extérieure de ce mausolée.

Nous avons vu que quelquefois le tombeau ne se composoit que du sarcophage placé en plein air, sur un massif assez élevé. Cependant on le trouve beaucoup plus souvent dans les intérieurs des sépulcres construits, et occupant tantôt la place principale dans les columbaria, tantôt rangé avec d’autres, le long des murs de la chambre sépulcrale. Le nombre de ceux qui existent encore aujourd’hui est infini, et nous avons fait voir aux mots ARCA SEPULCHRALIS et SARCOPHAGE, qu’il s’en fit de toutes les matières, depuis le bois et la terre cuite, jusqu’au marbre et au porphyre. Le plus beau qu’on connoisse de cette dernière matière, est à Saint-Jean-de-Latran à Rome, et les plus grands se voient dans l’église de Mont-Real près Palerme.

Après les sarcophages, les cippes sont les monumens funéraires, d’un ordre inférieur, que l’on rencontre le plus fréquemment parmi les restes de l’antique Rome, et cet objet dont il a été parlé plus haut, ne mérite pas que nous nous y arrêtions plus long-temps.

Pour qui seroit une histoire complète et critique des sépultures et des tombeaux des Anciens, il y auroit certainement à ajouter plus d’une notion à l’énumération des ouvrages funéraires que nous sommes forcés de parcourir ici raidement. Ainsi il nous semble que les colonnes furent employées fort souvent, soit à décorer les tombeaux, soit à être elles-mêmes des monumens funéraires, tantôt en portant les urnes, tantôt en recevant les inscriptions honorifiques. Il y a lieu de croire aussi que certains édifices, que l’on confond avec les arcs de triomphe, purent n’être autre chose que des monumens élevés à la mémoire de certains personnages, et remplacer à leur égard les tombeaux ou les cénotaphes. Mais ceci deviendroit l’objet d’une discussion archéologique, dont cet article ne comporteroit pas l’étendue.

Au mot CATACOMBES, nous avons indiqué déjà l’emploi qu’on paroît en avoir fait dans plus d’une ville antique pour les sépultures, et nous avons


montré que ce ne fut, et ne put pas être, à Rome surtout, l’ouvrage des chrétiens ; que ces souterrains surent pratiqués pour en extraire la pouzzolane, et qu’il fut naturel de les faire servir aux sépultures publiques ; que le christianisme en usa de même, et que si on y trouve de nombreuses indications de sépultures chrétiennes, c’est que véritablement les chrétiens furent les derniers qui s’en servirent ; que dès-lors beaucoup d’anciens tombeaux des payens, devinrent le patrimoine de la religion nouvelle, qui les marqua de son signe.

C’est dans les catacombes de Rome et de quelques autres villes, qu’on trouveroit â continuer l’histoire des tombeaux et des sépultures, vers la fin de l’Empire romain. Un assez grand nombre d’usages fut alors adopté par le christianisme, et une multitude de sarcophages remplis des symboles de cette religion, tels que le bon Pasteur, nous prouve que les mêmes pratiques d’inhumation, durèrent jusqu’à l’époque où, les églises se multipliant, devinrent des lieux de sépulture, qui, ainsi que les terrains des cimetières consacrés dans leur voisinage, firent cesser les usages du paganisme.

Quant aux tombeaux et sépulcres construits, il seroit assez difficile d’en suivre l’histoire dans les bas siècles de l’Empire. Rien de plus incertain que les traditions établies par l’ignorance de ces temps, sur un grand nombre de ruines dépouillées de tous les caractères, qui pourroient saire reconnoitre leur ancienne destination.

Le dernier monument authentique en ce genre, et qui rappelle quelque chose des entreprises et des usages de l’antiquité romaine, est à notre avis le tombeau de Théodoric à Ravenne, dont nous avons fait ailleurs une mention particulière. (Voyez RAVENNE.) L’état dans lequel il se trouve aujourd’hui, laisse encore juger de ce qu’il fut jadis, et sa coupole, formée d’un seul bloc de pierre de plus de trente pieds de diamètre, annonce encore une certaine puissance de moyens dans l’art de bâtir. On a parlé aussi, a l’article de cette ville, des restes d’un sarcophage de porphyre d’un très-grand volume, ouvrage qui dut être à la vérité antérieur à ce siècle, mais qui fait connoître que les traditions de l’antiquité n’étoient pas encore tombées dans l’oubli.

Après l’entière destruction de l’Empire romain, dans tous les pays sur lesquels s’étoit étendue sa domination, le christianisme devint le seul lien commun, sinon des corps, au moins des esprits. Une croyance générale substitua bientôt avec le nouveau culte, des pratiques nouvelles aux anciennes. Il entra même dans l’esprit du renouvellement des idées, d’inspirer le mépris pour tout ce qui se trouvoit être, ou pouvoit paroître en contact avec les superstitions payennes. Ce fut particulièrement le dogme de la vie suture et de la résurrection des morts, qui contribua à établir la plus grande séparation, entre l’ancien Monde et le nouveau. Les chrétiens, après avoir fait un entier divorce dans les pratiques de la vie, avec les usages, les mœurs et les divertissemens payens, voulurent que leurs corps, après la mort, fussent placés sous la sauve-garde religieuse des églises et des lieux saints.

Ainsi les églises devinrent insensiblement, dans leurs souterrains et dans les emplacemens consacrés qui les environnèrent, des lieux de sépulture particulière et publique. Voyez au mot MAUSOLÉE, les développemens qu’on a donnés à cette théorie.

Il sussit a ce que nous venons de rapporter ici, d’avoir montré une des causes principales, qui firent supprimer ces nombreuses constructions de sépulcres, ces édisices si multipliés, consacrés à la sépulture des familles riches, des hommes puissans ou célèbres. A peine trouve-t-on dans l’antiquité quelque exemple de corps enterrés dans les temples, ou dans leurs enceintes, et ce qu’on connoit de leur étendue comme de leur disposition, prouveroit, indépendamment de toute autre considération, que l’usage dont on parle n’auroit pas pu s’y introduire. La basilique chrétienne destinée à être la réunion des fidèles, ce que signifie, au moral comme au physique, le mot église, fut construite partout dans les plus grandes dimensions. Les cérémonies funéraires y sirent partie du culte. Les souterrains qu’on y pratiqua, formèrent des espèces de catacombes. L’autel, presque toujours construit sur le corps de quelque saint, reçut lui-même la sorme de tombeau ou de sarcophage. On ambitionna l’honneur d’être enseveli près de l’autel, et les places des sépultures, ainsi quil des cénotaphes et des épitaphes, furent réglées selon les rangs on les fortunes, au dedans des églises ou dans les terrains contigus.

Les églises recevant ainsi les dépouilles mortelles des hommes de tout rang et de toute condition, surent donc sous un certain rapport d’immenses tombeaux.

Aussi ne voyons-nous presque pins bâtir de monumens sépulcraux de quelqu’importance, encore verrons-nous que ceux auxquels on pourroit donner ce nom, ne furent plus que des dépendances même des églises.

Ce que nous devons donc faire remarquer dans ce changement, dès les premiers temps, et ce que la suite nous montrera plus clairement encore, c’est que l’architecture perdit presqu’entièrement l’entreprise des tombeaux. Ce fut désormais la sculpture qui en fit les frais, et comme jadis elle n’avoit joué dans le plus grand nombre de ces monumens, que le rôle très-secondaire des accessoires et des ornemens, il dut résulter du nouvel ordre d’idées, que l’architecte fut réduit dans les plus notables mausolées, à n’en faire que les accompagnemens.

Mais rien, comme chacun le sait, ne fut d’abord plus simple que l’œuvre du statuaire, dans les an-


ciens tombeaux du moyen âge. La religion sensuelle des payens n’avoit environné la pensée de la mort d’aucune image attristante. Le mot propre qui l’exprime, fut même banni du langage des hommes, qui se piquoient de quelque délicatesse. La mort avoit été si peu personnifiée par l’art, ou l’avoit été d’une manière si peu sensible, qu’on peut encore disputer aujourd’hui sur l’emblème qui la représentoit. Tous les tombeaux ossroient dans leurs intérieurs des ornemens, que nous avons transportés dans les pièces les plus agréables de nos maisons. Un sentiment tout contraire domina le christianisme. La mort, ses terreurs, ses suites redoutables, devinrent un des plus actifs ressorts de la morale chrétienne. Ce que son idée a de triste et d’humiliant, fut précisément ce que la nouvelle religion se plut à opposer à tous les penchans sensuels, à tous lus mouvemens de l’amour-propre.

Ainsi voyons-nous que tous les tombeaux ne se composèrent que des figures des personnages représentés morts, couchés les mains jointes, et dans l’état même où on tes avoit déposés dans le cercueil. A l’article MAUSOLÉE (voyez ce mot), nous avons fait voir à quel point, vers le quatorzième, et surtout au quinzième siècle, l’art plus développé avoit su embellir et perfectionner ce type primitif destombeaux chrétiens, en y ajoutant des compositions d’accessoires ingénieux, et en profitant de l’usage de l’exposition du mort sur un lit de parade. Jusqu’à cette époque on peut dire que les églises, leurs abords, leurs cloîtres, ne ressembloient pas mal à de grands cimetières. Lorsque l’on ne plaçoit pas les figures des personnages morts en statues couchées de ronde bosse, on établissoit sur le lieu même où reposoient les corps, de grandes dalles de pierre ou de marbre, faisant partie du pavement général des églises, et tantôt on représentoit le défunt, toujours dans la même position, sculpté d’un relies extrêmement bas, tantôt on se contentoit d’en tracer le simple contour, par un trait en creux qu’on remplissoit de noir. Le plus grand nombre de ces dalles étoit rempli par des inscriptions ou épitaphes tracées de même en creux. Ainsi l’on ne marchoit que sur des tombes, et c’est de ce dernier mot (voyez TOMBE) qu’on a long-temps appelé les dalles funéraires dont on parle. Aussi dut-il arriver au plus grand nombre, d’être altérées et usées par le frottement des pieds, an point que les traits des figures et des caractères ont disparu.

Tel fut donc le type général des tombeaux, jusqu’au moment où l’art sorti de la barbarie de ces siècles d’ignorance, on en vint à représenter les personnages vivans, mais toujours accompagnés de l’idée ou des emblèmes de la mort. Ce fut sur des sarcophages ou cercueils qu’on plaça leurs statues, le plus souvent agenouillées, et dans l’action de la prière, quelquefois assises ou à demi couchées. Peu à peu l’image ou l’idée de la mort cessa de se montrer dans ces ouvrages. Certains excès contribuèrent à décrier ces sortes de compositions. On en citeroit quelques-unes, où l’artiste alla jusqu’à faire voir les corps dans l’état révoltant de dissolution cadavéreuse. La personnification de la mort sous la forme d’un squelette, joua aussi un grand rôle dans beaucoup de ces conceptions tristement dramatiques, qu’une pensée de Bernin au tombeau d’Alexandre VI à Saint-Pierre, mil singulièrement en vogue.

Cependant la nouvelle église de Saint-Pierre contribua, plus qu’ on ne pense, à donner une direction nouvelle aux compositions des tombeaux, ou des mausolées modernes. La grande et majestueuse ordonnance de ce temple, ne permit plus de s’emparer indistinctement de tous les espaces, qui auroient pu recevoir l’application des mausolées. Ceux des souverains Pontifes qui y furent exécutés, occupèrent des emplacemens particuliers, qui, sans déparer l’ensemble de l’architecture, semblèrent commander aussi à l’art du sculpteur des compositions plus monumentales. En effet, les tombeauxde Saint-Pierre sont généralement composés dans un style, qui, sans sortir des conve¬nances prescrites par le lieu saint, pourroienut être considérés comme des monumens simplement honorifiques. Si l’on excepte la forme du sarcophage, au-dessus duquel s’élève la statue du pon¬tife, le plus souvent dans l’acte de bénir, tout le reste consiste en figures allégoriques des vertus, qui furent celles du personnage qu’elles accompagnent.

Décrire toutes les idées et toutes les formes de composition, que semble avoir épuisées le génie de la sculpture moderne, seroit l’objet d’un grand ouvrage, dont nous avons donné l’Pabrégé a l’articleMAUSOLÉE, auquel nous ne croyons devoir rien ajouter ici, soit parce que le plan que nous suivons, nous interdiroit de nouvelles recherches à cet égard, soit parce que, dans la vérité, elles seroient plutôt du ressort de la sculpture, que de celui de l’architecture.

Ce n’est pas, comme nous l’avons déjà dit, que l’architecture se soit trouvée entierement exclue de toutes les entreprises, de ce que nous avons appelé les mausolées modernes.

A l’époque, en effet, où l’exercice de tous les arts du dessin se trouvoit, par un enseignement commun à tous, facilement réuni chez un seul artiste, on vit effectivement les compositions de sculpture s’associer avec celles de l’architecture. Avant le célèbre projet du tombeau de Jules IlI par Michel Ange, pins d’un mausolée du quinzième siècle pouvoit faire douter, par la finesse des détails, des ornemens et des profils de ses masses, laquelle, de l’architecture ou de la sculpture, avoit eu l’initiative de la composition générale. Il y eut également dans l’ensemble projeté du monument de Jules II, une sorte de partage entre les


deux arts. Sans doute il ne faut pas entendre ici par architecture, ce que les grands édifices de l’antiquité en ce genre nous ont fait voir. C’étoit bien toujours pour le sculpteur que l’architecte travailloit, et c’étoit par conséquent dans de petites dimensions. Cependant les tombeaux des rois a Saint-Denis doivent une partie de leur valeur, à l’ordonnance des plans et à l’élégance des élévations, des formes et des compositions d’ornemens qui entrent dans leur ensemble. Dans plus d’une ville d’Italie, à Venise surtout, plus d’un grand architecte, à la vérité sculpteur lui-même, tel que Sansovino, orna des plus pures ordonnances de colonnes, d’arcades et de frontispices, certains mausolées, dans lesquels les deux arts se disputent l’intérêt de la composition, et l’admiration du spectateur.

L’architecture cependant n’a pas été toujours entièrement déshéritée par la religion chrétienne, de son ancien patrimoine en fait de construc¬tion de tombeaux. Les églises, comme on l’a vu, étant devenues des lieux de sépulture, naturelle¬ment leur intérieur offrit au rang, ou à la fortune, des places distinguées pour y déposer les tombes. Entre ces places les plus favorables, et sans doute les plus dispendieuses, furent les chapelles, dont toutes les églises sont environnées. Les familles riches firent l’acquisition de ces locaux pour ser¬vir à leur sépulture. Là s’élevèrent les mau¬solées, les tombes, le tables chargées d’épitaphes. Ces monumens donnèrent souvent lieu à l’archi¬tecture, de décorer les chapelles sépulcrales, d’une manière appropriée à leur destination.

Mais ce fut encore quelquefois sons le titre de chapelle, et comme annexes des églises, que furent, dans les derniers siècles, construits d’assez remarquables édifices, auxquels on auroit pu donner le nom de sépulcres ou de tombeaux. Telle avoit été comme dépendance de l’église de Saint-Denis, la chapelle sépulcrale des Valois, bâtie par Philibert Delorme (voyez DELORME), et aujourd’hui détruite.

On peut encore regarder comme chapelle sé¬pulcrale, l’ancienne sacristie de San Lorenzo, bâtie par Michel-Ange à Florence, pour rece¬voir les monumens qu’il y éleva à la mémoire de Julien et de Laurent de Medicis.

Très-certainement l’antiquité auroit donné, et avec admiration, le nom de sépulcre ou de mausoleum, à la vaste et magnifique coupole, édifice commencé pour être simplement une sacristie nouvelle, ajoutée à la même église de San Lorenzo, agrandi depuis et orné avec une extrême dépense, pour être le tombeau des grands-ducs de Toscane (voyez NIGETTI), dont on a rassemblé là les monumens funéraires.

Peut-être convient-il de faire ici à l’architecture des Modernes, honneur de quelques autres constructions destinées aux funérailles, en tête desquelles on ne sauroit s’empêcher de placer le célèbre cimetière de Pise, dont nous avons donné la description au mot CIMETIÈRE. On peut regretter, que depuis, de pareilles entreprises n’aient pas été répétées, et n’aient pas trouvé à se mettre d’accord, soit avec les pratiques de la religion, soit avec les mœurs publiques, et les institutions de la police des grandes villes.

Il devoit en effet arriver à la longue, que les églises devinssent trop étroites, pour recevoir tous les tributs que la mort ne devoit jamais cesser de leur envoyer. Leurs intérieurs aussi ne pouvoient admettre, sans se défigurer entièrement, toutes les espèces de monumens funéraires, que la suite des générations y auroit dû multiplier. La salubrité devoit enfin commander d’en éloigner, ou d’y diminuer considérablement les inconvéniens de ces dépôts toujours croissans des dépouilles des vivans. Il y a donc lieu de regretter que les grandes villes surtout, n’aient pas songé à établir, et pour la dignité des églises, et pour la salubrité publique, et dans le double intérêt des affections ou des vanités humaines, et des arts qui en sont les interprètes ou les ministres, de grands et spacieux édifices plus ou moins dépendans des églises, et dont les vastes enceintes auroient offert tous les degrés de sépultures proportionnés à tous les états, à tous les rangs, à toutes les fortunes.

Nous ne pouvions terminer cet article, sans être ramenés aux réflexions que nous suggéra, il y a près de quarante ans, le cimetière de Pise, dans un temps où il étoit fort difficile de prévoir les événemens, qui auroient pu faciliter à Paris de pareils établissemens, faute desquels, par un désordre contraire à celui des anciens usages, nous voyons sur d’immenses terrains, livrés au hasard ou aux caprices des vanités les plus vulgaires, s’accumuler, comme dans un bois touffu, des monumens éphémères qui s’entre-détruisent, qui s’offusquent, et que menace une prochaine destruction. Triste spectacle, pour la raison et le goût, si le ridicule des misères de l’esprit humain n’en corrigeoit l’effet.

TONDIN. Voyez TORE.

TONELLE, s. f. Vieux mot qui a été employé pour signifier un berceau, un cabinet de verdure. Jean Martin s’en est servi pour désigner un berceau en plein cintre. On croit que c’est de ce mot que fut formé jadis, à Paris, celui de tonnellerie, ou portique de halle.

Le mot tonelle est anglais, et c’est le nom qu’on donne aujourd’hui à un grand conduit, en berceau voûté, qu’on pratique sous la Tamise, pour réunir, en place de pont, deux quartiers de la ville de Londres.

TONNEAU DE PIERRE (construction), s. m. On appelle ainsi la quantité de pieds cubes qui sert de mesure à Paris, pour la pierre de Saint-Leu, et qui peut peser environ un millier ou dix quintaux ; ce qui fait la moitié d’un tonneau pour la cargaison d’un vaisseau. Lorsqu’une rivière a sept ou huit pieds d’eau, la navée d’un grand bateau peut porter à 400 à 450 tonneaux de pierre.

TORCHÈRE, s. f. Ce mot vient de torche, qui signifie un flambeau grossier fait de matière résineuse, dont on s’est servi long-temps, et dont on se sert encore en quelques occasions, pour éclairer hors des intérieurs des maisons, soit les rues, soit des cours ou des passages obscurs.

Torchère signifie donc porte torche. On a donné ce nom à de fort grands guéridons qu’on pourroit appeler candélabres, qui reposent sur un pied ordinairement triangulaire, dont la tige, ornée diversement de sculptures, soutient un plateau qui porte la lumière. On en décore les grandes galeries, et souvent on leur fait supporter des lustres de cristal que l’on garnit de bougies.

La sculpture et l’ornement se sont emparés de ce meuble, et l’on a substitué aux tiges des plateaux, des figures qui posent sur des socles, et portent des espèces de cornes d’abondance, dont l’orifice est le récipient des lumières qu’on en fait sortir.

TORCHIS, s. m. Espèce de mortier fait de terre grasse détrempée, et mêlée avec de la paille coupée, pour faire des murailles de bauge (voyez ce mot), et garnir les panneaux des cloisons et les planchers les entrevoux des planchers de granges et de métairies. On l’appelle torchis, parce qu’on le tortille pour l’employeur, au bout de certains bâtons faits en forme de torches.

TORE, s. m., du latin torus, que quelques-uns dérivent de tortus (tordu, tortillé). Torus signifie proprement, en latin, ces cordes qui, doublées ou triplées par l’art du cordier, forment ce qu’on appelle un câble.

Ceux qui se plaisent à rendre raison de tous les membres, et de toutes les moulures qu’emploie l’architecture, et à trouver cette raison dans les pratiques originairement inspirées par le besoin des constructions primitives en bois, pensent qu’il fut possible que, pour empêcher les bois debout de se rompre par la pression, on les ait environnés dans le bas et dans le haut, de cercles formés par des cordes ou câbles plus ou moins forts. Dans la suite, des liens de fer auroient pu remplacer les câbles, et lorsqu’enfin l’art employa la pierre à reproduire le travail du bois, et l’ouvrage de la charpente, les termes qui exprimoient les premiers procédés du modèle, se perpétuèrent, et continuèrent de s’appliquer aux objets de son imitation.

On appela donc torus, tore, cette grosse moulure ronde, qui entre avec plus d’une variété dans la composition de la base des colonnes. Elle a reçu encore d’autres noms tirés toujours de sa forme, tels que tondin, boudin, gros bâton. En italien, on l’appelle bastone.

La base qu’on nomme attique ou corinthienne, reçoit ordinairement deux tores, l’un qu’on appelle supérieur, et qui est plus mince ; l’autre placé plus bas, qu’on nomme inférieur, est plus épais.

Les ouvriers appellent corrompu, une sorte de tore dont le contour ressemble à celui d’un demi-cœur.

TORON, s. m. , signifie gros tore. On a donné depuis quelque temps ce nom, à une très-grosse baguette courante, qui se rencontre dans les monumens l’Egypte, constamment employée à embordurer les frontispices des temples, et à suivre avec la plus grande uniformité les formes extérieures des murs, qui s’alignent avec leurs colonnades, ou ce qu’on peut appeler leurs péristyles. Le toron et la scotie, l’un en relief, l’autre en creux, sont les seules formes de moulures ou de profils qu’ait employées l’architecture égyptienne. Là se trouve une des preuves de la différence de modèle, et de système imitatif, entr’elle et l’architecture grecque, et rien n’explique mieux la monotonie de l’un et la variété de l’autre.

TORS, TORSE, adj. Ce mot Vient de tordre, Qui Vient de torquere. Il Exprime Dans les corps, en juin configuration vis, ous spirale.

TORSE (COLONNE). A l’article CANNELURE (voy. ce mot), nous avons indiqué avec beaucoup de probabilité, ce nous semble, l’origine la plus vraisemblable de la forme bizarre donnée à la colonnetorse. Nous avons toujours réfuté l’opinion de ceux qui, abusant du système imitatif de l’architecture grecque, ou de la transposition de la construction en bois dans la construction en pierre, vont chercher le modèle des colonnes des les arbres, tels qu’ils existent au milieu des forêts. Aussi ne saurions-nous admettre l’hypothèse, en vertu de laquelle on prétend que la colonne torse auroit été une imitation de troncs d’arbres tortus. Quand même on voudroit se prêter à cette idée, encore faudroit-il dire, que l’antiquité véritable n’offrant aucun exemple de colonnes torses, et ce qu’on peut citer en ce genre ne datant que des derniers siècles de l’art, cette bizarrerie, loin d’avoir été le produit d’un temps où l’art se seroit modelé sur ce que la nature grossière des premiers essais lui auroit présenté, n’aura pu être au contraire qu’une conséquence tardive et capricieuse d’un système mal entendu.

A l’article ci-dessus cité, nous croyons avoir établi, que la cannelure des colonnes ne put guère être autre chose, qu’un ornement arbitraire, sans principe puisé dans aucune convention naturelle ; qu’au contraire elle aura dû son origine à quelque


procédé de pratique, dans la taille du bois, ou la coupe de la pierre. Nous pensons pareille chose de l’origine de la colonne torse, c’est-à-dire qu’elle sera née de l’abus des cannelures en spirale. Nous disons l’abus, parce que si la cannelure perpendiculaire est, par le fait, un ornement arbitraire, et dont on ne sauroit découvrir la raison nécessaire, cependant il faut avouer qu’elle est, en ligne droite, plus conforme à la nature de la colonne, que ne le sont les circonvolutions de la cannelure en spirale.

Aussi, autant qu’on peut en juger, et par les ouvrages antiques, où l’on en trouve des exemples, et par l’époque de ces ouvrages, il paroît que ce caprice n’eut lieu, que sur des monumens d’une légère importance, et qui datent des derniers siècles de l’art. Tel est entr’autres le petit temple de Clitumne. (Voyez SPOLETO.) Du reste plus d’un ouvrage d’ornement, comme vase, candélabre ou autre ustensile, reçut des cannelures en spirale ; et l’on avoue qu’il y auroit une sévérité excessive, à les condamner dans ces objets, pures créations de l’imagination, et auxquels on ne doit demander ni la réalité, ni l’apparence de la solidité.

On est donc porté à croire, que la cannelure spirale une fois appliquée à des fûts de colonnes, aura fait imaginer, dans quelques ouvrages non de construction, mais de décoration, qui datent du moyen âge, des réunions de tigettes tordues ensemble (on en voit de semblables d’une petite dimension dans le cloîtra de Saint-Paul hors des murs), qui auront produit et donné l’idée de la colonne torse. Anastasius, dans la Vie du pape Grégoire III, appelle ces colonnes volubiles columnas. Mais Saumaise veut qu’on lise volutiles, et cette leçon se trouve dans d’autres manuscrits.

Winckelmann (Osservazioni sull’ architettura degli Antichi, cap. 2) cite comme exemples de ce genre de colonnes, les deux qu’il dit être employées à un autel de Saint-Pierre à Rome. Mais une note de l’éditeur Carlo Fea, nous apprend qu’il s’agit ici des deux colonnes qui sont dans la chapelle du Saint-Sacrement. Huit autres semblables ornent les quatre tribunes à balcon, qui sont prises dans l’épaisseur des quatre piliers de la grande coupole, et il y en a encore une dans la chapelle qu’on appelle du crucifix, et que Piranesi a gravée.

Autrefois ces colonnes torses ornoient l’autel, ou ce qu’on appelle la confession de l’ancien Saint-Pierre, et elles étoient au nombre de douze. Une se rompit dans l’enlèvement qu’on en fit. On répète, d’après quelques écrivains qui ont donné des descriptions de la vieille basilique, que Constantin les avoit fait venir de Grèce pour cette destination ; mais il est à croire que ces colonnes torses furent les six qu’Anastasius, cité plus haut, dit avoir été placées au lien indiqué par le pape Grégoire III, qui gouvernoit l’Eglise en 731, et qu’il eut de l’exarque Eutichius, jointes aux six autres qu’il possédoit déjà.

On peut dune juger, par celles qui existent encore, aux endroits que nous avons désignés, que cet usage dus colonnes torses est assez ancien, que celles-ci ont servi de modèles aux grandes colonnes torses en bronze du baldaquin de Saint-Pierre, par Bernin, qui, s’il eut le tort d’employer (ce que nous ne croyons pas) des colonnes torses dans ce monument, n’a pas eu celui de les inventer, comme le répètent mal-à-propos beaucoup de critiques.

Du reste nous ignorons d’où auroient été tirées originairement ces colonnes, et quelle avoit été, dès le principe, leur destination. Quelque supposition qu’on veuille faire à cet égard, nous ne nous en permettrons qu’une seule négative. Cest qu’elles n’auront jamais été employées dans des monumens d’architecture réelle et sérieuse, à supporter les masses des architraves, des entablemens et des srontous, et que leur seule configuration, propre à se prêter aux caprices de la décoration, aurait blessé autant l’œil que lu raison, si on eu eût fait des supports destinés à soutenir les charges qu’on impose aux colonnes verticales.

Ce que nous disons (et nous le croyons d’une vérité trop sensible, pour avoir besoin de preuves de l’invraisemblance d’un tel emploi, il nous paroît juste de n’en pas l’aire l’application rigoureuse à la destination affectée par Bernin, aux colonnes torses de son baldaquin. Nous avons déjà fait observer (voyez BALDAQUIN), que ce grand artiste mit autant de goût que de réserve, dans cette composition, à laquelle il ne donnant ni réalité ni l’apparence d’une construction régulière ou architecturale. Au fond, un impérial de lit, ses pentes et l’amortissement qui le couronne, ne sauroient passer pour de l’architecture. Pent-être ce qu’un tel ajustement comporte d’arbitraire et de légèreté dans ses détails, auroit été peu d’accord avec la sévérité d’une ordonnance grave et régulière.

Nous croyons enfin, qu’autant le goût peut se prêter à l’emploi des colonnes torses dans des compositions libres, purement décoratoires, qui n’ont rien de commun avec les réalités de la construction et les convenances rigoureuses de l’architecture, autant la simple raison en doit interdire l’application, dans toute ordonnance a laquelle la raison doit avant tout présider.

TORSER, v. agir. Sur Trouve CE MOT DANS QUELQUES Lexiques, COMME Forme de teurs, torse, et Qui Doit Être synonyme de tordre, pour dire contourner le fût D’une colonne en vis ous spirale, pour en Saire juin colonne torse.

TORTILLIS, s. m. Espèce de vermoulure faite à l’outil sur un bossage rustique, comme on en


voit à quelques chaînes de pierre du Louvre, et à l’arc de la porte Saint-Martin à Paris.

TOSCAN (ORDRE). Nous ne saurions dire jusqu’à quel point les Anciens avoient porté et développé, ce que nous appelons la théorie systématique de l’architecture. Le seul ouvrage qui nous soit parvenu de l’antiquité sur cet art, est celui de Vitruve, qui le composa au temps d’Auguste. Quant aux Grecs, nous n’avons d’autre connoissance sauce de leurs écrits relatifs à l’architecture, que par les mentions qu’en a faites le même Vitruve, dans la préface de son septième livre. Il nous y apprend qu’il a puisé dans leurs écrits les principales notions de son ouvrage, notions dont il a tâché de faire un corps complet. La liste des écrivains qu’il cite est assez nombreuse, et il la divise en deux classes, celle des plus renommés, et celle des moins célèbres.

Le plus grand nombre des ouvrages de la première classe, avoit pour objet quelque monument célèbre. D’autres traitoient en général des proportions. Quelques-uns, en particulier, des proportions de tel ou tel ordre, à l’occasion du monument construit dans l’un ou l’autre de ces ordres. Silenus avait fait un traité des proportions doriques, De symetriis docricorum. Théodore avoit écrit sur le temple dorique de Samos ; Ctésiphon et Métagènès sur le temple ionique de Diane, a Ephése, et sur celui de Minerve ionique aussi, à Prienne ; Phileus, Ictinus et Carpion, sur le temple dorique de la citadelle d’Athènes ; Théodore sur la coupole de Delphes ; Philon sur les proportions des temples, et sur l’arsenal du Pirée ; Ermogène sur le temple ionique de Diane à Magnésie, et sur le temple monoptère de Bacchus à Teos ; Argelius sur les proportions corinthiennes, et sur le temple ionique d’Esculape à Tralles.

Les écrivains de la seconde classe, en plus grand nombre, firent des traités sur les proportions, et traitèrent de la mécanique. J’omets la liste de leurs noms.

Je n’ai extrait de Vitruve cette énumération des écrivains de l’architecture eu Grèce, que pour faire voir la différence de leurs traités, d’avec ceux des architectes célèbres de nos temps modernes, et pour tirer de là quelques conséquences probables, relativement à la théorie moderne des cinq ordres Aucun de ces anciens ne nous semble avoir traité des ordres d’une manière systématique. L’un écrivit sur les proportions corinthiennes De symetriis corinthiis. Plusieurs ayant pris pour sujets des monumens de l’ordre ionique, il est à croire qu’ils y auront aussi joint les règles des proportions de cet ordre. On ne sauroît dire si les traités relatifs aux proportions en général (prœcepta symetriarum), embrassèrent en grand ce sujet, ou s’ils se bornèrent simplement à fixer les proportions désordres. Enfin, l’extrait des passages de Vitruve nous montre que, dans tous les cas, les Grecs ne reconnoissoient que trois ordres.

Vitruve, dans son Traité d’architecture, composé, ainsi qu’il nous rapprend lui-même, des matériau de ses prédécesseurs, en aura sans doute aussi emprunte l’esprit et la méthode. Nous ne voyou pas qu’il ait réellement entendu parler de plus de trois ordres. Quoique les proportions qu’il affecte à chacun, ne soient point le sujet d’une théorie suivie, puisqu’il en traite en des chapitres, et sous des titres distans et divers entr’eux, cependant il a réuni sous un même titre ce qui regarde l’invention et la diversité des genres de colonnes, qu’il borne au dorique, à l’ionique et au corinthien. C’est après avoir rapporté l’origine du chapiteau de ce dernier ordre (1. 4. c. 1), qu’il dit, que sur la colonne de cet ordre on place d’autres genres de chapiteaux, auxquels on donne différens noms, mais qu’on ne peut pas inférer de ces variétés, qu’elles forment une nouvelle espèce de colonnes.

On ne sauroit, ce semble, faire mieux entendre, qu’une différence de composition dans l’ajustement des ornemen du chapiteau corinthien, ne forme point un ordre distinct. C’est cependant d’après les restes de quelques chapiteaux corinthiens, composés autrement que celui de Callimque, qu’un a imaginé, dans les temps modernes, de créer un cinquième ordre, sous le nom d’ordre composé oucomposite. Nous avons assez réfuté cette erreur, à l’article de ces deux mots (voyez COMPOSÉ) ; nous ne la rappelons ici, que pour tirer une semblable conséquence à l’égard du prétendu ordre toscan.

Cependaut les Modernes se sont crus bien autorisés encore sur ce point, puisqu’ils ont pu alléguer l’autorité de Vitruve, et celle même des monumens. C’est cette double autorité que nous nous proposons de combattre.

A l’article ARGHITECTURE ÉTRUSQUE (voy. ETRUSQUE), nous avons traité d’une manière fort étendue de tout ce qu’on peut connoître de l’origine et du système de l’art de bâtir chez les Toscans, et nous croyons avoir porté à un assez haut degré d’évidence, d’après l’histoire, les faits et les monumens, que tous les arts des Etrusques, ainsi que leur mythologie, leurs institutions, leur langue et leur écriture, étaient dans une correspondance parfaite, chez les Grecs, avec les mêmes objets, considérés surtout dans les temps primitifs ; qu’il étoit avéré que de très-anciennes communications avoient existé entre les deux régious ; qu’on ne pouvoit se refuser à reconnoîre la plus grande similitude entre le système de construction en bois des Etrusques, et celui qui servit de modèle à l’art des Grecs ; que dès-lors il n’y auroit sur ce point, d’autre question que celle-ci : les Grecs ont-ils emprunté aux Etrusques ou les Etrusques aux Grecs, le système de bâtir qui leur fut commun ? Nous ne répéterons pas ici les raisons qui


commandent de croire que la véritable origine de ce système fut en Grèce.

A l’article ORDRE (voyez ce mot), nous avons développé assez au long pour ne pas être obligés d’y revenir ici, la vraie théorie de l’ordre, et nous avons prouvé par les élémens qui le constituent, que l’on ne fait point ou ordre nouveau, par l’addition, le changement, ou la suppression d’une des trois principales parties qui en composent l’essence. Ne faisant ici que rappeler ces considérations, nous nous bornerons à faire observer, que, ce qu’on a voulu appeler ordre toscan, n’est autre chose que l’ordre dorique, dénué de triglyphes et augmenté d’une base d’après la description que Vitruve nous a laissée de la colonne de son temple toscan. Nous renvoyons sur cet objet le lecteur au mot ETRUSQUE (architecture), où nous avons rapporté en entier le passage, dans lequel Vitruve décrit avec beaucoup de détails ce temple toscan, tel qu’il en existoit de son temps à Rome.

Il est bon, en effet, de remarquer, que cette pratique de l’emploi du bois dans la construction des temples, pratiqua qui, comme on l’a dit tant de fois, fut l’origine de l’architecture en pierre, et ne cessa peut-être jamais d’être plus ou moins admise en Grèce (voyez TEMPLE), non-seulement se perpétua en Etrurie, mais même à Rome, jusqu’après le règne d’Auguste. Nous en avons un exemple dans le temple du Jupiter Captiolin, brûlé sous Vitellius. Tacite, en décrivant la cause de son incendie (Histor. lib. 3. c. 71), rapporte que le feu ayant été mis à des nuisons, dont les toits s’élevoient presqu’au niveau du sol de ce temple, la chaleur gagna les vieux bois de ce qu’il appelle aquilas, soutenant le faîtage. Or, comme nous l’avons montré au mot FASTIGIUM (voyez cet article), de quelque manière qu’on traduise le mot aquilas, soit par fronton, ce qui correspondroit au mot aetoi des Grecs, soit par aigles sculptées aux têtes des solives, servant de support au fastigium, il est certain que lé bois étoit entré dans la composition, non pas seulement du toit, mais des parties suit du fronton, soit de l’entablement.

Mais la description du temple toscan par Vitruve, nous apprend que jusqu’à lui, ou faisoit à Rome des temples à la manière des Etrusques, c’est-à-dire mélangés de bois et de maçonnerie. Or, c’est en décrivant ce temple, qu’il parle de sa colonne, de sa proportion et de ses détails. Pline, dans un très-court article de son liv. 36, ch. 23, a copié Vitruve, et a réuni les notions fort éparses de cet architecte, à deux lignes, dans lesquelles il nous dit qu’il y avoit quatre genres de colonnes, genera earum quatuor. Que les colonnes doriques avoient six diamètres de bailleur, les ioniques et les corinthiennes neuf, les toscanes sept. Quœ sextam partem altitudinis in crassitudine imâ habent doricœ vocantur, quœ nonam ionicœ, quœ septimam tuscanicœ. Corinthiis eadem ratio quœ ionicis.

Telles sont, en effet, les proportions que Vitruve a assignées à ces quatre sortes de colonnes.

C’est sur ces données que les architectes modernes ont imaginé de donner à la colonne toscane, rang parmi ce qu’on a appelé les ordres d’architecture. La nature des choses, à ce qu’il nous semble, beaucoup plus qu’aucun système combiné, comme on n’en fait guère qu’après coup, avoit donné en Grèce naissance, à ce qu’on a, chez les Modernes, désigné par le nom d’ordre. Vitruve a imaginé, on ne sait cl après quelle théorie spéculative, de faire venir le dorique d’une imitation par analogie du corps de l’homme, et l’ionique de celle du corps de la femme. Ce sont là de simples jeux d’esprit, des allusions fondées sur certains rapprochemens vagues, entre des objets tout-à-fait étrangers entr’eux. Il paroît beaucoup plus simple de chercher les variétés de caractère, de forme et de proportion, non pas seulement de chaque sorte de colonne (car elle ne constitue pas l’ordre à elle seule), mais de chaque mode d’architecture, dont l’ordre est l’expression, dans le besoin naturel qu’eut l’art de rendre sensibles les qualités principales qui sont de son ressort, par l’accord des lignes, des formes de la matière, des rapports ou des proportions, et des ornemens qu’on y applique. Ainsi l’idée de solide, et par conséquent de simple, l’idée d’élégance et aussi de richesse, formèrent deux caractères opposés, au milieu desquels dut naturellement se placer le point moyen. Là, comme en tout, il y a le plus, le moins, et le milieu. Voilà l’origine toute simple des trois ordres grecs. On a déjà remarqué, que si l’on vent faire plus solide ou plus simple que le dorique, on fera lourd ou pauvre ; que si l’on veut du plus élégant ou du plus riche, que le corinthien, on fera maigre ou chargé.

C’est pourtant ce que les Modernes ont fait, en ajoutant à la richesse du corinthien, par le prétendu composite, à la gravité du dorique, par le prétendu toscan.

On a vu que, faute d’avoir entendu le passage de Vitruve dans son vrai sens, c’est-à-dire comme se rapportant uniquement au temple toscan, et non à un système d’ordre, les premiers architectes modernes qui ont écrit sur l’architecture, se sont crus autorisés à produire, dans leurs traités, comme un ordre, ce qui ne fut qu’une modification du dorique des Grecs.

Mais il faut dire qu’ils y furent encore induits par un certain nombre de monumens romains conservés jusqu’à nos jours, où l’on trouve adossées à des piédroits d’arcades ou de portiques, des demicolonnes d’une proportion beaucoup plus longue que celle du dorique, et qui n’offrent dans leur frise et leur entablement, aucun des détails et des caractères de cet ordre. On sait que le dorique


subit à Rome d’assez grands changemens, surtout quant à sa proportion, qui fut sensiblement alongée, et portée jusqu’à plus de huit diamètres en hauteur. Il paroît donc très-probable, que placé ainsi qu’on vient de le dire, dans l’ajustement des piédroits, il dut être soumis à d’autres sujétions de convenance ou d’économie dans sa frise, et que ce qu’on prend pour du toscan, ne fut qu’un dorique dénaturé.

Nous ne dirons rien des règles, auxquelles les traités modernes d’architecture, ont essayé d’assujettir leur prétendu toscan Tous sont partis d’un système de progression de hauteur, entre ce qu’ils ont appelé les cinq ordres. Or, tandis que, selon Vitruve, la colonne du temple toscan avoit sept diamètres, et que la colonne dorique en avoit six, pour être conséquens au système nouveau, les architectes modernes plaçant leur toscan au dernier degré de leur échelle proportionnelle, ne lui ont au contraire donné que six diamètres, allant ainsi en augmentant plus ou moins, depuis le degré inférieur d’où ils partent, jusqu’au composite. Or, il est visible que ce n’est là qu’un système, qui, pour bien entendu qu’on veuille le supposer, n’a pour soi aucune autorité, ni chez Vitruve, ni dans les monumens romains.

Quand, au reste, on argumenteroit ceux-ci, restera toujours la question de savoir, si ce qu’on prend pour du toscan aujourd’hui, en étoit autrefois. Mais ce qui ne fait pas une question, c’est que les Grecs n’ont jamais connu que trois ordres, et qu’enfin le prétendu toscan, comme le prétendu composite, ne sont que des ordres parasites, inutiles, comme tels, vicieux, et que le bon goût de l’architecture repousseroit, quand la simple raison ne les désavoueroit point.

TOUR. Instrument à tourner. Τορνος en grec, tornus en latin.

Ce mot, en grec surtout, a produit, par sa ressemblance avec le mot toros, de très-fréquentes confusions. Il en a été de même de ses composés τορνευω, τορνευτιχη, avec τορεω, τορευτιχη. Le mot toros étant un instrument de gravure, comme nous dirions le ciselet, forma le mot toreutique (sculpture sur métaux), genre qui eut en Grèce une vogue prodigieuse, dont il y eut d’innombrables ouvrages, et qui devint une des parties les plus importantes et les plus célèbres de l’art des Grecs.

Dans notre ouvrage intitulé le Jupiter Olympien, nous avons consacré une section toute entière, à l’explication de cette partie de l’art, qui compta les plus renommés des artistes grecs, à commencer par Phidias et Polyclète, et nous croyons avoir démontré, que puisqu’ils furent appelés toreuticiens (toreulas), il n’étoit pas possible de rabaisser l’art qui lit leur gloire, et celle de la Grèce, au procédé mécanique du tour ; que d’ailleurs leurs ouvrages les plus vantés, ceux qui furent exécutés en or et ivoire, n’avoient pas pu être le produit de cet instrument. Le tour, de quelque genre qu’il soit, ne peut pas s’appliquer aux grands travaux de la sculpture, et nous ne connoissons que celui qu’on appelle aujourd’hui tour à portrait, qui sert quelquefois à la gravure en médailles, c’est-à-dire en petit et en très-petit bas-relief, qu’on puisse citer comme procédé mécanique, susceptible d’entrer dans quelques opérations de l’art.

Nous ne faisons mention du tour dans ce Dictionnaire, que parce que l’on en a jadis employé en grand le procédé mécanique à faire des colonnes. Nous apprenons encore que depuis peu on a imaginé de le mettre en œuvre pour le même objet, c’est-à-dire pour tourner et arrondir des fûts de colonnes faites d’une sorte de matière artificielle, et qui doit se prêter facilement à cette opération.

Mais la chose dut être beaucoup plus remarquable, et d’une bien autre difficulté, à l’égard de colonnes en marbre. Or, nous ne pouvons guère nous empêcher de croire, que telles avoient été (quoique Pline ne le dise pas) les colonnes du labyrinthe de Lemnos, monument dont il existoit encore des vestiges au temps où il écrivoit. Voici le passage où il rend compte de cette particularité, liv. 36. ch. 13.

« Le labyrinthe de Lemnos ressemble aux deux premiers (celui d’Egypte et celui de Crète), seulement il l’emporte sur eux par les colonnes qu’on y admire au nombre de cent cinquante. Elles furent travaillées dans l’atelier par le procédé du tour. Les pivots par lesquels elles étoient suspendues, furent si bien équilibrés, qu’un enfant suffisoit à faire agir la roue qui les faisoit tourner. »

Peu d’objets qu’on puisse dire être du ressort des arts du dessin, comportent une exécution dépendante du tour mécanique. Peut-être seroit-il permis de citer comme exception, la fabrication de certains vases d’argile, résultats de la roue du potier, qu’on peut effectivement, quant aux effets, assimiler au mécanisme du tour. C’est particulièrement dans l’exécution, la grande variété et la beauté des formes d’un certain nombre de vases grecs peints, mal-à-propos appelés étrusques, que l’on peut se faire une idée du goût qui présida jadis à ces ouvrages, et qui dirigea l’artiste dans la pureté du galbe donné à leurs contours.

On use encore aujourd’hui du tour pour faire d’une manière économique des vases soit de pierre, soit de marbre, que l’on place quelquefois volontiers sur les sommets des édifices, ou dont on orne les jardins.

TOUR, s. f. , du latin turris, qui vient du grec τυρσιζ.

Quelques étymologistes ont prétendu que du


mot de tours (τυρσιζ), dont les anciens Toscans avoient très-anciennement flanqué les murailles de leurs villes, pour les défendre, étoit dérivé le nom de tyrrheniens qu’on leur donna, et que c’est de ce peuple que les Romains empruntèrent l’usage des tours, dont ils fortifièrent aussi leurs murs. Ainsi croit-on que la construction de la tour proprement dite, fut le résultat du système des plus anciennes fortifications.

Quoique le nom de tour, en quelque langue que ce soit, ail été donné dans les travaux de construction et d’architecture, à un très-grand nombre d’édifices qui n’eurent rien de commun avec les fortifications des villes, il n’est pas improbable, toutefois, que l’architecture civile ait tiré soit la forme, soit la dénomination donnée à ces édifices, de ces constructions protectrices des villes. Rien de plus fréquent que cet emblème, dans les images sous lesquelles on personnifia non-seulement les villes, mais encore les provinces. La couronne crénelée se voit toujours sur la tête de Cybèle, déesse de cités, et qu’on appeloit, à cause de cela, turrita. Ces sortes de couronnes si multipliées dans les monumens antiques, ne sont autre chose qu’une imitation rapetissée des murailles de villes entremêlées detours.

Les tours des murai les, soit carrées, soit rondes, destinées à leur défense, dûrent en faire imaginer de semblables pour l’attaque. Celles-ci étoient formées d’un assemblage de poutres et de forts madriers. Elles étoient mobiles, et on les faisoit mouvoir par le moyen de plusieurs roues, sur lesquelles elles étoient portées. Leur hauteur surpassoit souvent celle des murailles et des tours qu’on vouloit assiéger. C’en est assez sur ces notions, pour faire comprendre combien cette sorte de construction fut multipliée dès les plus anciens temps, et comment il fut naturel d’en appliquer le nom, à toute autre sorte de construction semblable pour la forme, quoique destinée à des usages fort divers.

Ainsi un des antiques monumens dont l’histoire ait gardé le souvenir, celui que la Bible nous, dit avoir été commencé et n’avoir pu être fini, le monument de Babel, fut appelé tour, parce qu’il devoit être isolé et s’élever à une très-grande hauteur. Ainsi verrons-nous le nom de tour donné par la suite des temps, à toute construction en hauteur, et qui domine ordinairement tous les autres édifices.

C’est cette procérité extraordinaire, attribut particulier et caractère spécial de ce que généralement on nomme tour, qui a singulièrement multiplié cette sorte d’édifice. On ne Sauroit dire effectivement à combien de besoins divers nous le voyons employé. On élevoit jadis des tours sur les sommets des montagnes, soit pour les signaux de correspondance, soit pour surveiller de très-loin les mouvemens de l’ennemi et les opérations des armées. On en élevoit de même sur les rivages de la mer, dans la même intention, et les phares. (voyez ce mot) ne furent que des tours plus ou moins considérables, destinées à servit’ de guides aux vaisseaux.

La police des villes exiges aussi de tout temps, surtout lorsqu’elles sont bâties en plaine, et sans aucun terrain éminent, qu’on pût d’un lieu trèsélevé au-dessus de toutes les maisons, surveiller les évémmens ou les accidens du feu qui peuvent survenir de nuit. Nous voyons pur l’histoire, que cette pratique, existoit à Rome. De ce que Néron, du haut d’une tour dont on croit à tort, que les restes subsistent encore sur l’Esquilin, se donna, dit-on, le plaisir de voir l’incendie qui ravagea Rome, nous nous bornerons seulement à conclure qu’il y avoit de semblables tours dans cette ville, et certainement bâties pour un usage tout autre que celui dont on vient de parler. Celle de Néron devoit être sur le Quirinal. Celle du mont Esquilin est celle qu’on appelle tour du Mécène.

Mais les Romains construisirent, pour beaucoup d’antres usages, de ces édifices en l’orme de tour, qu’on appelle encore souvent aujourd’hui de ce nom. Au mot TOMBEAU, nous avons fait mention de plusieurs très-grands sépulcres, tels que ceux de la famille Metella et de la famille Plautia, qu’on appelle aujourd’hui du nom de tour. Ce n’est pas que nous prétendions qu’elles en aient eu jadis le nom, quoique dans les temps modernes, elles le soient devenues effectivement, militairement parlant, puisqu’elles furent crénelées, et servirent de fortification ; mais dans la vérité, ces édifices furent réellement construits en forme de tour.

Nous ne rechercherons pas ici, avec plus de détails, entre toutes les sortes d’édifices antiques, soit qu’ils aient été détruits, soit qu’il en existe encore des restes, quels furent ceux qui fuient construits dans le genre des tours, ou de ce que nous appelons aujourd’hui ainsi ; comme, par exemple, ceux qu’où appela septizones masses qui, ainsi que le mut l’indique, s’élevoient jusqu’à sept étages toujours diminuant de diamètre, a mesure de leur exhaussement, et finissant ainsi d’une manière pyramidale. On appelle à Nîmes la tour magne (ou grande tour), un reste assez considérable de construction antique, que les antiquaires jugent avoir été un septizone, dans le goût de celui de Septime Sévère à Rome.

Au moyen âge, les tours devinrent l’objet principal, et presqu’exclusif de tous lrs travaux de l’art de bâtir. Tous les palais lurent des châteaux-forts, et le génie de la fortification antique n’ayant anoure subi aucune altération, on construisit les habitations des grands, selon les anciens erremens de l’attaque et de la défense des villes. Un château ne fut autre chose qu’un assemblage de tours carrées ou arrondies, liées entr’elles par des espèces de remparts crénelés. Cette disposition devenue générale, fut appliquée à tous les bâtimens.


Les tours devinrent des lieux d’habitation. Ainsi le Louvre, tel qu’on le voit représenté dans de vieux dessins, se composoit d’un grand nombre de tours, et ce qu’on a depuis appelé pavillon, modifié par les changemens de tout genre qu’a subis cet antique château, n’est autre chose qu’une tradition des tours qui s’élevoient aux angles et dans le milieu de ses façades. On sait encore qu’au milieu de sa cour, un avoit construit une grande tour très-élevée, qui dominoit le reste des constructions et tous les bâtiment d’alentour. Ce qu’on appelle aujourd’hui le Palais de Justice, reste plus d’une fois métamorphosé du palais de Saint-Louis, a gardé quelques souvenirs de son ancienne disposition de tours, et ce qu’on désigne par le nom de tour de l’Horloge, au bout du quai de ce nom, est un témoin toujours existant de l’usage dont on parle.

Lorsque les villes étoient moins étendues, et avant que l’art de l’horlogerie fût devenu aussi usuel que nous le voyons de nos jours, on construisoit des tours où l’on plaçoit l’horloge publique, et son sommet se terminoit ordinairement en béfroi, d’où l’on annonçoit de nuit les heures, et d’où l’on surveilloit tout ce qui se rapporte à l’ordre général.

Presque tons les hôtels-de-ville avoient de ces hautes tours ou des espèces de donjons très-élevés, où étoit suspendue une cloche pour sonner le tocsin en cas d’alarme, ou pour tout autre signal d’avertissement public.

Ceci nous conduit à un emploi, qui devint le motif le plus général de l’érection des tours aux façades des églises. Je veux parler de l’emploi habituel des cloches, dont le son doit convoquer de sort loin les chrétiens, et les appeler aux prières ou aux cérémonies du culte. Nous avons vu à l’article CLOCHER et à celui de CAMPANILE, quelles furent les sormes et les dimensions des édifices où sont suspendues les cloches. Ces sortes de constructions ne furent pas d’abord établies, comme on le pratiqua postérieurement, au-dessus des combles des églises. Une simple tour, ainsi que cela se voit encore en beaucoup de pays, fut construite à l’entreé même et au-dessus du porche de l’église. A mesure qu’augmentèrent le volume, lediamètre et le nombre des cloches, les clochers en charpente ne suffirent plus. Il fallut des constructions beaucoup plus solides. Alors, comme on le voit à toutes les grandes églises gothiques, on lit entrer les masses énormes des tours, dans l’ensemble de leurs frontispices, et elles en devinrent le principal ornement.

Cependant l’Italie, dans beaucoup de ses plus grands monumens, n’adopta point cet usage, et l’on voit encore à Pise, à Florence, à Venise, à Bologne, la basilique ou l’église cathédrale séparée de son clocher, c’est-à-dire de la tour bâtie à quelque distance pour l’usage des cloches. Telles sont les tours célèbres dont nous avons donné la description aux articles CAMPANILE, GIOTTO, APLOMB, etc. Celle de Pise est un ouvrage qui rappelle l’idée des septizones antiques. Mais la plus remarquable sous les rapports de la matière, de la hauteur et du travail, est la tour de Giotto à Florence, Voyez GIOTTO.

Les cathédrales gothiques, comme on l’a dit, adoptèrent l’usage de faire entrer les tours dans l’élévation de leurs portails. Plus d’une grande église moderne, construite dans le nouveau goût, c’est-à-dire celui de l’architecture antique, se fait remarquer par cette disposition, et entre toutes celles qu’on purroit citer, nous croyons qu’aucune ne mérite de l’être, avant la grande église de Saint-Sulpicie à Paris, dont on a parlé à l’article de SERVANDONI, Deux tours étoient entrées dans le projet de cet habile architecte. Le dessin et la forme en furent changés après lui, mais le goût n’en fut pas heureux, comme le témoigne celle qui subsiste encore, au côté gauche du portail. La composition et l’ajustement général de la tour droite, fait desirer qu’on fasse subir à son pendant la même transformation. Cette opération terminée, on croit pouvoir assurer, qu’aucune grande église ne pourra, en fait de tours de portail, rien présenter qui l’emporte sur celles de Saint-Sulpice.

La tour considérée sous le simple rapport de sa forme et de sa dimension, peut se définir généralement comme étant un corps de bâtiment, qui, lorsqu’il est isolé, s’élève sur un plan circulaire ou quadrangulaire. C’est pourquoi on a, dans le langage ordinaire, donné volontiers le nom de tour, à plus d’une sorte de construction qui, sans tre affectée aux emplois des tours proprement dites, leur ressemblent par la forme. Ainsi on dit :

Tour de dôme. On désigne par ce nom, cette partie de la construction des coupoles d’église modernes, qui en supporte la voûte, et qui consiste en un mur circulaire ou à pans, dont les paremens extérieur et intérieur sont diversement décorés de colonnes, de pilastres, de chambranles, de niches, etc.

Tour de moulin à vent. Mur circulaire qui porte de fond, et dont ce qu’on appelle le chapiteau qui est en charpente, et couvert de bardeau (voy. ce mot), tourne verticalement, pour qu’on puisse exposer au vent les volans, ou les ailes du moulin.

Tour mobile. On appelle ainsi toute construction de charpente en forme de tour, et à plusieurs étages, qu’on établit sur des roues, comme on a vu plus haut que cela s’est pratiqué dans l’antiquité, pour l’attaque des murs fortifiés. On en construit de semblables, encore aujourd’hui, soit pour servir à réparer ou à peindre les voûtes et les plasonds, soit sous le nom de chariots, dans le jardinage, pour dresser les palissades. On appelle, par opposition, tour fixe, une semblable bâtisse


de charpente, pour élever les eaux dans certaines machines hydrauliques.

Tour ronde. Ainsi nomme-t-on, dans le bâtiment, le parement convexe de tout mur cylindrique ou conique, et appelle-t-on tour creuse, le parement concave de tout mur circulaire, cylindrique ou conique.

TOUR, s. m. Ce mot est un synonyme de circuit, de circonférence. On dit de la surface occupée par un jardin, par un établissement ou un édifice, qu’elle a tant de pas ou de pieds de tour. On dit faire letour des murailles d’une ville. Il faut tant d’heures pour faire le tour de Rome.

TOURELLE, s. f. Signifie proprement une petite tour. On a donné autrefois ce nom dans les fortifications et les châteaux, à de petites constructions circulaires, portées sur des encorbellemens, qu’on appela aussi guérites, où l’on plaçoit des sentinelles. L’usage habituel des tours, que nous avons vu plus haut, avoir été universel dans les châteaux et les palais, s’étendit, comme une mode, mais en plus petit, aux habitations et a presque toutes les maisons des villes. Le nombre en étoit considérable à Paris dans certains anciens quartiers, et l’on en trouve encore quelques exemples. Ces tourelles, dontl’intérieur formoit de petits cabinets, se voyoient surtout au coin des rues, et aux encoignures des maisons. Elles étoient portées par des encorbellemens, ou des cul-de-lampe.

Tourelle de dôme. On appelle à Paris de ce nom, une espèce de lanterne ronde on à pans, qui porte sur le massif du plan d’un dôme et en accompagne l’ensemble extérieur, ou qui sert à recevoir dans son intérieur, quelqu’escalier á vis. Il y a de ces tourelles, par exemple, aux dômes du Val-de-Grace et à celui de la Sorbonne.

TOURILLON, s. m. Grosse cheville ous boulon de fer, Qui SERT d’essieu. On en lieu AINSI aux Extrêmités de l’axe d’treuil de l’ONU, des bascules d’un pont-levis, du mouton D’une cloche, pour Qu’ils puissent se mouvoir circulairement.

TOURMENTER, v. act. On se lest de ce mot par métaphore, et le plus souvent au participe, en parlant d’un ouvrage d’art, d’une composition, d’un dessin, d’un projet d’élévation ou de décoration d’un édifice. Lorsqu’au lieu d’être le résultat d’un principe simple, d’une pensée claire et distincte, d’un sentiment naturel et facile, d’un savoir bien ordonné, et d’une exécution libre, l’ouvrage se présente à notre esprit ou à nos yeux, comme le produit d’une conception embarrassée, d’une idée complexe, d’un goût qui trahit la peine et la recherche, et d’un travail où l’effort se fait sentir, on dit que c’est un ouvrage tourmenté.

Tourmenter quelqu’un au moral, c’est s’étudier à lui procurer de la peine, de la douleur, de l’embarras. On se tourmente aussi soi-même, lorsque, par une certaine maladie, ou par l’excès de quelque passion, comme l’envie, la haine, l’ambition, on perd le repos du corps et de l’esprit.

Tels sont, transportés dans un autre ordre de choses, les effets que nous font éprouver les ouvrages qu’on appelle tourmentés. Dans la vérité, ils produisent sur nous une impression semblable à celle qu’a dû subir l’auteur, qui, au lieu de procéder, pour exprimer ses pensées, par la voie la plus droite, s’est torturé l’esprit pour les faire arriver par quelque route pénible et détournée, pour leur faire prendre certaines formes inusitées et contraintes, dont l’étrangeté met aussi notre intelligence en peine et nous cause de l’embarras. Tout auteur qui se tourmente de la sorte, tourmente de la même façon son auditeur ou son spectateur : car il y a réciprocité nécessaire entr’eux. Comme on remarque dans le commerce ordinaire de la vie, qu’un homme qui se gêne, gêne les autres, qu’un homme qui, dans ses manières et ses discours, a de l’aisance, l’inspire et la communique à autrui, de même tout ouvrage portant l’empreinte nécessaire des habitudes, des qualités, des défauts, de l’artiste, en opérera, si l’on peut dire, la contre- preuve chez ceux auxquels il s’adressera.

Le propre de tout ouvrage tourmenté, est de faire connoître et sentir l’effort de quelque nature qu’il soit, car il en est de bien des genres. Nous n’appellerons pas seulement de ce nom, la peine et la contraction qui naissent d’un travail difficile. Il y a un genre d’effort qui paroit moins sensible, parce qu’il annonce la facilité de l’abondance, mais qui ne produit pas moins le même effet sur nous ; car la redondant’’ nous fatigue, quoique d’une autre manière, autant que l’excès de concision. L’une et l’autre nous rendent difficile, surtout dans les compositions, la perception des objets. On devient obscur par le trop dire, comme par le trop peu.

Chaque genre d’ouvrage d’art, au reste, a une manière d’être tourmenté, dans les élémens mêmes de sa Conception, comme dans les procédés de son exécution. On dit des poses des figures d’un tableau, qu’elles sont tourmentées quand l’artiste ambitieux de nouveauté, leur donne des attitudes forcées et trop contournées. On dit que la couleur en est tourmentée quand le peintre, incertain de son effet, ou ne parvenant point à se contenter, retouche sans cesse, et par un maniement excessif de pinceau, altère la fraîcheur des teintes.

Nous ne serions pas en peine de dire ce que c’est qu’une architecture, ou une composition architecturale tourmentée. Il n’y a point d’architecte qui ne convienne que ce défaut doit résulter


d’un plan qui, au lieu de lignes droites, de rapports simples, de combinaisons claires, sera un jeu péniblement controuvé de parties mixtilignes, de contours rompus, de formes incohérentes. Tout le monde sera d’accord qu’une élévation tourmentée sera celle qui se composera, soit de masses décousues et contradictoires, soit de détails bizarrement assemblés, sans aucune raison qui en motive ou en explique la réunion, soit d’une multiplicité confuse d’objets qui ne sont que des hors-d’œuvre. Mais ce sera surtout dans la complication des ornemens, dans la prétention à innover par des mélanges indiscrets, ou par la profusion des motifs décoratifs, que l’architecte qui aura tourmenté son cerveau, à celle laborieuse recherche, fatiguera nos yeux et tourmentera notre esprit, Le dix-septième siècle a produit dans les œuvres de Boromini, et de son école, les exemples les plus clairs et les plus propres à faire comprendre, ne fût-ce que par les yeux, ce que peut être une architecture tourmentée.

TOURNER, v. act. C’est faire un ouvrage quelconque, à l’aide de l’instrument qu’on appelle tour. Voyez ce mot.

TOURNER. Se dit, mais dans le langage plutôt familier, surtout s’il s’agit d’architecture et de bâtiment, comme synonyme d’exposer, de disposer, de situer.

Ainsi l’on dira d’une maison qu’elle est bien tournée, lorsque son exposition est agréable ; que son intérieur est bien tourné, lorsque toutes les pièces offrent des dégagemens commodes, et que toutes les parties ont entr’elles de justes proportions.

On dit aussi d’une église, que son portail doit êtretourné vers l’occident, que son autel doit l’être vers l’orient.

TOURNIQUET, s. m. Espèce de moulinet à quatre bras, qui tourne verticalement, à hauteur d’appui, Dans Une ruelle, Ou A Côté D’une barrière, pour empécher les chevaux d’y passer. On en fait en bois, en bien et en bronze. Il y en un DE CES DEUX Dans Métaux Plus d’Un endroit des cours et des jardins de Versailles.

TRACER, v. act. C’est tirer les premières lignes d’un dessin d’un plan, sur le papier, sur la toile, sur le terrain. Il y a plus d’une manière de tracer, dans les procédés du bâtiment, et on les exprime par les locutions suivantes :

TRACER AU SIMBLEAU. C’est tracer, d’après Plusieurs centres, les ellipses, les arcs surbaissés, rampans, corrompus, etc. , avec le simbleau, qui est un cordeau de chanvre, ou mieux encore de tille, parce qu’elle ne se relâche point. On se sert ordinairement du simbleau pour tracer les figures, dont la grandeur excède la portée du compas.

TRACER EN CHERCHE. C’est décrire, par plusieurs points déterminés, une section conique, c’est-à-dire une ellipse, une parabole ou une hyperbole, et d’après cette cherche levée sur l’épure, tracer sur la pierre, ce qui se fait aussi à la main, et au gré de l’œil, pour donner une certaine grâce aux arcs rampans de diverses espèces.

TRACER EN GRAND. C’est, en maçonnerie, tracer sur un mur, on sur une aire, une épure, pour quelque pièce de trait, ou quelque distribution d’ornemens. En charpenterie, tracer, c’est marquer, sur un étalon, une enrayure, une ferme, etc. , et le tout aussi grand que l’ouvrage.

TRACER PAR ÉQUARRISSEMENT on DÉROBEMENT. C’est, dans la construction des pièces de trait, ou coupe de pierre, une manière de tracer les pierres par des figures prises sur l’épure, et cotées pour trouver les raccordemens des panneaux de tête, de douelle, de joint, etc.

TRACER SUR LE TERRAIN. C’est, dans l’art de bâtir, faire de petits sillons, suivant des lignes ou cordeaux, pour l’ouverture de la tranchée des fondations

C’est, en jardinage, sur un terrain bien dressé et labouré, marquer avec, le traçoir (qui est un long bâton pointu), les compartimens, enroulemens, rouleaux ou feuillages de parterres, pour y planter du buis, ou toute autre sorte de plante propre à faire des bordures.

On dit aussi tracer à la main. C’est faire à vue d’œil, sans le secours d’aucun instrument, ou procédé géométrique, le contour d’une courbe par plusieurs points donnés, ou bien corriger ce contour dans les endroits qui ne satisfont pas la vue.

Traçoir, s. m. Ce est, SELON LES différens ouvrages à tracer, l’instrument sur l’utilisation Ne pour cette opération.

TRAINER, v. act. Se dit particulièrement du moyen qu’on emploie pour faire, dans les bàtimens, les corniches eu plâtre.

Pour faire ainsi une corniche ou un cadre, on fait, au préalable, un calibre, sur le dessin tracé de la grandeur que doit avoir l’ouvrage. Ce calibre répète ainsi en creux ce que la corniche doit avoir en saillie, et donne en saillie ce qui doit devenir creux. On l’adapte à un bâtis quelconque qui sert à le manœuvrer. On place ensuite en avant du massif, ou noyau de la corniche, deux règles bien arrêtées, sur lesquelles le calibre sera promené. On garnit de plaira clair le massif de la corniche, et on passe, en le traînant, le calibre sur


ce plâtre encore ductile et mou. On répète l’opération jusqu’à ce que toutes les moulures et les plus petits profils aient acquis le complément de leurs formes.

TRAIT, s. m. Dans la langue des arts du dessin, d’où les autres arts semblent en avoir emprunté l’emploi, le mot trait s’applique à la ligue qui termine une figure quelconque.

Ce que nous nommons ainsi, le latin l’appelle linea, ligne, synonyme de trait. Aussi doit-on traduire avec ce mot, dans les descriptions d’ouvrages d’art, qu’on rencontre chez, les écrivains latins, le motlinea, que l’on a eu souvent le tort de rendre en fraucais par le mot ligne, lequel habituellement appliqué à l’écriture, a produit une confusion ridicule. C’est ainsi que lorsque Pline nous dit, qu’Appelles ne passoit pas un jour quin lineam duceret, on s’est imaginé que cet exercice du peintre grec se bornoit à faire une simple ligne. De même lorsqu’il raconte l’espèce de défi qui eut lieu entre Apelles et Protogènes, à qui feroit le trait le plus délié, on a cru encore, à cause du mot linea du texte, qu’il ne s’étoit agi entr’eux, que de se disputer l’honneur de tracer la ligne la plus menue. Linea répondant à ce que nous appelons un trait en dessin, il est visible, qu’entre deux peintres, il ne put être question que d’un dessin au trait, ou de ce que nous appelons aussi, par abréviation, un trait en supprimant le mot de dessin.

L’architecture se composant plus sensiblement encore, qu’aucun autre art, de lignes ou de traits qui renferment les formes de l’édifice, la déliénation est un des principaux moyens qu’emploie l’architecte pour tracer ses projets. Il commence donc par les mettre, ce que l’on appelle au trait, soit à l’aide du crayon, soit avec la plume, et c’est lorsque ce trait est arrêté, qu’il donne aux formes leur rondeur et leur effet, par les ombres que procure le lavis.

Mais les matériaux que l’architecte met en œuvre, pour l’exécution d’un édifice, exigent, en pierre surtout, que leur emploi soit déterminé, et que leur configuration soit fixée, en grand et en détail, par des traits qui empêchent les appareilleurs de se tromper. C’est pour cet effet qu’on trace sur une aire, ou sur l’enduit d’un mur, les traits et les lignes, de tout ce qui est nécessaire au développement des parties de l’ouvrage. Voyez le mot EPURE.

La construction en pierre, comme on l’a dit, est particulièrement celle qui exige avec le plus de détails une semblable opération. Plus surtout le travail de cette construction s’est multiplié et compliqué, par le manque des grandes masses de pierres, par le besoin de faire produire à plusieurs la forme et l’étendue qu’une seule ne pourroit pas donner, mais davantage encore par la hardiesse des entreprises, ou par la diversité des plans, et disons-le le même, par la bizarrerie des inventions, plus l’art de réduire en traits, toutes les coupes de pierre, qui doivent former des assemblages aussi compliqués, est devenu difficile. On a invoqué le secours de la géométrie pour tracer ces coupes savantes, qui toutefois ne produisent à grands frais que des difficultés inutilement vaincues. Enfin toutes ces pratiques dont on a rendu compte ailleurs, ont formé une science à part, ou un art particulier que l’on appelle l’art du trait. Voyez COUPE DES PIERRES.

Le mot trait a différentes applications aux travaux des arts, et surtout à ceux de l’architecture, et on leur donne différens noms. On dit :

TRAIT DE REPAIRE, C’est une ligne qui est fixée par un alignement.

TRAIT DE NIVEAU. On appelle ainsi la ligne qui est fixée pour former l’aire d’un plancher, pour la pose d’un lambris d’appui, pour une corniche.

TRAIT se prend quelquefois pour la coupe des pierres. On dit une pièce de trait, pour dire un ouvrage dont toutes les pierres sont taillées selon l’art de la coupe. Voyez ce mot.

TRAIT se dit aussi au lieu de hachure, taille.

TRAIT BIAIS. C’est une ligne inclinée sur une autre, et qui forme avec elle un angle quelconque.

TRAIT CORROMPU. C’est une ligne tracée à la main irrégulièrement, et qui forme des inégalités, des sinuosités.

TRAIT CARRÉ. C’est une ligne perpendiculaire sur une autre. Tous les ouvriers se servent d’un équerre, que la plupart appellent triangle, pour tracer une perpendiculaire on trait carré.

TRAIT DE SCIE. On appelle ainsi le passage de la scie à travers soit une pierre, soit une pièce de bois.

Dans la charpenterie, les scieurs de long appellent rencontre, l’endroit où, à quelque distance près, deux traits de scie se rencontrent, c’est-à-dire à l’endroit où la pièce de bois se sépare. On enlève ces rencontres et traits de scie, aux bois qui doivent être apparens, comme dans les planchers, ou dans d’autres ouvrages.

TRAIT DE BUIS. (Jardinage.) Ainsi nomme-t-on un filet de buis nain, continu et étroit, qui forme la bordure ou les contours d un parterre, qui renferme des plates-bandes et des carreaux. On le fond ordinairement deux fois l’année, pour le faire profiter, ou pour l’empêcher de monter plus qu’il ne faut.


TRAJANE (COLONNE). Monument sans aucun doute le plus beau, le plus entier et le plus remarquable à tous égards, qui nous soit parvenu de la magnificence romaine. A l’article de la colonne Antonine (voyez ANTONINE), nous avons déjà fait sentir la supériorité du monument de Trajan, sur tous ceux qui sont venus après. Comme il semble qu’il n’a guère été fait de ces sortes d’ouvrages, que dans l’Empire romain, aucune notion historique ne nous faisant soupçonner, qu’il en ait été élevé de semblables chez les Grecs, qui n’eurent ni les raisons ni les moyens d’entreprendre de telles dépenses, on est porté à présumer que la colonne Trajane fut le premier monument de ce genre. Si, avant Trajan, quelqu’autre empereur eût érigé une pareille masse, il n’est pas douteux qu’il en seroit resté quelque vestige ; elle auroit, effectivement, résisté plus qu’aucune autre aux moyens, et aux raisons de détruire qui avoient cours alors. Nous ne trouvons point d’ailleurs de colonnes triomphales isolées, sur les revers des monnaies des empereurs qui ont précédé Trajan. Tout porte à croire que ce monument, qu’on voit pour la première fois sur les médailles de cet empereur, fut véritablement original, et comme tel il lui est arrivé, ce qui n’est pas rare, d’avoir été imité depuis, mais de fort loin, dans les colonnes qui nous sont parvenues d’Antoniu ou de Marc-Aurèle à Rome, et de Théodose à Constantinople.

La colonne Trajane fut élevée par le sénat et le peuple romain à l’empereur Trajan, dans le forum qui portoit son nom, et qui avoit été construit par l’architecte Apollodore, qu’on présume avoir également dirigé la construction de la colonne. En y comprenant la base et le chapiteau, elle a cent pieds romains antiques de humeur ; son diamètre au bas du fût est de donze pieds. Le piédestal en a dix-huit d’élévation, et son amortissement seize et demi. Au-dessus s’élève une statue en bronze de treize pieds de proportion. Le tout fait cent quarante-sept pieds romains, qui reviennent à cent trente-quatre pieds trois pouces neuf lignes de noire pied de Roi. On peut croire l’amortissement qui supporte la statue moderne, de quelque chose plus haut, que celui qui portoit jadis la statue de Trajan, si l’on en juge par la médaille antique où l’on voit cette statue poser simplement sur un globe tronqué. La statue paroît avoir tenu de la main droite un globe, dans lequel on prétend qu’avoient été renfermées jadis les cendres de l’empereur.

On monte au sommet de ce monument, c’est-à-dire sur le plateau servant de tailloir à la colonne, par un escalier en limaçon, taillé dans la masse de chacun des tambours de marbre dont est formé le fût. L’escalier se compose de 185 degrés, et il reçoit la lumière par quarante-trois petites ouvertures, pratiquées de distance en distance dans l’épaisseur du marbre, mais sans interrompre la série des bas-reliefs sculptés dans toute la circonférence, sur une ligne spirale du bas du sût jusqu’à son sommet, et qui y fait tout alentour vingt-trois révolutions.

La colonne a de sept à huit diamètres en hauteur, proportion qui est celle que les Romains donnèrent ordinairement à leur dorique. Quoiqu’une colonne isolée manque nécessairement de beaucoup des caractères qui, dans les édifices, font reconnoître la nature de chaque ordre, cependant, vu les oves dont son échine est décorée, il est assez évident qu’il n’y a pas lieu de se méprendre sur l’intention qu’eut l’architecte, d’en faire une colonne dorique. Du reste ou ne sauroit qu’y admirer la beauté de la proportion et le bel accord de toutes les parties.

Le piédestal n’en est pas la moins remarquable, et par son rapport avec le tout, et par les belles sculptures qui embellissent ses quatre faces, où l’on voit des trophées d’armes de toute espèce, exécutées de bas-relief avec un art admirable. Dans une de ces faces est pratiquée la porte d’entrée, au-dessus de laquelle est l’inscription figurée sur une table que supportent deux victoires ailées. Toute cette composition, aussi remarquable par le bon goût que par son exécution, doit être citée comme modele classique en ce genre.

On doit le dire aussi du genre de sculpture de toute la série de bas-reliefs historiques, où toutes les campagnes de Trajan, ses combats, ses entreprises, ses victoires, sont représentées par ordre depuis le bas jusqu’en haut, en suivant une ligne spirale, dont la courbe très-douce se développe, en raison du très-fort diamètre de la colonne, et de manière à s’écarter le moins possible du plan horizontal que la vue de l’ouvrage semble devoir exiger.

Nous avons déjà fait remarquer à l’article BAS-RELIEF, avec quelle intelligence toute cette sculpture avoit été conduite, et sous le rapport de la composition, et selon les vraies convenances de la nature des sujets, de la forme du corps où ils sont tracés, de l’espace qu’ils occupent, et des facultés visuelles de ceux auxquels ils s’adressent. Nous ne répéterons donc pas ici les raisons que nous avons donnes, pour justifier les prétendus défauts de perspective, que l’on avoit coutume de reprocher à cet ouvrage, espèces de défauts qui le sont, dans un sens absolu, mais qui, relativement considérés, non-seulement sont excusables, en tant qu’ils sont nécessaires, mais sont même un mérite, et contribuent à la perfection de l’ensemble. Voyez BAS-RELIEF.

Il faut, pour se rendre compte du mérite dont nous parlons, se figurer l’effet qu’auroient produit sur le nu de la colonne servant de fond à la sculpture, des bas-reliefs, qui, selon la variété des plans, que la perspective exigeroit, pour être tant soit peu exacte, auroient présenté les saillies les plus


inégales, et les renfoncemens les plus divers. Qui ne voit que ce que le sculpteur peut se permettre fut le fond horizontal d’un mur, fond qu’on ne peut voir qu’en face, et où la multiplicité de plans est sans inconvénient, ne pouvoit avoir lieu sur le fond convexe d’une colonne, qui exige impérieusement, qu’un respecte la ligne perpendiculaire de son galbe ? L’effet des plans reculés ne pourroit s’obtenir que de deux manières, ou en enfonçant inégalement le nu de la colonne, ou en faisant déborder et saillir inégalement les objets, et les figures des plans antérieurs. Mais alors, égal inconvénient, dans tin sens comme dans l’autre, c’est-à-dire que la culmine n’offriroit, de quelque part qu’on la vît, que des lignes cahotées, sous l’effet desquelles disparoîtroit la forme de son fût, ce qui produiroit l’impression la plus désagréable.

Il y a un système, le seul raisonnable, dans l’emploi du bas-relief inhérent aux formes de l’architecture, et il consiste à traiter les sujets et les figures, par une convention particulière, selon l’esprit d’une écriture figurative. Disons donc, qu’ayant à écrire en figures, l’histoire des guerres de Trajan, autour d’une colonne, il convenoit, 1°. de n’y observer aucune perspective ; 2°. de n’y pratiquer que le moins de plans, c’est-à-dire de diminutions d’épaisseur entre les figures, de peur d’effacer trop celles du fond ; 3°. de donner au tout assez de saillie, pour faire lire ces sortes de caractères, et pas assez pour interrompre ou altérer le galbe de la colonne.

Cette légère théorie se trouve confirmée, par les imitations qui furent faites du monument de Trajan. Il est a croire que ceux qui firent la colonne Antonine, prétendirent, comme il n’arrive que trop souvent, améliorer et perfectionner en innovant. Les reliefs de cette colonne ont, comme on le voit, infiniment plus de saillie. Quoique l’on y ait évité le vice de la perspective et de la dégradation des plans, cependant la saillie générale donnée aux figures, a exigé partout, d’en fouilles beaucoup plus les contours, De là il résulte que ce grand effet procuré à la sculpture, va au détriment de la forme et du nu, c’est-à-dire du galbe de la colonne. Il en a été de même de la colonne de Théodose à Constantinople.

Au reste, ces deux derniers monumens ne sauroient soutenir le parallèle avec celui de Trajan, pour le mérite intrinsèque de l’ait. Il y auroit à relever et a faire sentir dans ce reste le plus magnifique de la grandeur romaine, une multitude de beautés, de convenances, et de propriétés de goût, particulièrement pour le caractère propre, et pour l’habileté de l’exécution dans tous les détails, qui seroient la matière d’un ouvrage spécial, et qui, par plus d’une raison, excédant les bornes de cet article, paroîtroient d’autant plus étrangéres à l’objet essentiel de ce Dictionnaire.

TRANCHE (DE MARBRE), s. f. Morceau de marbre mince, Qu’on incruste Dans compartiment non, ous Qui SERT de table To receive juin inscription.

TRANCHÉE, s. f. Ouverture en terre que l’on pratique, n’importe dans quel sens, mais le plus souvent en long, soit pour y asseoir les fondations d’un édifice, soit pour poser et réparer des conduites de plomb, de fer, ou de terre, soit aussi pour planter des allées d’arbres.

TRANCHÉE DE MUR. Ouverture en longueur, hachée dans un mur, pour y recevoir et se eller une solive, ou un poteau de cloison, ou une tringle qui sert à porter de la tapisserie.

On appelle encore tranchée de mur, une entaille dans une chaine de pierre, au dehors d’un mur, pour y encastrer l’ancre du tirant d’une poutre, et la recouvrir de plâtre. On fait aussi de ces tranchées pour retenir les tuyaux de cheminées qu’on adosse contre un mur.

TRANCHER, v. agir. Se dit métaphoriquement de couleurs opposées, Qui se détachent Avec dureté les UNES sur les Autres, et produisent Une impression désagréable, Comme Celle, par exemple, de marbres noirs Qu’on placeroit sur des fonds de marbre blanc.

TRANCHIS, s. m. D’ardoises Rang Ou tuiles De échancrées, Qui sont en recouvrement sur d’Autres Entières, DANS L’angle rentrant D’une noue OU D’une fourchette.

TRANSVERSALE, adj. Se dit De toute ligne Qui en coupé obliquement Une Autre.

TRAPE, s. f. Sur Donne CE nom à juin fermeture en bois, Composée D’UN fort châssis et D’UN OU Deux venteaux, Qui, au niveau being de l’aire d’ONU rez-de-chaussée, couvre juin descente de cave.

TRAPÈZE, s. f. Mot grec Qui signifié à quatre pieds, et sur l’utilisation Dont Dans la langue de l’archéologie, Comme being synonyme de table. Voyez TABLE.

TRAVAIL, s. m. Se dit de la peine, ou de la fatigue qu’exige un ouvrage. Il se dit de l’ouvrage lui-même, et se dit encore de la nature de son exécution. C’est un beau travail. C’est, un travail médiocre. Cet ouvrage sent trop le travail. C’est-à-dire que le mérite de l’exécution s’y fait trop apercevoir, et l’emporte par trop sur celui du sentiment. Ou bien il lui manque le charme, et la facilité qui procède ordinairement d’une heureuse inspiration.

TRAVAILLER, v. act. C’est faire un travail


quelconque, et plus d’explication sur la signification usuelle de ce mot, n’ajouteroit rien à l’idée si simple qu’il exprime.

Cependant on emploie ce mot dans un sens détourné de son usage naturel, comme lorsqu’on l’applique à exprimer certains effets, qui ont lieu de la part d’objets inanimés. Ainsi dit-on par métastase, qu’un bâliment travaille, lorsque, soit par vétusté, soit par défaut des fondations, ou par vice de construction, les matériaux se disjoignent, ou sortent de leur aplomb, les voûtes s’écartent, les plafonds s’affaissent, etc.

On dit aussi du bois qu’il travaille, lorsqu’ayant ètè employé vert, ou ayant été mis en œuvre dans quelque lieu trop humide, il se retire ou se gauchit, en sorte que les panneaux s’ouvrent et se cambrent, les languettes quittent leurs rainures, et les tenons, leurs mortaises.

Dans le langage du bâtiment, il y a pour les ouvriers plus d’une manière de travailler qu’on distingue par l’addition de diffères mots, et l’on dit :

TRAVAILLER A LA JOURNÉE. Voyez JOURNEE.

TRAVAILLER A LA PIÈCE. C’est faire de certains ouvrages d’une nature ou d’une mesure semblables entr’eux, et qui permettent de leur affecter d’avance un prix, déterminé. Tels seront des chapiteaux, des bases, des balustres, etc. , que l’on doit exécuter pour un prix convenu.

TRAVAILLER A LA TACHE. C’est, pour un prix convenu, faire une partie d’ouvrage, comme la taille d’une pierre, selon le dessin donné d’architecture ou de sculpture.

TRAVAILLER A LA TOISE. C’est marchander avec l’entrepreneur ou le bourgeois, la toise courante ou superficielle de différens ouvrages, comme taille de pierres, gros ou légers ouvrages de maçonnerie, etc.

TRAVAILLER PAR ÉPAULÉES. C’est reprendre peu à peu, et non de suite, quelque ouvrage par sous-œuvre, ou fonder dans l’eau. C’est aussi employer beaucoup de temps, à construire quelque bâtiment, parce qu’on n’a ni les matières ni les moyens de l’exécuter promptement.

TRAVAISON, s. m. Sur Trouve CE mot employee par Blondel DANS SON Cours d’architecture, pour traduire le mot latin prétendu trabeatio, Que d’Autres Ont Francise en littéraire & humoristiqueentablement. Ce mot toutefois Ne EST Ni Ni français latin.

TRAVÉE, s. f. Se dit généralement d’un espace qui est entre deux poutres, et qu’on remplit d’un nombre quelconque de solives. Ce mot vient du latin trabs poutre.

Dans les églises gothiques surtout, on donne le nom de travée à ces galeries supérieures, qui s’élèvent au-dessus des arcades des nefs. Il paroîtroit que ce nom seroit venu des anciennes constructions en bois, où les intervalles des grosses poutres supportées par les piliers, étoient remplis par des planchers formés de solives.

TRAVÉE DE BALUSTRES. Est un rang de balustres en bois, en fer ou en pierre, placés entre deux piédestaux.

TRAVÉE DE COMBLE. C’est sur deux ou plusieurs, pannes, la distance d’une ferme à une autre, qui est remplie de chevrons des quatre à la latte. Cette distance est de neuf en neuf, ou de douze en douze pieds, et à chaque travée il y a des fermes posées sur un tirant.

TRAVÉE DE GRILLE DE FER. Rang de barreaux de fer, entretenu par les traverses, entre deux pilastres ou montans à jour, ou entre deux piliers de pierre.

TRAVÉE D’IMPRESSION. C’est ainsi qu’on appelle, dans le toisé, la quantité de deux cent seize pieds, ou six toises superficielles d’impression, de couleur à l’huile ou à détrempe, à laquelle on réduit les planchers plafonnés, les lambris, les placards, et autres ouvrages de di différentes grandeurs imprimés, pour en faire le toisé dans lés bâtimens. Les travées des planchers apparens, se comptent doubles, à cause d’une eufonçure de leurs entrevoux.

TRAVÉE DE PONT. (Terme d’architecture hydraulique.) Partie du plancher d’un pont de bois, contenue entre deux files de pieux, et faite de travons soulagés par des liens ou contre-fiches, dont les entrevoux sont recouverts de grosses dosses ou madriers, pour en porter le couchis.

TRAVERSE, s. f. Pièce de bois qui s’assemble avec les battans d’une porte, ou qui croise carrément, sur le meneau montant d’une croisée.

On appelle aussi traverses, des barres de bois, posées obliquement, et clouées sur une porte de menuiserie.

TRAVERSE DE FER. Grosse barre de fer, qui, avec une pareille, retient par le haut et par le bas, les montans de costiers et de battement, et les barreaux du ventail d’une porte de fer. Il y a de ces traverses, qu’on met à hauteur de serrure, pour entretenir les barreaux trop longs, et qui servent à renfermer les ornemens des frises et bordures de serrurerie. Les grilles de fer ont aussi des traverses qui en fortifient les barreaux.

TRAVERSINES, pl s. f. . (Terme d’architec-


ture hydraulique.) Espèces de solives qu’on entaille dans les pilotes, versez Faire un radier d’écluse Voyez RADIER.

On appelle Maîtresses traversines, Celles Qui présage sur Les Seuils.

TRAVERTIN. Sorte de pierre Qu’on Exploité Dans les environs de Tivoli, et Dont were construits Les Édifices principaux de Rome antique et moderne.

TRAVONS, s. m. pl. (Terme d’architecture hydraulique.) Ce are, Dans un pont de bois, les Maîtresses pièces Qui en traversent la largeur, versez portier Autant les travées des poutrelles, au Québec pour servir à de chapeau aux fichiers de pieux. Sur les Appelle also sommiers.

Trèfles, s. m. pl. Ce mot is the Translation du latin Trifolium, Sorte de plante AINSI appelee Parce Qu’elle a trois feuilles.

La sculpture d’ornement une mauvaise cette plante au Nombre de Celles, au Québec sa forme René D’une facile imitation, et susceptible d’effet non Assez piquant, particuliérement Dans les petites moulures. Sur multipliez sur l’AUGMENTE sur l’effet de CET ornement en le découpant un palmettes ous en fleurons.

Trèfles DE MODERNE, Ce are, DANS LES compartimens des vitraux, pignons ET frontons gothiques, de petites roses à jour, Faites de pierre dure, nervure AVEC, et formix portions de Trois nominale de cercle, ous trois petits arcs en tiers-point de pair.

TREILLAGE, s. m. Saumaise sait venir, avec beaucoup de vraisemblance, ce mot du latin trichila, que Columelle emploie pour désigner une treille de vigne.

Un treillage est un ouvrage fait d’échalas dressés et aplanis, qu’on lie carrément entr’eux avec du fil de fer, et dont on forme des mailles de cinq à sept pouces. On les établit ordinairement le long des murs des jardins, pour y attacher les vignes ou les arbres à fruit qu’on dresse en palissades. Les treillages sont peints ou en blanc, ou le plus souvent en vert, et à t’huile, pour la conservation des bois.

TREILLE, s. f. On donne ordinairement ce nom à un berceau soit en forme de voûte, soit en forme de plafond, fait de treillage, comme on l’a dit à l’article précédent, et qui reçoit quelquefois des plantes grimpantes propres à faire de l’ombre, mais le plus souvent des ceps de vignes. On les construit avec des perches de bois blanc. Les treilles servent de cabinets de verdure dans les jardins, et de lieux de retraite contre les ardeurs du soleil.

Sur la mosaïque de Palestrine, on a représenté un très-grand berceau cintré, formé par du treillage que recouvrent des feuilles de vigne, sous lequel on voit, d’un côté, des convives à table sur des lits, et de l’autre, des joueurs d’instrumens. Dans plus d’une peinture d’arabesque antique, on a figure de semblables treilles.

TREILLIS, s. m. Nom qu’on donne assez généralement à une clôture formée de mailles en fer ou en bronze. Telle est, par exemple, celle qui ferme l’ouverture qui est au-dessus de la porte du Panthéon à Rome. Telles sont dans les prisons, les fermetures de la plupart des fenêtres.

On distingue le treillis de la grille, en ce que ses barres sont aillées eu losange comme celles d’un filet, au lieu d’être carrées.

Les Grecs appeloient filet, διχιυον, ce que nous nommons treillis. La chambre qui renfermoit le corps d’Alexandre, sur le char sépulcral qui le transporta de Babylone en Egypte, n’avoit pour clôlure, qu’untreillis en forme de filet d’or, de l’épaisseur d’un doigt) que Diodore appelle διχιυον.

TREILLIS DE FIL DE EFR. On donne ce nom à un châssis de verges de fer maillé, en petits losanges de gros lil de fer, qu’on met au-devant des vitraux. Tels sont les châssis ou treillis du bas d’un édifice, pour empêcher que les vitres ne soient cassées par des coups de pierre. Tels sont ceux qu’on met aux fenêtres élevées d’un dôme, pour résister à l’impétuosité des vents qui pourroiont enfoncer les panneaux. On les place à quelque distance de la vitre.

TREMEAU. Voyez TRUEAU.

TRÉMION, s. m. Barre de fer Qui SERT un sontenir la hotte ous U trémie D’une cheminée.

Trépan, s. m. Outil Dont sur soi SERT DANS LE travail de la sculpture, versez faire des trous. On en utilisation redingote versez Donner des noirs aux détails des ornemens.

TRÉPIED, s. m. , du mot grec τριπονς ou du latin tripus, signifie à trois pieds. On donna d’abord ce nom à une table circulaire reposant sur trois supports, pour la distinguer du trapèze, mot abrégé detètrapèze, à quatre pieds. Voyez TABLE.

Rien ne fut plus commun dans les usages domestiques, que ces tables à trois pieds. On en voit sur beaucoup de bas-reliefs antiques, et la, ils accompagnent des lits de lestins, sur lesquels siègent les convives ; leur plateau est chargé de vases de fruits, etc.

Des emplois domestiques, la table (comme on l’a vu à ce mot) passa aux usages religieux. On la plaça devant les simulacres des dieux, et elle servit à recevoir les offrandes da la piété. Les tables


primitives de ce genre furent portatives. Les cérémonies religieuses admettant plus d’une espèce de sacrifice et de pratique expiatoire, on fit dans le goût et dans la forme d’une table à trois pieds, des espèces de réchauds pour y brûler des parfums, ou des espèces de vases pour les lustrations et l’on donna généralement à tous ces objets le nom de trépied.

Il n’entre point dans l’objet de ce Dictionnaire, de donner avec plus de détail l’histoire archéologique du trépied, dans ses rapports avec les croyances mythologiques, avec les pratiques de la divination chez les anciens peuples, avec les a attributs symboliques des diverses divinités.

Ici, nous n’avons à le considérer que sous deux aspects, ou en lui-même, sous le point de vue de l’ornement, ou dans l’emploi qu’en fil l’architecturé, comme objet de décoration applicable aux édifices.

On ne sauroit dire de combien de manières, la sculpture antique a varié les détails et le goût des trépieds, selon le genre de matière qu’on y employa. Nous ne parlerons ici des trépieds en or, dont on trouve les plus fréquentes mentions chez les écrivains, et dont aucun, comme on le pense bien, ne nous est parvenu, que pour constater l’importance qu’on mit jadis a ces ouvrages. Mais rien ne fut plus multiplié que les trépieds en bronze. Ilest peu de collections d’antiques qui n’en renferme quelqu’un. De tous ceux qu’ou connoît, les plus beaux, d’une sculpture la plus rare, et du goût le plus ingénieux, sont sans contredit les deux que possède le Muséum de Naples, et qui furent découverts à Pompéia Dans l’un, le brasier circulaire, orne de festons, est supporté, ou censé l’être, par les ailes de trois sphinx, à corps de semme, qui reposent chacun sur une sorte de patte alongée, laquelle se termine en bas par un pied de chèvre, et qui, dans sa hauteur, est décorée de colliers, et auties petits accessoires, exécutés d’un travail anssi précieux que spirituel. Le brasier de l’autre trépied, qui sert de pendant au précédent, est supporté par trois termes priapiques, dont les corps se terminent en une patte alongée.

On voit que dans l’ordre religieux, les trépieds furent très-réellement des autels. Aussi ne sauroit-on s’empêcher de reconnaître comme étant des trépieds, les bases triangulaires sur lesquelles la sculpture en marbre, élevoit souvent les fûts des candélabres, Tels sont les deux plus beaux qu’on admire au Muséum du Vatican, et dont la tige est ornée, par étages, de superbes rinceaux, jusqu’à la soucoupe, servant de récipient aux matières combustibles, voyez ce qui a été dit sur ces beaux ouvrages, au mot CANDELABRE.

Mais le trépied de marbre, sans comparaison le plus remarquable pour sa composition, par la beauté, comme aussi par ta difficulté du travail, est celui du même Muséum, el que I’iranesi a gravé avec un art qui en reproduit parfaitement le mérite. Il fut découvert en 1775, dans le terrain qu’on croit avoir été occupé par la ville antique d’Ostia. Sa conque ou sa cuvette est soutenue par trois montans quadrangulaires, qui se terminent dans le bas en patte de lion. Le haut de la cuve est formé par un bourrelet découpé en feuilles de laurier. Au-dessous règne une petite frise où l’on a sculpté, dans un ordre alternatif, deux dauphins avec une coquille, et deux grissons ailés avec un pot à seu. Le culot de la cuvette est en cannelure saillante. Chacun des montans dont on a parlé, est orné, dans sa hauteur, d’une tigette en fleurs et en feuilles, et le compartiment supérieur est rempli par un bucrane. Entre les trois montàns, règne un tronc qui aboutitau milieu de la cuvette et finit par le bas, en manière de culot renversé. Rien de plus ingénieusement compliqué, que l’ajustement de tous les objets qui remplissent le vide des trois montans, et qui nous apprennent que le trépied étoit consacré à Apollon. Vers le bas, ces montans sont réunis par une traverse, qui va de l’un à l’autre C’est de cette traverse, que partent avec beaucoup de goût, des branches d’acanthe qui figurent une lyre, à laquelle on voit suspendue ’un côté le carquois du dieu. Un serpent mêlé à cette composition, et dont la queue sort du tronc dont on a parlé, lorsque sa tête s élève vers le sommet, complète l’ensemble des symboles d’Apollon. On ne sauroit trop faire remarquer, après la belle exécution de tous ces objets, la difficulté que dut occasionner un pareil travail en marbre, travail qu’on croiroit avoir dû appartenir plutôt aux ouvrages métalliques.

Les Anciens employèrent souvent le trépied comme ornement symbolique en bas-relief, dans la décoration des temples, et ils les placèrent encore en toute réalité, et de métal, sur plusieurs parties des édifices. Ainsi lisons-nous dans Pausanias (l. 5. ch. 10), qu’aux deux acrotères latéraux du fronton du temple de Jupiter a Olympie, on avoit placé deux trépieds dorés, Le mot grec. lebes, dont l’auteur se sert, signifie proprement chaudière, bassin. Mais cela même étant ce qui constitue particulièrement pour l’usage, ce qu’on appelle trépied, nous croyons que surtout, pour la place qu’ils occupoient, d’un côté et de l’autre u fronton, ces bassins devoient être élevés sur quelque support.

Rien ne fut aussi multiplié chez les Grecs, que l’usage des trépieds. Les citations qu’on pourroit faire à cet égard, sont innombrables. Un des emplois les plus rinaires de cet objet à Athènes étoit a’être donné en prix à ceux qui avoient dirigé les concours choragiques. Aussi y avoit-il dans cette ville une rue qui s’appeloit la rue des trépieds. C’étoit là que se trouvo ent érigés les monumens de ces petites victoires. Ils consistoient en un édifice surmonté du trépied donné en prix à la tribu qui, dans la composition et l’exécution des chœurs,


avoit obtenu les suffrages. Le monument aujourd’hui subsistant, qu’on appelle vulgairement la lanterne de Démosthène fut érigé par Lysistrate, en l’honneur de sa victoire ; et l’on voit encore au sommet de l’ornement dont il est couronné, les trous qui avoient servi à sceller le trépied de bronze qui fut le prix du vainqueur.

Le goût de plus en plus répandu de l’antiquité, depuis quelques années, a fait de nos jours transporter dans un grand nombre de meubles usuels, la forme des trépieds. On l’applique non-seulement à des tables appelées guéridons, mais encore à certains ustensiles domestiques qui, pour l’usage que tout le monde sait, se composent d’une cuvette portée sur trois montans, et d’un plateau intermédiaire, sur lequel on pose les vases et autres objets de toilette.

Il se fait de ces trépieds en bois précieux, quelfois revêtus d’ornemens de bronze doré. Il s’en fait aussi en bronze. Ce genre de meuble entre volontiers dans les travaux de l’ébénisterie.

TRÉSOR, s. m. Sous le rapport de l’architecture le mot trésor désigne un local, un bâtiment destiné à la garde des deniers publics, et à mettre en réserve un assez grand nombre d’objets précieux, soit comme métaux, soit comme ouvrages rares, et qu’on désire mettre en sûreté.

Nous trouvons les plus anciennes mentions de bâtimens construits en Grèce pour servir de trésors, ou de dépôts, aux richesses des princes. Agamède et Trophonius avoient bâti pour Hyrieus, à Orchomène, un trésor, dans la construction duquel ils avoient pratiqué un secret dont eux seuls avoient connoissance. (Voy Paus. l. 9. ch. 37.) Hyrieusa s’apercevant que son argent disparoissoit, y dressa un piège où Trophonius fut pris. Un autre édifice du même genre, mais beaucoup plus célèbre, fut dans la même ville d’Orchomène, le trésorde Mynias, que Pausanias vante comme une des merveilles de la Grèce, ouvrage, dit-il (voy. ibid.), aussi magnifique qu’il y en ait dans tout le reste du Monde. Ailleurs, le même écrivain (l. 9. ch. 36) s’étonne de ce que les Grecs avoient toujours plus admiré les merveilles étrangères, que œlles de leur propre pays, puisque (ajontet-il) leurs plus célèbres historiens ont décrit les pyramides d’Egypte, avec la dernière exactitude, et qu’ils n’ont rien dit du trésor royal de Mynias, ni des mu s de Tirinthe, qui n’étoient pas moins admirables que ces pyramides. Ce trésor ètot bâti tout en marbre. C’étoit une rotonde dont la voûte se terminoit en pointe, et avoit à son sommet une pierre sormant la clef de toute la construction. C’est par erreur que quelques voyageurs ont donné le nom de trésor, à un édifice circulaire ainsi construit en forme de tholus, qui subsiste encore aujourd’hui dans cette ville. Ce monument, dont quelques dessinateurs nous ont transmis la forme et les mesures, est trop inférieur à l’idée que Pausanias nous a donnée du trésor de Mynias, pour qu’on puisse s’y méprendre. Aussi, en lui supposant une aussi grande antiquité, estil plus vraisemblable d’en faire le tombeau de ce roi, ou de tout autre personnage.

Au mot OPISTODOME (voyez cet article), nous avons montré que ce qu’on appeloit ainsi dans plusieurs grands temples, tels que celui de Minerve à Athènes, étoit réellement un trésor, et avoit dû être non-seulement le dépôt des riches offrandes faites à la Divinité, mais le lieu où l’on gardoit et les sommes d’argent des amendes, et les fonds mème de l’Etat. Chandler a encore trouvé dans les fragmens de marbres et d’inscriptions du temple, des détails d’objets précieux et de valeurs que l’on avoit mises ainsi sous la sauve-garde du respect inspiré pour l’enceinte sacrée qui les renfermoit. Dire qu’il y eut un autre local affecté, à la garde des deniers de l’Etat, placé derrière le temple, c’est ce qu’on ne peut ni nier ni affirmer.

Mais le mot opisthodome étant le nom de la pièce postérieure du temple et tous les écrivains étant d’accord sur la destination qu’on vient d’énoncer, l’autre opinion, qui n’est qu’une supposition, devient tout-à-fait improbable.

Il ne faut pas croire d’ailleurs que les finances des petits Etats de la Grèce aient eu besoin d’un aussi grand local que ceux qu’exigeroit aujourd’hui, dans de vastes Etats, la grande multiplication des espèces monnayées.

Pausanias donne le nom de ξησαυροι, trésors, à de petits édifices, compris dans l’enceinte sacrée de l’Altis à Olympie, et où chaque ville tenoit en dépôt les offrandes, statues et objets votifs de tout genre qu’elle consacroit au dieu. Ces sortes de trésors dévoient ressembler par leur destination, à ce que l’en appelle du même nom, dans plus d’un édifice religieux de notre temps, c’est-à-dire à ces locaux où l’on conserve dans des armoires qu’on ouvre certains jours à la curiosité publique, les richesses des autels.

Autrefois, à Rome, le trésor s’appela ararium, parce que la première monnaie avoit été du cuivre. Il y eut différentes sortes de trésors, selon la diversité ou des monnaies, ou des services auxquels les revenus publics étoient affectés, Pendant long-temps ce fut le temple de Saturne, situé sur la pente du Capitole, qui fut le dépôt général des fonds publics. Sous les empereurs, il y eut plusieurs trésorsséparés, sous différens noms, L’empereur avoit le sien. Il y avoit un trésors militaire. Les pontifes avoit aussi le leur.

Nous appelons aujourd’hui trésors, comme on l’a déjà dit, des dépôts curieux de vaisselle antique d’église, de reliquaires, d’objets rares consacrés par de pieux souvenirs, que l’on conserve dans des pièces garnies d’armoires, et mises sous la garde de quelqu’un des religieux, dans les couvens qui possèdent de ces curiosités. C’est ainsi que le trésor autrefois à Saint-Denis, et ce-


lui de la Sainte-Chapelle à Paris, montroient comme objets d’un prix inestimable en fait d’antiquité, la superbe coupe à deux anses d’agate sardoine autour de laquelle on avoit gravé en relief les mystères orgiques, et la très-grande agate sur laquelle est représentée l’apothéose d’Auguste et de Livie. Ces deux antiquités sont aujourd’hui au cabinet des antiques de la Bibliothèque du Roi, à Paris.

De nos jours l’on ne donne plus le nom de trésor, qu’avec l’épithète soit de royal, soit de public. Ce n’est autre chose, qu’un bâtiment comme tout autre, où se font les opérations de recette, de dépense et de comptabilité, et où l’on acquitte toutes les dépenses du Gouvernement. Rien ne distingue cet édifice de tous les autres bâtimens consacrés à l’administration publique.

TRIANGULAIRE (COLONNE). Nous avons vu au mot TRÉPIED), qu’il entroit dans la nature de l’objet décrit déjà sous ce nom, d’être d’une forme triangulaire. Cette forme ne dut pas être très-ordinaire dans les ouvrages de l’architecture On ne trouve guère dans tous les corps qui supportent, d’autre configuration que la quadrangulaire et la circulaire, C’est aux frontons qu’est affectée surtout celle du triangle. Quant aux colonnes, il paroîtroit difficile d’en citer en forme triangulaire. Winckelmann parle seulement de deux pilastres ainsi taillés, qu’on voyoit de son temps dans les jardins du marquis Belloni à Rome (Osservazioni sopra l’architettura, cap. 2). Quant à celui qu’il cite (Letter. sull’ architettura), sur l’autorité de Pausanias, comme ayant existé dans le temple de Jupiter Ammon en Lybie, il est bon de faire remarquer que l’écrivain grec (l. 9. ch. 16) ne dit ni pilastre ni colonne. Il se sert du moi stèle Or, ce qu’on doit entendre par ce mot, s’applique de préférence à des pierres taillées en sorme d’obélisques, et sur lesquelles on gravoit des inscriptions. Et sur la stèle du temple d’Ammon, étoit gravée une ode de Pindare. Au reste, on ne doute pas qu’il y ait eu des obélisques ou des stèlestriangulaires ; cette forme ne pouvant guère convenir qu’a des monumens isolés.

TRIBUNAL, s. m. Dans l’antiquité sur donnoit CE nom à la place des Nations Unies Élevé, Ayant, Dans les basiliques, la sorme d’hémicycle de l’ONU, et Où étoient endroits les sièges des magistrats Qui rendoient la justice.

Il Est à Croire Que le nom de tribunal Vient de tribun. Les magistrats de CE nom tenoient Leurs auditoires DANS L Place Publique, Sur un siège Élevé, et Séparé de la multitude nominale juin clôture.

Sur un Fait Donné also le nom de tribunal d’un siège du juge.

Dans les Usages modernes, sur Appelle tribunal, non-only les bancs ou Les juges Sont assis, la salle formant le parquet où ils se tiennent et l’auditoire ou Le publique is GESPUB, Mais encore le bâtiment Qui renfermé les differentes pièces nécéssaires à l’administration de la justice de la.

TRIBUNE, s. f. On emploie ce mot sons des acceptions différentes, et on l’applique, en français, à des objets assez divers.

Il est probable que ce mot a la même origine que le mot tribunal. On a vu que c’étoit un lieu élevé, d’où le tribun prononçoit ses jugemens. Tout lien élevé d’où l’on parle, ayant une ressemblance avec le lieu d’où le juge dictoit ses arrêts, il fut assez naturel d’en transporter la dénomination à un autre ordre d’usage. Les Romains appeloient suggestum, le lieu élevé d’où les généraux ct les empereurs haranguoient le peuple. Ils avoient donné le nom de rostrum, à celui qui servoit aux orateurs dans le forum, parce qu’il avoit la forme d’un rostrum ou d’une proue de vaisseau, la place publique ayant été décorée de semblables proues, monumens de la première victoire navale des Romains sur les Carthaginois. Les Modernes ont appelé ce rostrum, tribune aux harangues.

Le mot tribune fut donc affecté très-anciennement, dans la langue française, à tout lieu élevé et dressé pour prononcer des discours. De là ces locutions, l’éloquence de la tribune, discours fait pour la tribune, homme de tribune. Quelques usages nouveaux ont consacré de plus en plus l’emploi du mot tribune dans le même sens.

Ce mot a été transporté à la désignation des lieux où, dans la religion chrétienne, les ministres de la parole évangélique enseignent le peuple, et débitent leurs sermons. L’on dit la tribune sacrée, pour désigner ce qu’on appelle plus ordinairement la chaire, cathedra, siége élevé, d’où l’on enseigne. On peut conclure de là que les mois tribune et chaire, expriment au fond la même chose, en généralisant l’idée de leur emploi, comme étant le lieu ou le siége, d’où l’on parle, et d’où l’on enseigne.

C’est pourquoi les premières chaires, dans le christianisme, furent faites à l’instar d’une tribune à deux rampes (voyez CHAIRE), el c’est encore à cette forme, que le bon sens et le bon goût forcent de revenir en architecture, quand on cherche la composition, qui offre à la fois, le plus de vraisemblance, de noblesse, de solidité, et l’autorité des plus anciens exemples.

On donne aussi le nom de tribune, peut-être par une certaine analogie de forme ou d’apparence, à certains locaux généralement élevés, soit dans de grandes salles, soit dans les églises, soit en d’autres lieux d’assemblée publique, pour des fêtes, pour des cérémonies quelconques, et qui sont destinés à des places de réserve pour un nombre donné de personnes, ou à contenir des orchestres de musiciens, ou pour tout autre objet.


TRICLINIUM. Ce mot latin, formé du grec, signifie trois lits. On donnoit aussi ce nom, chez les Romains, aux lits mêmes sur lesquels on mangeoit, parce qu’ordinairement il n’y avoit place sur chaque lit que pour trois personnes. Mais généralement on appeloit triclinium, ce que nous appelons salle à manger. Vitruve toutefois nous apprend qu’on donnoit encore à ces salles le nom d’œci et d’exedrœ. Nous avons rendu compte ailleurs de ces trois sortes de salles et des variétés de leur architecture, selon les épithètes qu’on ajoutoit à leurs noms, épithètes empruntées des noms de différentes villes. Voy. SALLEà manger.

TRIGLYPHE, s. m. Ce mot est le même en français que triglyphus en latin, et triglyphos en grec. Il signifie, en architecture, un ornement qui se compose de trois glyphes, c’est-à-dire trois gravures ou rainures. On sait, et il a été dit à plus d’un endroit de ce Dictionnaire, que cet ornement étoit exclusivement appliqué à la frise de l’ordre dorique, celui des trois ordres qui a le plus fidèlement conservé les titres originaires de l’art de bâtir en Grèce. Voyez ARCHITECTURE, DORIQUE, FRISE, etc.

Nous ne répéterons donc point ici les preuves données à beaucoup d’autres articles, de l’imitation que firent les Grecs de la bâtisse primitive en bois, dans leur architecture en pierre, et da la transposition évidente des détails de la charpente, dans le travail de matières plus solides. Rien, en effet, n’est plus évident, et le triglyphe seul, par la place qu’il occupe sur l’architrave, par ses formes et ses détails, s’annonce clairement, comme représentant les bouts des solives du plancher.

Il y a sur l’origine de sa forme et ses détails, deux opinions qu’on peut admettre indifféremment, chacune ayant le degré de vraisemblance que de semblables analogies peuvent comporter.

Les uns prétendent que les trois glyphes, ou rainures du triglyphe, sont la tradition des entailles que l’on faisoit jadis sur le bout des poutres, pour l’écoulement des eaux, dont les gouttes se voient encore au-dessous de la bande qui sépare les triglyphes de l’architrave Les autres veulent que le triglyphe ait été originairement un ornement de rapport, pour cacher les extrémités de la solive, et ils en donnent pour preuve qu’à certains temples doriques bâtis en pierre, comme on le voit à Paestum, il y a de semblables triglyphes incrustés après coup dans la pierre, au lieu d’y avoir été originairement sculptés dans la masse.

Qu’importe, dirons-nous, l’une ou l’antre opinion. Le fait en question est tout-à-fait étranger à l’objet qu’il faut constater, savoir, que le triglyphe, dans l’ordre dorique, est la représentation ornée du bout de solives de la construction primitive en bois.

Le triglyphe se compose donc de deux canaux taillés le plus souvent en biseau, séparés chacun par un listel montant. De chaque côté de ces deux montans, sont encore deux demi-canaux. Les listels montans et les canaux aboutissent à une bande qui règne dans toute la longueur de l’entablement. Sous cette bande sont sculptées les gouttes faites ordinairement en forme de petits cônes, au nombre de six, quelquefois seulement de cinq. Le triglyphe a encore ce qu’on appelle son chapiteau ; c’est une petite bande qui le surmonte.

La distribution des triglyphes dans la frise dorique, a été l’objet de beaucoup de diversités d’opinions, et, à ce qu’il paroît, de difficultés dans l’antiquité même, puisque Vitruve nous apprend que plus d’un architecte avoit préféré l’emploi de l’ionique, dans les colonnades des temples, pour éviter l’embarras de l’ajustement régulier des triglyphes, avec les diamètres des colonnes, et les entre-colonnemens. Rien de plus facile que cet ajustement, lorsqu’on lui subordonne, comme cela se doit, l’ordonnance, la disposition et le nombre des colonnes, en sorte que chaque triglyphe corresponde exactement à l’axe de chaque colonne, et au milieu de chaque entre-colonnement, de manière à avoir, entre deux triglyphes, une seule métope exactement carrée. Mais si l’on est tenu, n’importe par quelle raison, d’avoir des entre-colonnemens plus larges qu’il ne le faut, pour l’espace d’un triglyphe et de deux métopes, on conçoit que la régularité ne peut plus se rencontrer avec de tels espacemens. Une autre difficulté de la distribution des triglyphes dans la frise dorique, a été la nécessité de faire porter le triglyphe de chaque extrémité d’une frise, sur l’axe ou le milieu du diamètre de la colonne d’angle. Deux systèmes, l’un chez les Grecs, l’autre chez les Romains et les Modernes, ont eu lieu à cet égard.

Il nous est prouvé par l’universalité des temples d’ordre dorique en Grèce, que les architectes flanquèrent l’angle de la frise par un triglyphe, qui dès lors ne répondoit plus au miieu du diamètre de la colonne d’angle. Pour rendre l’irrégularité de cette disposition moins sensible, il convenoit de la faire partager aussi à la métope, qui précédoit ce triglyphe ; ainsi voyons-nous que cette métope se trouve elle-même portée, beaucoup plus que les autres, et presqu’en entier, à l’aplomb de la colonne d’angle. Sans cela il eût fallu la faire infiniment plus large que le reste des métopes, ce qui auroit, dans cette distribution, produit un mécompte frappant. Au lieu de cela on gagna cet intervalle en donnant de proche en proche un peu plus de largeur aux triglyphes et aux métopes qui vont terminant de chaque côté la frise. Il nous paroît que les architectes, par cette méthode, firent, comme en bien d’autres cas, c’est-à-dire qu’il considérèrent la disposition de la frise dorique de leurs temples, uniquement en elle-même, et selon ce qui leur parut le plus conforme à son


meilleur effet, sans s’inquiéter du manque de correspondance absolue avec les axes des colonnes, ou les entre-colonnemens.

Vitruve enseigne une autre méthode qui paroît plus naturelle, c’est de placer le dernier triglyphe avant l’angle, à l’aplomb du milieu de la colonne d’angle, et de laisser ainsi en face, ainsi qu’en retour, une moitié de métope faisant l’angle. Cette méthode a été suivie par tous les architectes modernes, et véritablement, lorsque l’on ne remplit point les métopes de figures ou d’ornemens, et qu’on les tient lisses, on est porté à préférer ce système.

Il seroit possible, que l’usage de sculpter des figures sur les fonds des métopes, ait fait désirer de n’avoir point à couper un sujet, ou à ployer un ornement, partie sur un côté, partie sur l’autre de la métope d’angle. Il se pourroit encore que ces triglyphes, placés aux angles de la frise, aient paru en terminer mieux la ligne, et donner une apparence plus grande de solidité à cette portion de l’entablement.

Piranesi partant du principe originaire des triglyphes, comme représentant les bouts des solives, a consacré plus d’une planche à la démonstration de ce système (dans sa Magnificenza de Romani). Il fait voir comment on peut supposer, que des solives auroient pû être placées, de manière à ce que les quatre côtés d’un temple a colonnes, par exemple, auroient reçu et montré des bouts de solives, tombant juste à l’aplomb de chaque colonne. Il suppose, qu’à cet effet, un rang de solives auroit été placé en travers d’un autre, par le moyen d’entailles pratiquées dans la moitié de l’épaisseur de chacune, à l’endroit où elles se rencontrent, ce qui auroit formé comme un plancher en gril. Cette hypothèse est faite pour répondre à ceux qui, d’après l’usage sans doute plus ordinaire, de n’employer dans les plafonds qu’un seul rang de solives, condamneroient l’emploi des triglyphes, représentant des bouts de solives aux deux côtés qui, dans la réalité, n’en auraient pas pu avoir. Cet arrangement de solives qui se croisent, sert encore d’argument, ontre le système des triglyphes sur l’angle, puisqu’il ne seroit pas possible a deux bouts de solives effectives, de se rencontrer à l’angle.

Il y a dans toutes ces matières certaines vérités qu’on fausse, à force de les presser par une réalité trop matérielle. Ce que l’architecture a trouvé d’objets ou d’idées a transporter, des bâtimens de bois dans les édifices de pierre, ne sauroit se comparer au modèle impérieux des formes et des proportions, une la nature offre aux autres arts dans l’imitation des corps. L’imitation d’ouvrages, qui sont déjà le produit plus ou moins arbitraire des besoins d’un genre du bâtir, n’a jamais pu enchaîner le goût de l’artiste à une répétition formelle. La transposition dont nous avons tant de fois parlé en ce genre, n’est qu’une métaphore qui, comme telle, doit se borner à l’esprit de la chose, à une approximation libre, comportant plus d’une restriction, et plus d’une modification. Ainsi les Grecs eux-mêmes, auteurs de cette transformation, l’ont-ils comprise et pratiquée, et la liberté seule qu’ils ont prise, dans la distribution de la frise dorique, nous en est une preuve.

Tel est toutefois le double écueil, où il est facile de tomber dans le genre d’imitation mixte qui appartient au système de l’architecture. Le bon sens conduit par le goût, et le goût réglé par la raison, peuvent seuls préserver de l’abus qui, d’un côté comme de l’autre, environne cette imitation. La servilité mettra des bornes inutiles et importunes aux dispositions de l’architecte, et l’entière indépendance le poussera dans les champs sans bornes du caprice.

Déjà dans l’antiquité (romaine du moins), nous voyons l’ancienne distribution des triglyphes et leur accord avec les diamètres et les entre-colonnemens, devenus tout-à-fait arbitraire. Ainsi le temple dorique de Cora nous fait voir trois triglyphes dans un seul entre-colonnement, et le côté droit du temple a un entre-colonnement qui en renferme quatre. On voit bien que cela dut procéder d’un espacement entre les colonnes, plus grand que le caractère de l’ordre dorique ne le comporte. (Voyez l’article CORA.) Mais on doit croire qu’il dut arriver à cet ornement de la frise dorique, comme à beaucoup d’autres, de perdre avec le temps sa signification primitive. Il est à peu près indispensable que la chose arrive ainsi, par l’habitude qu’on prend d’introduire indistinctement, et sans égard au sens et à l’esprit de chacun, presque tous les ornemens des édifices, sur beaucoup d’objets étrangers aux convenances de l’architecture.

De cet emploi purement arbitraire, quelquesuns ont conclu que l’origine des triglyphes, en la supposant véritable, n’imposoit pas l’obligation d’en respecter bien fidèlement la disposition. Mais que peuvent des triglyphes taillés sous des corniches de piédestaux, comme on en voit dans l’antiquité romaine, ou sur des sarcophages, à l’instar du célèbre tombeau de Scipion, découvert il y a une cinquantaine d’années aux environs de Rome ? Que de choses les sculpteurs d’ornement et les décorateurs u’admettent-ils pas dans leurs ouvrages pour le seul agrément, et sans plus d’importance, que n’en demandent des objets auxquels on est habitué à n’imposer d’autre obligation, que celle de plaire aux yeux !

Les hommes ne font guère en général dans leurs inventions, que des emprunts d’un ordre de choses à un autre. L’architecture elle-même repose sur des assimilations d’emplois, de formes, de rapports. On ne sauroit donc ni empêcher, ni peut-être trouver mauvais, qu’un grand nombre d’objets et d’ouvrages de besoin, de luxe ou de goût, aient été chercher dans les besoins, le luxe et le goût de l’architecture dont ils dérivent, des


motifs d’ornement, des analogies de formes, qui par le fait même de la transposition qu’ils subissent, perdant la vérité primitive de leur emploi dans l’original, doivent être jugés dans la copie, d’une manière tout-à-fait relative. Si un sarcophage, par exemple, à son couvercle taillé en fronton, ira-t-on exiger de cette couverture, des rapports de proportion avec les colonnes qui semblent le supporter, comme on le fera pour un édifice ? Concluera-t-on de l’exiguïté des colonnes rapetissées, qu’il sera permis a un péristyle réel, d’avoir les désaccords et les irrégularités de la copie capricieuse que le hasard en a faite ? Nul, sans doute, ne tirera de la ces conséquences absurdes. Il en sera de même des membres d’entablement, dont on couronne une multitude de petits monumens, comme autels, cippes, piédestaux, meubles, etc. Qu’on y place arbitrairement des mutules, des modillons, des denticules, des triglyphes, des métopes, que conclure de là en faveur d’un emploi également arbitraire de toutes ces choses dans l’architecture ?

Mais ici, le comble de la déraison seroit de prétendre, comme quelques-uns l’ont fait, que puisque ces membres et ces détails d’ornement sont au fond insignificatifs, et tout-à fait arbitraires, dans les emprunts qu’on en a faits à l’architecture, ils doivent être considérés de la même manière dans les édifices.

En fait de goût, il faut bien se garder de tirer avec rigueur, les conséquences des conséquences. Ce qui ne seroit pas toujours exact, à l’égard des vérités qui reposent sur des faits positifs, deviendroit tout-à-fait absurde, appliqué à des choses de sentiment, dont la vérité morale n’est soumise à aucune évidence matérielle. L’espèce d’imitation qui fait le charme et le mérite de l’architecture grecque, n’a point, comme nous l’avons répété bien des fois, de principe absolu et reposant sur une nécessité physique. Elle n’est autre chose qu’un accord du goût et de la raison. On la fera disparoître dès qu’on voudra la juger par le goût sans la raison, ou par le raisonnement sans le goût. Voila pourquoi cette sorte d’imitation analogique n’ayant rien de mathématiquement certain, comporte un assez grand nombre de conventions, sans lesquelles elles cesseroit d’être possible, ou ne le seroit qu’en devenant absurde et ridicule. Dès qu’il faut y admettre des conventions, voila le goût appelé à lui donner des règles. Mais les règles du goût ne sont obligatoires que pour le sentiment. Rien, en ce genre, ne se démontre à la raison, qui n’est pas l’organe propre à discerner ces choses. Or, l’imitation dont il s’agit, ne pouvant et ne devant être ni copie, ni répétition positive de son modèle, comporte un assez grand nombre d’exceptions, ou pour mieux dire de libertés, dans les ressemblances qu’elle produit. Et il suffit d’examiner l’emploi seul du triglyphe, et son application â l’architecture la plus régulière, pour voir que cette représentation des solives, en tant que commémoration du système de la construction primitive en bois, n’a lieu qu’à la faveur de plus d’une licence.

Nous convenons que dans cet autre degré secondaire de l’imitation d’une imitation, je veux dire l’emprunt fait pour un meuble, des parties du système propre à l’architecture, l’esprit de l’ornement a pu enchérir de licences et d’exceptions, sur celles de son modèle, et à cet égard c’est encore au goût qu’il appartient, d’évaluer ou de régler le nombre et la mesure des libertés que l’artiste en ce genre se permettra. Mais qui ne voit, d’après cet état de choses, combien il seroit ridicule de faire ici intervenir la raison toute seule, qui, par un étrange abus de raisonnement, au lieu de conclure (peut-être trop sévèrement) des règles de l’architecture réelle, le devoir de les adopter dans de simples copies fictives de cet art, se feroit des licences accordées si l’on veut par l’usage à des fictions sans conséquence, un argument pour les autoriser dans des monumens sérieux, et par conséquent pour y détruire le système imitatif, qui en fait le charme et un des principaux mérites.

TRINGLE, s. f. On appelle le plus souvent ainsi une verge de fer menue, ronde et longue, qui, encastrée et scellée en divers endroits, mais communément au-dessous des corniches et en avant des fenêtres, sert de conducteur aux anneaux qui font mouvoir les rideaux, les tapisseries et draperies, qui entrent dans les besoins tant intérieurs qu’extérieurs des maisons et autres bâtimens.

En menuiserie on a donné, par analogie, le nom de tringle, à une baguette équarrie, longue, plate et étroite, qui sert quelquefois à remplir un petit vide, d’autres fois à former, comme pièce de rapport, une portion de moulures et de profils dans un panneau ou ailleurs.

Plus d’une sorte de marchands appellent aussi tringle, une pièce de bois longue et étroite, garnie de clous, de crochets ou de chevilles, auxquelles on suspend des marchandises.

TRINGLER, v. agir. Tracer Sur une pièce de bois, juin ligne droite Avec Un cordeau frotté de Pierre ou blanche rouge pour façonner cette pièce.

Triomphal. Voyez ARC.

TROCHILE. Voyez Scotie.

TROMPE, s. f. On a donné à ce mot, dans la construction, plus d’une étymologie, dont aucune ne paroît fort satisfaisante. La moins probable est peut-être celle qu’on trouve dans certains lexiques. La trompe est ainsi nommée, dit-on, parce qu’elle trompe ceux qui la regardent, et


qui ne connoissent point l’artifice de son appareil. On suppose avec plus de vraisemblance que ce nom lui auroit été donné par une sorte d’analogie de configuration, avec la forme d’une espèce de conque marine qu’on appelle trompe.

Quoi qu’il ensoit, la trompe, en architecture, est une portion de voûte tronquée, en saillie, dont les pierres posées en encorbellement, ou ce qu’on appelle en porte-à-faux, servent d’appui à un corps de construction quelconque, qui semble reposer sur le vide.

L’usage des trompes fut extrêmement commun, en France, dans toutes les bâtisses du moyen âge, et s’est perpétué jusqu’au dix septième siècle, où le goût de l’architecture antique devenu général, a relégué cette sorte de construction dans la classe des caprices, à moins que quelque nécessité n’en provoquât l’emploi, selon le besoin de certaines localités.

On croit voir que cette forme de support dut être d’un emploi naturel et fréquent dans les anciens châteaux forts, pour l’établissement des gurites, ou védètes qui, s’appliquant aux angles des murs, ou aux tours des bastions, se trouvoient comme suspendues en l’air. Les habitations particulières participèrent naturellement des usages des châteaux. La trompe avoit l’avantage de donner aux intérieurs, des pièces circulaires en saillie, ce qui étoit un agrément pour la vue. Elle offroit une économie de travail et de matériaux, puisqu’elle dispensoit de donner aux pièces ainsi sur-ajoutées en dehors des bâtimens, et aux étages supérieurs, toute la hauteur des constructions que leur position auroit exigées, et surtout les frais de fondations. Dans les maisons situées aux angles des rues, la trompepermettoit d’y établir un corps avancé, qui, porté en l’air, ne prenoit aucun espace à la voie publique. Ajoutons que l’usage de bâtir les étages en surplomb, les uns sur les autres, dans les maisons construites en bois, telles qu’on en voit encore dans beaucoup de villes, avoit accoutumé à chercher ainsi dans le vide, une extension de local dont on avait besoin. Or la trompe est précisément en pierre, et, dans la construction par appareil, une imitation de cette pratique de surplomb ou d’encorbellement dans la bâtisse en bois.

Il est beaucoup plus facile de dire ce que les Grecs et les Romains ont fait en architecture et en construction, d’après les ouvrages qui subsistent encore d’eux, que de dire ce qu’ils n’ont pas fait, vu le peu qui nous reste en tout genre, de leurs ouvrages ; cependant je crois d’une part qu’il est permis d’avancer, qu’il ne subsiste dans les restes de leurs édifices, aucun exemple de trompe, et de l’autre qu’on peut présumer, d’après l’esprit et le système de leur art de bâtir, qu’ils n’usèrent point de ce procédé de support. Effectivement c’est pendant le moyen âge et dans les contrées du Nord, et sous le règne du goût gothique, que nous voyons l’usage des trompes extrêmement multiplié. La bâtisse gothique emprunta beaucoup plus qu’on ne pense, et de ses pratiques et de ses procédés, aux bâtisses en bois telles qu’elles se faisoient et se font encore aujourd’hui dans le Nord. Rien de plus naturel et de plus commun, dans l’emploi du bois, que de faire soutenir les corps avancés dont on a besoin, comme balcons, auvents, etc. , par des perches, qui au lieu de poser perpendiculairement sous l’objet qu’elles supportent, se placent au contraire dans un plan incliné, du bord de l’objet en saillie au pied du mur. Cette pratique n’a pas cessé encore d’être usuelle dans les bâtimens rustiques. Ce système de support en porte-à-faux est en petit celui des consoles, des modillons, des culs-de-lampes. Eh bien ! la trompe a trouvé la son modèle. L’art du trait dans la construction, s’est emparé de cette imitation, et a cherché le moyen de lui donner la plus grande solidité.

Nous voyons encore en France, dans le seizième siècle, les architectes tirer gloire de leur habileté à construire des trompes. Philibert de Lorme se fit de la réputarion en ce genre : on cite encore aujourd’hui, et l’on admire à Lyon rue de la Juiverie, la construction en pierre de deux trompes, dont la coupe est d’un trait savant, et fut pour le temps d’une exécution hardie. Leur saillie est considérable eu égard à la place qu’elles occupent. L’une est biaise, rampante, surbaissée et ronde par devant (ou convexe), et elle a en saillie les trois quarts de sa circonférence. L’autre à l’angle opposé du même bâtiment est également convexe, et son porte-à-faux n’est pas moins saillant. Chacune de ces deux trompes supporte un cabinet en corps avancé sur une galerie suspendue, formée d’arcades et de piédroits ornés d’un ordre ionique qui sert de communication aux deux cabinets. Nous lisons qu’il y avoit au château d’Anet une trompe, qui fut démontée de l’endroit où Philibert de Lorme l’avoit bâtie, pour servir de cabinet au roi Henri II, et remontée en une autre place, avec beaucoup de soin par Gérard Vyet, architecte du duc de Vendôme. On trouve citée par d’Aviler, une tromped’encoignure, construite au bout du pont de pierre sur la Saône à Lyon, ouvrage d’un architecte nommé Desargues, qui fit preuve dans cette construction d’une grande capacité.

L’usage destrompes a diminué sensiblement et progressivement depuis deux siècles. Presque toutes celles qui existoient ont disparu, soit par l’effet de l’agrandissement des villes, des rues et des habitations, soit par la démolition des anciennes constructions. On auroit quelque peine à en citer de modernes, qui fussent le résultat du goût ou même du caprice. Si l’on en trouve quelqu’une due à quelqu’entreprise récente, il faut que quelque raison locale en ait nécessité l’emploi. Telle est en effet celle qui fut construite


vers le milieu du dernier siècle, au chevet de la grande église de Saint-Sulpice, à laquelle on voulut ajouter la chapelle circulaire de la Sainte-Vierge, en prolongement du corps déjà terminé de l’édifice. Il est visible que pour ne pas empiéter sur la voie publique, l’architecte imagina de faire porter la saillie extérieure de sa rotonde, sur une grande trompe concave en manière de coquille.

On donne divers noms aux trompes selon les variétés de forme ou de détail de construction et d’emplacement qui les distinguent. Ainsi on nomme :

TROMPE DANS L’ANGLE, celle qui occupe un angle rentrant. Philibert de Lorme en avoit fait une à Paris dont il a donné la figure dans son traité d’Architecture, liv. IV, ch. 2

TROMPE DE MONTPELLIER, est celle qui, dans un angle rentrant, est construite en tour ronde, et diffère des autres, par cela qu’elle a de hauteur deux fois la largeur de son ceintre. Il paroît que ce nom lui est venu de deux trompes ainsi construites dans la ville de Montpellier.

TROMPE EN NICHE. Trompe concave en manière de coquille, et qui n’est pas réglée par son profil. On la nomme aussi trompe sphérique.

TROMPE EN TOUR RONDE. C’est celle dont le plan sur une ligne droite est un demi-cercle, et qui est faite en manière d’éventail.

TROMPE PLATE, est celle qui, dans un angle rentrant, forme par son plan un carré ou un trapèze.

TROMPE A PANS. Celle qui est dans un angle rentrant, et dont le plan est une partie de polygone.

TROMPE REMPANTE. Celle dont la naissance est une ligne inclinée.

TROMPE RÉGLÉE. Trompe qui est droite par sou profil.

TROMPE SUR LE COIN. C’est une trompe qui porte l’encoignure d’un bâtiment, pour faire un pan coupé au rez-de-chaussée.

TROMPILLON, s. m. Petite trompe. Voyez TROMPE.

TROMPILLON de Voute. Pierre ronde Qui SERT de coussinet aux voussoirs du cul-de-lampe D’une niche, et A porter les Premières retombées D’une voûte. Il ya de bureaux trompillons sous les quartiers tournans, et les Paliers des escaliers voutes en arc de cloître.

TRONC, s. m. C’est, comme chacun sait, le nom qu’on donne à celle partie de l’arbre ordinairement verticale, qui naît des racines, porte les branches, et est cylindrique.

On a, par une parfaite analogie de la ressemblance de sa forme donné le même nom aux fûts des colonnes, et cela indépendamment de l’opinion, que les troncs d’arbre auroient pu être les colonnes primitives dans la naissance de l’art. Ou dit au reste plus volontiers un tronc de colonne, pour exprimer un reste ou un fragment de colonne, et ce qu’on appelle colonne tronquée. Voyez TRONÇON.

On appelle aussi tronc en architecture le dé d’un piédestal.

TRONCHE, s. f. Ce est en charpenterie, Une grosse pièce de bois de Peu de Longueur, ne pas sur Peut Tirer Une courbe rempante d’escalier, Ou non noyau recreusé.

TRONÇON, s. m. Se dit en architecture, de tout morceau de marbre, de bronze, de pierre ous un ancien serviteur le fût D’une colonne. Le tronçon de Différé Ce qu’on Appelle ici tambour, in that la colonne par tronçons Ne est Que Composée d’Un petit Nombre de morceaux d’inégalé hauteur, si l’On veut, TANDIS Que les morceaux Appelés tambours, par le seul fait de Leur dénomination, Ne ONT Guère d’Autre hauteur, au Québec Celle Qu’on Donne à l’instrument de percussion Connu sous le nom de tambour.

TRONE, s. m. Dans son acception actuelle, et selon l’usage aujourd’hui universel, on donne ce nom à un siège riche, élevé, ordinairement sous un dais, qui est la prérogative des rois, des princes, et des plus hautes dignités. Malgré la richesse d’ornemens, de broderies ou d’étoffes dont ce meuble royal est accompagné, il est assez rare que sa construction et sa composition se classent au nombre de celles que l’architecture compte dans ses attributions. C’est uniquement par le goût de quelques ornemens, par l’emploi de motifs ou sujets de décorations dépendans de son art, que l’architecte peut réclamer aujourd’hui soit l’invention, soit la direction de ces sortes de travaux. Ce fut jadis à bien plus juste titre et sous bien plus de rapports, que cette brillante partie de l’art des Anciens dut se trouver partagée entre des arts dont les limites n’étoient pas aussi restreintes à l’égd de chacun d’eux, qu’elles le sont devenues chez les Modernes. Ou va voir d’ailleurs, vu la multiplicité de ces monumens dans les temples, vu leur grandeur et la diversité de leur composition, que l’art de l’ar-


chitecture du présider en premier à leur composition, à leurs détails comme à leur exemple.

Des Trônes de divinités et autres monumens semblables dans les grands temples de l’antiquité.

Avant d’àvoir été donné par métaphore aux dieux de l’antiquité, et appliqué à la décoration de leurs simulacres, le trône dans les pratiques de la vie civile avoit été simplement un siége d’honneur, dont usoient les hommes de condition libre. Ce qui le distinguoit des autres siéges, dit Athénée, e’étoit le marchepied. Insensiblement il devint la prérogative des personnes constituées en dignité, des chefs des peuples, et des rois. Très-naturellement dès qu’on voulut rendre sensible aux yeux, par les formes corporelles, les images des dieux, il n’y eut pas de meilleur moyen, que de donner à leurs elligies les signes et les emblèmes que le grand nombre révère le plus. L’idée de la puissance céleste et du gouvernement du monde, ne pouvoit être mieux exprimée que par l’image d’un monarque.

Ainsi l’opinion établie d’un roi des dieux, souverain du ciel et de la terre, avoit dû habituer les Grecs à se le représenter sous les traits, la forme, et avec les attributs extérieurs d’un roi assis sur untrône, le sceptre en main. Selon la hiérarchie polythéique, les autres dieux, quoiqu’inférieurs, n’en étoient pas moins regardés comme souverains aussi, chacun dans son empire. Naturellement encore on leur déféra les accompagnemens et les marques sensibles de la royauté : Homère leur donne à tous dans l’Olympe des trônes d’or Les artistes grecs n’eurent donc besoin d’aucune autre autorité, que de celle de leurs poëtes, ni d’exemples étrangers pour asseoir leurs dieux dans des trônes.

Il y a dans le langage des arts, comme dans beaucoup d’habitudes sociales, une manière abréviative de signifier les choses, c’est de donner à la partie la propriété d’être prise pour le tout. Ainsi voyons-nous que, dans les usages anciens comme modernes, le trône tout seul veut dire la royauté : seul aussi, après que l’idée de roi eut été transportée aux dieux, il désigna la Divinité. De là ces trônes vides et sans simulacre, que l’on plaçoit dans les temples, pour indiquer (comme Lucien nous dit que cela fut à Hiérapolis) le dieu dont on ne vouloit, ou dont on ne devoit point faire voir l’image.

On rencontre fréquemment de ces trônes isolés sur les monumens et dans les décorations antiques. Les peintures d’Herculanum nous montrent les trônes vides de Mars et de Vénus. On voit sur les médailles le trône de Junon caractérisé par l’oiseau de cette déesse. Un monstre marin fait reconnoître également pour être le trône de Neptune, celui qui fut découvert, il y a déjà long-temps dans les ruines d’un temple antique à Ravenue, et qui est sculpté en bas-relief. Il fit partie d’une très-belle frise représentant, à ce qu’il paroît, une suite de tous les trônes des divinités sculptés avec beaucoup d’art. Les dieux sont absens, mais la sculpture les désigne pur les emblèmes qui leur appartiennent. Paris possède un des fragmens de cette frise dont fut détaché le trône de Saturne qu’on admire au Muséum Royal. Il en existe plusieurs autres qui proviennent du même temple à Venise, à Rome et à Florence. De petits génies sont sculptés à côté de chaque trône, et portent les symboles de la divinité qu on n’y voit pas.

Nous ne parlerons point ici de cette multitude de trônes votifs de toute grandeur et de toute matière, dont on trouve les mentions à toutes les pages de l’histoire ancienne. Ces notions sont uniquement du ressort de l’archéologie. Pour rester dans les limites du sujet de ce Dictionnaire, nous allons parcourir en abrégé une certaine série d’ouvrages, auxquels les Anciens donnèrent le nom de trônes, qui firent l’ornement de presque tous les grands temples, et qui, par leur masse, leur composition et leur décoration, appartiennent plus spécialement à l’architecture.

Rien en effet de plus fréquent dans le voyage de Pausanias, que les mentions qu’il fait de monumens composés d’une divinité principale assise dans un trône, autour duquel se groupent deux autres divinités, l’une à droite, l’autre à gauche, et toutes ensemble réunies sur un soubassement commun. Les médailles, les bas-reliefs, les pierres gravées, nous en offrent beaucoup d’exemples, d’après lesquels il est facile de se figurer, et de restituer en dessin les notions suivantes.

Ainsi dans le temple de Junon à Mantinée Praxitèle droit fait les figures de Junon, de Minerve et d’Hébé, fille de Junon. Ce le-ci étoit assise dans un trône, les deux autres lui servoient d’accompagnement.

Il y avoit à Tégée un magnifique temple bâti par Scopas dont une semblable composition faisoit le principal ornement. Le même Scopas en fut le sculpteur, et il y représenta Minerve surnommée Alea, avec l’accompagnement de deux statues, celle d’Esculape et celle d’Hygiea.

A Mégalopolis, dit Pausanias, on voyoit dans le temple périptère de Jupiter Sauveur, le dieu assis dans un trône. A l’un de ses côtés étoit la figure de la ville de Mégalopolis. Celle de Diane Conservatrice étoit à sa gauche. C’étoit l’ouvrage de deux statuaires athéniens, Céphissodote et Xénophon.

Au temple de Jupiter Olympien à Patra, le dieu étoit de même dans un trône, au milieu des deux figures de Minerve et de Junon.

A Sycione existoit, dans le temple de Bacchus, un monument du même genre. Le dieu étoit sculpté en or et ivoire, accompagné de Bacchan-


tes faites en marbre. Deux des peintures des Thermes de Tite nous représentent ainsi Bacchus sur un trône entouré de Bacchantes d’une manière qui répond avec beaucoup de ressemblance au monument de Sicyone.

Mantinée avoit un temple où Praxitèle avoit sculpté un groupe de Latone entre ses deux enfans, Apollon et Diane. Pausanias nous apprend par un seul mot à l’égard de ce groupe, ce qu’on doit en conclure, à l’égard de tous ceux du même genre, bien qu’il l’ait passé sous silence, c’est que ce trône s’élevoit sur un soubassement, bathrum, dont une face, la seule dont il parle, étoit ornée d’un bas-relief où l’on voyoit une Muse et Marsyas jouant de la lyre. Or nous verrons par la suite, que les plus grands trônes reposoient ainsi sur des soubassemens ornés de toutes sortes de sujets en bas-relief.

On doit ranger dans la même catégorie d’ouvrages le trône d’Esculape et d’Hygiée, un des plus remarquables qu’il y eût à Argos. A leurs côtés étoient assises aussi deux figures qu’on prenoit pour Xénophile el Straton, auteurs de ce grand monument, mais qui bien plus probablement furent les deux fils d’Esculape, Podalyre et Machaon.

Quand on connoît la brièveté et l’irrégularité des notions de Pausanias, qui s’étend quelquefois sur de très-petits détails, et d’autres fois donne à peine deux mots aux plus grands monumens, tels que le Parthénon, d’Athènes, il est permis de suppléer à beaucoup de ses mentions évidemment incomplètes, par ses descriptions plus étendues. C’est ce qu’on pourroit faire ici en rapportant un beaucoup grand nombre de passages su les monumens dont nous parlons, si cette énumration ne devoit pas alonger trop cet article. Mais avant de passer aux célèbres ouvrages qui paroîtront sans doute liés encore plus étroitement avec les formes et les combinaisons propres de l’architecture, je veux faire une dernière mention d’un trône de Jupiter à Rome, qui dut être une imitation de ceux de la Grèce, et dut, comme on va le voir, être porté sur un soubassement. Je tire cette notion de Tacite. Poppée, dit-il, étant accouchée d’une fille, le sénat ordonna qu’on plaçât des figures de la Fortune en or, sur le trône de Jupiter Capitolin. Et Fortunarum effigies aureœ, in solio Capitolini Jovis collocarentur. Si par le mot solio il ne falloit entendre que le siége servant de trône à la statue de Jupiter, il seroit difficile d’imaginer comment ces statues de la Fortune auroient pu y trouver place. Si au contraire une estrade ou un soubassement, peut-être à plusieurs degrés, supportoit la masse du colosse dans sontrône, on trouve alors à s’expliquer la chose au moyen d’un emplacement commode, pour recevoir les différentes sortes d’offrandes et de présens, dont toutes les causes politiques ou religieuses pouvoient environner le dieu.

Nous allons voir en effet que les trônes les plus célèbres sont décrits comme élevés sur des soubassemens.

Pausanias toutefois n’en fait pas mention dans la description du trône colossal de l’Apollon Amycléen ; mais on va voir la raison qui dut rendre cette partie étrangère à la construction, ou si l’on veut à l’architecture de ce prodigieux monument.

Ce qui en fait la principale singularité, c’est que ce trône avoit été fait pour une idole qui ne pouvoit pas y être assise. Loin de cela, l’Apollon Amycléen, simulacre des plus antiques et des premiers temps de l’art, consistoit en une sorte de colonne de bronze haute de 30 coudées ou 45 pieds, à laquelle on avoit ajouté une tête, des mains et les extrémités des pieds. La tête étoit casquée ; l’une des mains tenoit un arc, l’autre portoit une lance. Chaque année on revêtissoit cette idole d’une tunique nouvelle. Ce fut plusieurs siècles après, qu’on imagina de construire à cette idole gigantesque, un siège qui dut être proportionné à sa mesure, et ce fut Batyclès de Magnésie qui exécuta ce grand ouvrage de décoration vers la soixantième olympiade, c’est-à-dire soixante ou quatre-vingts ans avant Phidias, qui trouva dans ce monument, le type de son trône du Jupiter Olympien.

Faute de s’être rendu compte de toutes les particularités décrites par Pausanias, et de tous les détails des parties de cet ouvrage, faute encore de les avoir comparés avec toutes les notions de monumens semblables, qui ne laissent aucun doute sur la manière dont ils étoient formés, et sur le genre de leur composition, un célèbre archéologue (M. Heyne) avoit supposé que le trône d’Amyclée étoit de pierre, qu’il étoit construit en manière de niche, ou d’une grande chapelle, ainsi qu’il le dit. Je crois avoir prouvé (dans le Jupiter Olymp. , pag. 202), que ce dut être une simple construction en bois, dont la hauteur ne put pas être moindre, et dut être plus grande que celle de l’idole, c’est-à-dire avoir au moins 50 pieds d’élévation.

Il doit avoir été formé de grandes pièces de bois de charpente, dans les montans de ses pieds, dans ceux du dossier, dans le plateau qui faisoit le siége, dans les traverses du bas et du couronnement. Letrône, c’est-à-dire le plateau du siége, étoit supporté en devant et en arrière par deux figures, sans doute groupées, des Heures et des Grâces, qui dévoient être la continuation des pieds. Sur la traverse supérieure du dossier existoit une file de figures dansantes. Voilà ce qu’il pouvoit y avoir de figures en ronde bosse. Du reste, il faut, d’après la longue énumération de tous les sujets mythologiques, que l’artiste avoit multipliés dans cet ouvrage, regarder tomes les surfaces des montans et des traverses, comme des fonds à compartimens, remplis de bas-reliefs de rapport,


ajustés et appliqués sur l’espèce de marqueterie dont les bois de charpente étoient recouverts. Qui voudroit en deviner davantage sur ce curieux monument, pourra consulter la restitution très-étendue qu’on a essayé d’en faire dans l’ouvrage déjà cité du Jupiter Olympien.

Nous avons dit que le trône d’Amyclée aura pu servir de modèle à Phidias, dans la composition du trône d’Olympie. Il règne en effet, comme on peut le voir (en consultant l’ouvrage précité), la plus grande conformité entr’eux, pour la composition de l’ensemble, l’esprit de la décoration et l’emploi des sujets d’ornemens.

Phidias avoit assis la statue de son Jupiter d’or et d’ivoire dans un trône, auquel, d’après les mesures probables du temple, et les autorités des écrivains, il est difficile de donner moins de quarante pieds de hauteur. Ce trône reposoit sur quatre pieds, mais entre les pieds existoit une colonne qui ne paroît pas avoir fait partie de la composition principale, et qui servit probablement à soulager le poids de la masse, et renforcer le plateau servant de siége au dieu. Il est possible même de conjecturer que ces petites colonnes hors d’œuvre, ne s’élevoient entre les pieds que dans l’espace intérieur, et n’étoient que des accessoires tout-à-fait indépendans. La construction du monument étoit indubitablement composée de montans et de traverses en fort bois de charpente. Des traverses, très-probablement de même largeur que les montans, s’étendoient d’un pied à l’autre du trône, et quelques traverses aussi, dont toutefois la description de Pausanias ne parle point, parce que sans doute elles ne reçurent point d’ornemens, dévoient réunir, surtout par le haut, les longs montans du dossier.

Cette masse reposoit sur un soubassement, autour duquel régnoit, à hauteur d’appui, un petit mur qui empêchait d’approcher de trop près du monument.

Toutes les parties de cette construction, dont on vient de faire l’énumération la plus sommaire, étoient recouvertes de matières les plus précieuses de peintures, de bas-reliefs, d’ornemens de tout genre, qui, comme les compartimens de ce qu’on appelle arabesques, se détachoient sur des fonds de diverses couleurs.

Au sommet de chacun des montans du dossier, d’un côté et de l’autre de la tête de Jupiter, étoient sculptés les groupes en ronde bosse des Heures et des Grâces. Les bras du trône avoient pour support antérieur, des figures représentant le Sphinx thébain, et chacun de ces Sphinx tenoit un jeune Thébain, qu’il étoit censé avoir enlevé.

Un sort grand nombre de Victoires étoit entré dans la composition de ce monument. La description nous dit qu’à chaque pied il y en avoit quatre, et encore deux au bas de chacun. Il est permis de présumer que ces quatre groupes de Victoires occupoient chacun au-dessus de la traverse du milieu, l’espace entre cette traverse et le plateau du siège. Cette situation, très-analogue à la composition, répond en même temps à l’emploi que la description du trône d’Amyclée donne à de semblables groupes, savoir, de soutenir le trône. Dans cette hypothèse, ces quatre groupes ainsi placés, forment effectivement les véritables soutiens du trône. Quant aux deux autres Victoires, elles posoient sur la plinthe des pieds et elles devoient s’y adosser.

Nous ne serons point ici mention des divers sujets de bas-reliefs répandus sur toutes les surfaces des mentans, des traverses et des plates-bandes du trône. Nous renvoyons pour tous ces détails, ainsi que pour ceux du trône d’Amyclée, à notre ouvrage du Jupiter Olympien, où toutes ces choses sont expliquées par le discours et par le dessin.

Le soubassement du trône de Jupiter n’en étoit pas la partie la moins ornée : mais la plus riche peut-être, fut encore le marche-pied de la statue, supporté par quatre lions d’or et orné de bas-reliefs. Le petit mur d’enceinte avoit sur trois de ses côtés des peintures de Panaenus.

L’intérieur autour du soubassement étoit pavé en marbre, et offroit un bassin avec rebord en marbre blanc, qu’on remplissoit d’huile pour préserver l’ivoire dont se composoit en partie le simulacre, de l’humidité du terrain où le temple avoit été construit.

Nous bornerons à ces deux descriptions, ce que nous avons cru devoir rapporter de ces grands ouvrages de décoration, qui, par plus d’un côté, rentrent dans le domaine de l’architecture.

Tronqué, ÉE, Participe du verbe tronquer, Lequel signifié retrancher, couper Une partie d’Un tout quelconque.

Le mot tronqué ne Se emploie Guère DANS L’architecture, Qué versez signifiant non fût de colonne coupé, et diminué à ne importe quelle hauteur, Qui ne recoit ni chapiteau ni tailloir, et sur Lequel il is Assez d’usage de placer Des Têtes Ou des bustes, comme on se en lieu sur les gaines et les hermès.

En sculpture, sur le nom de give tronqué à l’ONU torse de figure, non pas only Celui Qui sérums non Reste la statue mutilée, Mais encore à Celui Qu’on ajuste Quelquefois en Manière de gaine et Dont le décore des jardins.

TROPHÉE, s. m. L’origine du trophée nous est manifestée par la composition même des plus beaux ouvrages de la sculpture antique en ce genre, et les plus nombreuses notions de l’histoire nous la confirment.

Dès les premiers temps de la Grèce, après une victoire, nous voyons élever sur le champ de bataille le trophée composé des armes des vaincus. Un arbre ou un tronc d’arbre, auquel on laissoit quelques branches, servoit de support au casque,


à la cuirasse, au bouclier, à la lance et aux autres dépouilles de l’ennemi. Tel paroît sur les médailles, le trophée que porte sur son épaule Mars Gradivus. Du reste, on en voit où il se trouve plus ou moins d’armures.

Cette coutume des Grecs passa chez les Romains, et l’on prétend qu’elle fut introduite par Romulus. Dans la suite, on imagina de faire porter les trophées devant le char du triomphateur, Il suffit à cet article d’avoir indiqué ce qui servit de modèle à l’art dans la décoration d’un très-grand nombre de monumens. On ne sauroit dire de combien de manières, et sous combien de formes, les anciens artistes multiplièrent les trophées, soit en ronde bosse, soit en bas-relief. Il est aussi peu de matières qui n’aient été employées à ces signes de victoire.

Florus nous apprend que C. Flaminius en consacra un en or dans le Capitole, l’an de Rome 550. Les quatre Victoires qui ornoient les acrotères de la chambre sépulcrale du char qui transféra le corps d’Alexandre de Babylone en Egypte, portoient des trophées d’or. Mais ce fut en marbre que l’antiquité se plut à rendre durables les trophées, soit dans les arcs de triomphe, soit sur les piédestaux de ces monumens, soit dans leurs archivoltes. Il en est peu où l’arcade principale ne soit surmontée de deux Victoires en bas-relief qui tiennent des trophées.

On ne sauroit citer en ce genre de plus belle sculpture, que celle des trophées en bas-relief dont sont décorées les quatre faces du piédestal de la colonne Trajane. C’est là qu’on voit représentées avec la plus grande exactitude toutes les armures, tous les habillemens, tous les objets d’équipement militaire des peuples vaincus par l’empereur.

Spanheim, dans son bel ouvrage des Césars, a donné la représentation, gravée par Picard, d’un trophée qui existe encore aujourd’hui à Rome, et qu’on attribue à Trajan. Ce trophée indique bien l’origine dont on a parlé. On y voit à découvert le tronc d’arbre couvert d’un casque ouvragé, et revêtu d’une chlamyde. Le reste de la composition offre des carquois, des flèches, des boucliers ornés de figures ailées, de sphinx, de tritons, de centaures.

L’arc d’Orange (voyez ORANGE) a toutes ses superficies couvertes de bas-reliefs, dont la composition représente, sous toutes sortes d’aspects, des amas d’armes sur lesquelles on lit certains noms, d’où l’on n’a pu tirer que de très-vagues conjectures, sur les peuples vaincus auxquels ces armes avoient appartenu. Cet arc offre encore une particularité plus rare en ce genre. On veut parler des trophéesde victoires navales qui y furent sculptés, et où l’on voit des proues de navires, des ancres, des rames, des acrostoles, des aplustres, etc.

Le plus beau, le plus complet et le mieux conservé de tous les ouvrages antiques de ce genre, est le monument double que l’on appelle, on ne sait trop pourquoi, les trophées de Marius, sculptés de plein relief en marbre, et qui orn aujourd’hui la balustrade de la cour du nouveau Capitole. Ces trophées furent trouvés dans deux niches ou arcades faisant partie du château d’eau qu’on appelle Aqua Maria. Rien de plus inutile, surtout dans cet article, que de rechercher pour quelle victoire ils furent élevés, à quelle époque et sous quel règne on les consacra, Le luxe et la beauté de leur composition et de leur sculpture, ne permettent guère de leur assigner une date trop ancienne. Perro Ligorio les croit du temps de Domitien. Pietro Bellori, dans l’œuvre de la colonne Trajane par Pietro Santi Bartoli, estime, à la beauté de leur sculpture, qu’ils durent appartenir aux victoires de Trajan. Il se fonde sur une sorte de ressemblance qu’il leur trouve avec deux trophées sculptés en bas-relief, de l’un et de l’autre côté d’une Victoire, qui, dans la série des sujets représentés autour du fût de ta colonne, occupe le milieu de la hauteur. Ces trophées ont bien sans doute quelques points de rapprochement avec les trophées du Capitole. On y voit de même le tronc d’arbre coiffé d’un casque, avec deux sortes de bras chargés d’armures, et le corps du tronc porte les habillemens des vaincus ; au bas sont des amas d’armes. Mais ce sont là de ces rapprochemens qu’on peut rencontrer presque partout. Quant à la nature des armes qui pourroient indiquer le peuple vaincu, ce seroit encore une désignation assez arbitraire. La plupart des nations qui occupèrent les empereurs romains depuis Trajan, paroissant avoir eu une commune origine, des usages et des costumes à peu près semblables.

On doit ajouter que, dans les trophées appelés de Marins, il se trouve un assemblage de presque toutes les formes connues d’armes offensives ou défensives, de casques, de carquois, de cuirasses, de boucliers. Si quelque chose même paroît probable, quand on examine ces deux compositions, c’est que l’artiste qui les imagina, dut, en consultant l’intérêt de son art, introduire le plus de variété qu’il fut possible.

Rien en effet de plus ingénieusement combiné, pour plaire à la vue et produire un bel ensemble, que la composition du premier trophée.

Malgré quelques mutilations, effet du temps et de la barbarie, il a été facile de le réintégrer d’après les restes incontestables que le marbre a conservés. Ainsi l’on en a restauré le haut sur les données des deux trophées de bas-relief dont on vient de parler, et qui appartiennent à tous les trophées. Il consistoit donc de même en un tronc d’arbre entièrement caché sous l’ensemble des objets décrits, et qui portoit à son sommet un casque ; un bouclier hexagone garnissoit chacun des deux bras : il n’y a de restauré que leur partie supé-


rieure. Une riche cuirasse forme le corps du trophée ; elle porte un baudrier auquel s’attache un large sabre. Telle est la moitié supérieure de cette composition. L’inférieure, beaucoup plus riche, a plus de largeur, et donne au tout une forme pyramidale. Le milieu est occupé par une figure de femme drapée, dont les bras paroissent devoir être attachés, par derrière, au tronc d’arbre. C’est sans aucun doute une figure de ville ou de nation captive. Autour d’elle sont rangés debout des carquois avec leurs flèches. Deux figures de génies ailés sont placés l’un à droite, l’autre à gauche de cette figure, et supportent chacun un bouclier d’une figure quadrangulaire, qui se compose avec les autres de formes circulaires, ovales ou carrées, que le sculpteur a réparties avec beaucoup d’art dans tout cet ensemble. Les deux génies dont on vient de parler, sont des restaurations ; mais le marbre avoit conservé des indications de pieds et d’autres parties, qui ont permis de suppléer ce que la destruction avoit enlevé.

La composition du second trophée a encore quelque chose de plus varié, de plus pittoresque et d’un effet plus riche ; les armures y sont réparties d’une manière plus nouvelle, et entremêlées avec moins de symétrie. Deux génies ailés y soutiennent de même des boucliers, et le sculpteur a placé au milieu d’eux un plus petit qui a la même fonction. On ne sauroit rien imaginer de plus magnifique que l’assemblage de toutes ces armes, où l’on retrouve le luxe des ornemens que l’on gravoit sur le métal, dont leurs originaux étoient formés, et qui servirent de modèle au sculpteur en marbre. On sait, en effet, qu’outre la décoration que reçoivent les casques, les cuirasses et les boucliers d’usage à la guerre, il se faisoit encore de ces armures en bronze, pour servir de trophées. Des casques d’un métal solide et d’un poids énorme, furent trouvés dans les fouilles d’Herculanum et de Pompeia, et telles sont leur proportion et leur pesanteur, qu’il est impossible de leur présumer d’autre destination, que celle d’objets décoratifs pour servir à la composition de trophées ou autres monumens militaires. On ne voit pas dans le fait, pourquoi les trophées primitifs s’étant trouvés naturellement formés des armures métalliques et portatives des guerriers, on n’auroit pas, dans la suite, imaginé de contrefaire ces monumens précaires, locaux et instantanés, par des imitations plus solides, plus durables, et par conséquent faites aussi de métal, auquel l’art pouvoit donner toutes les richesses de l’ornement. Cela nous paroît avoir eu très-probablement lieu à l’égard des trophées que j’appellerai de ronde bosse, et isolés. Certainement la sculpture en marbre s’empara de tous ces usages, et de toutes leurs modifications, comme nous le voyons dans les bas-reliefs dont elle orna les arcs et les monumens triomphaux. Mais lorsqu’on examine les deux trophées de ronde bosse en marbre dont nous parlons ; quand on considère la combinaison ingénieuse de tous les objets positifs et allégoriques qui entrent dans leur ensemble, on est porté à regarder leur composition comme une répétition libre et idéale, de trophéesdéjà précédemment disposés par l’art et le goût pour le plaisir des yeux, et composée plutôt dans une intention générale, qu’affectée à telle victoire, à telle conquête, à telle- guerre contre telle ou telle nation.

En effet, on a cherché vainement dans les symboles, emblèmes ou détails figuratifs des nombreuses armures de ces trophées, quelques caractères qui pussent désigner le peuple dont la défaite ou la conquête auroit fait élever de semblables monumens. La sculpture ne paroît y avoir gravé sur toutes les armes que des emblèmes trop généraux, pour qu’on puisse en déduire aucun signe particulièrement caractéristique, de quelques-unes des nations soumises par les armes romaines. On y voit sur des boucliers de toutes sortes de formes, des ornemens en rinceaux, en ceps et feuilles de vigne, en compartimens que nous dirions arabesques, en foudres, en rosaces ; sur les casques, on remarque des centaures, des tritons ; tout enfin annonce des conceptions dans lesquelles l’artiste semble avoir été libre de se livrer à ce qui pouvoit offrir le plus de richesse, et lui fournir les moyens de faire le mieux briller son art.

Aussi ces deux monumens sont-ils rangés par les artistes dans le nombre des modèles lés plus excellens de l’antiquité romaine, en fait de composition décorative, d’adjustemens ingénieux et d’ornemens applicables à l’architecture. C’est surtout sous ce dernier rapport, que nous avons cru devoir donner quelqu’étendue à leur description.

Les Modernes ont transporté, non dans leurs usages militaires, mais dans les pratiques de leurs arts et de leur architecture, non l’emploi du trophée, mais l’emploi de son imitation. Chez eux, c’est uniquement un signe de victoire, un caractère anciennement consacré à désigner des succès guerriers, qui a pris place dans le langage et dans l’écriture allégorique, soit de la poésie et de l’éloquence, soit des arts du dessin, pour célébrer les faits militaires et la gloire des vainqueurs.

Ce genre d’ornement ne tenant plus d’une manière aussi immédiate, aussi nécessaire à la réalité d’un usage positif, il lui est arrivé, ainsi qu’à beaucoup d’autres, de devenir souvent banal, et, à vrai dire, insignifiant. Ainsi voyons-nous qu’on a plus d’une sois sculpté des groupes d armes, de drapeaux et autres objets semblables, comme amortissement pyramidal, au-dessus des corniches d’un bâtiment, sans rapport avec la guerre et ses résultats. Tels sont ceux qu’on a élevés sur la balustrade du couronnement du château de Versailles ; tels ceux qui terminent de la même manière, le sommet des colonnades de la place de


Louis XV. Pierre Lescot a accompagné de trophées sculptés en bas-relief, les petites fenêtres de son attique, dans une des façades de la cour du Louvre. On citeroit une multitude d’exemples de cet emploi des trophées, comme ornemens indépendans d’une destination spéciale.

Mais on doit citer, d’autre part, une fort belle application de trophées, selon le goût de l’antique, faite par François Blondel, à la porte triomphale de Paris, connue sous le nom de Porte Saint-Denis. On y trouve aux massifs des deux corps avancés, qui accompagnent l’ouverture de l’arc, une très-heureuse et très-exacte imitation des trophées sculptés sur les quatre faces du piédestal de la colonne Trajane. Même ajustement, même goût de composition, même genre de bas-relief très-peu saillant, même précieux d’exécution. En faisant un examen critique des détails de ce grand monument, nous avons eu l’occasion de remarquer (voyez ARC DE TRIOMPHE) que Blondel avoit entassé dans sa décoration, une cumulation trop sensible d’objets étrangers les uns aux autres, comme, par exemple, de grands trophées, adossés à des espèces de pyramide. Quoi qu’il en soit, nous dirons que le sculpteur y fit une fort bonne imitation des trophées appelés de Marius, dont on a rendu compte plus haut, et qui, eux-mêmes, furent aussi adossés, comme le montre la partie postérieure du groupe qui ne fut point travaillée.

Une imitation plus sensible encore de l’antiquité, en ce genre, l’on pourroit presque dire une copie du genre d’ornemens du piédestal de la colonne de Trajan, se voit à Paris, sur le piédestal revêtu de bronze de la colonne de la place Vendôme, qui, à la matière près, et à part la nature des sujets, est fac simile du monument de Trajan. Les trophées du monument moderne offrent en bas-relief, sur les saces de sa base, le même goût de composition ; seulement la sculpture y a groupé fort heureusement toutes les armes de guerre qui entrent dans le système militaire moderne, et les coiffures, habillemens ou costumes des nations belligérantes de cette époque.

Mais les Modernes ont appliqué l’idée et le genre de composition des trophées de guerre antiques, à des objets d’une nature toute différente, et dont il ne nous semble pas qu’on voie d’exemples, chez les Anciens. Un trophée étant un assemblage d’armes et d’instrumens de guerre, le génie décoratif moderne s’est plu à réunir, à peu près de la même manière, toutes sortes d’autres objets relatifs aux arts, aux sciences, et à beaucoup de sujets qui peuvent être rendus sensil les par les instrumens, les ustensiles, ou les symboles qui les désignent. On suppose ordinairement que ces sortes de trophées, qui se font en bas-relief ou en couleur, sur des panneaux, ou dans des compartimens peints ou sculptés, sont attachés et comme suspendus à un fond. Nous voyons dans un des montans arabesques des Loges de Raphaël au Vatican, un trophée d’instrumens de musique ainsi groupés et qu’on suppose adossés. Les trophées de musique sont devenus très-communs dans l’ornement d’un local destiné, par exemple, à des concerts. On a fait de même des trophées de sciences, formés de livres, de rouleaux de papier, de sphères, de globes, d’instrumens de géométrie, d’astronomie, de mécanique, d’optique, de physique, etc. On voit dans des maisons de campagne des trophées de chasse, où figurent des armes à feu, des arcs, des corps-de-chasse, des dépouilles d’animaux, etc. Dans le fait, il y a peu de sujets qui ne puisse fournir à cette sorte d’ornement la matière d’une composition plus ou moins heureuse ; ainsi a-t-on plus d’une sois sait entrer dans la décoration des églises, tous les objets ou symboles des cérémonies religieuses, comme croix, chandeliers, encensoirs, ciboires, ostensoirs, mitres, goupillons, etc.

On doit faire observer de nouveau, que c’est toujours en bas-reliefs, et comme montans d’arabesques, sur les espaces qui en comportent l’emploi, que ces sortes de trophées ont lieu. A cet égard, on convient, qu’en supposant tous ces objets suspendus par un lien qui s’attache à un clou à un support quelconque, rien en cela ne blesse la vraisemblance. Il n’en est pas de même de quelques tentatives récemment faites pour composer, en ronde bosse, les masses isolées de tous les assemblages mentionnés des objets dont on a fait l’énumération. Le trophée antique, tel qu’on l’a fait connoître, tel qu’on le voit répété si souvent, avoit pour support naturel le tronc d’arbre et ses branches, qui servoient de support nu d’appui à tout ce qu’on y vouloit rassembler. Dans les compositions modernes, au contraire, où rien n’autorise l’emploi de ce tronc d’arbre, des trophées en ronde bosse ne présentent autre chose aux yeux et à l’esprit, qu’une compilation d’objets surimposés les uns aux autres, amalgame indigeste, de tout ce qu’on y accumule sans ordre ni raison.

TROTTOIR, s. m. On donne ce nom à une partie plus ou moins élevée d’un côté ou des deux côtés du terrain, soit d’une rue, d’un quai, d’un pont, soit d’une route ou d’un grand chemin. Cette partie de terrain ainsi relevée, est destinée particulièrement aux gens qui vont à pied.

Le trottoir est surtout d’une très-grande commodité dans les villes populeuses, où les voilures sont très-multipliées. Il offre aux piétons une voie toujours propre, sûre et libre d’embarras, et l’on ne sauroit trop en recommander l’emploi dans les villes où la largeur des rues le comporte ; car, bien que dans les cités anciennement bâties, et où les rues sont étroites, on puisse toujours diminuer la largeur à donner au trottoir, il résultera de là le double inconvénient, de rétrécir par trop


la voie publique pour les voitures, et aussi celle des gens de pied.

Nous voyons que le trottoir fut usité dans l’antiquité. La ville de Pompeia nous montre des trottoirs fort étroits, dans des rues peu larges, Mais ces petits espaces pouvoient suffire à une petite ville, et dans des temps où le nombre des voitures et des charrois ne devoit pas être fort considérable. Cet exemple ne sauroit servir de règle aux grandes villes modernes, dont les rues n’ont pas les dimensions nécessaises.

La ville de Londres est celle qui a porté au plus haut point de commodité l’usage des trottoirs. Elle a dû cet avantage à la reconstruction presqu’entière qu’occasionna le grand incendie qui consuma une très-grande partie de la vieille ville en l’année 1666. Toutes les rues furent alors tracées sur un vaste plan, toutes alignées et coupées à angle droit. Toutes les maisons y furent reconstruites sur des plans uniformes et dans des données communes à toutes, et conformes à des usages domestiques complétement semblables. Des trottoirs larges et spacieux surent alors établis dans toutes les rues, et depuis, les nouveaux quartiers dont cette ville s’est agrandie, ont encore enchéri sur les dimensions primitivement prescrites.

Les villes qui, créées et accrues par l’effet d’additions graduelles, sans aucun plan préalable, veulent introduire des trottoirs dans leurs rues, ne doivent le faire d’abord que dans les rues qui ont une largeur suffisante, ensuite dans les rues nouvelles, enfin dans celles où peu à peu de nouvelles constructions de maisons donnent le moyen d’un alignement successif et d’un élargissement convenable. Autant les trottoirs sont commodes, avec les conditions qui leur sont propres, autant leur établissement intempestif et prématuré procureroit d’inconvéniens et d’embarras, dans des quartiers étroits et dans des rues irrégulières, souvent traversées par d’autres, et avec des usages domestiques qui, au lieu d’être assortis à cet usage, en contrariroient l’emploi, et en feroient un nouveau sujet de désordres et d’embarras.

On doit faire encore observer à l’égard de l’établissement des trottoirs, là où ils sont admissibles, qu’on les doit tenir le plus bas qu’il sera possible pour éviter les dangers des faux pas multipliés que leur descente occasionneroit. Ils doivent toutefois avoir assez de hauteur pour empêcher les voitures d’y pouvoir monter.

TROU, s. m. Nom général qu’on donne à oute cavité que l’on pratique pour y introduire un objet quelconque. Ainsi on pratique des trous en terre, pour y planter des arbres. On creuse des trous dans une infinité d’ouvrages, soit pour faire des assemblages, soit pour une multitude d’usages qu’il seroit fort inutile d’énumérer.

Dans l’art de bâtir, on pratique un grand nombre de trous qui se sont plus ou moins profondément selon les matières, bois, plâtre, pierre, et dont l’objet principal et le plus ordinaire est de servir, à sceller des pattes, des gonds, des barreaux de ser, etc. (Voyez SCELLER, SCELLEMENT.) On fait autel des trous dans les murs pour recevoir les solives des planchers. On fait, dans un bâtiment en construction, des trous pour recevoir les boulins ou écoperches qui servent & monter les échafauds, selon le besoin ou la hauteur qu’on donne à la bâtisse : c’est ce qu’on appelle trous de boulin. Voyez BOULIN

TRUELLE, s. f. Outil de fer ou de cuivre polis, emmanché dans une poignée de bois, dont les maçons se servent pour gâcher le plâtre, pour le prendre quand il est en mortier plus ou moins épais, pour le jeter et l’étendre sur le mur, et pour l’unir quand il est encore frais. La truelle se sait de plut d’une façon et dans des formes diverses, selon les pays et selon la nature des enduits. Il y a des truellestriangulaires qui ont deux côtés tranchans, pour gratter el nettoyer les enduits de plâtre au sas, et dont l’autre côté est bretté ou brettelé, c’est-à-dire à petites hoches faites en manière de scie, pour faire des brettures ou gravures, pour tracer des traits en creux sur le plâtre, dont l’effet est d’imiter les joints que produit souvent la construction en pierre de taille.

TRULLIZATION, s. f. Ou Trouve CE MOT DANS Quelques Anciens Lexiques. Ce est le mot latin trullizatio, forme de trulla, truelle, et employee par Vitruve versez Exprimer les Diverses Sortes d’enduits Ou de crépis Qu’on formoit à la truelle, et Qu’on travailloit au-dedans des voûtes, OU BIEN Encore les hachures pratiquées sur la couche, de mortier, verser Retenir l’enduit de stuc.

TRUMEAU, s. m. On donne ce nom, dans la construction des habitations, des maisons, des palais, à cette partie d’un mur de sace qui sépare deux fenêtres, et qui porte ordinairement le fond des sommiers des plates-bandes.

Le trumeau est bâti, selon le genre de la construction adoptée, soit en pans de bois garnis de mœllons, de mortier, etc. , soit en briques, soit en pierres de taille. La solidité des devantures de maisons, dépend beaucoup de la largeur et de l’épaisseur qu’on donne aux trumeaux. Les fenêtres d’une devanture de maison formant les vides, comme les trumeaux forment les pleins, une loi générale de la solidité, en ce genre, veut que les vides ne l’emportent point sur les pleins ; elle veut, au contraire, que le plein l’emporte sur le vide. Entre ces deux points contraires il y a le milieu : c’est que lestrumeaux aient au moins la largeur de la fenêtre.

Si l’on consulte le goût, on trouve qu’il est


tout-à-fait d’accord avec le principe de la solidité. Le juste rapport des pleins avec les vides, est un des premiers mérites de toute composition architecturale, et fait une des principales beautés des édifices. En cela consiste plus qu’on ne pense l’harmonie des masses et l’agréable effet des formes employées par l’art : c’est que de là résulte évidemment la sensation agréable ou pénible que doivent produire la légèreté on la lourdeur, la force ou ta foiblesse. Ces qualités, dans les œuvres de l’art de bâtir, ne peuvent etre soumises ni à un calcul invariable, ni à une théorie absolue ; mille circonstances diverses en changent les résultats et en modifient l’effet. Ce qui seroit légèreté ou foiblesse dans tel édifice, pourra dans tel autre être réputé force ou lourdeur. Ainsi le rapport des pleins avec les vides, ou autrement des trumeaux et des fenêtres dans les devantures des habitations, dépendra de la nature de ces habitations, de la destination de ces édifices, de leur caractère, soit qu’on les considère comme palais, ou comme monumens d’etablissemens publics.

Quant aux maisons de particuliers cl aux habitations ordinaires, mille besoins, mille sujétions de nécessité, de calcul ou d’habitude, s’opposent à ce qu’on puisse appeler l’art, ou faire intervenir le goût, dans la détermination qui régleroit la grandeur ou le nombre des ouvertures, el, par conséquent, la dimension des trumeaux qui les séparent. Aussi voit-on, en cegenre, les diversités les plus arbitraires disposer les intérieurs des logemens, et les percées nécessaires à leur distribution, de manière que les vides des fenêtres l’emportent de beaucoup sur les pleins des trumeaux. Il est même, dans le nord de l’Europe, des villes, dont les maisons construites en bois, genre de bâtisse qui se prête à la plus grande légèreté, semblent en dehors consister uniquement en vitreaux, tant on a cherché à se procurer à raison du climat, le plus de lumière possible. J’ajoute que les moyens et les procédés de chaussage habituels, sont propres à remédier aux inconvéniens de l’hiver, dans des locaux ainsi percés de toute part. Dans le midi de l’Europe, au contraire, en Italie particulièrement, on sait que le climat, indépendamment de toute autre considération, invite à faire les ouvertures des fenêtres plus étroites que lestrumeaux, et cet usage se fait remarquer dans les devantures des maisons ordinaires, a la construction’ desquelles l’architecture ne prend aucune part. Aussi cet art s’est il trouvé très-naturellement porté à rechercher dans les palais des grands el ceux des établissemens publics, les meilleurs rapports entre les vides des fenêtres et les pleins des trumeaux. C’est donc là qu’il convient à l’artiste de chercher des modèles en ce genre.

Il n’y a personne qui n’ait été à portée d’y observer, el d’y admirer combien de larges trumeaux, et de petites, ou du moins, de modiques ouvertures de fenêtres, sont favorables à l’effet des grandes masses de palais, et quelle grandeur de caractère résulte de ces rapports. La cause en est facile à trouver et à donner : 1°. la solidité, ainsi que ion apparence, s’y trouvent prononcées avec une énergie dont les sens sont d’abord frappés ; 2°. toutes les ressources que l’architecture puise dans l’emploi des ordres, en colonnes ou en pilastres, peuvent facilement s’adapter aux parties lisses des grands trumeaux ; 3°. la richesse des chambranles, qui fait le plus bel ornement des fenêtres, se détache avec bien plus d’agrément et d’effet, sur les corps pleins et larges qui les font briller ; 4°. si une semblable masse d’édifice reçoit à son sommet toutes les parties d’un entablement, on aime à voir ces grands couronnemens supportés par une devanture où le plein remporte de beaucoup sur le vide.

Qui pourroit, en effet, supporter la saillie et la hauteur d’un grand entablement, au-dessus d’une devanture qui n’offriroit d’autre aspect, que celui d’un mur percé d’une infinité de trous ? Telle est cependant l’impression désagréable qu’on reçoit des édifices, dans lesquels les fenêtres sont trop multipliées ou trop spacieuses en raison de leurs trumeaux.

Ce qu’on vient de dire n’a rien d’arbitraire ni de systématique, c’est le résultat sensible d’une théorie, dont le simple bon sens peut être juge, et d’une pratique confirmée par des exemples dont le goût et la raison recommandent l’imitation.

L’application de l’une et de l’autre ne sauroit cependant être déterminée par des règles de proportion invariables ; il est visible que l’architecte est obligé de se subordonner à un tel nombre de convenances, dans ce qui forme la disposition de ses édifices, que les rapports réciproques des pleins et des vides dans les devantures de palais, devront varier selon la largeur et la hauteur de l’ensemble, selon les emplacemens prescrits, selon les aspects, selon les divers genres d’ordonnance qu’il emploiera dans sa décoration. Disons, en effet, que d’assez notables variétés existent sur ce point, jusque dans les ouvrages et des meilleurs temps et du même architecte. Généralement on peut dire que jamais la dimension du vide ne doit excéder la mesure du plein en ce genre, que tout au moins les trumeaux doivent avoir en largeur celle des fenêtres ; que ce qui excédera cette mesure en plus pour le trumeau, d’un quart, d’un tiers ou de moitié, ne sera jamais un excès.

Paris offre sans doute (et l’on en sait les raisons) peu de modèles à suivre ou à citer sur cet objet, excepté toutefois au Louvre. Que l’on veuille bien comparer, par exemple, dans la façade septentrionale extérieure de ce monument du côté de la rue Saint-Honoré, les différentes parties de corps avancés ou de corps en retraite dont elle se compose. On sait que cette façade


existoit avant la construction de la colonnade par Perrault, qui, obligé d’en raccorder le retour avec l’architecture de ce côté du Louvre, y laissa subsister les deux parties en retraite, et éleva le corps avancé du milieu, ainsi que celui de l’angle du côté de la rue Fromenteau. Il résulta dans le raccordement de cette façade trois dimensions différentes de trumeaux entre les fenêtres : celle des trumeaux en retour de la colonnade à laquelle répondent les trumeaux du corps à l’angle opposé, et qui offre des pleins égaux aux vides des fenêtres ; celle des trumeaux des deux parties contiguës au corps avancé du milieu dont les pleins n’ont guère plus en largeur que la moitié des vides des fenêtres ; et enfin celle des trumeaux des deux anciennes parties en retraite de celle façade, dont les pleins ont en largeur le double de l’espace vide des fenêtres, et quelques-uns davantage.

Qui est-ce qui, en comparant les diversités de rapport entre les vides et les pleins de ces différentes ordonnances, ne trouvera point un caractère plus grand, plus simple, plus mâle à la dernière de ces dispositions ? Qui ne sent pas combien ces grands lisses, en donnant l’idée d’une plus grande solidité, sont d’autant mieux briller, par des repos convenables, les chambranles des fenêtres, et triompher la richesse de l’entablement qui couronne cette masse ?

En faisant et en proposant ce rapprochement, comme exemple propre à faire sentir la théorie de goût, dont on a essayé de développer quelques maximes, je répète que je n’ai point entendu qu’il pût y avoir ici, plus que dans toutes les parties de l’architecture, de mesure fixe, propre à devenir une règle positive et invariable. On sait à combien d’exceptions et de modifications sont soumises, surtout à l’égard des palais d’habitations, les dispositions intérieures, qui sont la loi au nombre et à la mesure des ouvertures extérieures. Il en sera donc de la règle de goût relative à cet objet, comme de beaucoup d’autres ; elle s’appliquera à tous les édifices où l’architecte sera libre de disposer de son ordonnance extérieure ; dans tous les autres cas, il devra s’en écarter le moins qu’il sera possible.

TRUMEAU. On appelle aussi de ce nom les parquets de glace dont on revêt, dans les appartemens, ces parties de mur de face qui existent entre les baies ou les ouvertures des fenêtres. Il est vraisemblable qu’ils ont reçu ce nom de la partie même de la construction sur laquelle on les applique.

TUERIE, s. f. C’est le nom d’un bâtiment dans lequel les bouchers amènent les bœufs et autres animaux pour les abattre, les écorcher et les dépecer.

Depuis quelque temps on a donné à ces sortes de bâtimens le nom d’abattoirs. Les inconvéniens et les dangers résultant de la conduite des bœufs dans Paris, de la saleté et de l’infection produites par les opérations de la boucherie, out sait adopter la construction, dans les lieux les plus éloignes du centre de la ville, d’immenses bâtimens appelés abattoirs, où sont conduits tous les bœufs et autres animaux pour être abattus et dépecés, et d’où chaque boucher est tenu de ramener dans des voitures les viandes découpées, qui sont eu cet état étalées dans les boutiques de boucherie.

TUF, s. m. Ce mot vient du latin tophus.

On distingue plusieurs natures de tus. C’est un terrain tantôt spongieux, fistuleux et poreux, comme la pierre ponce, tantôt compacte comme certaines pierres à bâtir, quelquefois épais, quelquefois mince, tantôt mêlé plus ou moins de cailloux, de gravier, de sable, tantôt coloré, tantôt calcaire, tantôt argileux. Ces variétés proviennent du genre différent des parties étrangères qui entrent dans la formation du tuf. Aussi y en a-t-il de sort léger dont on se sert pour faire des voûtes, et qui prend bien le mortier ; il y en a d’une foible consistance dont on use pour de légers ouvrages ; il s’en trouve qui a la fermeté de la pierre, et qu’on peut employer même d’ans les fondations.

Le tuf est désigné par Pausanias sous le nom de porinos lithos. Cétoit, à ce qu’il paroît, en Grèce un tuf blanchâtre. Plutarque parle d’un Silène qui étoit sait de relie espèce de tus. Le célèbre temple d’Apollon à Delphes en étoit bâti, ainsi que le temple de Jupiter à Olympie.

A Rome et à Naples, on sait un très-grand usage de l’espèce de tus que l’on appelle peperino à Rome, piperno et pipierno à Naples, nom qui lui vient très-probablement de Piperno (l’ancienne Privernum) où cette pierre s’exploite en grande abondance. C’est de peperino que surent bâtis (comme on le voit encore) les soubassemens du Capitole, dont il reste cinq assises composées de très-gros blocs, qui ont jusqu’à cinq palmes et demi romains de longueur. La Cloaca maxima en fut aussi construite, et généralement l’emploi de celle sorte de tuf se retrouve dans les plus anciennes constructions de Rome. On n’employs que plus tard la pierre appelée travertino.

On continue d’employer aujourd’hui le tuf appelé peperino. Il y eu a de plus d’un genre. L’un est d’une qualité terreuse ; on en trouve dans le voisinage de Naples qu’on travaille à la pointe. Il en est un autre plus tendre, auquel on donne le nom de rapillo, ou plutôt de lapillo. On le diroit formé d’un sablon noir pierreux, et on le travaille en dalles, qui servent de pavemens dans beaucoup de maisons, et aussi à faire des terrasses. On en trouve de la même espèce à Frascati, près l’antique Tasculum. On croit généralement que c’est une production volcanique.


TUILE, s. f. En latin tegula, du verbe tego, qui signifie couvrir. La tuile effectivement est ce qui sert le plus souvent de couverture aux édifices, surtout à ceux qui se terminent par des toitures ou assemblages de solives faits en pente.

Au mot COUVERTURE (voyez ce mot), on a donné des notions fort détaillées sur les diverses manières de couvrir les édifices, et d’y employer les tuiles de terre cuite, selon leurs formes. Nous ne reviendrons point ici sur ces notions générales ; nous bornerons cet article à ce qui regarde la tuile en elle-même, sans rapport avec les diversités de ses emplois, c’est-à-dire spécialement quant aux matières dont on trouve qu’elle sut, et peut être faite, quant aux particularités dont les témoignages de l’antiquité nous ont conservé le souvenir.

Quoique dam nos usages, le nom de tuile fasse toujours naître l’idée qu’en donnent les définitions techniques, je veux dire d’un carreau de terre grasse, d’une épaisseur quelconque, pétrie, séchée, et cuite au four à la manière des briques, il est certain que le mol tegula, dont le mot tuile paroît provenir, on dont il est la traduction et l’équivalent, présente une idée plus étendue, et une notion beaucoup moins restreinte. Comme moyen de couvrir les sommets des édifices, il s’en saut de beaucoup que la tuile doive être considérée comme étant nécessairement de terre cuite. On sait qu’en plus d’un pays on se sert, pour couvrir les bâtimens considérables, de ce qu’on appelle bardeaux. Ce sont de petits ais d’un certain bois de dix à douze pouces de long, sur six à sept de large, dont on sait des tuiles légères et économiques. Tout le monde cannoit la pierre particulière appelée ardoise, qui se délite très-facilement, qui se laisse tailler de la grandeur et de l’épaisseur qu’on désire, et qui forme des tuiles, bien qu’en France surtout ou leur donne le nom de leur matière pour les distinguer des tuiles, qui emportent, comme on l’a déjà dit, dans le langage usuel, l’idée de terre cuite.

Toutefois la tuile en terre cuite, outre la facilite de se procurer l’argile avec laquelle on la sait, et aussi l’économie, a quelques avantages sur les autres matières. D’abord, on eu varie les formes à volonté, et l’on a vu, à l’article COUVERTURE qu’il s’en sait de plates, de creuses, et d’autres contournées en S ; ensuite on peut leur donner le volume et l’extension qu’on veut, selon le genre des couvertures auxquelles on les applique.

On a trouvé, et l’on trouve journellement dans les fouilles des ruines de monumens antiques en Italie, surtout à Rome et dans les environs, des tuiles de dimensions sort différentes. Les plus grandes sont ordinairement marquées d’empreintes portant des noms qui sont, ou ceux du fabricant et propriétaire de la toilerie, ou des magistrats, peut-être, inspecteurs de cette fabrication, ou des empereurs sous le règne desquels avoient été construits les édifices pour lesquels ces tuiles avoient été fabriquées. Les cabinets d’antiquité recueillent avec intérêt jusqu’aux fragmens de ces tuiles, parce qu’elles portent des dates utiles à l’histoire. Ainsi trouve-t-on dans le Recueil des terres cuites antiques de d’Agin-court, deux tuiles sur lesquelles est indiquée l’époque des Antonins, par les mots OP. DOL. EX. PR. M. AURELI. ANTO. Ces tuiles, et beaucoup d’autres empreintes de la même inscription, ont été découvertes parmi divers fragmens retirés des décombres d’un bâtiment, dans une fouille faite sur le mont Aventin.

Les Grecs, généralement, ne voûtant point leurs temples (on parle de ceux qu’on appeloit périptères, ou d’autres du même genre), il devint important de donner à leurs toitures, et aux tuiles qui en formoient la couverture, une solidité qu’on ne sauroit obtenir des tuiles fragiles, comme celles qu’on fait en terre cuite. Lorsque surtout le marbre étoit la matière de leurs murs et de leurs colonnes, il dut sembler que l’argile ne répondoit pas à l’accord qu’exigeoient, pour les yeux, des combles dont les pentes étoient visibles à tout le monde. Pausanias nous apprend qu’un certain Bizès de Naxos avoit obtenu l’honneur d’une statue, pour avoir imaginé d’employer le marbre penthélique en tuiles propres à servir de couvertures aux édifices. Nous lisons dans un ouvrage moderne, que sans doute Bizès avoit trouvé un expédient propre à débiter le marbre du mont Penthèle, en petites seuilles semblables à celles de nos ardoises. Ce n’est point ici le lieu de rechercher quelle fut, à cet égard, l’invention de Bizès ; il est à croire qu’il aura trouvé un procédé abréviateur et, par conséquent, économique, de multiplier des dalles de marbre pour l’emploi dont il s’agit. Toutefois on peut affirmer que les tuiles de marbre employées par les Anciens furent d’une bien autre épaisseur, et d’un bien plus grand volume, que ne le sont nos ardoises. On peut s’en convaincre par celles qui couvrent encore aujourd’hui la tour des Vents à Athènes. Plus d’un édifice antique, représenté sur des bas-reliefs, nous fait voir que ces tuiles étoient, à proprement parler, ce que nous appelons aujourd’hui des dalles, et qu’au moyen des entailles qui les unissoient les unes aux autres, elles devoient produire des couvertures capables d’opposer à la violence des vents la plus forte résistance. En cela devoit également consister l’avantage des tuiles de marbre.

On peut consulter, sur la forme, l’arrangement et le bel effet des tuiles de marbre ; l’ouvrage des Jonian antiquities, où plusieurs édifices, entr’autres celui des Propylées de Mégare, se voient restaurés dans leurs combles, d’après les vestiges et les autorités locales, avec des tuiles de marbre. Cette pratique paroît avoir été fort


répandue en Grèce, et quelques interprètes du passage de Pausanias, sur le comble du temple de Phigalie, dans lequel cet écrivain parle d’un comble en pierre, ont pensé qu’au lieu de traduire par voûte en pierre, il falloit se contenter d’expliquer les mots grecs par ceux de toit couvert en dalles de pierre.

Au reste, plus d’un témoignage dépose du fréquent emploi qu’on fit de ce procédé. Ainsi nous lisons dans l’Histoire romaine, que le vainqueur de Tarente fit enlever de la toiture du temple de Junon, dans cette ville, les tuiles de marbre dont il étoit couvert, et les fit transporter à Rome pour en couvrir le toit du temple de Jupiter Capitolin.

On trouve, chez les écrivains anciens, quelques notions de l’emploi de l’or en tuiles de comble. Il est bien probable que l’on a pris pour de l’or ce qui n’étoit que la dorure ; ce qui toutefois indiqueroit, et cela est beaucoup plus facile à croire, qu’on fit des tuiles en bronze, soit qu’elles aient été des dalles de métal séparées, soit qu’on ait fondu de grandes pièces, auxquelles on donnoit l’apparence de tuilesen recouvrement les unes sur les autres.

Il ne faut pas, au reste, regarder ce luxe des Anciens, relativement aux toitures de leurs édifices, et surtout de leurs temples, de la manière dont on pourroit le considérer dans son rapport avec les usages modernes, et les formes ou les dimensions de nos églises. Jamais les temples les plus vastes de l’antiquité n’arrivèrent à la hauteur que des sujétions particulières ont fait donner aux temples du christianisme. Il résulte de cette seule différence que les toitures du plus grand nombre de ces derniers sont portées et arrivent à une telle élévation, que l’aspect de leurs couvertures est ordinairement hors de la portée de la vue. Au contraire, les pentes des combles répondant toujours à celles des frontons, dans les temples anciens, leurs superficies ne pouvant excéder la hauteur de l’ordre avec son entablement, étoient toujours sous les yeux des spectateurs, et comme, ainsi qu’on l’a fait observer plus d’une fois, les usages religieux avoient dû engager l’architecture à mettre en dehors le plus grand luxe des temples, il fut naturel, on diroit presque nécessaire, de faire participer à ce luxe les combles et les toitures extérieures.

Au reste, la richesse des matières placées ainsi au-dehors des grands édifices, et dans les sommités de leurs combles, n’est pas même une chose tout-à-fait étrangère aux usages modernes. Sans parler des couvertures métalliques de certaines églises gothiques, et en particulier de celle de Saint-Denis, qu’on prétend avoir été autrefois d’argent, nous voyons encore certaines couvertures circulaires de coupoles recevoir des ornemens dorés et les agrémens des couleurs. Cela tient sans doute à la raison que, devenues visibles de toutes parts et frappant tous les yeux par leur position surhaussée, ces sommités de combles sphériques, appellent les recherches de la décoration, et excluent l’effet pauvre et monotone d’une couverture produite par une matière vulgaire.

Dans le Midi, surtout en Italie et à Naples, nous voyons beaucoup de coupoles, et encore d’autres toitures, recouvertes de tuiles vernissées et enduites de différentes couleurs, usage familier à certains peuples de l’Asie, et dont il paroît que l’exemple fut imité par les Grecs à Babylone, dans la formation et la décoration de l’Armamaxe ou de la chambre voûtée qui, placée sur un chariot, servit à transporter le corps d’Alexandre-le-Grand en Egypte. Diodore de Sicile, dans la description de ce rare ouvrage de l’art, nous apprend que la voûte circulaire de cette chambre sépulcrale avoit son extrados, ou comble extérieur, couvert, en place de tuiles, par des pierres précieuses, probablement de chalcédoines, ou de lapis lazuli, dont on fait l’outremer, et autres qui peuvent être encore taillées en morceaux assez étendus pour cet emploi. Mais on doit regarder le petit monument dont nous parlons, comme un ouvrage d’orfévrerie autant que d’architecture, et auquel on put appliquer un précieux d’objets et d’ornemens, qui ne sauroit convenir aux édifices de quelqu’étendue.

pour revenir aux tuiles ordinaires, en terre cuite, telles qu’on les emploie dans la plupart des pays, et à la couverture du plus grand nombre des bâtisses, nous dirons, en renvoyant pour le reste des notions techniques au mot BRIQUE, que, pour être de bonne qualité et durable, la tuile doit être faite d’une argile grasse et où il n’entre pas trop de sable. Cuite, elle ne doit être, en France, ni trop rouge ni trop blanche. Du reste, cette couleur dépend particulièrement en chaque pays, de la nature même de l’argile et de sa couleur. On juge que la tuile est bien cuite, lorsqu’en la frappant elle rend un son clair.

On dit :

TUILE A CROCHET ou PLATE. C’est celle qui est de forme rectangle, ayant ordinairement dix pouces et demi de long, sur six pouces et un quart de large, et qui a un crochet au milieu de la largeur d’une de ses extrémités. Il y en a de deux mesures ; celle qu’on vient de décrire s’appelle petit moule. On donne le nom de grand moule à celle qui a treize pouces de long sur huit pouces et demi de large.

TUILE FAÎTIÈRE. On donne ce nom à la tuile creuse d’un côté et bombée de l’autre, dont on se sert pour couvrir le faîte d’un comble ; elle doit avoir treize pouces de long. On use encore


de semblables tuiles à Rome surtout, et depuis quelque temps à Paris, en les plaçant sur les rangées de tuiles plates, de manière à ne recouvrir que leur rebord saillant, et à laisser à découvert toute l’étendue de leur superficie. Quelquefois aussi on use de ces tuiles creuses dans deux sens contraires, celle de dessous placée sur son côté convexe, et celle de dessus s’emboîtant sur deux de ces tuiles par son côté concave.

TUILE FLAMANDE. Tuile crense qui, vue de profil, ou posée de champ, offre dans son rebord la figure d’un S.

TUILE GIRONNÉE. Tuile plus large en bas du pureau qu’en haut vers son crochet. On s’en sert pour couvrir les chapiteaux en pointe de certaines tours rondes ou des colombiers. On la nomme aussi giron.

TUILE DE GUIENNE. Tuile creuse dont le profil est en demi-canal. On en fait usage dans quelques parties de la France.

TUILE HACHÉE. Tuile qu’on échancre avec la hachette, pour les arétiers, les noues et les fourchettes.

TUILE VERNISSÉE. On appelle ainsi une tuile plombée qui sert à faire des compartimens sur les couvertures.

TUILEAU, EAUX, s. m. On donne ce nom à des morceaux de tuiles cassées que l’on mélange et qu’on broie avec de la chaux. Ce mortier sert à plus d’un usage dans la bâtisse, pour sceller des cordeaux, des gonds, et autres pièces de fer. On l’emploie en liaison dans les pavages des cours. Les tuileaux qui servent à ces emplois doivent être concassés et pilés en fort petits morceaux. En plus gros fragmens, les tuileaux servent à faire les voûtes de four, les contre-cœurs des âtres de cheminées.

TUILERIE, s. f. C’est le nom qu’on donne à un grand bâtiment qui est accompagné de fours et de hangars où l’on fait la tuile.

Les hangars, qu’on appelle aussi hâles, sont des endroits couverts, et percés de tous côtés par plusieurs embrasures, au travers desquelles l’air et le vent passent, pour donner ce qu’on appelle du hâle. On use de ce procédé pour faire sécher à l’ombre la tuile, la brique, le carreau, avant de les mettre au four. Il faut, en effet, se garder d’exposer ces objets encore frais aux rayons du soleil, qui les gerceroit et les feroit gauchir.

On donne aussi à la tuilerie le nom de briqueterie.

Le nom de tuilerie est devenu célèbre par le château que Catherine de Médicis fit commencer à Ducerceau, et qui ne fut fini que long-temps après, château qui, augmenté depuis, modifie et embelli, sous différens règnes, dans son ensemble, ses accessoires, et surtout ses jardins, est devenu, par l’habitation des rois de France, un des plu grands palais et des plus renommés de l’Europe.

Son nom de Tuileries, an pluriel, lui est venu de ce quele terrain, alors situé en dehors de Paris, où Catherine de Médicis voulut établir son palais, renfermoit plusienrs fabriques de tuiles. C’est ce même terrain qui est devenu depuis le jardin qu’on appelle aussi du nom de Tuileries.

Ce fut très-probablement d’un précédent semblable, qu’un des plus beaux quartiers d’Athènes, le Céramique, avoit emprunté son nom. Pausanias dit qu’il l’avoit tiré de Céramus, fils de Bacchus et d’Ariadne. Pline prétend que ce lieu fut nommé Céramique, parce que Chalcosthène, artiste, et Plasticien, célèbre par ses statues et ses ouvrages en terre, avoit eu son atelier en cet endroit. Ceci paroît plus voisin de la vraisemblance. Le mot Ceranios, en grec, signifiant terre cuite et tuile, pourquoi Athènes, en s’étendant, n’auroit-elle pas agrandi son enceinte, aux dépens d’un terrain qui auroit contenu des fabriques de tuiles et d’autres objets, jadis si communs dans tous les édifices, et qui étoient du ressort de la plastique ? On sait, en effet, combien d’ornemens, de frises et de bas-reliefs en terre cuite furent appliqués à l’architecture, lorsque le bois et la brique formoient la principale construction des temples.

Tuilier, s. m. On appelle of this nom Celui Qui fabrique de la tuile.

TUMULUS. Ce mot est formé du verbe tumeo, qui signifie être enflé, gonflé. Il signifie de même une enflure, un gonflement de la terre. C’est dans ce sens que l’on a nommé tumulus une éminence naturelle de terre, comme un tertre, un lieu élevé. Ainsi a-t-on, par analogie, nommé, dans le même sens, l’éminence factice, produite par l’inhumation d’un corps. Cette sorte de protubérance momentanée, qui devenoit le signe d’une sépulture, a dû naturellement être augmentée ou amplifiée, par le simple desir de rendre plus durable le souvenir de l’homme, dont les restes avoient été confiés à la terre. L’usage ayant perpétué et consacré ce signe commémoratif, non-seulement on s’étudia à rendre de plus en plus considérables, ces éminences factices, mais on profita des buttes naturelles, qu’on creusa, qu’on perfora, pour y déposer les corps des hommes, dont on voulut honorer la mémoire. Ce fut ainsi, et par suite de ces accroissemens, que le mot tumulus en vint à signifier, un lieu de sépulture, un tombeau.


Aux mots PYRMIDE et TOMBEAU, nous avons déjà fait voir comment les plus vastes constructions sépulcrales avoient été des imitations successives, et, si l’on peut dire, des dérivés du tumulus primitif. Nous croyons même avoir rendu très-vraisemblable, pour ne pas dire certain, que les pyramides d’Egypte (voyez PYRAMIDE) n’étoient autre chose que des buttes, ou, si l’on veut, des tumulus, à la fois naturels et artificiels, c’est-à-dire, amplifiés par de nouveaux amas de terre, et devenus le noyau de la maçonnerie et des constructions en pierre qui en formèrent le revêtissement solide.

Il est reconnu maintenant, que ce genre de tombeaux ou de sépultures fut infiniment plus multiplié et plus répandu, qu’on ne pourroit le dire, non-seulement dans la Grèce et dans les pays qui formoient le Monde antique, mais dans toutes les régions habitées de la Terre. Il est même prouvé qu’on a souvent interprété, dans un sens tout-à-fait opposé à la vérité, un grand nombre de buttes et d’élévations qu’on découvre partout. Ainsi, Spon et Wheler avoient pris pour des forteresses destinées à défendre les approches de Pergame, deux masses coniques d’un énorme volume, évidemment élevées à main d’hommes. Cette idée n’étoit nullement vraisemblable ; mais leur erreur est démontrée, depuis qu’on a bien reconnu le genre de sépultures désignées par le nom de tumulus, dont il se trouve un si grand nombre en Grèce et en Italie.

Rien, au reste, n’est plus uniforme dans tous les pays que ce genre de monumens. Effectivement, il ne sauroit en exister qui offrent les caractères d’une plus parfaite ressemblance, tant l’art ici se confond avec la nature. Aussi rien de plus inutile que de rechercher la trace des imitations que tel peuple auroit empruntées à tel autre. On trouve les tumulus très-multipliés dans le nord de l’Europe, ainsi que dans toutes les contrées occupées, on successivement envahies par les nations scythes. Il en existe en Amérique, et des voyageurs disent en avoir trouvé jusqu’à l’extrémité de l’Afrique.

M. Pallas, qui a parcouru les pays immenses d’où sortirent, à diverses époques, des nations entières, pour se répandre sur l’Europe et sur l’Asie, a vu partout des tumulus pareils à ceux qu’on rencontre dans la Grèce. Sur les bords des grands fleuves qui traversent ou séparent les provinces tartares, ce savant voyageur trouve des monticules toujours coniques et plus ou moins élevés, souvent réunis en grand nombre sur un même terrain, et dans quelques endroits, recevant encore les hommages de ces peuples, restés fidèles aux opinions et aux usages de leurs ancêtres.

Vers le Midi, les plaines voisines du Pont-Euxin et de la mer Caspienne, ainsi que toute la Chersonèse taurique, offrent un grand nombre de tumulus. On en trouve sur les bords du Dniester, et sur ceux du Danube près de Constantinople. Il est fort probable que les voyageurs, dont l’attention sera éveillée par tous ces faits, découvriront de ces sortes de sépultures sur les côtes de la Thrace, dans le Péloponèse, et surtout dans l’Asie-Mineure, où elles doivent être encore plus multipliées.

Déjà, depuis plusieurs années, quelques personnes instruites ont profité de leur séjour à Smyrne, et dans les environs de Sardes, pour rechercher les monumens de cette espèce, désignés par Hérodote et Pausanias, et que leur volume avoit dû défendre coutre la destruction. Plusieurs, en effet, se retrouvent encore aux lieux où ces auteurs les placent. Il paroît assez vraisemblable que c’est le monument de Tantale qu’on voit aux environs de Smyrne, vers le mont Sipylus.

Ce grand tumulus étoit, comme on le dira plus bas, assis sur un soubassement formé de grosses pierres. Il a, dit M. Cousinery, de qui on tient ces détails, deux cents pas de diamètre, et il est couvert de très-vieux oliviers et d’arbres fruitiers. Le propriétaire du terrain le fit ouvrir pour enlever les pierres du soubassement, et s’en servit à construire une métairie ; mais quoi-qu’elle fût assez considérable, on n’employa pas la trentième partie des pierres qui forment cette base immense, coupée par plusieurs galeries, et contenant un grand nombre de chambres. Au centre, on trouva les débris d’un bûcher placé sur le sol naturel.

On a découvert on autre tumulus à trois lieues de Smyrne, sur le chemin de Colophon ; mais c’est surtout dans les environs de Sardes qu’on rencontre un nombre prodigieux de ces monumens. On en remarque sur toutes les avenues qui y conduisent. A une lieue et demie au nord-est de la ville, au-delà de l’Hermus, s’élève une montagne dont la surface est couverte de ces monticules factices, et qu’on appelle les mille tombeaux. Cet emplacement, selon Chandler, étoit consacré aux sépultures des rois de Lydie, et des habitans les plus distingués. L’on reconnoît encore facilement le tombeau d’Alyates, père de Crésus ; il est beaucoup plus grand que tous les autres, et offre les mêmes dimensions qui lui sont données par Hérodote. Nous parlerons plus bas de ce célèbre tumulus, désigné par les mots grecs qui signifient monceau de terre.

Il y a très-peu de villes de l’Asie-Mineure qui ne conservent ainsi quelques sépultures de leurs fondateurs et de leurs anciens souverains. Il étoit de la nature de ces monumens, sans art et la plupart sans luxe, de résister à tous les agens destructeurs, beaucoup plus que n’ont pu le faire les plus somptneux ouvrages de l’architecture, dont la richesse a provoqué leur ruine, et


qui ont presque tous disparu des lieux qu’ils occupèrent avec tant d’éclat.

Les plus anciennes de ces sépultures sont aussi les plus simples. Ce sont des cônes de terre élevés avec assez d’art, sur la place même qu’avoit occupée le bûcher où le mort fut consumé, et qui contiennent ses restes. Tels sont les tumulus qu’on retrouve sur le rivage de l’Hellespont, et auxquels, comme on le dira, sont attachés des noms célèbres. Tels sont encore la plupart de ceux qui ont été déjà reconnus dans la Thrace et dans le Péloponèse. Mais il paroît que les grands et les riches, tout en conservant dans leurs sépultures la coutume ancienne et la forme primitive, y avoient ajouté des constructions dispendieuses. Elles consistèrent dans de grands soubassemens solidement construits en pierre, et aussi dans une voûte pratiquée sous l’amas de terre, avec des conduits souterrains. On citera aussi quelques exemples de plantations qui ornèrent les pentes de la montagne.

Aux environs de Pergame, on voit des tombeaux ainsi creusés et voûtés dans leur masse inférieure. Il y en a un entouré d’un profond et large fossé, destiné sans doute à en interdire l’approche. Sa masse se divise en deux sommets bien distincts : particularité dont on ne connoît pas d’autre exemple, mais qui paroît devoir indiquer que le double tumulus appartient à deux morts, et que leurs cendres furent placées dans deux caveaux séparés.

Un autre, tout voisin de ce dernier, n’a qu’un sommet. La masse de terre pyramidale qui en fait le corps, s’élève sur un mur circulaire d’environ quinze pieds de haut, et qui paroît avoir été revêtu de marbre. Ce soubassement a une porte donnant entrée dans une galerie qu’unes autre galerie coupe à angle droit. Au centre étoit une voûte dont la clef s’est affaissée. A chaque extrémité des galeries sont de petites salles carrées, où probablement avoient été placés les restes des personnages pour lesquels le monument fut élevé. Pausanias nous apprend, l. 8, ch. 4, qu’on montroit encore de son temps à Pergame, sur le Caicus, la sépulture d’Augé. C’est, dit-il, un tombeau de terre avec une base circulaire en pierre. Il y a sur ce monument une figure de femme nue faite en bronze.

Depuis long-temps, plus d’un voyageur avoit reconnu, au pied du cap Sigée, deux monticules ou masses coniques, évidemment formées de terres amoncelées, et en tout semblables à ceux dont on vient de parler. Le plus rapproché du cap est le plus considérable et le plus élevé. On le prit d’abord pour le tombeau d’Achille, et on lui en donna le nom ; mais M. de Choiseul l’ayant fait ouvrir, et ayant percé jusqu’à son centre, il fallut se désabuser, par l’inspection des objets qu’on y trouva renfermés, et dont aucun ne pouvoit se supposer avoir dû accompagner les funérailles et les restes d’un guerrier tel qu’Achille. On a conjecturé que ç’aurait pu être le tombeau de Festus, le favori de Caracalla, qu’Hérodien nous apprend avoir été inhumé en cet endroit.

Un peu plus loin, à 220 toises de distance, est un autre tumulus, ou monticule de la même forme, mais moins haut, et dont le sommet semble s’être abaissé par l’action des pluies, et le laps du temps. On regarde comme probable que c’est là le monument, le σημα, élevé sur l’emplacement du bûcher de Patrocle, et qui ne devoit pas être loin de la sépulture d’Achille, dont on a cru retrouver quelqu’indice, ainsi que du temple qui l’accompagnoit.

Du reste, il ne manque, pour vérifier beaucoup de notions antiques de ce genre, que le temps et les moyens qu’ont rarement les voyageurs, de faire des fouilles sur tout ce terrain, rempli de buttes qui auront pu être des sépultures. « Le temple et le tombeau d’Achille (dit strabon) sont près du promontoire Sigée ; on y voit aussi les monumens de Patrocle et d’Anti-loque. Les habitans d’Ilium honorent d’un culte religieux tous ces héros, ainsi qu’Ajax. »

Beaucoup d’indications et de renseignemens, puisés dans le texte même d’Homère, ont porté M. de Choiseul-Gouffier à reconnoître, malgré sa haute antiquité, le grand Séma, comme l’appelle le poëte, ou le tumulus, sépulture d’Ilus, fils de Dardanus. C’est une chose remarquable qu’encore aujourd’hui les habitans, ou Grecs modernes, lui donnent le même nom. Beaucoup d’autres monumens, du même genre, et de différentes grandeurs, n’attendent que de nouvelles recherches pour multiplier les découvertes qui resteront encore long-temps à faire en ce genre.

Ce qui sans doute s’est opposé, et s’opposera long-temps dans tous les pays de l’antiquité, à ces découvertes, c’est l’entière similitude de ces monumens funéraires avec les buttes naturelles, les collines, et les nombreuses élévations qu’on rencontre presque partout. Autrefois, il n’en étoit pas ainsi. Nous avons déjà vu que des constructions plus ou moins considérables étoient établies au pied des tumulus, et en faisoient le soubassement. Or, cet usage nous est également révélé par Pausanias, à l’égard des tumulus, dans la Grèce proprement dite, qui, sur ce point, usa du même genre de sépultures. Nous n’en citerons pour exemple que le tombeau de Phocas, décrit par l’écrivain que l’on vient de nommer, liv II, chap. 29. C’est, dit-il, un amas de terre, χωμα, et il est environné d’un soubassement circulaire appelé crepis en grec. On ne pouvoit donc point se méprendre à ces buttes artificielles, lorsqu’on les trouvoit ainsi remparées.

Mais il est tout aussi indubitable que le sommet de ces monticules factices, étoit surmonté


d’un monument quelconque, soit sculpture, soit architecture, portant, ou des inscriptions, ou des symboles allégoriques, ou les signes mêmes de la profession du mort, comme trophées, statues, armures, bas-reliefs, etc. Ainsi, sur le tumulus de Misène Enée suspend et attache des rames indicatives de la profession de son pilote.

Il paroît que l’objet le plus ordinaire, auroit été une colonne à laquelle on auroit facilement groupé les objets dont nous parlons. Homère nous dit que Pâris, lorsqu’il décocha la flèche dont il perça le pied de Diomède, étoit monté au haut du monument d’Ilus, et s’appuyoit contre la colonne placée à son sommet.

Pline, liv. VIII, chap. 64, nous apprend qu’à Agrigente, on voyoit plus d’un tumulus élevé à des chevaux, qui probablement reçurent cet honneur, pour les victoires qu’ils avoient sait remporter à leurs maîtres, dans les jeux da Stade. Agrigenti complurium equorum tumuli pyramides habent. Or, ces tumuli, buttes ou amas de terre, ne pouvoient avoir de ces pyramides qu’à leur sommet. Mais que faut-il entendre ici par le mot pyramides ? On est habitué à se figurer, dans l’usage du langage, la pyramide sous la forme des grandes masses de construction, qui se sont conservées en Egypte. On sent, toutefois, combien peu cette idée est admissible ici. Cependant, comme la forme pyramidale, et le mot qui la désigne, s’appliquent à d’autres corps qui se terminent en pointe, tels que les obélisques, les stèles, nous croirons que, sur ces tumulus élevés à des chevaux, on avoit simplement placé certaines meta ou bornes, telles qu’on les voit dans les cirques, et qui aussi, se terminant en pointe, affectent la forme pyramidale.

Il est moins question ici de déterminer les variétés d’objets, qu’on imposoit sur les sommités des tumulus, et les diversités du sens des mots qui les expriment, que de constater l’usage de terminer ces monticules par quelqu’objet apparent, soit stèle, colonne, cippe ; soit statue, obélisque, pyramide, pierre debout, etc. Aux témoignages déjà cités, nous allons ajouter les notions de deux des plus grandstumulus, qui, probablement, aient été élevés dans l’antiquité, savoir, le tombeau d’Alyates, père de Crésus, en Lydie, et le Mausolée d’Auguste, à Rome.

« On voit en Lydie (voyez Hérodote, liv. I, chap. 93) un ouvrage bien supérieur à ceux qu’on admire ailleurs ; j’en excepte les monumens des Egyptiens et des Babyloniens. C’est le tombeau d’Alyates, père de Crésus. . . . . Son soubassement est de grandes pierres, le reste du monument consiste en levée de terre. . . . . De mon temps subsistoient encore, au sommet, cinq ouroi, où on lisoit des inscriptions portant que, etc. . . . . Le soubassement du monument a six stades deux plèthres de circuit, sa largeur est de treize plèthres. » C’est-à-dire, selon le traducteur, M. Larcher, cinq cent quatre-vingt-dix-huit toises deux pieds dix pouces de tour. Ainsi, dit-il, les deux petits côtés devoient être chacun de quatre-vingt-quatorze toises trois pieds huit pouces.

Le plan de ce soubassement, d’après ces mesures, est facile à connoître : c’étoit un carré ayant deux côtés, doubles en longueur des deux autres, et c’étoit sur ce quadrangle parallélogramme, bâti en grandes pierres, qui servoit de soubassement (crépis) au véritable monument, que s’élevoit ce dernie. Rien de plus simple à imaginer.

On ne sauroit nier qu’un tel soubassement, construit en pierres, n’ait été un ouvrage d’une assez notable dépense. Mais enfin, ici, comme dans toutes les autres constructions, le soubassement n’a jamais pu être regardé comme une merveille, et l’on ne sauroit s’expliquer ce qui auroit pu motiver l’admiration d’Hérodote, si tout le reste n’avoit consisté qu’en une simple levée de terre. Hérodote, cependant, ne parle que d’une montagne ou d’un monceau de terre, χωμα γηε. J’ai dit montagne ou monceau ; ce put être, en effet, une élévation naturelle, comme cela cut certainement lieu dans beaucoup de tumulus. Ce put être aussi une butte artificielle, et, si l’on veut, tout à la fois l’un et l’autre, c’est-à-dire, une hauteur naturelle, surchargée de terre et ainsi exhaussée par l’art. Mais quelque hypothèse qu’on adopte, reste encore à chercher ce qu’il y avoit là, qui eût mérité d’être vanté comme un immense ouvrage, εργον πολλον μειιστον, à moins de supposer, ce que le commencement de la description rend inadmissible, que l’écrivain n’auroit entendu parler que de la grandeur linéaire, chose assurément bien peu remarquable dans une butte de terre.

Disons donc que le monument d’Alyates dut être quelque chose de plus, que ce qu’indiquent au sens simple, les mots χωμα γης. Aussi, M. de Caylus a-il avancé que par le mot γης, terre, il falloit entendre non pas simplement de la terre, mais de la terre cuite, autrement dit, une construction en briques. Nous ne croyons pas qu’on puisse se permettre une telle interprétation ; d’abord, parce que l’usage de ces tombeaux, formés d’une simple terre, fut, comme on l’a vu, extrêmement commun. Tel étoit en Grèce le tombeau de Phocus, ταφος χωμα εστι, entouré d’un soubassement, περιεχομενος χνχλω χρηπιδι. Disons ensuite que lorsqu’il s’agit d’édifices bâtis en briques ou en terre cuite, nous voyons que les écrivains grecs ne manquent point de dire οπιης γης.

Il y a, selon nous, une manière de concilier l’idée trop simple qui résulte des mots d’Hérodote, χωμα γης, agger terrœ, avec l’opinion que sa notion, très-abrégée sans doute, force


toutefois de concevoir, c’est-à-dire celle d’une vaste entreprise, qui ne le cédoit qu’aux immenses travaux de l’Egypte et de Babylone.

Nous trouvons ce moyen de conciliation dans un vaste tumulus, qui fut, à Rome, le mausolée d’Auguste. Nous l’appelons tumulus, et, d’après l’idée élémentaire des monumens de ce nom, ou va voir que cette dénomination lui convient parfaitement. D’abord, Strabon, dans courte notice qu’il en a donnée, l’appelle χωμα, agger. Ensuite, des plantations d’arbres toujours verts (probablement des cyprès) s’élevoient, dit-il, jusqu’à son sommet ; ce qui prouve que sa masse étoit formée de terre.

Nous ne croirons pas, en effet, que la magnificence du mausolée d’Auguste, se seroit bornée à être un monticule de terre rapportée sur le bord du Tibre, et dont les pentes auroient en des arbres plantés, ce qui eût ôté au tumulus jusqu’à la forme de monument, et se seroit trouvé bien peu en accord avec la statue colossale, en bronze, de l’empereur au sommet.

Ce qui reste encore aujourd’hui de ce vaste tombeau, et qui se réduit à la partie circulaire de sa périphérie inférieure, nous montre, qu’outre le soubassement de marbre dont parle Strabon, il y avoit d’autres parties de construction. Aussi, d’après l’indication de ces vestiges, et la notion de Strabon, on n’a point hésité à restituer, il y a déjà long-temps, la masse de ce monument d’une manière qui répondît à son importance ; ce qu’on a fait en établissant, dans toute cette élévation, des terre-pleins et des murs de terrasses en amphithéâtre ou en retraite les uns sur les autres. Et c’est alors que l’on conçoit comment des cyprès, plantés par étages sur ces terrasses, ont pu faire un effet théâtral, et conduire l’œil du spectateur, avec beaucoup d’agrément, vers la partie du sommet que couronnoit la statue d’Auguste.

Ainsi, l’idée de terrasses ou de terre-pleins par étages et plantés d’arbres, loin de contredire celle du tumulus primitif, s’y applique tout naturellement. Sans doute, un tel monument pouvoit être appeléχωμα, agger. Cependant, qui ne voit que l’addition des constructions de l’art, faites à cette butte de terre, dut, selon la hauteur et le nombre des périphéries, faire de cette masse un ensemble des plus dispendieux ?

Ne seroit-il pas permis maintenant de supposer, à l’égard du tumulus d’Alyates, et pour justifier la grande admiration d’Hérodote, que ce monument, qui, selon l’écrivain grec, ne le cédoit qu’aux entreprises de l’Egypte et de Babylone, au lieu de n’être qu’une simple butte de terre naturelle ou rapportée, auroit pu aussi, sans cesser d’être et de pouvoir être appelée agger terrœ, présenter un composé de terrasses circulant par étages, soit horizontaux, soit en spirale, solidement construits, et s’élevant à une hauteur, que les mesures données de son soubassement, permettroient de porter à quatre ou cinq cents pieds ?

Nous avons été conduits à parler de ces deux immenses tumulus, particulièrement à l’occasion des objets que l’usage imposoit à leur sommet pour en faire le couronnement. Ainsi, comme nous le montre le tumulus d’Auguste, on pouvoit placer des statues à leur cime. Celui d’Alyates nous présente, comme faisant le couronnement de sa masse, cinq corps que le mot grec οροι ou ουροι semble nous désigner comme des corps pyramidaux, de la nature des bornes ou des termes, selon la signification propre du mot. Aussi M. Larcher a-t-il dit, dans sa traduction, cinq termes sont placés au haut du monument. Cependant, le mot terme a, dans notre manière d’entendre ce mot, plus d’une signification qui ne conviendroit guère à la position dont il s’agit. Je préférerois le mot borne, pris dans le sens des meta, qui terminoient et ornoient la spina des cirques. Ces meta, dont le temps a conservé quelques modèles, se rapprochoient davantage, par leur procérité, de la forme des stèles ou des obélisques, témoin celle qui orne les jardins de la ville Albani à Rome, et qui est circulaire, comme toutes celles qu’on voit groupées au nombre de trois ou de cinq, et élevées sur une base commune, dans les représentations des cirques antiques que les monumens nous ont conservées.

C’est d’après cette analogie, et cette ressemblance, soit de position, soit de nombre, et précisément parce que ces oroi du tumulus d’Alyates durent avoir une grande hauteur, que la forme obéliscale m’a paru la plus propre à former les cinq corps, qui lui servirent d’amortissement.

TURCIE, s. f. (terme d’architecture hydraulique). Sur Donne CE nom, Dans la langue des Ponts-et-Chaussées, à juin Espèce de digue sur de levée Qu’on pratique en forme de quai, versez empécher les Inondations D’une rivière Telles are Celles Qu’on un construites, sur les bords de la Loire.

TUSCULUM, ville d’Italie, dans le Latium, au nord de la ville d’Albe, sur une colline, selon Strabon ; ce qui a fait qu’Horace lui a donné le surnom de supernum :

. . . . . . . superni villa candens Tusculi.

On croit ordinairement que Frascati occupe l’emplacement de l’ancien Tusculum. On a voulu reconnoître aussi dans Grotta Ferrata le lieu où auroit été situé le Tusculanum, ou la maison de campagne de Cicéron à Tusculum. Quelques antiquités découvertes à Grotta Ferrata, parmi les-


quelles s’étoient trouvés un trapèze et un hermaphrodite, avec quelques bustes, où, disoit-on, se lisoit le nom de la famille Tullia, accréditèrent d’abord cette opinion. La table sembla devoir être le trapézophore dont parle Cicéron. On confondit l’idée d’hermaphrodite avec celle des Herm-Athènes qu’Atticus lui avoit envoyés de Grèce pour l’ornement de sa bibliothèque. Tout cela fut bientôt convaincu de faux.

La vérité est que l’ancien Tusculum étoit situé sur une hauteur qui domine l’emplacement actuel de Frascati, ce qui, à la vérité, n’empêcheroit pas que quelques-unes des anciennes maisons de campagne des Romains, n’aient occupé quelques-uns des emplacemens de Frascati. Au reste, ce dernier site, où se trouvent réunies aujourd’hui les plus belles maisons des Romains modernes, n’a presque, dans aucune ruine, un seul reste d’antiquité digne d’être cité.

On croit que quelques débris, qui existent au Quarto di Borghetto, ont pu appartenir au Tusculanum de Scaurus, beau-fils de Sylla.

On assigne, comme caractères du Tusculanum de Gabinius, premièrement d’avoir été voisin de celui de Cicéron ; secondement d’avoir été bâti au haut d’une montagne élevée sur une autre, ce qui convient justement à un certain emplacement entre la Rufinella et le Tusculo, emplacement qui a de nombreux terre-pleins. C’est bien là que dut être placée une grande construction.

Il est permis de mettre au nombre des situations qui se laissent encore reconnoître, comme ayant pu être celles d’une grande maison de campagne, celle de la villa de Mécène aux Grottoni d’Amadei, d’après l’application naturelle qu’on peut leur faire, de la grandeur et du point de vue que la phrase d’Horace fait supposer.

Les ruines imposantes qui sont à la droite de Frascati, sous Mont Dragone, et à sa gauche près la villa Conti, reçoivent, sans aucune autorité, les noms de maisons de campagne de Pollion & de Varron.

Tout ce qu’on peut dire, c’est que Frascati doit avoir succédé à l’emplacement occupé par un grand nombre de riches maisons de campagne dépendantes de Tusculum, et que des fouilles habilement dirigées sur plus d’un endroit de la ville moderne, feroient très-probablement découvrir de nouvelles richesses d’antiquité, ou de précieux renseignemens, aux antiquaires qui cherchent à retrouver des traces de la magnificence de l’antique Rome.

TUYAU, s. m. Nom général qu’on donne, dans une infinité de travaux, d’ouvrages et d’emplois divers, à toute espèce de conduit, le plus souvent en forme de tube, qui sert, soit à l’écoulement, soit à l’évaporation, soit à la transmission des liquides, et, dans beaucoup d’instrumens, à la conduite et à la propagation des sons. En un mot, il y a tant d’emplois de l’objet appelé tuyau, qu’on ne sauroit se flatter de les énumérer tous. Au reste, nous en restreindrons les notions, et en les abrégeant beaucoup, à ce qui regarde l’architecture, et particulièrement la construction.

Dans cet ordre de choses, ce qu’on appelle tuyau est un conduit qu’on fait le plus souvent rond, mais souvent aussi quadrangulaire, quand il est engagé dans la construction, et qui sert à la descente des eaux s’il est placé en hauteur, et s’il est horizontal à leur transmission, par tous les moyens qui dépendent de l’hydraulique. Il se fait aussi des tuyaux pour l’évaporation de l’air et de la fumée, pour la circulation de la chaleur, et, si l’on veut, de l’air froid, etc., etc

Les tuyaux se font en beaucoup de matières, selon la diversité de leurs emplois. On en voit dans les thermes antiques, pour l’écoulement des eaux pluviales, qui furent bâtis avec le monument, et formés, tantôt de grandes briques quadrangulaires, maçonnées avec les murs, tantôt composés de tuyaux de terre arrondis.

On appelle aujourd’hui ces conduits tuyaux de descente, et on les fait, soit en plomb, soit en ferblanc, soit en fonte, pour servir dans toutes les maisons de Paris à la décharge des eaux du toit. On a ainsi depuis peu d’années remplacé par de semblables tuyaux les gouttières, qui, saillant hors des toits et de leurs égouts, versoient en temps de pluie des torrens d’eau, et occasionnoient beaucoup d’inconvéniens.

On pratique aussi quelquefois les tuyaux de descente en terre cuite, mais ils sont sujets à être cassés s’ils sont à découvert, et à se fendre dans l’hiver par la congélation des eaux.

On fait des tuyaux en bois d’aune ou de chêne, que l’on perce avec des tarières de différentes grosseurs ; on les emboîte les uns avec les autres, et l’on en use particulièrement à Paris pour les conduites d’eau souterraines.

Les tuyaux de cuivre servent surtout pour les corps de pompe, à élever les eaux. On les courbe aux endroits où il y a des robinets ou des regards.

Chaque genre de tuyaux consistant, selon ses emplois, en une réunion plus ou moins nombreuse de morceaux plus ou moins longs, l’art d’opérer cette réunion dépend de la nature différente de chacune des matières employées à leur confection.

Les tuyaux de fer ont à chaque extrémité trois ou quatre oreilles percées, par lesquelles on les joint, en moyen d’autant de vis, avec leurs écrous, en mettant entre les deux tuyaux qu’on veut réunir un morceau de cuir ou de feutre.

Les tuyaux de terre s’emboîtent par leurs extrémités les uns aux autres ; le bout le plus étroit de l’un entrant dans celui de l’autre qui est tenu


plus large. On garnit la jonction de mastic et de poix, avec de la filasse et de l’étoupe.

Les tuyaux de bois s’emboîtent également les uns aux autres, moyennant la précaution d’amenuiser en pointe, le bout de celui qui doit entrer dans l’orifice de l’autre.

Les tuyaux de plomb se réunissent à volonté les uns aux autres, au moyen de la soudure.

Les tuyaux de cuivre peuvent s’assembler par soudure comme ceux de plomb, ou de la manière décrite pour les tuyaux de fer.

C’est pour la conduite de la fumée que l’on fait peut-être le plus d’emplois des tuyaux, surtout à l’égard des poëles, auxquels on ajuste à volonté des tuyaux qui s’emboîtent diversement, selon qu’ils sont de terre recouverte en faïence, de cuivre, ou de tôle.

Les tuyaux de cheminée sont, dans la construction des maisons d’habitation et de location, un objet de haute importance. Nous renvoyons, sur cet objet, le lecteur à l’article CHEMINÉE.

On appelle tuyau de cheminée apparent celui qui saille hors du mur ; tuyau de cheminée dans œuvre, celui qui est pratiqué dans l’épaisseur d’un mur ; tuyau de cheminée adossé, celui qui est doublé au-devant d’un autre tuyau ; tuyau de cheminée dévoyé, celui qui ne monte pas aplomb, et que l’on fait passer à côté d’un autre.

TYMPAN. Voyez TIMPAN.

TYPE, s. m. Vient du mot grec τυπος, mot qui exprime, par une acception fort générale, et dès-lors applicable à beaucoup de nuances ou de variétés de la même idée, ce qu’on entend par modèle, matrice, empreinte, moule, figure en relief ou en bas-relief.

Il n’est pas douteux que les ecrivains grecs n’aient exprimé souvent par les mots επι τυπων, ce que nous entendons par bas-reliefs plus ou moins saillans.

C’est dans ses composés que le mot τυπος exprime certaines diversités des travaux de la sculpture. Ainsi, le mot entupos doit avoir exprimé l’idée d’un travail en creux, appliqué, à des figures, soit comme dans les ouvrages moulés ou coulés, soit poussées en terre dans un creux, soit formées par un moule, en bronze ou en plâtre. Il a pu se réduire aussi à exprimer les figures gravées en creux sur pierres fines pour cachets, etc. Le mot ectypos semble désigner l’ouvrage comme produit par un moule en creux d’où l’on extrait l’exemplaire qui s’y est imprimé. Le mot prostypos signifie d’une manière sensible l’ouvrage qui se détache en relief sur un fond plan, et ce qu’on appelle relevé en bosse. Mais beaucoup de diversités ayant dû s’introduire dans l’emploi de ces mots, par le fait de l’ignorance où le plus grand nombre des hommes dut être jadis, comme il l’est aujourd’hui, des caractères particuliers à chaque sorte d’ouvrages, nous ne dirions pas que nonobstant la composition des mots, plus d’un écrivain n’ait pu employer l’un pour l’autre, surtout dans des descriptions souvent faites d’aprês d’autres descriptions.

Du reste, on peut affirmer que partout où Pausanias a employél le mot tupos, dans les ouvrages de la sculpture, soit qu’il en indique la matière, comme lorsqu’il dit que l’ouvrage est en marbre blanc, soit lorsqu’il l’emploie à des ouvrages de sculpture sur métaux, toujours il exprime par cette dénomination des ouvrages que nous appelons bas-reliefs.

L’emploi du mot type en français est moins souvent technique et plus souvent métaphorique. Ce n’est pas qu’on ne l’applique à quelques arts mécaniques, témoin le mot typographie. On en use aussi comme d’un mot synonyme de modèle, quoiqu’il y ait entr’eux une différence assez facile à comprendre. Le mot type présente moins l’image d’une chose à copier ou à imiter complètement, que l’idée d’un élément qui doit lui-même servir de règle au modèle. Ainsi on ne dira point (ou du moins auroit-on tort de le dire) qu’une statue, qu’une composition d’un tableau terminé et rendu, a servi de type à la copie qu’on en a faite. Mais qu’un fragment, qu’une esquisse, que la pensée d’un maître, qu’une description plus ou moins vague, aient donné naissance, dans l’imagination d’un artiste, à un ouvrage, on dira que le type lui en a été fourni dans telle on telle idée, par tel ou tel motif, telle ou telle intention. Le modèle, entendu dans l’exécution pratique de l’art, est un objet qu’on doit répéter tel qu’il est. Letype est, au contraire, un objet d’après lequel chacun peut concevoir des ouvrages qui ne se ressembleroient pas entr’eux. Tout est précis et donné dans le modèle, tout est plus ou moins vague dans letype. Aussi voyons-nous que l’imitation des types n’a rien que le sentiment et l’esprit ne puisse reconnoître, et rien qui ne puisse être contesté par la prévention et l’ignorance.

C’est ce qui est arrivé, par exemple, à l’architecture.

En tout pays l’art de bâtir régulier, est né d’un germe préexistant. Il faut un antécédant à tout. Rien, en aucun genre, ne vient de rien, et cela ne peut pas ne point s’appliquer à toutes les inventions des hommes. Aussi voyons-nous que toutes, en dépit des changemens postérieurs, ont conservé toujours visible, toujours sensible au sentiment et à la raison, ce principe élémentaire, qui est comme une sorte de noyau autour duquel se sont agrégés, et auquel se sont coordonnés, par la suite, les développemens et les variations de formes dont l’objet étoit susceptible. Ainsi, nous sont parvenues mille choses, en tout genre, et une des principales occupa-


tions de la science et de la philosophie, pour en saisir les raisons, est d’en rechercher l’origine et la cause primitive. Voilà ce qu’il faut appeler type en architecture, comme dans toute autre partie des inventions et des institutions humaines.

Il y a pour remonter au principe originaire, et au type de la formation de l’architecture, en divers pays, plus d’une route qui y conduit. Les principales seront dans la nature de chaque région, dans les notions historiques, et dans les monumens mêmes de l’art développé. Ainsi lorsqu’on remonte à l’origine des sociétés qui ont un commencement de civilisation, on voit l’art de bâtir naître de causes, et avec des moyens assez uniformes partout. La pierre taillée ne dut point constituer les premières bâtisses, et nous voyons partout, sauf en Egypte et dans l’Inde, le bois se prêter avec bien plus de propriétés, aux besoins peu dispendieux d’hommes, ou de familles réunies sous le même toit. La moindre connoissance des relations des voyageurs dans les contrées peuplées de sauvages, rend ce fait incontestable. Ainsi tel genre de combinaison dont l’emploi du bois est susceptible, une fois adopté dans chaque pays, y devint selon le besoin des constructions, un type qui, perpétué par l’usage, perfectionné par le goût, accrédité par un emploi immémorial, dut passer dans les entreprises en pierre. C’est là cet antécédent que nous avons, en plusieurs articles de ce Dictionnaire, donné comme letype de plus d’un genre d’architecture, comme le principe sur lequel se modela, par la suite, un art perfectionné dans ses règles et dans ses pratiques.

Cependant cette théorie qui s’appuie sur la nature des choses, sur les notions historiques, sur les opinions les plus anciennes, sur les faits les plus constans, et sur les témoignages évidens de chaque architecture, a souvent contre soi deux genres d’adversaires.

Il y a ceux qui, parce que l’architecture ne sauroit être, ni donner l’image d’aucune des créations de la nature physique ou matérielle, ne conçoivent d’autre genre d’imitation, que celle qui se rapporte aux objets sensibles, et prétendent que, dans cet art, tout est, et doit être soumis au caprice et au hasard. N’imaginant point d’autre imitation, que celle qui peut montrer aux yeux son modèle, ils méconnoissent tous les degrés d’imitation morale, par analogie, par rapports intellectuels, par application de principes, par appropriation de manières, de combinaisons, de raisons, de systèmes, etc. Dès-lors ils nient, dans l’architecture, tout ce qui repose sur une imitation métaphorique, et ils le nient, parce que cette imitation n’est pas matériellement nécessaire. Ils confondent l’idée de type (raison originaire de la chose) qui ne sauroit ni commander, ni fournir le motif ou le moyen d’une similitude exacte, avec l’idée de modele (chose complète) qui astreint à une ressemblance formelle. De ce que le type n’est pas susceptible de cette précision que les mesures démontrent, ils le rejettent comme une spéculation chimérique. Abandonnant ainsi l’architecture, sans régulateur, au vague de toutes les fantaisies que ses formes et ses lignes peuvent subir, ils la réduisent à un jeu, dont chacun est le maître de régler les conditions. De là l’anarchie la plus complète dans l’ensemble et les détails de toutes les compositions.

Il est d’autres adversaires, dont la vue courte et l’esprit borné, ne peuvent comprendre dans la région de l’imitation, que ce qui est positif Ils admettent si l’on veut l’idée de type, mais ne la comprennent que sous la forme et avec la condition obligatoire de modèle impératif. Ils reconnoissent qu’un système de construction en bois, par une tradition constante d’assimilations modifiées et améliorées, aura dû être transposé enfin dans la construction en pierre. Mais de ce que celle-ci en aura conservé seulement les motifs principaux, c’est-à-dire ce qui, en faisant remonter l’esprit à l’origine des choses, pour lui donner le plaisir d’un semblant d’imitation, aura épargné à l’art tous les travers du hasard et de la fantaisie, ils conclueront de là qu’il n’est permis de s’écarter d’aucun des détails du modèle, auquel ils veulent donner après coup une réalité inflexible. Selon eux, les colonnes auroient dû continuer de paroître des arbres, les chapiteaux des branches d’arbre. Il eût fallu supprimer le tympan du fronton. Toutes les parties de la toiture auroient dû être servilement copiées dans les combles. Nulle convention n’auroit dû être admise entre la construction en bois, et sa traduction en pierre.

Ainsi les uns et les autres en confondant l’idée du type, modèle imaginatif, avec l’idée matérielle de modèle positif, qui lui ôteroit toute sa valeur, s’accorderoient, par deux routes opposées, à dénaturer toute l’architecture ; les uns en ne lui laissant plus que le vide absolu de tout système imitatif et l’affranchissant de toute règle, de toute contrainte ; les autres en enchaînant l’art, et le comprimant dans les liens d’une servilité imitative, qui y détruiroit le sentiment et l’esprit d’imitation.

Nous nous sommes livrés à cette discussion, pour faire bien comprendre la valeur du mot type pris métaphoriquement, dans une multitude d’ouvrages, et l’erreur de ceux qui, ou le mécon-


noissent parce qu’il n’est pas modèle, ou le travestissent en lui imposant la rigueur d’un modèle qui emporteroit la condition de copie identique.

On applique encore le mot type dans l’architecture à certaines formes générales et caractéristiques de l’édifice qui les reçoit. Cette application rentre parfaitement dans les intentions et l’esprit de la théorie qui précède. Du reste on peut encore, si l’on veut, s’autoriser de beaucoup d’usages propres à certains arts mécaniques, qui peuvent servir d’exemples. Personne n’ignore qu’une multitude de meubles, d’ustensiles, de sièges, de vêtemens, ont leur type nécessaire dans les emplois qu’on en fait, et les usages naturels auxquels on les destine. Chacune de ces choses a véritablement, non son modèle, mais son type, dans les besoins et la nature. Malgré ce que l’esprit bizarrement industriel cherche à innover dans ces objets, en contrariant jusqu’au plus simple instinct, qui est-ce qui ne préfère pas dans un vase, la forme circulaire à la polygone ? Qui est-ce qui ne croit pas que la forme du dos de l’homme, doive être le type du dossier d’un siège ? Que la forme arrondie ne soit le seul typeraisonnable de la coiffure d’une tête ?

Il en a été de même d’un grand nombre d’édifices dans l’architecture. On ne sauroit nier que plusieurs n’ayant dû leur forme constamment caractéristique, au type primitif qui leur donna naissance. Nous l’avons surabondamment prouvé des tombeaux et des sépultures, aux mots Pyramide et Tumulus (voyez ces mots). Nous renverrons aussi le lecteur à l’article Caractère, où nous avons fait voir avec beaucoup d’étendue, que chacun des principaux édifices doit trouver dans sa destination fondamentale, dans les usages auxquels il est affecté, un type qui lui est propre ; que c’est à s’y conformer le plus possible que l’architecte doit tendre, s’il veut donner à chacun une physionomie particulière, et que c’est de la confusion de ces types, que naît le désordre trop commun, qui consiste à employer indistinctement les mêmes ordonnances, les mêmes dispositions, les mêmes formes extérieures, dans des monumens appliqués aux usages les plus contraires. (Voyez Caractère.)

TYRSE. Voyez Thyrse.

UNI

UNI. e, adjectif, participe du verbe.

UNIR, v. act. Ce mot, verbe ou adjectif, dans le langage des travaux de l’art, comme dans l’emploi qu’en sait te langage ordinaire, a deux significations, et exprime deux sortes d’effets, qui, lorsqu’on interroge jusqu’au fond, l’idée qui leur est propre, suriout par rapport aux opérations dépendantes des procédés des arts, nous semblent montrer avec plus d’évidence qu’ailleurs, que chacune de ces significations dérive d’une source commune.

Unir signifie donc d’abord, et principalement dans un grand nombre d’opérations des arts, joindre ensemble des objets divisés, donner un point de contact à des objets qui étoient dans un état d’isolement. Comme presque tous les ouvrages de la main de l’homme sont des assemblages de parties, on ne sauroit dire, sans sortir du domaine des travaux matériels et mécaniques, à combien d’ouvrages l’action d’unir donne l’existence.

Unir signifie dans une autre acception aplanir, rendre lisse, et l’on ne dira pas non plus à combien de travaux de la main on applique cette signification. On unit les bois, les pierres, les marbres, les métaux et beaucoup d’autres matières, par des procédés tendant à leur enlever les aspérités qui déroboient à l’œil l’effet du poli, dont elles sont susceptibles. On dit aussi d’un chemin, d’un terrain, qu’ils sont ou ne sont pas unis, lorsque des élévations, des scabrosités quelconques en interrompent l’unisson de superficie. Des qu’on fait disparoître ces monticules qui décomposoient le terrain, il est certain qu’on remet ensemble des parties qui étoient divisées. Le mot unir, dans la première signification, a donc pu convenir a l’opération qui empêche des parties de terrain de paroître divisées.

Comme l’application du mot unir, dans le sens de polir, n’a guère pu résulter de l’idée de donner un lieu à des parties divisées, et comme l’opération technique tend à faire disparoître d’une surface quelconque les petites élévations qu’y produit toute espèce de travail d’ébauche préparatoire, il me paroît beaucoup plus simple de penser que les ouvriers auront emprunté le mot unir, à l’opération mécanique aussi, qui fait disparoître les inégalités des terrains.

C’est en vue de celte dernière conséquence, que nous avons énoncé au commencement de cet article, l’opinion que l’une comme l’autre des acceptions du mot unir, pourroit remonter à une étymologie commune.


UNIFORME, ITÉ. s. f. La composition du mot uniforme ou uniformité, porte l’explication de sa signification élémentaire. Ce mot indique pour chaque objet, pour chaque ouvrage, une manière d’être, qui, ou dans son ensemble, présente une forme unique, ou dans ses parties, la répétition d’une seule et même manière.

Quoique le mot monotonie, par une composition tout-à-fait pareille en grec, semble indiquer, relativement aux sons, une idée entièrement parallèle, à l’idée d’uniformité par rapport aux formes, cependant il existe entre leurs acceptions, une assez grande différence. La plupart des mots se forment, se composent d’après une idée ordinairement simple. L’usage vient ensuite qui les emploie, saute d autres mots, à exprimer des idées au des modifications d’idées, qui n’ont plus un rapport exact avec leur sens primitif.

C’est ainsi que se sont diversement modifiés dans le langage, et dans l’esprit de ceux qui les emploient, les mots uniformité et monotonie. On doit dire que, monotonie, soit qu’on applique ce mot à l’art des sons, soit qu’on le transporte, par métaphore, aux autres arts, n’exprime jamais qu’un défaut, qu’un effet désagréable. Il n’en est pas de même du mot uniformité, de l’emploi qu’on en fuit sur beaucoup de points, de l’idée que l’usage lui attache en beaucoup de recontres.

Il n’y a personne qui ne sache que ce mot exprime même, dans un grand nombre d’occasions, une idée d’éloge. On s’en sert dans ce sens, lorsqu’à l’égard des personnes, on parle de l’uniformité de leur conduite et de leurs actions, avec leurs doctrines et leurs principes. De même au matériel et dans l’ordre des choses physiques, on louera l’uniformité d’un plan, d’une disposition de jardin, d’une place publique, d’une façade. C’est que l’idée d’uniformité, dans ces cas, participe de l’idée d’unité, qui se prend toujours en bonne part, et qui est une qualité principale de tous les ouvrages. (Voyez UNITÉ. ) Mais comme l’unité n’exclut point la variété, qu’au contraire, elle n’est une qualité complète, et complètement louable, qu’avec le tempérament qui lui donne toute sa valeur, il en arrive de même à l’uniformité. Elle cesse d’être agréable, et elle perd sa valeur, dès que l’esprit ou l’œil s’aperçoivent, que ce qui devroit être un lien nécessaire entre le tout et ses parties, une condition indispensable de la conformation de l’ouvrage, un résultat du besoin que l’on a de voir sans confusion, dégénère en un unisson, qui ôte jusqu’à l’envie de voir. Alors l’esprit et l’œil ne sont plus affectés que du sentiment pénible d’une répétition, ou inutile, ou excessive. L’uniformité devient ainsi un défaut.

Lorsque l’uniformité est un rapport d’égalité, entre des parties qui ont besoin d’être ainsi, pour produire l’effet d’un tout, elle est louable ; lorsqu’elle n’est qu’une redite sans objet des mêmes formes, des mêmes parties, où se répète sans sin le même motif, elle produit l’ennui, et dès-lors elle est un défaut.

Par exemple, dans le style, qu’un écrivain emploie la même tournure de phrase, la même forme de discours, les mêmes mots, si le besoin de fixer, par cette redite, l’attention se sait sentir, si ce retour au même moyen a pour objet de produire une impression plus profonde, cette uniformité dans ces cas non-seulement est admissible, elle est encore une beauté. Elle devient un vice lorsqu’elle est le résultat évident de la stérilité de l’auteur, du manque d’idées, et de la pauvreté des ressources.

De même en architecture, il y a une certaine uniformité particulière à cet art, qui est tenu de n’employer dans ses compositions qu’un assez petit nombre de caractères, tels que colonnes, chapiteaux, et autres membres, dont le répétition est élémentairement nécessaire. S’il en usoit autrement, dans tout édifice ou toute portion d’édifice, qui constitue à elle seule un tout, l’architecte ne produiroit plus l’idée d’unité et de variété, mais celle de multiplicité ; il ne seroit point de variété, mais de la bigarrure, L’uniformité dans certains cas, non-seulement y est un agrément, elle y est un besoin.

Mais suivra-t-il delà que, dans d’autres emplois, appliqués à des édifices, dont la diversité intérieure est une obligation, tel qu’un vaste palais, considéré dans sa disposition extérieure, et dans sa distribution intérieure, l’art de l’architecture soit tenu de n’avoir pour chaque corps séparé, qu’un seul dessin, pour chaque partie détachée, qu’une seule ordonnance ? Non sans doute. Il y aura dans cet édifice des membres, qui, mis en regard les uns avec les autres, comme les façades d’une grande cour intérieure, exigeront un rapport de symétrie générale, et l’uniformité des mêmes lignes qui composeront leur masse. Toutefois plus d’une variété pourra s’introduire dans les détails d’un ensemble du reste uniforme. A plus sorte raison l’architecte sera-t-il libre de manquer à l’uniformité dans les cours séparées, d’un même palais, dans les parties d’un grand corps, que le même point de vue ne rapproche pas.

A cet égard, il est même permis de dire que l’observance inviolable de l’uniformité la plus complète, appliquée à ce dernier cas, bien qu’elle procède d’un bon principe, et qu’on ne puisse point, au fond, en faire un reproche à l’architecte, est cependant susceptible de produire


une impression, propre à nous apprendre qu’il peut y avoir (pour le goût) quelque excès jusque dans le bien, et sur ce point le goût pourroit aussi se prévaloir de plus d’un jugement semblable en sait de morale.

Je veux donner de ceci un exemple, dans le grand et magnifique palais du roi de Naples bâti a Caserte par Van-Vitelli. De tous les palais connus (on parle des plus grands), il n’en est aucun qui approche de celui de Caserte, et qui puisse lui être comparé pour la grandeur de la masse, l’unité de plan, la symétrie de toutes ses façades, et l’uniformité d’ordonnance, d’aspect, d’ensemble, de parties et de détails. Cette uniformité produit la plus parfaite ressemblance entre chacune des quatre grandes cours intérieures, que divise, comme si elles étoient indépendantes l’une de l’autre, le plan ingénieux en forme de croix qu’a suivi l’architecte. Il n’y a personne qui n’éprouve en parcourant ce vaste plan, an rez-de-chaussée, l’espèce de désagrément que produit une complète identité, et ensuite celui d’une redite inutile et fatigante pour l’œil comme pour l’esprit. Cependant Van-Vitelli, quoique observateur aussi scrupuleux de l’uniformité s’est permis d’orner de colonnes et de pilastres, la façade principale de son palais qui est du côté des jardins, quoique les autres soient privées de celle décoration ; et certes personne ne trouvera là un défaut d’uniformité.

A plus forte raison l’architecte est-il libre de s’éloigner de l’uniformité, dans la distribution intérieure de toutes les pièces, dont se composera l’ensemble d’un grand palais. Il ne s’astreindra pas à les faire toutes sur un plan toujours semblable. Au contraire il se plaira à y produire et l’un aimera à y rencontrer, en les parcourant, une diversité de lignes et de contours. Un grand appartement offrira une succession de pièces, de salles, de cabinets, de galeries, où, sans affectation, se trouveront toutes les variétés de dimension, de conformation, où les formes circulaires, succéderont aux formes quadrangulaires et polygones.

Il en sera de même des élévations de toutes les divisions intérieures. Certes rien ne seroit plus fastidieux que la continuelle répétition dans chacune de ces parties, du même ordre, des mêmes profils, des mêmes motifs de décoration.

L’architecte, à l’extérieur d’un grand nombre d’édifices, a soin également de corriger ce que l’uniformité exige de similitude, de symétrie, et de régularité dans les rapports principaux, par des détails qui diversifient l’aspect, sans altérer le principe d’unité. Il seroit ridicule que les fenêtres d’un palais ne sussent pas ordonnées sur une ligne parallèle, n’offrissent point des intervalles égaux, ne sussent pas soumises à un genre d’ornemens semblables. Cependant on voit avec plaisir et dans les plus beaux édifices, des plus grandi maîtres, les fenêtres d’un même étage alterner entr’elles par des chambranles égaux de forme et de proportion, mais couronnés les uns par des frontons triangulaires, les autres par des frontons circulaires.

L’extérieur d’un édifice comporte souvent l’application de plusieurs ordres de colonnes ou de pilastres, surimposés les uns aux autres. On voit de ces devantures, où l’on s’est plu à répéter dans la décoration des étages le même ordre. C’est là sans doute de l’uniformité. Mais comme aucune nécessité, aucun besoin apparent n’a prescrit cette répétition, le spectateur ne saura aucun gré à l’architecte, d’une redite qui le force de voir trois fois la même chose, dans une élévation, laquelle, par le rapprochement de trois ordres, auroit pu lui faire éprouver avec trois impressions différentes, le plaisir de la comparaison, que des variétés de proportions, de style et de détails l’auroient mis à porté de faire.

Généralement on ne se rend pas assez compte des causes du plaisir que nous procure l’architecture surtout. Cet art est un composé de rapports. Le génie, dans cet art, est de trouver et de fixer les rapports les plus agréables, et de faire sortir leur agrément du besoin même auquel il est avant tout subordonné. Méconnoître le besoin, comme principe premier du plaisir en architecture, c’est méconnoître l’essence de cet art. De là résulte le double abus qui se présente et à ceux qui l’exercent et à ceux qui en jugent. Si vous faites par trop prédominer dans le système de l’art de bâtir, le besoin sur le plaisir, vous pouvez aller jusqu’à détruire toute impression, tout sentiment de plaisir. D’une prétendue unité trop matériellement entendue, vous tombez dans l’uniformité, et nécessairement dans son excès, savoir : l’ unisson et la monotonie. Pour vouloir que tout y soit raisonnement, on ira jusqu’à en bannir la raison ; car c’est une véritable déraison, de prétendre que l’architecture n’ait plus ni rapports variés, ni diversités de proportions, de formes, d’ornemens, et que l’œil comme l’esprit, n’y trouve plus rien à quoi se prendre, rien à comparer, rien à imaginer. Si d’autre part on donne au plaisir de la variété trop d’empire sur la raison du besoin, l’art, devenu indépendant de toute règle et de toute convention, se précipite dans les champs illimités du caprice et du désordre. Lorsque l’excès de l’uniformité prive notre œil et notre esprit du plaisir de comparer, parce que l’unisson y a détruit toute matière de comparaison, il arrive par l’excès contraire du désordre, que l’œil et l’esprit se trouvent également privés de toute action, sur l’appréciation de rapports qui, nés du hasard, ne présentent que l’image de la confusion ou d’un jeu sans règle.

De tout ceci, il doit résulter qu’en architecture, cet art, qui peut-être est de sa nature, soumis plus qu’aucun autre à l’ uniformité, ce qu’on


appelle ainsi y deviendra mérite ou défaut, selon l’application qu’on en sera aux parties qui en sont plus ou moins susceptibles, selon la mesure en plus ou moins, que la raison et le goût sauront ou ne sauront point y porter ; qu’enfin si l’uniformité participe, jusqu’à un certain point, de l’unité avec laquelle il ne faut pas la confondre, ce ne peut être qu’avec le tempérament de la variété, sans laquelle l’unité elle-même cesseroit d’être la première de toutes les qualités dans les beaux-arts.

UNITÉ, s. f. Cette qualité n’est en quelque sorte la première dans tous les ouvrages de l’art, c’est-à-dire le fondement de toutes les autres, que parce qu’elle est la plus nécessaire. Elle n’est la plus nécessaire, que parce que son principe et ses effets tiennent essentiellement à la nature de notre être, et dépendent de nos facultés, autrement dit, des moyens que nous avons de concevoir l’idée des objets, d’en recevoir ou d’en retenir les images, d’en juger et d’eu goûter les impressions.

L’unité n’est la condition principale de tout ouvrage, que parce qu’elle a son principe dans l’unité même de notre ame.

Or, cette unité de notre ame est une de ces vérités de sait, tout autant que de théorie, dont nous trouvons en nous la plus facile démonstration. Elle se révèle et se manifeste à tout instant par cette unitéd’action, dont les plus simples rapports que nous sont à tout moment nos sens, nous donnent sans cesse la preuve.

Ainsi, par exemple, chacun de nos sens nous dit qu’il ne peut recevoir également les impressions simultanées de plusieurs objets à la fois. Dans le fait, chacun le sait pour en avoir fait l’expérience ; ni deux de nos sens ne peuvent être activement occupés ensemble et tout à la fois, ni un seul ne peut être fortement affecté, dans un même moment, par plus d’une sensation. On a dit activement etfortement parce qu’à la vérité, chacun de nos sens est doué d’une faculté active, et d’une passive ; et c’est ainsi, c’est par l’effet de cette double vertu, que l’on voit conjointement deux objets séparés l’un de l’autre. Oui ; mais il y a une grande différence de vision pour chacun d’eux. Il n’y a d’intuition que pour l’un des deux. Je n’en peux regarder qu’an à la sois. Je puis entendre plusieurs chants, plusieurs discours simultanément ; mais je n’en peux écouler qu’un seul. Il y a pareille différence d’action et de signification, entre ce qu’on appelle sentir. et ce qu’on appelle odorer, entre ce qu’on appelle toucher, et ce qu’on appelle palper.

Là, comme on le voit, réside le principe de l’essence de l’unité, et de sa nécessité dans les ouvrages des arts et de l’imitation. Car il faut appeler nécessité, dans les arts, le besoin qu’ils ont de plaire, la condition sans laquelle, ou ils ne produiront point d’impressions, ou n’en produisent, que de vagues, confuses et compliquées. Il est dès-lors évident, que le premier besoin de l’ame pour jouir, des ouvrages de l’art, est d’en recevoir clairement les impressions, d’en discerner facilement l’ensemble elles rapports, et de juger sans embarras du but et des moyens employés pour lui plaire. Or, pour être ainsi affectée, l’ame ne veut être ni embarrassée, ni détournée par une complication difficile d’objets, ni distraite par une diversité d’impressions fugitives, qui ne pourroient s’adresser dans leur concours intempestif, qu’à la propriété passive de nos sens et non à leur faculté active.

Tout ce qui tend à nous prouver l’unité d’action de notre ame, dans le jugement ou la jouissance des ouvrages qu’on lui soumet ; tout ce qui démontre l’impossibilité physique où elle est de se diviser, pour donner également audience à deux sensations concurrentes, tend également à prouver le besoin l’unité dans les ouvrages de l’art, c’est-à-dire que tout ouvrage doit être conçu, composé, exécuté selon le principe de l’unité.

Or, ce qu’il faut d’abord bien comprendre, c’est quel est le sens à donnera à ce mot, et quel est l’esprit de l’unité dont il s’agit ici. Il est peu nécessaire, ce me semble, d’avertir que ce mot ne doit pas être pris dans un sens matériel ou arithmétique (ce qui serait un non sens), ni qu’il saille se figurer par l’unité, l’absence de parties dans l’objet réputé un. Au contraire, c’est précisément des parties mêmes, que comporte l’ouvrage, que résultera le mérite de l’unité, en sorte que ce mérite y sera d’autant plus grand, qu’il y aura un plus grand nombre de parties.

Il en est de l’unité, entre les parties dont un ouvrage se composera, comme de ce qu’on appelle l’unité d’action, dans une multitude de faits et de circonstances. L’unité d’action n’est pas l’action individuelle, l’action d’un seul, au contraire, c’est une action collective, quel que soit le nombre de ceux qui y participent, mais qui, par un concours bien réglé, produit un tel effet, qu’elle pareil n’être que l’action d’un seul. De même, à l’égard des êtres ou des corps organisés, l’unité ne consistera point dans l’uniformité d’action de chaque partie, mais au contraire dans une diversité de leurs emplois, diversité soumise à un principe moteur, qui fait concourir à un même but les fonctions différentes de chaque membre ou de chaque organe.

Ainsi, dans les ouvrages de tous les arts, l’unité n’est ni cette uniformité de formes, de faits, de situations, ni cette identité de personnages, d’objets, d’actions, de langage, de figures, de physionomies, d’aspects, qui ne seroit autre chose que de l’unisson. Un nombreux assemblage de figures sur une seule ligne, sous un même ni-


veau, les unes à côté des autres, présenteroit des personnages rapprochéssans être unis ; et une telle composition seroit précisément la plus éloignée de l’unité entendue moralement, parce qu’elle se borneroit à l’unité en quelque sorte matérielle et arithmétique. Elle o’auroit point de véritable unité, parce qu’elle n’offriroit véritablement point de parties, puisqu’elle ne donneroit, dans l’esprit et dans le sait de la composition, qu’une multitude d’individualités, ou des redites d’un seul et même motif. Ajoutons que, relativement au but principal de l’art, qui est de plaire à l’ame par les impressions qu’il lui sait éprouver, par l’action qu’il lui procure, le but est manqué, puisqu’il ne résulte de là, pour l’ame, que le dégoût qui accompagne la monotonie, ou le néant d’esset et d’action.

La multiplicité ou la complication d’objets est, comme on l’a déjà sait entendre, un autre moyen, quoique par un sens inverse, de détruire l’unité dans l’ouvrage de l’art. Il n’y a personne qui ne soit forcé, par le seul instinct du vrai, d’avouer que l’unité seroit violée là où, dans un seul et même ouvrage, plusieurs arts se députeraient et la conception, et la composition, et le procédé d’exécution, en empiétant sur le domaine l’un de l’autre ; que l’unité seroit violée, si deux sujets de composition occupoient le même tableau, s’il y avait plus d’un point de vue dans la perspective, si le même personnage, dans un drame, avoit plus d’un caractère, si un poème reposoit sur plus d’un événement principal. Tout le monde comprend que l’ame alors se trouve dans la situation pénible d’avoir à entendre à plusieurs à la fois ; que, partagée entre des situations et des sensations qui se disputent son intérêt, elle ne reçoit plus que des impressions rompues et incohérentes ; qu’obligée de passer plus ou moins promptement d’un objet à l’autre, elle n’en peut éprouver ni des effets entiers, ni une sensation complète. C’est là un effet que chacun éprouve dans ces collections de tableaux qui, se pressant les uns contre les autres, ne nous permettent d’être affectés fortement d’aucun, parce que l’attention s’y divise, comme elle le sait, sur tous ceux qui composent une soule, où l’on ne regarde personne, parce qu’on voit tout le mond

Qu’est-ce donc maintenant que l’unité, entendue comme principe moral de la perfection des ouvrages de l’art, et comme cause active de leurs effets, ainsi que du plaisir que l’ame y trouve ? Nous croyons pouvoir dire que l’unité est le lien qui produit un tout, c’est-à-dire l’accord des parties entr’elles et avec l’ensemble ; que son objet est de faire que tous les détails et tous les accessoires de l’ouvrage puissent être ramenés et coordonnés à un peint, qui en devienne en quelque sorte le centre ; que son action consiste particulièrement à opérer entre tous les objets, une combinaison qui soit et qui paroisse nécessaire, combinaison telle qu’on ne puisse rien en détacher, ni rien y ajouter.

Telle est effectivement la propriété de cette qualité, qu’elle nous force à opérer aussi en nous, la représentation des objets les plus nombreux, non comme isolés, mais comme dépendant les uns des autres, qu’elle nous empêche de regarder une partie, comme quelque chose d’entier et de complet.

L’objet principal de l’unité, quand l’artiste la produit dans un ouvrage, est de ne nous donner rien à y désirer, rien à en retrancher. L’unité, ou son effet, peut manquer à l’ouvrage de deux manières, ou par l’absence de ce qui lui est nécessaire, ou par la présence de ce qui est superflu. L’unité disparoîtra, ou lorsque l’ouvrage manquera de quelques-unes des parties qui peuvent faire juger de sa nature et de ce qui doit le constituer, ou lorsqu’il y aura dans l’ouvrage des parties étrangères à ce qui constitue sa nature propre.

En effet, la nature d’un objet est, à proprement parler, le fondement et la base de son unité, parce que c’est réellement dans sa nature, que se découvre la raison pour laquelle chaque partie s’y trouve, et occupe la place qu’elle doit avoir, et parce que la nature de cet objet seroit autre, si quelqu’une de ces parties, ou n’existait pas, ou y existoit autrement.

Ainsi, lorsqu’on charge un architecte de construire un édifice, son premier soin doit être de se faire une idée claire et précise de sa nature et de sa destination. Ensuite il en inventera et disposera les différentes parties, de manière que de leur réunion résulte un bâtiment qui soit précisément ce qu’il doit être. Ainsi, l’unité fondamentale d’un tableau résultera, avant tout, de l’idée nette et précise du sujet à représenter, idée qui forme sa nature, et ensuite des rapports nécessaires de chaque partie, de chaque figure, de chaque accessoire avec cette idée.

Toutes les sois que nous ne pouvons pas nous faire, dans un objet, la moindre idée de son unité, lorsque nous ne sentons pas, comment les parties diverses que nous avons sous les yeux, ou que l’on présente à notre esprit, peuvent convenir entr’elles et former un ensemble, ces parlies isolées, vues ou appréciées isolément, pourront bien nous faire du plaisir ; mais l’objet vu ou apprécié dans son entier ne pourra nous en procurer. Il s’ensuit que chaque portion séparée, dans un ouvrage, lorsqu’elle ne convient pas à l’idée d’ensemble, et lorsqu’elle n’a aucune liaison avec les autres, est par conséquent opposée à l’unité, et dès-lors est une imperfection qui doit déplaire.

Or, nous avons dit que ce désaccord des parties, on de quelqu’une des parties avec l’ensemble, peut contredire la nature d’un objet et en rompre l’unité, soit comme manquante, soit


comme superflue, comme y étant de trop, on de trop peu. Tout le monde comprend, en effet, que dans un discours sur un sujet donné, par exemple, toute narration, toute discussion étrangère à ce sujet, en détournant l’esprit de l’auditeur de ce qui doit être son but, détruira l’unité, tout autant que le pourroit faire, le manque d’un des points importans à la nature et au complément, de ce que l’orateur veut prouver ou démontrer. Des épisodes trop fréquens dans un poème, ou trop étrangers au fond du sujet ; des personnages parasites dans un drame, des figures qu’on appelle de remplissage dans la composition d’un tableau, des répétitions de membres inutiles dans l’ordonnance d’un édifice, violent, par leur redondance, la nature, et dès-lors l’unité fondamentale de l’ouvrage, tout autant que pourroient le faire des omissions, des lacunes, ou l’absence des parties nécessaires qui devroient le constituer.

Lors donc que, dans ce que nous voyons représenté, il y a l’une ou l’autre de ces deux manières de contredire l’unité, nous sommes nécessairement affectés d’un sentiment pénible et désagréable. L’artiste qui veut exécuter un ouvrage parfait, doit avoir toujours présente à l’esprit, cette maxime recommandée de tous temps à l’orateur : de dire tout ce qu’il faut, et de ne dire que ce qu’il faut. Ce qui est recommandé en pratique à l’artiste, doit être, en théorie, également nécessaire dans l’application des jugement qu’on porte de ses ouvrages. Si on ne connoît pas bien ce qui forme la nature de chaque ouvrage, on ignore élémentairement les lois de leur unité, et on ne pourra jamais en connoître ni en sentir la perfection. Voilà pourquoi il se trouve tant de divergence dans les jugemens qu’on en porte. On verra sauvent des personnes admirer la beauté d’un discours, au d’une pièce de théâtre, ou d’une peinture, parce qu’elles ont été frappées du mérite de quelques passages, de quelques situations, de quelques détails, tandis que ces mêmes ouvrages sont sur d’autres une impression désagréable. C’est que les premiers ne savent voir que des parties dans le tout, et les seconds ne veulent voir que le tout, par et dans ses parties. Or, le plaisir des uns est, à proprement parler, d’instinct et à la portée du grand nombre, tandis que le plaisir des autres n’est à la perlée que de ceux dont les sens ont été perfectionnés par l’étude et par la science.

Il est, comme on le voit, beaucoup plus facile d’analyser l’idée de l’unité, dans les beaux-arts, que d’en développer les notions principales, de montrer en quoi elle consiste, ce qui la produit et ce qui la détruit, que d’enseigner les moyens pratiques de la mettre en œuvre. Tel est le sort des idées et des notions abstraites, qu’elles ne peuvent guère s’adresser qu’au sentiment. Rien donc ne seroit plus difficile que d’enseigner didactiquement à l’artiste, les moyens de mettre en œuvre les préceptes de la théorie à cet égard. L’unité étant, si nous l’avons bien définie, et de la seule manière qui convienne à une définition (c’est-à-dire en renfermant le plus de notions dans le moindre nombre de mots), l’unité étant, disonsnous, le lien qui unit et ramène à un seul point toutes les parties d’un ouvrage, et les coordonne tellement qu’on ne puisse y rien ajouter, rien en détacher, il nous semble que l’artiste ne trouvera le secret de ce lien moral et intellectuel, qu’en ayant toujours bien présent à l’esprit, et en discernant bien, ce qui, en chaque genre, constitue la nature propre de l’objet ou du sujet sur lequel il s’exerce, et en se rendant bien compte, de ce qui d’une part est nécessaire, et de l’autre, de ce qui est inutile à son développement et à son effet, dans toutes les parties qui pourront y entrer.

On comprend que la théorie abstraite de l’unité, parviendroit à une beaucoup plus grande clarté, si l’on pouvoit en faire, par des exemples pratiques, les applications particulières à tous les cas, à toutes les circonstances particulières, à tous les faits secondaires qui, dans chacune des divisions techniques de chaque art, comporteroient des observations variées, quoique dépendantes d’un même principe. Il n’y auroit peut-être pas de sujet plus étendu, et plus hors de mesure avec l’espace d’un article de dictionnaire ; ce seroit la matière d’un vaste ouvrage.

Dans le fait, le mérite complet de l’unité résultera dans chaque ouvrage d’un art, comme dans l’art même, de l’observation de plusieurs unités, qu’on pourroit, théoriquement parlant, regarder comme secondaires. Dans l’ouvrage du peintre, par exemple, on pourroit compter, outre l’unité première de la conception, l’unité de composition, l’unité d’action, l’unité de goût et de style, l’unité de formes ou de dessin l’unité d’ajustement, l’unité de caractère, l’unité de couleur, l’unité d’exécution. C’est bien sans doute de l’ensemble plus ou moins complet de toutes ces unités, que procédera l’effet plus ou moins sensible de cette unité abstraite, qualité générale qui produit, entre les parties, cette heureuse liaison qui en fait un tout. Mais que d’observations de détail n’exigeroit pas l’analyse de tous les moyens et procédés, par lesquels chacune de ces unités se trouve produite, et de tous les défauts qui s’opposent à ce qu’elle se produise !

En ramenant ces notions à l’art de l’architecture, à peine nous permettrons-nous d’effleurer la théorie pratique des moyens propres à produire dans les ouvrages de cet art, les différentes sortes d’unitéspartielles, d’où résulte l’unité générale d’un édifice, et que nous appellerons :

Unité de système et de principe.
Unité de conception et de composition.
Unité de plan.
Unité d’élévation.


Unité de décoration et d’ornement.
Unité de style et de goût.

De l’unité de système et de principe. On appelle ainsi celle qui consiste, à ne point confondre dans le même édifice certaines diversités, qui sont le produit, chez différentes nations, d’un principe originaire particulier, et de types formés sur des modèles sans rapport entr’eux. On ne sauroit mieux faire comprendre cette unité de système ou de type, que par les exemples trop fréquens de parties restaurées ou rajoutées à des édifices gothiques, selon le système et les types de l’architecture grecque. Rien ne peut mieux donner l’idée contraire à l’unité, c’est-à-dire celle de la duplicité, ou de deux édifices en un. Mais sans aller jusqu’à un excès aussi frappant, on sait qu’il y a un grand nombre de pratiques introduites dans l’art de bâtir, qui offrent de ces contradictions de systèmes et de principes. Telle est celle qui doit sa naissance à la destruction même des monumens antiques dans le bas Empire, je veux parler des arcades élevées sur des colonnes isolées, genre de dissonance, dont le système de l’architecture grecque sait sentir tout l’abus. L’unité ne sauroit être, en sait de principe, plus sensiblement violée, que par un mélange présentant sur un même point, l’emploi de deux manières de bâtir, qui s’excluent. C’est pécher contre l’unité de système, que d’associer des arcs aigus aux ordonnances grecques ; que de placer des chapiteaux d’un ordre sur des colonnes d’un autre ordre ; que de multiplier les frontons, là où il ne peut y avoir qu’un seul comble ; que d’établir plusieurs étages de colonnes, d’entablemens, et par conséquent de planchers, au-dehors d’un édifice qui n’a point d’étage dans son intérieur, etc.

De l’unité de conception et de composition. C’est de la conception d’un monument que dépend cette unité d’intention et de vues, qui doit devenir le lien commun de toutes les parties. Aussi saut-il qu’un monument émane d’une seule intelligence, qui en combine l’ensemble, de telle manière, qu’on ne puisse, sans en altérer l’accord, ni en rien retrancher, ni rien y ajouter, ni rien y changer. C’est de cette pensée première, que dépendra l’unité de sa composition. Un très-grand nombre d’édifices, et des plus célèbres, nous découvrent la vue originaire de leur création. Formés d’abord sur un autre plan, pour une autre destination, de nouvelles vues en ordonnent l’augmentation, soit par de nouveaux architectes, soit à des époques successives. Un édifice devient alors un amalgame d’additions, ou de modifications, au milieu desquelles disparoît jusqu’à la trace de l’intention première, et par conséquent l’idée d’une liaison propre à soumettre ses parties à la loi de l’unité. On ne sauroit peut-être citer aucun exemple plus frappant du manque d’unité, dans la conception et la composition, que le palais des Tuileries à Paris, ouvrage d’un fort grand nombre d’architectes, qui surent occupes pendant une longue suite d’années, à faire, défaire et refaire, en sorte qu’avec peine y découvre-t-on aujourd’hui la conception du premier auteur. Aussi nul monument au lieu d’unité, ne donne-t-il plus l’idée de pluralité de morceaux réunis. Un exemple tout-à-fait opposé, est celui que nous avons déjà cité à l’article UNIFORMITÉ (voyez ce mot) du grand palais de Caserte, conçu, composé, exécuté et terminé dans un court espace de temps par le même architecte.

De l’unité de plan. Le plan d’un édifice, étant la base et le principe essentiel de sa constitution, c’est de cette unité, que procédera, plus qu’on ne peut le dire, l’effet de la liaison, ou de l’accord du tout avec ses parties, de cette grande raison d’ordre et d’harmonie, par quoi ou peut définir l’unité et eu rendre les préceptes sensibles. Le plan déterminant les masses extérieures, comme les distributions intérieures, le principe de son unité reposera d’abord, sur l’idée la plus claire qu’il sera possible, de la nature de l’édifice, c’est-à-dire de la raison pour laquelle chaque partie s’y devra trouver, et de la raison de ses rapports avec le tout. Voilà pour ce qui regarde l’unité de-plan, considérée dans le sens d’une théorie abstraite. Sous le rapport, plus particulièrement pratique, des combinaisons d’un plan, dans la vue de plaire à l’esprit et aux yeux, l’unité résultera d’abord de l’emploi des lignes simples, des contours réguliers, et d’une correspondance de parties faciles à saisir. La symétrie est généralement un mérite et un agrément dans un plan, par la raison qu’elle offre plus que toute autre combinaison, l’idée d’un tout achevé et complet, et qu’elle simplifie singulièrement le travail de l’esprit, qui cherche à se rendre raison des conceptions de l’architecte. L’unité toutefois n’est pas blessée par certaines dispositions qui tendent a mettre en opposition des formes différentes, et des contours divers. L’unité qui a besoin de variété s’accommode de certains contrastes dans un plan, autant qu’elle repousse cette affectation de parties rompues, de contours mixtilignes, qui semblent n’avoir été sous le crayon du dessinateur, qu’un jeu fantastique, dont le bon sens et le bon goût doivent reléguer l’abus puéril, parmi les fantaisies sans conséquence, qu’imagine le luxe mercantile pour diversifier ses produits.

De l’unité d’élévation. Ce qui constitue particulièrement dans l’architecture l’unité d’élévation, c’est d’abord une telle correspondance de l’extérieur de sa masse avec l’intérieur, que l’œil et l’esprit y aperçoivent le principe d’ordre et la liaison nécessaire, qui en ont déterminé la manière d’être. Le but principal d’une façade ou élévation de bâtiment, n’est pas d’offrir des combinaisons ou des compartimens de formes qui amusent les yeux. Là, comme ailleurs, le plaisir de la vue, s’il ne procède pas d’un besoin, ou d’une raison


d’utilité, loin d’être une source de mérite et de beauté, est tout au moins un brillant défaut. Mais là, comme ailleurs, le plus grand nombre se méprend en transposant les idées, c’est-à-dire en subordonnant le besoin au plaisir. De là cette multitude d’élévations d’édifices, dont les formes, les combinaisons, les dispositions, les ordonnances, les ornemens contre-disent le principe d’unité fondée sur la nature propre de chaque chose. Ce qui importe donc à l’unité dont nous parlons, ce n’est pas qu’une élévation ait plus ou moins de parties, plus du moins d’ornemens, c’est qu’elle soit telle que la veulent le genre, la nature et la destination de l’édifice ; c’est qu’elle corresponde aux raisons, sujétions et besoins, qui ont ordonné de sa disposition intérieure ; c’est que l’extérieur de cet édifice soit uni par le lien visible de l’unité, à la manière d’être que les besoins du dedans auront commandée.

Que s’il s’agit ensuite d’examiner les effets de l’unité d’élévation, sous le rapport d’agrément ou du plaisir qu’on trouve à un ensemble décoratif, il semble qu’on peut avancer, que ces effets seront causés principalement par l’emploi d’un seul ordre de colonnes, s’il y a lieu, par un espacement égal de ces colonnes, par leur position sur une seule ligne, sans ressaut, ni arrière ou avant-corps. Si l’édifice est à plusieurs étages, comme un palais, on satisfera beaucoup mieux à l’unité d’élévation, en subordonnant chaque étage à une seule et même disposition d’ouvertures, à une répartition de pleins et de vides, telle que le plein l’emporte sur le vide, en ménageant de grands espaces entre les étages, en soumettant la masse totale à une ligne uniforme d’entablement, en y produisant le moins de divisions qu’il sera possible.

Généralement l’unité morale dans l’élévation des édifices, participe plus qu’aucune autre, peut-être, de celle qu’on peut appeler unité matérielle ou arithmétique. C’est qu’il n’y a peut-être point d’art, plus exposé que l’architecture, à des cumulations d’objets, à des redites de formes, à des multiplicités de besoins et d’emplois, qui tendent à introduire dans les compositions, l’idée, l’apparence, et, il saut le dire, souvent aussi, la réalité, de ce qu’on peut appeler ou duplicité ou pluralité d’objets dans un même objet, d’élévations dans une même élévation. Telle est évidemment la condition, en quelque sorte obligée, des élévations d’églises, sur les nefs desquelles on voit au-dessus des combles et des frontons qui devroient terminer l’édifice, un nouvel édifice sans rapport de formes et quelquefois de proportions, avec celui qu’il surmonte. On sent que je veux parler du plus grand nombre des églises a coupoles. Non qu’un veuille prétendre qu’il n’y a aucun moyen de soumettre au principe moral de l’unité, cette double élévation, ni qu’on croie ce problème insoluble ; au contraire, la grande basilique de Saint-Pierre à Rome, nous paroît celle qui a le plus approchée de cette solution. Elle est très-certainement celle ou règne le plus de cette unité de masse et d’ordonnance, qui produit pour l’œil comme pour l’esprit, le moins de disparate entre les deux élévations. Toutefois la plupart des autres relises du même genre, me paroissent ce qu’il y a de plus propre à démontrer en quoi consiste le manque d’unité dans un édifice, et surtout dans son élévation.

De l’unité de décoration et d’ornement. Ce qu’on appelle décoration ou ornement, dans l’architecture, en est la partie nécessairement la plus arbitraire, la moins soumise à des règles fixes, celle par conséquent qui semble devoir échapper le plus aux lois théoriques ou pratiques de l’unité. Cependant telle est la nature de l’unité moralement entendue, et définie de la manière qu’on l’a fait, qu’il n’existe rien dans le domaine de la nature, et dans celui des arts ses imitateurs, à quoi on ne puisse appliquer les conséquences d’un principe qui, en tant que principe d’ordre, doit régler toutes les combinaisons, toutes les inventions de l’esprit. Or c’est parce que la décoration, de sa nature, repose sur des élémens plus fugitifs, qu’il importe davantage de la préserver du désordre qui en détruit l’effet. C’est donc à l’unité qu’il saut ramener ses compositions, toutefois dans une mesure qui lui soit applicable.

La décoration, comme toute autre partie de l’architecture, doit éprouver pour premier besoin celui de plaire, puisque c’est là son premier objet et son but essentiel. Or soit que le génie décoratif emploie dans les édifices, les grandes ressources de la peinture et de la sculpture historique ou poétique, soit qu’il se contente d’en user en caractères graphiques, si l’on peut dire, qui, sous le nom d’ornement, peuvent être introduits sur toutes sortes de membres et de parties courantes de l’ordonnance générale, il n’est pas difficile de voir comment ces ouvrages se trouveront soumis eux-mêmes aux deux conditions de l’unité. La première est celle qui établira leur liaison avec leur sujet, et avec l’ensemble où ils doivent trouver place ; la seconde, plus particulière à l’exécution, leur sera commune avec tous les autres ouvrages de l’art.

Sous le premier de ces rapports l’unité décorative consistera, avant tout, dans le choix des sujets analogues à la destination de l’édifice. L’historie et l’allégorie ouvrent au génie de la décoration des sources inépuisables d’inventions et de compositions, propres à caractériser le monument et à compléter son harmonie. Cette harmonie consistera dans une juste combinaison, et un accord avec les superficies et les emplacemens, tel que le corps même de l’architecture ne disparoisse point sous les accessoires, que ses membres n’en soient ni altérés ni rompus, que ce qui doit simplement l’orner, ne la cache point. Cette


unité d’harmonie consistera encore dans un emploi tellement modéré, tellement bien entendu des moyens de décoration, qu’une succession de parties ornées et de parties lisses, établira entre les uns et les autres, des transitions qui en seront valoir l’effet. L’excès de décoration en détruit l’impression, et l’unité morale s’en trouve également annulée, parce qu’étant, en ce genre comme en tout autre, une liaison entre des rapports, il n’y a plus lieu à cette liaison, dès que toute idée de rapport el par conséquent d’accord à disparu.

Quant à l’unité spéciale de toute décoration, considérée en elle-même, et à part de ses rapports avec l’architecture, il n’y a rien à en dire ici, puisqu’elle rentre dans la théorie générale de tous es arts.

Unité de style et de goût. On ne met ce genre d’unité au nombre de ceux qui importent à la perfection des œuvres de l’architecture, que parce qu’il est et plus facile et plus commun d’en rencontrer le défaut dans cet art, que dans tous les autres. En effet, le style et le goût de l’édifice dépendent bien sans doute de celui de l’artiste ; c’est bien lui qui, par ses projets et par leur mise en œuvre, imprime à l’ouvrage tel ou tel caractère. Mais son art est le seul qui ait besoin d’employer des mains étrangères, le seul dont la conduite et l’achèvement dépendent de circonstances, auxquelles il ne peut pas commander. Lorsqu’on sait ensuite combien de causes de changement, combien de reprises, de variations tendent à modifier les grandes entreprises, il est trop vrai de dire que jusque dans les plus célèbres, on découvre des anomalies de goût et de style, qui leur ont ôté le caractère précieux d’unité qui en devroit faire un ouvrage accompli.

A ce manque d’unité on pourroit joindre le manque d’unité d’exécution, et cet objet offriroit encore à la critique dont il s’agit ici, beaucoup de considérations, mais qui tenant peut-être de trop près au technique des procédés matériels, sembleroient sortir aussi de l’esprit d’une théorie, laquelle a eu pour objet de fixer quelques idées, sur une des qualités morales et intellectuelles de l’art, trop méconnue des artistes et de ceux qui jugent leurs ouvrages.

Sans doute cette analyse de la nature et des effets de l’unité, ne sauroit faire partie des études auxquelles l’artiste est, avant tout, obligé de se liver. Sans doute encore le sentiment du vrai et du beau, le conduit souvent à son insu par les mêmes voies au même but. Mais il n’en est pas ainsi du plus grand nombre des hommes qui jugent leur ouvrages, ni du petit nombre même de ceux qui sont appelés à leur direction, et c’est particulièrement à eux que du semblables considérations pourraient être utiles.

URNE, s. f. C’est, dans l’usage ordinaire, le nom d’un vase oblong circulaire et ayant un assez large orifice.

Dans le langage de la poésie, on donne des urnes aux fleuves, aux nymphes, aux naiades. L’urne devient alors le symbole de l’eau et de ces amas d’eau que l’on appelle de différens noms.

Dans le langage de l’archéologie l’urne est ou un symbole sépulcral, ou le dépôt des cendres d’un mort : cette dernière destination des urnes fut la plus générale et la plus multipliée. Il en est qui prétendent que ce mot, qui est urna en latin, dérive du verbe urere, brûler.

On a beaucoup trop généralement cru qu’un grand nombre du vases, qu’on découvre dans les sépultures de l’Etrurie, de la Grande-Grèce et de la Grèce, avoient été des urnes sépulcrales ; nous voulons parler de ces vases peints, qu’on appelle abusivement étrusques. Il est bien démontré aujourd’hui qu’ils n’eurent jamais la destination de recevoir des cendres, puisqu’on les trouve toujours accompagnant les corps morts avec lesquels (n’importe pour quelle raison) ils avoient été ensevelis. Si quelques-uns de ces vases trouvés par les Romains, dans d’anciennes sépultures grecques, dont le hasard leur offrit la découverte, ont pu, comme plus d’une autorité le prouve, être appliqués par eux à renfermer des cendres, ces faits isolés, loin de prouver qu’ils auroient servi précédemment au même usage, porteroient, par plus d’un motif, à croire le contraire. Au reste, le nombre immense de ces vases aujourd’hui si bien connus, dépose absolument contre cette opinion. On sait qu’ils sont tous de terre cuite peinte, el ils offrent une si grande diversité de formes, de volume et de dimension, que de beaucoup le plus grand nombre n’auroit pu servir à l’usage présumé. Enfin, il est certain qu’ils surent usités dans les temps et dans les pays où la crémation des corps n’avoit pas lieu.

La combustion et l’inhumation ayant existé chez les Romains aux mêmes époques, on trouve comme ayant été pratiqués tout ensemble l’usage des sarcophages, et celui des urnes cinéraires en marbre, dans les mêmes hypogées et les mêmes columbaria.

On peut affirmer avec quelque certitude, que le marbre fut généralement la matière des urnes cinéraires ou sépulcrales. Le nombre en est très-grand dans toutes les collections d’antiquités que chacun est le maître de consulter. Rien ne seroit plus inutile ici que la description des variétés qui s’y rencontrent. On les voit pour la plupart fermées par un couvercle. Les hypogées dont Pietro Santi Bartols nous a représenté les intérieurs, ont plusieurs rangs l’un au-dessus de l’autre, de petites niches formant un demi-cercle et une petite voûte hémisphérique. Les urnes sépulcrales occupent deux par deux ce petit espace. Elles sont renfoncées dans le massif que terminent ces petites niches, et il ne sort de ce massif que le couvercle


de chaque urne. Au-dessus de chacune de ces rangées sout des cartels à oreilles, qui portent les noms des personnages dont les cendres sont renfermées dans les urnes.

On voit ailleurs l’urne principale du chef de la famille occupant la niche du milieu, qui est ornée de pilastres portant un fronton. Cette urne étoit quelquefois d’un marbre précieux. Telle est la grande et belle urne d’albâtre trouvée dans le tombeau d’Auguste, qu’on croit avoir été celle de cet empereur, et qui orne aujourd’hui le Muséum du Vatican. Presque toutes ces urnes cinéraires sont de marbre, sont lisses, sans sculpture, et sans inscriptions, à la réserve de quelques-unes où on lit les deux lettres D. M. c’est-à-dire Diis Manibus, aux Dieux Manes.

Plus d’une matière servit toutefois à faire les urnes cinéraires. Dans le midi de la France, on trouve assez fréquemment des vases en verre d’une assez grande capacité, en forme d’urnes cinéraires, et qu’on présume avoir jadis renfermé des cendres.

Il paroît d’après les notions de l’histoire qu’on fit de ces urnes en or. Il en existe dans les recueils d’antiquité qui sont ne bronze. Enfin, sur ce point comme sur tous les autres, il y avoit des degrés proportionnés à toutes les fortunes, et l’on rencontre un assez grand nombre d’urnes cinéraires en terre cuite où le nom du potier est écrit soit sur l’anse, soit sur le fond.

L’urne funéraire entre encore dans les usages de la décoration moderne. On citeroit un nombre infini de mausolées où l’on a représenté des urnes de ce genre, tantôt isolées sur des cippes ou des colonnes, tantôt accompagnées de figures qui les portent, qui les enveloppent, ou qui paroissent les arroser de leurs larmes. L’urne, dans toutes ces compositions, n’est qu’un signe de convention, que souvent les artistes entendent assez mal pour en joindre la forme et l’idée, à l’idée et à la forme de sarcophage : ce qui est un double emploi évident, dans lequel un des deux objets doit nécessairement exclure l’autre. Là où la combustion des corps ne sauroit être d’usage, l’emploi d une urne dans les monumens funéraires, ne doit plus la faire considérer que comme un symbole auquel, vu le grand emploi qui fut sait autrefois de l’objet en réalité, on est convenu d’attacher toujours l’idée de funérailles et de mort.

USTRINUM. C’est le nom que les Romains donnoient à un lieu où l’on brûloit les corps morts.

Il paroît qu’il y en avoit de deux sortes, les uns destinés à l’usage de la combustion pour le public ; les autres, particuliers, faisant partie de quelque grand tombeau, et servant uniquement, autant qu’il est permis de le présumer, à brûler les morts qui avoient sait partie de la famille du maître de ce tombeau. Or, ce qu’on appeloit à Rome famille, comprenoit, à l’égard d’un grand personnage, jusqu’à plusieurs milliers d’individus. Il n’est point étonnant alors, que le tombeau destiné à un très-grand nombre d’individus ait eu son ustrinum particulier.

Strabon nom apprend que le tombeau d’Auguste avoit son ustrinum, où fut brûlé le corps de l’empereur. Il étoit enclavé dans l’enceinte qui environnoit le Mausoleum, et il avoit une forme circulaire.

Telle étoit, selon Winckelmann, la forme d’un ustrinum découvert dans les ruines de Velein. Le diamètre de cet espace est d’environ cent pieds, et son mur, bâti de grandes pierres de taille, a environ quatre pieds d’élévation.

C’est à peu près ainsi qu’est construit celui qui existe à Pompeia, et qui paroît avoir été l’urstrinum du tombeau qui lui est contigu. Son mur ne s’élève guère qu’à quatre ou cinq pieds, et, si l’on en croyoit l’état actuel, il auroit été couronné par de grands masques en terre cuite.

On trouve cependant, ou du moins on a cru trouver, des ustrimum dans des endroits tout-à-sait séparés des tombeaux. Tel est celui dont Fabreéti a sait mention, qui étoit isolé, et situé près de la voie Appienne, à cinq milles de Rome.

Il paroît qu’il y avoit à Rome deux ustrinum


distincts, l’un au Champ-de-Mars, l’antre aux Esquilies. Le premier auroit été pour les grands et les riches, le second pour les pauvres.

Au reste, il saut se garder de confondre, en ce genre, avec les ustrinum, qui ne dévoient pas être très-multipliés, les hypocaustes, ou fourneaux souterrains, qui existoient dans toutes les grandes maisons et dans une multitude d’autres édifices.

On doit aussi distinguer l’ustrinum du bûcher ou de la pyra. Quoiqu’on employât sans doute le bois à la combustion des corps, qu’on plaçoit sans doute sur ce ce que nous appellerions bûcher, cependant ce dernier mot, dans les usages de l’antiquité, présente non-seulement une idée à part, mais même une idée de monumens plus ou moins considérables. Au mot BUCHER, nous avions à peine effleuré les notions que ce sujet comporte ; le lecteur trouvera cette omission réparée à divers autres articles, tels que PYRA, où l’on a réuni les particularités propres au bûcher proprement dit ; mais c’est surtout à l’article MAUSOLÉE (voyez ce mot), que l’on a recueilli tout ce qui regarde le luxe et la magnificence des bûchers, considérés comme ayant été les types premiers et les modèles des plus grands mausolées.

VAC

VACHERIE. s. f. C'est dans la construction des fermes Une des partis de la répartition des basses cours, et des Locaux Qui constituant les Étables. Il ya de CES LOCAUX Qui Ont Chacun Leur nom, according le genre de bétail Qu’ils renferment. Le nom de vacherie Indique une quelle Espèce d’animaux Elle Est Destinée.

VAGUES, s. f. pl. Il y a dans l’ornement de l’architecture plus d’un objet, dont l’imitation assez arbitraire permet de douter de leur origine, et dont les noms donnent lieu à des étymologies qui ne sont que conjecturales. Ainsi l’on a nommé vagues, un ornement toujours répété, qu’on emploie dans des parties courantes, et dont la répétition qui en représente les objets, comme courant, si l’on peut dire, l’un après l’autre, les a sait appeler des postes. Il est certain que l’ondulation des vagues ressemble à la forme, comme à la disposition de cet ornement. De là quelques-uns ont conclu qu’il ne devoit être placé que dans les parties inférieures de l’architecture, ou des ouvrages auxquels un l’applique. On voit l’ornement dont on parle employé souvent sur les vases grecs peints appelés vulgairement étrusques, et il y est le plus souvent comme formant le banbeau sur lequel portent les figures. Cependant on le voit encore placé sur d’autres parties de ces vases. On le voit très-souvent servir de broderie aux étoffes des personnages. De même l’architecture l’emploie comme les méandres, et plusieurs autres objets, à beaucoup d’endroits élevés et en plus d’une partie. Dès-lors on ne sauroit tirer aucune induction vraisemblable de sa prétendue origine en faveur de l’emploi local qu’on en devroit faire.

VAISSEAU, s. m. Ce mot vient de l’italien vascello, dont l’étymologie est vase. La signification première de vaisseau est donc celle de vase, ustensile de quelque manière qu’il soit destiné à contenir des liquides.

C’est certainement par analogie et par l’effet d’une certaine ressemblance, comme mesure de capacité, qu’ayant considéré le bâtiment de bois propre à recevoir une charge quelconque, et à la transporter par eau, comme une sorte de vase, on lui a donné le nom qu’il porte.

C’est par suite de la même assimilation que l’on donne, dans l’architecture, le nom de vaisseau à un grand intérieur, soit salle, soit galerie, soit église, comparant cet intérieur à un vase dont la capacité peut contenir une grande multitude.

VALLUM (Hadriani). On donna dans l’anti-


quité ce nom, à une muraille que l’empereur Hadrien avoit sait élever en Angleterre, pour préserver les sujets romains, des incursions des peuples, ou des sauvages du nord. Cette muraille occupoit toute la largeur du l’île, depuis une mer jusqu’à l’autre, c’est-à-dire depuis le bord de la Tyne, au voisinage de New-Castle, jusqu’au bord de l’Eden, pris de Carlisle, dans le Cumberland, et de Carlisle jusqu’à la mer. Elle étoit haute de quinze pieds, et en quelques endroits large de neuf, comme on peut le voir par les débris qui restent. Elle contenoit environ cent milles de longueur, et étoit flanquée de tours, à la distance de mille pas les unes des autres. Il y eut encore en Angleterre d’autres murailles semblables, bâties par les Romains à diverse époques : celle qu’on appela Vallum Agicola étoit vers le nord. Celle qu’on nomme Vallum Antonini Pii, fut élevée contre l’invasion des Calédoniens, On connoît encore sous le nom de Vallum Severi, une muraille qui s’étendoit d’une mer à l’autre, entre les golfes aujourd’hui de Cluye et de Forth. Enfin, on cite le Vallum Stiliconis, que Stilicon fit bâtir, dans un espace d’environ quatre milles, pour comprimer l’invasion des Scots, qui descendoient de l’Ecosse, depuis l’embouchure du Darwent, jusqu’à celle de l’Elan.

Vanne, ES, s. f. (Terme d’architecture hydraulique. ) On appelle Ainsi de gros venteaux de bois de chêne, Qui se haussent et Qui se baissent Dans des coulisses, versez lâcher, ous versez Retenir les eaux D’une écluse, D’UN canal, D’UN étang.

Sur Nomme also vannes Les Deux cloisons D’UN batardeau.

Vantail. Voyez Ventail.

VANVITELLI.

Vanvitelli, un des plus grands architectes du dix-huitième siècle, et auteur du plus grand monument de ce siècle, naquit à Rome, en 1700, d’un père né à Utrecht en 1647, qui s’appeloit Gaspar van Witel, et qui s’étoit établi en Italie. Devenu en quelque sorte Italien, il ne put empêcher son nom de subir (ce qui est un effet assez ordinaire) la terminaison de la langue du pays qui l’avoit adopté. Gaspar van Witel étoit venu à Rome dès l’âge de dix-neuf ans, et s’y étoit perfectionné dans la peinture de paysage et d’architecture. Il avoit exercé son talent dans les principales villes d’Italie. Mais enfin domicilié à Rome où il fut reçu citoyen, et membre de l’Académie de Saint-Luc, il mourut, laissant à son fils le meilleur de tous les héritages, une tradition de bonnes leçons, de bons exemples, et une belle réputation à soutenir.

Le jeune Vanvitelli, dès six ans, manioit déjà le crayon, et dessinoit d’après nature. Peintre habile, et maître, à l’âge où l’on n’est ordinairement qu’élève, il n’avoit que vingt ans, lorsque le cardinal Aquaviva lui fit peindre à fresque, dans l’église de Sainte-Cécile, la chapelle des reliques, et à l’huile, le tableau de la sainte. Plus d’un ouvrage de ce genre le classoit déjà parmi les meilleurs peintres de son temps. Mais dès-lors un autre art partageoit ses hommages, et devoit s’emparer de tout son génie. Etudiant sous lvara l’architecture, il promettoit de surpasser bientôt son maître.

Aussi le cardinal de Saint-Clément n’hésita point de le conduire très-jeune encore à Urbin, pour restaurer le palais Albani. Là Vanvitelli fut chargé de construire les églises de Saint-François et de Saint-Dominique. On peut dire que son talent et sa réputation n’eurent point de jeunesse ; car à vingt-six ans il fut fait architecte de Saint-Pierre. Cette grande basilique étoit à la vérité terminée dans ses plus importantes parties. Mais sa décoration intérieure demandoit encore de très-importans travaux. De ce nombre étoient ceux des grandes mosaïques qui ornent ses chapelles, et y remplacent les tableaux dans des dimensions appropriées au local, et que la plupart des originaux n’avoient point. Vanvitelli en copia lui-même plusieurs pour être traduits en mosaïque.

Il participoit dès-lors à tous les grands travaux de son époque, soit en réalité, soit en projet. Associé à Nicolas Salvi dans la conduite des eaux qui devoient arriver à la fontaine de Trévi, il partagea ses fatigues. Lui-même, dans des mémoires écrits de sa main, et que conserve l’Académie de Saint-Luc à Rome, il nous apprend qu’il concourut volontairement avec beaucoup d’autres d’architectes au projet du grand portail de Saint-Jean-de-Latrun. Vingt-deux dessins surent exposés dans une salle du palais Quirinal au jugement des académiciens. Les projets de Vanvitelli et de Nicolas Salvi furent préférés. Mais le pape adjugea l’ouvrage à Galilei. Il confia à Salvi le grand ouvrage de la fontaine de Trévi, et à Vanvitelli les travaux d’Aucône. Ce dernier avoit présenté deux dessins de portail pour Saint-Jean-de-Latran, l’un avec un ordre unique de colonnes, l’autre composé de deux. Ce dernier avoit son ordre inférieur en colonnes corinthiennes isolées, celui de dessus étoit composite, avec frontispice, balustres, et de grandes statues.

Vanvitelli alla donc à Aucône, où il construisit un lazaret pentagone avec un bastion, un môle de trois cents palmes (romains) de longueur sur cinquante de profondeur, avec une belle entrée ou porte ornée de colonnes doriques. Il eut, sans


sortir de cette ville, à faire exécuter un grand nombre de projets soit de sa, composition, soit de restauration : par exemple, pour la chapelle des reliques de San Ciriaco, pour l’église du Jésus, pour celle de Saint-Augustin, pour la maison des exercices spirituels, à Macérata pour la chapelle de la Miséricorde, à Pérouse pour l’église et le monastère des Olivetains, à Pesaro pour celle de la Madelaine, à Foligno pour la cathédrale, à Sienne pour l’église de Saint-Augustin.

En 1745, il entreprit, dans un séjour qu’il fit à Milan, de donner un projet de frontispice, pour la cathédrale de cette ville. Ce projet avoit l’avantage d’offrir un parti d’architecture mitoyen entre le style antique et le style gothique, Rien ne pouvoit mieux s’assortir au caractère mixte du monument. Mais les circonstances politiques du temps ne permirent pas de donner suite à cet ouvrage, et le portail est encore en projet.

A Rome Vanvitelli, fit quelques augmentations à la bibliothèque du collège des Jésuites, et des restaurations à leur maison de Frascati appelée la Rufinella. Il composa une chapelle de la plus grande richesse, qui fut transportée et placée dans l’église des Jésuites à Lisbonne. Mais sa plus grande entreprise à Rome fut le couvent de Saint-Augustin, édifice des plus considérables, entre tous ceux de cette ville.

Ce fut lui qui exécuta la célèbre opération des cercles de fer, qui furent placés autour de la coupole de Saint-Pierre, dans l’intention d’arrêter le progrès des désunions ou lézardes qui s’y étoient manifestées, vers le commencement du dernier siècle. Lui-même il a laissé une description des moyens qui furent employés. L’expérience semble avoir prouvé depuis, que cette désunion, dont on s’alarma tant alors, avoit pu n’être qu’un effet assez naturel, ou de quelque négligence dans l’opération de la bâtisse, ou du retrait de la maçonnerie, et qu’elle ne provenoit d’aucun vice dépendant de la courbe de la voûte, attendu que les coupoles sphériques ne produisent aucune poussée, et l’on a conclu, que les cercles de fer étoient inutiles. Bottari a beaucoup combattu cette opération. Croyant que cette sorte de désunion devoit être le propre de toutes les coupoles, il en a inféré qu’il ne falloit point faire de coupoles. Question par trop étrangère à cet article.

Vanvitelli, dans les Mémoires déjà cités, se donne pour l’auteur du grand pont de charpente, dont on se servit à l’intérieur de la coupole de Saint-Pierre, pour remplir les intervalles opérés par les lézardes. Mais Bottari et Rome entière en attribuent l’envention à Zabaglia. Il y a encore entre ce dernier et Fontana un pareil conflit, sur une construction du même genre. Ce qu’on doit dire à ce sujet, c’est que sort naturellement il peut y avoir débat entre celui qui invente ce qu’il n’auroit peut-être pas pu exécuter, et celui qui exécute ce qu’il n’auroit peut-être pas imaginé.

D’autres ouvrages plus ou moins importans occupèrent encore Vanvitelli à Rome. De ce nombre furent les grandes décorations, qu’exigea, dans l’église de Saint-Pierre, la célébration de l’année sainte en 1750 ; l’illumination de la coupole pour laquelle il imagina un dessin nouveau ; des projets pour une canonisation, le catafalque de la reine d’Angleterre ; des dispositions ou exécutées ou projetées, pour la grande église de la Chartreuse, pratiquée dans les restes de construction des thermes de Dioclétien.

Sa réputation étoit parvenue à un tel point, que lorsque le roi de Naples Charles III (depuis roi d’Espagne) voulut élever à Caserte un palais, qui ne le cédât à aucun de ceux que les souverains de l’Europe ont construits, avec le plus de grandeur et de magnificence, il ne balança point à faire choix de Vanvitelli. Un tel choix méritoit de la part de l’architecte, des efforts proportionnés, et à l’honneur qu’il recevoit, et à l’importance de l’entreprise. On peut dire qu’il ne manqua ni à l’un, ni à l’autre du double engagement qu’il étoit censé contracter.

Rien de plus grand, comme ensemble un et complet, n’existe en Europe. Le seizième siècle a produit, quoique dans des masses moins considérables, des palais d’un caractère d’architecture plus sévère, plus grandiose, plus empreint du style de l’antiquité, plus riches en détails classiques, et d’une plus haute harmonie. Cependant il fut heureux pour le palais de Caserte, d’avoir été construit à celle époque du dix-hui-tième siècle, où, de toute part, le goût, désabusé des caprices et des innovations stériles du siècle précédent, étoit rentré dans les voies de l’ordre, de la raison et de la simplicité, cause première de toute beauté dans l’art de bâtir.

On doit déjà rendre justice à l’imité comme à la régularité du vaste plan de ce palais, dont la masse s’élève sur une superficie de 950 palmes (napolitains) en longueur et de 700 palmes en largeur. Il ne saut pas oublier encore de comprendre dans l’étendue de son ensemble la grande place elliptique, à laquelle il se rattache par deux petits corps avancés. Cette place, à laquelle aboutissent cinq avenues, est environnée de bâtimens destinés aux logemens tant de service que des gardes à pied et à cheval, avec toutes leurs dépendance.

Le plan général du palais, proprement dit, est, comme ses mesures l’ont déjà fait voir, un carré long, divisé, en quatre grandes cours toutes égales entr’elles, par quatre corps de bâtimens qui sout la croix. Ainsi chaque cour est comme un palais tout entier. On aperçoit dès-lors, quelle prodigieuse étendue auroit cet ensemble, si au lieu d’être ainsi ramassé et multiplié dans un quadruple carré, il se développoit, comme


on l’a pratiqués ailleurs, sur une seule ligne. Mais il est tout aussi facile de comprendre l’avantage que le service intérieur de ce grand palais doit retirer d’une composition qui, rapprochant ainsi entr’elles, et subordonnant à un plan uniforme, les diverses parties du tout, réunit par une circulation facile et régulière les services multipliés d’une habitation royale.

Le palais de Caserte a sur tous les grands édifices du même genre, une supériorité incontestable, c’est la parfaite unité que son plan a inspirée. Cette, qualité, il faut l’entendre sous ses deux principaux rapports, savoir l’unité de conception, et l’unité d’exécution.

Et pour parler d’abord de cette dernière, on sait assez combien il est rare qu’une vaste entreprise n’éprouve point de ces interruptions, qui amènent ou une succession d’architectes jaloux de mettre du leur dans l’ouvrage d’autrui, ou des changemens de maîtres accessibles à de nouvelles idées, ou des révolutions de goût, dont l’effet a toujours été de porter les hommes à plaindre le passé et à vanter le prétent. L’ouvrage de Vanvitelli a échappé à ces divers contre-temps. L’architecte eut le bonheur d’exécuter lui seul toute sa construction, dans le cours d’un petit nombre d’années. Aussi le tout semble-t-il avoir été comme coulé d’un seul jet. Nulle addition, nulle correction, nulle modification n’en a altéré, ni dans l’ensemble, ni dans les détails, le projet originaire.

L’unité de conception n’y est pas moins remarquable soit dans le plan, soit dans l’élévation. Il faudroit pouvoir rendre compte ici de ce qui ne peut être saisi que par la vue, sur les plans des trois étages de ce palais, pour faire voir, comment tout ayant été conçu et coordonné, dans toutes les parties de ses nombreuses dépendances, il ne fut jamais nécessaire d’y opérer le moindre changement.

On ne sauroit imaginer plus d’accord entre la distribution du plan, et la disposition des élévations. Sur un soubassement qui comprend l’étage à rez-de-chaussée, et au-dessus un petit étage de service, que nous appelons entresol, s’élève une ordonnance ionique, en colonnes, dans les deux espèces d’avant-corps de chaque extrémité, et dans celui du milieu, mais en pilastres dans tout le reste (on parle de la façade sur le jardin), deux rangs de fenêtres avec leurs chambranles occupent la hauteur des entre-colonnemens. Le tout se termine par un entablement continu dans la frise duquel sont pratiquées de petites ouvertures de Mezzanino. Une balustrade ornée de statues règne dans tout le pourtour. Les deux espères d’avant-corps dont on a parlé aux extrémités de chaque façade, supportent chacun un pavillon carré à deux étages, avec colonnes et pilastres d’ordre corinthien. L’espèce d’avant-corps du milieu est couronnée de chaque côté par une coupole circulaire. Pareille ordonnance pour la façade d’entrée, moins les pilastres entre les fenêtres, et pareille répétition dans les deux façades latérales.

Trois portes dans les deux grandes façade forment les entrées du palais. Celle du milieu introduit dans un vestibule circulaire, suivi d’un autre portique en longueur qui aboutit au centre, où se trouve un vaste et magnifique escalier construit tout en marbre. Les deux autres portes, destinées particulièrement au passade des voitures, donnent entrée de chaque côté, dans l’intérieur d’une première cour, d’où une porte et un portique orné de niches, et passant sous le grand corps de bâtiment transversal, conduit de l’un et de l’autre côté à une cour toute semblable. Ces quatre cours ont leur rez-de-chaussée en arcades, et la communication entr’elles est établie par les percées de la traverse qui forme la croix dans le plan général.

On feroit un long ouvrage de la description des principaux détails du palais de Caserte ; nous nous contenterons d’une simple mention des objets les plus remarquables do son intérieur. Ce qui frappe surtout les yeux, c’est le magnifique vestibule, orné de colonnes en marbre de Sicile, et formant le centre des quatre branches de la croix intérieure qui constitue les quatre cours ; c’est l’escalier tout en incrustations et en colonnes de marbre qui, du centre dont on vient de parler, produit l’aspect le plus riche, et le plus pittoresque ; c’est la chapelle avec ses colonnes corinthiennes de marbre sur leurs piédestaux, et où la richesse de l’art le dispute au luxe des matières ; c’est la grandeur et la noble distribution des appartemens, des galeries et des salles de tout genre.

Quant au goût d’architecture, on a déjà fait entendre que, s’il ne s’y trouve rien que l’artiste puisse reconnoître comme modèle classique, on n’y rencontre rien non plus qui soit capable de déparer un aussi grand monument. Rien dans le fait à reprendre aux profils des entablemens : aucun ressaut n’interrompt la grandeur de leurs lignes. Nulle part de ces ornemens capricieux que le goût et la raison s’accordent à condamner. Les proportions des ordres y sont régulières. Les fenêtres ont généralement leurs chambranles d’une bonne forme. Tous les rapports y sont judicieusement combinés. Partout règne une véritable eurythmie qui satisfait l’esprit et les yeux. On aime encore à y priser un caractère de sobriété dans la décoration qui laisse bien triompher les masses, une pureté d’exécution remarquable, un choix et un emploi soigné des moyens de construction.

On ne sauroit quitter le palais de Caserte sans faire mention d’un autre grand ouvrage, qui en est, si l’on peut dire, une dépendance, l’aquéduc construit par Vanvitelli pour conduire des eaux abondantes à ce palais. Ici notre architecte eut


encore le privilège d’élever la construction la plus importante de toutes les entreprises modernes en ce genre, et de la conduire à sa fin.

Les travaux souterrains de cet aquéduc sont aussi considérables que les constructions extérieures, mais les difficultés en furent beaucoup plus grandes. Les eaux parcourent, avant d’arriver à leur terme, un espace qu’un évalue à neuf lieues ; les sources où l’on est allé les chercher sont à douze milles au levant de Caserte. Il a fallu percer cinq sois des montagnes, la première sois sur un espace de 1100 toises dans le tuf ; la seconde sur un espace de 950 toises ; la troisième dans de la terre grasse, et ensuite dans un roc vis sur une longueur de 350 toises ; enfin dans la montagne de Caserte sur 250 toises. Trois sois il fallut faire traverser au conduit des vallées sur des ponts, le premier de trois arches au pied du Taburno ; le second dans la vallée de Durazzano, formé par trois arcades sort exhaussées ; enfin, vers le mont appelé di Garzano, l’aquéduc traverse une vallée où a été exécuté le plus grand travail, c’est-à-dire un pont à trois étages, de 1618 pieds de long et de 178 de hauteur. Ce dernier ouvrage peut le disputer à ceux des Romains.

Le premier rang (celui d’en bas) a dix-neuf arcades, le second vingt-sept, le plus haut quarante-trois. Les piles des arches inférieures ont 32 pieds d’épaisseur en bas et 18 en haut. Elles sont hautes de 44 pieds, celles de l’étage au-dessus ont de hauteur 53 pieds. La hauteur totale est de 178 pieds.

Toute cette construction est de tuf, ou de pierre tendre entremêlée de rangées de briques. Les piliers sont renforcés par des contreforts qui donnent une grande consistance à l’ouvrage, mais qui ne laissent pas d’en déparer l’aspect. On seroit tenté d’en blâmer l’emploi, si l’on ne pensoit, qu’en de tels travaux, la considération de la solidité doit passer avant toute autre.

L’aquéduc dans sa longueur totale a 21133 toises. La pente du conduit est d’un pied sur 4800 pieds. La quantité d’eau est de 3 pieds 8 pouces de large sur 2 pieds 5 pouces de hauteur. Le réservoir ou château d’eau auquel cet aquéduc aboutit sur la montagne au nord de Caserte est à 1600 toises du palais, et a 400 pieds au-dessus du niveau de sa cour. Cet aquéduc fut achevé au commencement de l’année 1759, et l’on n’employa que six ans à sa construction. L’introduction des eaux y eut lieu le 17 mai 1764. Au moment où on leur ouvrit le passage du côté de la source, des coups de canon en donnèrent l’avis à ceux qui se tenoient du côté opposé où les eaux dévoient déboucher. Vanvitelli, d’après ses calculs, avoit annoncé au roi que l’eau mettroit quatre heures à faire le chemin. Aussitôt que ce temps fut écoulé, le roi, la montre à la main, en avertit Vanvitelli. Quelques minutes s’étant passées et l’eau n’arrivant point, le roi fit remarquer de nouveau ce retard. Mais à peine cette seconde remarque commençoit-elle à inquiéter l’architecte, que des torrens d’eau débouchèrent avec un bruit épouvantable. Le bruit des applaudissemens s’y mêla, et le roi embrassa Vanvitelli.

La direction d’aussi grandes entreprises n’empêcha point Vanvitelli de donner encore de son temps et de ses soins, à d’autres ouvrages, qui auroient pu occuper tout le temps et exiger les soins d’un artiste tout entier. On cite un assez grand nombre de compositions dont il donna les dessins ou suivit l’exécution à Naples et en d’autres villes.

Il construisit à Naples, au pont de la Magdelaine, la caserne de cavalerie, édifice d’un goût sévère, et conforme à sa destination, soit par son caractère extérieur, soit par la commodité de ses distributions internes.

On lui attribue la salle de la sacristie, et la chapelle de la Conception à San Luigi di Palazzo.

De lui est la colonnade dorique de la place qu’on appelle Largo di Spirito Santo, pour la statue équestre de Charles III, roi d’Espagne.

De lui sont les églises de San Marcellino, de la Rotonde, de l’Annonciade.

De lui la façade du palais de Genzano à Fontana Medina ; de lui la grande porte, l’escalier, et l’achèvement du palais Calabritto à Chiaia.

Il y a de lui des ouvrages à Resina, à Matalane, à Bénévent, et on met sous son nom à Brescia la grande salle publique, à Milan le nouveau palais archiducal.

Chargé à Naples de la décoration de toutes les fêtes publiques, il soutint dignement sa réputation par des compositions analogues à chaque objet.

Heureux dans toutes ses entreprises, il n’essuya qu’une seule disgrace, et ce fut à Rome où il étoit né, et où il devoit mourir. Nous lisons dans Milizia que pour restaurer l’aquéduc de l’Aqua felice près de Pantano, il avoit évalué à deux mille écus romains la dépense de l’ouvrage ; mais elle passa vingt-deux mille écus. Il fut condamné à en payer cinq mille de ses deniers.

Vanvitelli fut un homme d’un caractère honnête et doux, d’une humeur facile dans les rapports qu’il avoit avec tous ceux qu’il devoit conduire. Dessinateur infatigable, il ne pouvoit vivre que dans l’étude et le travail. Savant en tout ce qui tient à la pratique et au mécanisme de l’art, il n’eut pas moins d’habileté en toutes les parties de la distribution, de l’ordonnance et de la décoration. Doué d’un bon jugement et d’un goût sûr, il eut le mérite de se préserver des écarts de l’école vicieuse qui l’avoit précédé. Porté aux grandes entreprises, on peut dire qu’il voyoit grandement, et on doit le regarder comme ayant contribué en Italie h désabuser les yeux et les esprits des fausses manières qui régnoient encore de son temps. La postérité l’a placé sans aucune


contestation au premier rang des architectes de son époque. Peut-être par son palais de Caserte, a-t-il marqué aussi dans son pays le dernier terme des grandes entreprises propres à éveiller le génie d’un art, qui ne peut être encouragé que par les causes politiques, par des mœurs propices, par la richesse et le luxe des états.

VARIÉTÉ, s. f. C’est dans les ouvrages des arts une qualité, que la théorie ne sauroit guère définir et bien faire comprendre, qu’en en rapprochant la notion, soit de celle qui est son contraire, c’est-à-dire l’uniformité, entendue comme abus de l’unité, soit de celle qui passe trop souvent pour être son synonyme, la diversité.

L’unité, qualité première de tous les ouvrages des arts, nous l’avons assez expliquée à son article (voyez UNITÉ), est ce qui fait un tout des parties dont l’ouvrage se compose. C’est elle qui, par la liaison qu’elle établit entre ces parties, comme la nature le fait à l’égard des êtres organisés, donne à l’esprit et aux yeux le plaisir de comprendre facilement, de voir clairement, et de saisir sans effort le but que l’artiste s’est proposé, les raisons qui l’ont déterminé dans l’emploi de ses moyens, enfin, de juger du mérite de toute invention.

Mais cette qualité, qu’on appelle unité, a, si l’on peut dire, de chaque côté un écueil qu’elle doit éviter, et contre lequel vienueut trop souvent échouer les auteurs et les artistes.

Rien de plus facile que de tomber de l’unité dans l’uniformité. Or, voici l’effet de celle-ci. Dans la crainte que l’esprit et les yeux n’éprouvent trop de peine et d’embarras à voir et à juger, l’uniformité va établir partout l’identité, la similitude symétrique, la répétition complète de toutes les parties, de tous leurs détails, de toutes les formes, en sorte que le tout pouvaut être vu dans une partie, il ne reste aucun travail pour l’esprit et pour les yeux. Mais notre esprit, s’il se refuse à jouir de ce qui lui offre difficulté, embarras, complication, s’il suit la fatigue, il n’est pas moins ennemi de la langueur d’un repos trop continu. Il veut de l’action et du mouvement dans une certaine mesure, et le repos ne lui plaît aussi qu’autant qu’il n’est pas forcé. C’est entre l’activité de la fatigue et l’inertie de l’ennui, ne se trouve le point milieu, qui est le secret dans chaque art, des jouissances que chacun peut procurer à notre ame.

Si l’on abuse du raisonnement pour restreindre par trop la notion de l’unité, jusqu’à la faire approcher de celle de l’unisson, on réduira tout art, et tout ouvrage d’art, à cette nullité de moyens, à ce néant d’effet, qui ne laisseront plus à l’ame aucune prise pour y exercer son activité, et la rendront tout-à-fait inutile. Comme le plaisir de l’ame, dans les objets qu’on lui présente, est de les rapprocher et de les comparer, Elle n’a plus rien à faire, là où il n’y a lieu ni à comparaison, ni à rapprochement.

L’uniformité donc, telle que nous l’entendons ici, loin de ressembler à l’unité en diffère totalement. L’ame aime et veut l’unité, parce qu’elle veut, avant tout, que ce qu’on lui présente à voir et à entendre, puisse être entendu et vu assez distinctement, pour qu’elle en saisisse, sans trop de peine, les rapports. C’est que le désordre et la confusion sont pour elle un objet de fatigue ; c’est que la simplicité, compagne ordinaire de l’unité (voyez SIMPLICITÉ), lui rend facile, par l’ordre établi dans les objets, l’action de les discerner, de les comparer et de les juger.

Mais cela signifie-t-il que l’ame ne demande, par exemple, à la peinture, que des figures rangées sur une ligne droite ; à l’architecture, qu’une façade sans division et sans détails ; à l’art de l’orateur, qu’un discours sans mouvemens ; à l’art du chant, que des accords à l’unisson ; au poète, qu’un drame sans action, des récits sans fiction, des compositions sans épisodes ? Non sans doute : l’ame appelle au contraire la variété à l’aide de l’unité. La variété est pour elle, comme au physique, l’assaisonnement est ce qui éveille et soutient l’appétit.

Si la variété se laisse définir par le sentiment, lorsqu’on en rapproche la notion de celle de l’uniformité, qui est son contraire, elle trouve aussi une explication non moins sensible dans la différence de signification et d’idée, qu’on doit attacher au mot diversité, employé trop souvent comme synonyme de variété. Il ne sauroit être ici question d’une exactitude grammaticale dans l’appréciation des deux termes. Je dirai cependant que diversité me paroît s’appliquer plus particulièrement à ce qui regarde le genre, et variété à ce qui regarde l’espèce. Diversité exprime l’idée d’une différence marquée entre deux objets, entre deux actions, entre deux idées ; variété n’exprime que des nuances ou des dissemblances légères. On dit la diversité des couleurs, des climats, des caractères, des nations, des mœurs. Le mot variété indiquera les teintes de la même couleur, les irrégularités d’un même climat, les inégalités d’un caractère, les disparités qui se rencontrent dans les habitudes d’une même nation, dans les goûts d’un même homme ; on dira la diversité des croyances, et la variété des opinions.

Si cela est, la diversité est beaucoup moins propre que la variété, à entrer dans les tempéramens qui sont compatibles avec l’unité.

Ces tempéramens doivent être tels, que sans altérer le principe de l’unité, ils l’empêchent seulement de tomber dans l’uniformité. Ainsi, la variété n’ira jamais jusqu’à s’attaquer au fond des choses, aux bases de l’invention, aux formes principales d’un ouvrage, aux lois qui en régissent on en règlent la composition et l’ordonnance


générale. Non ; mais quand ces grands objets ont été déterminés selon les intérêts de l’unité, la variété intervient dans tous les détails, elle introduit dans le parti général de la composition, dans les masses de son ensemble, des modifications de formes, d’effet, de dessin, de caractère, qui font que, sans changer ni le plan, ni le motif, ni l’intention de l’ouvrage principal, elles lui donnent un attrait nouveau, elles excitent l’esprit et les yeux à s’arrêter sur des objets qui, tout à la fois, sont et ne sont pas les mêmes. La variété multiplie ainsi les créations de l’art, comme le fait la nature, qui, d’un type toujours semblable, sait sortir une infinité de dissemblances.

Telle est l’idée de la variété que nous donnent, en tout genre, les œuvres des grands maîtres. Par exemple, rien en peinture, ne concourt plus à produire l’unité de composition de certains sujets, qu’une certaine affectation de symétrie entre les masses correspondantes des deux côtés d’un tableau. Raphaël a souvent usé de ce procédé, et quelques critiques ont remarqué que cette espèce de symétrie est agréable au spectateur, parce qu’offrant, si l’on peut dire, comme un tout en deux parties égales, elle facilite à l’esprit et aux yeux le moyen d’en embrasser la conception, et de jouir de sa totalité. C’est le même effet que nous demandons à tout édifice, qui, sons peine de duplicité, est tenu d’observer une symétrie, laquelle répète, en général, d’un côté de son élévation, le dessin de l’autre côté. Cependant Raphaël, dans son unité, jusqu’à un certain point symétrique de composition, a su éviter l’abus de l’uniformité. S’il en existe l’apparence dans le parti général de la masse, il en a très-habilement prévenu le désagrément, par une savante et ingénieuse variété de lignes, de formes, d’attitudes, de groupes, d’ajustemens et de motifs, d’où résulte encore, pour l’esprit et les yeux, le plaisir particulier qu’où éprouve à voir sortir une beauté, de ce qui auroit pu produire un défaut.

Comme la variété fait le charme de l’unité, il faut reconnoître que, sans le principe de l’unité, la variété n’auroit pas lieu. Ce sont deux qualités corrélatives, dont l’une n’existe que sous la condition de l’autre ; et c’est ce qui fait bien distinguer la variété de la diversité, dont le corrélatif est l’uniformité : ce qui signifie qu’elles sont deux défauts contraires. Aussi n’opposons-nous pas la variété en elle-même à l’uniformité nous la considérons comme en étant moins le contraire que le correctif.

L’architecture est peut-être de tous les arts celui que la nature des choses porte le plus à l’uniformité, et à son article (voyez UNIFORMITÉ), nous avons même prétendu que ce mot comportant deux sens différens, l’un qui est l’expression d’un défaut (comme abus ou excès de l’unité) ; l’autre qui ne signifie qu’une identité naturelle entre les formes de quelques ouvrages, l’architecture ne pouvoit point se passer de cette dernière sorte d’uniformité. Cependant, plus on reconnoît cette condition de l’existence de cet art, plus on est forcé d’avouer le besoin qu’il a, comme les autres, et à cause de cela même plus que d’autres, d’introduire la variété dans ses ouvrages.

Ainsi, l’architecte, jusque dans l’uniformité nécessaire des masses symétriques d’une façade de bâtiment, y saura encore faire entrer quelque variété, au moyen de certains mouvemens dans les lignes, dans les saillies, dans les combinaisons de leurs détails. Il saura corriger le trop d’uniformité d’un plan, par certaines oppositions de rapports entre les parties, oppositions qui sont un artifice de l’art, pour déguiser une symétrie trop sensible. Il saura ménager, contre l’uniformité obligée des principales parties de son élévation, des variétés, par le mélange ingénieux des pleins et des vides ; des parties lisses ou travaillées, par une succession de richesses et de repos, par l’emploi des différent caractères des ordres. Mais l’application variable à l’infini de tous les objets de décorations et d’ornemens, de toutes les matières plus ou moins riches, de toutes les couleurs, de toutes les substances dont l’art dispose, lui donnera des ressources sans nombre, qui, sans rompre l’unité de l’ensemble, en feront au contraire valoir d’autant plus l’effet.

Car il faut le répéter, la variété n’est le contraire, ou l’ennemie, que de l’uniformité, qui est l’abus de l’unité ; elle sert au contraire l’unité, qui sans elle tomberoit dans celle sorte d’uniformité, qui en théorie est synonyme de monotonie.

VASARI (GEORGES), né à Arezzo en 1512, mort en 1574.

Trois genres de talent et de mérite, dont un seul eût suffi pour faire la réputation de Georges Vasari, ont recommandé son nom et sa mémoire aux éloges de la postérité, Peintre, architecte et écrivain biographe, il pourroît, sous chacun de ces titres, fournir la matière d’une notice assez abondante. Nous resserrerons dans le plus court espace qu’il sera possible, les renseignemens étrangers à l’art de l’architecture, le seul sous lequel il appartienne à notre ouvrage de le considérer.

Dans sa vie écrite par lui-même, et qui termine la série de toutes les vies des célèbres peintres, sculpteurs et architectes, connus de son temps, Vasari s’est étendu avec le plus grand détail sur ses propres travaux en peinture. Le nombre en est incroyable, et certainement aucun peintre n’eut plus de facilité, ne fut doué d’un esprit plus fécond, et d’une plus grande rapidité d’exécution. A peine peut-on citer l’école où il puisa les leçons de la peinture. Après en avoir


reçu les premiers élémens chez un maître obscur, on le voit étudier de lui-même les ouvrages de quelques maîtres célèbres, on le voit apprendre à mesure qu’il fait, et faire à mesure qu’il apprend. Il va de ville en ville, de pays en pays, accepte tous les ouvrages qu’on lui présente, s’enhardit peu à peu à de plus grandes entreprises, trouve dans les ducs de Toscane des protecteurs, n’en courtise aucun, et sait se rendre tour à tour indépendant sans orgueil, el dépendant sans bassesse. Il va plusieurs fois à Rome, il y connoît Michel-Ange, dont il ne fut réellement point élève, autrement que pour avoir dessiné d’après quelques-unes de ses productions. Dans la vérité, Vasari ne fut ni le disciple ni l’imitateur de personne, ou ne sauroit même dire à quelle école il tient particulièrement. Peut-être n’a-t-il ni les défauts ni les beautés d’aucune. Il se fit une matière à lui, manière libre, expéditive, et dont le goût, tenant un peu de tout, ne fait aucune impression ; en sorte qu’on ne le cite jamais, qu’on ne l’a jamais ni blâmé ni loué, et qu’il est tout-à-fait hors du cercle de ces maîtres, auxquels les générations suivantes ont, dans un genre ou dans un autre, demandé des leçons et des modèles. Il pratiqua tous les genres et tous les procédés de peinture, et dans tous il paroît avoir porté une facilité de composition et d’exécution, qui seule peut expliquer la multitude incroyable d’ouvrages qu’il a produits. Dans l’impossibilité de les dénombrer, on se contentera d’appeler les souvenirs du lecteur, sur les peintures de la chancellerie et de la Sala regia du Vatican à Rome, et sur les vastes compositions des voûtes de la grande salle du Palazzo Vechio à Florence.

Lorsque de tels et de si grands ouvrages n’ont pu faire surnager la réputation d’un peintre, au-dessus de celles de ses contemporains ; lorsqu’ils n’ont pu placer son nom dans le petit nombre de noms célèbres, que tous les âges répètent, et transmettent aux éloges des âges suivans, il faut bien qu’il y ait une cause, que la critique du goût doit rechercher. Cette cause nous n’avons ici ni le moyen, ni le temps de la développer, et une telle discussion nous éloigneroit trop du but d’un article, où Vasari ne doit paroître que sous le titre d’architecte. En deux mots, on hasardera de dire que Vasari, comme peintre, ne se recommande, dans le fait, par aucune qualité spéciale, qu’il n’eut ni l’expression, le sentiment de vérité et de noblesse de l’école de Raphaël, ni le savoir et la hardiesse de dessin de l’école de Michel-Ange, ni la pureté et la grace de Léonard de Vinci, ni le charme de la couleur vénitienne, et qu’il fut avec les Zuccheri, un des peintres qui précipitèrent alors la peinture dans les écarts d’un mauvais goût, comprimé d’abord par l’école des Carrache, mais qu’un voit reparoître enfin avec plus de hardiesse, vers le milieu du dix-septième siècle.

Comme architecte, Vasari nous paroît mériter d’être cité, sinon parmi les premiers maîtres de cet art, et ceux dont un génie particulier a rendu les productions classiques, du moins entre les hommes ingénieux et habiles qui, sans s’écarter du bon goût, ont su connoître et mettre en œuvre des ressources que l’artiste doit souvent à son esprit, plutôt qu’à l’étude. Dans cet art, Vasari eut encore moins de maîtres qu’en peinture. Lui-même nous apprend nue pour se rendre de plus en plus utile au duc Alexandre de Médicis, qui s’occupoit beaucoup de fortifications, il se mit à étudier la construction et à faire des études d’architecture. L’entrée à Florence de Charles-Quint en 1536 lui fournit bientôt l’occasion de travailler avec Tribolo aux dessins d’arcs de triomphe et de décorations, qui furent commandés pour la réception de l’empereur. Deux ans après, Vasari étoit à Rome pour la seconde fois. Là il passa tout son temps (nous dit-il) à dessiner tout ce qu’il avoit omis dans son premier voyage, et en particulier les objets que la terre receloit sous les ruines de l’antique Rome. Il ne négligea aucun ouvrage d’architecture ou de sculpture, et le nombre des dessins qu’il fit alors monta à plus de trois cents. Voilà d’après son propre récit à quoi se bornèrent ses études en architecture.

L’élévation à la chaire de Saint-Pierre du cardinal di Monte sous le nom de Jules III, donna à Vasari l’occasion d’entreprendre un véritable ouvrage d’architecture. Le cardinal, passant par Florence pour se rendre au conclave, pronostiqua qu’il seroit pape, et engagea Vasari, si sa prédiction se réalisoit, à venir le trouver à Rome. Vasari n’eut pas plus tôt appris l’exaltation du nouveau pontife, qu’il se rappela l’invitation et se hâta d’y répondre. Le pape l’accueillit de nouveau, et lui ordonna la construction de cette maison de campagne, située hors de la porte del Popola, dont on appelle aujourd’hui les restes, Vigna di Papa Giulio. Vasari en fut le premier architecte, et il paroît que la plus grande difficulté qu’il y éprouva, fut de satisfaire à tous les caprices du pape, qui ne savoit à quoi fixer ses idées. Plus d’un architecte y succéda à Vasari. Vignola fut celui qui poussa le plus loin cet édifice. Il paroît qu’il n’y reste plus du premier ordonnateur que la grotte ou fontaine souterraine, au-dessus de laquelle Ammanati construisit une fort belle loggia. De toutes les dépenses du pape, et des travaux de tant d’habiles architectes, il ne subsiste plus guère aujourd’hui qu’une espèce de ruine, où l’ou va encore avec plaisir chercher des détails de goût, et de précieux vestiges de la belle manière du seizième siècle.

Vasari revint bientôt à Florence, où de plus importantes entreprises alloient lui offrir de plus heureuses occasions de montrer son talent en architecture.

De ce nombre fut, sans aucun doute, celle du


grand édifice appelé encore aujourd’hui gli Uffizi, quoique, par un heureux changement de destination, il soit devenu spécialement le Muséum d’arts, nu ce qu’on appelle maintenant la Galerie de Florence. Nous ne parlerons pas ici de l’heureuse distribution de ce magnifique local, certainement le plus beau et le mieux accommodé qu’il y ait à son emploi. Nous bornant à l’extérieur de ce monument, nous dirons que Vasari s’y montra architecte, ingénieur et constructeur habile.

Cet édifice, composé de deux ailes parallèles de 210 pas de longueur, réunies à leur extrémité, sur le quai qui horde l’Arno, par un corps de bâtiment qui les rattache, dans une longueur de 70 pas, forme une sorte de cour environnée dans ses trois côtés de portiques, dans lesquels Vasari a, peut-être pour quelques raisons de solidité, adopté un parti d’ordonnance un peu compliqué. Au-dessus de ces portiques règne un attique que surmonte un étage de grandes fenêtres cintrées. Quoique toute cette composition ne soit point un modèle de pureté, on ne peut s’empêcher d’y admirer un assez bel accord, et généralement un parti aussi heureusement conçu que bien exécuté. Les détails que Ruggiei en a donnés dans sa Scelta d’architetture di Fiorenza, sont généralement purs et corrects, si l’on excepte quelques caprices d’ornemens de portes, en place de frontons, qui étoient devenus comme une mode au temps de Michel-Ange.

Un des plus grands travaux de Vasari, et qui l’occupa le plus long-temps, fut la refonte qu’il fit de tout l’intérieur du Palazzo Vechio. Cet énorme bâtiment avoit été, de siècle en siècle, modifié, rajusté sans plan, sans ordre, ni méthode, au gré de toutes sortes de besoins et de sujétions. Le grand-duc voulut enfin réordonner tous ces élémens, et il chargea Vasari de lui faire les plans d’une restauration entière de cet intérieur, et d’après ce plan un modèle en bois, qui mît à même de bien apprécier la nouvelle distribution. Le grand-duc approuva le projet et ordonna de mettre la main à l’œuvre.

Il faut lire dans les détails qu’en a donnés Vasari, quel prodigieux travail exigea cette grande restauration. L’intérieur fut entièrement changé pour la construction et la disposition. A la confusion et au désordre de toutes les parties que le hasard y avoit créées, an vît succéder un bel escalier, une série de grandes et belles salles, de cabinets, de chambres, de galeries, avec une chapelle, enfin avec toutes les commodités que les changemens survenus dans les mœurs y avoient rendues nécessaires ; toutes choses dont la description, très-difficile à rendre claire en récit, alongeroit fort inutilement cet article.

Ce qui nous paroît digne d’être observé dans ce grand travail de Vasari, c’est le soin qu’il prit, comme architecte à la fois et comme peintre, d’affecter à chacune des pièces de sa distribution, un motif de décoration historique ou allégorique en rapport avec leur destination. Ainsi les appartemens du grand-duc se composèrent, dans la série de chacune de leurs pièces, de la suite de chacune des histoires de ses illustres prédécesseurs. Chacune porta le nom de chacun d’eux, à partir de Cosme l’ancien, dont on voyoit retracées par la peinture les actions les plus mémorables. On y avoit ajouté les portraits de ses meilleurs amis, de ses dévoués serviteurs et de tous ses enfans. Chacun des Médicis y avoit ainsi une pièce consacrée à son honneur, jusqu’à Léon X, Clément VII, et Jean de Médicis, père du duc régnant. Pareil système fut suivi par Vasari dans les appartemens de la duchesse Eléonore ; chacune des pièces reçut pour sujet de décoration, l’histoire de quelqu’une des femmes les plus célèbres des siècles anciens ou modernes.

Il faut, en s’étonnant de la fécondité de l’artiste, et du beau choix de semblables idées, regretter, qu’un talent plus consommé, un goût plus pur, et une manière de peindre plus élevée, n’aient pas donné à d’aussi grands ouvrages, ce mérite classique, qui en auroit propagé la renommée dans toute l’Europe. C’est le sentiment qu’on éprouve surtout à la vue de cette grande salle, où le pinceau de Vasaris’exerça avec une inconcevable liberté : monument prodigieux de composition décorative, qu’on peut voir avec étonnement, mais dont on ne reçoit pas d’autre impression, et dont on ne garde aucun souvenir.

Vasari fut récompensé de ces travaux par le prince, avec une générosité qui égala la grandeur de l’entreprise, et l’activité avec laquelle elle fut exécutée. Outre les sommes et les présens dont il fut payé, il reçut encore en dons plusieurs maisons de ville et de campagne. Il fut honoré à Arezzo sa patrie de la charge suprême de gonfalonier, et d’autres emplois encore, avec la liberté de s’y faire remplacer par quelqu’autre citoyen de la ville. Tous ses parens furent comblés de faveurs et de libéralités.

Nous voudrions pouvoir parler ici avec plus de détail de deux monumens d’architecture, dont il a parlé lui-même avec trop de brièveté. On s’accorde toutefois à faire l’éloge du palais et de l’église qu’il construisit à Pise, pour les chevaliers de Saint-Etienne. On vante aussi à Pistoia, une belle coupole bâtie sur ses dessins ; c’est celle qu’on appelle de la Madona deli’Umilta.

Vasari s’étoit construit pour lui-même une maison à Arezzo, où il alloit se reposer quelquefois pendant l’été. Mais se reposer étoit, pour lui, changer de travaux. Il se plut donc d’orner à diverses reprises l’habitation qu’il s’étoit faite ; il en peignit l’intérieur et l’extérieur. Toujours porté vers les sujets poétiques et allégoriques, il décora le plafond de la grande salle, des images des douze grands dieux. Entr’autres sujets il imagina de personnifier toutes les villes, et tous les pays, où


il avoit exercé son art ; et il les figura, comme apportant leurs tributs et leurs offrandes, entendant signifier par là, que les bénéfices qu’il y avoit faits, à l’aide de son pinceau, a voient contribué à la dépense de cette construction.

Quel que soit le degré de mérite et de talent que cet artiste ait possédé, et à quelque point que ses nombreux travaux aient pu porter la renommée de son nom, nous croyons que son titre le plus assuré à une gloire durable, reposera toujours sur la grande collection qu’il a transmise à la postérité, de ses Vite dé piu eccellenti pittori, scuttori ed architetti.

Vasari nous a donné lui-même des documens précieux sur l’origine de ce grand ouvrage, et sur les circonstances qui le portèrent à l’entreprendre. Nous apprenons d’abord de lui que, dès sa première jeunesse (da giovanetto), il s’étoit fait un passe-temps, du soin de recueillir par écrit, des notes et des renseignemens sur les artistes dont le souvenir lui étoit le plus cher. Une circonstance se présenta qui réveillant, chez lui, l’ancienne idée de ce recueil abandonné, le mit sur la voie de le compléter, d’en étendre et d’en perfectionner l’ensemble. Se trouvant un soir chez le cardinal Farnèse, ou étoit rassemblée l’élite des personnages les plus distingués, dans la littérature et d’autres genres, la conversation tomba sur la belle collection de portraits d’hommes célèbres, qu’avoit réunis, dans la galerie de son magnifique palais à Côme, Paul Giove (l’ancien), homme fort savant, auteur de très-nombreux ouvrages. Paul Giove dans la conversation fit part du projet qu’il avoit, d’accompagner ces portraits de leurs éloges, ce qui lui donneront lieu de composer un traité, qui comprendroit des notices sur les plus célèbres artistes à partir de Cimabué.

Vasari avoit écoulé avec beaucoup d’intérêt cette conversation ; mais il avoit remarqué dans l’exposé de Paul Giove, beaucoup de méprises sur les noms, les surnoms, la patrie des divers artistes, sur leurs ouvrages, et enfin sur une multitude de points, qui annonçoient bien des connaissances générales, mais vagues et superficielles. Le cardinal s’adressant à lui : Qu’en pensez-vous, lui dit-il, n’est-ce pas là le sujet d’un grand et bel ouvrage ? Très-grand et très-beau, répondit Vasari, pourvu que Paul Giove soit aidé dons cette entreprise, par quelque artiste capable de mettre chaque chose à sa vraie place, et de décrire les objets comme ils sont véritablement ; ce que je dis, parce que je me suis aperçu que son discours, malgré ce qu’il a d’admirable, renferme beaucoup de détails inexacts, et de faits hasardés.

Vasari fut alors engagé par le cardinal, et par Paul Giove lui-même, à mettre la main à un travail, dont l’objet seroit de recueillir dans le meilleur ordre possible, et en suivant celui des temps, toutes les notions relatives aux grands artistes, depuis la renaissance de l’art. Il accepta cette mission, et après en avoir fait comme une sorte d’essai, il le porta à Paul Giove. Celui-ci l’encouragea à y mettre la dernière main, reconnoissant lui-même son incapacité de traiter des matières, qui demandoient des connoissances tout-à-fait spéciales.

Il paroît que depuis cet instant, Vasari, au milieu de ses innombrables travaux, fut trouver, dans sa laborieuse activité, le temps qu’exigèrent les recherches multipliées auxquelles il dut se livrer. On a vu par les détails ci-dessus, que jamais artiste ne mena une vie plus agitée. Toutes sortes de commandes de travaux, l’avoient appelé dans le plus grand nombre des villes d’Italie. Il avoit eu ainsi l’occasion, non-seulement de récolter de nombreux renseignemens, sur toutes les écoles, sur tous les hommes distingués de chaque pays, mais en homme instruit et habile lui-même, il avoit su classer la plupart des talens, distinguer les manières de chacun. Il eut donc l’avantage de parler de ce qu’il avoit vu, et ses jugemens en général durent être ceux d’un connoisseur. Une fois livré à cette grande entreprise, il fut encore se procurer beaucoup de ressources par ses correspondances, et il nous apprend lui-même, qu’il mit à contribution les écrits, à la vérité alors en petit nombre, de ceux qui avoient publié quelques ouvrages sur les arts.

Quand on pense aux difficultés qu’il y eut alors de porter aussi loin que l’a fait Vasari, un pareil recueil, on ne sauroit assez admirer le courage qu’il eut d’achever ce travail. Depuis lui, et l’exemple une fois donné, on vit dans chaque ville d’Italie paroître des collections historiques sur les artistes et les ouvrages, dont une sorte de patriotisme se plut à propager la mémoire. Mais Vasari embrassa toute l’Italie, dans son plan, et y renferma l’histoire de trois siècles. Qui pourroit douter des imperfections, des méprises, des lacunes ou des omissions qui s’y trouvent ? Elles lui furent reprochées de son vivant, et la critique ne l’épargna pas.

La critique eut sans doute raison sur bien des points. Ce genre d’histoire se trouvoit être d’une nature toute particulière. Les matériaux en étoient disséminés sur une multitude de lieux. Nuls renseignemens écrits, des traditions souvent suspectes, beaucoup d’inexactitudes sur les noms mêmes des artistes, sur leur âge, sur leurs ouvrages. Toutes ces difficultés, et une multitude d’autres, auroient exigé, pour être entièrement résolues, l’assiduité de toute la vie d’un seul homme, en chaque endroit. Le laps des années avait encore opéré une foule de dégradations, de déplacemens et de changemens : conçoit-on qu’un homme, pour qui ce travail n’étoit qu’un accessoire, et si l’on peut dire Je délassement de ses autres travaux, ait pu porter à chacune des innombrables notices de son ouvrage, le


scrupule et le soin minutieux que chaque détail eût exigé ? Cependant il est certain, et qu’il se trouva de son temps, et qu’il s’est trouve même depuis, le seul homme en état de remplir cette tâche, tant il est difficile que la critique du goût, se réunisse chez un seul artiste à la capacité, à l’esprit de recherches, et à la faculté de rendre ou d’exprimer par le discours, les idées des arts du dessin, les jugemens de la science, et les décisions encore plus délicates du sentiment. Si Vasari n’eût pas fait cet ouvrage, il est probable qu’il n’auroit jamais été fait ; et peut-être tous ceux qui vinrent après, n’auroient jamais été entrepris.

Voilà pour la difficulté matérielle. Maintenant une difficulté plus grande encore étoit, non-seulement de porter des jugemens incontestables sur une multitude de variétés de sujets, de manières, de styles et d’ouvrages subordonnés à des causes si diverses, mais encore de satisfaire à toutes les préventions locales, à toutes les rivalités de pays, à tant de diversités d’amour-propre et de vanités particulières. Vasari ne put donc point échapper à un grand nombre de dissentimens. Tantôt il aura eu, selon les uns, le tort de vanter trop des ouvrages médiocres ; selon les autres, de trop rabaisser des talens supérieurs ; selon d’autres, de n’avoir pas eu dans l’emploi de ses formes laudatives, assez de mesures variées pour proportionner la louange à la mesure de chaque ouvrage. Cependant telle est la pauvreté de toutes les langues, en ce genre, qu’aucun écrivain n’a pu échapper à ce dernier reproche. Et quel langage pourroit jamais trouver autant de formes caractéristiques de ces variétés, qu’il en saudroît pour répondre aux nuances infinies, dont la nature est prodigue dans la répartition de ses dons ?

C’est ici que la critique est aussi facile que l’art est difficile. Pour justifier Vasari de presque tous les reproches de partialité, il suffit de lire les vies des hommes les plus célèbres dont les ouvrages sont aujourd’hui si bien connus, pour rester convaincu que, sur le talent de ces hommes, presque tous ses jugemens ont été ratifiés par impartialité des siècles suivans. Vasari fut accusé à Rome d’avoir voulu élever Michel-Ange au-dessus de Raphaël. Il nous a paru au contraire, qu’il avoit su tenir entre ces deux rivaux, la balance avec la plus rare impartialité.

Quant a ce qu’on peut appeler la facture de son ouvrage, c’est-à-dire l’ordre et la méthode, la concordance de tous les articles entr’eux, l’art du style, et le talent de l’écrivain, Vasari, en présentant son travail aux académiciens de Florence, a réfuté avec autant de sens, que de simplicité, les critiques qu’il avoit bien prévu devoir encourir. Il fait sentir qu’il est sort loin d’avoir prétendu à une perfection que la nature même des nombreux sujets qu’embrasse la matière, avoit rendue pres-qu’impossible ; que son ouvrage avoit été fait à des temps fort différens ; que malgré les soins infinis qu’il s’est donnés, il a dû tomber dans des répétitions inhérentes au genre même de son travail ; qu’il n’a pas eu la prétention de se donner pour habile écrivain ; qu’il n’avoit prétendu écrire qu’en peintre, et pour l’intérêt de la peinture. Jo ho ‘scritto come pittore, e con quel’ ordine e modo che ho saputo migliore.

En définitive, l’ouvrage de Vasari est, et sera toujours réputé le plus beau monument historique, qu’aient élevé les Modernes en l’honneur des arts du dessin. Ce sera toujours une mine précieuse où, avec le slambeau d’une sage critique, on trouvera une multitude de notions qui n’existent point ailleurs ; et comme nous l’avons déjà fait entendre, son ouvrage vivra autant que subsistera le goût des beaux-arts, et, lorsque toutes les peintures dont il parle auront péri, il propagera encore dans tous les siècles avec la renommée de son nom, celle de leurs ouvrages.

VASBRUG ou VAESBRUG, architecte anglais, qui vivoit et étoit en grande réputation en Angleterre au commencement du dix-huitième siècle.

Ce fut un de ces hommes qui perpétuèrent, dans ce pays, le bon goût et le style noble et pur de Palladio, dont Inigo Jones avoit transplanté à Londres les traditions et les exemples. Dé’jà Christophe Wren (voyez son article) avoit donné, quoiqu’avec un style moins correct, une impulsion à l’art de bâtir en grand, dans la célèbre église de Saint-Paul, et dans ce qu’on appelle le Monument, ou la colonne colossale érigée à l’occasion de l’incendie de la ville, et de sa reconstruction. vœsbrug paroîtroit s’être sormé à son école, car nous ignorons sous quel maître il apprit son art.

Toutefois on peut croire qu’il succéda à Wren pour les grandes entreprises. On cite de lui un bon nombre d’édifices, dans lesquels on ne reconnoît pas toujours le goût sage de ses prédécesseurs. Mais le principal et le plus célèbre théâtre de son talent, est à Blenheim, dans le comté d’Oxford. Ce fut là qu’il construisit le vaste château, que la nation anglaise fit construire, pour en faire présent au duc de Marlborough, en reconnoissance de la célèbre victoire remportée par ce grand général à Hochstet, ou Blenheim, l’an 1704.

Le château de Blenheim est un des plus beaux de l’Angleterre. Le parti est généralement grandiose. Les détails y sont nobles, le tout est conçu, de manière à produire un ensemble majestueux, et s’adapte bien au caractère guerrier du propriétaire. On trouve cependant que l’architecte y a introduit un peu trop de diversité, soit dans l’emploi des différens ordres de colonnes, soit dans les contrastes, qu’il semble avoir affecté de multiplier entre les membres de l’entablement, soit encore dans l’emploi du parties rustiquées. On y reproche, dans l’intérieur, une distribution de pièces, dont la dimension est loin de répondre à l’épaisseur des


murs et de la construction générale. Toutefois on doit faire L’éloge de la décoration des appartemens, qui surent ornés avec goût, et remplis de peintures, par le célèbre Thornil, alors le plus habile peintre de l’Angleterre.

Les jardins de ce château, disposés dans le style du jardinage irrégulier, sont vantés et cités, à juste titre, comme occupant le premier rang, parmi les plus beaux jardins anglais, et l’on en trouve, dans les théories de l’art du jardinage, de longues descriptions qui alongeroient inutilement cet article. Deux seuls objet y réclament une mention, qui ne sauroit manquer de trouver place dans un Dictionnaire d’architecture. On veut parler d’un très-beau pont d’une seule arche de 100 pieds de long, sous lequel passe un courant d’eau beaucoup trop petit pour une telle largeur. La satire s’empara dans le temps de ce contraste, en comparant la grandeur du pont à l’ambition de Marlborough, et l’exiguïté de l’eau à son avarice.

Mais le second ouvrage d’architecture qu’on admire dans ces jardins, est la colonne colossale élevée sur l’esplanade qui sait saee au palais, en l’honneur des victoires du grand capitaine. Elle paroît avoir été en tout une imitation de celle de Christophe Wren, et ne lui est inférieure que par la dimension.

Vœsbrug construisit, en 1714, le château Howard, pour le comte Carliste, dans le comté d’Yorck, avec jardins, parc, obélisques et autres objets d’embellissement. Le palais a 660 pieds de longueur. Sa saçade est toute en bossages, avec des pilastres doriques inégalement espacés, dont l’élévation comprend deux étages. Les fenêtres sont cintrées et d’une proportion trop longue. On trouve dans cette ordonnance trop de ressauts. L’autre façade est d’une meilleure composition, et les pilastres corinthiens y sont mieux distribués, c’est-à-dire, espacés à entre-colonnemens égaux. On admire aussi, dans ce palais une grande et belle coupole.

Cet architecte étoit homme de plaisir, et réunit à son art le goût et le talent de la poésie. On disoit de son temps, que ses écrits étoient aussi légers et élégans, que son architecture étoit lourde et massive. Son épitaphe, dit-on, portoit le souhait, que la terre ne lui sût pas légère, attendu que de son vivant il l’avoit par trop chargée (dans ses constructions).

VASE, s. m. Il ne sauroit être du ressort de ce Dictionnaire, soit d’envisager les vases, on l’art de les faire, selon les innombrables usage, auxquels les destinent les besoins de la société, soit d’entrer dans les procédés de leur fabrication, en raison de leur sorme, et de la matière dont ils s e composent.

Il ne nous appartient de toucher ces deux derniers points, que sous un rapport, celui qui fait entrer ces objets dans la classe des ornemens dont s’embellissent l’intérieur ou l’extérienr des édifices, et, si l’on veut encore, sous le point de vue de la beauté que l’art t le goût peuvent leur donner.

Cette dernière considération a déjà occupé la critique de quelques écrivains admirateurs de l’antiquité, qui se sont plu à saire remarquer, dans cette classe bien subalterne des ouvrages des Grecs, le même sentiment du beau, le même principe de vérité, de pureté et d’élégante simplicité, qui distinguent les plus grands monumens de leurs arts. Ils ont reconnu qu’eu général, leurs artistes, en ce genre, avoient en soin de donner à chaque espèce de vases on d’ustensiles, la sorme tout à la sois la mieux appropriée à leur destination, et la plus agréable à l’œil. Quelquesois on prenoit pour base le parallépipède, parce que l’œil saisit avec facilité cette forme. Dans d’autres vases, on adoptoit la ligne circulaire bombée, ou légèrement évidée. Dans tous, le principe étoit d’éviter les sormes rompues, les parties angulaires, et toute espèce de duplicité de contour.

Généralement on pourroit ramener à un sort petit nombre de sormes élémentaires et primitives, la configuration des vases antiques. Cependant on ne sauroit compter toutes les variétés que les Anciens surent imprimer à ces objets, sans y employer de mélanges, ni de diversités compliquées. On ne sauroit dire en combien de manières ils en modifièrent les ornemens, sans altérer leur type, avec quel art ils savoient saire sortir, de la nécessité même, le motif de leurs embellissemens.

Quand nous parlons, sous le rapport de l’art et du goût, des vases antiques, nous ne prétendons pas exclure les vases qui servirent aux besoins domestiques. Les découvertes d’une multitude d’ustensiles usuels, qu’ont reproduits dans toute leur intégrité, les souilles d’Herculanum et de Pompeia, ont prouvé qu’un même esprit répandu dans tous les ateliers, présidoit à la sorme des objets les plus communs en ce genre, comme à la composition des plus grands et des plus riches.

Mais il saut dire, qu’en aucun temps, et chez aucun peuple, le luxe des vases ne fut porté à un aussi haut degré de profusion, de variété, de recherche et de magnificence. Plus d’une cause, liée aux usages de la vie civile, aux habitudes politiques, et aux pratiques religieuses, en multiplia l’emploi. Les vases, sous le nom de vaisselle que nous leur donnerions aujourd’hui, sirent le plus riche ornement des tables et des sestins. C’étoit par leur nombre, c’étoit par la rareté de leur matière, par l’élégance et la cherté de leur travail, que les grands et les riches cherchoient le plus à se distinguer. On en faisoit l’ornement de ces abaques, ou buffets, qu’on ouvroit et exposoit, comme objets d’ostentation, dans les lêtes, à la curiosité publique. Les vases étoient


matière à présens dans les rapports politiques des Etats. L’histoire est remplie des mentions de genre de libéralité, surtout envers les dieux. Nul genre d’offrandes ne fut plus commun, et les conquêtes et les rapines des Romains, en firent refluer à Rome, de toutes les parties du Monde alors connu, une immense quantité.

Il n’y a réellement aucune espèce de comparaison à faire, sur ce point, entre le luxe du paganisme et celui du christianisme. Les pratiques religieuses des Anciens étoient à la sois publiques et particulières. Chacun avoit dans sa maison un lararium, et y déposoit aussi beaucoup de ces ex voto, qu’une pieuse crédulité multiplioit a l’infini. On croit, ou du moins on soupçonne, que ces vases qui, selon l’usage le plus général, accompagnoient le mort dans son tombeau, avoient pu, pendant sa vie, orner son oratoire domestique. Mais jamais source ne fut plus séconde emplois de vases de toute espèce, que l’usage des sacrifices, dont une grande partie consistoit en ablutions, en libations, en effusions de liquide. Ainsi les opisthodomes des temples, devenus, comme l’on sait, les trésors, où se conservoient les richesses religieuses, durent aussi devenir des collections de tous les chefs-d’œuvre de la plastique et de la toreutique, en sait de vases, et c’étoit à ces ouvrages qu’on appliquoit les matières les plus rares, les plus riches métaux. Tous ces brillans objets ont péri ; il ne s’est pas retrouvé, comme on peut le eroire, un seul vase d’or, à peine quelques-uns en argent. Le bronze a moins tenté la cupidité, et les cabinets en possèdent un assez grand nombre. C’est l’argile, la matière la plus fragile, qui nous a transmis une quantité innombrable de modèles de vases, et cette singularité est due à la découverte d’un nombre prodigieux de sépultures qui, dérobées depuis des siècles à toutes les investigations, ont conservé, et restituent tous les jours, les vases de terre cuite peinte, ensevelis avec les morts.

Outre ce que les peintures de ces vases offrent de précieux à l’art et à l’archéologie, on peut encore en tirer des renseignemens relatifs aux variétés de sormes, sur lesquelles s’étoit autresois exercé le goût de l’art grec. Tel est le nombre, aujourd’hui infini, de ces objets do toute sorte de dimensions, qu’il est à présumer, que celui qui voudroit s’exercer à reproduire toutes les variétés des sormes devases chez les Anciens, ne pourroit manquer do retrouver, dans une si vaste collection, l’universalité des types de tous ceux qu’on a perdus, comme encore de ceux que la sculpture en marbre nous a conservés. Mais je sortirois par trop de l’objet de cet article, si j’essayois même d’effleurer cette analyse.

Je ne dois, comme je l’ai dit en commençant, considérer l’emploi des vases que sous le rapport des ornemens qu’ils procurent aux monumens. Chez les Anciens, le vase, envisagé comme urne cinéraire, dut former (et cela fut en effet) le còuronnement des tombeaux, de ceux surtout auxquels on donna la configuration de colonnes, de stèles ou de cippes. Cet usage, dans les pratiques modernes, n’en plus qu’un symbole consacré par les souvenirs de l’antiquité ; mais il ne laisse pas de s’être accrédité dans beaucoup de monumens funéraires, et l’on y emploie encore quelquefois les plus beaux marbres.

Nous trouvons un exemple fort remarquable de vases placés comme ornement des acrotères, au temple de Jupiter à Olympie. Il paroît que ces vases étoient de grands bassins de bronze. Mais l’antiquité nous a transmis un assez bon nombre de grands vases en marbre, qui paroissent avoir dû figurer dans des monumens, et des ouvrages de décoration architecturale, tant il semble difficile de leur supposer aucune autre destination usuelle. Nous voulons parler des deux vases, ornés de très-beaux bas-reliefs, représentant, l’un le sacrifice d’Iphigénie, l’autre une orgie. Tout le monde connoît l’excellence de leur sculpture, la beauté de leurs ornemens, et celle de leur forme. Il y a peu de collections d’antiques, où l’on n’admire quelques-uns de ces produits du ciseau. Le Muséum du Capitole, à Rome, nous montre aussi, dans la même sorme de calice, un sort grand vase, dont le corps est décoré, en totalité, de rinceaux et d’enroulemens exécutés avec le meilleur goût. On peut citer encore deux autres grands ouvrages du ce genre ; l’un, qui est de basalte, au Muséum du Vatican, et qui a pour ornemens une suite de masques scéniqnes ; l’autre, à la Villa Lanti, avec des mascarons d’un sort relief. Tous deux sont dans la sorme de coupe. C’en est assez pour rappeler au lecteur un grand nombre d’autres vases semblables, quoique dans de moindres dimensions, et que leur sorme, leurs sculptures et beaucoup d’autres considérations empêchent de considérer, comme ayant pu avoir d’autre destination que celle d’orner les monumens de l’architecture, les galeries, les portiques et les jardins.

Nous ne dirons pas que re soit à l’imitation de ces exemples anciens, que les Modernes auront aussi multiplié les vases dans toutes sortes de parties de leurs ornemens. Cette pratique n’avoit besoin ni de modèles, ni d’autorités. Ce sujet effriroit plutôt à la critique plus d’une réllexion sur les abas qu’on en a faits. Sans donte on n’entend pas la saire porter sur l’emploi fréquent des vases dans les jardins, où la nature des choses semble les appeler, surtout quand on les sait servir à recevoir des plantes, des touffes de fleurs, et quelquefois des arbustes. Même, à part cet emploi utile, un grand et beau vase en marbre devient, dans tout endroit où il se trouve convenablement placé, un objet de décoration qu’on voit avec plaisir. On en élève assez volontiers sur les piédroits au piliers d’une grille, on de toute autre


entrée de cour ou de jardin ; partout enfin, où cet objet peut être supposé avoir un emploi d’utilité ou d’agrément, on ne sauroit en blâmer l’usage. On approuvera encore que l’architecte, considérant certains vases sous un rapport allégorique, comme rappelant l’idée de l’usage auquel ils sont consacrés, les sasse entrer en bas-relief dans la composition de quelques ornemens des églises.

Un grand vase, ou pot à seu, a été placé au haut de la grande colonne qu’on appelle, à Londres, le Monument. On sait que ce vase indique, par ses slammes, le lieu où commença l’incendie qui réduisit en cendres la plus grande partie de la ville ; mais on auroit beaucoup de peine à rendre la moindre raison de cette multitude de vases que nous voyons servir d’amortissemens à toute sorte d’édifices. Ce sont de ces lieux communs qui, pour être partout, ne signifient rien nulle part. Personne, en effet, ne sauroit dire pourquoi ces représentations de cassolettes, de vases à parfums, se trouvent au-dessus des portes d’une maison, couronnent les combles d’un édifice. Il est visible que ces objets doivent se ranger parmi tant d’autres du même genre, dont l’insignifiance est devenue telle que personne ne pense même à s’en apercevoir.

Nous avons dit que les vases entroient aussi dans la décoration architecturale des intérieurs, ou dans les agrémens des objets de luxe, qui sont partie plutôt de l’ameublement, que de l’architecture. Desvases, soit ornés de bas-reliefs, soit faits d’une matière précieuse, soit remarquables par leur sorme, par leur travail, par leur antiquité, sont des objets dont la décoration des intérieurs sera bien volontiers usage, ou dans des bibliothèques, ou dans des galeries et des salles d’assemblée. Ordinairement ils figurent avec des bustes sur des demi-colonnes tronquées. On les placera quelquesois en haut des armoires où sont rangés les livres, au-dessus des buffets ; et quelquesois aussi, un vase, orné de bas-reliefs, ou de peintures, occupera le milieu d’une pièce, pour qu’on puisse, en tournant autour, jouir des sujets représentés sur sa circonférence.

Les vases destinés à l’ornement de l’architecture, sont plus naturellement ceux que la sculpture aura décorés de figures, soit sur marbre, soit en métal, el ceux-ci conviennent audehors comme au-dedans des édifices. Les vases ornés de peintures sons exclusivement réservés à l’ornement des intérieurs. Nous ne connoissons guère d’autres vases peints, dans l’antiquité, que ceux dont il a déjà été parlé, el qui sont sormés d’argile cuite, recouverte d’une couleur ordinairement noire, et servant de sond à des figures dessinées au trait, et rehanssées assez souvent de différentes couleurs. Mais, en général, ces ouvrages sont plutôt des dessins que des peintures. Du moins l’art du peintre ne s’y est jamais exercé, comme dans les tableaux, au point de produire par le mélange des teintes et l’intelligence du clair-obscur et des dégradations, les effets de la vérité naturelle.

L’art des Modernes a été beaucoup plus loin dans l’application des routeurs et des ressources de la peinture aux vases. L’extension et les progrès des sciences naturelles ayant porté au plus haut point la fabrication de la porcelaine, on a fait, comme objets de luxe et de décoration, des vases d’une très-grande dimension. Le besoin d’y orner de très-spacieuses superficies a appelé l’art de la peinture, avec tous ses moyens d’illusion, pour décorer la circonférence de ces vases. Si un certain goût, sondé sur la nature propre de chaque chose, eût toujours présidé à cet emploi de la peinture, au choix de ses sujets, et à la mesure d’illusion qu’ils pourroient comporter, on ne sauroit nier que l’art de peindre les fonds de la circonférence d’un vase, auroit pu trouver ses limites dans la nature même de l’objet à décorer. Les convenances de ce genre, le peint e les auroit observées, en se réglant sur celles que suit la décoration dans les compositions dites d’arabesques, exécutées sur des pilastres ou d’autres sursaces, dont on ne doit point altérer le sond, même pour l’apparence. Ces convenances sont également indiquées par le soin que toujours l’art de la sculpture antique a pris, de respecter dans ses bas-reliefs les fonds, soit des vases, soit du galbe des colonnes, soit des superficies que l’architecture livre au ciseau, à condition d’en respecter l’intégrité, et de ne pas produire l’apparence de vides, là où la raison fondamentale veut qu’on voie un plein ou un massif. La peinture auroit donc pu, de même, faire circuler et tourner au tour de la circonférence d’un vase, des figures mises en harmonie avec le fond, dont elle eût respecté l’apparente intégrité, c’est-à-dire le galbe même du vase.

On a vu, au contraire, le galbe d’un vase peint offrir, ainsi que le fond d’un tablean, des lointains, des vues perspectives, des sites et des paysages, dis cieux et des marines, en sorte que le vase disparoît sous l’illusion pittoresque. Tels sont les abus que produit la confusion des idées et des élémens de chaque chose, lorsque, livrés aux spéculations de la mode et de la nouveauté, les ouvrages de l’art ne sont plus recherchés que comme des objets dispendieux ; disons encore, lorsqu’ils ne correspondent plus à aucune destination propre à fixer leur caractère et leur goût.

On donne le nom de vase à différens objets, qu’on appelle ainsi, à cause de quelque ressemblance ou analogie de sorme ou d’emploi. Ainsi, on dit :

VASE DE CHAPITEAU. C’est dans la configuration du chapiteau corinthien ce qui en forme le corps, ou la masse, qu’on revèt et qu’on orne de feuillages,


de caulicoles et de volutes. Ce corps, effectivement, dénué de ses ornemens, a la forme d’un vase du genre de ce qu’on appelle calice ; on l’appelle également campane, ou cloche, parce que la cloche, dans sa position ordinaire, n’est pas autre chose que ce même vase renversé.

VASE D’AMORTISSEMENT. On donne ce nom à un vase qui termine souvent, saute d’autre motif d’ornement, la décoration des façades de beaucoup d’édifices. Il est ordinairement isolé, souvent orné de guirlandes, et quelquesois couronné de flammes. On emploie encore cet ornement dans les intérieurs, soit en bas-relief, soit on ronde-bosse, au-dessus des portes, des cheminées, etc.

VASE D’ENFAÎTEMENT. Ainsi nomme-t-on les vases qu’on place sur les poinçons de combles, et que l’on fait ordinairement en plomb qui est quelquefois doré. On en voit des exemples au château de Versailles.

VASE DE TREILLAGE. Cette sorte de vase est un ouvrage d’ornement à jour, fait de verges de ser et de bois de boisseau, contourné selon le galbe du semblant de vase qu’on veut produire. On l’emploie à servir d’objet d’amortissement sur les portiques et les cabinets de treillage dont on orne les jardins. Les vases de cette espèce, imitation en treillage, de ceux qui se sont en matière plus solide, reçoivent, par suite du même esprit d’imitation, soit des fleurs, soit des fruits, façonnés à l’instar de ceux qui sont l’ouvrage de la sculpture.

VASES DE SACRIFICE. On fait, dans les ornemens de l’architecture, une classe à part de ces sortes de vases ; et l’on en distingue de deux genres, ceux qui servoient au culte du paganisme, et qu’on trouve représentés sur plus d’un reste de monumens religieux antiques. Ces vases étoient particulièrement le thuribulum, vase où l’on mettoit l’encens, le prœfericulum et le simpulum, le premier en forme de burette ornée de sculpture, le second, plus petit, en manière de lampe, tous deux servant aux libations qui avoient lieu dans les sacrifices. C’est ainsi qu’on en voit encore conservés sur la frise corinthienne du temple de Jupiter Stator à Rome. Dans les édifices sacrés du christianisme, on a souvent admis, comme matière d’ornement en bas-relief, les vases consacrés à la religion, comme les calices, burettes, patènes, etc.

VASES DE THÉATRE. C’étoient, selon Vitruve, certains vaisseaux d’airain qu’on plaçait en face de la scène, sous les degrés du théâtre, où se tenoient les spectateurs. L’objet de ces vases, ainsi situés, étoit de donner au local plus de sonorité, et de servir à la répercussion de la voix.

Nous n’entreprendrons pas de rendre ici raison de cette pratique des Grecs, dans la disposition et l’organisation de leurs théâtres. Cette matière exigeroit, pour être bien traitée, des connoissances musicales qui sont étrangères à l’objet principal de ce Dictionnaire. Toutefois, nous pensons que les notions de plus en plus étendues, que les voyages nous ont données sur la construction du très-grand nombre de théâtres chez les Grecs, pourroient mettre sur la voie de l’explication d’une semblable méthode. Le chapitre de Vitruve, que nous allons rapporter dans son entier, nous semble constater la raison que nous allons indiquer de cette pratique. Or, il est aujourd’hui reconnu, par les restes extrêmement multipliés de théâtres qui subsistent en Sicile, en Grèce, dans l’Asie-Mineure et autres contrées où sleurirent les arts de la Grèce, que l’usage général fut de choisir, pour l’élévation d’un théâtre, la pente d’une montagne, ou un site soit préparé par la nature, soit excavé par l’art, dans la masse souvent d’un rocher, où l’on tailloit les gradins, lorsqu’on n’y rapportoit point les montées par des pierres taillées sur le chantier. De l’une et l’autre manière, il est certain que le sond, qui sormoit ce que nous appelons aujourd’hui l’amphithéâtre, devoit être sourd de sa nature, et ne pouvoit guère avoir la faculté de répercuter le son. La différence que Vitruve établit sur ce point d’acoustique entre les théâtres des Grecs, et les constructions des théâtres romains de son temps, donnera peut-être quelque probabilité de plus à l’hypothèse explicative que nous avons hasardée.

Voici le texte abrégé de Vitruve, sur les vases de théâtre (liv. V, ch. v.) :

« On sait des vases d’airain selon la grandeur du théâtre, et on leur donne une telle proportion que, quand on les srappe, ils sonnent à la quarte ou à la quinte l’un de l’autre, et sont ainsi toutes les autres consonnances jusqu’à la double octave. »

« Ces vases doivent être placés par une proportion musicale, entre les degrés du théâtre, en sorte qu’ils soient isolés et ne touchent point aux murs de l’endroit qu’ils occupent, et qu’ils soient environnés d’un espace vide par en haut et tout à l’entour. Ils doivent être inclinés, et élevés du côté qui regarde la scène par des cales à la hauteur d’un demi-pied. Les locaux qui les reçoivent doivent avoir, au droit des degrés d’en bas, une ouverture longue de deux pieds et large d’un demipied. »

« Ces locaux, ou petites chambres, seront disposés en cette sorte : si le théâtre n’est pas sort grand, il saut tracer au milieu de toute sa hauteur une région pour treize de ces locaux, qui laisseront entr’eux douze intervalles égaux. ». . . . . « C’est dans ces treize petites chambres que seront placés les vases, selon l’ordre qui leur sera assigné par la diversité des sons musicaux. . . . . »


« Cette disposition des vases d’airain sera que la voix, qui viendra de la scène comme d’un centre, l’étendant en cercle, srappera dans les cavités des vases, et en sera rendue plus sorte, selon la consonnance et le rapport que son ton aura avec quelqu’un des vases. Mais si le théâtre est grand et ample, il saudra partager sa hauteur en quatre parties, afin d’y pouvoir faire trois rangs de petites chambres, dont l’un sera pour le genre enharmonique, l’autre pour le chromatique, et l’autre pour le diatonique. . . . . »

« Pour exécuter toutes ces choses avec justesse, il faut opérer d’après la figure qu’Aristoxène a saite selon les règles de la musique, et dans laquelle il a divisé toutes les modulations en général avec un travail et une industrie particulière. On pourra encore rendre la structure des théâtres plus parfaite, si on a égard à la nature de la voix et à tout ce qui peut la rendre agréable. »

« Mais, dira-t-on, en tant de théâtres qu’on fait tous les ans à Rome, pourquoi n’observe-t-on pas toutes ces choses ? Je réponds que tons nos théâtres publics sont de bois, avec des planches qui résonnent naturellement. . . . Au lieu que la méthode dont nous venons de parler est nécessaire aux théâtres qui sont saits de matières solides, telles que la pierre et le marbre qui ne retentissent point. Que si l’on demande quels sont les théâtres où ces choses ont été pratiquées, il est certain que nous n’en avons point à Rome ; mais on en voit en quelques autres villes d’Italie, et en plusieurs endroits de la Grèce. Ce que L. Mummius sit voir, lorsqu’il apporta à Rome les vases d’airain d’un théâtre qu’il avait sait abattre à Corinthe, et qu’il a dédiés, avec d’autres dépouilles, dans le temple de la Lune. Aussi plusieurs bons architectes qui ont bâti des théâtres dans de petites villes qui n’voient pas le moyen de faire de grandes dépenses, se sont servis de vases de poterie, qu’ils ont choisis propres à résonner comme il le saut, et qui ont sort bien réussi. »

VEAU (LE). Il est arrivé à cet habile architecte, comme à plusieurs autres de son époque, séconde cependant en grands artistes, de ne laisser d’autres témoignages de son existence que dans des travaux, dont il n’eut pas seul la gloire, et où une pluralité de coopérateurs et de successeurs empêche qu’un seul nom en recueille la renommée. Disons encore que les biographes, les collecteurs de mémoires, n’arrivent ordinairement, qu’après ceux qui méritent de faire passer leurs noms à la postérité, et toutes sortes de causes ont souvent produit l’oubli des particularités de leur vie.

Ainsi on ne sait rien du tout de personnel à Le Veau, qui fut cependant un des meilleurs architectes de son temps, sinon qu’il naquit en 1622, qu’il fut premier architecte de Louis XIV, dès l’an 1653 jusqu’en 1670, et qu’il mourut cette même année âgé de cinquante-huit ans.

Une de ses premières entreprises, et de ses plus Importantes, fut le château de Veaux, qu’il éleva en 1663, pour le surintendant Fouquet qui n’avoit rien épargné pour en saire une habitation magnifique.

Le château de Livry avoit été construit vers le même temps, par Le Veau, pour M. Bordier, intendant des finances. Il a été démoli vers la fin du dernier siècle.

Cet architecte fut appelé à réaliser une de ces grandes entreprises, qui malheureusement dépendent de trop de circonstances, pour que celui qui les commence en puisse voir la fin. Il fut chargé de donner le projet de la grande église de Saint-Sulpice à Paris. L’ancienne étoit devenue beaucoup trop petite, pour la population du faubourg Saint-Germain. Anne d’Autriche en posa la première pierre, etLe Veau en jeta les fondemens. Plus d’un architecte s’est succédé dans les dessins et les travaux de cette église, dont le cheœur fut construit avant la nes. On lit, dans plus d’un biographe, que Le Veaun’éleva la chapelle de la Vierge, que jusqu’à la corniche seulement. Il saut entendre que la coupole qui précède aujourd’hui la chapelle de la Vierge, devoit être cette chapelle, dans le projet de Le Veau. Celle qui existe de nos jours est évidemment un appendice, et une construction plus moderne, ajoutée au plan primitif. Il est donc à croire que si Le Veau éleva jusqu’à la corniche, la coupole qui est au bout du chœur, il aura également porté au même point, la construction de ce chœur, qui, ainsi que celle des bas côtés, seroit son ouvrage.

Le Veau fut l’architecte d’un charmant petit palais situé à la pointe de l’ile Saint-Louis, et qu’on appelle encore hôtel Lambert, bien qu’il ait changé plus d’une sois de propriétaire et de destination. Cette jolie maison rappeloit assez dans son temps, par l’agrément de son architecture extérieure, et ses distributions intérieures, le goût de bâtir et d’orner des bons temps de l’Italie. Il y avoit des plafonds peints par Lebrun, et une galerie décorée par Le Sueur, dont on a détache la charmante suite des Muses, que l’on conserve dans le Musée Royal.

D’autres constructions d’hôtels occupèrent le talent de Le Veau d’une manière distinguée. On cite les hôtels de Pons, de Colbert et de Lionne ; ce dernier devint l’hôtel Pontchartin. Mais où retrouver aujourd’hui, même le souvenir de bâtimens que des changemens continuels, ou ont fait abattre, ou ont dénaturés ?

En 1660, le cardinal Mazarin lui confia l’exécution des changement qu’il vouloit faire à l’ancien château de Vincennes, dont il ne reste plus que les huit tours, et le donjon. Le Veau éleva deux ailes nouvelles, et le portique qui regarde le pare.


Quatre ans après, Louis XIV ordonna de nouveaux ouvrages pour l’embellissement du palais des Tuileries. Le pavillon du milieu n’avoit été jusqu’alors décoré que des ordres ionique et corinthien. Le Veauy ajouta un composite, avec un attique surmonté d’un dôme en plan quadrangulaire. Les colonnes de tous ces ordres sont de marbre, et sur l’entablement s’élève un fronton, avec accompagnement de figures. La manière dont cet artiste a achevé le pavillon du milieu et les ailes qui vont joindre les deux pavillons des extrémités de cette façade est assez ingénieuse ; mais tous ces raccordement n’ont pu redonner de l’unité à cette ligne de bâtiment, ni l’empêcher de paroître un assortiment plus ou moins incohérent, d’élévations disparates, et dont il a été simplement possible de coordonner les masses, à l’uniformité de quelques lignes horizontales.

Le manque non-seulement de notions historiques sur beaucoup d’artistes, mais même de renseignemens sur les ouvrages de l’époque où vécut Le Veau, nom empêche de pouvoir lui attribuer avec quelque certitude plusieurs monumens. On sait qu’il eut d’habiles élèves, entr’autres d’Orbay (voyez ce nom) qui put ou coopérer à ses ouvrages, ou lui succéder, dans leur exécution. Il y a quelqu’apparence, que l’opinion publique, comme cela arrive encore, aura pu se méprendre entre l’inventeur du plan et de la composition d’un édifice par le maître, et son exécution ou son achèvement par l’élève. D’après cela il seroit possible, comme on en trouve l’opinion sort accréditée, que Le Veau sût le principal auteur du bâtiment appelé Collége des Quatre-Nations à Paris, ouvrage dont le plan exigea une très-grande intelligence, et dont l’élévation présente, sur le quai en sace du Louvre, un aspect monumental qu’il n’est pas très-ordinaire de rencontrer. Le quai même el le revêt ment de ses murs, avant l’érection du pont de ser qui joint aujourd’hui les deux rives du fleuve, surent composés de manière à se raccorder heureusement avec la masse du monument principal. Ce dernier est formé sur le quai d’une assez grande partie demi-circulaire, dont chaque extrémité se termine, selon l’usage du temps, par un très-gros pavillon décoré de pilastres corinthiens. Au milieu du demi-cercle est le frontispice de l’église en avant-corps, orné d’un péristyle corinthien avec un fronton. Le tout est subordonné à la coupole de l’église ornée en dehors de pilastres composites. La forme de cette coupole, presque sphérique en dehors, est elliptique en dedans. Au moyen de cette ressource ingénieuse, l’architecte a su ménager dans l’épaisseur des murs, des escaliers à vis, qui conduisent aux tribunes et au comble de l’édifice.

Généralement en louant, tant au-dedans qu’au dehors, plus d’une disposition qui annonce un homme possédant beaucoup d’habileté, à tirer parti d’un local ingrat et d’un plan difficultueux, tont en y reconnoissant encore un parti heureux, quant à l’effet, et un goût assez sage d’architecture, on est obligé de convenir qu’il régne dans les profils, dans les ornemens et dans l’exécution, quelque chose de lourd, et que le tout manque de cette finesse de proportion, et de cette pureté de style qui constituent une architecture classique.

VEINE, s. f. C’est tantôt une beauté, tantôt un défaut dans les bois, dans les marbres, dans les pierres. On distingue ces sortes de variétés dans chaque matière, soit par rapport à l’influence qu’elles ont sur la qualité de chacune, soit par rapport au prix que le goût ou le caprice y mettent.

VEINE DE BIOS. Ce qu’on appelle ainsi sait souvent la beauté ou le charme des bois durs, que la marqueterie emploie dans l’assemblage des morceaux, dont elle compose un grand nombre de meubles. Mais dans les bois de menuiserie la veine est un désaut, parce qu’elle est une marque de tendre ou d’aubier.

VEINE DE MARBRE. Cette variété devient l’agrément des marbres dont on fait des colonnes, des revêtemens, etc. Cette beauté, par laquelle se recommandent certains marbres, a été si recherchée dans l’antiquité, que Pline nous apprend qu’au temps de Néron, on en étoit venu à falsifier les veines, ou taches (maculœ) comme il les appelle, et à donner à de simples marbres unis les couleurs des marbres rares de l’Afrique ou de de la Numidie. Cependant les veines grises ou noires qu’on recherche dans ce qu’on appelle le marbre blanc veiné, deviennent le plus grand de tous les désagrémens, dans le marbre blanc qu’on emploie à saire des statues. Ces veines effectivement forment des noirs, qui coupent et traversent les formes du corps, et en dénaturent l’harmonie.

VEINE DE PIERRE. Défaut de la pierre qui provient d’une inégalité de consistanse entre le dur et le tendre.

VELLEIA ou VELEIA, est une ancienne ville dont on voit les restes à treize lieues de Parme, dans le Plaisantin, à six lienes de Plaisance, vers le midi, en tirant du côté de Gênes, au pied de deux montagnes trés-hautes, nommées Moria et Rovinasso, qui sont partie de l’Apennin, et dont les éboulemens causèrent la ruine de Velleia.

On voit encore que ces montagnes sont fendues, et l’on reconnoît aisément qu’il s’en est détaché des masses de rochers qu’on retrouve entassées sur les débris de la ville. En examinant ses ruines, on remarque que toutes les colonnes sont renversées du côté opposé aux montagnes.


Les murs qui restent en place sont inclinés dans le même sens, c’est-à-dire du côté où ils ont été poussés par la chute des terres et des rochers. Il s’en est précipité aussi à la sois des deux côtés opposés, en se réunissant sur Velleia.

Il y a près de cette ville une terre bitumineuse, qui s’enflamme aisément à l’approche du feu, lors même qu’elle est mouillée. Cela, joint à quelques matières noires et brûlées, et à quelques médailles fondues qu’on y a trouvées, avoit sait croire à quelques personnes, que la destruction de velleia avoit pu être causée par un incendie. Mais les traces du seu n’y sont pas assez considérables pour faire admettre une pareille cause. Il suffit, pour expliquer ces traces, de recourir aux feux qui pouvoient être allumés dans les maisons au moment de l’éboulement de la montagne.

A en juger par le grand nombre d’ossemens qu’on trouvés dans les ruines, et par la quantité de monnoies qu’on en retire, les habitans u’eurent pas le temps de se sauver ; ils surent surpris, écrasés et engloutis avec toutes leurs richesses. On ignore dans quel temps Velleia fut ensevelie saus ces rochers. Il est à croire que la date de l’événement se rapporte au quatrième siècle. On n’y a pas trouvé de monumens postérieurs au règne de Probus, qui mourut l’an 282. Mais l’on y trouve beaucoup de monnoies des empereurs qui ont succédé à Constantin, dans les années 337 et suivantes. Ainsi il paroît que la catastrophe de cette ville seroit arrivée plusieurs années après la mort de Constantin.

On commença, en 1760, à y faire des souilles par ordre du duc de Parme. La difficulté étoit extrême. Les bâtimens y sont couverts de rochers à plus de vingt pieds de hauteur. Les statues et tout ce qui est dessous, s’est trouvé tellement mutilé et fracassé, que les produits des fouilles n’ont pu indemniser des dépenses du travail. Les obstacles augmentant à mesure qu’on approchoit de la montagne, on a presque renoncé à cette entreprise depuis 1764.

Les différentes couches de terre et de rochers qu’on trouve alternativement placées les unes audessus des autres, indiquent des éboulemens arrivés successivement et à divers temps. Le grand nombre de briques, de pierres et de marbres qu’on trouve dans la rivière voisine, sur un espace de plus de trois lieues, sait juger que la première chute n’avoit pas entièrement encombré la ville.

La plus grande partie de villeia étoit bâtie sur le penchant de la colline. Les maisons étoient separées en forme d’îles, et sormoieut un amphithéâtre, dont les différens étages communiquoient par des degrés. Les appartemens inférieurs des maisons étoient placés sur un saux plancher, soutenu par des piliers de terre cuite. Ces maisons paroissent avoir été simples. Il y eu avoit dont les pavement étoient en marbre, d’autres les avoient en mosaïque. On y a trouvé des peintures, des bustes en marbre, des bains revêtns de marbre, avec des vases en bronze incrustés en argent, des meubles et ustensiles domestiques ornés d’un bon goût, des ouvrages de terre cuite d’un travail fin et élégant, des panneaux en arabesque, et beaucoup d’objets du genre de ceux qu’on retrouve sous les cendres du Vésuve à Pompeia.

Il a été levé un plan de la partie découverte de Velleia, qu’on voyoit dans la galerie du château de Parme. Vers le milieu on remarque une place qui étoit très-ornée. Une inscription en lettres de bronze, qui étoit sur cette place, apprend qu’elle fut pavée de grosses pierres aux frais d’un Velleiate nommé Lucius Lucilius. Au milieu s’élevoit un autel consacré à l’empereur Auguste. La place étoit environnée de colonnes de marbre cipolino, dont quelques-unes subsistent encore. Il y avoit aussi de très-beaux sièges de marbre soutenus par des lions. Parmi les édifices considérables de Velleia, on voit qu’il y avoit, comme dans les grandes villes, un chalcidique, bâtiment faisant partie de la basilique. Une inscription apprend qu’il avoit été construit par Bebia, fille de Titus ; et on lit sur un autre que C. Sabinus avoit bâti la basilique contiguë au chalcidique, lieu où se tenoient les juges et où ils rendoient la justice.

On a trouvé à Velleia beaucoup d’idoles, plusieurs statues, des inscriptions, des ustensiles de tout genre. Comme an n’y a reconnu ni temples ni théâtres, on a présumé qu’ils peuvent être restés ensevelis dans la partie la plus haute de la ville, qu’on n’a point pu déblayer. Mais on a découvert les aquéducs qui distribuoient l’eau dans la ville, un château d’eau qui servoit de point de partage, des bains qui en étoient voisins, et des chambres qui paroissent avoir été des étuves.

VENTAIL, s. m. C’est une pièce de bois mobile, composée d’une ou de deux feuilles d’assemblage, qui sert à fermer une porte ou une croisée. On le nomme aussi battant.

VENTEAU, s. m. (Terme d’architecture hydraulique.) C’est un assemblage de charpente, qui sert à fermer la porte d’une écluse.

Cette charpente est composée, 1°. d’un châssis formé d’un poteau tourillon, arrondi du côté de son chardonnet, d’un poteau busqué, ayant une de ses faces taillée en chanfrein, pour se joindre à la pointe du busc avec l’autre venteau, et de deux entre-toises principales, l’une en haut, l’autre en bas, 2°. de plusieurs autres entre-toises intermédiaires, servant à former la carcasse du venteau ; 3°. d’un nombre de fils et de bracons, qui servent à lier et appuyer les entre-toises ; 4°. de montans formant le guichet pratiqué dans chaque venteau, qu’on ferme d’une vanne ou d’un ventail à coulisse, 5°. du bordage dont toute cette carcasse est revêtue extérieurement.

VENTOUSE, s. f. Bout de tuyau debout qui sort de terre, et qui est soudé aux coudes des conduites d’eau pour donner passage aux vents qui s’engendrent dans les tuyaux. Les ventouses des grandes conduites, sont toujours aussi hautes que la superficie du réservoir, à moins qu’on n’y mette une soupape renversée.

On appelle aussi ventouse une espèce de soupirail pratiqué sous la tablette, ou aux deux angles de l’âtre d’une cheminée, pour chasser la fumée.

Ventouse barbacane. Voyez Barbacane.

Ventouse d’aisance. Bout de tuyau de plomb ou du poterie, qui communique à une fosse d’aisance, et qui sort au-dessus du comble, pour renouveler l’air dans un cabinet d’aisance, et en diminuer par là la mauvaise odeur.

VENTRE, s. m. On appelle AINSI le bombement d’Un Mur trop vieux, foible ou chargé, Qui des-sieurs couleurs Boucle et Est hors de fils aplomb. Quand Un Mur is Dans this état, ous dit qu’il fait ventre et menace ruine Qu’il.

VENTRIÈRES, s. f. pl. (Terme d’architecture Hydraulique.) Ce sont des pièces de bois qui portent sur les pilots des fondemens d’une écluse, et qui servent comme de coulisses aux palplanches.

VERBOQUET, s. m. Contre-lien, ou cordeau, qu’on attache à l’un des bouts d’une pièce de bois, ou d’une colonne, et au gros câble qui la porte, pour la tenir mieux en équilibre, et pour empêcher qu’elle ne touche à quelque saillie ou échafaud, et qu’elle ne tournoie quand on la monte.

On dit also virebouquet, parce que la corde fait tourner la pièce dans le sens que l’on veut.

VERD, adj. Est le Nom d’une couleur Que l’on emploie volontiers Dans Les batimens, à peindre surtout Les Volets Et Les jalousies des Fenêtres, AINSI Qué les Treillages des Berceaux ET des espaliers Dans Les Jardins.

VERD-ANTIQUE. AINSI Appelle-t-on un marbre Devenu fort rare, et Qui, à Ce qu’il paroit, n’étoit pas fort commun Dans l’Antiquité.

VERGER, s. m. (Jardinage.) C’est la partie d’Un Jardin QUI N’est Plantée Que d’arbres fruitiers.

VÉRIN, s. m. Machine en manière de presse, composée de deux de sortes pièces de bois, posées horizontalement, et de deux de grosses vis, qui font élever un pointal, enté sur le milieu de la pièce de dessus. Cette machine sert à reculer des jambes en surplomb, à reculer des casseroles de bois, et un chargeur de grosses pierres sur les charrettes.

VERMICULÉ (participe). On donne ce nom à un travail qui a lieu quelquefois dans les bâtimens en pierre, sur des bossages auxquels on prétend donner une apparence rustique.

Ce genre de travail a été ainsi appelé, parce qu’il se compose d’entailles ou de sillons qui semblent produire sur la pierre par leurs cavités sinueuses, l’effet que certains vers produisent dans les bois qu’ils corrodent. Ceci au reste ne rend compte que de l’étymologie ou de l’origine du mot ; quant à celle de la pratique qu’on vient de décrire, on la trouve dans la nature même de certaines pierres qui sont sujettes à se déliter et à se dissoudre en poussière, selon les inégalités de dur et de tendre qui s’y rencontrent. C’est à ces inégalités qu’il saut attribuer ces petites cavités sinueuses qui semblent imiter le travail des vers. Mais il est bien apparent que c’est de semblables accidens des pierres, et non de l’opération des vers sur sur le bois, qu’on aura emprunté ce goût de rustiquer, qui fut au reste plus de mode jadis qu’il ne l’est aujourd’hui.

Les bossages de l’arc de la porte Saint-Martin à Paris, sont vermiculés. On voit encore cette pratique employée à beaucoup de parties de l’ordonnance de la galerie du Louvre qui donne sur le quai et qui date du règne de Henri II.

On sait aussi usage de ce travail rustiqué, dans les grottes, dans les monumens aquatiques, tels que sontaines, réservoirs, etc.

VERNIS, s. m. Liqueur composée de différentes substances du genre des gommes ou des résines, dont on se sert pour enduire la surface de certains corps. L’objet de cette préparation est quelquefois de leur donner simplement du lustre, et de les préserver des funestes influences de l’humidité ; quelquefois aussi de relever et d’augmenter l’éclat des couleurs, ou des matières sur lesquelles on applique cet enduit.

On donne aussi le nom de vernis à un enduit composé de substances vitrifiables, dont on couvre les vases de terre et la porcelaine tant en dedans qu’en dehors.

Généralement, comme on le voit, la notion du vernis, ainsi que son emploi, appartiennent plus particulièrement aux ouvrages de la peinture ou de la poterie. Cependant ou en use très-habituellement dans beaucoup de parties de décoration, qui sont des dépendances de l’architecture. Et d’abord, il est certain que le vernis appliqué à la faïence, a fait très-long-temps l’agrément


des plus riches édifices, en Toscane surtout pendant le seizième siècle. De nos jours le vernis, en tant que liqueur ou enduit résineux, est d’un emploi habituel sur les bois dont on sait les revêtemens des intérieurs. Jadis on l’appliquoit sur les bois appelés d’Hollande, parce qu’il étoit importé par les Hollandais ? et on laissoit au bois sa couleur naturelle. Depuis, l’usage a prévalu de peindre ces bois soit à l’huile, soit à la détrempe, et d’y passer une couche de vernis, pour conserver à la sois et les couleurs, et le bois qui en a été enduit.

VERONA, une des plus anciennes villes d’Italie. Selon Massei, elle est, à l’exception de Rome, la ville qui a conservé le plus de monumens antiques, en divers genres, mais surtout en architecture.

On y observe encore des parties de ses anciennes murailles, qu’on croit avoir été construites par Gallien ; de très-grosses pierres mêlées à des fragmens d’autres constructions, tels qu’un fût de colonne dorique, ce qui indiqueroit une bâtisse faite à la hâte et de tous les matériaux qu’on avoit sous la main. Au milieu du cours actuel existe encore une très-belle porte antique. Elle est entière, de la plus grande conservation, et Massei doute qu’il y ait un reste d’antiquité qu’on puisse, pour son intégrité, compare à ce monument. Cette porte, comme toutes les anciennes portes de ville, est double, c’est-à-dire deux ouvertures, l’une pour les entrans, l’autre pour les sortans, et au-dessus s’élevoient deux rangs de petites senêtres.

Ce qu’on appelle à vérone la Colline de Saint-Pierre est jonchée de fragmens et de débris d’architecture, et d’édifices dont il seroit aujourd’hui très-difficile de se rendre compte. Plus d’un témoignage sondé sur des inscriptions, constate qu’il y eut en cet endroit un Capitole et des thermes, qu’on croit avoir été construits par Théodoric. On trouve encore sur cet emplacement des vestiges d’un théâtre antique, jadi reconnu par Palladio, et qui se voient aujourd’hui dans une maison sur la place du Rédempteur.

Une autre porte antique beaucoup plus recommandable que celle dont on a déjà sait mention, que l’on appelle Porta del Foro giudiziale, avoit aussi été prise par les premiers antiquaires pour un arc de triomphe. Aujourd’hui on ne pourroit plus s’y tromper. L’on reconnoît six caractères distincts entre les arcs de triomphe et les portes de ville, qui empêchent de pouvoir les confondre. Le premier est que les portes antiques n’ont qu’une façade, lorsque les arcs de triomphe en ont deux parfaitement semblables l’one à l’autre. La seconde différence est que la porte de ville a toujours deux arcs, ou deux ouvertures égales, tandis que l’arc de triomphe ou n’a qu’une ouverture, ou bien une grande accompagnée de deux petites. La troisième est que la porte se termine dans le haut par un sronton, et l’arc de triomphe par un attique. Les trois dernières différences consistent en ce que les portes ont un ou deux rangs de fenêtres, ce qui n’avoit pas lieu aux arcs de triomphe ; en ce que les portes ont leurs inscriptions ou sur la frise, ou même sur l’architrave, et les arcs triomphaux sur de grandes tables prises dans l’attique ; enfin en ce que les portes de ville faisoient partie des murailles auxquelles elles étoient liées des deux côtés, tandis que les arcs de triomphe sont toujours isolés.

Tous les caractères qu’on vient de reconnoître comme particuliers aux portes de ville, se réunissent sur la porte antique dont on a fait mention. Ce monument a été dessiné et mesuré par Serlio, vanté par Scamozzi, Addisson, Chambrai, qui se sont accordés à le mettre an nombre des plus précieux restes de l’antiquité.

Mais il faut appeler véritablement arc (triomphal, ou de tout autre genre) le monument qu’on a pelle à Vérone (Arco dé Gavii) ; on y trouve de même rassemblées toutes les conditions qu’on vient de parcourir, hors une seule, selon les premiers dessinateurs qui lui ont donné un sronton. Toutefois Massei regarde cette particularité comme une erreur de ces dessinateurs, qui ont trop souvent la manie de suppléer de leur imagination, aux lacunes que le temps a opérées dans les monumens, et il nie qu’il y ait jamais en un sronton. C’est sur cet arc dont on parle à la vie de Vitruve (voyez VITRUVE), qu on lit le nom de l’architecte Vitruvius Cerdo. Quelques-uns ont prétendu qu’il étoit te même que le Vitruve, auteur du Traité d’architecture. Massei suppose tout aussi gratuitement, ce nous semble, que ceVitruvius Cerdo auroit été le disciple et l’affranchi de Vitruvius Pollio, et il ne trouve point valable l’objection des denticules qu’on voit sous les modillons, à une partie restante de l’entablement de cet arc, pratique réprouvée par Vitruve dans son Traité, parce que, dit-il, peu de temps après lui l’usage contraire s’étoit établi.

Ce monument, indépendamment de toutes ces controverses, a reçu généralement l’approbation des plus habiles architectes, pour la justesse et l’accord de toutes ses parties. Mais on ne sauroit, dans l’état où il se trouve aujourd’hui, prendre une véritable idée de ses proportions. Il est enterré jusqu’à une certaine hauteur, c’est-à-dire celle du piédestal des colonnes, qui avoit de haut le tiers de leur élévation, ainsi que l’ont noté tous les architectes qui en ont levé les mesures, fondés sur l’autorité d’un de ces piédestaux mis à découvert du côté des fossés du château. Ainsi devoit gagner l’aspect de cet arc considéré dans son ensemble. Dès-lors les deux niches qu’on voit de chaque côté, et qui étoient ornées de statues,


se trouvoient à une juste distance de la vne. Ce fut sur l’appareil de cet arc, que Palladio fit l’observation qne les Anciens, pour rendre les joints de leurs pierres aussi déliés qu’il fût possible, avoient l’usage de ne pas en terminer les arêtes avant leur pose. Au contraire, ils leur laissoient dans leurs paremens, un excédent de matière qu’ils n’enlevoient sur place, par un dernier ragrément, qu’après toute la construction terminée.

Il faut remarquer qu’à une des parties de cet arc, il existe une porte de moyenne hauteur, et on voit encore la marque d’une semblable an côté correspondant. Les colonnes d’angle venoient aussi à faire sace sur les côtés. On a supposé que cet arc avoit pu sormer un quadrivium, et avoit ossert un passage dans tons les sens, à la manière des Janus.

Il y a à faire sur cet arc la même observation que nous avons abrégée en peu de mots, en parlant de l’arc des Sergius à Pola, en Istrie (voyez POLA) ; c’est-à-dire qu’il faut se garder de donner le nom d’arc de triomphe à tout arc qui rappelle, par sa forme, la disposition générale des monumens élevés pour les pompes triomphales, en l’honneur des vainqueurs. L’arc de Pola, et plusieurs autres qu’il seroit inutile de citer ici, nous prouvent que l’on consacroit des monumens dans la forme des arcs de triomphe, à des personnages qui ne remportèrent jamais de victoires. Plusieurs même de ces monumens sont élevés à une famille, et sur l’arc de Pola on lit le nom de la semme d’un des Sergius, laquelle avoit fait la dépense du monument. On croit donc, et tel est le sentiment des antiquaires à cet égard, que l’on éleva de semblables arcs, pour plus d’un motif indépendant des succès militaires ; qu’on put en faire des monumens simplement honorifiques, pour récompense de services civils ; mais que, plus probablement encore, ils purent être des tombeaux ou des cénotaphes élevés par ou pour des familles recommandables ; et la famille des Gavius à Vérone pourroit offrir un témoignage de plus en saveur de cette opinion, à celui qui entreprendroit un travail critique sur le très-grand nombre de monumens encore existans, et qu’on a confondus sous la dénomination banale d’arc da triomphe.

Le monument d’antiquité le plus considérable qui existe à Vérone, et un des plus remarquables qu’on puisse voir partout ailleurs, est sans contredit cet amphithéâtre romain, le seul, entre tous ceux qu’on connoît t, qui soit encore entièrement intègre dans sa partie intérieure, c’est-à-dire celle des nombreux degrés où se tenoient les spectateurs. Le temps a heureusement encore épargné quatre des arcades on portiques qui formoient l’enceinte extérieure de ce vaste édifice, dont nous avons donné avec beaucoup d’étendue les détails ailleurs, (Voyez AMPHITHEATRE.) Il nous reste à dire, que ce monument est aujourd’hui entretenu par la ville de Vérone, avec un soin qui doit lui présager une longue durée. Heureusement l’inutilité de la plupart des restes d’antiquité, inutilité qui a tant contribué à leur destruction, ne s’est pas sait sentir également à l’édifice dont on parle. Rien sans doute n’explique mieux les immenses dégradations qu’ont subies ces monumens dans toutes les villes romaines, que la désuétude des combats de gladiateurs, pour lesquels on les avoit jadis construits : ce qui dut arriver, dès que ces spectacles féroces eurent été bannis par le christianisme, des usages et des pratiques d’un monde nouveau. Partout ces monumens délaissés, et qui ne pouvoient guère être convertis en d’antres emplois, devinrent les carrières de pierres toutes taillées, où les siècles suivans trouvèrent les matériaux de leurs nouvelles constructions. Le hasard voulut, qu’après avoir dépouillé l’amphithéâtre de Vérone de la presque totalité de son enceinte extérieure, on épargnât les degrés en pierre de son intérieur. Le monument arriva dans cet état, jusqu’au temps où la renaissance des arts lit porter un œil attentif, sur tout ce que n’avoit pas dévoré le moyen âge. Le paganisme étoit oublié, et tous ceux de ses ouvrages qui lui avoient survécu, ne surent plus considérés que comme des modèles de goût où les arts renaissons cherchèrent des leçons.

De là le soin qu’on prit bientôt, non-seulement de ne plus abattre, mais de conserver et même de restaurer, autant qu’il fut possible, tous les restes d’antiquité. L’amphithéâtre de Vérone contribua peut-être plus qu’on ne pense à répandre dans les états de Venise, ce goût pour l’architecture antique, qui distingua très-anciennement l’école vénitienne. Cela pourroit encore expliquer le respect qu’on eut depuis le quinzième siècle pour ce mémorable reste d’antiquité. Il est arrivé, en effet, que quelques spectacles publics, que des occasions de réjouissances, firent imaginer de rassembler la multitude dans ce vaste local, et il est devenu aujourd’hui pour Vérone l’espèce de rendez-vous de tous les plaisirs, de toutes les fêtes que les circonstances font naître. Ce monument devra, il faut l’espérer, à cette nouvelle destination, sa conservation, son entretien et sa durée.


VERRE, s. m. Rien de ce qui regarde la fabrication, la nature, les emplois innombrables du verre, et l’ancienneté de son usage, n’est du ressort de ce Dictionnaire ; nous renvoyons sur tous ces points au Dictionnaire d’Antiquités.

Ce n’est pas que le verre, dans la variété de ses modifications, ne puisse entrer, soit comme ornement et objets de décoration dans les intérieurs des édifices, soit comme objet de nécessité dans leur clôture, appliqué surtout aux fenêtres. Mais sous le premier rapport, nous ne voyons guère qu’on puisse imaginer d’autre emploi du verre, que celui de ce qu’on appelle des glaces. Nous en avons traité à ce mot. (Voyez Glace.) Sous le second rapport, c’est au mot vitre que cette notion appartient. Voyez Vitre.

Nous ne pouvons toutefois nous empêcher de faire connoître ici un des emplois les plus extraordinaires qu’on ait jamais fait du verre dans l’architecture. Pline, qui en a fait mention, avoue lui-même, que depuis, ce genre de luxe n’avoit plus eu d’exemple : inaudito etiam postea genere luxuriœ. On veut parler de ce théâtre construit par Scaurus pendant son édilité, théâtre temporaire dont la scène, composée de trois ordres de colonnes, avoit reçu dans sa décoration trois mille statues de bronze. Selon Pline, celle scène étoit à trois rangs de colonnes en hauteur, et il y en avoit trois cent soixante : scena ei triplex in altitudinem CCCLX columnarum. La partie inférieure, ajoute-t-il, étoit en marbre : ima pars scenœ è mannore fuit. Celle du milieu en verre : media vitro. Celle d’en haut, en buis doré : summa tabulsis inauratis.

Il y a sur l’interprétation du texte de Pline une difficulté. La scène, comme il le dit, avoit trois parties en hauteur, et on y comptoit trois cent soixante colonnes, ce qui sait cent vingt à chaque étage. Maintenant qu’entend-il par ima pars scenœ, par media, et par summa ? Dirons-nous qu’il s’agit là des colonnes de chaque étage, ou simplement de l’espace et de la superficie du fond sur lequel étoient appliquées les colonnes ? C’est, à ce qu’il me semble, ce qu’on ne sauroit trop décider.

S’il s’agit de rapporter aux colonnes de chaque étage, la triple division de la scène, l’ordre insérieur auroit eu ses colonnes en marbre, celui du milieu en verre, celui d’en haut en bois doré ; dans ce cas, les colonnes du milieu auraient été formées de tronçons de verre bombés. Si l’on doit restreindre l’emploi du marbre en bas, du verre dans le milieu, et du bois doré dans le haut, aux simples paremens et revêtemens des fonds sur lesquels se détachoient les colonnes, le verre auroit été alors employé en lames, ou morceaux de compartimens, peut-être coloriés. On ne sauroit trop dire alors quel bon effet auroit pu produire cet emploi du verre, puisque par luimême, en tant que matière transparente, et en quelque sorte privée de couleur, il doit être d’un médiocre agrément pour la vue. Peut-être ne fut-ce qu’une bizarrerie du luxe, qui, de l’aveu même de Pline, n’eut point d’imitateurs.

On emploie quelquefois le mot verre comme synonyme de vitre. Ainsi l’on dit :

Verre dormant. C’est un panneau de vitre, scellé en plâtre, dans une vue de servitude, derrière un treillis de cour. La coutume de Paris prescrit sur les verres dormans les règles suivantes. La grandeur des panneaux de vitre ne doit point excéder la largeur ordinaire des croisées des bâtimens ; les treillis et barreaux de fer doivent être attachés et scellés au milieu de l’épaisseur du mur.

Il y a aussi des verres dormans scellés en plâtre, dans les croisillons des vitraux des églises gothiques.

Verre (peinture sur.) Nous croyons ne pouvoir mieux faire pour mettre nos lecteurs au courant des notions relatives à un sujet où règne tant d’ignorance et de prévention, que de mettre sous leurs yeux le travail qu’a communiqué à l’Académie des beaux-Arts M. Brongniart, de l’Académie des Sciences, et qu’il nous a permis de publier et d’insérer dans ce Dictionnaire.

Ce rapport fut lu par lui à l’Académie le 14 juin 1828.

Il règne un préjugé généralement répandu à l’égard de la peinture sur verre, savoir, que cet art est perdu, quoique depuis 1757 jusqu’à ce jour, on ait écrit et prouvé, que non-seulement ce prétendu secret n’en est point, et n’en sauroit être un, dans l’état actuel de nos sciences et de nos arts, mais que seulement le procédé de cette peinture a cessé d’être usuel, par le peu de besoin qu’on en a eu dans les monumens de l’architecture, (Voyez, au mot Vitres peintes, les raisons qui, ayant causé la désuétude de leur emploi, ont fait croire à la perte de l’art de les colorer.)

Les faits et les citations qui suivent vont prouver que cet ancien préjugé a été combattu à plusieurs époques.

On trouve le passage suivant, dans le Journal économique de mars 1757, pag. 135. « C’est une opinion commune que l’on a perdu l’art de peindre le verre, comme faisaient nos Anciens. Cette idée est si fort répandue, que dans une compagnie de gens de talent, quelqu’un ne craignit pas de l’avancer. Je soutins que nous possédons ce secret, qu’il ne paroissoit perdu, que parce que nous n’étions plus dans le goût de nous servir de verres colorés et peints, etc.
« Si cet art eût été réellement perdu vers le dix-septième siècle, il aurait au moins été retrouvé un grand nombre de fois depuis cette époque ; car outre Le Viel, qui l’a décrit en 1774, et dont la famille pratiquait cet art depuis deux siècles, un certain D. Manuel Morero Apariccio disoit dans la Gazette d’Autrecht du 14 décembre 1773, qu’il venoit de retrouver ce secret perdu. Enfin en 1802, M. Brongniart, de l’Académie des Sciences, lut un mémoire sur les couleurs vitrifiables, où il prouva avec toute l’évidence possible, que l’art de la peinture sur verre n’étoit point perdu, qu’on avoit donné tous les moyens de l’exercer, et qu’on avoit fait en ce genre des pièces plus ou moins nombreuses et variées.
« Les circonstances ayant donné lieu d’examiner de nouveau cette question, et différens morceaux de peinture sur verre, par plusieurs artistes, ayant été adressés à l’Académie des beaux-arts, pour en porter un jugement, le même M. Brongniart, de l’Académie des Sciences, a bien voulu nous communiquer l’excellent mémoire dont nous allons extraire les principales notions. »
Des Différentes classes de peinture sur verre.
« Pour établir l’état actuel de cet art, il est indispensable de faire remarquer que cette sorte peinture doit être divisée en plusieurs classes, qui se distinguent par des procédés et des résultats très-différent. C’est pour avoir confondu ces classes et ces procédés, que beaucoup de personnes croient, que le secret de la peinture sur verre est perdu, et que d’autres élèvent la prétention de l’avoir retrouvé, parce qu’elles comparent presque toujours la peinture, qu’elles ont faite par un procédé, à celle qui a été faite par un autre. Elles n’ont pas de peine à prouver ainsi que ce qu’on leur montre est bien différent de ce qu’elles font.
« On peut diviser en trois classes, les différentes sortes de peinture sur verre.
« La première est celle de la peinture en verre, au moyen de verres teints ou coloriés dans la masse.
« La seconde classe est celle de la peinture sur verre blanc, avec des couleurs vitrifiables appliquées au pinceau, et cuites à la moufle.
« La troisième classe est la peinture sur glace.
« Je ne puis avoir la prétention de décrire avec détail dans cette notice, les procédés qui appartiennent à chacune de ces classes ; mais je dois, pour faire apprécier plus nettement leur différence, développer les procédés essentiels, qui les caractérisent et qui les distinguent. Je dois donc aussi dire, que les procédés étant souvent appelés au secours les uns des autres, on pourroit établir une quatrième classe renfermant la peinture sur verre et en verre, qui résultent du mélange de ces procédés.
1re. classe. « Nous l’appelons plutôt peinture en verre que peinture sur verre, parce que ses plus grands effets résultent de l’assemblage des pièces de verres de diverses couleurs, destinés à faire le fond des teintes principales.
« On emploie donc dans cette première classe, principalement et presqu’uniquement, des verres colorés dans leur masse, ou, ce qui revient au même, des verres de couleur. Le nombre en est assez borné. Ce sont des bleus de nuances différentes, mais en général d’autant plus beaux, qu’ils sont plus intenses. C’est la couleur la plus facile à obtenir. Des verts rarement d’une couleur très-éclatante, et obtenus par le cuivre et le fer ; des violets de divers degrés d’intensité dus au manganèse ; quelquefois des jaunes dus à l’introduction de la fumée dans le verre au moyen de la sciure de bois ; et enfin des rouges. Ces verres rouges, teints dans leur masse, sont les plus difficiles à obtenir. Les personnes qui ont des notions de chimie, le concevront facilement, quand elles sauront, qu’on n’a pu avoir jusqu’à présent, des verres teints d’un beau rouge purpurin, ni par le fer, ni par l’or, mais uniquement par le protoxyde de cuivre. Celles qui veulent absolument que les procédés de la peinture sur verre soient perdus, pourroient ici trouver un appui à leur opinion, si on leur disoit qu’en effet, pendant très-long-temps, on n’a plus sait de ces verres rouges. Mais cette prétendue perte de procédé rentre dans celle qu’on signaloit au commencement de cet article. Le tour de main pour faire prendre à une masse vitrée, fondue dans un creuset de verrerie, la teinte purpurine que lui donne le protoxyde de cuivre, et pour la lui faire conserver, lorsqu’elle a été soufflée et étendue en vitre, est difficile à atteindre. L’exécution en paroîtra encore plus difficile, quand on saura, que ces vitres rouges, comme beaucoup de verres teints employés dans la peinture sur verre, sont composées de deux couches, l’une de verre incolore et limpide, et l’autre, beaucoup plus mince que la première, du verre coloré en rouge. On verra tout à l’heure le but de cette disposition.
« Cependant ces procédés ne sont pas perdus, Ils ont été trop bien décrits par Audiquer de Blancourt. M. P. Robert de Sèvres les possède, et M. Bontemps, directeur des travaux de la verrerie de Choisy, en a fait à cette verrerie en 1823 ; il en a sait en 1826 ; il vient d’en refaire encore pour Sèvres en 1828, et il continuera d’en faire, s’il reçoit des commandes assez considérables pour le dédommager de ses tentatives et d’une fabrication réelle.
« Voilà donc à quoi se réduit la prétendue perte des procédés de la peinture sur verre.
« Je ne parle pas des jaunes, des gris, qui sont le blanc ou le verre d’apparence dépoli, du noir, parce que ces couleurs ne sont presque jamais données à la masse du verre, mais seulement à sa surface, au moyen des oxydes vitrifiables, qui y sont appliqués et cuits ensuite à un feu de mousse, couleurs que l’on sait facilement, et d’autant mieux, qu’on est plus instruit en chimie, plus industrieux et plus habile manipulateur.
« Mais les verres teints dans leur masse, ne sont pas du domaine de la peinture sur verre proprement dite, telle que peuvent l’exécuter des procédés analogues à l’art des peintures sur porcelaine. C’est une dépendance de l’art de la verrerie ; c’est aux fabriques de verrerie qu’il faut les demander ; et on répète qu’à l’exception des verres ronges purpurins, toutes les verreries de France, qui s’adonnent à ce genre de fabrication, sont facilement et bien toutes les autres couleurs, et la plupart de leurs nuances. Cette classe de peintures sur verre est elle-même susceptible se diviser en deux sections, selon qu’on a pour objet de faire de grands panneaux, en vitraux d’église, ou de petits vitraux de cloître ou d’appartement ; mais la base du procède est la même.
« Dans l’un et l’autre cas, le peintre en verre doit se procurer les verres teints les plus beaux et les plus convenables à son objet, sous le rapport du ton, de l’épaisseur, de la dureté. Ils sont destinés à faire les teintes plates de toutes les parties du tableau. Il les coupe en conséquence, et y faits avec des couleurs vitrifiables, qui se reduisent presqu’uniquement à des gris, des bruns, des noirs, ou des roussâtres, les ombres ou demi-teintes qui doivent faire tourner les figures, ou dessiner les plis des draperies, Il les découpe, les réunit arec des plombs, et en sait des panneaux plus ou moins grands. Comme les nus ou le carnation, ne sont pas susceptibles d’être faits avec des verres teints, et qu on ne connoissois autrefois dans cet art aucune couleur propre à donner les nuances nécessaires, on remarquera que les têtes et les figures sont toujours d’une couleur terne, roussâtre, on camayeux, seules teintes que pouvoient former les couleurs que l’on possédoit alors. Il n’y a pas une carnation, pas un fruit, pas un groupe de fleurs, tous objets qui exigent une véritable peinture au pinceau, avec ses effets, ses nuances, ses passages. J’ai bien examiné tout ce qui a été sait dans les églises de Paris, et qui appartient à celle première classe. J’ai recueilli pour la manufacture beaucoup de fragmens de têtes et de figures, et aucune ne m’a sait voir une véritable peinture.
« Dans cette peinture en grand, les verres teints à deux couches, l’une incolore et l’autre colorée, n’étoient pas nécessaires. Aussi la plupart de ces verres sont-ils teints en plein, à l’exception des rouges qu’on ne pouvoit point faire autrement.
« Mon intention n’étant point de décrire les procédés de la peinture sur verre, mais seulement de caractériser ses différentes classes, pour voir dans le moment actuel, quel est l’état de chacune de ces classes, je dois borner à ce qui précède ce que j’ai à dire sur la première section de la première classe.
« Mais lorsqu’il s’agit de faire de ces petits tableaux qui doivent être vus de près, et se faire remarquer par l’éclat de leur couleur et la finesse de leur exécution, on a recours aux verres à doux couches, l’une teinte, et l’autre incolore. On enlève avec la meule la couche coloriée ; on met à nu la couche limpide, en lui donnant exactement les contours de l’objet à représenter ; on recouvre cette place creuse et incolore de la couleur qu’on veut donner à l’objet, et on obtient ainsi un ornement ou toute autre chose, d’une couleur différente de celle du fond sur lequel il est peint ; par exemple, des fleurs de lys d’un jaune d’or, sur un fond bleu, ou une bordure d’hermine sur un fond rouge, etc.
« Dans l’une ou l’autre section de cette classe de peinture, les couleurs d’ombre, ou celles qui sont nécessaires, soit pour donner des teintes, que les verres de couleur ne fourniroient pas, soit pour peindre les objets qu’on veut figurer, sont mises avec plus ou moins d’épaisseur, sur l’une ou sur l’autre surface du verre, et fondues au feu que l’on nomme de moufle. Les couleurs y adhèrent avec une force au moins égale à celle qui fait tenir les couleurs sur la porcelaine. Elle sont néanmoins susceptibles d’une légère altération par les météores atmosphériques. C’est une imperfection que les Anciens n’ont pu éviter. Si on croit le contraire, c’est parce que l’on confond sans cesse dans leurs tableaux, les parties faites avec des morceaux de verre teints dans la masse, et celles qui résultent des couleurs appliquées à la surface du verre et cuites à la moufle. Mais comme ces dernières couleurs étoient chez les Anciens en très-petit nombre, et qu’elles ne sont pas toutes altérables, on les a pour ainsi dite oubliées, pour ne remarquer que les parties en verre teint, dues non pas à la peinture sur verre, mais à la verrerie qui les a fabriquées et fournies.
« 2°. Classe. Elle renferme la véritable peinture sur verre, art à peine connu des Anciens et porté déjà à un haut degré de perfection, depuis que les connoisances de la chimie moderne sont venues l’aider.
« Il consiste à peindre sur du verre blanc des sujets de toutes sortes de figures, ornemens, fleurs, avec des couleurs vitrifiables, c’est-à-dire composées d’oxydes métalliques, et semblables aux couleurs d’émail ou de porcelaines, et à fixer ces couleurs sur le verre, en les y incorporant an moyen d’une chaleur incandescente qui ramollit le verre et fond les couleurs.
« Le mérite de ces peintures résulte, comme celui des porcelaines, du concours de deux talens, de celui du chimiste fabricant, qui fournit au peintre sur verre des couleurs appropriées, belles et bonnes, et qui sait cuire à propos ces peintures, et de celui du peintre qui doit connaître l’effet des couleurs, effet qui paroîtra différent, quand elle seront vues par réfraction, de celui qu’elles présenteront quand on les verra par réflexion, et qui doit savoir, comme artiste, donner à ses peintures, les tons, les nuances, et les effets que demande l’objet qu’elles représentent, et l’usage auquel elles sont destinées.
« Les couleurs doivent donc avoir beaucoup de puissance, sans qu’on soit obligé de les mettre épaisses ; car cette épaisseur leur enleveroit de la transparence, et les feroit paroitre lourdes et sombres. Il faut savoir mettre sur chaque face de verre, les teintes qui doivent concourir par leur superposition à l’effet recherché.
« Ici il n’y a plus de verres teints, plus de plombs, plus de réunion ; mais comme on ne peut pas peindre un sujet, ou une figure de grandeur naturelle, sur une seule pièce de verre, parce qu’on n’en fait pas de cette dimension, et parce qu’en supposant qu’on parvint à en faire, elles n’auroient aucune solidité, on est obligé de peindre ces grandes figures ou ces tableaux, sur des pièces de verre rectangulaires, qu’on réunit ensemble, au moyen d’une monture en fer, ce qui place le sujet derrière une espèce de grille.
« Ces peintures sont fixées par la cuisson à la moufle, à plusieurs feux. Le nombre des feux, va jusqu’à quatre, et peut aller au-delà. Les couleurs sont incorporées dans le verre. Elles sont aussi solides, pour ne pas dire plus, que les couleurs employées par les Anciens pour les ombres à donner aux parties faites sur les verres teints. Il n’y a donc aucune objection fondée à faire contre ce genre de peinture, sous le rapport de la solidité des couleurs, mais il peut y en avoir sous celui de l’effet.
« En général les peintures sur verre ne sont pas destinées à être vues de près. Leur principale destination, leur véritable place, est de remplir les immenses et hautes fenêtres des églises et des temples. Il faut donc que les peintures, vues de loin et sur le ciel, par l’œil déjà fatigué de la lumière directe qui lui arrive, soient montées à un ton élevé et brillant. Or il n’est pas probable qu’on y arrive au moyen des seuls verres peints. Il faudra avoir recours, comme l’ont fait les Anciens, aux verres teints dans la masse, et on obtiendra par la réunion de ce moyen, avec celui des peintures réelles, des carnations, des fleurs, moyens qui, ainsi que je l’ai dit plus haut, étoient inconnus des Anciens. On obtiendra alors des effets plus brillaus, et quelquefois aussi harmonieux que ceux des tableaux à l’huile.
« Les plombs de réunion ne doivent pas être regardés comme un obstacle. Placés avec discernement, ils augmenteront l’effet loin de lui nuire, et ils sont, dans beaucoup de cas, préférables au grillage de fer qui s’interpose entre le spectateur et le tableau.
« C’est la réunion de ce moyen des verres teints dans la masse, avec les verres réellement peints, qui constitue cette classe mixte dont j’ai parlé plus haut. Ce moyen n’est pas absolument nouveau ; les Anciens l’ont employé, mais avec une grande imperfection, ainsi que je viens de le dire.
« Le tableau que la manufacture royale de porcelaine exécute en ce moment, et qui doit remplir une des fenêtres de la nouvelle église de Notre-Dame-de-Lorette, est fait par ce procédé mixte, et j’ai lieu d’espérer qu’il atteindra complètement le véritable but de la peinture sur verre, et un effet vif et senti au moyen de couleurs transparentes et inaltérables.
« La 3°. classe est tout-à-fait moderne, et je la crois entièrement due à M. Dihl. C’est la peinture sur glace.
« Les procédés de fabrication des couleurs et de cuisson, sont généralement les mêmes que ceux de la peinture sur verre de la seconde classe. Les différences, et il y en a, consistent dans la fusibilité des couleurs, et dans la différence de cuire des glaces ou pièces de verre de quinze à dix-huit décimètres de côté, d’un seul morceau.
« Les procédés d’application ne sont pas les mêmes. Comme en raison de l’épaisseur de la glace, ou ne pourroit pas peindre des deux côtés de manière à ce que les couleurs se posassent toujours exactement l’une sur l’autre, dans toutes les positions où l’on regarderoit le tableau, et qu’il faut cependant, pour donner aux couleurs de la force sans lourdeur, les placer sur deux surfaces de verres, on donne une partie de l’effet du tableau sur une glace, et on complète cet effet, en appliquant les couleurs et les tons nécessaires sur la surface d’une autre glace. On applique ces deux surfaces l’une contre l’autre de manière que la peinture soit entre deux épaisseurs de glace On obtient par ce moyen des tableaux d’un effet suffisant et agréable, parce que leur lumière est celle du soleil mais il est probable que cet effet ne pourroit jamais être mené au ton nécessaire pour les vitraux d’église : d’ailleurs le prix en est, et en doit être toujours très-élevé. Il est inutile d’en exposer les motifs. M. Dihl a fait, comme je l’ai dit, les premiers tableaux de ce genre en 1800 et 1801. La manufacture de Sèvres en a sait un semblable, et uniquement comme imitatrice de M. Dihl, en 1801. Depuis lors on n’a plus rien fait dans ce genre, parce qu’il n’a pas beaucoup d’applications, et que ses produits sont très-chers. »
De l’état actuel de la peinture sur verre.
« Je comprends par l’état actuel la période qui s’étend de 1800 à 1828.
« L’usage et par conséquent la pratique de la véritable peinture sur verre, avec des couleurs vitrifiables, a cessé vers le milieu du dix-septième siècle. Depuis ce temps, et notamment vers la fin du dix-huitième, il s’est présenté de temps en temps, des chimistes ou des peintres, et principalement des Allemands, qui ont prétendu avoir retrouvé cet art, comme le prétendront tous ceux qui se donneront la peine d’essayer des couleurs de porcelaine sur un morceau de vitre. Mais l’art ne consiste pas uniquement à faire tenir quelques couleurs sur du verre ; il s’étend à la pratique de tous les procédés, et personne, que je sache, n’a mis ces procédés en pratique en grand, parce qu’aucune demande n’étoit faite.
« M. Dihl, en faisant paroître des glaces peintes vers 1798 ou 1800, a réveillé l’attention des Français, et peut-être aussi des autres nations, sur la peinture sur verre. J’étois depuis peu à la manufacture de Sèvres, j’avois peu de notions de cet art ; néanmoins, en étudiant l’ouvrage de Le Viel, et ceux des anciens chimistes qui se sont occupés de cette matière, en m’aidant de la pratique du sieur Méraud, chargé alors de la préparation des couleurs de la manufacture, je parvins à présenter, à la première classe de l’Institut, une série assez complète de couleurs sur verre ; c’étoient des vitres peintes par le procédé de la deuxième classe, c’est-à-dire, avec couleurs vitrifiables fondues par le feu de moufle sur le verre de vitre blanc, sans le secours d’aucun verre teint, et par conséquent sans l’emploi de plombs. C’étoit un essai qui n’eut pas de suite, parce que personne ne demanda de vitraux. Il étoit imparfait à beaucoup d’égards, mais il suffisoit pour faire voir qu’avec des recherches et de la pratique, on pourroit arriver à faire comme les Anciens. La question du rouge purpurin ne fut pas abordée. Cette tentative et les principes de fabrication employés pour le faire, ont été décrits dans le Mémoire que j’ai cité au commencement de cette notice : les pièces sont déposées dans la collection de la Manufacture royale de Sèvres.
« La continuation de l’église de Sainte-Geneviève fit penser de nouveau aux peintures sur verre ; les architectes firent des projets et des demandes, mais les vitraux qu’ils vouloient y placer ne devoient présenter que des ornemens à teintes plates, par conséquent, de panneaux faits presqu’uniquement par le procédé de la première classe. Ils rentroient alors dans le domaine de la verrerie et de la vitrerie.
« M. Mortelègue, fabricant de couleurs, a exposé, de 1809 à 1811, et jusqu’en 1823, différent tableaux peints sur verre et cuits à la moufle, appartenant à la deuxième-classe, c’est-à-dire, faits par le procédé connu des Anciens, sous le nom de verre émaillé, et sans le secours de verres teints. L’absence de ce moyen et celle du verre purpurin, firent que ces tableaux parurent inférieurs à ceux des Anciens, sous le rapport de la beauté des couleurs.
« M. Pâris a fait voir, en 1823 et 1824, quelques peintures du même genre, exécutées par le concours des deux procédés, des verres peints et des verres teints. L’un de ces vilraux est à la Sorbonne, où il produit assez d’effet. Les rouges teints ne sont pas dus au cuivre, mais à du cristal coloré par de l’oxyde d’or, seul exemple de ce genre de coloration que l’on puisse encore citer.
« M. Le Clair a produit, dès le commencement de 1826, quelques peintures sur verre, faites par le second procédé, ou des verres émaillés. Ces essais parurent assez satisfaisans.
« Ces peintures pourroient manquer de belles couleurs, du prestige des oppositions, et de celui du placement ; mais on peut assurer que le talent dont M. Mortelègue a donné des preuves ; dans la fabrication des couleurs de porcelaine, lui eût fait porter cet art à la perfection, si cet artiste français eût été chargé de quelques commandes, qui eussent pu l’engager à s’y adonner.
« J’ai désiré que la Manufacture royale de Sèvres, qui la première avoit donné, en 1802, des preuves qu’on pouvoit peindre sur vitres, quand on le voudroit, ne restât pas en arrière. J’ai donc, en 1823, encouragé M. Pierre Robert, peintre, à s’en occuper. Je lui ai donné, pour cela, tous les secours et les moyens qui dépendoient de moi ; néanmoins, n’ayant aucune commande à exécuter, nous n’avons pu former à Sèvrer, à cette époque, aucun atelier, aucun établissement en grand, et nous avons dû nous borner à produire des échantillons, pour faire voir aux savons, aux artistes, aux amateurs, ce qu’on pouvoit déjà faire, et par conséquent ce qu’on pourroit encore faire.
« M. Robert a exécuté successivement, en 1823, en 1824 et en 1825, des vitraux peints par les deux procédés, c’est-à-dire, en employant des verres teints et peints concurrement, ou en se passant entièrement des premiers. Il n’a pu employer en verres teints que ceux que lui fournissoient les verreries, et par conséquent, il a dû chercher à remplacer par des mélanges et des superpositions ingénieuses de couleurs, le verre purpurin, qu aucune verrerie ne fournissoit alors. On voit, par les pièces de 1823, de 1824 et de 1825, comment il a successivement amélioré ses couleurs et ses teintes, et comment il est parvenu, dans le grand panneau de la Sainte-Chapelle à suppléer presqu’entièrement le verre purpurin au moyen des vouées tirés de l’or.
« Les progrès résultant d’une pratique aussi peu active, que l’exécution de cinq à six petites vitres, sont cependant sort remarquables. M. Robert présenta, en 1825, un bouquet quet peint sur vitre, avec ses couleurs et sous la direction de M. Schilt. Ce bouquet est d’autant plus remarquable, que je ne connois aucune peinture de ce genre dans les vitraux anciens, qu’il est bien sous tous les rapports, et que ce pourroit être un genre de décoration très-convenable pour des monumens religieux, ainsi nue pour des maisons ou des châteaux.
« Enfin, comme on parloit toujours des procédés des Anciens, qui étoient perdus, qu’on disoit que les vitraux modernes en différoient beaucoup, j’ai voulu prouver l’erreur de cette opinion, en faisant copier exactement par M. Robert, une grande partie d’une fenêtre de la Sainte-Chapelle. Cette copie, faite presqu’à s’y tromper, est exposée, depuis 1826, dans la collection de Sèvres.
« Ces publications successives, ces essais, mis sous les yeux du public et des artistes à Sèvres, et dans les expositions publiques de la Manufacture, au jour de l’an, ne servirent à rien ; ils ne détruisirent pas l’opinion enracinée que l’art de peindre sur verre étoit perdu, et n’empêchèrent pas de croire qu’il venoit d’être retrouvé en Angleterre. Ainsi, l’ignorance trop générale où l’on étoit de l’état de cet art en France, et le desir très-louable de nous en faire jouir, en l’y important, engagèrent à aller, en 1826, chercher des artistes anglais pour transporter à Paris un art que l’on y possédoit depuis 1802, et dont on avoit vu successivement des produits en 1809, 1811, 1823, 1824 et 1825. Mais ces produits avoient été présentés sous de petites dimensions, parce qu’on ne fait pas sans commande des panneaux de croisées très-dispendieux, et qui n’ont de place que dans les édifices pour lesquels ils ont été commandés. On vit donc en septembre 1826 un grand tableau représentant le mariage de la Vierge, pour la chapelle de la Vierge de Saint-Etience-du-Mont ; et enfin, on fit venir, pour d’autres croisées, trois autres tableaux entièrement faits en Angleterre.
« Ces tableaux ont été faits sous la direction de M. le comte de Noé ; ils sont exécutés par les procédés de la seconde classe, c’est-à-dire par celui des verres blancs peints avec des couleurs vitrifiables cuites à la moufle. Ils offrent déjà, sous le rapport des couleurs et des carnations, des résultats de beaucoup supérieurs à ceux des Anciens ; mais, à l’exception de leur dimension, ils ne présentent aucun résultat qu’on n’eût pu obtenir à Sèvres, si on eût eu une pareille commande.
« M. Robert à voulu prouver, en exécutant, pour H. Dusommerard, un petit tableau sur verre, et pour la Manufacture de porcelaine, une copie de la même grandeur que l’original du tableau de Vierge d’André Solario, qui fait partie de la galerie du Musée royal. Cette copie a été faite par M. Constantin, afin que le mérite des arts du dessin, en se réunissant à celui des arts industriels, ne fît pas attribuer à ceux-ci des défauts d’incorrection qui lui sont tout-à-fait étrangers, auxquels on ne devroit faire aucune attention, mais qui attirent presque toujours l’œil et la critique des spectateurs. Tout nouvellement, c’est-à-dire dans le premier semestre de 1828, nous avons vu trois nouvelles productions de l’art de peindre sur verre, qui établiront, je l’espère, pour les incrédules, que cet art n’est perdu dans aucune de ses parités, et que l’essor qu’on lui a donné, depuis deux ans, quoique encore foible en comparaison de l’activité qu’il avoit dans le seizième siècle, lui a fait trouver tout ce que la pratique enseigne, et l’a porté déjà au-dessus de ce que faisoient les Anciens.
« M. le préfet de la Seine a commandé à la Manufacture royale de Sèvres deux fenêtres avec ornemens et sujets de figures, pour l’église de Notre-Dame-de-Lorette, et M. le vicomte de la Rochefoucauld a établi, dans la Manufacture royale de porcelaine, et d’après la volonté du Roi, un atelier particulier de peinture sur verre. Une grande partie de ces fenêtres est déjà exécutée, avec un éclat de couleurs et un coloris de carnation, de beaucoup supérieur à ce que faisaient les Anciens dans ce genre. Les figures du milieu, qui seront faites par les procédés réunis de la première et de la seconde classe, produiront, par cette réunion, tout l’effet qu’on peut désirer.
« La fabrique anglaise, sous la direction de M. le comte de Noé, vient de terminer une tête de Christ, et deux figures d’une grande dimension, qui, faites entièrement par le procédé de la deuxième classe, sont supérieures, sous le rapport de la variété, de la force et de l’entente du coloris, non-seulement à ce que les Anciens ont produit dans le même genre, mais encore à ce que cette fabrique a déjà fait.
« Enfin, un jeune Suisse, M. Muller, de Berne, vient d’apporter à Paris des petits vitraux faits avec une grande perfection, par un procédé exactement et trop complètement conforme à celui des Anciens, et qui appartient à la 2e. section de la première classe. Il consiste principalement, comme on sait, à employer des verres teints à deux couches, etc. Je dis trop complétement, car la couleur roussâtre de ces carnations y a été scrupuleusement conservée. Mais M. Muller a dû faire faire dans les verreries de France, tous les verres colorés qui lui étoient nécessaires, sans en excepter le beau verre purpurin qui, comme je l’ai déjà dit, mais il faut le répéter, avoit déjà été fait à Choisy, sur les renseignement donnés par M. Pierre Robert.
« Je ne parle pas de MM. Le Gros d’Anisy, Muller de Strasbourg, Henri Ducrocq de Douai, Girard de Paris, etc., et d’une multitude d’autres artisans, artistes ou, fabricant qui ont présenté des essais incomplets de peinture sur verre, trop inférieurs à ceux que j’ai cités, pour qu’on puisse l’y arrêter.
« Néanmoins, M. Le Gros fit, 1800, avec le concours de MM. Perrenot et Candel, un portrait sur vitre du 1er. Consul en habit rouge purpurin, couleur qu’il obtint avec de l’argent. Ce portrait n’a été vu que de peu de personnes, et j’en ignorais l’existence en 1802.
« Tels sont les différens progrès qu’a faits la peinture sur verre depuis sa réapparition en 1800 et 1802, et sa véritable renaissance, premièrement en 1811, par M. Mortelègue, et secondement en 1823 et 1824, par MM. Pâris et Robert. Tel est son état actuel en join 1828. On voit qu’elle est déjà supérieure, sous let rapport des couleurs de fruits, de fleurs et de carnation, à ce que faisoient les Anciens ; qu’elle ne lui est pas inférieure sous le rapport des procédés, et sous celui des verres teints de toutes couleurs et de toutes les nuances, sans excepter le rouge-purpurin du protoxyde de cuivre.
« On voit que pour mériter maintenant d’être distingué dans cet art, il faut présenter des vitraux plus grands, plus solides, plus éclatans et plus variés de couleurs, faits par des procédés plus économiques, plus ingénieux, et non moins solides que ceux que l’on emploie actuellement. J’ajouterai enfin, qu’aucun des principaux procédés n’est un secret ; que tout au plus quelques nuances de couleurs sont la propriété de ceux qui les ont déjà découvertes. Je compte décrire ces procédés avec quelque détail. »

L’empire de la mode et la manie du changement, qui sont un des caractères très-distinctifs du goût des peuples modernes dans tous les arts du dessin, ont porté depuis quelque temps les esprits à rétrograder jusque dans les siècles d’ignorance, qui virent s’élever les monumens qu’on appelle gothiques. Par une inconséquence naturelle à cet esprit de changement qui, ne pouvant avoir aucun principe, n’adopte pas le bon parce qu’il est bon, mais parce qu’il sera nouveau, on voit les mêmes hommes qui flétrissent du nom de gothique, les idées, les opinions ou les habitudes anciennes, tendre à rappeler le goût d’architecture qu’on appelle ainsi, sans penser qu’il tient à des élément incompatibles avec les besoins actuels, avec les ressources des arts, et avec l’accord qui ne sauroit plus exister outre les principes de ces arts, et le genre de bâtisse du moyen âge.

C’est à cet esprit insatiable de changement, qu’on doit les essais et les tentatives qu’on voit se reproduire, pour ramener dans l’architecture la pratique de la peinture sur verre, qu’on croit ressusciter, comme si ses procédés avoient été perdus, et qu’on voudroit appliquer de nouveau à décorer les vitraux des églises ou des palais, usage qui n’eut de crédit, dans ces temps anciens, que parce qu’il n’y avoit plus d’autre peinture, et parce que la construction des églises gothiques n’offroit presqu’aucune surface à l’art de peindre.

Apres avoir montré, dans le savant rapport de M. Brongniart, que l’art de peindre sur verre, loin d’être perdu, sera pratiqué dès qu’on le voudra, avec une supériorité à laquelle n’auroient pas pu parvenir les artistes qui ont décoré les vitraux gothiques, il resteroit à traiter la question de convenance sur ce sujet. C’est-à-dire l’art de peindre sur verre dans les fenêtres est-il en accord avec les besoins actuels ? L’état de nos arts et le luxe de nos édifices réclament-ils l’emploi de ce genre de peinture ? Ce genre pourroit-il se reproduire et s’accréditer sans nuire à la véritable peinture ? Cette discussion trouvera sa place au mot Vitre (Peinture sur).

VERRERIE, s. f. Ce mot exprime deux choses différentes ; il signifie l’art de fabriquer ou d’employer le verre. Il signifie aussi le corps de bâtiment, la manufacture proprement dite où l’on fabrique le verre.

Sous ce dernier rapport, la verrerie est un bâtiment qui se compose de plusieurs logemens, de bûchers, de fourneaux, de salles, de galeries, et de magasins qui servent à la fabrication des ouvrages en verre, et aux dépôts où sont rangés ces ouvrages.

Il y a des verreries, c’est-à-dire des fabriques de verre, affectées spécialement aux différens ouvrages, qu’on fait produire à cette matière. Ainsi il y a telle verrerie, comme celle de Sèvres, près Paris, où l’on ne fabrique en général que des bouteilles. Il y en a où l’on travaille le verre en ouvrages de luxe. Il en est où on le souffle ; il en est où on le coule. On fait ici des vases et objets bombés ; on fait ailleurs des vitres ou grands carreaux, et des glaces de toutes dimensions.

VERRIER, s. m. Ouvrier qui fabrique le verre ou qui travaille aux ouvrages de verrerie. Le même nom se donne au marchand qui les débite.

VERRIÈRE, s. f. (Jardinage.) Petite serre faite de menuiserie, fermée par devant et par dessus de châssis à verres, qu’on place dans les jardins sur une planche de terre ou de terreau, ou l’on élève des plants délicats pour les garantir des pluies froides et des intempéries des saisons.

VERRIN. Voyez Vérin

VERROU ou Verrouil, s. m. Pièce de menas ouvrages en serrurerie, qu’on sait mouvoir dans des crampons, sur une platine de tôle, soit unie, soit ciselée ou gravée, pour fermer une porte quand on est dons l’intérieur d’une chambre à ceux qui sont au-dehors.

On distingue les verroux à grande queue, avec bouton ou poignée tournante, pour les grandes portes ou les fenêtrages, d’avec les verroux plus petits qu’on nomme targettes, et qu’on attache avec des cramponets sur des écussons, pour les guichets des croisées.

Les targettes sont les unes à bouton, et s’attachent en saillie ; les autres à queue recourbée en dedans, avec bouton, et entaillées dans les battans des volets, afin que ces volets puissent se doubler facilement. Il y a encore des verroux à panache ; il y en a qui sont à ressort montés sur platine.

Depuis quelque temps on a imaginé de faire disparaître des battans des portes les différentes sortes de verroux dont on a parlé, et qui, dans la vérité, en défigurent les compartimens, et l’on a trouvé le moyen de faire jouer les verroux dans l’épaisseur même du bois : on le sait mouvoir par son bouton, au moyen d’une petite rainure pratiquée sur le montant de la porte.

Des étymologistes prétendent que verrou vient du latin veruculum, diminutif de veru, qui signifie dard, broche.

VERTICAL, adj. m. On donne ce nom à tout corps, à toute ligne perpendiculaire à l’horizon.

VERTICALEMENT, adv. Se dit de tout ce qui se trouve placé aplomb, ous perpendiculairement à l’horizon, comme l’est, par exemple, la façade d’un bâtiment.

VESTIBULE, s. m. , en latin vestibulum. Ce mot, qui est le même dans les deux langues, exprima, chez les anciens Romains, sauf la forme sans doute, à peu près la même chose qu’aujourd’hui.

Le vestibule etoit chez eux, comme il est encore dans les usages modernes, un local qui, à l’entrée des maisons, précédoit les différentes pièces dont l’ensemble se composoit. C’étoit ce que les Grecs appeloient prodromes, prothyron. Ce local existoit entre la porte d’entrée et la voie publique ; il etoit destiné à recevoir ceux qui venoient saluer le maître de la maison, de manière à ce qu’ils ne restassent point dans la rue, et n’entrassent point dans l’intérieur.

Quelques étymologistes ont tiré la formation de ce mot du nom de Vesta, parce que le feu qui lui étoit consacré s’allumoit, dans les anciens temps, au milieu du vestibule. Selon eux, on devoit s’y arrêter avant d’entrer, et l’on y pouvoit faire des sacrifices. D’autres ont prétendu que le mot vestibule étoit venu du mot latin vestis, habillement, et d’ambulare, marcher, parce que d’étoit en cet endroit qu’on arrangeoit la toge avant d’entrer.

Si l’on en croit Vitruve, dans la description qu’il donne des parties diverses de la maison romaine, le vestibule auroit été un local de simple nécessité, et sans aucune décoration d’architecture ; car la description ne donne rien à connoître de ses proportions, ni de ses ornemens. Selon lui, le vestibule étoit un de ces endroits, comme la cour (cavœdium) et les galeries alentour, où tout le monde avoit la liberté d’entrer, C’étoit enfin une partie en quelque sorte extérieure ; et tous ceux qui ont cherché à réaliser en dessin ou en plan la description de Vitruve, ont fait du vestibulum un espace ouvert par devant et sans aucune clôture.

Dans les usages modernes, on appelle vestibule un lieu couvert, qui sert de passage aux divers appartemens d’une maison, et qui est le premier udroit où l’on entre.

Il y a deux sortes de vestibules. Les uns sont formés du côté de l’entrée par des arcades garnies de châssis vitrés, qui en font la clôture ; les autres sont ouverts, et se composent de colonnes ou de pilastres, qui servent de décoration aux murs de face de la maison. Les premiers vestibules sont un objet de luxe et de grandeur, et n’appartiennent qu’aux palais. Ils sont ornés volontiers d’ordres de colonnes, de niches avec des statues. On ne sauroit donner de définition particulière de ces sortes de vestibules. Les parties dont se composent les maisons et les palais modernes, ne sont point assujetties, comme il paroît que cela avoit lieu chez les Grecs et les Romains, à des données communes, à des plans uniformes. Chaque maison peut avoir les mêmes pièces et les mêmes élémens de distribution, mais il seroit impossible d’y trouver un ordre général et commun à toutes. Aussi, nul ne pourroit décrire une de ces maisons, comme établie sur un type prescrit, de la manière dont Vitruve nous a a décrit la distribution grecque et celle de la maison romaine.

Ceci s’applique au mot vestibule. On peut affirmer qu’il y a sur la nature de cette pièce, sur sa situation, sur son ordonnance, autant de diversités que de maisons. Disons même que l’usage affecte le motvestibule à beaucoup d’édifices, qui ne sont ni des maisons ni des palais. On s’en


sert en effet à l’égard des temples, pour exprimer, dans ceux qui ont cette addition de construction, la partie couverte à laquelle on donne aussi quelquefois le nom de porche ; et l’on dit même, dans le style noble, le vestibule du temple. Les Grecs avoient le mot pronaos (avant-temple) pour signifier cette partie dans leurs édifices sacrés.

Ceci ne veut pas dire qu’il n’y a point de vestibules dans l’architecture moderne ; mais, d’une part, que le mot et la chose ne sont pas exclusivement affectés aux habitations ; et, d’autre part, qu’il n’y a ni forme, ni situation, ni disposition d’après lesquelles on puisse décrire et caractériser le vestibule dans la construction des maisons. On donne même ce nom (improprement si l’on veut) à une espèce de petite antichambre qui sert d’entrée à un médiocre appartement.

Cependant, on trouve dans quelques lexiques, des désignations particulières, servant à distinguer les différentes sortes de vestibules, qui font partie de la disposition des riches habitations et des palais ; et l’on dit :

VESTIBULE A AILES. Vestibule qui, outre le grand passage du milieu couvert en berceau, est séparé par des colonnes, de ce que l’on nomme des ailes ou bas côtés plafonnés en soffites. Tel est au palais Farnèse, à Rome, le beau vestibule qu’on a décrit à la vie d’Antoine San-Gallo. Les ailes dont on parle sont, dans de semblables vestibules, quelquefois voûtées, ainsi qu’on les voit au pavillon de la cour du Louvre, qui donne sur la place du Musée royal.

VESTIBULE EN PÉRISTTLE. Ainsi appelle-t-on celui qui est divisé en trois parties, avec quatre rangs de colonnes isolées. Tel est le vestibule du milieu du château de Versailles.

VESTIBULE FIGURÉ. Vestibule dont le plan n’est pas contenu entre quatre lignes droites, ou une ligne circulaire, mais qui, par des retours, forme des avant-corps ou des arrière-corps de pilastres et de colonnes avec symétrie.

VESTIBULE OCTOSTYLE ROND. On nomme ainsi le vestibule qui a huit colonnes adossées, comme le vestibule du palais du Luxembourg du côté qui donne sur le jardin.

VESTIBULE SIMPLE. C’est celui qui a ses faces opposées décorées symétriquement d’arcades réelles ou feintes. Tels sont les vestibules du palais des Tuileries à Paris, et de l’Hôtel-de-Ville de Lyon.

VESTIBULE TÉTRASTYLE. Vestibule qui a quatre colonnes isolées et en rapport avec des pilastres, ou d’autres colonnes engagées. Tel est le vestibule de l’Hôtel royal des Invalides.

VESTIGE, s. m. Ce mot signifié particuliérement la trace Ou L’indication Que laisse non objet quelconque, sur juin Matière sensibles de la receive et de la Conserver. Ce est Ainsi Que la plante du pied laisse non vestige sur le sable ous sur terrain non mou.

Par analogie sur dit d’un bâtiment ruiné, Mais Dont le découvre encore le régime, QU’IL RESTE des vestiges de Son ancienne existence. Dans bien des CAS le mot vestige is synonyme des mots restes, débris, ruines.

VÉTUSTÉ, s. f. Est un synonyme d’ancienneté, d’antiquité ; mais qui, comme toute espèce de synonyme, exprime une nuance d’idée particulière. Vétusté vient sans doute de vetus, vieux, et vetustas veut dire vieillesse, appliquée aux choses plutôt qu’aux personnes. Or on se sert beaucoup trop souvent du mot vieux, comme tout-à-fait synonyme d’antique ou d’ancien. Rien cependant de plus divers que l’idée qu’on attache à ces mots. Antique et ancien comportent l’idée de quelque chose de respectable. Quoique l’idée de vieux et de vieillesse puisse moralement prétendre à produire le même sentiment, cependant rien ne peut faire, qu’il ne se joigne à cette idée, celle des inconvéniens d’un grand âge, et entr’autres des difformités qui l’accompagnent. Turpisque senectus, a dit un poëte. Or il seroit souvent en fait de monumens, très-impropre d’appeler certain édifice antique un vieux édifice, et de parler de sa vétusté, parce qu’il y en a, qui, nonobstant le laps des années, out conservé leur beauté, et en produisent l’idée, de manière à ne pouvoir pas faire naître l’idée de vieillesse.

Généralement, dans un édifice, le mot vétusté indique ce que le mot décrépitude désigne chez l’homme. On dit qu’un bâtiment tombé de vétusté.

VICTOIRE, s. f. Les représentations que la sculpture a faites autrefois, et fait encore aujourd’hui de la victoire, dans les ouvrages de l’architecture, ont rendu son image si usuelle, que l’idée qu’elle représente, a cessé, on peut le dire, d’être exclusivement la propriété des Anciens et de leurs langues, l’expression de leurs croyances el de leur mythologie. La victoire n’est plus pour les modernes, une déesse, un être tel que l’imagination l’avoit personnifié, avec tous ceux dont elle avoit peuplé l’Olympe. Elle est aujourd’hui devenue une simple allégorie, dont le signe s’est introduit dans les formes du langage, et qui, sons les traits qui lui furent autrefois donnés, a pris place parmi les images habituelles de nos arts.

On peut je crois avancer, sans crainte d’exagération, qu’entre tous les signes mythologiques des anciens Grecs et Romains, il ne s’en trouve aucun qui ait été autant multiplié que celui de la victoire. Rien ne contribua plus à cette multi-


plication chez les Grecs, que l’extension qu’ils donnèrent à l’idée de victoire, en la transportant à des succès étrangers aux succès de la guerre. Cette transposition devait s’accréditer dans ces petits états, où tout concouroit à la rendre familière. Elle est sans doute naturelle, et les effets s’en reproduisent par une cause inhérente à la nature de l’homme, savoir, le désir de la supériorité, principe de tous les genres d’émulation, mobile de toutes les ambitions.

Ce principe fut singulièrement exalté chez les Grecs, par la nature de leurs institutions, de leur éducation, de leurs gouvernemens. Les exercices de leurs gymnases, qui d’abord furent l’école de l’art militaire, et finirent par n’être que des spectacles, introduisirent partout l’idée et l’habitude de dispute, de combats, par conséquent de succès ; dès-lors de victoires, de prix et de couronnes. L’enthousiasme public pour ces combats pacifiques, et pour leurs résultats innocens, semble avoir égalé, celui des nations les plus guerrières, et leur zèle à célébrer les plus importantes conquêtes de leurs généraux et de leurs armées. Il n’y a point de louanges, à mettre au-dessus des louanges, dont la poésie lyrique des Grecs, accabla tel athlète aux jeux de la lutte ou de la course, pour avoir par la vigueur de ses poignets, ou la vitesse de ses jambes, et de celles de ses chevaux, terrassé ou devancé de quelques pas, son adversaire.

Ces succès, il est vrai, ne faisoient pas construire d’arcs de triomphe comme à Rome. Mais ils multiplioient les images de la victoire, qu’on déposoit dans les temples, qu’on élevoit sur les places publiques, dont on ornoit les trônes des dieux, et que leurs simulacres tenoient dans leurs mains.

Le Jupiter d’Olympie par Phidias, avoit son trône ou du moins les quatre pieds de son trône ornés ou environnés de vingt-quatre figures de victoire. (Voyez la description de Pausanias et la restitution que nous avons donnée de ce monument dans notre ouvrage intitulé le Jupiter Olympien. ) Le Dieu lui-même en portoit une de près de six pieds de haut, en or et ivoire, dans sa main droite. Mais à quels exploits se rapportoient toutes ces victoires ? Nullement aux exploits militaires. Il n’y a rien là pour la guerre. Jupiter étoit à Olympie le dieu qui présidoit à tous les combats du stade et du gymnase, et lavictoire qu’il tient, est destinée à des combats qui n’étoient que des jeux, à des vainqueurs qui n’étoient que des athlètes.

Ce que nous venons de dire de l’emploi plus particulier des images de la victoire pour les combats gymnastiques, se rapporte surtout aux états républicains, où l’on redoutoit le pouvoir militaire, et où l’on évitoit de prodiguer des honneurs, qui auroient favorisé l’ambition des guerriers. Il ne dut pas en être ainsi des monarchies, et nous voyons que le char funéraire d’Alexandre, fait en forme d’un petit temple, avoit à ses quatre acrotères, et aux angles de sa voûte quatre victoires d’or portant chacune un trophée.

Mais la victoire dut être la déesse la plus en honneur chez les Romains, c’est-à-dire chez le peuple qui mit l’art de la guerre avant tous les autres, qui lui dut sa prééminence et son autorité sur toutes les autres nations de son temps. Aussi ne sauroit-on dire à quel point ils en multiplièrent les images. Comme les Grecs, les Romains en consacroient des figures dans les temples. Ils en plaçoient en forme d’hommage sur le soubassement du Jupiter Capitolin, ils les plaçoient dans des biges ou des quadriges de bronze. Ils les figuroient au-dessus des chars, tenant la couronne suspendue sur la tête du triomphateur.

Les images de la victoire sur les médailles romaines sont si multipliées, que leur description formeroit un très-gros volume. Mais ces figures gravées ne furent autre chose, que la représentation en petit de toutes celles dont la sculpture avait varié les types, les attitudes, les compositions dans de plus grands ouvrages, où on les voit tantôt ailées sur un globe, tantôt assises, tantôt debout précédant le char du vainqueur, tantôt planant au-dessus de lui, tantôt composant un trophée, tantôt placées aussi dans les mains des empereurs.

Les Romains furent les seuls qui aient consacré aux auteurs de leurs succès et de leurs exploits militaires, des monumens d’architecture tellement durables, qu’un très-grand nombre est parvenu, avec plus ou moins d’intégrité, jusqu’à nous. D’abord la cérémonie du triomphe, qui fut une institution exclusivement romaine, devint naturellement l’origine des arcs durables, qui remplacèrent les arcs ou les portes temporaires, sous lesquels devoit passer la pompe triomphale, (voy. sur cet objet L’article ARC DE TRIOMPHE. ) Il faut encore mettre au nombre des monumens érigés par les Romains à lavictoire, ces grandes colonnes, dont le fût étoit orné dans une ligne spirale, depuis la base jusqu’au chapiteau, d’une série de bas-reliefs représentant tous les événemens d’une guerre. Quelquefois aussi d’autres monumens recevoient, ou de leur décoration, ou de leur dénomination, la propriété de rappeler le souvenir de quelque triomphe ; et c’est ainsi qu’il y eut des ponts triomphaux, des portes triomphales qu’on ornoit de trophées.

L’architecture employoit de diverses manières les signes ou simulacres de la victoire dans les monumens dont on a fait mention. Par exemple vers le milieu de la colonne Trajane, on voit la série des exploits militaires de Trajan, interrompue par une figure de victoire, debout dans l’action d’écrire sur un bouclier. La porte d’entrée


du monument pratiquée dans un des côtés du piédestal, est couronnée par une grande table, où est l’inscription, et cette table paroît être supportée de chaque côté par deux victoires.

Mais ces sortes de victoires sont, dans les arcs de triomphe, l’accompagnement ordinaire et, l’on pourroit dire, obligé des archivoltes de l’arcade, soit qu’elle soit seule, soit qu’elle se trouve entre deux plus petites.

Chez les Modernes la victoire, comme on l’a dit, n’est plus, soit dans l’esprit, soit dans les habitudes du langage, soit dans les images qu’on en fait, qu’une personnification allégorique, comme les images des vertus, des saisons, des sciences, des arts, etc. Ses représentations, que le temps avoit transmises aux artistes modernes, en si grand nombre, prirent naturellement place dans l’ensemble des signes consacrés, et dont il n’auroit guère été possible de s’écarter. Aussi les voit-on, sous les mêmes formes, appliquées à des monumens qui furent eux-mêmes une tradition de l’antiquité.

Je veux parler de ces arcs érigés par presque tous les peuples modernes, à l’exemple des monumens de triomphe des Romains, quoique l’usage et la cérémonie du triomphe ne se soient point perpétués, et n’aient passé chez aucune autre nation. Les langues nouvelles ont, à la vérité, adopté le mot de triomphe, mais il n’est aussi qu’une idée métaphorique, et une sorte de synonyme de victoire. De cette transmission d’idée, il est résulté qu’on a aussi élevé pour célébrer les succès militaires et en rappeler le souvenir, des portes triomphales dans lesquelles se sont reproduites les formes, les proportions, les dispositions, et toutes les parties de la décorations des arcs antiques.

Ainsi la porte triomphale qu’on appelle à Paris la Porte Saint-Denis, offre, dans ses belles et nombreuses sculptures, une sorte de recueil de tous les motifs d’ornemens imaginés à Rome, pour les arcs de triomphe. Paris a vu encore, depuis quelques années, exécuter sur la place du Carrousel, en face du palais des Tuileries, une répétition presqu’exacte pour les masses, de l’arc de Septime Sévère à Rome. On retrouve à ces monumens le même emploi des victoires antiques, dans les archivoltes, et l’on y voit une conformité parfaite avec leurs modèles, pour les attitudes, la composition et le style d’ajustement.

Cependant il ne faut pas toujours confondre, dans beaucoup d’édifices, qui n’ont rien de commun avec les idées de victoire et de triomphe, certaines figures qui occupent ces mêmes tympans d’archivolte, et que leurs attributs divers doivent caractériser, comme le fait, par exemple la trompette à l’égard de la Renommée.

VIENNE, en latin Vienna. Ville très-ancienne située à cinq lieues au midi, et au-dessous de Lyon. Elle fut, sons l’empire romain, une des plus puissantes de la Gaule transalpine. Elle a conservé beaucoup de débris d’antiquité, et quelques restes encore assez remarquables de plusieurs de ses anciens monumens.

Les environs de Vienne témoignent de son ancienne importance, par des vestiges de routes, surtout de la via Aurelia, dont une partie, reconnoissable aux blocs irréguliers dont toutes les voies romaines étoient formées, existe encore à peu de distance de la ville. Il paroît que plusieurs aquéducs y conduisoient d’abondantes eaux. On en trouve des parties dans toutes sortes de directions. Il y en avoit un formé de trois conduits parallèles. Le mieux conservé des trois a été restauré en 1721, et il suffit aujourd’hui, aux besoins de la ville moderne. Sa construction est en maçonnerie de mœllons appelés par les Romains opus incertum.

Il subsiste encore un massif irrégulier dans sa base, à cause des différens angles du rocher de l’ancienne citadelle, qui est du même genre de construction.

La situation de Viennesur les flancs de plusieurs montagnes escarpées, avoit exigé, pour les grands édifices, des substructions considérables. Les Romains avoient élargi et étayé les différens plateaux naturels, par des massifs répartis suivant l’inégalité du sol, depuis le bas jusqu’au sommet du roc de la citadelle. Il y avoit dans quelques-unes de ces substructions, de grands escaliers, par où l’on montoit à plus d’un édifice.

Le plus remarquable de ceux qui subsistent, à peu près en entier, est le temple qu’on appelle d’Auguste et de Livie. On avoit été long-temps divisé sur le nom et la destination de ce monument. Quelques-uns prétendoient que c’étoit un prétoire, d’autant plus que la tradition et les chroniques apprenoient qu’on y avoit rendu la justice. Cependant plusieurs exemples prouvant que plus d’un temple avoit servi aussi de salle d’audience, les deux opinions s’étoient accordées. Mais la lecture de l’inscription dont il ne restoit plus que les trous, dans lesquels avoient été scellées les lettres de bronze, a démontré que sa destination principale avoit été d’être un temple.

Sa longueur totale est de cinquante-cinq pieds, sa largeur de trente, et la hauteur de trente-cinq. L’édifice est en général d’une belle proportion, mais les détails et l’exécution ne répondent point à la beauté de l’ensemble. On diroit qu’il auroit été composé par un architecte, et bâti par de mauvais ouvriers. On y remarque des discordances bizarres, et qui ne peuvent s’expliquer, que par l’inexpérience ou la négligence des constructeurs. L’appareil a été fait comme au hasard, sans accord et sans régularité. L’édifice est élevé sur un stylobate, dont la face antérieure est occupée par un escalier formé de douze marches.


Son plan est celui d’un périptère sur la face antérieure, et sur les deux parties latérales, jusqu’à la sixième colonne, à laquelle s’aligne le mur en retour du posticum, dans l’espace d’une colonne et d’un entre-colonnement, et se termine par un pilastre. Le peripteron se compose de six colonnes de face, et de six dans les flancs, en tout dix-huit ; exemple peut être unique en son genre. Leposticum est formé d’un mur en refends sans aucune ouverture. La porte est du côté oriental.

Les entre-colonnemens témoignent par leurs irrégularités, de la négligence avec laquelle cet édifice fut conduit ; il s’y trouve des différences de près d’un demi-module. Une autre singularité est que les colonnes du portique avec celles d’angle qui font retour, ainsi que les pilastres du mur en retour du posticum dont on a parlé, ont des plinthes à leur base, tandis que le reste des colonnes latérales n’en a point. Il résulte de là que, malgré le peu de hauteur de cette plinthe, le fût de celles des colonnes qui en sont privées a, relativement à la base et au chapiteau, quelques parties de plus en élévation.

Le profil du stylobate est d’une belle simplicité. On peut trouver que la cymaise manque de caractère, et que la plinthe est trop foibe pour le talon. La base est plus forte que la corniche, ainsi que cela doit se pratiquer, par la raison qu’on peut la considérer, moins comme la base du stylobate, que comme celle de tout l’édifice.

On ne sauroit s’assurer si le haut des colonnes a du retrait en dedans, selon le précepte de Vitruve ; le mur moderne les enveloppe presqu’entièrement. La colonne a de hauteur neuf diamètres et demi, le chapiteau un diamètre. Le fût est légèrement renflé ; le plus fort diamètre est un peu au-dessous de sa partie moyenne. Les cannelures sont au nombre de vingt. Le chapiteau, qui n’a que deux modules de hauteur, est de la même proportion que celui de Vitruve. La rose atteint le niveau des angles du tailloir. Ce grand relief, celui des volutes et de l’abaque, font presque tout l’effet de ce chapiteau, car ses caulicoles et ses feuilles d’olivier, très-peu saillantes et timidement traitées, feroient, avec beaucoup d’autres défauts d’exécution, présumer que cette architecture eut pour auteurs des hommes fort peu habiles, ou des ordonnateurs trop parcimonieux.

L’entablement a un peu plus de la cinquième partie de la colonne. Ses trois grandes divisions sont presqu’égales entr’elles, la corniche surpassant seulement de trois parties les deux autres qui sont d’égale proportion Cette monotonie, du reste, est peu sensible par l’effet de la perspective et à cause de la variété des profils. Les rosaces du soffite, non plus que les modillons, n’ont point reçu leur exécution dernière.

Le fronton, sans acrotères, est d’une belle forme ; il a de hauteur un peu plus du cinquième de sa largeur, au lieu du neuvième qu’indique Vitruve. Sur son tympan on voit plusieurs trous, qui semblent indiquer qu’il auroit servi de fond à quelques sculptures eu bas-relief. A la cymaise inférieure de la corniche, au milieu de la frise, et sur le haut de l’architrave, on reconnoît la place qu’auroit occupée un aigle les ailes étendues, emblême soit de Rome, soit de l’apothéose de l’empereur.

Il ne reste plus rien de la couverture antique. Le toit moderne est posé sur une cymaise grosière, qui fut substituée, dans le moyen âge, à l’ancienne déjà dégradée.

Après la chute du paganisme, ce modeste édifice échappa à la destruction de presque tous les temples des faux dieux. Au neuvième siècle il fut transformé en église, consacrée à la Sainte-Vierge. Ce fut alors que pour agrandir le local intérieur, on abattit les murs de la cella, et on lia par une muraille les colonnes, en arrasant les cannelures qui dépassoient trop le parement de la construction nouvelle. L’ancienne entrée fut condamnée, et on perça le mur du posticum, afin que, selon les rites du christianisme, la porte d’entrée sût du côté de l’occident. Plus d’une innovation y fut encore introduite, surtout par l’érection d’un clocher sur la façade. Ayant cessé, par une succession de révolutions, d’être une église, l’édifice est devenu un Musée, où l’on conserve tous les restes d’antiquité que recèle encore le terrain de celle ville et de ses environs.

Il y aurait à citer et à décrire plusieurs autres débris d’antiques monumens, qui sur les lieux même offrent plus d’intérêt, par les moyens qu’ils donnent de retrouver leur ensemble. Tels sont des restes de rampes d’escaliers qui conduisoient, à ce qu’on croit, au temple de Jupiter. Telles sont des portions de salles qu’on croit avoir appartenu à des thermes. Tel est encore un fort beau fragment do portique, qui, dit-on, fit partie du forum, et qui, dans son intérieur, est décoré de colonnes corinthiennes.

Mats un des plut curieux monumens antiques de Vienne, et des mieux conservés, est celui qu’on voit a quelques pas de cette ville, hors du la porte d’Avignon, et qu’on nomme l’Aiguille. C’est une masse qu’on peut appeler pyramidale, considérée dans son ensemble, mais dont la partie supérieure lient beaucoup plus de la forme et de la proportion obéliscales. Le monument se compose, dans sa partie inférieure, d’un massif quadrangulaire, percé de quatre arcades, à la manière des Janus. Ses quatre angles sont flanqués d’une colonne élevée sur un piédestal ; son chapiteau, extrêmement évasé et taillé en biseau, tient, par sa forme, du dorique et du corinthien. Au-dessus de l’entablement est établie une plate forme, dont l’obélisque occupe le centre.

Cet obélisque doit avoir été composé d’une


vingtaine d’assises de pierre, et dut avoir une trentaine de pieds en élévation. Le dessin qu’on en voit dans l’ouvrage des monumens de Vienne, présente une coupe de tout le monument, et cette coupe fait voir que le centre de la construction de l’obélisque étoit vide, soit pour en alléger le poids, soit par raison d’économie de matière. Dans son entier l’édifice peut avoir une cinquantaine de pieds de hauteur.

Quelle fut la destination de ce monument ? Aucune inscription ne l’apprend, et toutes les traditions sur de semblables sujets sont de peu de poids. Aujourd’hui on lui donne le nom de cénotaphe. Selon cette opinion, ce n’auroit été qu’un tombeau vide. Anciennement on lui donnoit le nom de sépulcre. On auroit peine à adopter cette dernière dénomination. Pour croire à cet emploi, il saudroit supposer, ou que les quatre arcades auroient été jadis fermées, pour servir de chambre sépulcrale, ou qu’il y auroit en sons ce monument des excavations et constructions, dont on n’a jamais eu connoissance. Mais dans l’ignorance où nous sommes d’un trés-grand nombre d’usages de l’antiquité, il vaut mieux s’abstenir d’explications, qui ne peuvent être que de vaines hypothèses.

VIF, VIVE, adj. On emploie quelquefois ce terme comme indéclinable, C’est ainsi qu’on en use pour dire le tronc ou le fût d’une colonne, la partie dure d’un mœllon, d’une pierre, que recouvre cette couche que l’on appelle le bousin. Ainsi, on dit d’un bloc de pierre, d’un mœllon, qu’ils sont ébousinés jusqu’au vif, quand on en a atteint le dur avec la pointe du marteau.

On use encore de ce mot au féminin, en désignant dans la taille de la pierre, la vivacité des angles que l’outil y produit, et qui entre dans la perfection de l’appareil et du travail de quelques autres matières. Ainsi, on dit de la pierre, du bois, des métaux, dont les angles sont aigus et ne sont ni émoussés ni arrondis, qu’ils sont taillés à vive arête.

VIGNOLA. Voyez Baroccio.

VILLA. Ce mot signifie en latin, soit une maison de campagne, soit une métairie ou ferme. Cependant quelquefois nu s’en est anciennement servi, pour désigner une bourgade, un village. Le mot villa a encore conservé cette double signification dans les bas temps de l’empire et dans le moyen âge. On le trouve employé dans les Capitulaires de Charlemagne.

Il est certain que beaucoup de ces villa, soit maison de campagne, soit métairie, ont été l’origine d’une infinité de villes, de bourgs et de hameaux, dont nous voyons encore aujourd’hui que les noms commencent ou se terminent par le mut villa. C’est de la que sont venus les mots français ville, village ; ce qui indique que les villes se seront formées tout naturellement du nombre d’habitations bâties auprès d’une villa, ou propriété rustique ainsi appelée.

Aujourd’hui le mot villa n appartient plus qu’a la langue italienne, et ne signifie rien autre chose que ce que nous appelons en français, selon leur importance ou leur étendue, château, maison, bien de campagne, habitation de plaisance, ou possession rustique.

Le mot villa, dans les dfférens genres d’acception que lui donnèrent les Romains, fournit à la science archéologique des notions très-nombreuses, mais qui seroient, pour la plupart, assez étrangères à l’architecture. C’est pourquoi, ayant déjà consacré un article fort étendu à ce sujet, sous le rapport de maison de campagne, envisagée comme habitation de luxe et de plaisance chez les Anciens (voyezCAMPAGNE (Maison de)), je me bornerai ici à un petit nombre de détails fort abrégés sur la villa des Romains, considérée selon ses trois principales acceptions, et je terminerai cet article par une courte mention des plus célèbres villa de l’Italie moderne.

Les Romains avoient trois sortes de villa, et chacune avoit sa destination particulière. On peut dire aussi que, le plus souvent, chaque villa comprenoit les trois genres, savoir, la villa urbana, rustica fructuaria.

La villa urbana conteniot l’habitation du propriétaire. On y avoit toutes le commodités qu’on trouve dans les maisons de la ville. Vitruve lui donne le nom de pseudourbana.

La villa rustica contenait, non-seulement tout ce qui appartient à l’économie rurale, les étables, les écuries, les chambres pour serrer les instrumens d’agriculture, mais aussi la cuisine, la demeure de l’économe, et des autres personnes employées à la culture des biens du propriétaire.

La villa fructuaria étoit destinée à garder et conserver les fruits récoltés. Elle contenoit les greniers pour le blé, les magasins pour l’huile, lés caves pour le vin, etc.

La villa urbana étoit ordinairement construite sur un terrain plus élevé que ceux de la villa rustica et de la villa fructuaria. Elle avoit, en général, les mêmes distributions que les habitations de Rome. Noua renvoyons à tous les mots de ce Dictionnaire qui traitent de la disposition de l’intérieur des maisons, des palais de ville et de campagne.

Dans la villa rustica on trouvoit d’abord, en entrant, le corps de logis de l’économe, bàti à coté de l’entrée de la maison, afin qu’il pût observer les entrans et les sortans, ce qu’on y apportoit, ce qu’on en emportoit. On comptoit, d’après Vairon et Columelle, dans l’ensemble de cette distribution, lu demeure du caissier, au premier étage au-dessus de la porte ; un lieu de dépôt pour les instrumens aratoires ; les cel-


lules des esclaves ; la prison qui étoit souterraine ; l’infirmerie, la cuisine, les étables et écuries ; les logemens des bergers ; le bain des domestiques. Ces différentes parties de la villa rustica, plus ou moins grandes, selon la fortune des propriétaires, étoient placées autour de la cour, qui servoit aux usages journaliers et aux services du ménage. Au milieu de cette cour étoit un réservoir rempli d’eau de source, ou de pluie provenant de l’écoulement des toits. Dans les villa d’une plus grande étendue il y avoit deux cours semblables, l’une intérieure, l’autre extérieure.

La villa fructuaria contenoit les bâtimens dans lesquels on conservoit l’huile, le vin, le moût. Là étoient le grenier à foin et à paille, les pressoirs pour le vin et l’huile, enfin tous les autres greniers et magasins. Les greniers où on conservoit le blé étoient exposés au nord, quelquefois on les voûtoit et on les pavoit de petits carreaux de brique ; les magasins pour les différentes sortes de fruits étoient placés dans un endroit sec, avec des fenêtres vers le nord, garnies de volets pour qu’on pût les fermer de temps en temps, afin d’empêcher les fruits de sécher. Ils étoient construits, voûtés et pavés en pierre.

Autour de la villa, il y avoit plusieurs petites constructions, servant à différens usages, soit pour y jouir de la vue de ta campagne, soit pour y prendre les repas, soit pour y étudier loin de tout objet de distraction. Tel étoit l’Ornithon de Varron, dans sa villa près de Casinum. Pline avoit plusieurs édifices semblables, dans sa maison de Laurentum, comme on l’a vu à l’article MAISON DE CAMPAGNE.

Le plus grand des édifices auxquels on donne le nom de villa est celui qui fut la maison de campagne de l’empereur Adrien, et dont on voit encore d’immenses débris près de Tivoli. Nous en avoua donné ailleurs une description abrégée. Voyez ADRIENNE VILLE.

Il nous resteroit, pour compléter les notions que peut comporter le mot villa dans son emploi assez habituel, de donner ici quelques descriptions des modernes édifices de l’Italie en ce genre, si déjà ce sujet n’avoit dû trouver sa plate, au mot MAISON DE CAMPAGNE, et si l’on ne devoit être par trop embarrassé du choix de ceux de ces bâtimens, qui mériteraient de figurer au nombre des modèles de l’architecture.

En bornant le peu de notions qui entrent dans le plan de ce Dictionnaire, aux plus célèbres villa de Rome moderne, noua citerons comme une dis plus modernes et des plus magnifiques la villa Albani, ornée des plus précieux restes de l’antiquité, où Winckelimann puisa une partie des rares connoissances sur lesquelles s’est fondée sa réputation. Le cardinal Alexandre Albani a fait de cette villa, un lieu tout à la sois de délices et de magnificence, qui peut le disputer au plus grand nombre des entreprises, que la puissance et la fortune de beaucoup de princes ont réalisées.

La villa Borghèse on villa Pinciana, égale en richesses d’antiquité à la précédente, avant qu’elle en ait été dépouillée, est moins remarquable par la beauté et le goût du bâtiment, que pur la grandeur, la variété de ses jardins, et des ornemens qu’on y a ajoutés, à la fin du dernier siècle.

La villa Pamphili, construite et ornée par Algardi, est regardée comme la plus considérable de toutes celles qu’on visite, surtout pour la richesse et l’étendue de ses jardins, dont on porte le circuit à prés de deux lieues.

Si l’on vouloit augmenter cet article de la mention de toutes les célèbres villa qui existent dans les environs de Rome, il faudroit faire mention à Tivoli de la célèbre villa d’Est, aujourd’hui à peu près abandonnée, mais qui, malgré son état de délaissement, présente encore dans la situation théâtrale de son palais, dans les beaux restes de ses plantations, et dans le grand parti de son ordonnance, une de ces entreprises qui portent notre esprit à se figure les magnificences de l’antique Rome.

Frascati, aujourd’hui le lieu de délices de Rome moderne, renferme un fort grand nombre de villa qui doivent leur agrément principal, et à la beauté des sites, et à l’abondance des eaux et des cascades qui ornent les jardins.

On ne sauroit terminer cet article sans citer un dus chefs-d’œuvre de l’architecture du seizième siècle en ce genre. On veut parler de la villa Madama, construite par Raphaël et Jules Romain près de Rome entre la pota Angelica et Ponte-Mole. Abandonné, aujourd’hui ce charmant édifice est devenu pour les artistes, comme une supplément à l’élude des ouvrages antiques du même genre, dont te temps et la destruction ont anéanti tous les vestiges.

VILLE, s. f. Nom général qu’un donne à un grand assemblage de maisons, de rues, de places, de quartiers, soit que cet ensemble d’habitations se renferme dans une enceinte de murs ou de remparts, qui s’opposent à son agrandissement, soit qu’il occupe un terrain illimité.

Toute ville étant un assemblage de constructions, œuvres de l’art de bâtir, sons quelque point de vue que l’on considère cet art, et quelqu’étendue qu’on veuille lui donner, on ne sauroit nier que les villesne doivent plus ou moins, non-seulement leur existence matérielle, mais encore leurs avantages, leurs commodités, leurs agrémens, leur beauté, leur renommée, à cette multitude de pratiques, de dispositions qui forment la réunion des travaux de l’architecture. C’est en raison de ce qu’il sera plus ou moins entré d’action ou de coopération de cet art, sous le rapport de goût et de beauté, dans l’ensemble


ou les détails du plan, ou des bâtimens d’une ville, que celle-ci acquerra plus ou moins de célébrité. Il faut reconnoître aussi que la nature des pays, des lieux et des climats, peut être tantôt favorable, tantôt contraire au développement des causes d’où dépendra la beauté d’une ville. Il n’y a personne qui ne sache que, tantôt le manque de matériaux propres aux grandes constructions, tantôt la mauvaise qualité de ces matériaux, privent certaines villes riches et populeuses de la beauté et de la magnificence, que de moindres cités se sont acquises. Les conséquences de cette seule cause sont très-nombreuses, car elles ont une action plus puissante, qu’on ne sauroit le dire, sur la direction du goût, sur l’emploi de la richesse, sur les habitudes politiques et morales, et sur le genre d’ambition de chaque nation, pour l’embellissement des villes. Ce n’est pas non plus ici le lieu d’énumérer toutes les causes morales, qui tendent an développement de l’architecture, en rendant son luxe nécessaire an soutien d’un grand nombre d’institutions. Ce qu’on vient de dire suffit pour faire voir, de combien de principes divers dépend la beauté d’une ville.

Mais un des plus sensibles, est celui qui se confond avec la cause, souvent fortuite, qui a donné naissance à une ville. Car c’est souvent de ce principe originaire, qui, par la différence des situations, influe sur sa prospérité future, que résultera aussi la facilité ou la difficulté pour l’art, d’en rendre les effets et les résultais plus ou moins propices aux beautés de l’architecture.

A l’exception de quelques pays, où l’usage de fonder des villes nouvelles fit adopter (comme on le dira) des pratiques qui les établissoient sur un principe d’ordre et de régularité assez uniforme, nous voyons que, presque partout, les villes, et surtout les plus grandes, durent leur origine, à ce qu’on peut appeler les causes fortuites, (Voyez RUE. ) Quelques maisons, d’abord isolées sur une route, finissent par se trouver rapprochées, si le commerce, ou quelques communications importantes, y conduisent les voyageurs. Ces maisons forment un bourg, et si les mêmes causes continuent d’avoir lieu, le bourg devient une ville, modique d’abord, mais susceptible d’une augmentation indéfinie, pur la réunion progressive qui s’opérera, des bourgs établis à peu de distance d’elle, et qui, par le nom de faubourg qu’on leur donne, nous apprennent da quelle manière cette ville s’est augmentée.

Cette lente et progressive formation de beaucoup de villes, est souvent ce qui rend très-difficile d’y opérer par la suite, les dispositions régulières que l’on aimeroit à y trouver. Il est des lieux propices à ces agrégations de maisons, et aux réunions nombreuses d’habitans, qui forment les grandes villes. Telles sont certaines situation voisines d’une grande rivière, ou sur certains penchans de montagnes, qui mettent à l’abri de certaines intempéries, ou dans le voisinage de quelques anses pratiquées par la nature même, sur les côtes de la mer. De ces divers positions dépendront souvent, par la suite, la beauté des aspects d’une ville, la facilité d’y établir de beaux percés, d’y pratiquer de ces alignement qui en rendent la circulation commode ou agréable. Il est certain que dans les divers états de l’Europe moderne, la plupart des villes ont été le résultat de ces causes spontanées. Ajoutons que le plus grand nombre a pris son accroissement, avec celui de la population, dans ces siècles que nous appelons du moyen âge, temps d’ignorance, où le goût des aria n’avoit aucune influence sur les mœurs, où les lois d’une bonne police étoient ignorées, et où l’exiguïté des fortunes ne permettant de chercher que le nécessaire dans les habitations, on étoit loin de mettre au nombre des jouissances de la vie, l’élégance, le luxe et les richesses de l’architecture.

L’accroissement progressif de la population des divers Etats, et les différences de leur régime intérieur, par rapport à la direction du principe et des effets de cette population toujours croissante, ont dû avoir partout, et produire une action très-variée, soit sur l’extension des villes déjà formées, soit sur la constitution des villes nouvelles. Lorsque, par les mœurs ou les institutions d’un pays, la population des villes ne peut trouver ni obstacle, ni limite dans les droits de cité, ou la classification des citoyens, rien ne peut empêcher que cette soule toujours progressive d’habitans, ne concoure, et pendant fort long-temps, sans ordre ni règle, à augmenter le nombre des habitations, à étendre de plus en plus le terrain sur lequel on les élèvera.

Des principes fort différons dans l’antiquité contribuèrent, et à maintenir dans certaines bornes l’étendue des villes anciennes, et à en fonder de nouvelles. Là où le nombre des citoyens étoit limité par les lois, c’étoit une nécessité que le trop plein de la population, au bout d’un certain temps, fût transféré ailleurs. De là le système de colonisation chez les Grecs, et aussi chez les Romaine. Ainsi tout ce qui, dans les usages modernes, augmenteroit indéfiniment une ville, servoit à la fondation d’autres cités.

On voit dès-lors que toutes ces villes nouvelles, n’étant plus les résultats d’élémens fortuits, mais au contraire de dispositions prescrites et d’opérations calculées, elles purent présenter un système d’ordonnance et de régularité qui, dès l’origine, dut imprimer à leur conformation l’avantage de s’élever, de s’étendre et de s’augmenter sur des plans raisonnés.

Denys d’Halicarnasse observe, que les Anciens mettoient plus d’attention à choisir des situations avantageuses, que d’ambition à prendre de grands terrains pour fonder leurs villes. On ne commençoit pas, même dès le principe, à les environner


de murailles ; on élevoit des tours à une distance réglée, et l’intervalle qui se trouvoit de l’une à l’antre étoit simplement retranché et défendu par des chariots, par des troncs d’arbres, et par de petites guérites, où l’on établissoit des corps-de-gardes. Après les cérémonies pratiquées à la fondation des murailles, on tiroit, dans l’enceinte de la ville, toutes les rues au cordeau. Le milieu du terrain renfermé dans l’enceinte de ville étoit destiné pour la place publique, et toutes les rues y aboutissoient. On marquoit les emplacemens que devoient occuper les édifices publics, comme les temples, les portiques, le théâtre, le stade, le forum, etc.

Avant de tracer définitivement l’enceinte de la ville, on creusoit un fossé circulaire, dans lequel on jetoit les prémices de toutes les choses nécessaires à la vie, et chaque citoyen ajoutoit une poignée de terre provenant du pays d’où il avoit été transplanté. Après cette première cérémonie, on traçoit l’enceinte véritable, avec un soc de cuivre, que l’on ajustoit à une charrue attelée d’un taureau blanc et d’une génisse du même poil. Aux endroits destinés à être occupés par les portes, on suspendoit la charrue, et on la portoit sans continuer le sillon. A mesure qu’on ouvroit le sillon, on y jetoit des fleurs, qu’on recouvroit ensuite de terre. La cérémonie étoit terminée par le sacrifice du taureau et de la génisse.

Tous ces détails nous sont donnés par Varron, Plutarque et Ovide. Nous les avons rapportés comme des témoignages authentiques de l’établissement des villes dans l’antiquité, et comme la preuve que le plus grand nombre de ces villes, étant destinées à décharger les villes anciennes de leur excédant de population, elles purent être disposées et construites d’après des principes fixes et des ordonnances régulières.

Ce que les notions des écrivains nous ont appris sur la manière d’établir les plans et les distributions des villes, nous est encore confirmé aujourd’hui par les récits des voyageurs qui ont visité les ruines d’un grand nombre de villes grecques. Il n’est pas rare de pouvoir encore se retracer leur ensemble, et de retrouver la direction des rues, en prenant pour guides, soit tes débris de leurs portes, soit l’indication de leurs principaux monumens.

Il ne saudroit pas se flatter d’en pouvoir faire autant à l’égard de beaucoup d’autres villes antiques, qui, comme plusieurs de nos grandes villes modernes, subirent, par des causes particulières et la succession des temps, de tels et de si grands accroissemens, qu’aucune espèce d’ordre dans la construction de leurs innombrables bâtimens, ne put en subordonner la disposition à aucun plan. A la tête de œs villes on peut citer Rome, que Cicéron nous apprend avoir été composée de quartiers fort serrés, de rues étroites et irrégulières.

Le même orateur nous a donné une description de la ville de Syracuse, qui, selon lui, étoit la plus belle de tomes les villes grecques. « D’abord (dit-il), sa situation avantageuse, qui en sait une place très-forte, présente de tous côtés, qu’on y arrivé, soit par terre, soit par mer, le coup d’œil le plus magnifique. Ensuite elle a ses ports enfermés entre ses maisons, et sur lesquels on a presqu’entièrement vue de tous les quartiers. Ces ports, qui ont leur entrée de différens côtés, viennent se réunir et se confondre à leurs extrémités opposées. Le canal étroit qui en forme la communication, sépare du reste de la ville la partie qu’on nomme l’Ile, qui s’y rejoint au moyen d’un pont.

« Cette ville est si vaste, qu’on la divise ordinairement en quatre villes. La première est l’île dont je viens de parler, qui, située entre deux ports, dont les eaux l’environnent de toutes parts, s’étend jusqu’à l’embouchure de l’un et de l’autre. C’est là qu’est l’ancien palais d’Hiéron, résidence ordinaire des préteurs. On y voit plusieurs édifices acrés, deux, entr’autres d’une magnificence remarquable ; savoir, le temple de Diane, et celui de Minerve, le plus richement orné de tous. A l’extrémité de l’île est une fontaine d’eau douce nommée Aréthuse. Elle y forme un bassin d’une grandeur incroyable, rempli de poissons, mais qui seroit entièrement couvert des eaux de la mer, s’il n’en étoit séparé par une digue qui l’en garantit. » « La seconde ville se nomme Acradine. Elle a un forum (ou place publique) immense, de superbes portiques, un prytanée très-décoré, une très-vaste salle d’assemblée du sénat, et un fort beau temple de Jupiter Olympien. Le reste, partagé en différentes portions par une rue très-large, qui règne dans toute sa longueur, et par plusieurs autres qui la traversent, est occupé par les maisons des particuliers. La troisième ville a pris le nom de Tyché, d’un ancien temple qu’on y avoit élevé à la Fortune. On y trouve un gymnase très-vaste, et un fort grand nombre d’édifices sacrés. C’est la partie la plus peuplée el la plus fréquentée de toutes. Enfin, la quatrième s’appelle laVille-Neuve, parce qu’elle a été bâtie la dernière. A l’extrémité est un très-grand amphithéâtre. Ailleurs, deux superbes temples, con sacrés, l’un à Cérès, l’autre à Proserpiue, et une très-belle statue colossale d’Apollon Téménite. »

Il paroît que la ville de Rhodes fut une des plus belles villes antiques. Ce fut pendant la guerre du Péloponèse que les Rhodiens se réunirent en une seule cité, et fondèrent aux dépens des trois villes qu’ils avoient occupées jusqu’alors, la ville à laquelle ils donnèrent le nom même de l’île. Ainsi, on peut regarder Rhodes comme une


ville construite à neuf, sur un plan exprès, et dont la beauté fut un effet de l’art.

Strabon nous apprend qu’elle fut l’ouvrage de l’architecte Hippodamus de Milet, celui qui avoit construit pour Athènes les murs du Pirée. Elle avoit, selon cet écrivain, quatre-vingts stades de circuit (plus de trois lieues), et pouvoit contenir un peuple immense. Placée à la pointe d’un promontoire qui s’avance vers l’orient, son terrain étoit en pente, l’architecte y conforma son plan, et perça les rues avec tant d’intelligence, que ce qui auroit pu être un défaut devint une beauté. Rhodes, selon Diodore de Sicile, s’élevant en amphithéâtre, tous les yeux étoient frappés de la vue des vaisseaux, et l’on concevoit une haute idée de sa puissance.

Strabon, qui avoit beaucoup voyagé, et qui connoissoit Rome, Alexandrie, Memphis, et les cités les plus fameuses de l’Asie, ne peut s’empêcher de leur préférer Rhodes. La beauté de ses ports, dit-il, de ses rues, de ses murs, la magnificence de ses monumens, l’élèvent si fort au-dessus des antres villes, qu’il n’en est aucune qu’on puisse lui comparer.

Aristide (in Rhodiaca) l’a décrite avec plus de détail, et le tableau qu’il nous en a laissé, ne peut qu’en donner la plus grande idée. "Dans l’intérieur de Rhodes, selon lui, on ne voyoit point une petite maison à côté d’une grande ; toutes les habitations étoient d’égale hauteur et offroient la même ordonnance d’architecture, de manière que la ville entière ne sembloit former qu’un seul édifice. Des rues sort larges la traversoient dans toute son étendue. Elles étoient percées avec tant d’art, que de quelque côté que l’on portât ses regards, l’intérieur offroit toujours une belle décoration. Les murs, dans la vaste enceinte de la ville étant entrecoupés de tours d’une hauteur et d’une beauté surprenantes, excitoient surtout l’admiration. Leurs sommets élevés servoient de phare aux navigateurs.

« Telle étoit la magnificence de Rhodes, qu’à moins de l’avoir vue, l’imagination ne pouvoit pas en concevoir l’idée. Toutes les parties de cette immense cité, liées entr’elles par les plus belles proportions, composoient un ensemble parfait, dont les murs sembloient être la couronne. C’étoit la seule ville dont on pût dire, qu’elle étoit fortifiée comme une place de guerre, et ornée comme un palais. »

Vitruve nous a donné l’idée d’un fort bel aspect de ville, et d’une disposition aussi heureuse que pittoresque dans ce qu’il rapporte de Mausole, roi de Carie, qui, bien que né à Mylasso, résolut de porter ailleurs la capitale de son royaume. « Il choisit, dit-il, la position d’Halicarnasse, comme présentant une place d’une assiette fort avantageuse, et très-commonde pour le commerce, ayant un fort bon port. Ce lieu étoit circulaire, et s’élevoit en forme de théâtre. Mausole destina le terrain inférieur, et plan, à recevoir le forum (ou la place publique). Au milieu de la pente sur laquelle le reste de la ville étoit construite, il fit pratiquer une grande et large rue. C’est là que fut bâti ce magnifique monument qui fut le tombeau de Mausole, et qui porta son nom, ouvrage placé au nombre des sept merveilles du monde. Au milieu de la citadelle placée tout en liant, il construisit le temple de Mars, célèbre par la statue colossale acrolythe du Dieu, sculptée par Télocharès. Les deux cornes de cette espèce de théâtre formé par la nature, Mausole les destina à recevoir, d’un côté le temple de Vénus, et de l’autre son propre palais. Telle étoit la disposition de ce palais, qu’il avoit vue, du côté droit, sur la place publique, sur le port, et généralement sur tous les remparts rie la ville. A la gauche il regardoit sur un antre port caché par les montagnes, en sorte que nul ne pouvoit voir ce qui s’y faisoit. Le roi seul de son palais pouvoit donner les ordres aux soldats et aux matelots, sans que personne le sût. »

Voilà, ce nous semble, les seules notions descriptives de villes antiques considérées sous le rapport de leur disposition et de leur aspect, que les écrivains nous aient transmises. En vain en chercheroit-on de semblables dans le voyage de la Grèce par Pausanias. Ce voyageur embrassa, dans son ouvrage, trop de parties importantes, et d’un plus grand intérêt, que ne le sont des détails pittoresques ou descriptifs, pour qu’on puisse se plaindre qu’il ait négligé de satisfaire, sur le point qui nous occupe, la curiosité de son lecteur. Cet esprit de description si fort répandu depuis peu, dans la littérature moderne, ne paroît guère avoir été du goût des Anciens. Dans le fait rien de plus inutile au fond, parce que rien n’est plus difficile, pour ne pas dire impossible, que de faire passer dans l’imagination, par le seul secours des paroles, une idée claire d’objets, d’effets, de rapports qui doivent s’adresser aux yeux, ou parler à l’esprit au moyen d’un plan dessiné.

C’est effectivement, au plau de l’ensemble des bâtimens, des places, et des rues d’une ville, qu’il appartient, de faire juger de ses dispositions, et de nous apprendre, si les constructions ont été soumises, dès le principe, à un ordre régulier et symétrique, ou si résultats primitifs de causes fortuites, et de rapports accidentels, l’ordonnance et les distribuions de cette ville se sont combinées au gré d’une multitude de convenances isolées et particulières. Or, comme on l’a déjà fait voir, des raisons qui tinrent aux régimes divers et aux constitutions de beaucoup de pays, ayant produit le besoin de villesnouvelles, pour les colonies que l’excédant de population obligeoit de fonder, il fut naturel que ces villes reçussent, dés leur fondation, l’avantage de se Conformer à un plan déterminé.


Mais on se tromperoit si l’on étendoit l’effet de cette circonstance aux antres villes. Une ville antique, ensevelie il y après de dix-huit siècles, sous les éruptions du Vésuve, a été dans le siècle dernier rendue à la lumière. Je parle de la ville de Pompeia dont les principaux édifices et les habitations particulières, en grande partie ruinés dans ce qui formoit leur élévation, est aujourd’hui intacte et visible, pour tout ce qui constituoit son plan, en sorte qu’il est plus facile de retracer aujourd’hui cette ville, ou du moins ce qui en est découvert jusqu’à ce jour, dans son iconographie, qu’il ne l’eût été, lorsqu’elle étoit entière et habitée.

Un architecte français (M. Bibent) s’est livré pendant plusieurs années, sur les parties découvertes de Pompeia, et malgré toutes sortes de difficultés et d’obstacles, à relever, avec une entière et précieuse exactiude, les plans fidèles des édifices, des maisons, des places et des rues de la ville. Ce qu’il en a publié peut faire au moins le tiers de son enceinte. D’après ce plan, il est aisé de se faire une juste idée de sa disposition élémentaire. Or il est sensible que Pompeia ne fut pas du nombre de ces villes qui furent établies sur un plan uniforme. On n’y voit pas cette distribution de rues, aboutissant régulièrement de chacune des portes, au point central de la place publique, ou de forum. On n’y voit pas que les rues transversales aient coupé les autres à angles droit. On n’y voit pas que les grandes rues aient été toutes alignées et tirées au cordeau. Les monunmens publics même ce paroissent point avoir servi de point de vue, à quelque place importante, à quelqu’avenue correspondante. Ces monumens, au contraire, semblent s’être arrangés, comme l’un après l’autre, dans des espaces souvent biais, et s’être adaptés à toutes les sujétions du local. On ne sauroit dire que les rues offrent de ces contours sinueux qui, dans beaucoup de villes modernes, attestent le manque de direction donnée par l’outorité aux bâtisses successives, que produit le luxe ou l’augmentation de population. Quelques-unes des rues de Pompeia éprouvent des déviations, qui toutefois ont lieu par des lignes droites. Les grandes rues sont alignées. Mais l’ensemble de la ville ne porte aucunement le caractère de régularité, que peut seul offrir un plan fait d’avance.

On peut dire à l’égard des villes modernes, qu’on en compte très-peu qui aient eu, dès leur origine, l’avantage d’un semblable plan, et qui ne soient un produit très-incohérent de principes ou divers, ou contraires. On conçoit que cela dut arriver à des villes très-anciennes, qui se sont perpétuées, en s’étendant et se modifiant sans cesse, de siècle en siècle, au gré des changement que le temps amène dans les usages et dans les formes d’une société. Ainsi peut-on, dans quelques villes, et Paris est de ce nombre, suivie depuis plusieurs siècles, l’histoire de leurs progrès, de leurs changemens, de l’accroissement de leur population et de leur richesse, par les agrandissemens des quartiers, par les extensions de terrain, par les changement de goût survenus dans les constructions publiques et particulières. Plus l’esprit de commerce, si différent de l’esprit de famille, aura fait de progrès dans ces villes, plus les habitations particulières, soumises aux spéculations des entrepreneurs de locations, se feront avec économie pour s’accommoder plus facilement aux changement, que de nouveaux besoins introduiront dans les établissement mercantiles. Cependant l’accroissement de population qu’amène le commerce, exige de la police administrative, que les nouvelles rues acquièrent plus de largeur, que de nouveaux percés multiplient les dégagemens, que les anciennes rues se redressent, et s’élargissent graduellement. Ainsi voit-on la même ville devenir, par de nouvelles additions de quartiers, comme un composé de plusieurs villes, en apparence étrangères les unes aux autres.

Peu de villes modernes offrent dans leur disposition élémentaire, les conditions que l’art de l’architecture imposeroit à celles, qu’il auroit l’avantage de créer. La capitale de la Sicile, Palerme, est peut-être la ville qu’on seroit le plus porté à croire établie dès l’origine sur un plan déterminé Difficilement imagineroit-on une plus grande et plus simple disposition, que celle qui fixa la construction de cette grande ville, sur deux rues immenses, lesquelles se coupant dans leur milieu, forment le point de centre de quatre rues, où viennent aboutir toutes les rues secondaires, qui les traversent en ligne droite. Lorsque de beaux bâtimens, de grandes constructions, sans aucun mélange de bâtisses communes, bordent de semblables rues, ont est tenté de croire, que le hasard n’a point été l’auteur d’un pareil plan, et que succédant à L’antique Panorma, la capitale de la Sicile a pu hériter de quelque disposition antécédente, ou de quelquesunes de ces traditions, qui survivent aux villes elles-mêmes, dans des restes de matériaux ou de ruines, témoins toujours subsistans d’un ordre anciennement établi, et que la force de la routine perpétue à l’insu même de ceux qui le suivent.

Il y a, comme on l’a dit, dans les villes une beauté d’aspect qui tient à leur emplacement, à leur situation, à la nature du terrain sur lequel des causes quelconques ont favorisé leur érection. Rien, en général, ne sauroit plus contribuer à ce genre de beautés que la position en forme d’amphithéâtre. Le plus frappant exemple parmi les créations modernes de ce genre que nous puissions citer, est, sans contredit, la ville de Gênes, où se réunirent toutes les causes qui peuvent faire de l’assemblage des édifices et des habitations d’une population nom-


breuse, une sorte de spectacle dont la richesse et la variété sembleraient être le résultat d’une composition pittoresque idéale, plutôt que le produit du besoin et de la nature des choses. Il n’est pas douteux que dès l’origine, cette ville, construite au fond de son golfe, sur le penchant de la montagne qui le domine, n’ait dû se prêter à toutes les variétés qui produisent d’heureux points de vue. Mais cette simple cause fût restée, comme en beaucoup d’autres positions semblables, stérile pour l’art, si le commerce et le gouvernement de cette ville ne l’eussent peuplée d’une multitude de citoyens opulens, jaloux d’étaler leur fortune dans de nobles et grandes constructions de palais, destinés à honorer leur patrie. Ajoutons qu’à une certaine époque, celle du seizième siècle, qui fut celui de la belle architecture, la ville de Gènes, par un zèle général, appela les plus célèbres architectes, qu’elle chargea des embellissemens qui ont achevé d’ajouter les mérites de l’art aux avantages de la nature. Gênes est la seule ville qui semble nous rappeler la description mentionnée plus haut de l’antique Rhodes. On peut effectivement en dire aussi, qu’on n’y voit pas une petite maison à côté d’une grande, que ses habitations d’une égale hauteur offrent la même ordonnance, etc.

Aristide, comme on l’a vn, dit encore de la ville de Rhodes, qu’elle semble, par l’uniformité décorative de ses constructions, ne former qu’un seul édifice.

On pourroit, je pense, faire de cette particularité une application à la ville de Turin. Cette capitule ayant été dévastée par les divers sièges qu elle avoit soufferts au commencement du dernier siècle, fut rebâtie depuis ce temps, et an peut dire qu’elle est presqu’entièrement neuve. Elle est certainement, entre toutes les villes d’Italie, ce pays le plus riche de l’Europe en belles villes, la ville sinon la plus belle par l’architecture, du moins la plus remarquable par la grandeur de ses dispositions, la symétrie et la régularité de ses bâtimens. On adopta dans sa reconstruction la pratique déjà mise en usage à Bologne, à Padoue et ailleurs, des portiques ouverts aux rez-de-chaussée des maisons, ce qui offre aux gens de pied une circulation commode et abritée, le long de toutes les rues. Cette méthode se trouva fort heureusement soumise, dans un plan entièrement neuf, à un parfaite uniformité. Dans les grandes rues surtout, les portiques ont contribué à donner à l’extérieur des maisons une apparence monumentale, qui semble ne faire de toute une façade de rue qu’un seul grand édifice. Toutes les rues sont alignées et se croisent en angles droits ; elles partagent la ville en cent quarante-sept carrés plus ou moins grands, appelés contracte Nulle ville, à vrai dire, n’a un aspect plus grandiose, par la juste proportion qui règne entre la hauteur des édifices et la grande largeur des rues. Aucune autre, très-certainement, n’auroit en sur elle aucun avantage, si la beauté de l’architecture eût répondu à la magnificence de sa disposition. Mais quoiqu’on ne puisse pas reprocher au style de ses bâtimens les vices de mauvais goût, et ces bizarreries qui avoient précédemment, à cette époque, corrompu les principes de l’art de bâtir, on est toujours forcé de regretter qu’une aussi belle occasion n’ait pas coïncidé, comme à Gênes, avec l’époque du beau siècle des arts.

Quelque mérite, en effet, qu’il faille reconnoître, soit à Turin, soit ailleurs, dans la commodité, la régularité, la disposition symétrique, et autres qualités dont une ville peut vanter les avantages, sous le seul rapport d’une beauté matérielle qu’on ne contestera pas, nous croyons cependant que l’uniformité, lorsqu’elle est portée jusqu’à un certain point dans l’ensemble des constructions d’une ville, perd très-promptement de sa valeur, quant au plaisir des yeux et même de l’esprit. Une ville, comme nous l’avons déjà dit, peut à la rigueur être considérée comme le plus grand de tous les ouvrages de l’art de bâtir, et à cet égard on peut théoriquement en juger les résultats sur une grande échelle, de la même manière qu’on en apprécie les œuvres dans de moindres dimensions. Or, si dans un bâtiment isolé, le goût exige de l’architecte le mélange de l’unité avec la variété, c’est-à-dire que les parties, quoique liées au tout, ne se trouvent point soumises à des rapports de mesure ou de forme tellement identiques que l’œil n’ait à y voir qu’une seule mesure et une seule forme, comment n’en seroit-il pas de même de la bâtisse entière d’une ville ? Il n’y a personne qui n’ait éprouvé dans quelques villes dont on vante cette uniformité qui dégénère en unisson, combien ce premier sentiment d’admiration fait promptement place à l’indifférence et à l’ennui ; or cet effet est celui que produisent toutes les villesqui ont été construites tout à la fois d’après un modèle convenu, et il est impossible de ne pas l’éprouver à Turin.

On peut donc avancer que la beauté d’une ville, envisagée sous le rapport des impressions qu’on reçoit de l’ensemble de sa structure, tient beaucoup moins qu’on ne seroit tenté de le croire, à la symétrie et à l’entière régularité. Disons encore que, comme produit de l’architecture, la plus belle ville, pour l’homme de goût, sera celle qui renfermera les pins belles productions du génie de cet art. Or, les beautés que l’art peut produire comportent les plus nombreuses différences. Le même artiste imaginera de cent façons diverses les façades des palais, des monumens et des maisons ordinaires. Palladio en a fait sans nombre, et ne s’est jamais répété ; et l’on ne sauroit choisir entre ses variétés. Qu’une ville nous présente dans ses nom-


breuses constructions autant de conceptions variées des grands maîtres de l’art, jamais on n’épuisera les sensations diverses que fera naître la comparaison de ces ouvrages. D’un seul coup d’œil, on a tout vu dans une ville comme Turin, puisqu’une maison, une rue, une place, ne sont que la redite exacte d’une autre place, d’une autre rue, d’une autre maison.

Nous croyons que ces considérations doivent trouver une preuve et un témoignage encore plus frappant dans la ville la plus grande de l’Europe, et qui jouit à un degré beaucoup plus étendu, de l’avantage matériel d’une régularité et d’une symétrie parfaite, dans toutes les parties de ses nouvelles dispositions. On veut parler de la ville de Londres, dont le mémorable incendie de 1666 consuma la plus grande partie. Cet accident donna lieu au projet de la rebâtir sur un plan tout-à-fait neuf, et dans lequel tout fut soumis à la plus exacte régularité. L’architecte Wren (voyez ce nom) s’occupa de ce projet, et il le conçut ávec toutes les conditions que peuvent exiger, d’une part, les idées de salubrité, de dégagement et de commodité qu’on pouvoit desirer ; de l’autre, l’esprit de symétrie et d’uniformité auquel il est, on doit l’avouer, fort difficile de ne pas se soumettre, quand il s’agit d’opérer en plan, et en l’absence de toute sujétion. Londres devint donc, par l’effet d’une reconstruction simultanée, sur des lignes ordonnées par avance, le plus grand assemblage qu’on puisse imaginer, de rues également larges, tirées au cordeau ; et d’autres rues qui, dans la même proportion, les coupent à angles droits, de places également alignées, et toutes semblables. Il ne pouvoit pas être question, pour une aussi grande population toute composée de marchands, de construire des maisons et des palais, dont l’architecture auroit orné les façades et varié les ordonnances. Londres ne pouvoit être qu’une ville de boutiques, et les quartiers même destinés aux classes plus élevées, dévoient, par une sorte d’hypocrisie politique, n’offrir aucune apparence de supériorité. Il faut dire encore que le pays est privé de pierres propres à la construction. La nouvelle police de la ville, lors de sa reconstruction, ordonna seulement que les devantures des maisons seroient en briques.

On ne peut sans doute qu’admirer, dans cette immense cité, l’ordre, la propreté, la régularité, la commodité des trottoirs et de tous les établissemens qui contribuent aux agrémens comme aux besoins de la vie. On y est frappé de l’immensité, du nombre des quartiers, des grandes places, qui sont à la fois des objets de salubrité et de magnificence. Il y a enfin dans l’ordre porté au plus haut point, une sorte de beauté qui ne peut que satisfaire la raison, et l’on est loin de prétendre que cette beauté de la raison, ne doive pas se mettre au nombre de celles que les arts, et surtout celui de l’architecture, doivent réunir. Mais il arrive aussi dans ce genre comme dans tous les autres : toute qualité, lorsqu’elle est seule et devient exclusive, cesse bientôt de produite son effet. Or voilà ce que fait éprouver cette immense uniformité de la ville de Londres, où la même rue, la même façade de maisons, le même genre de construction semblent vous placer toujours dans le même lieu, en face de la même bâtisse ; où, à un très-petit nombre de monumens près, l’impression d’aucun art e se fait sentir ; où enfin, un triste et monotone niveau semble s’appesantir sur vous, de tout le poids de cet ennui qui (dit le poëte) naquit un jour de l’uniformité.

Il y a, comme on le voit, fort peu de conseils à donner en cette matière. Les villes, en effet, du moins presque toutes, se font d’elles-mêmes, et malgré quelques exemples de villes modernes construites d’après des plans donnés, il faut encore se garder de croire qu’une bonne distribution de rues et de quartiers, suffise à la beauté de celles qui auront eu l’avantage d’une semblable origine. Une multitude d’autres causes physiques, politiques, morales et accidentelles influent, d’une manière très-diverse, sur leur destinée. En parcourant donc ce que les exemples anciens ou modernes nous apprennent ou nous montrent à ce sujet, nous n’avous eu d’autre intention que de mettre certains faits bien connus, dont chacun peut tirer des conséquences, à la place de règles impossibles à établir, puisqu’elles seroient sans application probable au plus grand nombre des villes. Encore une fois, on peut dire par où et par quoi, et sous quel rapport une ville est belle. Mais une ville n’étant point, dans la réalité, un ouvrage qui suppose, soit un auteur, soit un modèle, soit un principe ou un régulateur constant, il ne sauroit se donner à cet égard une véritable théorie.

Cependant plus d’un architecte a exercé son imagination à créer une sorte de specimen ou de programme de ce qu’on pourroit appeler l’idéal d’une ville, où il s’est plu à rassembler tous les élémens d’où dépendroient les beautés de l’art, le choix des monumens, les commodités locales, et les convenances spéciales d’une bonne police.

Le plus célèbre essai de ce genre, est celui de l’architecte florentin Ammanati. Il composa un ouvrage considérable intitulé la citta ou la Ville, qui renferme les plans et les dessins de tous les grands édifices propres à embellir une cité, en commençant par des projets de portes. Viennent ensuite ceux des palais du prince, de l’hôtel-de-ville, etc. ; ceux des temples, des fontaines, de la bourse, des théâtres, des ponts, des places publiques. Cet ouvrage fut dispersé après lui et entièrement égaré pendant quelque temps. Une partie fut retrouvée, et alloit être débitée dans


une vente, sans être appréciée pour ce qu’elle valoit, et reconnue pour ce qu’elle étoit, lorsque le célèbre Viviani recueillit ces précieux fragmens, en leur restituant le nom de leur auteur. Ils passèrent de ses mains dans celles du sénateur Luigi de Riccio, amateur éclairé, qui les fit relier en deux volumes.

Quelques idées empruntées à certains projets de ce genre, compléteront ce qui nous paroît devoir suffire, dans un ouvrage de théorie, aux notions générales qu’il comporte.

Menant à part des avantages qui peuvent constituer la beauté d’une ville, celui que la nature des lieux peut seule lui donner, et qui consiste dans le site, l’exposition ou la forme des terrains sur lesquels elle sera bâtie, on peut réduire à trois les conditions que le goût exigera, et qui devront remplir tout ce qu’on doit desirer à cet égard. Ces trois points, d’où résulteront la beauté et la magnificence d’uneville, se rapportent donc à ce qui regarde : 1°. ses entrées, 2°. ses rues, 3°. ses édifices.

Rien d’abord ne donne une plus haute idée d’une ville que ce qui constitue ses abords et ses entrées. Si une ville est environnée de murailles, il conviendra que chacune de ses portes aboutisse, soit à une glande place, soit à quelque rue principale. Il seroit difficile de citer sur cet objet une plus belle entrée de ville que celle de Rome moderne par la voie Flaminienne. La porte qu’on appelle del Popolos’ouvre sur une vaste place, dont le centre est orné d’un obélisque égyptien et d’une fontaine. Trois grandes rues, formant la patte d’oie, s’ouvrent à la vue du spectateur. Deux coupoles, avec un péristyle en colonnes, s’adossent à chacune des deux pointes formées par la réunion dis trois rues qui débouchent sur la place. Cette entrée a été, depuis quelques années, rendue, et plus régulière dans son ensemble, et singulièrement améliorée par les travaux de terrasse qu’on y a pratiqués. Voilà une de ces beautés d’entrée de ville, qu’il n’est permis que de faire remarquer, sans qu’on puisse en prescrire l’imitation.

Si toutes les villes n’ont point reçu des causes antécédentes, la possibilité d’un semblable développement, toujours peut-il être facile d’y pratiquer, soit des portes plus ou moins décorées d’architecture, soit des dispositions régulières dans les constructions qui environnent leurs entrées, soit même des espèces de portes en arc de triomphe, comme on en voit à beaucoup de villes antiques murées, et qui offroient deux ouvertures, l’une pour ceux qui entroient, l’autre pour ceux qui sortoient.

Les entrées d’une ville, surtout si elle n’est pas murée, peuvent toujours devenir la place la plus convenable à certains monumens honorifiques. Il seroit convenable encore, que des avenues plantées d’arbres annonçassent la porte d’entrée ; mais surtout qu’une rue bien alignée aboutisse à chaque porte, et donne accès dans l’intérieur de la ville.

Toute ville est un ensemble de rues, que bordent les maisons et les édifices publics. Le percement et la distribution des rues, leur étendue, leur largeur et leur multiplication, sont les objets qui importent le plus à la beauté, à la commodité à la salubrité d’une ville. Sans aucun doute, il est à désirer que les rues soient percées en ligne droite ; mais cette disposition, lorsqu’on a la facilité de le faire, doit être subordonnée à certaines considérations. Vitruve nous apprend qu’on se doit garder de percer les rues d’une ville, de manière qu’elles soient exposées dans toute leur étendue à l’action de certains vents ou malsains ou dangereux, et il recommande que dans le plan qu’on tracera d’une ville, on ait soin de soustraire leur ouverture et leur direction aux influences de certains vents. Il veut qu’on les distribue, autant les grandes que les petites qui les traverseront, en les coupant de façon à éviter l’influence des vents pernicieux, selon chaque climat.

Quoique l’alignement fasse la beauté d’une rue en plan, il faut se garder de croire que la même propriété doive s’appliquer à l’élévation des bâtimens. On préfère de beaucoup, dans une rue, les variétés de hauteur entre les maisons. Mais on ne dissimulera point qu’il est singulièrement avantageux que chaque édifice et chaque maison se terminent par la ligne droite d’un couronnement quelconque. C’est à cela que le plus grand nombre des villes d’Italie doivent la grandeur et la noblesse de leur effet. Les villes qui manquent de cette pratique offrent nécessairement dans la disparité, surtout de leurs élévations, une image de désordre et de confusion qui blesse la vue. La ville de Naples doit à l’usage universel des terrasses qui terminent toutes les bâtisses, un autre désagrément. Le petit mur d’appui qui borde chaque terrasse sur la rue, ne présentant qu’une simple ligne droite, sans aucune avance, sans profil, et sans saillie, donne à chaque maison l’apparence d’un édifice qui n’a point été terminé.

L’étendue et la largeur des rues contribue, plus qu’on ne peut le dire, à la beauté d’une ville. Leur étendue donne à celui qui les parcourt, le plaisir d’une succession de monumens, de points de vue, et d’objets variés ; leur largeur met les bâtimens dans le cas de produire tout leur effet, par la reculée qui s’offre au spectateur. Dans plus d’une ville d’Italie, à Rome même et à Florence, on est souvent dans le cas de regretter que des monumens de la plus belle architecture, ne puissent être admirés d’un point de distance convenable.

On met la multiplicité des rues au nombre des avantages qu’il convient de procurer à une ville, soit pour l’économie du terrain qui se trouve souvent perdu, dans ce qu’on appelle les îles de


maisons, soit pour la facilité des communications et des dégagemens.

Généralement on doit désirer que le plan d’une ville soit disposé, de manière que sa magnificence se subdivise en une infinité de beautés particulières et toujours diverses. Il faudroit, qu’en parcourant tous les quartiers l’un après l’autre, chacun pût offrir dans un même système d’unité, des spectacles diversifiés par les monumens de tout genre qui orneroient ses places, qui offriroient des aspects, soit d’élégance, soit de richesse, en colonnades, en portiques, en péristyles, en masses tantôt simples, graves et solides, tantôt agréables et pittoresques. Londres, dans le grand nombre de ses vastes places (squarre), jouit d’une partie de l’avantage dont on parle. Il est fâcheux que le mérite des élévations ne réponde point à la grandeur des espaces. et que les richesses de l’art n’aient pas pu trouver dans tant et de si beaux emplacemens, l’occasion de leur donner et d’en recevoir la valeur qui leur convient. Mais toutes sortes de causes ont empêché cette grande ville de briller par l’architecture.

L’architecture cependant, dès qu’il s’agit de beauté dans une ville, doit être mise au premier rang des causes et des moyens qui la produisent. Quand on se forme une ju te idée de cet art, et qu’on envisage toute l’étendue des propriétés qu’il embrasse, on voit d’abord qu’étant, avant tout, principe d’ordre, de régularité, de symétrie, d’eurythmie, c’est de lui que, sans le savoir quelquefois, la bonne police et l’administration des villes empruntent leurs dispositions et leurs plus sages réglemens.

Par exemple, c’est l’architecture qui apprend à donner des bornes au trop grand surhaussement des maisons, et le bon goût, si on en écoutoit les conseils, viendroit à l’appui du bon ordre, pour fixer les proportions que la beauté des rues sollicite, aussi-bien que la salubrité L’architecture, si on consultoit plus souvent ses intérêts, s’opposeroit à ce que l’on élevât des bâtimens publics dans des emplacemens trop serrés, et qui, incommodes par leur situation, privent la ville de l’aspect heureux dont sa décoration tireroit parti.

C’est l’architecture qui donne de loin aux villes l’apparence de grandeur et de magnificence qui annonce leur puissance. La beauté des édifices n’existe pas seulement pour leur intérieur ; ces grands monumens que l’art élève au-dessus des autres bâtimens, forment les beaux points de vue qui enchantent les yeux, et sont, tant au-dedans qu’an-dehors, l’objet d’un spectacle toujours nouveau.

On ne sauroit sans doute prétendre que toute construction particulière soit un ouvrage proprement dit d’architecture, quoiqu’il n’y ait tien de simple et d’économique qui ne puisse participer à quelqu’une des beautés de cet art. Mais le moyen d’obtenir plus ou moins cet effet consisteroit, de la part des grands, des riches et des gouvernemens, à n’élever ni palais, ni monumens publics, ni constructions importantes, que selon les grands principes de l’art, et d’après les exemples des grands maîtres. Naturellement, les moyennes et les petites constructions recevroient de ces beaux ouvrages une influence qui épargneroit ces contrastes et ces disparates qu’on voit régner, dans plus d’une ville, entre le goût général des habitations et celui de quelques édifices que le manque d’une communauté de style et de caractère semble réduire au tort qu’ils ont d’être des exceptions.

Quelques villes d’Italie peuvent venir à l’appui de cette observation. Généralement, dans les villes que chacun désigne sans qu’on les nomme, l’architecture eut un empire très-puissant ; elle le dut à l’ambition de toutes les familles riches et puissantes, et au desir qu’eurent les plus grands personnages, de perpétuer leur souvenir et leur nom par de belles et solides habitations. De là ce nombre infini de beaux palais, de masses imposantes, de constructions grandioses et ornées de toutes les richesses de l’architecture ; de là ces belles devantures, où tous les ordres de l’architecture offrent encore aujourd’hui les modèles qu’imitent les artistes, et sur lesquels ils forment leur goût. Mais on a déjà observé que ces palais qui font la beauté de ces villes sont construits de manière à devenir le principal ornement des rues et des places. Au contraire, selon le critique à qui j’emprunte cette remarque, on a vu d’immenses quartiers de Paris se composer presqu’entièrement de riches hôtels, qui n’ont pu contribuer à la beauté des aspects dont on parle, et cela fut dû à l’usage de construire les hôtels au fond des cours ; en sorte que tout leur effet est nul sur les rues que bordent uniquement les portes qui donnent entrée dans les cours. Le critique dont je parle auroit voulu que l’autorité s’opposât à ce genre de disposition. Ce vœu est sans doute celui d’un grand amateur d’architecture ; mais comme il y a sûrement beaucoup d’autres choses préférables dans une ville à la beauté matérielle de ses bâtimens, et qu’une de ces choses doit être la liberté de se loger comme on veut, pourvu qu’on ne nuise point à la liberté d’autrui, je pense qu’il faut se coatenter en ce genre d énoncer ces sortes de considérations, et de n’invoquer à leur appui d’autre autorité que celle du goût.

VINDAS, s. m. Composée de machine Deux tables de bois, et d’treuil non à plomb Nomme fusée, Qu’on tourne Avec les soutiens-gorge, et un entraîneur Qui SERT les fardeaux d’lieu Nations Unies A Autre ONU.

VINTAINES. Voyez Cable.


VIS, s. f. Ce mot appartient proprement à l’art de la serrurerie ou de la menuiserie, quant à la fabrication de l’objet qu’on appelle de ce nom. L’objet, appartient à un très-grand nombre de métiers, de machines qui en font emploi.

La vis est donc une pièce ronde, soit en métal, soit en bois, cannelée en ligne spirale, et qui entre dans un écrou qui est cannelé de la même manière. On observe que le filet des vis en bois est ordinairement angulaire, tandis que celui des vis en métal est le plus souvent carré.

La fabrication et l’emploi des vis, dans les machines et les instrumens mécaniques, comportent beaucoup de variétés, et aussi leur a-t-on donné beaucoup de noms divers, que nous ne rapporterons point en détail ; nous nous bornerons aux dénominations des deux sortes de vis les plus importantes.

Ainsi on appelle vis sans fin une vis dont les pas engrènent dans une roue, et qui est tellement fixée entre deux points, qu’elle tourne sur son axe, sans pouvoir avancer ni reculer comme les vis ordinaires. On l’emploie dans plusieurs sortes de machines. On appelle vis d’Archimède une vis composée d’un canon appliqué autour d’un cylindre ou noyau incliné à l’horizon. Quand elle agit, l’extrémité inférieure du noyau tourne dans une crapaudine, et l’autre dans un collier. On a imaginé d’employer la vis d’Archimède, mue par le vent, au desséchement des marais, à l’arrosement des prairies, à l’épuisement des fondations.

On a donné dans l’architecture le nom de vis à certains objets, à certaines parties de construction, dont la forme et l’exécution semblent être une imitation d’une vis et en reproduire l’idée. C’est par suite de cette analogie de ressemblance, qu’on dit :

VIS DE COLONNE. C’est ainsi qu’on appelle le contour en ligne spirale du fût d’une colonne torse. (Voyez TORSE. ) Ce contour a lieu, soit que le fût même de la colonne se trouve tordu, soit que le fût restant rectiligne on l’orne avec des cannelures, qui, au lieu d’être tracées perpendiculairement, décriront à l’entour les circonvolutions d’une ligne spirale.

VIS D’ESCALIER. On donne ce nom à la configuration d’un escalier construit en rampe spirale. Il y en a ainsi de simples et de doubles. On en fait dans plus d’un système, soit que les marches, soutenues par leur quene dans les murs de cage, portent chacune leur collet, qui forme un cercle vide, soit que les marchés tournent autour d’un noyau aplomb et qui porte de fond. Voyez, sur les diverses sortes d’escalier à vis, le mot ESCALIER.

VISITE, s. f. Se dit de l’examen que des experts font d’un lieu où l’on veut bâtir, ou de quelqu’ouvrage contentieux, pour en faire leur rapport à l’autorité, ou pour procéder à l’estimation d’une bâtisse, s'il y a lieu.

VITRAGE, s. m. Terme général, par lequel on exprime l’ensemble de toutes les parties vitrées d’un local ou d’un bâtiment.

Le vitrage est devenu dans l’architecture moderne un objet important, et dont il n’étoit guère possible que l’architecture antique s’occupât, parce qu’il n’est guère probable qu’elle en ait eu besoin. Ce n’est pas que les Anciens n’aient pratiqué d’abord, par l’emploi des pierres spéculaires, et ensuite par celui du verre, plus d’un moyen de clôture pour les intérieurs, et plus d’une méthode propre à y introduire la lumière. Voyez Fenêtre, Spéculaire.

Cependant beaucoup d’usages nouveaux ont nécessité, chez les Modernes, des pratiques de clôture et d’éclairage qui ne durent point être connues des Anciens. La différence des religions, des climats et des mœurs, devoit influer de plus d’une manière sur certaines institutions, telles, par exemple, que celles des édifices sacrés. On voit tout d’un coup comment le plus grand nombre des temples païens, n’avoit besoin que de la lumière de la porte, et comment une seule ouverture dans le comble des plus grands, pouvoit suffire à des naos dont la dimension intérieure approchoit à peine de celle de nos plus petites églises. On sait en outre que l’intérieur des temples antiques n’étoit ni capable de recevoir, ni destiné à contenir la multitude ; que toutes les cérémonies du culte étant extérieures, le contraire de ces usages dut amener, dans le christianisme, les plus grandes diversités. Or, une des plus importantes et des plus sensibles consiste dans l’immensité des intérieurs d’églises, comparés aux plus grands des plus vastes temples païens. Le mot église signifie assemblée. Il fut donc indispensable de procurer à d’aussi considérables réunions, avec une étendue de local proportionné dans toutes ses dimensions, de grandes et nombreuses ouvertures pour la lumière.

Les églises gothiques offrirent, par lu nature seule de leur construction, et dans la procérité de leurs élévations, des fenêtres immenses et multipliées. L’usage des vitraux coloriés par assemblages, donna encore plus de vogue à ce grand système de vitrage, qui devint, dans le fait, une des principales décorations des intérieurs. Ce système du vitrage tient, en quelque sorte, à la construction des meneaux en pierre qui divisent les vides des arcades supérieures, lesquelles se trouvèrent converties en fenêtres. Il tient au genre d’assemblage des montans et traverses de fer qui reçoivent les compartimens des vitres, et leur donnent une très-grande solidité. C’est à ce système de vitrage qu’on doit ces belles roses qui ornent ordinairement, dans les églises gothiques, les deux parties supérieures des bras, ou de ce qu’on appelle la croisée de l’édifice, assemblage très-agréable de croisillons et de nervures de pierre, dont les intervalles sont remplis de toutes sortes de vitraux diversement coloriés.

Vitrage dit aussi, par une locution générale, pour exprimer, dans un intérieur quelconque, une division de deux pièces, formée par une clôture en verres.

VITRAIL, s. m. On pourroit regarder ce mot comme tout-à-fait synonyme du précédent ; si ce n’est que le premier semble embrasser quelque chose de plus général, soit comme regardant l’art d’employer le verre et les vitres à fermer les ouvertures des édifices, soit comme comprenant dans son ensemble les parties dont il se compose. Or, ces parties sont précisément les compartimens de verre qui, scellés et ajustés dans des cadres quelconques, forment ce qu’on peut appeler des vitraux. Le vitrail effectivement diffère de la vitre, comme un tout diffère de ses parties.

On use plus fréquemment du mot vitrail au pluriel qu’au singulier ; celui-ci paroît être, plutôt technique. Mais on dira d’une église qu’elle a do beaux vitraux, que les vitraux de tel monument sont un ouvrage de tel ou tel siècle.

VITRE, s. f. , de vitrum, qui veut dire verre. On donne ce nom à des carreaux ou plaques de verre, de toutes formes et de dimensions différentes, dont on remplit les espaces plus ou moins grands, que forment les montans ou les traverses des châssis, le plus souvent en bois, qui servent à fermer les ouvertures des fenêtres. La vitre sert ainsi de clôture, et en même temps qu’elle intercepte l’action de l’air extérieur, elle laisse passage à la lumière dans l’intérieur des chambres et des appartemens.

Nous avons eu déjà occasion de faire voir, que l’usage du verre remonte à la plus haute antiquité. Les textes des plus anciens écrivains, et les restes les plus nombreux d’ouvrages les plus antiques en verre, ne sauroient permettre d’en douter. (Voyez Verre.) Il ne paroît pas qu’il en ait été de même des carreaux de verre appliqués aux châssis des fenêtres. Au mot Pierre spéculaire nous avons rendu compte de quelques-unes de causes qui rendirent moins nécessaires, qu’on ne pourroit le croire, chez les Anciens, l’usage des carreaux de vitre. Beaucoup de matières équivalentes en tenoient lieu quant à la transparence ; et à l’égard de la clôture que produit aussi la vitre, chacun sait par combien de sortes d’objets on peut y suppléer, et combien la différence des mœurs et du climat rendoit les intérieurs des maisons, moins susceptibles de certains agrémens et des commodités qu’exigent aujourd’hui, et dans nos pays, la manière de vivre et les usages de la société.

Cependant, il paroît qu’au temps de Sénèque l’usage des carreaux de vitre devint usuel dans les maisons. C’est à peu près vers son époque, et même plus tard, que les villes d’Herculanum et de Pompeia furent ensevelies sous les différentes éruptions du Vésuve. Or, on a trouvé dans les ruines de cette dernière ville, non-seulement des carreaux de vitre, mais même des châssis de métal avec leurs vitres.

Nous voyons, par une multitude de passages et d’autorités historiques, les carreaux de vitre employés dans le moyen âge, et devenir, par le secours de la peinture sur verre, les matériaux usuels de ces grands vitrages, dont les plus anciennes de nos églises virent orner les grandes vertures de leurs fenêtres.

Vitres (peinture sur). A l’article Peinture sur verre (voyez Verre), nous avons fait connoître, dans le travail que nous a communiqué sur cet art M. Brongniart, membre de l’Académie des sciences, et le plus expérimenté de tous nos savans en cette matière, quels sont les divers procédés de ce genre de peinture, ce qu’on devoit penser des préjugés qui règnent à cet égard sur la supériorité des Anciens, et à quel degré de perfection les tentatives modernes ont porté les moyens de renouveler, si on l’encourageoit, cette sorte de peinture décorative.

L’article présent n’aura pour objet que de rechercher les causes qui donnèrent autrefois la vogue à l’emploi de la peinture sur les vitres des fenêtres, les causes qui en ont amené la désuétude, et ce qu’on peut encore se promettre du renouvellement de cet usage.

Et d’abord, nous croyons pouvoir avancer que l’antiquité grecque ou romaine ne connut ou n’employa point ce genre d’ornement dans les édifices Non qu’on veuille nier que les Anciens dont nous parlons, plus habiles qu’on ne le croit d’ordinaire dans le travail du verre, aient méconnu le secret de le colorer. (Pour ne pas alonger inutilement cet article de citations archéologiques, nous renverrons le lecteur à l’article Verre du Dictionnaire d’Antiquités de l’Encyclopédie, où de nombreuses autorités déposent du savoir des Anciens en cette partie.) Il n’y a d’ailleurs personne qui ne sache à quel point le travail des mosaïques employa les émaux, c’est-à-dire des cubes de verre colorié dans la pâte.

Nous avons fait voir par quels moyens habituels les Anciens suppléèrent, dans leurs specularia, aux carreaux de vitre (voyez Fenêtres, Spéculaire), qui, à ce qu’il paroît, si l’on en croit un passage de Sénèque (lettre 90), ne furent guère en usage à Rome que de son temps. Faut-il restreindre à Rome la notion de cet écrivain ? On seroit tenté de le croire, ou de penser au moins qu’il entend parler, non de l’invention des carreaux de vitre, mais de leur application aux fenêtres devenue plus générale, au lieu de la pierre spéculaire, à laquelle les mots perlucente testâ ne semblent pas convenir. Des carreaux de vitre montés sur un châssis métallique, et retrouvés dans la petite ville de Pompeia, ensevelie sous les cendres du Vésuve, l’an 79 de notre ère, semblent devoir prouver que l’usage dont parle Sénèque étoit répandu ailleurs qu’à Rome.

Quelqu’opinion qu’on se forme de l’usage des vitres dans l’antiquité, et tout en reconnoissant que, vu la grande pratique des Anciens dans le travail du verre, aucune raison fondée sur la difficulté d’obtenir de cette matière, des tables ou des carreaux, ne put en tendre l’emploi ni rare ni dispendieux, il sera toutefois permis de douter qu’ils aient essayé d’appliquer à leurs vitraux des verres coloriés, encore moins des verres peints ou ornés de peinture, selon le vrai sens de ce mot.

En distinguant soigneusement, en ce genre, les verres qu’il faut appeler teints, plutôt que peints, c’est-à-dire les verres coloriés à la verrerie, dans la pâte, d’avec les verres peints, c’est-à-dire qui reçoivent des couleurs superposées et que l’action de la chaleur y incorpore, il est assez naturel de penser que vers les derniers siècles, ou ceux du bas-empire, à Constantinople surtout, la grande pratique de la mosaïque en émaux, auroit pu propager le goût de certaines marqueteries en petits morceaux de verre coloriés dans la pâte.

Ce goût s’est encore conservé, dans ce pays jusqu’à notre temps, et contribue aujourd’hui à former les enjolivemens des vitraux dans les intérieurs des maisons. Mais quel qu’ait pu être l’emploi de ce goût d’ornement, dans le bas-empire, il est tout-à-fait invraisemblable que l’art de peindre en grand sur des vitraux, art difficultueux et dispendieux, ait trouvé alors les occasions de se propager, en supposant qu’on l’eût connu.

Il paroît probable que ce sera la construction des églises chrétiennes qui aura fait accueillir ce genre d’ornement. La grandeur des fenêtres et des vitraux que ces églises demandèrent, l’aura d’autant plus naturellement favorisé, que dans cette entière décadence du dessin et des arts d’imitation, beaucoup de procédés techniques et métallurgiques, ne laissoient pas de survivre par les routines des ateliers. Les autorités positives nous manquent pour constater quel put être, jusqu’aux siècles qui virent élever dans le moyen âge les églises gothiques, l’état des procédés propres à faire des vitraux en verre de couleur.

Mais vers le douzième siècle, furent commencées d’être construites, en pierre, dans toute l’Europe chrétienne, ces nombreuses et vastes églises, qui, selon toutes les apparences, remplacèrent d’anciennes constructions en bois. A cette époque, toute idée d’art et de peinture avoit disparu, excepté dans cet sortes de travaux de manufacture, que les corporations ouvrières de ce temps, pratiquoient et perpétuoient. La peinture sur vitres fut de ce nombre. Elle continua d’être appliquée, soit en ornemens, dans les compartimens des grandes rosaces, et dans les encadremens ; soit en compositions de figures, dans les panneaux des grandes fenêtres, qui furent ainsi converties, si l’on peut dire, en tableaux.

Ces tableaux, dont quelques belles substances colorantes faisoient le charme, et dont le soleil ou la clarté du jour faisoient l’effet, étoient composés d’une multitude de petites pièces de verre, les unes coloriées dans la verrerie ; les autres revêtues de couleurs superposées, et réunies comme un travail de marqueterie, par de petites bandes de plomb, ou affermies par de petites tringles de fer. Mais la hauteur où étaient ces vitraux, et la distance d’où on les voyoit, rendoient peu sensibles ces sortes de ligamens, qui, en interrompant la continuité des parties, seroient un grave inconvénient vus, de près, et surtout dans des ouvrages soumis aux convenances d’une véritable imitation. Il n’étoit d’ailleurs question, pour le goût de ces temps, et, en raison des connoissances d’art répandues alors, que de plaire aux yeux, par un mélange brillant et varie de toutes sortes de configurations coloriées.

Or, on ne sauroit nier que ce spectacle de vitraux coloriés, n’ait été, dans les églises gothiques, un de leurs principaux mérites ; et n’ait contribué, par un effet mystérieux, à produire des impressions conformes aux sentiment religieux. Ce genre de décoration, né avec le système de la bâtisse gothique, devoit, dans chaque pays, subsister autant que le goût auquel il avoir été approprié.

La renaissance des arts de l’antiquité, c’està-dire du goût de la véritable imitation, devoit, en ramenant l’architecture et la peinture, aux principes de l’ordre, et de la vérité naturelle, discréditer l’emploi d’un genre et d’un procédé de peinture, plus soumis à la pratique routinière des manufactures, qu’au talent et au génie de l’artiste. La peinture renaissante en Italie, s’empara de nouveau de la décoration des églises. Aussi voyons-nous dès le quinzième siècle, disparoître la peinture sur vitres, malgré les améliorations qu’elle avait elle-même éprouvées.

La France suivit, mais plus tard, et plus lentement, le mouvement imprimé en Italie, à tous les arts d’imitation. Le goût gothique beaucoup plus répandu par l’architecture, et surtout par celle des églises, n’y fut réellement déraciné que dans le dix-septième siècle. Déjà la peinture était arrivée à un très-haut point, mais plus d’une circonstance l’avoit empêchée de prendre son essor, dans la décoration des églises. Aussi voyons-nous encore dans ce siècle, des vitraux d’église et de cloître, perpétuer l’ancienne pratique, toutefois avec un meilleur goût de composition, de dessin et de couleur. Il devoit cependant arriver, et il arriva, qu’en France au dix-septième siècle, comme en Italie au quinze et seizième, la véritable peinture employée selon le génie qui lui convient, et appliquée à ses plus nobles emplois, dut faire tomber dans l’oubli la peinture sur vitres ; et l’on voit que cette sorte d’art, liée au goût de la construction, gothique disparut avec elle.

Dans la vérité, le succès qu’elle avoit eu en l’absence de la véritable peinture, dut discontinuer, lorsque celle-ci lui opposa, et la science du dessin, et la grandeur des compositions, et la vérité du coloris, et la facilité du transport, et les variétés des tons, ses procédés et l’économie de son exécution. Il est en effet dans la destinée de la peinture sur vitres, de ne pouvoir être employée qu’en fenêtres, et de ne pouvoir recevoir son effet que de la transparence de la matière ; ce qui fait qu’elle ne peut s’accommoder que d’une seule position, lorsque toute espèce de local est propre à recevoir les autres sortes de peinture. Son très-grave inconvénient est encore, de ne pouvoir exister que sur la matière la plus fragile, de ne pouvoir se pratiquer que sur des assemblages dé carreaux de verre, plus ou moins multipliés, ce qui offre à la composition et à l’ensemble des figures, plus d’un genre de difficultés et de désagrémens.

D’ailleurs ce genre de magnificence, noble mais triste, dont on décoroit les églises, offroit de plus grands inconvéniens dans les palais des princes. Il produisoit à leur intérieur une sorte d’obscurité, surtout quand le sujet qu’on peignait étoit riche et composé. La difficulté d’ouvrir les châssis des fenêtres, et la crainte de casser les vitraux, empêchoient de renouveler l’air, et l’interception des rayons de la lumière ajoutoit a l’insalubrité. Cette réunion d’inconvéniens fit décheoir la peinture sur vitres avec tant de rapidité, que le célèbre Palissy fut obligé d’y renoncer. Il tourna son talent du côté de la poterie, et se réduisit, pour vivre, à peindre sur la faïence.

Voilà les vraies considérations qui tendent à expliquer la désuétude de ce genre d’art, désuétude qu’on ne sauroit attribuer, comme on a pu le voir (voyez Verre (Peinture sur)), à l’ignorance des procédés, qui n’ont jamais manqué de se reproduire de temps à autre, dans des essais que le goût régnant et celui de l’architecture ont nécessairement manqué d’encourager.

Ce besoin de nouveauté qui tourmente les sociétés modernes, et qu’on ne trouve guère le moyen de satisfaire qu’en ressuscitant de l’ancien, a tenté depuis un certain nombre d’année, en Angleterre surtout, de faire rétrograder le goût de bâtir jusqu’au gothique, et on a vu des églises nouvelles bâties à neuf dans ce système. Faudroit-il attribuer à cette bizarrerie en construction, l’idée de renouveler aussi le genre de peinture qui accompagna jadis les monumens des siècles d’ignorante ? Il y a déjà près de quarante années que l’art des vitraux peints s’est reproduit chez les Anglais, dans des ouvrages qui sont l’illusion des tableaux en figures. On en donnoit pour raison, que les images de tout genre ne pouvant point trouver place dans les églises protestantes, on avoit regardé les vitraux peints comme un moyen d’éluder en faveur des arts du dessin la défense religieuse. Depuis celle époque, l’art de peindre sur vitres, et de transformer de nouveau les fenêtres en tableaux, paroît avoir occupé plus d’un artiste.

On a vu à l’article Verre (Peinture sur), que des artistes anglais avoient été appelés à Paris pour y exécuter de ces sortes de tableaux, et il a été prouvé dans ce même article, que le prétendu secret des Anciens en ce genre n’en étoit pas un ; qu’il n’avoit pas cessé d’être connu, et qu’avant les travaux des artistes anglais, d’assez nombreux ouvrages faits à Paris témoignoient que ce n’étoit point l’art qui avoit manqué à cet emploi, mais bien l’emploi des ouvrages qui avoit manqué à l’art.

Maintenant, les seules questions à résoudre seroient de savoir : 1°. si un procédé aussi dispendieux peut être renouvelé avec avantage, tant que le besoin n’en favorisera point l’exploitation ; 2°. si ce besoin peut se reproduire naturellement dans nos édifices et dans leur décoration ; 3°. s’il importe réellement de faire renaître ou d’encourager l’exigence d’un semblable besoin.

Quant à la première question, on ne peut se dissimuler que vainement toute invention, toute industrie, toute fabrication se trouveront importées, excitées, cultivées dans des temps et des pays où manqueroient les principes qui peuvent les faire prospérer. Chaque plante, chaque production de la nature veut un sol et un ciel propice, dont les soins de la culture la plus assidue, ne remplaceront ou ne compenseront jamais l’absence. Réciproquement, le défaut de culture ne se trouvera pas toujours corrigé par les causes naturelles. Il en est de même des productions des arts. Leur succès dépend d’abord, entre beaucoup de causes naturelles, de celle qu’on doit appeler le besoin. Dès qu’un art n’a point ses racines dans le fond de quelque emploi nécessaire et commandé par quelque usage public ; dès qu’il ne se lie ni à certains besoins, ni à un certain nombre de pratiques agréables qui sont partie des mœurs et des plaisirs de la société, cet art pourra bien devenir un objet de luxe ou de curiosité ; mais si ce luxe est dispendieux, s’il ne trouve d’aliment que dans la munificence d’une protection particulière, sa destinée sera de passer promptement et de disparoître. Or, lorsqu’un applique ces considérations à des ouvrages qui sont déjà par eux-mêmes, dans chaque pays, les objets de la plus grande dépense, je veux dire les ouvrages de l’architecture, en grand surtout, tels que temples, palais, monumens publics, on ne sauroit présumer qu’un genre de peinture aussi dispendieux, et toutefois nécessairement inférieur à tous ceux qui entrent aujourd’hui dans la décoration, puisse devenir une sorte de besoin, comme autrefois, lorsqu’il étoit le seul luxe de décoration intérieure des églises.

Ceci nous conduit à la seconde question. Est-il probable que le goût du public en vienne naturellement à regretter la pratique de ce procédé de peinture et de ses applications, au point de lui rendre, dans l’opinion, l’importance qu’elle accorde à ces arts, dont on s’est suit un besoin ? Nous répondrons que rien n’est moins probable. La fausse idée qu’on s’étoit faite du prétendu secret de cette peinture, et de l’ignorance de notre temps à cet égard, a pu éveiller cette espèce d’amour-propre, qui souffriroit d’une infériorité trop réelle, dans un art si intimement lié à la science de la chimie et aux procédés métallurgiques. Mais dès qu’il est reconnu que l’on n’ignore rien, et même qu’on peut défier la science du passé sur tous les points d’exécution en ce genre, il n’est plus permis de croire que la peinture sur vitres puisse devenir même un besoin d’amour-propre. Ne seroit-il pas permis encore de présumer, que très-naturellement l’esprit du temps actuel, que les circonstances qui ont si singulièrement diminué les ressources des établissemens religieux, et détourné dés intérêts matériels du culte les affections protectrices de ce genre de peinture, s’opposeroient à son rétablissement, loin d’en seconder les entreprises ?

Mais importe-t-il réellement de prendre les moyens, quels qu’ils puissent être, de faire revivre l’art de faire des tableaux sur verre, en encourageant, par des exemples, tout ce qui pourroit reproduire le besoin ? La réponse à cette troisième question ne sauroit être difficile.

On a déjà vu que la peinture sur vitres en figures avoit dû la vogue qu’elle obtint, dans le moyen âge, à la tradition des procédés techniques de la mosaïque et des opérations métallurgiques conservées par les corporations, lorsque tous les arts du dessin se trouvèrent enveloppés dans une ignorance générale, et qu’à défaut de toute autre peinture, l’architecture gothique avoit protégé singulièrement l’art de transformer en tableaux les vitraux de ses grandes et nombreuses fenêtres dans les églises. Si l’on examine ensuite les entreprises de cet art, à ses diverses époques, on voit qu’à celle où il jeta le plus d’éclat, dans les compositions et les figures de ces sortes de tableaux, ce qu’un y admira, et ce qu’on y admire encore le plus, se réduit uniquement à la beauté des substances colorantes. Pour ce qui fait le fond de l’art de peindre, il y est entièrement livré à la routine la plus ignorante, et effectivement cette manière de composer de grandes scènes, par une réunion de petits morceaux de verre coloriés, assemblés avec des plombs, ne pouvoit que présenter les plus grands obstacles au succès de compositions, vues d’ailleurs de trop loin, pour qu’on pût y chercher autre chose que le plaisir des yeux. Que si on examine les travaux de cet art, à sa dernière époque, c’est-à-dire depuis la renaissance des beaux-arts, et de la peinture en particulier, on avouera qu’il s’est fait des ouvrages sort recommandables par le bon goût de la composition, du dessin et de la vérité. Mais ce furent surtout de petits vitraux placés sous l’œil, dans les cloîtres, et d’autres locaux d’une petite dimension.

Cependant ce genre de peinture en petit, difficultueux et dispendieux de sa nature, devoit bientôt disparoître, ainsi qu’on l’a vu, dès que la vraie peinture, avec ses nombreuses et immenses ressources, avec ses procédés plus ou moins expéditifs, selon les genres, fut rentrée dans son domaine et eut reconquis son légitime empire. Pouvoit-il en arriver autrement, et la peinture sur vitres, par la seule raison qu’elle n’a d’emploi que sur le verre, ne devoit-elle pas être bientôt abandonnée ?

Quelle raison y auroit-il donc aujourd’hui de faire renaître l’emploi d’une peinture qui ne reposeroit que sur un besoin factice, qu’aucune utilité ne motiveroit, et qui hors des vitraux, que leur position éloigneroit de la vue et des accidens d’une destination usuelle, resteroit toujours au-dessous des autres productions du pinceau ?

Quelque perfection que ce genre puisse atteindre en grand, par l’exécution d’un peintre habile, on peut affirmer que jamais il ne lui sera donné d arriver à tous les degrés de hardiesse, de liberté, de correction, de charme et d’harmonie des autres genres. Que faire ensuite des produits d’un art dont la fragilité permet à peine le déplacement, qui ne sauroit trouver place dans les collections de tableaux, qui n’est propre qu’à faire des châssis, que le moindre accident peut détruire et que rien ne peut réparer ?

Seroit-ce d’ailleurs à une époque où le nombre des peintres surpasse à un degré aussi prodigieux le nombre des emplois à faire de leurs talens, qu’on iroit porter de grandes dépenses à un genre de peinture nécessairement inférieur et naturellement stérile ?

La peinture sur verre ou sur vitres, ne peut plus être qu’un objet de curiosité, propre uniquement à prouver que si l’on n’en sait que peu ou point, c’est qu’on n’en veut pas davantage ou qu’on n’en veut pas du tout.

Faudroit-il cependant exclure ce procédé curieux et intéressant des entreprises de l’architecture ? Nous croyons que le bon esprit, dans la culture et dans l’emploi des arts, ne doit rien rejeter ; qu’il peut, au contraire, et doit accueillir et admettre tout ; mais que ce bon esprit consiste à placer chaque chose en son lieu, dans la mesure qui lui convient, et avec le discernement des convenances qui lui appartiennent.

Ainsi, la grandeur des vitraux de nos églises en forme une partie assez considérable, pour que le goût doive admettre volontiers un genre d’ornemens qui arrête agréablement les yeux, sans prétendre à être une décoration trop importante, qui, sans intercepter le jour et la lumière que réclament les intérieurs, en tempère jusqu’à un certain point l’excès ; qui pouvant se composer de petits compartimens, rende leur exécution peu dispendieuse, leurs ligament moins sensibles, et leur réparation facile et de peu de dépense.

Or, le système de peinture qui seroit propre à remplir ces conditions, nous paroît devoir être celui qu’on appelle du nom général d’ornemens dans l’architecture. Il consiste en rinceaux, en enroulemens, en compositions de feuillages, de fleurs, de festons, de symboles variés, de tous les objets enfin que l’architecture dispose dans ses profils ou dans toutes les parties courantes, et qui se répètent, comme entrelas, postes, oves, perles, patères, etc.

Rien donc n’empêcheroit de faire servir la peinture sur verre à reproduire, dans de telles séries d’ornemens, les vives couleurs des objets naturels, qui deviendroient naturellement les encadremens des grands vitraux. Rien n’empêcheroit que, selon l’espace donné, les angles et le centre d’un vitrail, répétant certaines distributions des voûtes et des plafonds de l’’architecture, reproduisissent les compositions ingénieuses, les compartimens variés, et les diversités d’effet de l’arabesque.

La peinture sur vitres, comme cette dénomination l’indique d’une manière plus spéciale, ne pouvant réellement produire son effet pour les yeux, et par conséquent acquérir l’existence qui lui est propre, qu’au moyen de la transparence, exigeant dès-lors une situation qui mette son fond dans le cas de servir de vitre, on ne dissimulera point qu’il peut y avoir quelques emplois intéressans à faire, quoiqu’en petit, de cette sorte de procédé. Quand on dit en petit, c’est par comparaison aux vitraux des grandes églises. Comme cette peinture peut être pratiquée, soit sur de fort grands carreaux ou sur ce qu’on appelle des glaces, plus d’un ouvrage exécuté depuis peu de temps, sur de semblables tables de verre, nous montre que l’on peut y admettre des images de grandeur naturelle.

Pour en donner quelques exemples, un oratoire, une petite chapelle mystérieuse, recevroient avec beaucoup de convenance quelque belle tête de Vierge, quelque figure de sainteté, sur un vitrage dont la peinture même intercepteroit la lucidité : ce qui conviendroit au caractère du local.

Nous ne croirions pas non plus qu’il fût déplacé d’admettre ce genre de luxe dans quelques cabinets ou appartemens de palais, et d’en décorer les petits vitraux par quelques scènes agréables de certains portraits historiques ou d’objets allégoriques, partout enfin où lus fenêtres ne seroient pas exposées aux accidens que produisent un service habituel el la fréquentation d un public nombreux.

Il seroit vrai de dire que, restreinte à ce petit nombre d’emplois, la peinture sur vitres deviendrait un travail de luxe et de curiosité, qui ne pourroit que gagner une valeur nouvelle des secours et de l'influence de la véritable peinture, sans pouvoir lui porter préjudice, soit en usurpant les sommes que lui doivent procurer les grandes entreprises, soit en prétendant se substituer à elle, comme la chose arriva aux siècles qui virent élever les églises gothiques.



VITRUVE (Pollion). Les auteurs qui ont écrit la vie de cet architecte célèbre, n’ont pu le faire qu’en rassemblant diverses notions qu’il nous a fournies lui-même dans son Traité d’Architecture. On ne trouve en effet aucunes mentions de lui chez les anciens écrivains, si ce n’est dans Pline qui le cite parmi les auteurs, où il a puisé, et dans Fronton, qui le nomme, comme étant réputé l’inventeur du module quinaire pour les aquéducs.

On ne sauroit rien affirmer sur le lieu de sa naissance. Quoiqu’il ait été employé dans les bâtimens de l’empire, et bien qu’il paroisse constant qu’il a écrit son Traité d’Architecture à Rome, on ne trouve dans tout le contenu de l’ouvrage rien qui prouve que son auteur ait été romain. Le marquis Maffei, plein de zèle pour la ville de Vérone sa patrie, qu’il a illustrée de plus d’une manière, s’est efforcé de la faire passer, pour avoir été aussi celle de Vitruve. Mais l’arc antique de cette ville, sur lequel on voit écrit le nom de Vitruvius Cerdo, prouve bien, si l’on veut, qu’un architecte de ce nom fut chargé à Vérone de construire ce monument, mais ne prouve pas du tout que cet architecte y fût né. Quant à l’analogie forcée qu’on a prétendu trouver entre le surnom de Cerdo et celui de Pellio, qu’on a substitué tout exprès à celui de Pollio, le tout a été suffisamment réfuté par Philander et Barbaro.

De ce que Vitruve, dans un endroit de ion ouvrage, a cité la ville de Plaisance, avec les villes d’Athènes, d’Alexandrie et de Rome, quelques critiques ont cru pouvoir inférer de là, que la première de ces villes lui avoit donné le jour. Mais la supposition est tout à-fait gratuite. Ce qu’on pourroit admettre comme probable à cet égard, c’est qu’il auroit pu y être employé à construire des horloge, à l’occasion desquels, il fait mention de Plaisance, ville de guerre alors, où il auroît pu encore concourir au travail de ses fortifications.

L’opinion la plus probable sur le lieu de la naissance de Vitruve est en faveur de Formies, ville de la Campanie (aujourd’hui Mola di Gaeta.) C’est ce qu’a fait présumer, avec le plus de vraisemblance, le marquis Poleni, et c’est ce qui semble le plus naturel à conjecturer, d’après les nombreuses inscriptions antiques découverte à diverses époques dans les ruines de Formies, où il est question de la famille Vitruvia. Or toutes ces inscriptions sépulcrales, font mention de divers personnages de cette famille, morts dans le pays, et ne s’appliquent à aucun édifice construit par quelqu’un de ce nom.

Quant à l’âge où vécut l’architecte Vitruve, il n’y a aucun doute, que ce fut sous le règne d’Auguste, et même au commencement de ce règne. On ne sauroit adopter l’opinion de ceux qui ont prétendu fixer son époque, au règne de Titus. Il suffit de remarquer que dans son ouvrage, il n’a fait aucune mention des grands et magnifiques monumens dont Rome ne fut embellie que depuis Auguste. Ainsi il ne parle que d’un seul théâtre en pierre, d’où l’on est en droit de conclure, qu’il vécut précisément alors que Rome n’en comptoit qu’un seul de cette sorte, savoir celui de Pompée. Or il le désigne d’une manière très-expresse, en parlant des portiques appelés Pompeiani, qui étoient vraisemblement placés derrière ce théâtre. Ajoutons que dans la dédicace de son ouvrage, il fait clairement entendre qu’Auguste est l’empereur auquel il adresse ses dix livres.

Il a encore été observé de quelle manière différente, il cite soit Accius et Ennius, soit Lucrèce, Cicéron et Varron, c’est-à-dire les deux premiers, comme déjà morts depuis quelque temps, les trois autres comme ayant été connus de lui. Or nous savons qu’Ennius naquit 239 ans avant l’ère chrétienne, Accius 171 ans, Varron 116 ans, Cicéron 107 ans, et Lucrèce 54 ans avant cette ère. Aussi voyons-nous que les éditeurs de Vitruve, à compter des premiers qui ont mis au jour son Traité d’Architecture, se sont tous unanimement accordés à l’intituler M. Vitruvii Pollionis de architectura lib. X. ad Cæsarem Augustum.

Cela posé, Vitruve écrivit son ouvrage dans un âge avancé, et il le présenta à l’empereur, quelque temps après que celui ci eut pris le surnom d’Auguste, ce qui eut lieu l’an 27 avant notre ère. Nous voyons, en effet, dans la description que fait Vitruve de sa basilique de Fano, qu’il est déjà question d’un temple élevé à Auguste.

Vitruve ne fut certainement pas, ce qu’on appelle vulgairement, un homme de fortune. Il dut être né de parens aisés ; car il est évident, qu’il reçut d’eux une excellente éducation, el qu’il avoit fait de très-bonnes études. C’est ce qu’il nous apprend lui-même, dans la préface de son sixième livre. Nous lisons dans celle du troisième, d’autres renseignemens sur sa personne, d’où l’on est en droit de conclure, qu’il étoit d’une petite taille, et qu’il mourut dans un âge sort avancé. Mihi staturam non tribuit natura, faciem deformavit œtas, valetudo detraxit vires.

Qu’il ait réuni comme cela se pratiquoit dans l’antiquité, comme cela eut lieu aussi dans les temps modernes, les connoissances appliquables à tous les genres d’architecture, surtout aux constructions militaires, comme aux édifices civils, c’est ce qui ressort des documens mêmes de son Traité, c’est ce que confirment tous les faits qu’il renferme. Ainsi nous voyons par la description qu’il en fait, que le monument de la basilique de Fano fut son ouvrage ; et dans la préface de son livre premier, il nous apprend que, de concert avec M. Aurelius, Publius Numidins, et Cneius Cornélius, il fut employé à la construction des machines de guerre.

Vitruve s’est plaint en plus d’un endroit de son ouvrage, de ce qu’on avoit peu rendu justice à son mérite. Mais s’est-il trouvé beaucoup de personnes, en quelque carrière que ce soit, qui n’aient cru devoir s’élever contre les arrêts, soit de la fortune, soit de la justice des contemporains ? Si par les brigues de ses rivaux, il ne fut donné à Vitruve d’élever aucun autre monument que celui de la basilique de Fano, nous voyons toutefois, qu’il étoit arrivé à un degré d’estime et de considération, qui lui valut de l’empereur Auguste, une pension viagère, pour le récompenser soit de ses services, soit de la dédicace de son ouvrage.

On doit reconnoître qu’il fut on homme fort instruit, et il faut encore lui faire un mérite de la modestie avec laquelle il avoue (liv. I. ch. ) qu’on ne doit le juger, ni comme philosophe, ni comme rhétoricien, ni comme grammairien, mais qu’on doit simplement se contenter de voir en lu. , un architecte versé, pour l’usage de son art, dans ces diverses sciences. Sed ut architectus his litteris imbutus.

Comme écrivain, Vitruve peut être soumis à deux critiques différentes, celle des mots, et celle de la manière de les employer, ce qu’on peut appeler le style.

Quant au premier article, il est juste de reconnoître qu’une multitude d’obscurités, qu’on lui reproche, a dû provenir du genre même de la matière, qui comporte un grand nombre de termes techniques, qu’on ne retrouve chez aucun autre auteur, et dont l’explication reste ainsi environnée d’obscurités. Il faut ajouter que Vitruve se. trouva encore dans la nécessité d’emprunter au grec beaucoup de termes, qui, vu le manque d’écrivains latins sur l’architecture, ne s’étoient


pas naturalisés à Rome, et très-probablement ne parvinrent jamais à l’être.

Pour ce qui regarde la manière d’écrire ou le style, bien qu’on mette Vitruve dans le petit nombre des écrivains latins de ce siècle, qu’on a nommé le siècle d’or, il se peut qu’il doive faire autorité sur tout ce qui tend à constater l’état de la langue sous Auguste ; mais on y chercheroit vainement ce qui constitue le génie d’une langue élaborée par l’art et par le goût. Si nous en jugeons d’après la comparaison des écrivains modernes, qui nous out laissé des traités d’architecture, nous serons fondés à croire qu’il n’a été surpassé par aucun, dans ce qui fait l’objet principal de ces sortes d’ouvrages, c’est-à-dire l’ensemble et les détails du plan, la justesse des observations et des préceptes. Mais nous conviendrons encore, qu’on ne sauroit exiger de l’architecte antique, plus que des modernes, aucune de ces qualités qui forment l’élégance de la diction, et mêlent au discours de ces ornemens que repousse le genre didactique. C’est la clarté qui fait le mérite de ce genre, et peut-être est-ce là celui qu’on pourroit quelquefois contester à Vitruve, si, après dix-huit siècles, il étoit permis de porter des jugemens absolus sur les auteurs qui ont écrit dans une langue aujourd’hui morte, et dont l’esprit nous est devenu en grande partie étranger.

Comme c’est dans certaines particularités, et par quelques détails relatifs à la personne, que Vitruve nous a fourni les seuls renseignemens dont son histoire peut se composer, c’est aussi de tout ce qu’il n’a pas dit, et de son silence sur plus d’un point important, qu’on peut tirer quelques conjectures propres à faire apprécier et mesurer, soit la nature, soit l’étendue de ses connoissances historiques en architecture. Ainsi il est bien prouvé par presque toutes les pages de son Traite, qu’il s’étoît procuré des notions sur les grands monumens de l’architecture des Grecs. Toutefois, ces notions, il lui fut facile de se les approprier, par les dessins des ouvrages qui étoient répandus partout, et au moyen des écrits des grands architectes antérieurs à lui. Effectivement, nous tenons de lui-même la notice de tous ceux, ou qui avoient publié des descriptions de monumens, ou qui avoient composé des traités sur leur art. Mais il n’y a dans tous ses dix livres aucun passage d’où l’on puisse inférer qu’il ait vu lui-même ces monumens, ou qu’il soit sorti de l’Italie, et peut-être de l’Italie supérieure.

Ce qui confirmeroit cette présomption, c’est qu’en aucun endroit de son ouvrage, ni même à l’article où il traite de l’ordre dorique, il ne donne à connoître qu’il ait eu en vue le mode dorique de tous les temples grecs, mode essentiellement différent de celui dont il prescrit les règles, soit pour la proportion, soit pour les formes, soit pour les détails du chapiteau, de la frise, etc. Or, on sait aujourd’hui que si Vitruve eût voyagé dans l’Italie méridionale, il y auroit vu sans doute beaucoup de monumens du style dorique grec, monumens aujourd’hui connus de tous les architectes, dans les nombreuses ruines qui en existent encore. Il paroît certain que s’il en eût en connoissance, autrement peut-être que par des description, il n’auroit pas manqué de faire remarquer ce mode dorique, comme un antécédent de celui qui étoit en usage de son temps, lui qui n’a pas omi de faire mention de l’ ancien mode toscan dans la construction des temples. Il est vrai qu’il avoit pu en connoître les traditions dans l’Italie septentrionale, où il nous apprend lui-même qu’il avoit séjourné, et qu’il avoit été employé. D’ailleurs, Rome avoit encore, de son temps, conservé dans plus d’un édifice sacré, la méthode et les pratiques de la construction toscane.

Il paroît donc que Vitruve se sera borné sur cet article, comme sur tous les autres, à établir ses règles d’architecture d’après l’état de cet art, tel qu’il se comportoit à Rome de son temps, d’après les modifications que ses proportions et un style y avoit subies, d’après les modèles et les exemples qu’il avoit sous les yeux ; qu’il travailla enfin pour ses contemporains, et en se conformant aux doctrines ou aux pratiques en crédit et en usage alors.

Le seul ouvrage sur lequel on pourroit se former une idée approximative du mérite de Vitruve, non plus comme théoricien, mais comme architecte de pratique, seroit l’édifice de la basilique de Fano, qu’il construisit en entier d’après ses propres dessins, et dont il s’est plu à nous donner une description assez détaillée, si le dessin qui l’accompagnoit dans son ouvrage eût pu nous parvenir. Malheureusement en ce genre, comme eu beaucoup d’autres, les paroles d’une description la plus détaillée, ne sauroient équivaloir au trait le plus abrégé, tant il est difficile de faire comprendre par l’esprit, ce qui de sa nature est destiné à s’adresser avant tout aux yeux.

La description que Vitruve nous a laissée de ce monument, donne tontefois à connoître qu’il avoir tenté d’introduire dans sa composition une nouveauté, dont il n’est pas impossible de se figuier l’effet et d’apprécier la valeur ou l’abus. Ainsi l’on sait, et l’on apprend de Vitruve luimême, et d’ailleurs des restes d’antiquité le confirment, que toute basilique, dans son intérieur, devoit m composer de trous nefs, celle du milieu plus large que les deux autres, qu’ainsi deux rangs du colonnes en occupoieot ta longueur. On sait qu’au-dessus de chacun de ces deux rangs de colonnes, s’élevoit un étage de colonnes plus petites, formant une galerie tout à l’entour. Vitruve jugea à propos de n’établir dans sa basilique qu’un seul ordre de colonnes au lieu de deux. Ces colonnes, selon les mesures qu’il en donne, avoient cinquante pieds de hauteur ; mais


pour satisfaire à la donnée indispensable de l’étage en travées formant galeries, il dut accoler à ses colonnes, dans la partie regardant les basculés, des pilastres de vingt pieds de haut, larges de deux pieds et demi et d’un demi-pied d’épaisseur. Sans doute de semblables pilastres correspondans étoient adossés aux murs latéraux des bas-côtés, et supportoient les planchers des galeries dont on a parlé. Vitruve fait encore observer qu’il a couvert son intérieur en voûte : ce qui donne à entendre que l’usage auroit été de plafonner les basiliques ; chose d’autant plus probable, que la coutume étoit d’y établir en bois de charpente toutes les architraves. Nous laissons chacun juge du bon effet de l’innovation de notre architecte, qui toutefois s’en applaudit, soit pour la beauté de l’aspect, qui essectivement dut gagner en grandeur dans la nef du milieu, soit en considération de l’économie qui paroîtroit lui avoir inspiré cette disposition.

Quoique le Traité de Vitruve soit fort loin de pouvoir nous dédommager de la perte des nombreux traités et autres ouvrages composés par les architectes grecs sur leur art, on ne sauroit contesler qu’il soit d’une très-grande utilité à l’artiste moderne, surtout à celui qui par des études généralisées s’est appris à voir, au-delà des exemples et des documens postérieurs, les autorités qui leur servirent de régulateur, et à remonter de certains points traditionnels, de certains modèles plus ou moins modifiés, aux monumens originaux et aux doctrines classiques des temps antérieurs, où les arts avoient atteint leur perfection.

En général, il existe deux excès également à éviter par ceux qui pratiquent les arts, et surtout l’architecture. Les uns, frappés du vide immense que le temps et la destruction ont opéré dans les modèles, les traditions ou les préceptes de l’antiquité, se persuadent trop facilement que le peu d’ouvrages qui nous est parvenu des Anciens, ne doit point faire règle, que dès-lors leur autorité est plus ou moins arbitraire. Les autres, par une rigueur tout-à-fait opposée, tirent des conséquences trop absolues d’ouvrages que le hasard seul a épargnés, et ne se permettent pas de supposer que les Anciens aient jamais fait autre chose, ni d’une autre manière, que ce que leur démontrent les foibles restes qui ont échappé à la ruine presque universelle de leurs monumens. Ainsi, pour donner de ceci un exemple, si Vitruve ne nous eût pas dit qu’il avoit élevé sur les colonnes de sa basilique une couverture en berceau, ou en voûte, beaucoup nieroient que la chose se fût pratiquée, et ils regarderoient la couverture en plafond sur colonnes comme la seule qu’on pût se permettre. Cependant, pourquoi ne concevroit-on pas d’une voûte sur colonnes d’une nef basilique, à une pareille pratique sur les colonnes d’une nes de temple, comme les propres paroles de Strabon nous le donnent à entendre de la nef du temple de Jupiter Olympien ?

Ce qui est fort à regretter, c’est que les dessins dont Vitruve avoit accompagné les dix livres de son Traité, soient perdus. Ou ne sauroit dire combien de difficultés et d’obscurités auroient été levées et éclaircies à l’aide de ce langage, qui dit par un seul trait, et avec la plus grande clarté, ce que toutes les explications et toutes les tournures de phrases ne sauroient faire comprendre.

Nous avons déjà vu qu’on avoit tenté d’attribuer à Vitruve l’arc de Vérone, où on lit son nom, et que cette opinion avoit été complètement réfutée. Cet architecte ayant vécu sous le règne d’Auguste, quelques critiques ont imaginé de lui attribuer l’érection de l’arc de triomphe de Rimini, élevé l’an 727 de Rome, sous le septième consulat d’Auguste. (Voyez RIMINI.) Fabretti, et ensuite Temanza, n’ont pas eu d’autre raison en faveur de leur conjecture, que le synchronisme de l’existence d’Auguste et de Vitruve, comme si à cette époque il n’y eût pas eu dans l’empire romain d’autre architecte que Vitruve. On a d’ailleurs trouvé, dans l’ouvrage même de cet architecte, une assez forte preuve qu’il n’avoit point été l’auteur de ce monument. En effet, il désapprouve, comme une sorte de pléonasme architectural, l’emploi des denticules placés sous les modillons, le denticule paroissant, dans le système d’imitation emprunté à la construction des couvertures eu bois, avoir la même origine que le modillon. Or, ce double emploi se rencontre à l’aie de Rimini, et l’on doit croire qu’il appartient à un architecte théoricien, plus qu’à tout autre, d’être dans la pratique fidèle aux règles de sa théorie.

S’il est vrai qu’un auteur se peint ordinairement dans ses écrits, Vitruve nous donne partout de lui l’idée d’un homme fort modeste, éloigné de toute brigue, d’une probité sévère, et ce qui paroît devoir encore le confirmer, c’est qu’il ne parvint que dans un âge fort avancé, à recueillir quelques fruits de ses nombreux travaux.

VIVE-Arete. Voyez VIF.

VIVIER, sub. m. Pièce d’eau vive, selon ce qu’indiqueroit la formation du mot, où l’on entretient et où l’on nourrit des poissons.

L’établissement des viviers dans les maisons de campagne, fut un des principaux luxes des riches Romains. Ils ne se contentoient pas d’avoir des étangs pour y conserver plusieurs sortes de poissons d’eau douce, ils en creusoient encore sur le bord de la mer, dont ils dérivoient l’eau pour y nourrir des poissons de mer. Plusieurs des maisons de campagne des environs de Rome ou de Baies, devinrent célèbres par le revenu des viviers où le propriétaire nourrissoit des poissons rares. Quelques-uns de ces poissons, tels que la murène, donnérent leur nom à ceux qui en commerçoient,


et firent aussi leur fortune. Hortensius avoit des viviers dont l’établissement lui avoit coûté des sommes immenses, et dont l’entretien n’étoit pas moins dispendieux. Lucius Lucullus ne fut pas moins célèbre par ses dépenses en ce genre. Dans. sa campagne’ près de Naples, il fit percer des montagnes pour dériver l’eau de la mer et la conduire à ses viviers. Dans une autre de ses villa, près de Baies, il somma son architecte de ne point épargner sa fortune, pour creuser des canaux souterrains entre la mer et ses étangs.

Ces étangs avoient aussi pour objet de procurer aux maîtres de ces campagnes le plaisir de la pêche. Parmi les peintures d’Herculanum, il y en a plusieurs qui représentent de ces sortes de scènes. Pline le jeune a fait la description de ses campagnes situées sur le bord d’un lac. Dans l’une de ces maisons il avoit l’agrément de pouvoir pêcher lui-même de sa chambre.

Nos grands, dit Cicéron, se croient les plus heureux des hommes lorsque, dans leurs viviers, ils possèdent un mulet ou une barbue de mer, qui vient prendre la nourriture de leurs mains ; et Pline nous assure que, dans les viviers de César, il y avoit plusieurs poissons qui approchoient lorsqu’on les appeloit. Les étangs ou viviers creusés dans le roc passoient pour être les meilleurs. Au défaut de roc on battoit bien la terre sur les bords. Dans le fond, ou le sol, on creusoit différentes cavités ; quelques-unes étoient taillées carrément, c’est là que se reposoient les poissons à écailles ; d’autres contournées en spirale étoient destinées aux murènes. On donnoit communément à l’eau neuf pieds de profondeur au-dessous de la surface de la mer. Divers canaux étoient pratiqués. les uns pour amener les eaux, les autres pour leur décharge ; ces derniers avoient des grillages pour empêcher les poissons de sortir avec l’eau. Pour que les poissons ne trouvassent aucune différence entre ces eaux renfermées, et celles des fleuves ou delà mer, ou ménageoit pour leur retraite, des blocs de rochers que l’on couvroit d’algues et de piautes aquatiques.

VOIE, subst. fém. du mot latin via, chemin, route, etc.

Au mot CHEMIN (voyez cet article), nous avons rendu compte, avec assez de détails, de la partie qui entre naturellement dans les travaux de l’art e bâtir, et qui regarde la construction, l’établissement et l’exécution des grands chemins, soit chez les Anciens, soit chez les nations modernes, et nous avons renvoyé à l’article VOIE, ce qui regarde les connoissances historiques et archéologiques que ce mot comporte. Nous réduirens toutefois aux notions les plus essentielles, ce que le lecteur peut exiger de nous sur cet objet.

L’histoire nous a transmis trop peu de détails exacts sur les chemins et les voies publiques des plus anciens peuples, pour qu’il soit possible de savoir quelle nation aura, la première, apporté un soin particulier à l’établissement des communications entre les diverses contrées. Dès que plusieurs Etats eurent établis, entr’eux, des rapports plus particulier, dès qu’ils se furent occupés des intérêts du commerce, ils durent songer à douner aux routes les dispositions les plus propres à faciliter les voyages et les relations commerciales, On prétend que, de très-bonne heure, les Perses eurent d’excellentes chaussées. Selon Diodore de Sicile, Sémiramis en établit dans toutes les régions de son empire ; pour y parvenir, elle fit abaisser des collines et des montagnes, remplir les lieux bas et les vallons, construire des digues et des levées. Justin assure que Xerxés employa aussi de grandes sommes à la construction des voies publiques. Isidore, à la sin de son XV. livre, dit que les Chartaginois ont les premiers pavé leurs chemins.

Les auteurs anciens ne nous donnent point de détails qui puissent nous faire penser que les Grecs se soient fort occupés de la construction et de la bonne disposition de leurs voies publiques, Quoiqa’Hérodote dise que le soin de ces voies étoit, à Lacédémone, confié aux rois, il est permis de croire, que le plus grand nombre des petits étals dont la Grèce se composoit, mirent à l’établissement de leurs chemins, moins d’importance qu’à beaucoup d’autres objets. La chose s’expliqueroit, jusqu’à un certain point, par la position maritime de tout le pays qui, dans le fait, est une presqu’ile. On sait que c’est surtout l’avantage du commerce et de la circulation des marchandises qui porte à construire, à multiplier et à perfectionner les voies publiques. Or tout naturellement en Grèce le grand nombre des communications dut avoir lieu par mer, Un passage de Strabon semble confirmer ce qu’on avance sur l’infériorité des Grecs dans le travail des chemins. Les Grecs, dit-il, ont négligé trois choses, pour lesquelles les Romains n’ont épargné ni frais, ni travail : savoir, la construction des cloaques, celle des aquéducs et celle des voies publiques.

Ou voit assez quelles raisons particulières portèrent les Romains aux grands travaux qu’exigèrent leurs chemins. Ce ne fut point l’esprit du commerce, mais le génie de la guerre et des conquêtes, qui multiplia et perfectionna, chez eux, ces moyens de transporter facilement leurs légi ns dans toutes les parties de leur empire. C’est véritablement à eux qu’est due la gloire d’avoir porté au plus haut point de perfection la construction des voies publiques. Les restes de leurs grands chemins attirent encore aujourd’hui l’attention, et excitent l’admiration des peuples modernes, Voyez CHEMIN.

Nous ne trouvons aucun indice qui puisse donner à penser que, sous les rois, les rues de la ville de Rome, ou les routes en dehors de ses murs, aient été pavées. On ne peut, à cet égard,


ni nier, ni affirmer rien. Ce qu’on sait, c’est que ce fut cent quatre-vingt-huit ans après l’expulsion des rois, que fut entreprise une des pins belles voies pavées que les Romains aient établies. On veut parler de la voie Appienne, commencée l’an 442 de Rome, par le censeur Appius Claudius, qui la conduisit depuis Rome jusqu’à Capoue. Dans la suite, lorsque Rome eut étendu sa domination dans l’Italie méridionale, lavoie Appienne fut prolongée jusqu’à Brindes, ville qui, selon Strabon, étoit à ‘580 milles de Rome. Plus d’une voie semblable s’embranchoit à la voie Appienne.

L’an 512 de Rome, Aurelius Cotta établit une voix publique, qui, d’après son nom, fut appelée via Aurelia. Une seconde voie du mème nom fut ensuite appelée voie Emilienne, parce qu’elle fut terminée par AEmilius Scaurus.

L’an de Rome 533, fut établie la voie Flaminienue. Les opinions sont partagées sur le nom de celui à qui l’on doit son établissement. Les uns l’attribuent à Flaminius, général romain, qui fut battu par Anuibal auprès du lac de Trasimène ; d’autres au consul Flaminius, fils du général. Elle se prolongeoit jusqu’à Rimini, l’ancien Ariminium, Lepidus, le collègue de Flaminius dans le consulat, prolongea cette voie jusqu’à Bologne, et de là à Aquilia. Cette partie reçut le nom de via AEmilia Lepidi. Plusieurs autres s’embranchoient à celle-ci ; mais ces détails alongereint inutilement le plan auquel nous devons réduire cet article.

Les quatre voies Appia, Aurelia, Flaminia et AEmilia, dont on vient de faire mention, ont été les plus anciennes voies romaines. Etablies du temps de la république, elles furent prolongées dans les âges suivans, soit directement, soit au moyen de voies latérales, qui venoient y aboutir. A mesure que l’empire de Rome s’agrandit, les routes durent se multiplier. Beaucoup de censeurs, et d’autres magistrats cherchèrent à se concilier, par de pareils travaux, la saveur de leurs concitoyens.

L’an de Rome 580, les censeurs Flaccus et Albinus firent, selon Tite-Live, paver les rues de Rome, et couvrir de sable les chemins en dehors de la ville. Ils firent en même temps revêtir les deux côtés de grandes pierres. Caius Gracchus obtint surtout les bonnes graces du peuple, par le soin qu’il prit d’entretenir les voies publiques aux environs de Rome ; il les rendit non-seulement plus commodes et plus solides, mais, aussi plus belles.

Voici en peu de mots, quelques détails sur les autres voies publiques lus plus connues.

La via Ostiensis, une des plus anciennes communications de Rome, aveu les villes ou les contrées de l’Italie, alloit de la porta Ostiensis à la ville d’Ostie. Elle étoit des deux côtés, bordée en grande partie de maisons de campagne La via valeria alloit jusqu’à Hadria. Lavia Latina appelée aussi Ausonia, se prolongeoit de la porte Latine de Rome jusqu’à Casinum où elle aboutissait à la voie Appienne. La via Salaria étoit appelée ainsi, parce que c’étoit sur cette route, que les Sabins transportoient à Rome leur sel marin. Elle commencoit à la porta Collina, et se réunissoit à la via Nomentana, qui s’étendoit de la porta Viminalis, à Nomentium. La via Prœnestina n’alloit que jusqu’à Praeneste, la via Labicana alloit à Labicum, la via Albana jusqu’à Alba Longa, la Tusculana à Tusculum ; la via Laurentina, située entre la via Ostiensis et la via Andeatina, se prolongeait jusqu’à Laurentum, et la via Collatina jusqu’à Collatium.

Les voies qui se dirigeoient vers les provinces, passoient par l’Italie supérieure, que les Romains appeloient Gallia cisalpina. C’est par les Alpes que passoient les routes qui conduisoient dans les différentes parties de la Gaule transalpine, dans la Gaule proprement dite, et de là plus loin en Espagne et en Germanie. Les routes au contraire qui conduisoient en Illyrie, passoient au pied des Alpes, et le long des bords de la mer Adriatique. De I’Illyrie elles se prolongeoient ensuite dans la l’annonie, la Maesie, la Seythie, la Thrace, jusqu’ à Bysance et dans les autres contrées de l’Europe.

Auguste fut le premier qui mit le zèle et l’importance nécessaire, à ce qu’il y eût, au moyen de grandes routes, des communications plus suivies et plus rapides entre les proinces de l’empire, et la ville de Rome. Selon Suétone, il ordonna en même temps, que, sur ces routes, il y eût, à des distances peu considérables l’une de l’autre, des messagers, et par la suite des couriers, pour transmettre rapidement les nouvelles, afin qu’on fût promptement instruit à Rome, de ce qui se passoit dans les provinces. Ce fut surtout dans l’Espagne et dans les Gaules que surent formés ces établissemens.

Dans la construction de leurs voies, les Romains curent particulièrement soin de les dresser autant qu’il étoit possible, et d’éviter toute espèce de sinuosités. Lorsque cela étoit nécessaire, ils combloient les endroits bas, ils construisoient des ponts, ils perçoient des rochers et des montagnes. Quand la direction d’un chemin étoit déterminée, on en fixoit la largeur en traçant un sillon de chacun de ses côtés. On enlevoit ensuite le terrain meuble entre les deux sillons, jusqu’à ce qu’on sût parvenu au terrain ferme. Cette excavation étoit aussitôt remplie par des matériaux solides, jusqu’à la hauteur qu’on vouloit donner à la chaussée. Voyez CHEMIN.

Tel étoit le procédé employé pour la construction des chemins dans les plaines ; mais dans une vallée, lorsqu’un chemin devoit réunir deux collines, on l’élevoit jusqu’à leur hauteur. Si la contrée étoit marécageuse, on donnoit à la voie une très-grande élévation, pour la garantir des inondations C’est ainsi que Trajan fit continuer la voie


Appienne à travers les marais Pontins, dans une étendue de plusieurs milles.

Lorsque la voie publique étoit sur la pente d’une montagne, auprès d’une vallée profonde, on détachoit de la montagne, autant qu’il en falloit, pour donner au chemin la largeur nécessaire, et lorsque la pente étoit très-rapide, on élevoit, depuis le pied de la montagne jusqu’au niveau du chemin, un mur solide, pour soutenir la voie militaire, et pour empêcher l’écroulement.

Quelquefois on perçoit des montagnes. C’est ce que Vespasien pratiqua dans les Apennins, où il fit continner une route à travers la montagne, dans une étendue de plus de mille pieds.

Selon Bergier (d’où sont extraits la plupart de ces détails), les voies romaines avoient ordinairement soixante pieds de largeur. La surface de chaque voie étoit partagée, dans sa largeur, en trois parties. Celle du milieu étoit un peu plus élevée, elle étoit pavée et bombée, afin de faciliter l’écoulement des eaux. Elle avoit vingt pieds de largeur. Chacune des deux autres parties collatérales étoit couverte de gravier, et avoit aussi vingt pieds de largeur. Toutes les voies étoient cependant loin d’avoir cette dimension. Rien effectivement n’étoit plus variable, jusque dans une même voie. Ainsi la voie Appienne offroit d’assez notables différences. Quelques voies n’avoient dans leur partie du milieu, ou leur partie pavée, qu’une largeur de quatorze pieds espace suffisant à deux voitures de front.

Pour indiquer au voyageur les distances qu’il avoit déjà parcourues, et celles qui lui restoient encore à fournir, on plaçoit sur les routes des colonnes milliaires, dont les chiffres marquoient le nombre de milles à partir de Rome. Voyez MILLIAIRI, COLONNE.

C’est à la guerre, à ses besoins, aux transports des armées, aux convois militaires, et à la promptitude des communications, que les Romains destinèrent les grandes entreprises des routes. Et l’on ne sauroit douter que dans un temps, où les communications de ce genre n’existoient point, au même degré, chez les autres nations, Rome n’ait dû, soit par la continuité. soit par la promptitude de ses mouvement, les succès qui lui procurèrent l’empire du monde ancien. Ce qu’un a vu depuis, et ce qu’on voit encore chez d’autres peuples pour le commerce, Rome le fit pour la. guerre, et voilà pourquoi ce fut aux voies militaires qu’elle porta la plus grande dépense.

Ces voies, outre qu’elles furent les plus considérables et les plus solides, devinrent aussi, tout naturellement, en Italie surtout, un des principaux embellissemens du pays. On comprend que les commodités que ces grandes routes devoient procurer aux endroits qu’elles traversoient, durent amener sur leurs bords, et dans les environs, beaucoup de riches citoyens de Rome, qui y établirent leurs habitations. Aussi se représente-t-on, d’après les notions de écrivains, les voisinages des grands chemins, comme bordés des plus beaux édifices, de maisons de plaisance. La via Ostiensis étoit bordée des deux côtés, d’une suite presque non interrompue de semblables constructions.

De tous ces ornemens des grands chemins, que le temps u’a pas entièrement anéantis, aux environs de Rome, les plus nombreux devoient être les monumens funéraires, On pourroit le présumer par la comparaison qu’on fait aujourd’hui, des ruines de ces édifices, avec les autres ruines, si l’on ne devoit mettre le respect des tombeaux, au nombre des causes qui ont dû protéger leur durée. Toujours est-il certain que les tombeaux, dans les usages de l’antiquité, tout en rappelant des idées nécessairement sérieuses, étoient fort loin de produire dans l’ame des sentimens pénibles, et de mettre sous les yeux des images propres à attrister les sens, L’architecture d’ailleurs étoit presque seule chargée de l’érection des tombeaux, et cet art, à l’exception de certaines formes consacrées, considérant ces monumens, comme étant les habitations des morts, ne put guère faire autrement, que d’employer à leur décoration, les mêmes détails sélémentaires, et les pratiques usuelles des autres édifices. Or on voit encore aujourd’hui par les restes assez nombreux de tombeaux, qui existent sur les bords des anciennes voies, que, sous le rapport de l’art, et des points de vue qu’ils offroient au voyageur, ils durent en être un ornement très-particulier.

VOIE. Ce mot a une autre signification, dans les usages de la vie, et les pratiques du bâtiment. On l’applique à une certaine mesure d’objets usuels et de consommation, qu’on débite par voies locution formée sans doute ou abrégée, si elle n’est une transposition d’idée du mot voyage on voiture.

C’est ainsi que dans la bâtisse on appelle voie de pierre, une charretée d’un ou de plusieurs quartiers de pierre, qui doit être d’un certain nombre donné de pieds cubes. On appelle de même voie de plâtre, une quantité quelconque de sacs de plàtre, contenant chacun deux boisseaux et demi.

VOIER, s. m. C’est un nom donné fort anciennement à un officier chargé de veiller dans les villes, à la bonne confection des rues, et à ce que la voie publique soit, conformément aux régtemens de police, sûre, commode, et d’un accès facile.

Il y avoit autrefois un grand-Voier. C’étoit le titre d’une grande charge possédée par une personne de haute considération. Elle étoit réunie à celle de grand trésorier de France, M. le duc de Sully sous Louis XIII a été le dernier grand-voier. Depuis ce temps et d’après les changemens que la grande extension de Paris a apportés dans cette


partie de la police municipale, le titre de voier se donne à diverses personnes particulièrement livrées aux travaux de la construction et de l’architecture, et qui exercent les fonctions de la voierie, sous la surveillance des autorités municipales, supérieures. On les appelle commissaires voiers.

VOIERIE, s. f. On appelle ainsi une branche de l’administration municipale qui a pour objet, l’établissement, l’entretien et l’amélioration des chemins, rues, quais, places et antres voies publiques dans les villes, ainsi que la surveillance de tout ce qui peut intéresser, en ce genre, la sûreté et la salubrité.

A Paris cette branche d’administration est divisée en grande voierie et en petite voierie.

La première, qui est dans les attributions du préfet du département comprend tout ce qui. regarde le percement, l’alignement, l’élargissement ou le redressement des rues, des impasses, des quais, des places, les hauteurs des maisons, la surveillance administrative des constructions particulières qui s’exécutent dans la ville et ses faubourgs, et l’observance de tous les réglemens qui se rapportent à l’art de bâtir.

La seconde est dans les attributions du préfet de police. Elle a pour objets principaux, de surveiller les constructions qui peuvent menacer ruine, de tenir la main à la police des saillies et étalages, de tous les accessoires, comme auvens, enseignes appliqués ou attachés à l’extérieur des maisons dans les rues, places, impasses, quais, etc. Elle a une inspection spéciale sur les fosses d’aisance et leurs réparations, enfin surtout ce qui dans ces constructions intéresse la sûreté et la salubrité publique.

Le mot voierie a encore dans le langage ordinaire une autre acception, mais due à la même étymologie. Nous trouvons que le mot se disoit autrefois pour grand chemin. Dans quelques pays on appelle encore voierie une route plantée d’arbres. C’étoit donc sur les grandes routes que I ou portoit et que l’on porte encore, en plus d’un pays, les corps morts des animaux. De là cette locution jeter à la voierie.

On appelle encore de même, aujourd’hui, certains emplacemens voisins des grandes routes, hors des villes, où l’on transporte les immondices qui proviennent du nettoiement des rues et des places, ou des vidanges des fosses.

VOILE, s. m. Ce mot est la traduction littérale du mot latin velum ; mais dans l’usage du français, il ne comporte ni toutes les acceptions, ni précisément les mêmes qu’en latin.

Ainsi on appeloit vela ou velaria ces grandes tentures que nous appellerions bannes, et que l’on élevoiat au-dessus des théâtres ou des amphithéâtres, amphithéâtres, pour mettre les spectateurs à l’abri des ardeurs du soleil.

On appeloit encore vela ce que nous appelons, soit des rideaux devant les fenêtres, soit des tentures de porte, ou des portières, dans les chambres et les appartemens.

On a conservé la dénomination de voiles, à ces étoffes que l’on tenoit suspendues devant la statue des dieux, ou qui interceptoient la vue des sanctuaires.

Quant aux vela ou velaria, qui séparoient jadis, comme la chose a encore lieu aujourd’hui, la scène du reste du théâtre, on n’a point traduit ces mots par voile, mais bien par In noms. soit de toile, soit dorideau. Voyez RIDEAU.

VOLCANIQUE (PIERRE). On donne cette épithète à plusieurs espèces de matériaux, qui, dans plus d’un pays, servent à la construction des édifices, et sont des produits de volcans.

Ce n’est point à ce Dictionnaire qu’il appartient, ni d’énumérer les différentes espéces de ces produits, ni d’entrer dans les causes de leur formation. Contentous-nous de dire que parmi les matériaux propres à la construction, que fournissent les éruptions des volcans, on eu distingue de trois sortes, que les Anciens et les Modernes ont mises en œuvre.

La pierre volcanique, dure, cassante et compacte, dont on a fait jadis uu fréquent emploi, est celle que donuent tes laves, mises en fusion pur les volcans, et qui forment comme des nappes coulantes d’une largeur plus ou moins grande, et dont l’étendue en longueur, comme à l’Etna, couvre souvent plusieurs lieues de terrain. Cette lave refroidie se débile en blocs de pierre trèsconsidérables. Les Romains s’en servirent avec beaucoup d’avantage pour le pavage de leurs grandes routes, et I’’employèrent à la manière de l’opus incertum, c’est-à-dire assemblée par joints irréguliers. On l’emploie encore anjourd’hui au même usage. Les euvirons de Rome, comme chacun le sait, sont remplis de volcans éteints, dont les laves sont devenues des espèces de carrières de pierres volcaniques, et l’on en use diversement selon les genres de constructions.

Au nombre de ces pierres volcaniques, on compte celle que l’on appelle pépérino a Rome, et piperno à Naples. (voyez TUF. ) Cette sorte de pierre a plus on moins de dureté. A Rome on l’employa dans les premiers siècles presqu’exclusivement à toutes les constructions. Celle de Naples semble être généralement moins dure, cependant on en fait les dalles de pierre dont toute la ville est pavée.

Une troisième espèce de matières volcaniques, propre à la construction, est celle des pierres ponces (pumici) ou scories, que les volcans lancent dans leurs éruptions. Il s’en trouve aux environs de Rome dans les volcans éteints, et le

Vésuve ainsi que l’Etna en produisent une immense quantité. Il y a de ces scories qui, comme des sortes d’éponges, sont remplies de trous, et qui en ont, si l’on peut dire, la légèreté, en même temps qu’elles ont la dureté du fer. Ces matériaux sont extrêmement utiles pour faire des voûtes. Le mortier entrant dans tous les trous dont ils sont percés, forme une liaison qui donne à la voûte la propriété de n’avoir pas de joints, et d’être comme d’un seul morceau.

On trouve en France, dans les volcans éteints du Vivarais, de l’Auvergne, etc. , des matériaux semblables à ceux dont on vient de parler. On en exploite depuis quelques années pour faire différens ouvrages, entr’autres des dalles, qui servent de pavement, et qui ont par leur dureté une grande supériorité sur toutes les autres pierres des environs de Paris.

VOLÉE, s. f. Ce est le nom Qu’on Donne à l’action de l’Drogues illicites de front de hommes, Qui Battent terrain non, par exemple, Une allée de jardin sur sa length, et Tous à la foie. AINSI sur Qu’une dit allée was battue à deux, à trois, quatre, etc. , volées, ce est-à-dire Autant de foie Dans Toute fils Étendue.

VOLET, s. m. On appelle de ce nom un assemblage de menuiserie monté sur châssis, qui sert de fermeture à la baie d’une fenêtre.

Avant que l’usage des vitraux fût devenu commun et aussi répandu qu’il l’est aujourd’hui, chez le plus grand nombre des nations de l’Europe, dans les temps surtout, cl dans les pays où les habitudes de la vie étoient beaucoup moins casanières, les clôtures de fenêtres dans les maisons durent consister, comme les portes, en châssis de bois, ou ce qu’on appelle aujourd’hui des volets. La sûreté des intérieurs dut en commander la pratique, et il fut nécessaire aussi d’y ajouter, comme cela se fait encore dans plus d’un cas, des serrures, des verroux et autres moyens de sécurité.

Effectivement, les fenêtres au rez-de chaussée des maisons, et même aux étages inférieurs, offrent des moyens trop faciles de pénétrer dans les intérieurs des habitations ; et les vitraux dont on fait aujourd’hui leurs défenses, mais uniquement contre les intempéries des saisons, exigent également d’être défendus contre les dangers de ces intempéries mêmes, et contre les agressions du dehors.

De là l’usage général des volets placés, soit au-dehors, soit dans l’intérieur des habitations. A l’extérieur, on en pratique les deux hattans de manière à ce qu’ils puissent s’adosser aux murs des trumeaux, où on les fixe par plus d’un procédé fort simple. Dans les intérieurs, on les sait de la même hauteur et de la même largeur que les châssis en vitrage.

Les volets pour l’intérieur des appartemens se sont de deux manières, et on leur donne aussi deux noms divers, les uns s’appellent volets brisés, les autres volets de parement. Les premiers se plient sur l’écoinçon ou se doublent sur l’embrasure. Les seconds, qui sont d’assemblage, ont des moulures devant et derrière.

VOLET D’ORGUE. Est l’assemblagc de plusieurs châssis, partie droits et partie cintrés, garnis de légers panneaux de volice, ou de forte toile imprimée des deux côtes, qui servent à couvrir les tuyaux d’un buffet d’orgue.

VOLET. On donne encore ce nom à un lieu qui n’a qu’un petit jour fermé d’un petit ais ou d’une jalousie, et dont on fait un pigeonnier.

VOLICE, s. f. Est la latte Dont sur soi SERT versez les couvertures en ardoise. Elle a la same length et La Même Épaisseur Que la latte Qu’on Emploie Dans les couvertures en tuiles, Mais Elle Est DEUX FOIS en plus grande. Voyez Volige.

VOLIÈRE, s. f. Grande cage ou local quelconque, clos et grillé, où l’on entretient des oiseaux, le plus souvent pour l’agrément, et quelquefois aussi, comme le firent particulièrement les anciens Romains, pour les besoins ou le luxe de la table.

Nous allons rapporter ce que Varron nous apprend à ce sujet dans le 3c. livre de son ouvrage intitulé de Re rustica.

« Nos ancêtres, dit-il, ne connoissoient d’autre volaille que des poulets et des pigeons, et ils n’avoient point de volières. Les poules et les poulets se promenoient dans la basse-cour, où on les engraissoit. Quant aux pigeons, on les enfermoit dans les greniers ou les étages les plus élevés de la villa. Aujourd’hui on se sert des volières, auxquelles on donne le nom grec ornithon, et qui souvent sont plus grandes et plus spacieuses que des maisons de campagne. C’est là qu’on élève et qu’on nourrit des grives et d’autres oiseaux. »

Dans le chapitre suivant, le même Varron nous apprend qu’il y avoit deux sortes de volières ; l’une contenoit les oiseaux destinés à la table, il l’appelle la volière utile ; l’autre étoit la volière d’agrément : elle ne contenoit que des oiseaux chanteurs. La première sorte de ces volières étoit distribuée de la manière suivante : on lui donnoit la forme d’un carré long, et assez d’étendue pour qu’elle pût renfermer plusieurs milliers de grives, de cailles, de merles, d’ortolans, etc. , qu’on y engraissoit. On donnoit peu d’élévation à la porte, qu on pratiquoit de manière à être facilement ouverte et fermée, en la poussant latéralement. On n’y disposoit qu’un petit nombre de petites


fenêtres, pour ôter aux oiseaux captifs la vue de la plaine ou des oiseaux libres du dehors ; ce qui, en leur inspirant le desir de jouir de leur liberté, auroit pu les empêcher de s’engraisser. On se contentoit de donner à cet endroit assez de clarté pour laisser apercevoir aux oiseaux leur nourriture. Les murs étoient revêtus d’un enduit trèslisse, pour fermer tout accès, dans l’intérieur, aux souris et autres animaux nuisibles. Tout à l’entour des murs on fixoit des pieux ou bâtons eu saillie on dévoient percher les oiseaux. D’autres perches s’appliquoient aux murs en manière d’arcsboutans, qui en recevoient d’autres transversales de distance en distance, ce qui produisoit une sorte d’amphithéâtre. A côté de cette volière, il y en avoit une autre plus petite, dont les fenêtres et la porte étoient plus grandes, et qui communiquoit avec la première, on l’appeloit seclusorium. En face, il s’en trouvoit une autre encore plus petite, dans laquelle le gardien renfermoit les oiseaux morts, afin de pouvoir rendre compte au maître du nombre complet des oiseaux soumis à, sa garde.

Les volières d’agrément étoient de jolis pavillons, au milieu desquels il y avoit ordinairement une enceinte en filets, qui renfermoit les différentes espèces d’oiseaux chanteurs, Laenius Strabo passoit pour avoir été l’inventeur de ces volières, et surtout du pavillon dont on vient de parler, qu’il construisit dans une de ses campagnes prés de Brundusium. Lucullus suivit son exemple, et fit établir dans son tusculanum une pareille volière mais avec plus de grandeur et d’étendue. Enfin, Varron avoit encore enchéri sur l’un et sur l’autre. Près de la ville de Casinum, il avoit fait construire, dans sa campagne, la belle et grande voliére dont il nous a laissé la description.

Plus d’un critique, et plusieurs dessinateurs se sont exercés à reproduire l’ornithon de Varron. M. Stieglitz est un des derniers commentateurs qui te sont occupés de cet objet. On en trouve les détails dans le 3e. volume de son Archéologie de l’architecture des Grecs et des Romains, et il y a joint une gravure. Quant aux restitutions par le dessin, nous croyons que la plus ancienne doit être celle qu’on trouve dans le recueil de Giacomo Lauro, publié en 1612, et augmenté depuis dans une nouvelle édition. Le premier parut sous le titre de antiquœ Urbis splendor, etc. A la planche 126 est gravé l’ornithon de Varron, d’aPrès un dessin de Pirro Ligorio, comme l’annonce explication qu’on lit au bas.

On sait que cet habile architecte s’occupa beaucoup de ce qu’on peut appe er l’archéologie de l’architecture, et on lui doit la justice qu’il s’étoit réellement rendu propre le goût des Anciens dans les masses des édifices et dans les détails de leurs ordonnances. C’est à ce goût qu’il dut cet air de famille, si l’on peut dire, qui règne entre ses compositions et les restes d’antiquités qu’il se plut à faire revivre. Cependant on doit dire qu’à cette époque l’esprit de critique n’avoit point encore pénetré dans les études des archéologues, de quelque genre qu’ils fussent. Le cercle même de l’antiquité étoint restreint à Rome. Les architectes, dans les copies qu’ils saisoient des monumens, étoient loin de s’asitreindre à l’exactitude de mesures qu’on y a portée depuis. A plus sorte raison, mettoit-on beaucoup de liberté dans les restitntions d’édifices qu’on hasardoit quelquefois, d’après les descriptions des écrivains.

C’est ce qu’on peut remarquer dans celle que Pirro Ligorio a faite du célèbre ornithon que Varron avoit construit, et qu’il s’est attaché à décrire avec le plus grand détail. C’étoit véritablement un ouvrage d’architecture. La description ossre des mesures de longueur, de largeur, qui peuvent servir à en établir le plan avec des dimensions certaines. Le plan, restitué sur la description bien entendue, présenteroit un ensemble fort varié, de bâtimens ornés de colonnes, entremêlés de quelques plantations et de diverses sortes d’ordonnances. Le dessin de Pirro Ligorio fait bien reconnoître quelques-uns des élémens de cet ensemble, mais il est rédigé d’idée, et arbitrairement composé sans échelle et sans plan.

Nous avons cru toutesois devoir profiter de cet article, bien que l’objet désigné par son titre n’entre plus aujourd’hui dans l’ordre des grands ouvrages auxquels l’architecte est nécessaire, pour faire connître une des plus curieuses entreprises, à la sois de luxe et d’économie rurale des Romains, et exciter quelque article ou écrivain, versé dans l’archéologie de l’architecture, à traduire plus fidèlement en dessin la description de Varron.

VOLIGE, s. f. Nous avons trouvé le mot volice dans quelques lexiques, c’est pourquoi nous l’avons inséré dans notre nomenclature. (Voyez plus haut. ) Aujourd’hui on n’emploie ce mot qu’avec l’orthographe que le présent article lui donne, et le plus souvent au pluriel.

On donne ce nom à de petites planches ordinairement de bois blanc on de sapin, servant particulièrement pour des encaissemens et pour tous les travaux qui concernent le métier de layetier.

On a vu à la vie de Philibert Delorme (voyez DELORME), qu’il employa de véritables voliges dans le système de charpente dont il fut l’inventeur On ne sauroit donner un autre nom aux planches minces et légères qu’il imagina d’assembler, et que d’après I’exemple et la théorie qu’il en a donnés, on continue encore d’employer pour former des assemblages de couvertures, qui réunissent dans ce procédé l’économie à la légèreté. (Voyez en la description à l’article cité.)


VOLTERRA. Ville antique de l’Etrurie, qu’on appela jadis Volaterra,

Volterra, une des villes étrusques où il s’est conservé le plus de monumens, et où l’on a découvert le plus d’ouvrages de l’art des anciens Toscans, fut bâtie sur le sommet sinueux d’une haute montagne escarpée, entre le fleuve Cecina et l’Eva, et qui commande tout le pays des environs jusqu’à la mer de Toscane. Elle avoit à peu près quatre milles de circonférence, comme le démontrent les restes de ses antiques murailles, et le plan qu’en a donné M. Micali, dans son ouvrage intitulé l’Italia avanti il dominio dé Romani.

C’est sur cette carie que nous allons donner l’énumération abrégée de tous les monumens, dont il reste encore des vestiges plus ou moins considérables.

On peut suivre sur ce plan l’entière circonvallation des murs antiques, en grande partie ruinés, mais dont les débris permettent de suivre lour trace. Ils se composoient de blocs en pierre de taille, régulièrement appareillés à joints rectangles. Deux portes de la ville antique subsistent encore. Celle qu’on appelle aujourd’hui porta dell’Arco est réellement formée d’une grande et belle arcade, ayant en profondeur toute l’épaisseur des murs. Sa construction, toute en fort gros blocs de pierre taillés et appareillés en ligne droite, osfre deux cintres voûtés en claveaux, qui donnent, l’un du côté de la ville, l’autre du côté de la campagne, et qui retombent sur des piédroits ayant un couronnement profilé, à la manière des antes dans les temples d’ordre dorique grec. L’ouverture cintrée de l’arc du côté de la campagne, est accompagnée de trois têtes sculptées en saillie, approchant de la ronde bosse. Deux de ces têtes surmontent les deux piédroits ; la troisième sert d’agraffe au voussoir qui fait la clef de la voûte. Ces têtes sont tout-à-fait frustes ; mais, par un hasard tout particulier, on les retrouve beaucoup mieux conservées sur un bas relief découvert à Volterra, où le sculpteur avoit représenté une action du siège de la ville, et sans aucun doute un assaut donné à l’une de ses portes. On y voit un guerrier précipité, avec l’échelle qui devoit servir à l’escalade. Or, la porte d’où il tombe, est précisément celle des trois têtes dont on a parlé. Ces têtes, quoique bien conservées, n’ont aucun symbole qui puisse les expliquer. Elles étoient sans doute celles de quelques divinités adorées à Volterra. De quel temps date cette architecture ? c’est ce que rien ne nous apprend. Aussi est-il difficile d’établir là-dessus quelques conjectures probables, relativement à l’art de l’antique Etrurie.

M. Micali, dans le plan qu’il a tracé de l’ancienne et de la moderne Volterra, nous fait connoître, entre on fort grand nombre de vestiges d’antiquités, des restes de thermes, ainsi que l’aqueduc qui y conduisoit les eaux, une fontaine d’eau minérale et d’anciens conduits qui y aboutissoient ; des constructions d’un amphithéâtre avec ses dépendances, différentes sortes d’hypogées et de sépultures publiques appelées aujourd’hui sepulcreti une superbe piscine, l’embouchure d’un égout, et beaucoup d’autres fragmens d’édifices ruinés, témoins de l’antique magnificence de cette ville.

VOLTERRA (FRANCESCO DI), fut un des architectes de la sin du seizième siècle, qui marchèrent à la suite, mais en restant assez loin, de tous ceux qui sirent la gloire de ce grand siècle. Son style n’a point de caractère, il tient le milieu entre la grandeur, la pureté, la correction, la simplicité, la noblesse de ses prédécesseurs, et les désauts contraires, qui envahirent, par degrés, le domaine de l’architecture, jusqu’à l’excès où Boromini devoit trouver leur terme.

On ne sait pas à l’école de quel maître s’étoit sormé François de volterre. L’architecture toutefois ne fut pas son premier art ; il s’etoit d’abord exercé dans la sculpture en bois, genre qui ne pouvoit le conduire, ni à la fortune, ni à la célébrité, II en quitta bientôt l’exercice, pour celui de l’architecture. Peut-être s’y livra-t-il assez tard, ou mourut-il trop tôt, pour avoir pu, ou élever beaucoup d’édifices, ou porter à sin ceux qu’il avoit commencés. Le peu qu’on en cite, sous son nom, ne furent point, pour la plupart, achevés par lui. Du moins cela paroît certain des deux plus connus.

Le premier fut L’église de Saint-Jacques-des-In- curables à Rome Quelques sujétions d’alignement de terrain, paroissent avoir gêné l’architecte dans sa disposition et dans l’accord en plan de son intérieur d’église et de son portail, qui, comme le plan le démontre, se trouve établi sur une ligne biaise. Cet inconvénient, il est vrai, n’est pas sensible dans l’élévation.

Le plan de l’église est un ovale, dont le grand diamètre passe par la porte d’entrée et par l’autel. II résulte de là, que l’entrée dans cet intérieur elliptique, a lieu, per le petit côté du cercle ovale, ce qui paroît moins naturel. Chacune des extrémités de ce petit côté, c’est-à-dire celle de la porte, et celle de l’autel, offre une grande arcade, et l’autel principal est dans un petit prolongement en demi-cercle. Le point, milieu du petit diamètre de l’ovale, est occupé par deux arcades semblables, mais un peu moins larges, et entre chacune des quatre dont on vient de parler, est pratiquée une arcade inférieure, et en hauteur, et en largeur : de sorte qu’en exceptant la grande arcade d’entrée delà porte, tout cet intérieur se compose de sept chapelles en rensoncement, sous les sept autres arcades. On ne sauroit nier que ce plan n’ait été adroitement combiné pour l’espace dont l’architecte pouvoit disposer.

La décoration de cet intérieur est assez sage, et si elle n’offre que peu de licences, elle n’offre


aussi aucune de ces beautés qui tiennent à la simplicité des masses, à la pureté du caractère, à la sévérité du style. Les pilastres sont d’ordre corinthien composé, et par un contraste dont on ne sauroit entendre la raison, l’entablement est des moins ornés. Cette rotonde est couverte par une coupole, dont la voûte se trouve peu agréablement découpée, par des lunettes qui se terminent en ares aigus, dans lesquels sont inscrites en forme circulaire par le haut, d’assez longues fenêtres, Rien de moins heureux quo tout cet ajustement, qu’on ne sauroit à ce qu’il paroît imputer à François de Volterre, puisque l’édifice fut terminé par Charles Moderne qui passe pour avoir aussi achevé la façade ou le portail. On ne peut gère en dire autre chose, sinon que dans ce genre insignifiant de frontispices en placage, et à plusieurs ordres, on en citeroit peu qui eussent moins de défauts.

Nous trouvons qu’un autre grand édifice de François de Volterre, eut ta même destinée, c’est-à-dire, de n’avoir pu être terminé par lui et de l’avoir été par Charles Moderne. On veut parler du palais Lancellotti à Rome, un des plus grands de cette ville. Sa masse extrêmement régulière, si on en excepte la porte d’entrée de sa principale façade, qui n’en occupe pas le point milieu, se compose d’un étage à rez-de-chaussée, sous lequel on a pratiqué les ouvertures d’un étage souterrain, ensuite d’un premier étage, audessus duquel s’élève un petit étage attique, ou en mezzanino. Ces étages sont séparés par de simples bandeaux sans ornemens. Les chambranles des fenêtres sont d’un style fort simple, et l’entablement ne l’est pus moins. La porte d’entrée osfre quelques caprices de décoration, qui se ressentent du goût du dix-septième siècle. Elle a aussi l’inconvénient de ne pas occuper le milieu de la façade.

On attribue à François de Volterre la construction de la nef de l’église della Scala, où l’on trouve a louer un parti grandiose ; le dessin de la façade de l’église de Monte-Serrato, doat il n’exécuta que le premier ordre, qui est corinthien, avec des ressauts inutiles et de petites niches sans proportion, au jugement de Milizia ; et l’église de Santa Chiara qui, selon ce critique, est dans le même goût.

VOLUTE, s. f., en latin volutà.

Le mot latin formé du verbe volvere, désigne et définit la volute, comme étant nn enroulement, une spirale, ou toute configuration qui décrit plusieurs circuits. La nature a sans doute fourni aux divers travaux des arts, d’assez nombreux modèles de cette configuration, dans une trés-grande quantité de plantes dont Les tiges produisent de ces petites ramifications qui se développent on forme de spirales. L’esprit de l’ornement, a toujours été de chercher dans les productions naturelles, des applications aux détails des disférentes parties d’ouvrages, qu’aucune règle ne sauroit assujettir à des types nécessaires. Les objets naturels dont nous parlons, semblent être eux-mêmes des caprices de la nature, et ce qu’on appelle en architecture, de l’ornement est aussi, ce qui en est la partie qu’on peut appeler capricieuse.

Le système d’enroulement et de volute, a trouvé le moyen de se naturaliser, dans un assez grand nombre d’objets, devenus comme parties constituantes de l’architecture. Telles sont les modilons et les consoles, qui, comme on le sait, se composent de deux volutes, ou enroulemens inégaux, qu’on met diversement en œuvre, selon que l’enroulement le plus fort est eu haut, ou en bas. Il est une multitude d’autres emplois des volutes soit comme supports, soit comme anses des vases des trépieds des autels, etc.

Mais l’emploi de la volute le plus important, est celui qu’on lui a donné dans les chapiteaux des ordres corinthien et ionique. C’est surtout à l’égard de ce dernier, que la volute joue le principal rôle, puisque son chapiteau consiste essentiellement dans ses volutes, dans leur ajustement, leur circonvolution, leurs détails accessoires. Certainement on n’ira point croire avec Vitruve que les volutes du chapiteau ionique, représentent la coisfure des femmes, et les boucles de leurs cheveux. Ce n’est pas là le seul cas où nous ayons eu à combattre cet architecte, dans l’abus qu’il a fait de quelques idées métaphoriques, et de quelques allusions que le génie grec a pu saire des procédés de la nature aux pratiques de l’architecture, Ainsi a-t-on cru trouver dans les proportions disférentes des corps de l’homme et de la femme, une sorte d’analogie avec les ordres des colonnes, selon que l’un aura le caractère de la force, et l’autre celui de l’élégante. Mais ce n’est là qu’un rapprochement d’idée, et non de réalité. Il en est de même de l’application des mots capita, chapiteaux, aux couronnemens des colonnes, couronnement qui forment dans le fait leurs têtes. Mais nul rapprochement d’imitation à tirer de là ; encore moins d’une tête de femme, avec la décoration du chapiteau ionique. Non qu’on veuille nier, qu’à prendre cette transposition d’idée, dans sa plus grande généralité, le goût ait pu inspirer aux Grecs, de donner à l’ordre qui tient le milieu entre la force et la richesse, le caractère d’élégance dont la tête de la semme parée de sa chevelure fait naître le motif.

Du reste rien de commun entre celle cossure, et les détails décoratifs du chapiteau ionique. D’où les Grecs auront-ils donc tiré les élémens de sa composition et de son ajustement ? Rien je pense ne seroit plus vain que cette recherche. Dès qu’on n’y voit aucun emprunt fait aux productions naturelles, ni aucune analogie entre des


balustres ou des volutes elles parties constitutives de la charpente, il ne reste à chercher son origine que dans le goût de l’ornement, et cette sorte d’instinct, qui n’a d’autre principe et d’autre but t que le plaisir des yeux.

Dans la vérité et lorsqu’on pénètre jusqu’au fond des choses, on en doit dire autant du chapiteau corinthien. Quoique ce chapiteau soit composé tantôt de fenilles d’acanthe, tantôt de seuilles de laurier, imisées sans doute d’après des productions naturelles, qui pourroit dire que ce ne soit pas une invention purement décorative et appartenant au génie de l’ornement ? Car nous ne supposerons pas avec quelques rêveurs en ces matières que cela soit imité des branches d’arbres. Il n’y a personne qui ne sache aujourd’hui que le type des chapiteaux à seuillages est d’invention égyptienne ; et les Egyptiens, qui ne crurent jamais que leurs colonnes aient eu des arbres pour modèles, crurent encore moins que les feuilles de lotos dont ils ornèrent leurs chapiteaux auroient été la conséquence d’une imitation à laquelle rien n’auroit pu les porter. Les Egyptiens et les Grecs après eux ne crurent faire rien autre chose que de l’ornement.

Le chapiteau corinthien n’est donc comme le chapiteau ionique, qu’une pure et simple composition décorative pour le plaisir des yeux. Et ce qui le prouveroit encore si cela avoit besoin de preuves, c’est qu’aux caulicoles de leurs acanthes et à la disposition de leurs feuilles, ils ajoutèrent d’assez nombreuses volutes.

Effectivement les volutes du chapiteau corinthien, qui sont au-dessus des caulicoles, sont au nombre de seize, huit angulaires, et huit autres plus petites, appelées hélices. Quelle qu’ait pu être l’origine du chapiteau en forme de vase, selon les uns, ou de pannier selon d’autres, entouré de feuillages d’acanthe, d’olivier ou de laurier, il est évident, que les volutes qui sont partie de tout cet ajustement, n’y ont pu être introduites par aucun autre principe, que par celui du goût et n’ont été limitation d'aucune chose naturelle.

Il en fut de même du chapiteau ionique dont les volutes forment et le caractère et le principal ornement. Aussi les architectes se sont-ils souvent exercés sur la meilleure forme à lui donner, et sur la méthode d’en traçer les contours. Nous allons rapporter ici celle que Perrault adopte dans son Traité de l’ordonnance des cinq espèces de colonnes.

« Pour tracer le contour de la volute, il faut commencer par l’astragale du haut de la colonne, qui doit avoir deux douzièmes d’épaisseur, et s’étendre à droite et à gauche, autant que le diamètre du bas de la colonne. Cet astragale étant marqué sur la sace où l’on veut tracer la volute, il faut tirer une ligne à niveau, par le milieu de l’astragale, et la faire passer par delà le bout de cet astragale, puis faire descendre à plomb du haut du tailloir sur cette ligne, une autre ligne qui passe par le centre du cercle, dont la moitié décrit l’extrémité de l’astragale. Ce cercle, qui a deux douzièmes de diamètre, est appelé l’œil de la volute par Vitruve. C’est dans ce cercle que doivent être placés les douze points, qui servent de centre aux quatre quartiers de chacune des trois révolutions, dont la volute est composée. Pour avoir ces douze points, on trace dans l’œil un carré dont les diagonales sont l’une dans la ligne horizontale, et l’autre dans la ligne à plomb, et s’entrecoupent au centre de l’œil. Du milieu des côtés de ce carré, on tire deux lignes, qui séparent le carré en quatre, et chaque ligne étant partagée en six parties égales. elles donnent les douze points dont il s’agit. Pour tracer la volute, on met le pied immobile du compas, sur le premier point, qui est dans le milieu du côté intérieur et supérieur du carré, et l’autre pied du compas à l’endroit où la ligne à plomb, coupe la ligne du bas du tailloir, et l’on trace un quart de cercle en dehors, et en bas, jusqu’à la ligue du niveau. De cet endroit avant placé le pied immobile au second point, qui est dans le milieu du côté supérieur et extérieur du carré de l’œil, on trace le second quart du cercle tournant en dessous jusqu’à la ligne à plomb, et de là ayant placé le pied immobile au troisième point qui est dans le milieu du côté inférieur et extérieur du carré de l’œil, ou trace le troisème quart de cercle, tournant en haut et en dedans, jusqu’à la ligne du niveau. De là ayant placé le pied immobile au quatrième point, qui est dans le milieu du côté inférieur et extérieur du carré de l’œil, on trace le quatrième quart de cercle tournant en en haut et en dehors jusqu’à la ligne à plomb. De là ayant placé le pied immobile au cinquième point, qui est au-des-sous du premier en allant vers le centre, on trace le cinquième quart de cercle, et tout de même le sixième du sixième point qui est au-dessous du second et le septième du septième point qui est au-dessous du troisième ; et ainsi allant de point en point par le même ordre on trace les douze quartiers, qui font la circonvolution spirale de la volute. »

L’emploi des volutes dans le chapiteau ionique est devenu, pour l’ordre de ce nom, d’un usage tellement ancien et tellement habituel, leur forme et leur ajustement ingénieux et varié, se sont trouvés si bien d’accord avec le caractère moyen entre la simplicité du dorique, et la richesse du corinthien, qu’on n’a jamais cherché à donner à cet ordre d’autre couronnement. Cependant il ne faudroit pas croire, qu’il y eût pour tracer les contours de ses volutes, aucune règle invariable. Non-seulement les procédés, sur ce point peuvent


être divers, mais nous voyons plus d’une variété importante chez les Anciens, soit dans la position des volutes, soit dans leurs contours et les révolutions auxquelles on les soumet : les modernes n’ont pas laissé de même d’y introduire de nouvelles diversités. De là les dissérens noms qu’on donne aux volutes

Ainsi on dit :

VOLUTE A L’ENVERS. C’est une volute qui, au sortir de la tigette, se contourne en dedans Il y a des exemples de cette disposition peu agréable, dans quelques édifices du dix-septième siècle à Rome, tels que la Sapience et Saint-Jean-de-Latran.

VOLUTE ANGULAIRE. Volute qui est pareille dans les quatre faces du chapiteau. Telle est celle qu’on voit à la colonne ionique du temple de la Concorde à Rome.

VOLUTE ARRASEE. On appelle ainsi une volute dont le listel, dans ses trois contours, est sur une même ligne, comme sont les volutes de l’ionique antique, ou comme est celle de Vignole.

VOLUTE A TIGE DROITE. Volute dont la tige parallèle au tailloir, sort de derrière la fleur de l’abaque, comme a certains chapiteaux composites de la grande salle des thermes de Dioclétien.

VOLUTE DE CONSOLE. On donne ce nom aux deux enroulemens dont se composent généralement les consoles de décoration. De ces deux volutes, l’une est plus forte que l’autre, et selon les emplois qu’on fait de la console, tantôt c’est la supérieure qui est la plus forte, tantôt c’est l’insérieure.

VOLUTE DE MODILLON Cette volute, destinée à soutenir la corniche, ou du moins à paroître lui servir de support, est du même genre que la précédente, et son gros enroulement est toujours à la partie supérieure.

VOLUTE DE PARTERRE. Toute volute (comme son nom l’indique) étant un enroulement, on appelle dans la langue du jardinage, une volute, toute figure en enroulement dans la forme d’un S, qu’on trace, soit avec du buis, soit avec du gazon.

VOLUTE ÉVIDÉE. On appelle ainsi la volute qui a le canal d’une circonvolution, détaché du listel d’une autre circonvolution, par un espace vide à jour. De toutes les manières de pratiquer les volutes, celle-ci est celle qui a le plus de légèreté.

VOLUTE FLEURONNÉE Volute dont le canal est enrichi d’un rinceau d’ornement. On en trouve de semblables aux chapiteaux composites des arcs antiques à Rome.

VOLUTE NAISSANTE Volute qui semble, dans le chapiteau corinthien, sortir du vase par derrière l’ove et qui monte dans l’abaque. On la voit ainsi pratiquée aux plus beaux chapiteaux du genre de ceux qu’on nomme composites.

VOLUTE OVALE. Ainsi appelle-t-on une volute qui a ses circonvolutions plus hautes que larges. On les voit pratiquées de cette sorte, dans certains édifices modernes, à des chapiteaux d’angle ioniques ou composites. Elles sont ainsi aux chapiteaux du temple de la Fortune virile à Rome, et au théâtre de Marcellus.

VOLUTE RENTRANTE. On nomme ainsi celle dont les circonvolutions rentrent en dedans. De ce genre sont les volutes des colonnes ioniques exécutées sur les dessins de Michel-Ange, au Capitole, à Rome.

VOLUTE SAILLANTE. On exprime par cette dénomination la forme d’une volute dont les enroulemens se jettent en dehors. De semblables volutes sont exécutées au portail de Saint-Gervais, à Paris.

VOMITORIA. On appeloit ainsi, dans les amphithéâtres, des portes ou plutôt des ouvertures pratiquées en plus ou moins grand nombre, selon celui des prœcinctiones ou palliers, qui circuloient tout à l’entour et aboutissoient aux cunei, c’est-à-dire aux sections formant des escaliers pour monter ou descendre d’une rangée de gradins à une autre.

Les vomitoires aboutissoient à des escaliers construits sous l’amphithéâtre, et c’est-par là que les spectateurs arrivoient aux palliers et aux sections, d’où ils se distribuoient à volonté sur tous les gradins. Ainsi, personne n’arrivoit à l’amphithéàtre par dedans, c’étoit pur toutes ces issues ainsi pratiquées en étages sous les gradins mêmes, que la multitude pénétroit, et c’étoit par elles que la foule s’évacuoit.

Les vomitoires étoient des espèces de bouches qui sembloient engloutir ou vomir la foule, et de là le nom qu’on leur donna. Macrobe le dit textuellement, sat. 6. 4 Undè et nunc vomitaria in spectaculis dicimus, indè homines glomeratim ingredientes, in sedilia se fundunt.

VOTIF, adj. m. Se dit de tout objet donné ou sait en vertu d’un vœu, c’est-à-dire d’une promesse à la Divinité, de lui témoigner une reconnoissance publique pour un bienfait obtenu.

On ne sauroit nombrer tous les objets d’art, auxquels on donna le nom de votif, et qu’on appela par suite du principe qui les produisit,


des ex voto. Ce sentiment religieux s’étendit aux plus petits comme aux plus grands ouvrages. Nous ne citerons pas dans l’antiquité les monumens de tout genre qui lui durent leur exécution, et parmi lesquels il faudroit comprendre un grand nombre de temples. La puissance de ce principe religieux n’a guère été moindre dans le christianisme et jusqu’à nos temps modernes. Ainsi un des principaux édifices de Paris, le grand édifice et la belle coupole du Val-de-Grace, furent le résultat d’un vœu fait par Anne d’Autriche, si elle obtenoit du ciel la naissance d’un fils ; et ce fils fut Louis XIV.

Il est donc vrai que nous possédons encore un grand nombre d’édifices et de temples votifs, et qu’ainsi l’épithète de votif peut se donner à beaucoup d’autres objets, que ceux auxquels on asfecte la dénomination synonyme d’ex voto.

Nous dirons cependant, pour borner aux usages de l’antiquité grecque ou romaine, les notions que comporte le plus souvent le mot votif, qu on le donna par excellence à un certain nombre d’objets ou de sujets usuels.

Rien, par exemple, ne fut plus commun chez les peuples anciens, que ce qu’on appela des tableaux votifs, que l’on plaçoit dans les temples du dieu auquel on s’étoit adressé dans le péril, et au secours duquel ou croyoit avoir dû son salut. Les temples osfroient aussi comme ornemens des boucliers votifs. C’étoient quelquefois les boucliers mêmes enlevés aux vaincus. De semblables boucliers ornoient l’entablement du temple de Jupiter à Olympie. Il se faisoit aussi du ces boucliers à l’instar des boucliers usuels, mais d’une matière plus riche et décorés de tout le luxe de la sculpture sur métaux. C’est ainsi qu’on explique certains de ces ouvrages qui ont échappé à la destruction, et qui n’ayant jamais pu être d’aucun usage pour la guerre, ne peuvent être interprétés que de cette manière.

VOUSSOIR, s. m. On appelle ainsi les pierres qui forment la courbure d’une voûte ou le ceintre d’une arcade. Chaqie voussoir a six côtés quand il est taillé. Le côté qui est creux et qui doit servir à former le cintre de la voûte se nomme douelle intérieure du voussoir, et quelquefois intrados. Le côté qui lui est opposé et qui fait le dessus de la voûte est appelé douelle extérieure ou extrados. Les côtés qui sont cachés dans le corps du mur, se nomment lits de la pièrre, et on donne le nom de tête de la pierre aux autres faces qui sont les bouts des voussoirs.

Il y a des voussoirs qui sont à tête égale, c’est-à-dire de même hauteur, et d’autres à tète inégale, comme les carreaux et les boutisses pour faire liaison. On trace les uns et les autres par panneaux et équarrissement.

On construit de voussoirs les dessus des portes et des fenêtres qui ont du creux, et qui sont courbés, et ont les fait de claveaux quand ils sont droits et en plafond.

Les voussoirs tous semblables servent à former les voûtes extradossées.

VOUSSOIR A BRANCHES. Voussoir qui tant fourchu, sait liaison avec le pendentif d’une voûte d’arête.

VOUSSOIR A CROSSETTES. Voussoir qui retourne par en haut pour faire liaison avec une assise de niveau.

Voussure, s. f. Ce est le nom Qu’on Donne à Toute portion de voûte Moindre Que Le demicercle. Tels Sont par exemple les arcs Qui soutiennent les rampes de certains escaliers.

Lorsqu’une voussure is Entre Deux arcs de differentes formes, sur l’Appelle arrière-voussure. Voyez les ONM Qu’on Lui Donne SELON SES formes, au motARRIÈRE-voussure.

VOUTE, s. f. Ce mot vient de l’italien volta, formé lui-même du verbe voltare, qui en italien est te même que le latin volutare, et exprime de même l’idée de tourner, contourner. Ainsi volta signifie dans sa notion élémentaire, un objet circulaire, sait an tour, fait en rond. Et telle est, sous le rapport purement matériel de la forme extérieure, et apparente, la définition de la voûte.

Sous le rapport de son emploi dans les édifices, la voûte peut se définir, une couverture tenant lieu de plancher ou de plafond, et composée le plus souvent de parties, qui, dans leur position suspendue, se soutiennent les unes les autres.

Nous avons simplifié et généralisé le plus possible cette définition. Presque toutes celles qui jusqu’à présent en ont été données, tendent à faire considérer exclusivement la voûte, comme un ouvrage de maçonnerie composé de voussoirs on de claveaux, soit en arc, soit en plates-bandes. Cependant des voûtes peuvent être saites avec d’autres matériaux. On peut en saire par assemblages de bois, par armatures métalliques. Il y a aussi des exemples de ce qu’on pourroit appeler des voûtes monolithes, c’est-à-dire consistant en une seule grande pierre creusée, et façonnée en sorme de calotte.

Cependant L’art proprement dit de la construction ne reconnoît habituellement comme voûte, c’est-à-dire comme ouvrage soumis à la science du trait, de la stéréotomie, et aux principes de la géométrie, que celle qui est formée par un assemblage, soit de pierres taillées, ou autres matériaux de même genre, lesquels n’ont d’autre lien, que leur coupe, et la courbe qui en assujettit la position, ou qui, réunis dans une même courbure, et an moyen d’une liaison de mortier,


parviennent à devenir un tout compact, et ne faissant en quelque sorte, qu’un seul corps.

Quant aux ouvrages en cintre, formés soit par d’autres matériaux, soit avec d’autres procédés d’assemblage, nous verrons qu’ils ont pu et peuvent exister, avant et indépendamment de l’art tel qu’on vient de le définir. Ils ont pu servir même de prototypes aux voûtes en pierre, et ils peuvent, bien que bornés à un petit nombre d’élémens, imiter encore aujourd’hui leurs données principales, et les remplacer dans un petit nombre de circonstances.

L’objet de cet article pouvant être la matière d’un très-grand ouvrage, tant il osfre de notions diverses, nous avons essayé d’en resserrer l’étendue en deux parties, l’une de théorie historique, l’autre de théorie pratique.

PREMIÈRE PARTIE.

NOTIONS HISTORIQUES SUR L’EMPLOI DE L’ART DES VOUTES.

On a beaucoup disserté sur l’origine de l’art des voûtes, sur les pays et les temps auxquels on en doit l’invention, sur les peuples qui l’ont mis en œuvre, et sur ceux qui l’ont ignoré.

Il manque, et il manquera toujours à la certitude des recherches sur cet objet, une base certaine soit dans les notions de l’histoire, soit dans les faits positifs, c’est-à-dire les monumens mêmes des peuples de l’antiquité. Les notions historiques sont peut-être, surtout pour un semblable point de critique, à peu près aussi incomplètes, que celles des monumens. Le défaut ordinaire des hommes qui s’adonnent à ces recherches, est de conclure, de l’absence de citations, ou de la privation d’exemples, l’ignorance de la chose en question. Il faut donc être fort réservé sur les jugemens qu’on porte en ces matières.

Sans doute plus d’un critique se sera beaucoup trop avancé, dons l’interprétation des grands ouvrages et des fameux jardins de Sémiramis, en se servant des mots arcades et voûtes, pour exprimer les constructions qui réunissoient les murs servant de supports aux terrasses. Il est très-constant, d’après les textes des écrivains anciens, que ces murs qui n’avoient d’autre distance entr’eux, que celle de dix pieds, étoient facilement et très-solidement réunis par de grandes pierres qui, avec leur portée sur les murs, avoient seize pieds de long et quatre de large. Or telle est la notion qu’en donne Diodore de Sicile ; et le mot Syringges, dont il se sert, ne peut indiquer autre chose, que des conduits étroits, des galeries souterraines creusées dans la masse. Quinte-Curce à la vérité, en parlant de ces jardins, les donne comme élevés sur des piliers (pilœ) ; mais sur ces piliers, il décrit uniquement des plates-formes, faites avec de grandes pierres carrées, qui servoient de support à la terre. Ainsi et les murs selon Diodore, et les piliers selon Strabon et Quinte-Curce, au lieu de porter des voûtes ne supportoient que des plates -bandes en pierres.

De là on a conclu que chez les Chaldéens, au temps de Sémiramis, on ne connoissoit pas l’art de faire des voûtes. Conclusion, comme l’on voit, beaucoup trop absolue, puisqu’elle ne repose que sur un exemple négatif.

Nous en dirons autant de la Perse, d’après les restes des monumens de Tchelminar ou Persépolis. Quel qu’ait été l’emploi de ces grandes galeries, dont un assez bon nombre de piliers ou de colonnes sont encore debout, on ne sauroit supposer que des couvertures en voûte y aient pu être imposées. Ces singulières colonnes ne paroissent point avoir eu d’autre objet que de soutenir des poutres, qui, en se croisant, formoient les compartimens des plafonds, servant de couverture à des espèces de péristyles élevés, pour qu’on eût l’avantage de communiquer à couvert d’un édifice à un autre. La manière dont quelques-unes de ces colonnes sont terminées par des euroulemens et des têtes d’animaux, qui laissent entr’eux des supports et des espaces, pour placer des poutres, pourroit servir d’appui à cette conjecture. Cette disposition est indiquée par les tombeaux de Naxi Rustan, selon Chardin et Corneille Le Brun. On y voit la représentation des poutres placées entre les tâtes de bœus et de cheval cornu, qui tiennent lieu de chapiteaux aux colonnes. On trouve encore aujourd’hui à Ispahan, et en plusieurs endroits de la Perse, des bâtimens de ce genre destinés à prendre le frais. Ils ont des plafonds à compartimens, faits avec beaucoup d’art, et soutenus par des colonnes fort déliées en bois peints, ainsi que les plafonds.

D’un aussi petit nombre de notions, il semble qu’on ne peut inférer rien autre chose, sinon qu’on ne trouve point de vestige de voûte dans l’unique fragment d’édifice de Persépolis, ce qui est fort loin d’entraîner la conséquence que les Perses n’ont pas fait de voûtes.

Il n’existe certainement aucune région de l’antiquité qui ait conservé autant de monumens des âges passés que l’Egypte, et où l’on rencontre autant d’édifices, soit entiers, soit avec des portions si bien conservées, qu’elles ne laissent aucun doute sur la manière de suppléer ce qui manque. Or, voici ce que nous écrivions vingt ans avant que l’expédition d’Egypte eût, en quelque sorte, transporté chez nous toute l’architecture égyptienne. (Voyez de l’état de l’architecture égyptienne, etc. )

« Ce qu’on peut dire, c’est qu’il résulte de toutes les relations des voyageurs, deux points, dont l’un, qui est de fait, paroît certain ; l’autre, qui n’est que de conjecture, est aujourd’hui fort probable. »

« A l’égard du fait, on peut affirmer, non que


les Egyptiens n’ont pas fait de voûtes, mais qu’on n’en rencontre point dans ce qui reste de leurs constructions, et qu’on n’y découvre ancunes formes, aucunes parties de bâtiment, dont les pierres soient taillées en claveaux ou voussoirs, de manière à se soutenir en l’air l’une par l’antre. Il est bien vraisemblable que s’il existoit des voûtes dans les ruines de l’Egypte, les voyageurs n’auroient pas manqué d’en faire mention. Or, les uns n’en parlent point, les autres citent des ouvrages en ce genre, qui appartiennent aux Romains, et enfin le plus instruit d’entr’eux (Pococke) asfirme qu il n’y en a point vu. »

« A l’égard du second point, celui de conjecture, nous pensons qu’on peut présumer, avec beaucoup de raison, que les Egyptiens n’en firent pas, ou que du moins, d après le système de leur architecture, et plus encore d’après leurs procédés de construction, ils ne durent point faire de véritables voûtes. »

« Ce seroit en effet une grande méprise, que d’alléguer en faveur de l’art des voûtes en Egypte, ce qui, au contraire, en prouveroit l’ignorance, comme, par exemple, les galeries de la grande pyramide. Les unes sont couvertes, ce qu on appelle en dos d’âne, par la réunion de deux dalles de pierre inclinées, et formant dans leur rencontre un angle aigu. Les autres n’offrent une apparence de voûte que parce que les pierres sont placées en encorbellement les unes sur les autres. »

« Tout au plus donc, pourroit-on dire, d’après ces exemples, que les constructeurs de la grande pyramide auroient eu la velléité de faire des voûtes. Esfectivement, ces couvertures à pierres en saillie les unes sur les autres, annoncent qu’ils auroient eu besoin d’en faire. Pococke pense que cela auroit dû les conduire à cette invention, parce qu’il n’eût été question que de donner à ces pierres la figure d’un segment de cercle, et de tailler coniquement la pierre supérieure en l’emboîtant, au lieu de la poser à plat par dessus les autres. Mais Pococke ne fait là que définir l’opération géométrique de la coupe des pierres dans l’art des voûtes ; et cette opération, en apparence si voisine de la pratique routinière de l’Egypte, laquelle sans doute devoit y conduire, en est cependant séparée de toute la distance, qui sépare en tout genre les essais au les premiers pas, du but auquel ils tendent. »

Ce n’est pas toutefois, qu’il faille nécessairement à l’esprit ou à l’industrie de l’homme, autant de siècles qu’on le pense pour atteindre certains points de perfection. Quand on accorderoit que l’Egypte (nous parlons de l’antique Egypte et non de celle des Grecs et des Romains) auroit continué pendant des siècles à construire ses monumens en pierre, sans y faire des voûtes, il faudroit encore se garder d’attribuer l’absence de cette pratique, soit à l’impuissance de ses artistes, soit à la difficulté de l’invention. Le père de toutes les inventions, en tout genre, a été, et sera toujours le besoin. Naturellement l’esprit de l’homme attend ses ordres ou ses inspirations ; car ce seroit presqu’aller contre la nature, que d’inventer de l’inutile. Si donc, nous trouvons dans quelques constructions vraiment égyptiennes, que l’art de bâtir qui y présida soit reste" en fait de voûtes, à ce qu’on peut en appeler l’ébauche et l’essai, il est bien démontré que cet essai suffisoit, et au-delà, à l’effet qu’on en vouloit tirer. On est même tenté de croire, que les pierres en dos d’âne ou en encorbellement, étant ce qu’il y avoit de plus simple, et de plus économique, étoient ce qu’il y avoit aussi de mieux approprié à l’emploi qu’on leur donnoit.

Or ce que l’intérieur de la construction de la grande pyramide et de ses conduits nous donne à entendre, c’est que dans ce genre de masses, comme dans tous les autres édifices égyptiens qui nous sont connus, tout s’étoit trouvé soumis à des formes si simples, et à des pratiques tellement ordonnées, et tellement en rapport en entr’elles, que la forme et la pratiques des voûtes, y auroient été complètement inutiles. Voyez EGYPTIENNE (ARCHITECTURE).

Si donc on regarde l’invention des voûtes, et la taille des pierres qui doit les produire, comme quelque chose de disficile, nous dirons que les hommes ne faisant point de choses difficiles, sans y être poussés par le besoin, et les Egyptiens, dans le système universel de leur art de bâtir, et d’âpres la nature et l’étendue de leurs matériaux, n’ayant pas dû éprouver le besoin des voûtes, ils peuvent être très-raisonnablement considérés, du moins jusqu’à une certaine époque, comme ayant ignoré l’art de voûter. Nous donnerons encore plus bas, en traitant du principe originaire de la voûte, quelques raisons propres à expliquer l’absente de voûtes, dans l’ancienne Egypte. Nous ajoutons toujours le mot ancienne ; car il paroit que dans les siècles postérieurs, les arts de la Grèce et de Rome, ayant pénétré dans ce pays, non-seulement il s’y fît des voûtes grecques et romaines, c’est-à-dire dans le système et le style de l’architecture gréco-romaine, mais que selon ce que nous ont appris quelques recherches récentes, il y existe des constructions cintrées, et que les hiéroglyphes qui les recouvrent, font reconnoître comme ouvrage égyptien. Toutefois il convient de faire observer, que les caractères hiéroglyphiques ayant continué d’avoir cours, sous la dénomination romaine, on ne sauroit conclure de cette indication, que ces parties de construction aient appartenu à l’art antique égyptien proprement dit.

A, supposer, si l’on veut, l’absence de voûtes en Egypte, il faudroit encore convenir, qu’elle


auroit eu pour cause la puissance de l’habitude d’une part, et de l’autre des institutions religieuses, qui ne permettoient à l’art, ni changement, ni aucune innovation dans tout ce qui tenoit aux choses du culte. Or il paroît assez vraisemblable, que tous les monumens respectés par le temps, en Ègypte, furent des temples. Si toutes les autres constructions ont péri, peut-on se permettre de décider qu’il n’y pas eu de voûtes ?

Tel est pourtant l’abus dans lequel le plus grand nombre des critiques est tombé, sur bien des points par rapport à la Grèce même. Si deux ou trois monumens voûtés n’avoient échappé, dans ce pays, à la destruction, on mettoit encore en doute que les Grecs aient connu l’art de saire des voûtes.

Cependant ce qui prouveroit que ce procédé de construction, n’est pas une de ces inventions dues, soit aux efforts toujours rares du génie de l’homme, soit à une longue succession d’essais et de tentatives, résultat toujours lent de l’expérience des siècles, c’est que, ce qu’on connnoît de plus considérable en fait de voûtes parmi les ruines de la Grèce, semble et est réputé appartenir aux premiers âges de l’art en ce pays.

Ainsi avons - nous fait voir an mot THOLOS (voyez cet article), qui en grec signifie ce que nous appelons du mot général coupole, que l’art de faire, non-seulement des arcs ou des cintres, au lieu de plates-bandes, mais des couvertures d’intérieurs en voûte, fut pratiqué dans la plus haute antiquité. Nous avons cité pour exemple, l’édifice décrit par Pausanias, comme construit en marbre, à Orchomène, et que cet écrivain donne pour un monument, aussi beau qu’il y en ait dans le reste du monde. Cet édifice, dit-il, étoit le trésor de Minyas. Les voyageurs modernes ont cru le reconnoître dans une rotonde en coupole, dont on voit encore aujourd’hui les restes au lieu dont parle Pausanias, Les dessins qu’on en connoît, donnent bien l’idée d’une grande rotonde voûtée, mais dont l’étendue toutefois ne répondroit pas à ce que l’éloge du voyageur grec semble devoir faire concevoir. Mais comme immédiatement après il parle du tombeau de ce même Minyas, quelques critiques pensent, qu’il seroit plus naturel de voir ce tombeau dans le monument qui subsiste. Quoi qu’il en soit, il est certain qu’on y trouve un témoignage irrécusable de l’antiquité des voûtes sphériques et circulaire, construites en pierres, chez les Grecs. Du même genre, est ce qu’on appelle le tombeau d’Atrée a Mycènes. Il a quarante-cinq pieds de diamètre, et autant de hauteur. Il est construit tout en pierres, et il se termine en pointe. On peut consulter sur ce monument l’ouvrage de M. Gell.

Sans parler de plusieurs petits édifices, tels que la Tour-des-Vents, ou le monument de Lysistrate existant encore aujourd’hui à Athènes, et dont le sommet se terminoit en voûte, il y avoit dans cette ville, auprès du sénat des cinq cents (dit Pausanias), un édifice que l’on appeloit le Tholos, où les prytanes avoient coutume de sacrifier. Or ce mot tholos, étoit synonyme du mot tholia, qui signifioit chapeau, bonnet, et ce que nous exprimons aussi aujourd’hui, en architecture, par le mot calotte.

Nous ignorons d’après le passage de Pausanias, de quelle matière étoit construit ce tholos. Etoit-il en pierres, en briques, sa voûte étoit-elle en construction ou en bois de charpente ? Il est certain que les Grecs employèrent le bois à faire de semblables voûtes. On en trouve la preuve, dans la notion que nous donne le même Pausanias, du monument de Philippe, autrement dit le Philippeum. C’étoit en effet un bâtiment circulaire, dont le corps construit en briques, étoit entouré de colonnes. Un assemblage de charpente formoit sa voûte, composée de solives qui, à leur extrémité se trouvoient liées entr’elles, par un pivot de bronze.

Rien de plus précieux que cette notice, dans laquelle nous aurons occasion de puiser une des conjectures les plus vraisemblables, sur la théoriepratique de l’origine des voûtes.

Nous en aurons assez dit sur la partie historique de cet art en Grèce, où l’on doit avouer toutefois, que le nombre des autorités et des monumens est infiniment moindre qu’à Rome. Outre mille raisons inutiles à détailler, on doit dire que l’immense pluralité des édifices ruinés de la Grèce, est de temples, dont le système de construction ne pouvoit guère admettre que des couvertures en charpente, qui cependant ont pu, comme on l’a montré ailleurs, être consormées en cintre, et osfrir la configuration d’une voûte.

Quant aux arcades, le même abus de raisonnement, qui a fait nier l’emploi des voûtes dans beaucoup de pays, parce que leurs ruines n’en montroient point de vestiges, avoit aussi porté les critiques à croire que les Grecs n’avoient point fait de portiques cintrés, puisqu’on n’en citoit aucun reste, dans les débris de leurs villes. Comment pouvoit-on cependant imaginer, que les Grecs, qui construisirent un si grand nombre de théâtres, modèles do ceux des Romains, y auroient négligé cet alentour de portiques cintrés, et d’arcades, qui en étoient l’accompagnement nécessaire ? Depuis qu’on a reconnu les restes du théâtre de Bacchus à Athènes, il n’est plus possible d’avoir un doute à cet égard.

On sait assez quelle liaison régna, dès les plus anciens temps, entre la Grèce et l’Etrurie, et quelle communauté d’arts, d’usages, d’institutions, de langage même, avoit uni ces deux contrées dans les mêmes pratiques, dâns le même goût, à une époque qui précéda la fondation de Rome. Tout prouve que, dès cette époque, les Toscans


ou Etrusques, étoient habiles dans la construction. Par ce mot on n’entend pus seulement l’art dé tailler les pierres, de les façonner en blocs irréguliers, ou de les équarrir en masses parallèles, ce dont on trouve encore aujourd’hui des preuves dans des restes de murs de villes, qu’on croit être l’ouvrage de ces temps reculés ; mais l’art de voûter, de tailler les pierres en claveaux, en voussoirs, doit remonter à ces mêmes siècles, si l’on s’en rapporte à toutes les vraisemblances. Nous avons fait voir au milieu des restes d’une des plus antiques villes étrusques (voyez VOLTERRE) un porte de ville parfaitement conservée, dans l’alignement de ses antiques murailles, et de la même épaisseur. Elle présente du côté de la ville, comme du côté de la campagne, une ouverture cintrée formant deux grandes arcades, coustruites de pierres taillées en claveaux, et d’un appareil aussi régulier qu’il soit possible. L’antiquité de cette porte, attestée par celle des murs ruinés de la ville, s’est trouvée constatée encore, par un bas-relief de travail étrusque, où la même porte, reconnoissable aux trois têtes existantes encore sur le monument, ne permet pas de douter de son antériorité sur l’art trèsantique de la sculpture qui le copia.

Mais l’habileté des constructeurs étrusques, à partir des temps les plus anciens, et leur savoir dans la pratique des voûtes, sinon sphériques, au moins cylindriques, trouve un témoignage, si l’on peut dire, éternel, dans une de ces entreprises qui semblèrent avoir prédit la grandeur de Rome. On veut parler de ces voûtes bâties par les Etrusques, pour former le grand égout, qui, depuis tant de siècles, sert encore aujourd’hui au même usage. La Cloaca maxima, par son immobile construction, ne cesse pas de faire l’admiration de tous les architectes. Elle est bâtie de grandes pierres de taille, et couverte d’une triple voûte sa largeur intérieure est de quatorze pieds. En plusieurs endroits, elle osfre trois divisions, dont deux sont pour les banquettes, qui règnent le long des murs, et la troisième, ou celle du milieu, est pour l’égout.

Si Rome eut de si bonne heure pour maîtres, dans la pratique des voûtes, d’aussi habiles constructeurs, il ne faut plus s’étonner qu’un si grand nombre de ses monumens ou encore intègres, ou en partie ruinés, nous présentent des voûtes de tout genre et de toute dimension.

Nous dirons donc en peu de mots, tant ces faits sont connus, qu’on voit encore à Rome et conservée dans leur premier état, des portes cintrées, des voûtes en plein cintre, et à claveaux, formant des arcs de triomphe bâtis en marbre. Les aquéducs construits, les uns en pierres de taille, les autres eu briques ou en maçonnerie de blocage soit à Rome, soit dans tous les pays soumis à la domination romaine, se composèrent tous d’une suite innombrable d’arcades, quelquefois les unes au-dessus des autres, où toute la perfection de la coupe des pierres, dans l’art de voûter, atteste une habileté et une puissance de moyens de construction, qui n’ont point été surpassées.

D’après les observations faites plus haut, sur la réserve qu’on doit mettre à décider, qu’une pratique fut inconnue des Anciens, par cela qu’il ne s’en trouve point d’exemple, dans les restes de leurs monumens, nous nous garderons bien de dire que les Romains ne firent pas de voûtes sphériques en pierre, parce qu’on auroît quelque peine à en citer quelqu’exempte important. S’il en étoit ainsi, ce qu’on ne sauroit affirmer, nous en trouverions peut-être la raison, dans la préférence qu’ils auroient très-justement donnée à la construction en blocage. C’est de cette sorte, que sont construites les grandes voûtes sphériques, ou coupoles, qui, pour le plus grand nombre, auront dû à ce procédé de bâtir, leur plus ou moins grande intégrité. Les constructeurs y réunissoient la légèreté des matériaux, et la plus grande ténacité d’un mortier qui par la force d’adhésion, parvenait à faire un corps indissoluble, d’un assemblage de parties nombreuses. C’est ce que démontre aujourd’hui un assez grand nombre de voûtes, ou arcades en blocage et briques, dont une moitié a été détruite, lorsque Vautre moitié, réduite en porte à faux depuis tres-long-temps, ne cesse pas d’être inébranlable.

Du grand emploi que les Romains firent, et durent faire de la construction de blocage en voûtes, on doit tirer la conséquence, qu’avec un moyen de voûter, si commode, si sûr, si facile à accommoder ans formes et aux espaces de tout genre, leurs constructeurs eurent fort peu besoin de la science géométrique, dont les modernes ont applique les théories a la coupe des pierres, pour former une multitude de voûtes savantes, dont nous donnerons les noms à la sin de cet article. C’est la nécessité de voûter en pierres, de suspendre des masses solides et pesantes, et de trouver dans le trait de leur coupe, selon les diversités de courbure, et leur soutien et leur liaison, qui a fait de cet art une science.

Si l’on ne peut se permettre de nier que quelques grands temples quadrilatères aient eu leur intérieur couronné par une voûte, on doit regarder comme certain, que de beaucoup, le plus grand nombre, ainsi que leur construction extérieure le prouve, ne put supporter que des plafonds de charpente ou des couvertures cintrées en bois ; et il ne paroît pas que dans le genre de temples dont on parle, Rome en ait eu d’aussi considérables que ceux de certaines villes de la Grèce ou de l’Asie-Mineure. Aussi ne croit-on pas que les grandes voûtes, qu’on a long-temps désignées comme ayant été celles du temple de la Paix, aient réellement appartenu à un édifice sacré. Ce qu’on connoît de plus grand, en fait de


voûtes romaines, bancs en blocages, comme celle du Panthéon, on couvrit des monumens circulaires, ou fit partie des thermes ; ce fut, ainsi qu’on peut s’en convaincre, dans les immenses édifices de ce nom, que l’art des voûtes eut l’occasion et le besoin de se développer en grand. Il n’y a point en, et il n’y a pas de plus vastes intérieurs que ceux des salles des thermes. Or, nous apprenons, par la grande salle des thermes de Dioclétien, convertie en église, que les Romains employoient aux couvertures de ces grands espaces, les voûtes d’arête, dont la propriété, comme celle des voûtes gothiques, est de diminuer la pesanteur et de diviser la poussée.

Ce fut selon ce dernier système, qui se perpétua dans les pratiques de la construction, après entier oubli de l’architecture gréco-romaine, que le moyen âge vit élever, avec beaucoup de légèreté et d’économie, ces voûtes dont les églises gothiques sont couvertes, et qui surprennent beaucoup plus qu’elles ne méritent l’admiration dont elles jouissent.

En effet la voûte d’arête n’est point, comme on l’a dit, une pratique, on si l’on veut une invention, qui appartient aux constructeurs de ces siècles. Ce qu’il y a même de particulier dans l’opinion généralement répandue à cet égard, c’est qu’on s’imagine que les bâtisseurs de ces églises ne connoissoient pas les voûtes en plein cintre. Cependant cette opinion n’est due qu’à l’illusion que font aux yeux les angles résultant du croisement des deux nervures en pierre, qui forment, dans la réalité, deux arcs en cercle plus ou moins surhaussé ou surbaissé. Point de doute que les prétendus gothiques ont employé tes arcs aigus au-dessus de leurs piliers, et nous verrons que cette forme tient à l’enfance de l’art des voûtes. Mais que l’on considère les couvertures en voûte de l’intérieur de leurs ness, et des bas-côtés de ces nefs, il n’y a plus rien d’aigu que les compartimens formés par les grands arcs en plein cintre, dont on a déjà parle, et qui composent comme la charpente de ces couvertures.

La voûte d’arête gothique (comme l’a fait vois M. Rondelet dans son Traité de l’Art de bâtir, tome II, pages 165 et 250) ne se compose que d’une combinaison d’arcs droits à cintre, ou circulaires, moindres de 90 degrés, qui se réunissent pour former disserens compartimens. Les intervalles de ces arcs sont remplis par de très-petites pierres maçonnées en mortier ou en plâtre. La mesure de ces petites pierres est telle, qu’elles peuvent se prêter, sans avoir aucun besoin d’une taille expresse, à la courbure légère de ces compartimens. On a même remarqué dans quelques églises, comme à celle de Notre-Dame à Paris, que ce remplissage en petites pierres sans coupes, appelées pendans, n’etoit quelquefois qu’en plâtre pigeonne.

Le savoir des prétendus gothiques, en fait de voûtes, ne comporte donc rien de nouveau. Il n’y a que la hauteur et la proximité de ces couvertures qui frappe, comme tout ce qui est élevé et grand. Je ne dis pas hardi, car la hardiesse n’est un mérite, en architecture, que quand elle s’unit à la solidité. Or, les voûtes des églises gothiques pêchent contre la solidité d’une manière trop évidente, pour qu’on puisse la mettre en doute, puisqu’il est clair à tous les yeux, que sans les arcs-boutans qui leurs servent d’étaies, elles ne pourroient point subsister.

Quoi qu’il en puisse être de cette critique, on voit que l’art des arcs et des voûtes en plein cintre, continua d’être pratiqué dans tous les siècles du moyen âge.

A la renaissance des arts, vers le quinzième siècle, le christianisme donna une impulsion nouvelle à l’architecture. Déjà la nature toute différente du culte, a voit porté toutes les églises à une grandeur de dimension, que le paganisme n’avoit pu connoître, parce qu’il n’en avoit jamais eu besoin. Le style gothique, peu rénandu en Italie, ou singulièrement modifié par l’effet des traditions toujours vivantes du style gréco-romain, ne pat opposer que de légers obstacles au renouvellement du bon goût. L’érection de nouvelles églises, dans un grand nombre de villes, donna lien de revenir au système des voûtes, qui s’étoit conservé dans tes ruines de Rome, et surtout dans les restes de ses thermes.

Mais une forme caractéristique, celle de croix donnée aux plans des églises chrétiennes, forme inspirée dès l’origine (comme on a pu le voir à l’article BASILIQUE) par la nature même des grands édifices qui furent mis à la disposition des chrétiens, devint bientôt l’occasion de propager et de porter au plus haut point la hardiesse de la voûte sphérique. Le dernier exemple antique avoit été la coupole de Sainte-Sophie, à Constantinople. Le point de réunion des quatre nefs de la basilique chrétienne, devenoit d’un ajustement difficile, sans l’accord d’une partie de construction circulaire. Sainte-Marie-des-Fleurs donna à Florence, sous la direction du génie de Bruneleschi, le premier exemple en grand d’une voûte sphérique, dont le diamètre est de 130 pieds, au centre de quatre nefs. La construction de ce monument est une des époques mémorables dans l’histoire de l’art des voûtes. Jusque là, même chez les Anciens, aucune voûte n’avoit été ainsi élevée en l’air, avec des matériaux solides, et à une aussi prodigieuse hauteur (255 pieds. )

Cependant l’architecte de cette voûte sphérique elliptique, l’avoit élevée sur les massifs construits avant lui, par Arnolpho di Lapo, de manière qu’elle portoit véritablement ce qu’on appelle de fond. Il paroît toutefois, par l’histoire de ce monument (voyez BRUNELESCHI), qu’il réguoit alors une assez grande ignorance, non sur la pratique générale de voûter (les cintres, quoi-


qu’un peu aigus, des arcades de l’église le prouvent), mais sur les moyens de porter à une grande hauteur une voûte sphérique, sans des ressources de support extraordinaires. La solution de ce problème occupa alors tous les esprits, et fit la gloire de Bruneleschi.

Le siècle suivant devoit réaliser, dans la coupole de Saint-Pierre, une plus grande entreprise encore, et avec plus de hardiesse et de difficulté. Il fut question de faire porter une masse plus considérable, non pas de fond, et reposant sur des soutiens verticaux, mais, si l’on peut dire, en l’air, c’est-à-dire ayant ses points d’appui sur les voûtes en berceau des quatre nefs de l’église. Bramante en avoit eu l’idée, Michel-Auge la réalisa. Voilà le point le plus élevé où soit arrivé l’art des voûtes, et il n’est guère probable qu’il soit donné, non-seulement de le surpasser, mais même d’y atteindre.

Ce n’est certainement pas le manque de science qui l’a empêché ; mais de semblables entreprises dépendent de circonstances et de causes, qui sont de nature à ne pouvoir, peut-être jamais, se renouveler.

Cependant la coupole de Saint-Pierre est devenue, pendant l’espace de deux siècles, le point d’imitation de toutes les églises construites en Europe, et il n’y a aucune grande ville qui ne puisse en montrer, dans quelque dimension que ce soit, une redite plus ou moins frappante. N’ayant point ici pour objet de faire l’histoire des coupoles, mais seulement de faire parcourir rapidement au lecteur celle de l’art des voûtes, dans la succession de ses vicissitudes, de ses variations et de ses progrès, nous nous bornerons à dire que cet art, sous le rapport de théorie et de pratique, a dû obtenir, dans ces derniers temps, son plus grand développement, par le perfectionnement que la coupe des pierres a reçu des études mathématiques, et des applications de la géométrie. De là cette facilité de diversifier toutes les formes de voûtes, de les faire en quelque sorte se ployer à toutes les situations voulues par des emplacemens irréguliers. Nous donnerons à la fin de cet article la nomenclature de toutes ces espèces de voûtes.

NOTIONS CONJECTURALES SUR L’ORIGINE DE L’ART DES VOUTES.

Lorsqu’on cherche à déterminer quel a pu être le principe originaire de l’art des voûtes, chex le plus grand nombre des nations, une première question que le critique doit se faire, est celle de savoir si, en cherchant son origine, dans les premiers procédés d’une industrie naissante, et dans les exemples connus des premiers temps, l’art de voûter résulta nécessairement d’unseul procédé, ou sila diversité de matériaux employés à former les premières habitations, ne dut pas donner plus d’un modèle à cet art.

Il doit être entendu d’abord, que l’art de voûter dut naître d’un besoin uniforme, celui de couvrir par une réunion de matériaux, des espaces dont l’étendue excédoit la portée, en largeur, d’un seule pierre, ou qui exigeoient une solidité supérieure à celle des buis de charpente.

Or ceci nous conduit tout d’abord à reconnoître que les premières batisses ayant dû employer, ou le bois ou la pierre, la voûte a pu trouver, dans l’un et l’autre de ces emplois, une double origine.

Lorsque nous parlons des premières bâtisses, nous devons nous hâter de sortir de l’état plus ou moins brute ou sauvage de la naissance des sociétés. Si l’on voulait s’y arrêter un moment, ce seroit pour faire remarquer, qu’à cette époque de toute société encore dans l’enfance, l’homme ne dut pas connoître l’emploi de la taille des pierres, pour former ses grossiers abris. Il n’y a sans doute sur cela que des vraisemblances pour les temps passés ; mais elles se trouvent changées en faits certains, et en vérités constantes, pour les temps modernes, par les observations nombreuses de tous les voyageurs, de tous les missionnaires, surtout, qui ont été dans le cas de voir par eux-mêmes, en tant de contrées diverses, une multitude de peuplades encore dans la première enfance de la civilisation. Or tous s’accordent à nous montrer leurs premières demeures, comme consistant en terre, en branchages d’arbres, et autres matériaux aussi frêles.

C’est presque toujours dans les forêts, et aux dépens de ces forêts, qu’on voit ces peuplades établir leurs demeures. A mesure que les premiers procédés, et les premiers instrumens des arts s’introduisent et se répandent parmi elles, ces demeures s’agrandissent et se perfectionnent. Les arbres sont abattus, et deviennent les premiers supports des habitations. Les procédés de la charpente, encouragés par cet usage, encouragent bientôt eux-mêmes les entreprises de l’art de bâtir.

Ces notions n’auroient presque pas besoin de l’autorité des voyageurs et des historiens, tant elles reposent, avec clarté, sur la nécessite et sur la nature des choses.

On peut donc affirmer que le travail du bois, ou l’art de la charpente, aura constitué presque par tout le monde, à une certaine époque des sociétés naissantes, les premiers ouvrages de l’art de bâtir, sauf a modifier cet art différemment, par la suite, selon divers concours de conditions et de circonstances. En effet, le travail du bois peut se prêter à beaucoup de combinaisons élémentaires, qui postérieurement auront produit des variétés de système dans quelques architectures.

Il n’en est effectivement aucune qui, parvenue à son entier développement, ne porte pas lisiblement écrite, dans son ensemble, la preuve de la pre-


mière conformation de ses constructions, et de l’usage comme du genre d’emploi, que les premiers bâtisseurs firent du bois et de ses assemblages, En généralisant cette théorie, nous avons cru devoir excepter quelques architectures connues, de cette règle de critique, et particulièrement l’architecture égyptienne. (Voy, son article. ) Il nous a paru d’abord qu’on devoit y remarquer un accord très-particulier, entre le système de son art de bâtir, tout en plates-bandes de pierres, n’offrant aucune des variétés de légèreté ou de saillie, qu’inspire naturellement l’emploi du bois, et la nature d’un pays qui manque partout de forêts et de bois de construction. Or nous verrons que si l’Egypte paroît n’avoir pas connu les voûtes, c’est que son art de bâtir s’étoit modelé de toute antiquité sur la taille des pierres. Nous verrons ensuite par quelques ouvrages de cette nation, ouvrages qui, comme on l’a déjà dit, dans l’article précédent, semblent offrir une ébauche de voûte, que l’art de voûter auroit pu résulter aussi, soit dans ce pays, soit peul-être ailleurs, d’un certain arrangement de pierres qui devoit conduire à des constructions cintrées.

Par une raison toute contraire, dans l’architecture grecque, produit évident du système de la charpente, ou de la construction en bois, nous voyons l’art des voûtes pratiqué dès la plus haute antiquité.

C’est donc là, que nous croyons devoir reconnoître l’origine ou le principe le plus naturel, le plus incontestable de l’art des voûtes, celui du moins qui doit avoir eu l’antériorité sur l’autre.

Lorsque l’art des la charpente fut devenu le créateur de toutes les constructions, à une époque supposée déjà sort avancée chez les Grecs dans la civilisation, il ne saut pas douter que le procédé du travail des bois de charpente, n’ait été (comme nous le voyons encore) propre à réaliser un fort grand nombre de bâtimens réguliers, commodes et solides, et à se prêter à toutes sortes de configurations diverses.

De même que la construction quadrilatère ou parallélogramme en bois, avec des toitures à deux pentes, avec porche en avant, et supports isolés, précéda, comme l’histoire en fait foi, les même genres de construction où la pierre remplaça sou modèle, de même aussi l’art de la charpente dut avoir la priorité dans les constructions circulaires et sphériques. Ce qu’un art sait, dans les premiers temps, faute de moyens plus grands, plus solides, que le laps des années et le perfectionnement d’une société ne peuvent point ne pas amener, cet art continue encore de le faire, comme moyen économique, en rapport avec certains besoin, et pour certaines classes de la société. C’est ainsi, pour en donner un exemple, qu’aux temps de la plus grande richesse d’un pays, on voit et on a vu en plus d’un cas, et dans plus d’un lieu, employer le chaume à couvrir de pauvres maisons, après qu’il a cessé d’être la couverture du palais de Romulus.

Lorsqu’on parcourt en plus d’un pays (et qui ne l’a pas remarqué en quelques régions de l’Italie ?) les bâtimens rustiques de certains habitans des campagnes, on ne sauroit voir sans beaucoup d’intérêt, de grandes constructions circulaires s’élevant en pointe, à une sort grande hauteur, sur un diamètre de 50 à 60 pieds, formées de poutres inclinées, jusqu’au sommet ouvert par un grand œil qui éclaire cet intérieur. Eh bien ! voilà que s’est perpétué jusqu’à nos jours le modèle primitif de la voûte sphérique et conique du tombeau d’Atrée, à Mycènes, et de celui de Mynias, à Orchomène, dont nous avons précédemment parlé.

Or quel homme de bons sens oseroit dire, que ces huttes rustiques sont des imitations de nos coupoles, au lieu de croire que les usages des premiers temps de la Grèce avoient donné dans les constructions circulaires de la charpente l’idée et le modèle du tholos ? Certes il seroit contre toute loi de l’instinct en fait de construction, d’imaginer que les tholos avoient été construits par assises de pierres de taille, en forme de voûte conique, avant que l’usage d’une semblable forme, accréditée par la charpente, eût inspiré à l’architecture, l’idée et le besoin de la réaliser, dans une matière plus durable. Ainsi veut la nature que l’on aille du facile au difficile, du simple au composé de l’économique au dispendieux.

Tout nous dit donc que la voûte en pierre eut, chez les Grecs, son origine, et trouva sou principe dans la construction en bois, ou la charpente, comme toute autre espèce de contruction, et y fut redevable de son système étémentaire, de ses formes principales, et des détails d’ornement ou de ses profils, au type originaire qu’on appelle la cabane, c’est-à-dire, l’assemblage du bois dans les premiers édifices. Disons encore que cet emploi du bois ne cessa jamais d’être usuel en Grèce. C’est ainsi que chez les Modernes, malgré le perfectionnement et de l’art et de la science de voûter en pierre, on ne cesse pas pour cela d’employer, dans plus d’un cas, le bois à former les plus grandes couvertures cintrées ou sphériques des dômes. Je dois en effet citer encore ici le Philippeum d’Olympie. (Voyez ce mot. ) Construit par Philippe roi de Macédoine, par conséquent dans la plus belle période des arts, il formoit une rotonde entourée de colonnes, dont la périphérie étoit en briques, et de ce corps du bâtiment s’élevoit une coupole composée de poutres taillées pour faire le cintre, et aboutissant toutes à une clef de bronze, qui lioit leur assemblage.

Nous n’aurions que trop d’exemples à citer de l’emploi du bois ou de la charpente, pour les couvertures des temples, qui, vu le système de leur plan, ne paroissent avoir été que rarement voûtés en pierres ou en maçonnerie solide. Mais


on ne peut se refuser à croire, que plus d’une de ces couvertures fut cintrée, et construite, par l’art de la charpente, en voûte. Il n’y a lieu au reste d’insister sur ce point, que pour montrer, dans la réciprocité de ces exemples, l’accord constant qui dut régner entre le modèle et son imitation.

Comment se refuser encore à croire que dans un pays, où toute construction dut commencer par le bois, on ne débuta point par faire les portiques ou les arcades, de la manière que l’on voit aujourd’hui les charpentiers s’y prendre pour faire des cintres, c’est-à-dire par deux morceaux de bois inclinés en partant des piliers faisant piédroits, et allant en angle se joindra au sommier, de telle sorte, qu’il ne reste plus qu’un segment de cercle à y ajouter dans le haut, pour en faire une arcade plein cintre.

Est-il nécessai de prouver, par exemple, que nulle part on n’a dû commencer par faire des ponts en pierre, et que partout ils ont remplacé les ponts en bois ? Si chez les Grecs et chez, les Romains, on fit d’abord en charpente les théâtres, il est bien probable que ces édifices économiques, mais aussi moins durables, surent composés, peut-être avec moins d’étendue, mais cependant sur le même plan, et dans les sormes, que l’on transporta à des constructions plus durables. La chose est encore plus certaine, et mieux prouvée des temples construits dans les premiers siècles de la Grèce, et cet usage avoit été commun aux anciens Etrusques, dont les Romains transportèrent chez eux la pratique conservée jusqu’au temps de Vitruve, qui, dans sa description du temple toscan, nous le fait voir comme un assemblage de pièces de bois.

La nature des choses et les faits démontrent, que partout où il y eut des bois de construction, on dut bâtir en charpente, avant de le faire en maçonnerie et en pierres de taille. Ainsi le bois dut devenir le premier générateur d’un grand nombre de dispositions, le principe élémentaire de beaucoup de sormes, qui passèrent ensuite dans la construction en pierres, où elles reçurent, par de nouvelles modifications, la perfection qu’elles pouvaient atteindre ; et l’art de voûter fut nécessairement un de ces complémens de l’art de bâtir.

Ce que tous les documens historiques on théoriques, et les faits même nous apprennent, à cet égard, de l’architecture antique, nous le savons, et nous le voyons arriver de même dans le moyen âge, pour la construction des églises gothiques, Toutes celles qui existent nous apprennent qu’elles ne datent guère que du onzième et du douzième siècle. On parle de leurs commencemens, car pour la plupart elles surent l’ouvrage de plusieurs siècles. Or il est peu de constructions, en pierres, où le système et les pratiques de la charpente soient plus clairement prononcés, que dans les voûtes des nefs de ces églises. Rien n’explique mieux ce système, en apparence hardi et compliqué, que le principe de transposition des combles de charpente, en combles à voûte d’arête.

La seule construction en pierre, n’auroit jamais pu inspirer, ni ces hardiesses, ni ces croisemens de nervures, ni ces élancemens de supports, ni ces porte à faux de cul-de-lampe suspendus, qui ne peuvent être autre chose, que la représentation des poinçons dans les assemblages de la charpente. Quand l’histoire et les saits ne nous l’attesteroient pas, les monumens eux-mêmes nous disent, par toute l’économie de leur disposition intérieure, par celle des arcs-boutans extérieurs, qu’ils ont remplacé des églises précédemment formées de charpente, surtout dans les sommités de leurs élévations, et qui avoient besoin d’être étayées en dehors, par des bâtis en contre-sorts. Qui ne sait en effet, que telles étoient les églises gothiques, avant leur reconstruction en pierre ? Qui ne sait que, par exemple, l’église de Saint-Germain-des-Prés à Paris fut brûlée une sois par les Normands, et qu’ayant été rebâtie en bois, les Normands la détruisirent une seconde fois, et en emportèrent les bois. Il existe encore à Honfleur une église gothique entièrement construite en bois. Or, de tout cela on peut conclure que les voûtes gothiques et tout l’appareil de leurs constructions, ne surent qu’une imitation des assemblages de charpente.

De tous ces faits il est donc permis de conclure, que le vrai principe originaire de la construction des voûtes en pierre, se trouve toujours et partout, dans les constructions en bois, qui seules étoient douées de la propriété de couvrir de grands espaces vides, de porter avec économie, à une hauteur indéfinie, les couvertures des bâtimens, et de s’adapter à toutes leurs formes, à toutes leurs dimensions.

La chose acquiert une probabilité plus grande encore, par l’exemple de l’Egypte, où, comme on l’a dit, on ne sauroit citer ni une partie de bâtiment circulaire, ni un intérieur couvert dont l’espace excède la dimension des dalles de pierre, qui y forment le seul moyen de couverture.

Si en effet l’Egypte eût pu arriver à la pratique des voûtes, elle l’auroit dû a ce double procédé de la bâtisse eu pierre, où nous ne nions pas qu’on puisse trouver un essai, et une sorte d’ébauche de l’art des voûtes. Nous voulons parler des pierres posées en dos d’âne, ou taillées de manière à former encorbellement. Or, comme nous l’avons déjà dit, il n’est d’aucune importance pour cette théorie, jusqu’à un certain point mêlée de faits et de conjectures, qu’on ait, ou qu’on n’ait point d’autorités certaines, sur l’existence de véritables voûtes en Egypte. Il nous suffit que le système, et tous les procédés de son architecture, nous démontrent d’une part, qu’on n’y reconnoît aucune trace d’un emploi primitif du bois ; de l’autre,


que tout son ensemble et toute ses parties, reposent sur le seul procédé de la taille et de l’emploi de la pierre.

Nous n’avons pas prétendu exclure entièrement le travail des pierres en architecture, de la propriété qu’il auroit pu avoir, d’enseigner par ses essais, et de propager l’art des voûtes, il n’y a rien d’exclusif en ce genre de notions, soit qu’on interroge la nature des choses, soit qu’on consulte un certain ordre de faits ou d’autorités. Ainsi quoiqu’il nous ait paru, qu’en Grèce, la construction en bois ait dû immanquablement conduire à faire des voûtes en pierre, comme ayant été la construction primitive et la plus ordinaire, il est impossible d’affirmer, et il seroit déraisonnable de prétendre, que dans ces siècles reculés, on n’ait jamais employé la pierre dans les édifices.

Or il se rencontre aux plus anciens monumens construits en pierre, dans la Grèce comme dans l’Egypte, certaines dispositions de matériaux, qui, ayant eu pour objet de suppléer à l’art des voûtes, purent aussi contribuer à y conduire les les constructeurs. On veut parler de quelques constructions en pierres polygones, d’un assez grand volume, disposées de manière à pouvoir remplacer la longueur d’un seul bloc, pour servir de linteau à une ouverture de porte. Nous avons parlé aussi, des pierres inclinées dans les couduits de la grande pyramide, en Egypte. Qui pourroit dire, que ce qui devoit faire sentir le besoin de tailler les pierres en claveaux, n’en auroit pas suggéré l’idée, et amené la pratique, bien que nul témoignage n’en dépose, dans les ruines effectivement assez rares, de ces anciens temps ?

Il nous paroît inutile d’insister davantage sur des opinions plus ou moins conjecturales à cet égard. Nous avons déjà vu, que ceux qui réunirent des pierres dans un cercle horizontal pour faire, par exemple, un puits, auroient bien pu aussi, sans un grand effort de génie, faire de ce cercle horizontal, un cercle placé verticalement, c’est-à-dire une arcade ou une porte cintrée.

Ce n’est donc point dans ce procédé sort simple et si peu étendu, qu’il faut placer l’art et la science de voûtes. Quoique ce cintre en soit l’élément, et si l’on veut le premier pas, et que cet essai soit dû au travail de la pierre, on doit considérer, qu’il y a deux points de vue assez distans l’un de l’autre, dans la théorie que ce sujet comporte ; l’un qui peut se borner au sait matériel d’un procédé mécanique, l’autre qui embrasse et comprend ce qu’on peut appeler le génie de la construction, dans l’art de voûter. Il est sensible, que c’est dans les grandes entreprises des voûtes sphériques, dans les couvertures de salles immenses, et d’intérieurs prodigieusement exhaussés, qu’il faut faire consister ce qu’il y a de vraiment remarquable dans l’art de voûter. Or, c’est ce génie, ce goût, ce genre hardi de structure qui nous semblent n’avoir pu être inspirés, que par des travaux antécédens et multipliés ; et il est indubitable que le travail du bois, ou ce qu’on appelle la charpente, ayant nécessairement précéde, en grandes constructions, le travail de la pierre et de la maçonnerie, c’est aux rudimens de cette pratique usuelle et sacile de bâtir, que l’art de voûter en pierre de grands intérieurs, a dû ses premières inspirations, ses exemples, ses documens, et ses encouragemens.

Encore voyons-nous, aujourd’hui que la science et l’art des voûtes en pierre sont arrivés à leur plus haut degré, le travail du bois suppléer par ses procédés économiques et faciles, au travail de la pierre dans une multitude de couvertures cintrées. Ainsi sont voûtées un grand nombre de salles et de galeries dans les palais. Ainsi de nos jours, comme par le passé, plus d’une nes d’église s’est trouvée couverte en cintres de bois, et nous offre avec légèreté, goût, et économie, le même effet qu’une voûte, en pierre, ou en maçonnerie, laquelle exige de grands et dispendieux points d’appui. Ajoutons que les réparations des voûtes en bois, sont d’une exécution beaucoup plus commode et plus expéditive. Voyez VOUTER.

SECONDE PARTIE.

Les notions de cette seconde partie sont extraites du Traité de l’Art de bâtir par M. Rondelet.

DE LA CONSTRUCTION DES VOUTES.

Par le mot voûte, on entend, selon ce qui a été dit plus haut, une construction composée de plusieurs pierres de taille, mœllons, briques, ou autres manières saçonnées, disposées ou réunies de maniera à se supporter, et se maintenir en l’air pour couvrir un espace vide.

Ainsi les couvertures formées de grandes pierres, qui portent sur des murs, ou points d’appui opposés, telles que celles des édifices égyptiens, ne sont pas, et ne peuvent pas s’appeler des voûtes, par cela qu’elles consistent en plates-bandes d’une seule pièce. Par conséquent elles n’exigent aucun art pour se soutenir sur le vide qu’elles surmontent. Il suffit à ce genre de construction, d’employer des pierres d’une assez grande dimension, et qui aient assez de consistance, pour n’être pas susceptibles de se rompre dans leur étendue.

On peut couvrir avec des pierres d’une grandeur moindre que l’espace compris entre des murs ou des piédroits, en leur donnant une disposition particulière. Ainsi deux pierres qu’on inclinera en sens contraire, de manière à se toucher dans le sommet de l’angle qu’elles formeront, se soutiendront mutuellement sans appui dans le milieu de l’espace qu’elles couvrent, si la résistance des piédroits ou des murs sur lesquels elles s’appuient


est assez forte pour les empêcher de s’écarter par en bas.

L’expérience prouve dans ce cas, comme dans tous les autres, que moins l’angle est élevé par rapport à sa base, plus l’effort sera grand, à pesanteur égale ; en sorte qu’il seroit le plus grand possible, pour deux pierres horizontales qui ne feroient que se toucher au milieu du vide qu’elles convrent.

Il faut cependant observer que cet effort peut être diminué par la grandeur de la partie de ces pierres qui porteroit sur les murs ou les piédroits, ou par la charge qu’on peut faire peser sur cette partie. Il est en esset évident, que si la partie portée de ces pierres étoit égale à la partie en saillie, chacune se soutiendroit en équilibre sur son piédroit, sans le secours d’aucun autre effort. Le même effet peut arriver quoique la partie portée, soit beaucoup moindre que la partie en saillie, mais pourvu que cette partie portée, soit surchargée d’un poids ajouté, qui la rende égale à l’effort de la partie en saillie.

Si au lieu de deux pierres posées horizontalement sur les piédroits, et rapprochées jusqu’à ce qu’elles se touchent, par une de leurs extrémités, pour couvrir un espace vide plus considérable, on en suppose plusieurs, on pourra le saire, en les plaçant en saillie les unes sur les autres, ou ce qu’on appelle en encorbellement, de manière que la partie portée soit plus étendue, que la partie en saillie. Que ce procédé ait pu conduire à celui de la voûte, on ne sauroit le nier, en supprimant ce qu’on appelle le redans, ou les ressauts de chaque pierre l’une sur l’autre, pour faire des surfaces plates ou courbes. Mais cette suppression réduira chaque assise de pierre à des angles aigus sort contraires à la solidité. Ce genre de construction, qu’on a vu tenir aux premières opérations de l’art, ne pourroit convenir qu’à des intérieurs d’une modique étendue.

En suivant tous les procédés qui, soit en pratique, soit dans une théorie purement spéculative, peuvent être regardés comme les essais de l’art de construire les voûtes, on doit considérer une autre manière de poser des pierres au-dessus d’un vide, non plus horizontalement et à plat, mais en trois morceaux dent deux inclinés, et réunis dans leur extrémité supérieure, par une traverse de la même longueur, de facon à former des angles égaux. On aperçoit en effet, qu’en combinant le poids de cette traverse, au point qu’elle puisse contre-balancer l’action des pierres qui s’y appuient, et qui ont besoin d’être soutenues par un effort contraire, il doit résulter de là, que les trois pierres se soutiendront mutuellement.

Cette forme, qui a été employée dans des constructions antiques, ne présentant ni cette uniformité ni cette régularité, qui contribuent plus qu’on ne le pense, à la solidité, l’esprit de la construction dut aller plus loin. On chercha bientôt à effacer les angles des faces de ces polygones par une ligne courbe. Sans doute celle dont on dut faire d’abord usage, fut la ligne circulaire, comme étant la plus simple et par conséquent la plus facile à tracer. Très-certainement on savoit déjà non-seulement en faire le tracé, mais encore l’application pratique, à beaucoup de parties courbes, et d’ouvrages nécessairement circulaires, comme des puits, des tours, etc. , dont l’usage aura très-probablement précédé la construction des voûtes.

Il ne s’agissoit pour former ce qu’on appelle une voûte que de placer verticalement, dans une construction cintrée, destinée a s’élever en l’air, les pierres que l’on posoit horizontalement, dans les assises également horizontales des tours on des puits. Mais ce transport de façon et d’emploi, qui paroît aujourd’hui si facile en imagination, ne le fut peut-être pas autant alors. On voit effectivement que, dans le dernier cas, les pierres sont soutenues sur leurs lits, dans toute leur étendue, tandis que dans une voûte, dont le cintre est un demi-cercle, il n’y a que les deux premières pierres, celles d’en bas, qui paroissent réellement poser, lorsque toutes les autres ne se peuvent soutenir que par leurs joints, c’est-à-dire par la forme de coin qu’on leur donne. Ces joints, qui sont plus ou moins obliques, doivent former avec la surface courbe de la voûte, des angles égaux et droits, afin de procurer à chaque pierre une résistance égale, et de plus une espèce de renvoi régulier des efforts d’une pierre à l’autre, depuis celle qui forme la clef, jusqu’à celle qui pose sur les piédroits.

On a vu dans la première partie de cet article, que les plus anciennes voûtes, non qui aient été faites jadis, mais qui existent aujourd’hui, sont les portes étrusques de Volterra, et les couvertures cintrées de la Cloaca maxima, à Rome, construite sous le règne du premier Tarquin, 580 ans avant l’ère vulgaire. Son embouchure, du côté du Tibre, est d’environ quatorze pieds en largeur. Elle est couverte par une triple voûte, composée de trois rangs de voussoirs concentriques, dont les joints sont en liaison les uns sur les autres. C’est à cette disposition qu’on doit attribuer la durée et la grande solidité de ces constructions, qui ont excité l’admiration de tous les siècles.

Après avoir donné une idée de la formation des voûtes, nous allons indiquer celles qui sont le plus en usage.

On distingue ordinairement les voûtes par leurs faces apparentes, et d’après cette distinction, elles peuvent se réduire à deux espèces, celles qui consistent en surfaces planes, et celles qui sont en surfaces courbes. On peut comprendre toutes les voûtes possibles sous les deux dénomination de voûtes plates, et voûtes cintrées, ou dont la surface intérieure est courbe.


DES VOUTES PLATES.

Le principe général de l’art de l’appareil, et de la coupe des pierres, exige que dans les murs, comme dans les voûtes, les joints des pierres qui se touchent, sassent des angles égaux, ou des angles droits, avec les surfaces apparentes qu’elles sorment. Comme dans les voûtes plates, il n’y a que des joints perpendiculaires à leur surface, qui puissent former avec elle des angles égaux ; il en résulte, que toutes les voûtes plates horizontales, devroient avoir leurs joints d’à-plomb. Mais cette disposition ne pouvant pas servir à soutenir des pierres, qui ne doivent avoir d’autre appui que leurs joints, on a été obligé de les incliner, en les tirant d’un même point, afin de donner aux pierres la sorme du coin, pour qu’elles puissent se soutenir.

Comme cet appareil a le désavantage de former des angles inégaux avec la surface inférieure, il en résulte que ces pierres, auxquelles on donne le nom de claveaux, n’ont pas une résistance égale ; que leurs efforts ne se correspondent pas, et qu’elles poussent toutes à faux les unes des autres, comme on peut s’en convaincre, si on tire des perpendiculaires de l’extrémité de leurs joints. On verra qu’une pareille voûte ne pourroit pas se soutenir, quelle que fût l’épaisseur des piédroits, si le frottement causé par la rudesse et l’inégalité des surfaces, ne les empêchoit pas d’agir librement, et si le mortier et les fers qu’on emploie à leur construction cessoient de les entretenir ensemble, avec une force supérieure à ces efforts. On pourroit s’assurer de cet effet, si l’on vouloit saire un modèle d’une semblable platebande en marbre poli.

Pour bien sentir le défaut de l’appareil dont on vient de parler, il faut tracer du centre, où tendent les joints des claveaux, un arc tangent à la ligne du dessous de la voûte plate, et prolonger les joints jusqu’à la rencentre de l’arc. Il sera facile de voir, par cette opération, qu’une voûte plate peut être considérée comme un arc, dont on a supprimé les parties inférieures ; mais cette suppression de parties aussi essentielles, ne peut produire qu’une construction foible et défectueuse.

Lorsqu’on veut construire des voûtes plates pour des architraves, des plates-bandes ou des linteaux de grandes portes, il est nécessaire, pour éviter ce défaut, de ne prolonger la coupe des claveaux, que jusqu’à une certaine distance, et de saire le surplus par des lignes à plomb.

Plusieurs architectes ont employé un moyen qui produit le même effet, et qui est devenu même un objet de décoration, comme on peut le voir dans une certaine porte de Vignole, appareillée d’une manière qui réunit la beauté à la solidité. Ce moyen n’est autre, que celui des claveaux à crossettes, dont les compartimens augmentant jusqu’à celui qui fait la clef, forment en bossages, un dessin qui n’est pas sans agrément ; mais ce genre d’appareil ne peut guère être employé que pour des portes, ou des vides pratiqués dans l’épaisseur des murs.

Il est un moyen, qu’on doit appeler artificiel, d’employer l’appareil en claveaux pour les plates-bandes et les architraves, c’est celui des tirans de fer.

Ainsi les plates-bandes de la colonnade du Louvre, sont composées sur la face, d’un double rang de claveaux, placés les uns au-dessus des autres en liaison, et sont entretenues par deux chaînes ou tirans de ser, arrêtés à des ancres qui forment le prolongement de l’axe des colonnes. Les claveaux sont accrochés les uns aux autres par des goujons en forme de Z qui les empêchent de glisser. Tous ces fers forment une espèce d’armature qui contient les plates-bandes, de manière à ce qu’elles ne peuvent agir d’aucune façon, à cause du tirant intermédiaire qui empêche la plate-bande supérieure de s’écarter. On ne peut guère employer ce procédé avec succès, que pour des architraves et des plates-bandes auxquelles on peut donner une épaisseur égale an quart, ou au moins an cinquième de leur portée. Il est possible encore d’en user, pour former des plafonds de peu d’étendue, renfermés entre des architraves.

Un moyen à peu près semblable a été mis en œuvre, dans les architraves du second ordre du portail de Saint-Sulpice. A cette construction, pour empêcher les claveaux de la plate-bande inférieure de glisser, on a percé dans ceux de droite et de gauche, jusqu’à la clef, des trous dans lesquels on a fait entrer des barres de fer, grosses de deux pouces, soutenues dans leur longueur, de deux claveaux en deux claveaux, par des étriers de fer accrochés au tirant horizontal qui va de l’axe d’une colonne à l’axe d’une autre. La clef se trouve soutenue par un bout de barre à talon, qui se raccorde avec les deux autres. Au-dessus de cette première plate-bande, il s’en trouve une seconde un peu plus haute, et comprenant la hauteur de la frise. Elle est rensermée entre deux chaînes de fer, dont une placée au-dessus de l’extrados, est arrêtée aux axes des colonnes. Pour donner à cette chaîne une consistance capable de contenir les efforts des deux plates-bandes, on a formé un arc au-dessus, avec une sorte barre de fer courbée, dont les bouts sont arrêtés par deux talons pratiqués aux deux extrémités du tirant horizontal, et pour lui donner encore plus de fermeté, on a maçonné le vide du segment avec de bonnes briques posées en mortier. A cette espèce d’armature sont accrochés quatre étriers, pour soutenir la chaîne qui porte les étriers de la première plate-bande. Cette armature soutient de plus une partie du poids des constructions supérieures, dont les pierres ne sont pas en coupe.


On a suivi, pour la construction des plates-bandes des deux colonnades de la place Louis XV, à peu de chose près, les moyens pratiqués pour celles du portail de Saint-Sulpice, excepté qu’on a supprimé l’armature qui est au-dessus de la plate-bande supérieure. On a percé, de même, dans les claveaux de la plate-bande inférieure, des trous, pour y faire entrer des barres de ser horizontales, qui traversent les claveaux de droite et de gauche jusqu’à la clef. Ces barres sont aussi soutenues par des étriers qui s’agrasent à la chaîne générale placée sur l’extrados. Cette chaîne se trouve soulagée de ce poids, par d’autres étriers, qui s’accrochent à des barres placées sur l’extrados de la plate-bande supérieure. Celle-ci, par cette disposition, est chargée de l’effort des deux plates-bandes, et des parties supérieures qui ne sont pas en coupe, mais cramponnées au-dessus. Il est bon d’observer, à ce sujet, que ce moyen ne peut pas empêcher les joints de ces assises de s’écarter par le bas, et de peser sur la plate-bande. Lorsqu’on vent empêcher cet effet, il faut au contraire cramponner ces pierres en dessous, parce qu’alors leurs joints ne pouvant pas s’ouvrir, elles se soutiennent dans un parfait niveau. On doit encore remarquer que ces deux plates-bandes réunies, forment un énorme coin chargé d’une masse considérable, susceptible d’agir avec bien plus de force que dans les plates-bandes précédentes. Disons aussi que l’appareil des plates-bandes de la colonnade du Louvre, dont les joints ne sont pas dans la même direction, est préférable à celui de ces plates-bandes qui forment des claveaux ou coins continus, et agissent dès-lors avec beaucoup plus de force.

Voici maintenant les moyens employés pour les plates-bandes de l’église de Sainte-Geneviève.

Ces plates-bandes ont de portée 16 pieds 3 pouces, 21 pieds 1 pouce d’un axe de colonne à l’autre ; leur largeur est de 4 pieds 10 pouces, leur hauteur de 3 pieds 4 pouces 6 lignes. Elles sont divisées en 13 claveaux, formant trois évidemens. Les sommiers de ces plates-bandes ont leurs joints inclinés de 60 degrés. Les claveaux sont maintenus par deux rangées de T en fer, portant d’un bout un talon, et de l’autre un œil. Les talons sont scellés dans les joints pour servir de goujons, et les œils, qui passent au-dessus de l’extrados, sont enfilés par des barres, qui se réunissent pour former chaîne. Outre ces barres et ces T, il y a dans le milieu de la largeur, une autre chaîne composée de forts tirans arrêtés aux axes des colonnes.

Au lieu d’une double plate-bande, comme dans les monumens dont on vient de parler, on a construit au-dessus de chacune de ces plates-bandes, un arc, qui leur sert en même temps de soutien et de décharge ; il est érigé sur les mêmes sommiers que les plates-bandes. On a placé de chaque côté de cet arc, des ancres, auxquels sont attachés des étriers qui supportent les sept claveaux du milieu, réunis par un fort boulon qui les traverse. Il résulte de cet arrangement, qu’en taisant abstraction des chaînes, et autres moyens employés pour résister à la poussée des arcs et des plates-bandes, que ces essorts se détruisent mutuellement. Car il est évident, que la plate-bande ne peut agir, qu’en tendant à rapprocher les premiers voussoirs de l’arc auquel elle est suspendue ; tandis que d’un antre côté cet arc, charge d’une partie du poids de la plate-bande, ne peut céder à cet essort sans soulever la plate-bande à laquelle sont accrochés les étriers, qui empêchent les premiers voussoirs du s’écarter.

Tels sont les procédés imaginés par les constructeurs modernes, pour parvenir a former au lieu d’architraves, en une seule pierre d’un colonne à l’autre, des plates-bandes, dans les colonades ou péristyles qui exigent des colonnes isolées.

Les Anciens ou trouvèrent dans la nature de leurs matériaux, de quoi tailler des pierres de la longueur des entre-colonnemens, ou ils réduisirent les dimensions de leurs colonnades et de leurs péristyles isolés, au gré des mesures qu’exigent les entre-colonnemens, pour qu’une seule pierre de l’architrave, pût s’étendre de l’axe d’une colonne à l’axe d’une autre.

Cependant nous voyons qu’ils usèrent quelquefois de voûtes plates ou de plates-bandes composées de claveaux en petit nombre et dans des espaces vides d’une modique étendue. Pour empêcher l’effet des pierres ainsi disposées, ils ont imaginé de pratiquer dans les joints des voussoirs et des claveaux, des espèces de tonons et d’entailles. On trouve de ce procédé, plus d’un exemple, comme au théâtre de Marcellus, à Rome, dans les joints des plates-bandes qui sontiennent les retombées des voûtes des corridors, au second rang des portiques qui régnoient autour du théâtre. II existe de semblables joints de voussoirs, dans plusieurs arcades antiques, surtout au Colisée Au lieu de bossages réservés en taillant la pierre, on y a quelque sois incrusté des cubes en pierre, de trois ou quatre pouces.

Philibert Delorme indiqua ce moyen pour la construction des architraves, mais il pose les cubes en losange. Un tel moyen peut se pratiquer dans la coupe même du voussoir en manière de crossettes quand la pierre est serme, et que la plate-bande doit se composer tout au plus de quatre ou cinq pièces.

Quelques constructeurs modernes ont fait usage de balles de plomb d’environ deux pouces de gros, pour placer en manière de lien ou de tenons, dans les joints de leurs plates-bandes. D’autres y ont employé des cailloux ronds, qui, lorsqu’ils sont entaillés et scellés avec soin, sont par leur dureté même préférables aux balles de plomb.

Dans les pays où la pierre a une grande consistance, on fait, ainsi qu’on l’a déjà dit, les joints


des plates-bandes à crossettes. Ce moyen équivalent à une coupe, a de plus l’avantage de faire éviter la forme de coin. C’est celui qui convient le mieux pour les voûtes intérieures, qui ne peuvent pas avoir beaucoup d’épaisseur. On doit éviter toutesois, de donner trop de longueur aux crossettes ; il leur sussit d’avoir deux ou trois pouces.

DE LA MANIÈRE DE DISPOSER LES RANGS DE CLAVEAUX OU DE VOUSSOIRS.

La régularité de l’appareil, et la solidité exigent, que les voûtes plates, ainsi que celles dont la surface est courbe, soient composées de rangs de claveaux, ou de rangs de voussoirs disposés selon la direction des saces des piédroits ou des murs qui les soutiennent. Ainsi une voûte plate, que nous supposons soutenue par deux murs parallèles, doit être composée de rangs de claveaux qui suivent la même direction. Il en seroit de même, si c’étoit deux piliers.

S’il s’agit d’une semblable voûte sur ou plan carré, et soutenue par quatre murs qui la renserment, les rangs de claveaux sormeront des carrés concentriques, ceux des angles seront communs à deux côtés, la clef sera carrée, portant coupe des quatre côtés.

Dans une voûte plate sur un plan circulaire, les rangs circulaires des claveaux, seront disposés de manière à ce que les claveaux soient posés en liaison les uns en avant des autres, et le tout sera fermé par une clef ou bouchon, circulaire et conique.

A l’égard d’une voûte plate, soutenue par quatre piliers isolés, les rangs des claveaux seront parallèles aux faces intérieures, et se rencontreront à angle droit sur les diagonales, où se trouveront des claveaux communs à deux côtés, avec une cief évidée aux quatre angles, pour recevoir les derniers claveaux des diagonales. Toutefois uns telle disposition ne peut avoir lieu que pour de trés-petites largeurs ; autant doit-on en dire de de la même voûte entre deux murs parallèles, à cause de la grande poussée qu’elles occasionneroient. Celle de ces voûtes qui pousse le moins, est la voûte en plan circulaire.

Relativement aux voûtes sur plan polygone quelconque, il est évident que plus ce plan aura de côtés, plus la voûte approchera de là propriété du plan circulaire. Ainsi une voûte carrée, bandée sur les quatre murs qui la renferment, a plus de solidité qu’une voûte entre deux murs parallèles. Une voûte hexagone en a plus qu’une carrée, et ainsi de suite.

Quoique les voûtes plates présentent toujours une même surface, elles peuvent Les beaucoup varier par la forme de leur plan. Elles peuvent être régulières, irrégulières, biaises et rampantes ; mais quelle que soit leur forme, la manière de les appareiller, et de tracer les pierres qui les composent, n’a guère plus de difficulté que celle qui a lieu pour les murs et pour les constructions ordinaires, parce qu’on peut en représenter toutes les parties sur le plan ou l’épure, selon leur forme et grandeur, sans aucun raccourci.

Pour les pierres, il faudra d’abord tailler les deux faces parallèles qui doivent former l’extrados et l’intrados de la voûte, avec un des côtés d’équerre. Ensuite on tracera, d’après l’épure, leur plus grande largeur et les lignes qui indiquent ce qu’il faut en retrancher, pour former les coupes.

DE LA POSE DES PIERRES DE TAILLE QUI FORMENT LES VOUTES.

Les anciens constructeurs grecs et romains, posoient les pierres dans tous leurs ouvrages, snas mortier ni cales, et cela à l’égard des voûtes, comme à l’égard de toutes les autres parties.

Parmi les Modernes, la plupart des constructeurs posent les pierres des voûtes, comme celles des murs ou piédroits, c’est-à-dire qu’après avoir ajusté et mis en place, avec des cales plus ou moins grosses, les pierres selon les défauts qu’elles ont, ils en remplissent les joints avec du mortier cu du plâtre clair.

Nous remarquerons que, s’il s’agit des joints des claveaux ou des voussoirs, qui sont pour le plus grand nombre inclinés, ce procédé a moins d’inconvéniens que pour les assises des murs ou des constructions horizontales, où le lit des pierres est de niveau. C’est qu’il est plus facile dans le premier cas, de bien remplir les joints des pierres que dans le second. Il faut en effet prendre toutes les précautions possibles, pour empêcher les effets de la diminution qu’éprouve le mortier, par l’évaporation de l’humide surabondant qu’il contient, d’où il doit résulter que la couche de mortier ayant perdu de son épaiseur, l’esfort de la pression se porte sur les cales.

Pour obvier à ces inconvéniens, il faut, après avoir bien abreuvé les joints des voûtes, pour que le mortier coule mieux et puisse aller partout, filasser les joints eu-dessous, et commencer à remplir avec du coulis clair, que l’on rend plus épais à mesure que le vide des joints s’emplit ; on finit par du mortier ferme, qui absorbe en partie l’eau de celui qui est trop clair. On peut même faire écouler la surabondance de liquide, en faisant quelques trous ou saignées dans les joints garnis de filasse, à mesure qu’on fait entrer du nouveau mortier par le haut, qui de proche en proche remplace le coulis.

ll y a des poseurs qui mêlent un peu de plâtre au mortier clair, afin de compenser en partie la diminution du mortier par le renfle-


ment du plâtre ; mais ce moyen est illusoire, parce que le plâtre noyé ne renfle pas, & ne fait que diminuer la qualité du mortier.

DES VOUTES DONT LA SURFACE INTÉRIEURE EST COURBE.

Les surface des voûtes plates sont toutes semblables, mais celles des voûtes courbes peuvent varier à l’infini, en raison de leur cintre, et de la manière dont il est censé se mouvoir pour former leur surface : car ce cintre peut se mouvoir selon la disférence des lignes, ou tourner sur son axe. Ainsi une demi-circonférence de cercle, qui se meut entre deux lignes parallèles, produit une surface courbe dans le sens de la largeur, et droite dans celui de la longueur. Cette surface, qui représente celle d’une voûte cylindrique ou en berceau. Si cette demi-cir-conférence, au lieu de se mouvoir entre deux lignes droites, se mouvoit entre deux courbes équidistantes, ou autour de son axe, il en résulteroit dans les deux cas une surface courbe sur tous les sens.

Il est évident qu’à la place d’une demi-circon-sérence de cercle, ou peut prendre une courbe quelconque qui puisse se raccorder avec des piédroits à plomb, telle que celle d’une ellipse ou d’une imitation d’ellipse.

Cette courbe peut former une voûte surhaussée ou surbaissée, c’est-à-dire dont la hauteur de cintre soit plus grande, ou plus petite que la moitie de sa largeur. La voûte formée par une demi-circonférence de cercle, comparée à ces deux, est appelée plein cintre.

Lorsque les piédroits qui doivent soutenir les voûtes ne sont pas d’a-plomb, ou quand il n’y a pas d’inconvénient à ce que le cintre de la voûte fasse un angle avec les piédroids, on peut y employer, outre le cercle et l’ellipse, une infinite d’autres courbes, telles que la parabole, l’hyperbole, la chaînette, etc. Mais quelle que soit la courbe que l’on adopte, il faut toujours que les joints des pierres soient perpendiculaires à la courbure du cintre. C’est dans les voûtes à surface courbe que les pierres se nomment voussoirs.

La direction de ces voûtes peut être perpendiculaire on oblique à l’égard des murs ou piédroits ; elles peuvent avoir leur naissance de niveau ou inclineés, ce qui dans les voûtes simples produit beaucoup de variétés. De plus, elles peuvent être irrégulières, incomplètes, ou composées de différentes parties, combinées d’une infinitè de manières, susceptibles de plus ou moins de difficultés. Il seroit impossible de rapporter toutes ces variétés ; aussi n’entreronnous pas ici dans tous ces dètails, qui dépendent véritablement des démonstrations Page:Encyclopédie méthodique - Architecture, T3.djvu/640 Page:Encyclopédie méthodique - Architecture, T3.djvu/641 Page:Encyclopédie méthodique - Architecture, T3.djvu/642 Page:Encyclopédie méthodique - Architecture, T3.djvu/643 Page:Encyclopédie méthodique - Architecture, T3.djvu/644 Page:Encyclopédie méthodique - Architecture, T3.djvu/645 Page:Encyclopédie méthodique - Architecture, T3.djvu/646 Page:Encyclopédie méthodique - Architecture, T3.djvu/647 Page:Encyclopédie méthodique - Architecture, T3.djvu/648 Page:Encyclopédie méthodique - Architecture, T3.djvu/649 Page:Encyclopédie méthodique - Architecture, T3.djvu/650 Page:Encyclopédie méthodique - Architecture, T3.djvu/651 Page:Encyclopédie méthodique - Architecture, T3.djvu/652 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Encyclopédie méthodique - Architecture, T3.djvu/653 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Encyclopédie méthodique - Architecture, T3.djvu/654 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Encyclopédie méthodique - Architecture, T3.djvu/655 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Encyclopédie méthodique - Architecture, T3.djvu/656 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Encyclopédie méthodique - Architecture, T3.djvu/657 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Encyclopédie méthodique - Architecture, T3.djvu/658 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Encyclopédie méthodique - Architecture, T3.djvu/659 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Encyclopédie méthodique - Architecture, T3.djvu/660 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Encyclopédie méthodique - Architecture, T3.djvu/661 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Encyclopédie méthodique - Architecture, T3.djvu/662 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Encyclopédie méthodique - Architecture, T3.djvu/663 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Encyclopédie méthodique - Architecture, T3.djvu/664 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Encyclopédie méthodique - Architecture, T3.djvu/665 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Encyclopédie méthodique - Architecture, T3.djvu/666 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Encyclopédie méthodique - Architecture, T3.djvu/667 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Encyclopédie méthodique - Architecture, T3.djvu/668 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Encyclopédie méthodique - Architecture, T3.djvu/669 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Encyclopédie méthodique - Architecture, T3.djvu/670 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Encyclopédie méthodique - Architecture, T3.djvu/671 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Encyclopédie méthodique - Architecture, T3.djvu/672