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ZAB

ZABAGLIA. Né à Rome en 1674, mort en 1750.

L’architecture se compose de tant de parties différentes, quoique liées ensemble, et elle touche par la diversité soit de ses emplois, soit de ses moyens, à tant de pratiques usuelles et de connoissances théoriques ou mécaniques, que cet art reçut des Grecs, et avec beaucoup de raison, le nom qui, par sa composition, le désigne ou comme étant l’art par excellence, ou comme étant celui qui commande aux autres, αρχη τεχνη

Entre toutes les divisions qui forment son empire, il en est une, celle de la mécanique, dont le savoir pratique est plus ou moins nécessaire à l’architecte ; mais cette science, comme toute autre, se divise en deux. Il y a la pratique, dont l’expérience peut s’acquérir par l’étude de certaines règles, par la connoissance des ouvrages antérieurs, ou des procédés qui se transmettent d’âge en âge, et par la seule inspection des effets. Il y a ce qu’il faut appeler en ce genre le génie de la mécanique, que l’on a vu, chez quelques hommes privilégiés, être une sorte d’instinct qui pénètre sans le savoir jusqu’aux raisons premières, et leur fait deviner plutôt qu’apprendre les principes des forces motrices qu’ils mettent en œuvre, dans les plus grandes entreprises de l’art de bâtir.

Ces hommes qui, à plus d’un égard, ont bien mérité de l’architecture, méritent donc aussi qu’elle inscrive leur nom dans ses annales, l’eu importe qu’ils soient nés dans la classe obscure des ouvriers, au-dessus de laquelle ils ne s’élevèrent jamais ; l’opinion de leur temps, et celle de la postérité surtout, qui ne juge les hommes que par leurs œuvres, comblent a leur égard la distance que l’ordre des rangs de la société avoit mise entre eux et leurs contemporains.

L’Italie a particulièrement exercé cette justice, dans l’histoire de l’art de bâtir, envers deux hommes qui, simples ouvriers et sans aucune culture de l’esprit, ont rendu leur nom célèbre par leurs inventions en mécanique.

Tel fut Ferracino, né à Solagna, près de Bassano. Des sa première jeunesse, le besoin l’avoit condamné à scier tout le jour des planches pour fournir à la subsistance de sa famille. Ce pénible métier ne tarda point à lui déplaire ; mais n’ayant aucun autre moyen d’en remplacer le profit, il se mit à chercher quelqu’expédient propre à soulager sa peine, et à multiplier à la fois son travail. Il imagina donc une machine qui, placée dans un lieu convenable, et mise en mouvement par le vent, fit le travail pour lui. Ce premier essai de son industrie fut bientôt suivi de plusieurs autres, qui lui acquirent une


grande réputation ; on le rechercha de toutes parts. S’étant établi à Padoue, il te transportoit de cette ville dans les endroits où la confiance appeloit son talent.

C’est lui qui a fait l’horloge de la place Saint-Marc à Venise. En 1749, il construisit une machine hydraulique qui, par le moyen de plusieurs vis d’Archimède, portoit l’eau à trente-cinq pieds de hauteur. Cette machine, dont le succès avoit été contesté, excita l’admiration des gens de l’art, et fut reconnue digne d’une inscription en l’honneur de son auteur.

Mais le monument qui donna le plus de célébrité à Ferracino, et qui honora le plus son talent, c’est le pont qu’if fit construire à Bassano. On en trouve l’histoire et la description dans un ouvrage publié par François Memmo, et intitulé : Vita e Machine di Bartolomeo Ferracino (Venise, 1754), avec le portrait du célèbre mécanicien. J. B. Verci a aussi donné un Elogio storico del famoso ingegnere Bartolo Ferracino (Venise, 1777).

Ferracino ne s’appliqua jamais à rendre aux antres raison de ce qu’il inventoit. Son premier mouvement étoit dirigé par le besoin d’obtenir tel ou tel résultat. Il marchoit ensuite, et il arrivoit au but qu’il s’étoit proposé, sans s’en douter, par la voie la plus simple et la plus ingénieuse. On chercha plus d’une fois à lui inspirer du goût pour l’étude des sciences, en lui faisant sentir combien il pourroit illustrer son siècle, s’il vouloit cultiver son esprit par la lecture des bons ouvrages, ou par des conférences avec des savans ; mais il ne put jamais s’y résoudre. Quand on lui demandoit comment il s’y prenoit pour inventer quelque chose, il se mettoit à rire, et il répondoit que c’étoit. dans le livre de la nature qu’il apprenoit tout ce qu’il savoit.

Il est mort à Solagna en 1777. La ville de Baisano lui a élevé un monument.

Le nom de Zabaglia est beaucoup plus célèbre que celui de Ferracino. Sans vouloir établir ici aucun parallèle entre ces deux élevés de la nature, en mécanique, nous croyons que la différence de leur célébrité, peut provenir aussi de la différence des théâtres, où s’exercèrent et brillèrent les inventions de ces deux talens, quoiqu’à peu près vers la même époque.

Certes quant au lieu el quant aux circonstances, l’avantage fut tout entier du côté de Zabaglia. Lorsqu’il vint au monde, de très-grands travaux avoient été terminés dans Rome. Bernin avoit achevé l’ensemble de la plus vaste construction des temps modernes, et peut-être de l’antiquité.