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Dominique Fontana, par l’érection de l’obélisque du Vatican, en face de Saint-Pierre, par le succès des moyens qu’il y employa, par les projets nombreux, et les discussions auxquelles cette grande opération donna naissance, avoit éveillé dans les esprits le goût de la mécanique, des études théoriques, et des recherches pratiques de cette science. L’immense intérieur de la basilique de Saint-Pierre étoit fini quant à la construction, mais la décoration architecturale, et ce qu’on appelle le décor mobile et temporaire, qu’exigent les fêtes et les cérémonies, tant audedans qu’au-dehors, étoient devenus un vaste champ pour les inventions des procédés usuels, nécessaires à ces travaux. Le besoin, père de toutes les inventions, ne pouvoit manquer de susciter chez quelqu’homme versé dans ces travaux, le génie qu attendoient les circonstances.

Cet homme se rencontra, et comme si la nature eût voulu faire voir, qu’en bien des genres, le génie et le sentiment des arts en précèdent l’étude et la science, le hasard fit que cet homme se trouva dans la classe la plus humble des ouvriers charpentiers, employés à la fabrique de Saint-Pierre.

Tel fut Zabaglia, simple journalier, qui ne savoit ni lire ni écrire, et n’avoit appris qu’ à employer la hache et la scie.

Toutefois, on doit l’avouer, entre tous les métiers que l’architecture fait servir à ses entreprises, il n’en est pas qui soit plus habile à exercer l’esprit, que le travail du bois, dans ses innombrables applications aux besoins de l’art de bâtir. Il n’en est pas qui présente plus de rapports à combiner, plus d’observations à faire, sur les forces propres à vaincre les résistances, à soulever les fardeaux, à élever les masses, et à les transporter. Il y a par conséquent, entre le métier du charpentier et la science de la mécanique, des rapprochemens et des affinités, qui expliquent, comment un sentiment juste et un instinct d’observation, sans le secours d’aucune étude théorique, peuvent conduire à l’invention des moyens ingénieux, que les calculs de la science consacrent et accréditent, en prouvant leur justesse, par le développement des principes qu’ignoroient leurs inventeurs.

Ainsi-on Zabaglia, compagnon charpentier, se faire remarquer de très-bonne heure, par l’attention particulière qu’il portoit au mécanisme de tout ce qui existoit de machines avant lui, et de tout ce qui s’exécutoit de son temps. Fort différent du reste des ouvriers qui, bornés à l’exécution partielle de ce qu’on leur commande, ne s’avisent jamais de rechercher les rapports de la partie qu’ils fabriquent, avec l’ensemble qu’ils ne peuvent ni deviner ni comprendre, lui, pénétrant l’intention de chaque détail, s’occupoit d’obtenir l’effet à produire par des moyens toujours plus simples.

Ce fut ainsi, que tous les objets les plus petits, comme les plus importans, qui entrent dans les nombreux assemblages de machines diverses, qu’exigent les grandes opérations de la bâtisse, se trouvèrent insensiblement, et grace à ses soins, ramenés à une beaucoup plus grande économie, et par plus de simplicité, gagnèrent plus de solidité.

Il seroit trop long d’énumérer ici en détail, tout ce qui reçut de son esprit inventif d’heureuses modifications. On comprend qu’il n’y a pas d’objet indifférent en ce genre. Depuis le clou, la vis, l’écrou, la pince, l’agrafe, la tenaille, etc. , le moufle, le cordage, jusqu’à la combinaison des grands assemblages de constructions, applicables aux travaux les plus difficiles et les plus périlleux ; depuis le plus modique agent de transport, que meut un seul homme, jusqu’aux machines compliquées, où une heureure répartition de forces motrices, épargne un grand nombre de bras ; depuis l’échelle simple jusqu’à la multiplication la plus ingénieuse et tout à la fois la plus sûre, des moyens d’ascension, depuis l’échafaud élémentaire à l’usage d’un seul ouvrier, jusqu’à ces ponts suspendus qui établissent, dans la confection ou la décoration des voûtes, de sûrs appuis et des communications faciles à des légions de travailleurs, on peut affirmer qu’il n’y a rien qui n’ait reçu des inventions de Zabaglia quelque procédé nouveau, quelque changement, quelqu’abréviation, quelque moyen jusqu’alors inconnu, devenu usuel depuis lui, et dont on jouit habituellement, sans s’inquiéter, non-seulement d’en connaître l’auteur, mais même de savoir s’ils en eurent un.

Dans la vérité, le mérite de beaucoup de ces inventions étant dans leur simplicité même, et l’habitude nous ayant familiarisé avec leur usage, chacun est porté à croire qu’il en eût fait autant. Mais c’est le sort de tout ce qui est simple, et cette opinion est en même temps le plus grand éloge qu’on puisse en faire.

Zabaglia, par sa position dans une classe des plus obscures de la société, n’ayant de fait aucun genre d’ambition, aucun moyen extérieur de se faire valoir, condamné même, et par l’esprit de son état, et par l’absence de toute culture, à rester dans sa sphère, toujours occupé, pour suivre son instinct, de produire de nouveaux procédés et de nouveaux expédiens, n’avoit jamais imaginé qu’il dût devenir célèbre. Encore moins dut-il avoir la pensée de recueillir dans un corps d’ouvrage des inventions qui, une fois sorties de ses mains, devenoient la proprié ; de tout le monde, et sur lesquelles il n’eût jamais conçu l’idée de réclamer le moindre privilège d’auteur.

Cependant par l’ordre du pape Benoît XIV et dans les dernières années de Zabaglia (en 1743), on s’étoit occupé à Rome, de publier la collection de toutes les machines dont il avoit enrichi la