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On peut dire de presque toutes les grandes villes, excepté d’un fort petit nombre, qu’elles ne furent et ne sont autre chose qu’un agrégat fortuit et successif de constructions ajoutées les unes aux autres, sans aucun dessin, sans aucune prévision de l’avenir. C’est souvent lorsqu’il n’y a plus de remède à leurs irrégularités, qu’on cherche les moyens toujours lents d’en redresser les rues et d’en symétriser les aspects. Wren crut qu’il falloit saisir l’occasion du malheur arrivé pour soumettre la réédification de Londres à un système d’ensemble, qu’en vain on attendroit des volontés particulières.

Son plan présenta de longues et larges rues, coupées à angles droit, des projets d’églises, de places, de monumens publics dans de belles positions. Des portiques variés selon les quartiers servoient de point de vue, en divers lieux, aux rues principales. Jamais programme plus vraiment idéal ne fut conçu et pour un but moins imaginaire. Il fut gravé en 1724, et l’on peut juger encore aujourd’hui, de l’impression qu’il dut faire à l’époque où il fut présenté au parlement. Il y devint le sujet d’une longue discussion. Deux opinions opposées s’y combattirent, les uns appuyèrent le projet de Wren, les autres soutinrent Qu’il falloit rebâtir sur l’ancien plan. Un troisième parti, comme cela arrive souvent, se plaça au milieu des deux et fit prévaloir son opinion. On prit une portion du nouveau plan, on en conserva une de l’ancien, et Londres manqua pour toujours l’occasion d’être le chef-d’œuvre de toutes les villes. Cependant ce qu’on adopta du projet de Wren, quant à la largeur des rues, à la grandeur des places, et à une construction en matériaux plus solides (l’ancienne étoit toute de bois), n’a pas laissé de rendre encore cette ville, une des plus remarquables de l’Europe, sinon pour l’architecture, du moins pour la régularité, l’alignement, la disposition des rues et des places.

Si Londres manqua l’avantage que lui eût procuré l’adoption du grand projet de Wren, elle y gagna toujours d’apprendre qu’elle avoit en lui un homme né pour les grandes choses. Lorsque la nature produit de pareils hommes, il semble que la société ne manque pas non plus de faire naître le besoin d’ouvrages qui soient à leur niveau. On remarque que les grandes entreprises et les grands artistes se sont toujours rencontrés, et dans cette coïncidence, on ne sauroit dire de quel côté est le premier moteur.

Jean Denham, architecte du roi, étant mort en 1668, Wren lui succéda, fut fait chevalier, et eut dès-lors la direction d’un grand nombre d’édifices publics.

Cependant Londres étoit à peine sortie de ses cendres, et déjà on projetoit d’y élever un monument qui devoit présager la grandeur future de cette ville. Il ne s’agissoit de rien moins que


de rivaliser avec la vaste basilique de Saint-Pierre de Rome : Christophe Wren fut chargé de cette noble entreprise, et dès 1675, il jeta les fondemens de Saint-Paul. On croit que dans un premier modèle qu’il composa, il avoit voulu se rapprocher des plans et du style des temples de l’antiquité. Mais l’Angleterre avoit subi pendant plusieurs siècles, comme tout le nord de l’Europe, les habitudes du genre de bâtir gothique. Les constructeurs des églises de ce genre, libres des sujétions d’une ordonnance régulière, et par conséquent de tout rapport de proportion entre les plans et les élévations, s’étoient plu à chercher la beauté et à la placer uniquement dans la grandeur linéaire, c’est-à-dire dans la longueur et la procérité des intérieurs. Wren adopta donc en plan, la disposition du plus grand nombre des églises, qui ordinairement se composent de deux parties d’une longueur égale, le chœur et la nef, que divisent (ainsi qu’on les appelle) les deux bras de la croisée.

La longueur de Saint-Paul, qui est de 450 pieds français, offre dans le milieu de cet espace une coupole de 98 pieds français de diamètre et de 208 pieds français de hauteur. Un rang de bas-côtés règne dans toute la longueur de l’église, qui se termine au bout du chœur par une apside (ou rond-point), et qui commence en avant de la nef, par un grand et spacieux vestibule. L’ordonnance intérieure est en arcades, dont les piédroits reçoivent des pilastres corinthiens, avec un entablement fort régulier. Au-dessus de est entablement règne un attique continu, sur lequel s’élève la voûte avec les fenêtres qui éclairent l’intérieur. La coupole a été fort ingénieusement construite dans une forme pyramidale que les yeux ne sauroient découvrir, et qui a singulièrement épargné l’effort de la poussée latérale.

La critique d’un semblable monument comporteroit de nombreuses et importantes considérations, que l’on ne sauroit même effleurir ici. Nous nous bornerons en peu de mots à une seule, celle qui est à la portée du plus grand nombre, je veux dire l’impression générale ou l’effet de cette architecture tant au-dedans qu’au-dehors.

S’il s’agit de l’impression que le spectateur reçoit de l’aspect intérieur, nous nous permettrons de dire qu’il est généralement médiocre. On n’y est véritablement frappé d’aucune sorte de grandeur, d’aucun caractère bien prononcé, soit de force ou de sévérité, soit d’élégance et de richesse. Les sens et l’esprit y voudroient ou plus de simplicité, ou plus de variété. Quelque chose de nu, de pauvre et de froid s’y fait sentir. En un mot, on entre dans Saint-Paul sans étonnement, on en sort sans admiration.

Quant au mérite et à l’effet de l’architecture, l’extérieur nous paroît l’emporter sur l’intérieur. Nous le disons d’abord de la coupole, dont la forme, la courbe et la décoration sont fort belles ;