Poésies de Benserade/Texte entier

Poésies de Benserade
Poésies de Benserade, Texte établi par Octave UzanneLibrairie des bibliophiles (p. ----).


POÉSIES

DE

BENSERADE











tiré à 517 exemplaires :
500 sur papier de Hollande.
15 sur papier de Chine.
2 sur parchemin.







POÉSIES


DE


BENSERADE


PUBLIÉES PAR


OCTAVE UZANNE




PARIS
LIBRAIRIE DES BIBLIOPHILES
RUE SAINT-HONORÉ, 338


M DCCC LXXV

Portrait de Benserade



AVERTISSEMENT.


Nul ne dupe entièrement son époque, et dans les réputations les moins fondées il y a quelque chose de vrai.
Th. Gautier.


Réimprimer BenseradeSingulière idée ! vont s’écrier quelques personnes à l’apparition de ce livre.

Boileau, songeront-elles, a fait justice depuis longtemps de tous ces précieux poètes de cour, et nous croyions que Molière les avait à jamais écrasés sous le ridicule de Vadius et de Trissotin.

Nous en avons jugé autrement. Les poésies de Benserade nous semblent dignes de paraître sous un nouveau jour, et peut-être ne feront-elles que précéder les œuvres poétiques des Sarrasin, Voiture, Scarron, Colletel et autres beaux esprits du XVIIe siècle qui, selon nous, sauront reconquérir l’estime des vrais bibliophiles, auxquels nous offrons avec confiance cette première réimpression.

Charles de Sercy a réuni dans l’édition de Paris 1697 (2 volumes in-12), les poésies diverses de Benserade reproduites, selon la copie, un an plus tard en Hollande.

Cette unique édition est compacte et défectueuse. Le texte en est incorrect, les vers y clochent trop souvent, et la ponctuation est faite à l’aventure.

Dans le premier volume, renfermant les pièces diverses, les Œuvres de notre poète sont jetées sans suite, noyées pour ainsi dire dans un fatras emphatique : louanges au Roi, kyrielles de rimes sur commande, impromptus surannés, un choix de rondeaux tirés des malheureuses métamorphoses d’Ovide, vient ajouter à la fadeur de ces pâles platitudes dont l’ennuyeuse lecture semble faire ombre aux poésies fraîches et légères de Benserade.

Nous ne parlerons pas du second volume : — les ballets, composés pour Sa Majesté et dansés par le Roi, font tous les frais de cette seconde partie.

Ne pouvant pour cette réimpression nous appuyer que sur la lourde édition dont nous faisons mention, nous nous trouvions placé dans cette alternative ou de sacrifier l’onéreux Benserade, par respect pour le texte, ou de le rajeunir, de l’alléger de son fardeau de panégyriste, afin d’offrir aux lettrés une véritable première édition de ses poésies galantes.

Rééditer un auteur après un si grand laps de temps, c’est l’améliorer ; et quand il revient au jour dans la nouvelle parure d’une réimpression, on doit, à notre avis, abandonner sans regrets à sa vieille édition toutes ses erreurs jointes à celles de sin éditeur.

Dans Benserade, le courtisan abâtardissait le poète : nous avons autant que possible atténué celui-là, pour ne présenter que celui-ci.

Le tome II de l’édition de Sercy a été sacrifié. Nous présentons nos excuses aux amateurs de ballets, mais nous avouons que ces ballets, aujourd’hui démodés, ne sauraient avoir qu’un médiocre intérêt.

Dans le premier volume, nous avons dû couper et aérer.

C’est ainsi que de pauvres petits madrigaux ou de charmants sonnets, qui se trouvaient englobés dans des stances d’une longueur désespérante, reviennent au jour dégagés, et se carrent en pleines marges.

Les Caprices à la Gloire personnelle du Roy, les Stances Sur le portrait du Roy, Sur la Petite Vérole du Koy, Sur le Mariage, la Guérison, la Gloire du Roy, ont été retirés y ainsi que toutes les pièces banales et d’un goût douteux, où l’homme de cour semble avoir pris plus de part que le poète.

Nous nous sommes enfin appliqué à reproduire la physionomie générale du texte, et nous avons suivi l’orthographe originale, sans toutefois pousser le scrupule jusqu’à conserver les fautes apparentes et grossières. Si l’orthographe, dans son ensemble, n’a pas toute l’homogénéité d’une édition du XVIIe siècle, nous en reportons le grief contre Charles de Sercy, l’éditeur responsable au premier chef.

Ne tenant pas compte d’une ponctuation où les points figuraient au milieu des phrases, nous avons dû la reconstituer selon la logique et le bon sens. Nous avons fait également de notre mieux, en certains points, pour faire comprendre l’idée du poète, et redresser des vers que son éditeur avait faussés. Bref, nous croyons avoir mené à bien une entreprise qui présentait certaines difficultés dans son exécution.

Le nom de Benserade s’écrivit de différentes façons : BENSSERADDE, BENSSERADE, et enfin BENSERADE ; c’est à cette dernière transformation, la plus moderne et la plus simple, que nous nous sommes arrêté.

Devons-nous encourir le blâme pour les licences forcées que nous avons prises ? Nous ne le pensons pas, et nous sommes convaincu que les bibliophiles nous sauront gré de notre travail sur un poète dont l’abandon devenait plus complet en raison des défauts multiples de son unique édition.

Puisse Benserade retrouver parmi les érudits d’aujourd’hui un regain de sa gloire d’autrefois.


O. U.


PRÉFACE


SUR LA VIE ET LES ŒUVRES DE BENSERADE.




Que de son nom chanté par la bouche des belles,
Benserade en tous lieux amuse les ruelles.

Boileau.


Isaac de Benserade, un des poètes les plus connus du commencement du XVIIe siècle, est à coup sûr un des moins édités.

Son nom revient si souvent dans les anecdotes et historiettes du temps, sa personnalité acquiert un si haut relief et semble si fêtée à l’aurore du grand siècle, ses poésies enfin portent une empreinte si nettement marquée du caractère particulier à son époque, que nous nous sommes attaché à l’idée de publier les œuvres légères de ce bel esprit.

La postérité fut peut-être un peu froide, sinon injuste pour Benserade, et s’il n’avait eu la vaniteuse sagesse d’escompter la gloire de son vivant, il courrait grand risque de rester à jamais dans l’ombre, en dépit des maigres silhouettes de sa personne, tracées çà et là de nos jours, parmi des portraits d’oubliés et d’extravagants, ou des études poétiques sur le XVIIe siècle.

Notre poëte mérite cependant plus de considération qu’on ne paraît lui en accorder, car si le nom de Molière ne s’était pas dressé, superbe et accaparant dans son despotisme de gloire, Benserade serait certes regardé encore aujourd’hui comme une des plus curieuses originalités littéraires de la cour du grand Roi.

L’auteur du Misanthrope, à ses débuts, ne dédaigna pas de glaner ses succès dans la manière et le style de Benserade ; il rivalisa même avec lui pour les ballets du Roi, et ne prit pied à la cour qu’en longeant, en quelque sorte, la voie audacieuse que ce dernier s’y était tracée.

Avant la redoutable apparition de Molière, trois poëtes étaient jugés grands et originaux : Voiture, Benserade et… Corneille. La cour professait son estime pour les deux premiers, mais le public préférait l’autre. Le temps s’est fait grand justicier d’une appréciation qui nous étonne et nous fait sourire, aussi n’aurons-nous pas l’outrecuidance d’en appeler en faveur de notre protégé. Nous ne dirons pas avec le prince de Conti, que ce Monsieur de Benserade est un grand génie, nous penserons qu’une telle louange revient à Corneille, et que Benserade, par son talent, n’est pas indigne de la réimpression que nous lui accordons aujourd’hui.

« Jamais on ne vit personne s’élever à si peu de frais que le poëte Benserade, dit Paul de Musset[1], et c’est presque le seul homme de mince origine qui ait marché de front avec les grands à la cour de Louis XIV. »

En effet, Isaac de Benserade naquit en 1612 à Lyons-la-Forêt, petite ville de Normandie, où son père était modeste employé des domaines. De famille huguenote[2], il fut baptisé au temple des gens de sa religion et eut nom Isaac.

Bien que jeune, Benserade, qui prévoyait peut-être sa destinée et le tort que lui ferait une religion contraire aux croyances de la cour, abjura, et fut confirmé à huit ans par l’évêque de Dardanie.

Ce prélat, désirant lui voir changer son nom juif contre un autre plus conforme au catholicisme, pressait fort le jeune Isaac à ce sujet.

« Je changerai volontiers, dit-il, pourvu qu’on me donne du retour. »

L’évêque fut surpris de ce mot chez un enfant de cet âge, et répondit qu’on devait lui laisser un nom qu’il semblait si bien faire valoir.

À douze ans, Benserade perdait son père et se trouvait, du même coup, seul au monde et sans fortune. Il vint faire ses études à Paris, mais ses classes étaient à peine achevées que le précoce poëte, négligeant la Sorbonne pour le théâtre, s’amourachait d’une certaine Belroze, actrice de l’hôtel de Bourgogne, et y faisait recevoir une tragédie en cinq actes.

C’était sa Cléopâtre, imprimée en 1636[3], et dédiée à Monseigneur l’Éminentissime cardinal, duc de Richelieu, avec une épître fort bien tournée et un sonnet où Cléopâtre parle, et qui débute ainsi :

 
Je reviens des enfers d’une démarche grave.
Non pour suivre les pas d’un César, mais d’un Dieu,
Ce que je refusois de faire pour Octave
Ma générosité le fait pour Richelieu.

Qu’il triomphe de moy, qu’il me traite en esclave,
Rien ne peut m’empécher de le suivre en tout lieu.
Et le char d’un vainqueur si puissant et si brave
Mérite qu’une Reine en soutienne l’essieu.


Le ministre fut flatté de la dédicace du poëte de dix-huit ans. Il trouva que ce garçon rimait fort agréablement, et comme on lui annonçait qu’il était quelque peu son parent[4], Son Éminence accorda une pension de huit cents livres au jeune Benserade.

Le début était encourageant pour un écolier, aussi commença-t-on à parler du nouveau poëte, à la ville et à la cour, aux petits levers et aux soupers ; et la tragédie de Cléopâtre, qui fut jouée, reçut force applaudissements. L’amiral de Brézé s’enthousiasma tellement pour les tirades de Marc-Antoine, qu’il supplia l’auteur d’accepter son amitié, c’est-à-dire qu’à la mode du temps, il lui ouvrit sa maison et lui offrit, outre le logement et le couvert à sa table, sa bourse[5] et sa protection.

Benserade n’eut garde de refuser une pareille aubaine, il devint l’ami de l’amiral, et transforma son salon en un foyer littéraire où les beaux esprits du jour aimèrent à se rencontrer.

Ce fut là que Benserade lia connaissance avec le petit Michel, depuis le fameux Lambert, pour lequel il fit, dans la suite, la plus grande partie des paroles que cet illustre chanteur mit en musique.

L’étoile du poëte qui s’annonçait si bien faillit néanmoins pâlir un instant. L’amiral de Brézé fut tué d’un coup de canon[6], et Richelieu mourut.

La mort de l’Éminence ne parut que peu chagriner l’ingrat, mais sa pension lui était plus à cœur, car il exhala sa plainte dans ces quatre vers blessants pour l’ombre du grand Armand :


Cy-gist : ouv gist par la mortbleu
Le cardinal de Richelieu,
Et ce qui cause mon ennuy,
Ma pension avecque luy.


La perte n’était pas cependant irréparable, car peu après la reine mère lui constitua une autre pension de trois mille livres, ce qui, joint aux libéralités de certaines dames, lui permit de vivre très-convenablement à la cour.

Ces dons féminins, dont nous parlons, ne semblaient pas effaroucher outre mesure la pudeur des poëtes de l’époque, et l’on ne saurait en vouloir à Benserade, lorsqu’en lisant les stances sur une Voye de Bois[7], on remarque le ton dégagé et badin avec lequel il remercie une présidente anonyme du présent qu’elle lui doit envoyer.


Et quand je suis sans bois, m’en promettre une voye,
C’est une douce voye à me gagner le cœur.


Tallemant des Reaux[8], en chroniqueur mauvaise langue, prétend qu’il a ouï parler de la protection que Mme la comtesse de La Roche-Guyon accordait au poëte, par un caprice amoureux de cette extravagante. Il ajoute même que, pour le tenir plus près d’elle, la vieille coquette l’installe dans un hôtel voisin du sien, où rien ne lui manque. La vaisselle d’argent brille sur sa table, il dispose d’un carrosse à couronnes et de trois laquais, et comme Benserade est rousseau, ses ennemis disent que la comtesse se ruine en parfums et en bains de toutes sortes.

La vérité est que Benserade se brouilla vivement avec elle ; et les stances contre une vieille[9], qu’il fit plus tard, nous semblent fort s’adresser à la pauvre comtesse.

Le succès de Cléopâtre ayant enhardi l’heureux tragédien, Benserade fit successivement : Iphis et Iante, comédie, 1637 ; La Mort d’Achille, 1687 ; Gustaphe, ou l’Heureuse Ambition, tragi-comédie, 1637 ; Méléagre, tragédie, 1641 ; et La Pucelle d’Orléans, tragédie, 1642[10].

Il composa également, en 1638, une paraphrase en vers sur les neuf leçons de Job, qui reçut l’approbation de Balzac et des autres savants de Rambouillet, et qui devait servir de point de départ au Sonnet de Job.

Mazarin, alors ministre, appréciait énormément le mérite de Benserade, et il disait volontiers que ses vers ressemblaient beaucoup à ceux qu’il avait faits dans sa jeunesse, à la cour du Pape.

Aussi l’économe cardinal l’assura de sa protection, et, chose étonnante, il lui fît une pension de deux mille livres en attendant les rentes plus considérables qu’il devait lui abandonner plus tard sur un évêché et deux abbayes.

Le protégé du cardinal ne tarda pas à être l’ami du jeune Roi. Louis XIV était alors amoureux, et les princes, en cette qualité, aimant à s’entourer d’un poëte pour chanter discrètement leur flamme, ce fut Benserade qu’il choisit et qu’il fit tour à tour rimer pour Mme de Hautefort, Mlle de La Vallière, et plus tard pour la Montespan.

Il était admis dans l’intimité du monarque, et avec Dangeau, le marquis de Vardes, le comte de Guiche et Lauzun, il faisait partie du petit cercle qui se réunissait chez Mlle de La Vallière, laquelle l’avait pris en grande amitié. Dans ces réunions, où les rigueurs de l’étiquette étaient adoucies, Benserade démontrait son incontestable supériorité à faire les bouts-rimés, le grand délassement à la mode, pour lequel le Roi professait une estime toute particulière.

La fortune du poëte marchait donc rapidement. La célèbre Christine de Suède, qui avait lu ses ouvrages, en parlait avec admiration dans une lettre à la reine mère, et il fut bel et bien question d’envoyer Benserade comme ambassadeur à Stockholm[11] ; mais, étant survenu quelques affaires pressantes, malgré les préparatifs de départ qui se trouvaient faits[12], l’ambassade échoua, et Scarron put dater une de ses épistres[13] :


L’an que le sieur de Benserade
N’alla pas à son ambassade.


Le pauvre ambassadeur resta donc à Paris. Il commença à donner ces fameux ballets qui, par leur originalité, eurent tant de succès, et lui procurèrent auprès du Roi toutes les aimables faveurs que Molière devait récolter plus tard. Il avait une adresse toute particulière dans ces vers, et ce fut une innovation à la cour.

« Avant lui, dit Perraut[14], dans l’entrée de Jupiter foudroyant les cyclopes, les stances ne parlaient de Jupiter que comme Jupiter et en Jupiter, et pas du tout de la personne qui le représentait. M. de Benserade tourne les vers de façon qu’ils s’entendent de l’un et de l’autre…, le coup porte sur le personnage et le contrecoup sur la personne, ce qui donne un double plaisir en donnant à entendre deux choses qui, belles séparément deviennent encore plus belles étant jointes ensemble. »

Malheureusement l’on ne saurait apprécier aujourd’hui toutes les allusions vives et piquantes répandues dans ces ballets. L’auteur y peignait les inclinations, les attachements, et jusqu’aux aventures les plus secrètes des personnes de la cour. Toutes ces stances, si fort applaudies jadis, ne nous offrent plus qu’un intérêt littéraire médiocre, et c’est tout au plus si quelques chercheurs pourraient reconstruire, d’après ces données poétiques, les caractères et l’individualité de certains personnages marquants.

Benserade, à cette époque, était la coqueluche des précieuses, et La Bruyère semble l’avoir pris pour modèle dans le portrait de Théobalde[15], l’engouement des Philamintes et des Bélises, qui, sur sa moindre parole, s’écriaient : Cela est délicieux ; qu’a-t-il dit ?

Ses bons mots, ses épigrammes, ses pointes, comme on disait alors, étaient dans toutes les bouches et se transmettaient comme choses sur lesquelles on n’aurait su trop s’extasier.

Ce fut à peu près vers 1651 que les deux sonnets de Voiture et de Benserade partagèrent la cour et la ville, les salons et l’Académie. Toutes les pièces rassemblées de ce petit procès littéraire formeraient certainement plusieurs in-folio.

Voiture venait de mourir en 1648, et son sonnet à Uranie avait été recueilli par ses amis comme le dernier soupir de sa muse. Le sonnet de Job parut, et voilà la guerre civile du bel esprit allumée.

Le sonnet de Benserade fit fureur ; tout ce qu’il y avait d’amoureux à la mode, tous les languissants et les mourants du jour, trouvèrent admirable de peindre ainsi son martyre :


Il souffrit des maux incroyables,
Il s’en plaignit, il en parla :
J’en connois de plus misérables.


Le sonnet de Voiture se présentait avec un tout autre caractère.

« Il était de l’élégance la plus parfaite, dit Victor Cousin[16], un peu molle il est vrai, mais relevée, et animée d’un certain accent passionné, qui, sans éclater dans aucun trait particulier, se faisait partout doucement sentir. »

La cour se divisa en deux camps : les Jobelins et les Uraniens[17] ; le prince de Conti tenait le parti de Benserade contre Voiture, et Mme de Longueville, sa sœur, défendait en revanche Voiture contre Benserade, ce qui fit dire à Mlle de Scudéri :


À vous dire la vérité,
Le destin de Job est étrange,
D’être toujours persécuté,
Tantôt par un démon et tantôt par un ange.


Balzac composa une dissertation en treize chapitres[18] sur ces deux sonnets qu’il analyse, mot par mot, vers par vers, en rendant à chacun son mérite, et Corneille entra lui-même en lice, prenant parti pour Job contre Uranie, dans un sonnet[19] où il n’hésite pas à dire que celui de Voiture est sans doute mieux rêvé, mieux conduit, mieux achevé, mais qu’il voudrait avoir fait l’autre.

Les choses menaçaient de s’éterniser, et Mme de Longueville écrivait[20] que les ministres devraient s’occuper de cette affaire plutôt que des assemblées de noblesse, quand Mlle de La Roche du Maine, fille d’honneur de la reine, vint mettre fin à la guerre et apaiser les partis.

Comme on la priait de se prononcer pour l’un des deux sonnets, elle choisit au hasard, et croyant donner sa voix à Job elle prononça Tobie.

Le mot fit rire ; on le colporta partout, et chacun de s’écrier que La Roche du Maine avait plus d’esprit que tout le monde et qu’on devait se déclarer pour Tobie.

Il fallait que les passe-temps du jour fussent bien frivoles, pour que deux sonnets qui nous paraissent si inoffensifs aujourd’hui aient déchaîné de telles passions, et Sarrasin semblait juger sainement son époque en écrivant ceci :

« Nous sommes en un temps où tout le monde croit avoir le droit de juger de la poésie, de laquelle Aristote a fait son chef-d’œuvre, où les ruelles de femmes sont des tribunaux des plus beaux ouvrages, où, ce qui fut autrefois la vertu de peu de personnes devient la maladie du peuple et le vice de la multitude. »

Lorsque Benserade fut reçu à l’Académie française (le 17 mai 1674), il était âgé de plus de soixante ans. Il avait dans la docte assemblée un grand empire sur ses confrères et ce fut à lui que l’on dut en partie l’élection de La Fontaine. Le jour de la réception de M. Corneille le jeune[21], il lut à l’Académie une pièce qui fut extrêmement applaudie : c’est le portrait en raccourci des quarante académiciens par rapport à leurs personnes, à leurs talents, à leurs aventures et à leur fortune. Il parle avec liberté de chacun d’eux, mais avec ce tour fin et inimitable dont il s’est servi si souvent.

Furetière, dans ses factums, s’élève très-souvent contre Benserade qu’il désigne quelquefois sous le nom d’Alvarade. Ce fut un de ceux avec La Fontaine qu’il prit le plus à parti, mais Benserade eut beaucoup de défenseurs, et nous trouvons dans une lettre du comte de Bussy-Rabutin à Furetière, en date du 4 mai 1686, cette vigoureuse défense du poëte :

« M. de Benserade est un homme de naissance dont les chansonnettes, les madrigaux, les vers de ballet, d’un ton fin et délicat, et seulement entendu par les honnêtes gens de la cour, ont diverti le plus honnête homme et le plus grand roy du monde.

« Ne dites donc pas, s’il vous plaist, que monsieur de Benserade s’étoit acquis quelque réputation pendant le règne du mauvais goût, car, outre la fausseté de cette proposition, elle seroit encore criminelle.

« Pour les proverbes et les équivoques que vous lui reprochez, il n’en a jamais dit que pour s’en moquer ; enfin, c’est un génie singulier qui a plus employé d’esprit dans ses badineries, qu’il n’y en a dans la plupart des poëmes les plus achevés[22]. »

Benserade entreprit, quelque temps après sa réception à l’Académie, de mettre les Métamorphoses d’Ovide en rondeaux. Cet ouvrage, à l’usage de Monseigneur le Dauphin, fut imprimé supérieurement et enrichi de gravures de Leclerc et Lepautre, aux dépens du Roi, qui dépensa plus de dix mille livres pour cette édition[23].

Les rondeaux n’eurent aucun succès et tombèrent à plat, ils donnèrent cependant lieu à un rondeau épigrammatique, attribué jusqu’ici à Chapelle, mais qui est réellement d’un sieur Stardin. Cette satire si élégamment mordante eut plus de succès que tous les rondeaux de Benserade. La voici :


À la fontaine où l’on puise cette eau
Qui fait rimer et Racine et Boileau
Je ne bois point, ou bien je ne bois guère ;
Dans un besoin, si j’en avois affaire,
J’en boirois moins que ne fait un moineau.
Je tirerai pourtant de mon cerveau
Plus aisément, s’il le faut, un rondeau,
Que je n’avale un plein verre d’eau claire
À la fontaine.

De ces rondeaux, un livre tout nouveau
À bien des gens n’a pas eu l’art de plaire,
Mais, quant à moi, j’en trouve tout fort beau,
Papier, dorure, images, caractères,
Hormis les vers qu’il falloit laisser faire
À La Fontaine.


Il semble que Benserade ait voulu se défendre de donner cet ouvrage des Métamorphoses à l’impression, car il composa une préface et un errata en rondeau, dont voici la fin :


Pour moi, parmi des fautes innombrables,
Je n’en connois que deux considérables
Et dont je fais ma déclaration :
C’est l’entreprise et l’exécution,
À mon avis, fautes irréparables
Dans ce volume.


Il est impossible de faire une confession plus franche de ses fautes. L’auteur des Métamorphoses ne les fit imprimer que contraint par Louis XIV, qui trouvait l’idée des rondeaux sans doute fort à son goût, et le poëte ajoute dans sa préface :


Comme on défère au sentiment d’autrui,
Une personne en crédit aujourd’hui
Veut que j’imprime, ai-je pu l’en dédire !
Cette personne est le roi, notre Sire,
Il ne fait pas trop bon le contredire.
Il l’a voulu, prenez-vous-en à lui
Si j’ai mal fait.


L’échec de ses rondeaux fut néanmoins sensible à Benserade, jusqu’alors habitué aux succès, car il ne composa plus que deux cents fables d’Ésope réduites en quatrains, dont trente-neuf ont été gravées au labyrinthe de Versailles.

Après cet ouvrage, non-seulement il ne donna plus rien au public, mais encore il se retira du monde et ne parut plus à la cour.

Il vécut dans sa petite maison de Gentilly, se livrant aux douceurs du jardinage, et gravant sur les arbres de son jardin des inscriptions poétiques, n’oubliant pas d’y faire représenter ses armes surmontées d’une couronne de comte[24]. À soixante-quinze ans, Benserade écrivait encore :


Adieu, fortune, honneurs, adieu, vous et les vôtres ;
Je viens ici vous oublier.
Adieu toi-même, amour, bien plus que tous les autres
Difficile à congédier.


Isaac de Benserade mourut dans sa maison de Gentilly, âgé de 78 ans, regretté, dit l’abbé Tallemant, de toute la cour et de tous les honnêtes gens.

Nous avons raconté sommairement la vie du poëte en notant ses œuvres ; nous serions mal venu de faire une appréciation littéraire de tous ses ouvrages après la louange de Benserade par M. Pavillon, son successeur à l’Académie, et la réponse du savant Charpentier. Nous ne pourrions mieux parler du poëte que l’abbé d’Olivet, dans son Histoire de l’Académie, que Baillet, dans ses Jugements des Savants, et que Perraut dans ses Hommes illustres.

Les œuvres de Benserade ont surtout attiré notre attention par ce caractère de préciosité affectée qui les feront évidemment condamner par les uns, mais apprécier par les autres.

Cette première réimpression des poésies de Benserade montre que nous nous rangeons parmi ces derniers.

Le public, meilleur juge, nous donnera tort ou raison.

Octave Uzanne.





SONNETS SUR LA BEAUTÉ

ET SUR LA LAIDEUR


SONNET.


Lautre jour, me sentant pressé
D’écrire en vers avec un zèle
Purement désintéressé
Et sur la laide et sur la belle,

Des neuf sœurs je fus caressé.
J’eus recours à la plus fidèle,
À qui je me suis adressé
Toujours quand j’avois besoin d’elle.

Elle m’inspira tout le miel
Qu’il faut pour plaire, et tout le fiel
Que l’on répand sur ce qui tache ;

Et bien, loin d’en estre éconduit,
La Muse applaudit à ma tâche.
Et me dicta tout ce qui suit.


Sur la Beauté.

PREMIER SONNET.


Bouche vermeille au doux sourire,
Bouche au parler délicieux,
Bouche qu’on ne sçauroit décrire,
Bouche d’un tour si gracieux ;

Bouche que tout le monde admire,
Bouche qui n’est que pour les dieux,
Bouche qui dit ce qu’il faut dire,
Bouche qui dit moins que les yeux ;

Bouche d’une si douce haleine,
Bouche de perles toute pleine,
Bouche enfin sans tant biaiser ;

Bouche la merveille des bouches,
Bouche à donner de l’âme aux souches,
Bouche, le diray-je ? à baiser.


Sur la Laideur.

SONNET II.


Bouche à qui convient laide offrande,
Bouche pernicieux museau,
Bouche livide, pasle et grande,
Bouche où s’échappa le ciseau ;

Bouche qui boit son vin sans eau,
Bouche que chacun appréhende,
Bouche, bec d’un terrible oiseau,
Bouche, il faut bien qu’on te le rende.

Bouche qui ne sent guère bon,
Bouche où les dents sont de charbon,
Bouche, gueule, enfin que m’importe ?

Bouche, te voit-on sans frémir ?
Bouche propre à faire vomir,
Bouche, que le diable t’emporte.


Sur la Beauté.

SONNET III.


Beaux yeux dont l’atteinte profonde
Trouble des cœurs incessamment,
Le doux repos qui ne se fonde
Que sur un si doux mouvement,

De tout ce qu’on dit en aimant,
Beaux yeux, source vive et féconde ;
Beau refrain, doux commencement
Des plus belles chansons du monde ;

Beaux yeux qui sur les cœurs avez
Tant de puissance, et qui sçavez
Si bien jouer de la prunelle ;

Beaux yeux, divin charme des sens,
Vôtre amour est en sentinelle
Pour attraper tous les passans.


Sur la Laideur.

SONNET IV.


Petits yeux ridez par le coin,
Qu’est-il de pis sous l’hémisphère ?
Trop heureux qui vous voit de loin,
De prés c’est une triste affaire.

Il n’y faut tendresse ni soin,
Est-il rien qu’on ne leur préfère,
Pétillans d’un sale besoin
Qu’on ne daigneroit satisfaire ?

Celle à qui sont de pareils yeux,
Pire qu’une comette aux cieux,
Menace tout ce qu’elle lorgne.

Elle veut plaire néanmoins,
Et, si tel objet étoit borgne,
Ce seroit un défaut de moins.


Sur la Beauté.

SONNET V.


Nez des beautez le préalable,
Dont il assortit les appas,
Qui, sans être fait au compas,
N’en est guère moins agréable ;

Ce n’est point le nez qu’on accable
De louanges en pareil cas :
C’est par les défauts qu’il n’a pas
Que le nez est plus remarquable.

Court, il est par fois dangereux ;
Long, nuit aux baisers amoureux
Où la tendresse s’abandonne.

Nez taillé comme il faut qu’il soit,
Et pour la bouche qui les donne,
Et pour celle qui les reçoit.


Sur la Laideur.

SONNET VI.


Nez fort indigne de nos vœux,
Qui trop affecte de paroistre
Toûjours reniflant et morveux,
Bien qu’il soit hors d’âge de l’être ;

Je ne croy pas qu’il vienne à naître
Un tel nez parmy nos neveux.
Chez eux tel nez sera le maître,
S’il n’est pas le plus beau chez eux.

Nez à camouflet, à nazarde,
Qui fait peur à qui le regarde,
Célèbre entre les bourjonnez ;

Nez basti d’une étrange sorte,
Je dis à celle qui vous porte :
Mon cœur n’est pas pour vôtre nez.


Sur la Beauté.

SONNET VII.


Teint d’une merveille naissante,
Teint d’où rejaillit sur ses pas
Une lumière éblouïssante,
Teint qui couronne tant d’appas ;

Teint de fraîcheur réjoüissante,
Teint vif, et des plus délicas,
Teint de jeunesse appétissante,
Teint qui fait par tout du fracas ;

Teint qui les autres teints surpasse,
Teint qui, du moment qu’elle passe,
Rend tous les chemins embellis ;

Teint pur où l’incarnat des roses
Se mêle à la blancheur des lys,
Et confond les plus belles choses.


Sur la Laideur.

SONNET VIII.


Teint de femme ayant trop repu,
Teint qui reluit d’un soin frivole,
Teint qui marque un sang corrompu,
Où le fard s’attache et se cole ;

Teint où tout du pis qu’elle a pû
A fait la petite vérole ;
Teint labouré, chemin rompu :
Champ que la grêle enfin désole ;

Teint grossier marqué de rousseurs.
Que je peus dire des douceurs ;
Teint d’une jaunisse incurable,

Te voir est un fort grand malheur ;
Mais qui te rendroit la couleur
Seroit encor plus misérable.


Sur la Beauté.

SONNET IX.


Beau sein déjà presque remply,
Bien qu’il ne commence qu’à poindre ;
Tetons qui ne font pas un ply,
Et qui n’ont garde de se joindre ;

De jeunesse ouvrage accomply,
Que du fard il ne faut pas oindre.
Si l’un est rond, dur et poly,
L’autre l’égale et n’est pas moindre.

Sein par qui les dieux sont tentez,
Digne échantillon de beautez
Que le jour n’a point regardées ;

Il garantit ce qu’il promet,
Et remplit toutes les idées
Du paradis de Mahomet.


Sur la Laideur.

SONNET X.


Pendantes et longues mamelles
Où les perles ni l’oripeau
N’imposent à pas un chapeau,
Molles et tremblantes jumelles ;

Tetasses de grosses femelles
À couvrir d’un épais drapeau ;
Peau bouffie et rude, moins peau
Que cuir à faire des semelles ;

De vieille vache aride pis ;
Que ne puis-je dire encor pis,
D’un sein qui tombe en pourriture ?

Sein d’où s’exhale par les airs
Un air qui corrompt la nature ;
Sein propre à nourrir des cancers.


Sur la Beauté.

SONNET XI.


Taille à charmer qui l’examine,
Taille autour de qui sans dessein
Des amours vole un tendre essein,
À la beauté joignant la mine ;

Taille de personne divine
Où tout est jeune, frais et sain,
Taille qui n’exclud pas le sein,
Quoique légère, aisée et fine ;

Taille riche pleine d’appas,
Et que les mortelles n’ont pas,
À qui nous rendons tous les armes ;

Heureux qui vous résistera.
Taille où brillent de si doux charmes,
Plus heureux qui vous gâtera.


Sur la Laideur.

SONNET XII.


Taille de chétive étenduë,
Qu’icy pourtant nous étalons ;
Courte, quoiqu’empruntée et duë
À la hauteur de ses talons ;

Taille rarement attenduë
Dans ses magnifiques salons ;
Taille où se trouve confonduë
La cadence des violons ;

Taille enfin de ces mal-adroites
Qui ne laissent pas d’être droites,
Bien que tout y semble à rebours ;

Soit qu’elles soient maigres ou grasses,
Taille où paroissent les amours
En querelle avecque les grâces.


Sur la Beauté.

SONNET XIII.


Mains d’une blancheur nette et pure,
Qui font tout avec agrément,
Et touchent les cœurs proprement
Sans se souiller d’aucune ordure ;

Bras d’une divine structure.
Qui, s’entrelassant tendrement,
Seroient d’un bien-heureux amant
La plus précieuse ceinture ;

Mains qu’on ne sçauroit trop priser,
Bras qu’on ne sçauroit trop baiser,
Mains belles et peu secourables ;

Belles jusques au bout des doigts,
Beaux bras d’un corps plus beau cent fois,
D’un beau tronc branches adorables.


Sur la Laideur.

SONNET XIV.


Mains de servante qui s’entend
À bien travailler au ménage,
Vous n’avez rien de ragoûtant
Pour le plus simple badinage.

Tel à qui de tels bras on tend
Jouë un fort mauvais personnage.
Pour moy, j’aimerois tout autant
Passer un bras de mer à nage.

Mains où de noblesse on ne voit,
Du pouce jusqu’au petit doigt,
Luire nuls traits et nulles marques ;

Bras menus, fragiles rozeaux,
Vous ressemblez aux bras des Parques,
Ou, pour mieux dire, à leurs fuseaux.


Sur la Beauté et la Laideur.

SONNET XV.


Spectacle aussi piquant que doux,
Petits pieds plus blancs que l’albâtre,
Pieds que l’Amour même idolâtre
Comme un de ses plus fins ragoûts ;

Vilains pieds d’un corps pleins d’égouts,
Où chaque mouche est une emplâtre,
Et qui, fardez du même plâtre,
Produisent les mêmes dégoûts ;

Beaux pieds reconnus à leur trace,
Qui marchent de si bonne grace,
Et qui charment les regardans ;

Pieds laids, dignes d’un laid visage,
Maudits pieds tournez en dedans,
Et qui sont de mauvais présage.


Sur la Beauté.

SONNET XVI.


Chacune de vous deux abonde
En talans que nous déclarons :
L’une a des jeux fins et larrons,
L’autre sur l’embonpoint se fonde.

Je suis le plus trompé du monde,
Ou l’une a de beaux genoux ronds.
Je ne dis rien des environs,
Tant je craindrois que l’on me gronde.

Pour l’autre, elle est d’une maigreur,
Et cela soit dit sans aigreur,
Qu’on ne voit en femme ni fille.

Parler icy de ses genoux,
Ce n’est discourir, entre nous,
Que sur la pointe d’une aiguille.


Sur la Beauté et la Laideur.

SONNET XVII.


Cheveux de longueur surprenante
Qui, séparez par le milieu,
À cette belle tenez lieu
D’une robe épaisse et traînante ;

Cheveux de laideur étonnante,
Clair-semez aussi droit qu’un pieu,
Et plantez comme il plaist à Dieu
Sur une tête impertinente ;

Beaux cheveux fins et déliez
Serrant le cœur que vous liez,
Pouvez-vous faire un nœud qui rompe ?

Vous pleins de lentes et de poux,
Vilains cheveux gras, qu’avez-vous
Qui nous tente et qui nous corrompe ?


Sur la Beauté et la Laideur.

SONNET XVIII.


De toutes deux mes vers hardis
Vont instruire la terre et l’onde.
L’une comme Cérès est blonde,
Et je maintiens ce que je dis.

L’autre est comme Io, qui jadis
Sous poil de vache, par le monde
Couroit, errante et vagabonde,
Des chauds climats aux refroidis.

Si des deux l’une a l’encolure
De Cérès et sa chevelure,
Le reste suit visiblement.

Et, sans que l’autre s’en courrouce,
N’est-ce pas dire qu’elle est rousse,
Assez intelligiblement ?


Sur la Beauté.

SONNET XIX.


Quel esprit doux, poly, charmant,
Où la grâce est si familière,
Répand sur tout vôtre agrément
Une vertu particulière ?

Il vous rend sage, régulière :
C’est vôtre plus digne ornement,
Et d’une beauté singulière
Singulier accompagnement.

C’est ce rayon qui nous enflâme,
Et de vos beautez il est l’âme.
Il tempère en vous la rigueur,

Se fait sentir, se fait entendre ;
En vous il excuse le cœur
De ce que le cœur n’est point tendre.


Sur la Laideur.

SONNET XX.


De beauté, vous n’en avez nulle,
Tant la nature mal s’y prit.
Et qui jamais vous entreprit ?
Quand vous avancez, on recule.

Toûjours le même préambule,
Soit en discours, soit par écrit :
Ô que vous avez peu d’esprit !
Et que vous estes ridicule !

Laide et sotte sont attribus
À vous légitimement dûs,
Et dans vous contre vous tout plaide.

Las ! je m’emporte et prens l’essor,
Concluant que c’est pis encor
D’être sotte que d’être laide.





STANCES
SONNETS, ÉPIGRAMMES
etc.


Rupture.

STANCES.


Puisque vôtre superbe cœur
Ne veut plus de tous mes services,
Et que ma patiente humeur
Se rebute de vos caprices ;
Que vous êtes lasse de moy,
Que je veux reprendre ma foy
Et vous reprendre aussi la vôtre ;
Débarrassez de tant de nœuds,
Disons-nous adieu l’un à l’autre,
Et là-dessus rompons tous deux.

Réglons-nous mieux à l’avenir
Sur toutes nos fautes passées,
Ou mettons-en le souvenir
Au rang des choses effacées ;

Renvoyez-moy tous mes poulets,
Reprenez tous vos bracelets,
Vos bijoux et toute autre chose :
Ce sont gages qu’amour a faits ;
Et si nous supprimons la cause,
Il faut supprimer les effets.

Au reste j’appréhende peu
Qu’on m’accuse d’ingratitude :
Si vous obligeâtes mon feu,
Vous payâtes ma servitude.
J’eus part à vôtre affection,
Par ma sotte soûmission ;
Et par un tourment incroyable
N’a-t-on pas trop cher acheté
Le plaisir le plus délectable
Quand il coûte une lâcheté ?

Ne craignez pas que mon courroux
Affecte une fausse victoire,
Ni que, pour me venger de vous,
Il fasse brèche à vôtre gloire :
Vous devez en toute façon,
Comme vous l’êtes de soupçon,

De la crainte être délivrée ;
Il faudroit, pour le mauvais tour,
Que vôtre amour vous eût livrée
À la mercy de mon amour.

Mais en cela nul ne sçauroit
S’armer que d’un faux avantage,
Soit qu’il ait été mal-adroit,
Soit que vous ayez été sage ;
Même eussiez-vous, ce qui n’est point,
Favorisé du dernier point
La passion que j’ay sentie,
Je ne sçaurois sans lâcheté
Prendre vôtre honneur à partie
Contre vôtre infidélité.

Non, non, quoy que je veuille agir
Contre vous et pour vous déplaire,
Je ne vous puis faire rougir
Que de vôtre humeur trop légère ;
Aussi n’entreprendray-je pas
De ternir icy vos appas
Par une plainte mal formée ;
Seulement vous veux-je blâmer

De souffrir d’être bien-aimée,
Et ne sçavoir pas bien aimer.

Quand le Ciel, par un coup fatal,
Nous fit entrevoir l’un et l’autre,
Pour nôtre bien, pour nôtre mal,
Vous fûtes mienne et je fus vôtre.
Il est vray que je trouvay doux
Mille appas qui brilloient en vous
À l’éclat de vôtre présence ;
Ils m’ébranlèrent un petit ;
Mais vôtre seule complaisance
Fut le charme qui m’abbatit.

D’un accueil vraiment gracieux
Vôtre accueil eut les apparences,
Et dans la douceur de vos yeux
Je vis rire mes espérances.
Mon cœur fut tout à vôtre gré ;
Et quand je vous l’eus consacré
Avec la passion extrême
Dont il étoit si travaillé,
Vous l’alliez demander vous-même,
Si je ne vous l’eusse baillé.

Vous l’eûtes, et je fus ravy
De vous en voir la seule reine ;
Jamais pauvre cœur asservy
N’aima tant ses fers et sa peine :
Ce vous devoit être un trésor,
Que vous posséderiez encor,
Et tout entier et sans réserve,
Si l’amour vous eust enseigné
Cette prudence qui conserve
Ce que le mérite a gagné.

Mais rien n’est étrange en ce point ;
Les fruits d’une grande largesse
Sont des fruits qui ne croissent point
Au champ d’une grande jeunesse :
Entretenir des feux constans
Est une leçon dont le temps
Vous doit faire l’apprentissage.
Ainsi, qui vous en contera
Ne fera rien qu’à l’avantage
Du dernier qui vous aimera.

Le mal est que vôtre beauté,
Pour qui maintenant on soûpire,

Ne sçaura cette vérité
Que sur la fin de son empire ;
Enfin vous voudrez essayer
Pour vôtre profit employer
Cette nécessaire science ;
Il sera trop tard quelque jour,
Et vous aurez de la constance
Lorsque l’on n’aura plus d’amour.

N’allez pas vous imaginer
Que ce que vous venez d’entendre
Soit afin de vous détourner
Du dessein que je vous voy prendre.
Il me plaît, puisqu’il vous a plû ;
Comme vous j’y suis résolu ;
Si c’est vôtre honneur, c’est ma gloire ;
Et de bon cœur je vous promets,
Si vous en perdez la mémoire,
De ne m’en souvenir jamais.

On auroit tort de vous blâmer.
Chacun suivant ce qu’il veut suivre ;
Sans nous voir et sans nous aimer,
Nous n’avons pas laissé de vivre ;

Et comme il m’importe bien peu,
Aprés avoir éteint mon feu,
Qu’avec vous tout le monde en rie,
Souffrez, dans le temps que je perds,
Que j’en fasse une raillerie,
Aprés en avoir fait des vers.



À Monsieur Esprit, premier Médecin de Monsieur.

SONNET.


Esprit, qui de si loin ramenez la santé.
Qui guérissez les maux par une simple œillade,
Et qui rectifiez avecque sûreté
Cet art qui sçait si bien faire un mort d’un malade,

Vous avez guéri Ludre, et je me persuade
Que vous en concevez une noble fierté ;
Déjà son teint revient, déjà tout paroît fade
Auprés de cette jeune et charmante beauté.

De quelle conséquence est une telle cure !
Il n’est point d’accident que je ne me figure
Au-dessous du malheur dont vous la préservez.

Hélas ! sa guérison n’est guère moins funeste,
Et, pour une personne icy que vous sauvez,
Peut-être coupez-vous la gorge à tout le reste.

Sur la ville de Paris.

SONNET.


Rien n’égale Paris ; on le blâme, on le louë ;
L’un y suit son plaisir, l’autre son interest ;
Mal ou bien, tout s’y fait, vaste et grand comme il est :
On y vole, on y tuë, on y pend, on y rouë.

On s’y montre, on s’y cache, on y plaide, on y jouë ;
On y rit, on y pleure, on y meurt, on y naist :
Dans sa diversité tout amuse, tout plaist,
Jusques à son tumulte et jusques à sa bouë.

Mais il a ses défauts, comme il a ses appas,
Fatal au courtisan, le roy n’y venant pas ;
Avecque sûreté nul ne s’y peut conduire :

Trop loin de son salut pour être au rang des saints,
Par les occasions de pécher et de nuire.
Et pour vivre long-temps trop prés des médecins.

Sur une voye de bois.

STANCES.


Pendant ce froid cuisant, vous me comblez de joye
De me vouloir ainsi parer de sa rigueur ;
Et, quand je suis sans bois, m’en promettre une voye,
C’est une douce voye à me gagner le cœur.

Quoique je ne possède encor qu’en espérance
Un trésor en hyver si doux et si plaisant,
J’en ressens toutefois des effets par avance,
Et l’offre me réchauffe au défaut du présent.

Je sçay que, l’acceptant, ma honte est évidente,
Et qu’un autre que moy seroit plus circonspect ;
Mais j’avouë à vos pieds, aimable Présidente,
Que je tremble de froid autant que de respect.

Un amour effectif en mon âme préside.
Qui tient la bagatelle indigne de ses vœux ;
Et c’est bien, ce me semble, aller droit au solide
Que prendre des cottrets plutôt que des cheveux.

Pour un si grand bien-fait, dont je m’efforce d’être
Reconnoissant vers vous autant que je le puis,
J’en useray des mieux, et feray bien connoître
De quel bois je me chauffe, et quel homme je suis.

À tous autres objets je feray banqueroute,
Mes flâmes brûleront sous vôtre digne aveu,
Et vous n’aurez pas lieu de révoquer en doute
Que vôtre seule grâce ait allumé mon feu ;

Qu’auprés de vos tisons, d’une veine ampoullée,
Pour vous je traceray des vers nobles et hauts ;
Car il n’est rien si doux, au fort de la gelée,
Que de songer en vous quand on a les pieds chauds.

Tenez-moy donc parole, et vous donnez la peine
D’envoyer, s’il vous plaist, vos faveurs jusqu’icy,
Et songez qu’il en faut une charette pleine
Pour le soulagement d’un amoureux transy.



Jalousie.

STANCES.


Javois la fièvre ardente, et, comme en frénésie,
Dedans mon triste lit j’en sentois les assauts ;
Cependant une jalousie
Étoit le plus grand de mes maux.

Un rival prend son temps, choisit son avantage,
Et vient voir la beauté qui cause mon ennuy ;
Il est sot et me fait ombrage,
Car elle est sotte comme luy.

Bien mieux que ses discours mon mal la persuade ;
Et, si je perds le fruit qui devoit être mien,
C’est parce que je suis malade,
Et que l’autre se porte bien.

Elle ne fit jamais de si grossière faute ;
Cet esprit, qui ne peut former un bon dessein,
Croit qu’un badin qui danse et saute
Vaut un honnête homme mal sain.

Elle vient à mon lit, elle me plaint sans cesse,
Et voudroit, me voyant de tous mes sens perclus,
Me faire passer pour tristesse
Son désordre et ses yeux battus.

Pour mieux dissimuler, elle en veut à ses charmes,
Et cependant, au point qu’elle pleure mon mal,
Je lis dans ses yeux tout en larmes.
Un rendez-vous à mon rival.

Cette affectation au dernier point me blesse ;
Et lors, si je pouvois, étant bien amoureux,
Faire vertu de ma foiblesse.
Combien je serois généreux.

Mais le Ciel, dont je suy la fatale ordonnance,
Luy qui ne les veut pas obliger à demy,
Veut encor que mon impuissance
S’entende avec mon ennemy.

Tout le monde est aux champs, il est seul avec elle,
Et peut bien triompher de sa jeune pudeur,
S’il brûle autant pour l’infidelle
Qu’elle ressent pour luy d’ardeur.

Je ne le puis nier, ce fut avec justice
Qu’elle eût pitié de moy quand il en fut saison ;
Mais elle peut bien par caprice
Ce qu’elle fit lors par raison.

Hélas ! il me souvient qu’au fort de mon martyre,
À pas lens et craintifs, dans l’ombre de la nuit,
J’allois afin de le luy dire
Sans faire scandale ni bruit.

Mais, bien que d’elle-même un autre ait la victoire,
Qu’elle perde à son gré la honte et la pudeur,
Pourveu qu’elle n’ait pas la gloire
De nous faire perdre le cœur.

Quoique je me courrouce et que je me dépite,
Me désespérer tant et me plaindre si haut,
Ce n’est que prêcher son mérite
Et que publier mon défaut.

Il faut bien qu’à son rang tout le monde l’adore ;
Pas un de cet honneur ne doit être privé,
Et j’ay tort d’y prétendre encore,
Puisque mon règne est achevé.

Amans, qui la servez avec persévérance,
Ne désespérez pas de voir vos vœux contens ;
Ayez un peu de patience,
Chacun de vous aura son temps.


MADRIGAL.


Je languis dans les fers d’une jeune merveille,
Depuis que ses beautez ont surpris ma raison ;
Ô cruelle justice ! ô rigueur sans pareille !
Après qu’on m’a volé, on me met en prison.



Contre une Laide.

STANCES.


Bien que nous soyons seuls, vôtre crainte est frivole,
Fiez-vous-en à mon respect :
Ne tremblez point, cruelle, et que je vous cajole
Sans que mon feu vous soit suspect.

Vous n’êtes pas trop laide, et nature un peu chiche
Vous a traitée honnêtement.
Mais avec tout cela, si vous n’étiez point riche,
Où trouveriez-vous un amant ?

Vos yeux au gré des miens ont une foible amorce,
Et ne versent qu’un jour obscur ;
Je pense, toutefois, qu’ils ont beaucoup de force,
Mais c’est que je suis un peu dur.

Que sçait-on si jamais vous n’allumez de flâmes,
Et ne plaisez à d’autres goûts ?
Cependant, je m’accorde avec toutes les femmes,
Et je tiens mon cœur contre vous.

Vôtre bouche en riant fait que mon nez rechigne
Du noir désordre de vos dents,
Sans que je leur impute une vapeur maligne
Qui vient peut-être du dedans.

J’aime sur vôtre front cette guerrière audace
Où l’on voit l’amour en courroux :
Et ce poil tout brûlé vous sert de bonne grace,
Puisqu’il vous sert sans être à vous.

Parmy vos agrémens, nature désavouë
Une si gluante splendeur,
Et ce rouge acheté, qui dessus vôtre jouë
Fait l’office de la pudeur.

Vous n’avez bras, ni mains, teint, ou lèvres vermeilles ;
De gorge, il ne s’en parle point :
On se mocque chez vous de ces riches merveilles
Et de jeunesse et d’embonpoint.

Aussi tant de beauté n’est pas un avantage
Qui serve d’un grand ornement :
Si vous n’êtes pas belle, au moins êtes-vous sage
Ou la serez incessamment.

Une belle se damne ; on la presse, on l’enflâme,
On fait contre elle cent efforts :
Afin de vous sauver, le Ciel a mis vôtre âme
En sûreté dans vôtre corps.

Ce sera pour vos biens, si l’on vous importune ;
Et si quelqu’un vous aime un jour,
Afin de le blesser, il faut que la Fortune
Dérobe des traits à l’Amour.

Si le cœur vous en dit, et si vôtre âme goûte
Les appas d’un si doux péché,
Achetez un galand : quelque cher qu’il vous coûte,
Vous aurez toûjours bon marché.

Vous le verrez tout bas, demandant son salaire,
Soûpirer d’un ton obligeant ;
Quelque chétif qu’il soit, s’il travaille à vous plaire,
Il gagnera bien son argent.

Qu’il sera malheureux, s’il faut qu’il se propose
D’acquérir l’esprit par le corps !
L’amour qu’on vous témoigne est une étrange chose.
Quand le respect en est dehors.

Quelques vœux qu’en secret un amoureux vous offre,
Encore qu’il vous presse bien,
Prenez garde à la bourse, et fermez vôtre coffre ;
Aprés cela, ne craignez rien.


CHANSON.


Par mes regards, jugez de mon martyre,
On me défend, Cloris, de vous l’expliquer mieux :
Quelle pitié, d’en avoir tant à dire,
Et de n’oser vous parler que des yeux !

Je suis heureux, dans un si beau supplice,
Expirant sous les traits dont vous blessez les Dieux ;
Mais permettez que mon cœur éclaircisse
Par un soupir ce que disent mes yeux.




Vers de Mademoiselle Pascal, pour une Dame de ses amies, sous le nom d’Amarante, amoureuse de Thyrsis.

STANCES.


Imprudente Divinité,
Injuste et fâcheuse chimère,
Dont le pouvoir imaginaire
Tourmente une jeune beauté.
Amour, que ton trait est nuisible,
Et que tu parois insensible
À tant de plaintes et de vœux !
Alors qu’Amarante soupire,
Thyrsis est exempt de tes feux
Et ne connoît point ton empire.

Tandis que ses yeux innocens
Enchantent le cœur d’Amarante,

Et que cette flâme naissante
A déjà des effets puissans,
Cette belle par une œillade
Montre qu’elle a l’esprit malade,
Et qu’elle chérit sa langueur.
Mais ta rigueur inconcevable
Rend cet adorable vainqueur
Autant insensible qu’aimable.

La grâce qu’on voit en son port,
Et sa douceur incomparable.
Est un écueil inévitable
Où sa raison perd son effort.
Son ardeur, qui toujours augmente,
Devient enfin si véhémente
Qu’elle ne la peut plus cacher :
Chacun de nous la voit paroître.
Et le seul qu’elle veut toucher
Seul ne sçait pas la reconnoître.

Peut-être, s’il sçavoit un jour
L’ardeur de cette belle flâme,
La pitié feroit en son âme
Ce que n’a jamais pû l’amour.

Mais tant de soûpirs qu’elle pousse.
Par une voix plaintive et douce,
Ne découvrent point ses désirs ;
Son Thyrsis n’y peut rien comprendre,
Et ne pousse point de soupirs,
Puisqu’il ne les sçait point entendre.

Jeune et capricieux enfant,
Que tu te vas donner de blâme !
Pour avoir pu vaincre une femme,
Crois-tu te voir plus triomphant ?
Non, non ; mais par cette injustice
Tu montres bien que ta malice
Est jointe avec peu de pouvoir :
Si la force suivoit tes armes,
Thyrsis pourroit s’en émouvoir,
Ou du moins connoître tes charmes.

Et toy, dont j’ay dépeint l’ardeur,
Aimable et divine Amarante,
Si ton âme n’en est contente,
Il faut en blâmer ma froideur ;
Si ce qui te rend insensée
Pouvoit échauffer ma pensée,

J’y travaillerois plus d’un jour ;
Mais je suis exempte de blâme,
Puisqu’il faut avoir de l’amour
Pour mieux discourir de ta flâme.



Réponse aux vers précédens, par Monsieur de Benserade.


Que ce trait d’un esprit adroit comme le vôtre
Est délicat et doux,
Et que vous feignez bien de parler pour un autre,
Quand vous parlez pour vous !

Que vos vers sont ardens, que leur pompe est brillante,
Et qu’ils sont radoucis !
Il n’en faut point douter, vous êtes l’Amarante,
Et je suis le Thyrsis.

Ils sont de vous à moy, ces vers que chacun louë,
Et ne le niez plus ;
Pensez à la rougeur qui vous a peint la jouë
Dès que je les ay lus.

Pendant que je voyois cette œuvre d’importance,
D’un jugement bien sain,
Vous tâchiez d’observer si mon intelligence
Alloit jusqu’au dessein.

Mais je n’eusse pas crû qu’il eût été possible
Qu’on eût si tôt aimé ;
Et qu’un sein à l’amour fût devenu sensible
Avant qu’être formé.

Je pensois vous apprendre une aimable science,
Quand il en seroit temps,
Et je vous attendois avec impatience
À l’âge de quinze ans.

Que de fâcheux détours ma passion évite !
Mon espérance rit
De voir que tout se hâte, et que le cœur va vîte
De même que l’esprit.

Nous sommes l’un pour l’autre, et nos âmes blessées
Font de pareils soûpirs ;
Le Ciel, même en naissant, fit rimer vos pensées
Avecque mes désirs.

Joignons-nous donc enfin d’un lien nécessaire
À la postérité :
En travaillant tous deux, nous ne sçaurions rien faire
Que pour l’Éternité.

À la fin mon esprit, d’une adresse assez prompte,
En a trouvé le nœud,
Et j’ay veu dans vos yeux je ne sçay quelle honte
Parmy beaucoup de feu.

Aussi, quoique ces vers soient exempts d’infamie,
Pour être trop parfaits,
Il est bon d’assurer que c’est pour une amie
Que vous les avez faits.

Un semblable prétexte est bon pour peu qu’il vaille,
Et doit être permis ;
Quand j’écris, de vôtre air, je dis que je travaille
Pour un de mes amis.

Qu’une fille à treize ans d’amour soupire et pleure,
C’est souvent un défaut ;
Mais pour une qui fait des vers de si bonne heure.
C’est vivre comme il faut.

Encore que je tienne à faveur singulière
L’aveu fait en ce jour,
J’ay honte qu’une fille ait esté la première
À me parler d’amour.




CHANSON.


Sil faut que chacun ait le sien,
Beauté qui me tenez mon bien,
Souffrez que je vous le demande ;
C’est trop de fois me refuser,
Cloris, la somme n’est pas grande,
Je ne veux de vous qu’un baiser,
Non, je ne veux présentement
Qu’un baiser pris discrètement.


Paroles pour un air.


Non, je ne prétens pas, dédaigneuse Silvie,
Que vous favorisiez mon amoureux transport.
Seulement en m’ôtant la vie,
Confessez que c’est vous qui me donnez la mort,

C’est le moindre devoir où la pitié convie ;
Vôtre esprit, qui se plaît à m’outrager si fort,
Peut bien dire en m’ôtant la vie :
C’est ma seule rigueur qui te donne la mort.


Autres.


Javois brisé mes fers, et juré hautement
Que l’ingrate Philis ne feroit plus ma peine,
Mais en la revoyant, j’ay renoüé ma chaîne,
Et rompu mon serment.

Aussi, ce fut un jeu que mon ressentiment,
Philis a sur mes sens conservé sa victoire,
Et je n’avois juré que pour avoir la gloire
De rompre mon serment.


Autres.


Je rougis, je pâlis, je soûpire où vous êtes ;
Sans que vous connoissiez mon amoureux transport ;
Beaux yeux, beaux innocens, vous me donnez la mort,
Et ne sçavez ce que vous faites.

Bien que mon cœur brûlé, de ces flâmes discrètes,
N’espère aucun secours à son tragique sort ;
Beaux yeux, beaux innocens, je bénirois ma mort,
Si vous sçaviez ce que vous faites.


Pour une Fille qu’il appelloit son bien.

ÉPIGRAMME.


Parmy tant de trésors dont la terre est féconde,
Mon esprit dédaigneux ne désire plus rien ;
J’ay dequoy m’estimer le plus riche du monde,
Si le Ciel me permet de jouïr de mon bien.



L’Ambassadeur de Suède à la Reine de Natolie.

SALUT.


Reine du plus doux des climats,
L’Ambassadeur vers les frimats
Recevra, devant qu’il s’éloigne,
Vos ordres pour Suède et Pologne ;
Et prendra congé du fauxbourg
Devant qu’il passe par Hambourg,
Puisque chez vous on se dispose
À le charger de quelque chose.
Son équipage, et ses mulets,
Sont déjà partis pour Calais,
Où doit l’attendre son navire ;
Et dés l’heure qu’on entend dire :
C’est le train de l’ambassadeur,
Partout se fait grande rumeur ;
Les gens courent à la fenêtre :
Mais quand il ne vient à paroître,
Qu’un peigne dedans un chausson,

Ils pestent d’étrange façon ;
Et disent, voyant ce cortège :
Foin de l’ambassadeur de neige,
Il nous a bien attrapez là.
Que pourroit-on faire à cela ?
Pauvreté, dit-on, n’est pas vice ;
Dieu sçait, si c’est par avarice
Que je marche à si peu de frais,
Et fais de si légers apprêts :
Comme je vois qu’on ne me prête,
Pour mes bardes, nulle charette,
Est-ce pas bien fait d’en charger
Un des chevaux du messager,
Qui gémit sous ce poids extrême,
Et m’a pensé porter moi-même,
N’étoit qu’il est rude au galop,
Et que j’ai crû que c’étoit trop
D’être ambassadeur grave et sage
Tout-ensemble, et coq de bagage.
Pourtant, si vous voulez qu’enfin
Je porte jusqu’à my chemin
Ce que vous n’envoyez qu’à peine
Au gros mary de vôtre reine,
J’en viendrai bravement à bout :

Et je me chargerai de tout,
Sans qu’il me soit fait nul reproche,
Pourvû que tout puisse en ma poche :
Car Bias, portant tout sur soi,
N’étoit pas plus Bias que moi.
J’ai linge, ustancille, dépêche,
J’ai mainte nipe qui m’empêche ;
Tous mes habits sont sur ma peau,
Bref, je suis mon porte-manteau.





ÉPIGRAMME.


Un pauvre homme apperçut dans sa chambre la nuit,
Un voleur qui croyoit trouver là quelque somme :
Il fit un si grand cri, que le voleur s’enfuit
Et laissa son manteau qui servit au pauvre homme.


*

ÉPIGRAMME


Embrassant ses petits, le singe s’en défait,
Par une tendresse maudite.
À force d’applaudir soi-même à ce qu’on fait,
L’on en étouffe le mérite.



Pour les Filles de la Reine.

STANCES.


Belles, dont les regards vont dépeupler l’État,
Aprés l’avoir mis dans les chaînes,
Qui servez nôtre Reine avecque tant d’éclat,
Et que l’on sert toutes en Reines ;

Je suis bien glorieux que vous comptiez mes pas,
Pour mieux prendre garde à mes chûtes,
Et qu’entre vous, mon cœur augmente vos débats,
Et fasse une de vos disputes.

L’une, assure que j’ai de l’inclination,
Et l’autre de l’indifférence ;
Ainsi l’une me plaît de sa présomption,
Et l’autre de sa deffiance.

Je suis prêt pour vous plaire, à confirmer ces bruits ;
Oüy, j’ai des passions secrètes ;
Vous ne m’ôteriez pas de la peine où je suis,
Comme moi de celle où vous êtes.

J’aime, et je porte un cœur sensible à tous les coups
Des beaux objets que je contemple ;
Et puis je ne vois rien, qui s’aprochant de vous,
Ne m’en favorise l’exemple.

Je n’entends que sanglots, pour vôtre cruauté
Qui refuse la moindre œillade,
Et parmi tant de maux, j’aurois trop de santé,
Si je n’étois un peu malade.

Bien mieux que l’intérêt, vos charmes à la cour
Attirent la foule importune ;
Et dans le cabinet, on tient plus à l’amour,
Qu’on ne s’attache à la fortune.

On s’y plaint tout le jour, on s’y plaint tout le soir,
On y languit, on y frissonne ;
Et chacun s’y réchauffe à l’entour d’un espoir
Qui ne réussit à personne.

Parmi tant de soupirs, si brûlans et si doux,
Et dont vous tenez peu de compte,
On sçait bien, qu’un soupir qui ne va point à vous,
Doit en chemin mourir de honte.

Mais aussi les mieux faits, et les meilleurs esprits,
Vous ont présenté leurs franchises ;
Et moi qui les connois, de qui serois-je pris,
Puisque vous êtes toutes prises ?

Ce n’est pas qu’entre nous, sans un peu de rigueur,
Ma raison ne se pût abattre,
Et si je m’en croyois, dans le fond de mon cœur,
Je me ferois tenir à quatre.

Je vois du blond, du brun, qui pourroit m’attacher,
De la douceur, de l’innocence,
Du jeune, du brillant ; et même à bien chercher
J’y trouverois de la prudence.

Mais j’ai trop à choisir, et je crains l’embarras
Qu’aux amans vôtre joug prépare :
Quand vous gagez que j’aime, et que je n’aime pas,
Vous voulez que je me déclare.

Je mettrai, s’il vous plaît, mes vœux en autre lieu,
Et jure à vos beautez parfaites
De prendre la soutane, et rendre grâce à Dieu
Pour les grâces qu’il vous a faites.

Le monde trop long-temps tint mon cœur en dépôt,
Je fuis ces dangereuses routes ;
Et j’espère d’avoir les Ordres assez-tôt,
Pour vous pouvoir marier toutes.


ÉPIGRAMME.


Un fat trouve un trésor, et fier de sa richesse,
Dédaignant de porter luy même ce tas d’or,
Il en chargea quelqu’un, qui partit de vitesse
Et ne dédaigna pas d’emporter ce trésor.


*

ÉPIGRAMME


Un de ces médecins qui font tant de visites,
Au malade gisant disoit toujours : Tant mieux,
Et le malade fait à ce style ennuyeux,
Disoit : Mes héritiers pensent comme vous dites.


À Madame de Hautefort.

STANCES.


D naît sur vôtre teint cette fraîcheur nouvelle,
Qui vous fait éclater, mieux que vous n’éclatiez ?
Je vous trouve plus grasse, et vous trouve plus belle
Encor que vous n’étiez.

Vous avez éprouvé le tracas et la peine ;
Maintenant vous goûtez un repos assez doux ;
C’en est là le sujet, vous étiez chez la reine,
Et vous êtes chez vous.

Vôtre vie est changée, et vous en menez une
À qui dans la bassesse, un beau loisir est joint ;
Si le soin de la cour profite à la fortune,
Il nuit à l’embonpoint.

Vous obligiez les gens d’une ardeur sans seconde,
Et, dans l’empressement dont vous parliez pour eux,
Vous travailliez, ce semble, à faire que le monde
N’eût plus de malheureux.

C’étoit vôtre plus chère et plus noble avanture
De remplir les besoins, et combler les souhaits ;
Si ce malheur est noble, il est d’une nature
À ne finir jamais.

Au lieu que vous n’avez, au séjour où vous êtes,
Ni troubles dans l’esprit, ni fatigues au corps ;
Vos méditations y sont libres et nettes
De crainte et de remords.

On vous a renvoyée à vôtre solitude,
Comme on fit dans le tems du dernier de nos rois ;
Et ce coup de malheur vous semble aussi peu rude
Que la première fois.

Sans doute la Fortune, à tout autre invincible,
Ayant différemment vôtre esprit éprouvé,
A cherché quelque endroit où vous fussiez sensible,
Et n’en a point trouvé.

Sa rigueur n’a rien pû, non plus que son amorce ;
Quelque bien, quelque mal, qu’elle ait pû vous offrir,
Toûjours également, et de la même force,
Vous l’avez pû souffrir.

Vôtre âme qui n’est pas de la trempe commune,
Et dont les mouvemens sont sublimes et droits,
Fait aussi peu de cas du vent de la Fortune
Que des soupirs des rois.

L’endroit le plus sensible, où la douleur vous presse,
Et qui peut ébranler un courage constant,
Est de n’être plus bien auprés d’une maîtresse,
Qui vous chérissoit tant.

Que ne peut contre vous dire la Renommée ?
La reine a toujours eu des sentimens si doux,
Elle a tant de bonté, vous a tant estimée ;
Et ne veut plus de vous.

Son procédé n’a rien que de saint, que d’auguste ;
Un sujet sans raison n’en est pas assailly ;
Les rois n’ont jamais tort, et leur colère est juste,
Quoiqu’on n’ait pas failly.

Encore que sur vous sa main s’appesantisse,
Portez avec respect ses vénérables coups,
Et demeurez d’accord qu’elle a de la justice,
Puisqu’elle a du courroux.

Il faut tout espérer de sa bonté suprême,
Sinon vivre en repos loin de cette bonté,
Et vous bâtir un port dessus le rocher même
Où vous avez heurté.

De là quand vous verrez, après vôtre naufrage,
Toucher à cent écueils, cent vaisseaux égarez,
Vous en aimerez mieux, à cause de l’orage,
L’endroit où vous serez.

Ce grand éclat n’est pas ce que le peuple pense ;
La cour a des dégoûts, et traîne un repentir ;
Jusques là, que beaucoup ont quitté la puissance
Qui vous en fait sortir.

Ainsi vous passerez des jours très-agréables
Dans un calme profond, et si délicieux,
Que même vôtre exil parmy les raisonnables,
Fera des envieux.

Comme il faut bien user de l’âge qui s’écoule,
Et ménager le tems qui ne peut revenir,
Dieu de sa propre main vous tire de la foule
Pour vous entretenir.

C’est ce commerce étroit, qui fait durer vos charmes,
Et les rend plus brillans, au plus fort du malheur,
Qui pique votre esprit, et luy fournit des armes
À vaincre sa douleur.

Et c’est là d’où vous vient cette fraîcheur nouvelle,
Qui vous fait éclater mieux que vous n’éclatiez,
Qui rend vos yeux plus vifs, et qui vous rend plus belle
Encor plus que vous n’étiez.





À Iris.

SONNET.


Vous moquez-vous, Iris, d’abandonner le monde ?
Dieu le veut, dites-vous, et conduit-là vos pas.
Vous plaît-il, qu’en deux mots à cela je réponde ?
Et moi, je vous soutiens que Dieu ne le veut pas.

Il veut qu’un bel ouvrage éclatant icy-bas.
Marque de l’ouvrier l’adresse sans seconde ;
Il veut que sa grandeur brille dans vos appas,
Comme dans le soleil, le ciel, la terre, et l’onde.

Vous croyez que du monde on ne va guère à Dieu,
Je suis persuadé qu’on se sauve en ce lieu ;
Et mon raisonnement ne cède point au vôtre.

Je vous prouve une chose, et vous me la niez :
Il faut que l’un des deux l’emporte enfin sur l’autre.
Et que je vous retienne, ou que vous m’entraîniez.



Autre à Iris.


Je garde auprès de vous un silence ennuïeux ;
Vous me voyez languir sombre et mélancolique,
Inhumaine, du moins laissez parler mes yeux,
Si vous ne voulez pas que ma bouche s’explique.

Je vous trouvai trop-belle, et je quittai ces lieux
Afin de me soustraire au charme qui me pique ;
Hélas ! pour mon repos je vous trouve encor mieux ;
Ma blessure se rouvre, et ma flâme est publique.

En vain je dissimule, et déjà de ce feu,
Quelque couvert qu’il soit, la clarté brille un peu ;
Mais sur vôtre pitié tout mon espoir se fonde.

Iris, je m’abandonne entièrement à vous,
Mon cœur est dans les mains les plus belles du monde.
Je voy dans vos regards par delà leur courroux.



SONNET.


Alors la Muse fatiguée
Me dit, c’en est trop, finissons :
Je pars, et ma faveur briguée
M’appelle à d’autres nourrissons.

Chacune fera des façons,
Pour se voir icy distinguée,
Et prétendra dans vos chansons
Estre en bonne part alléguée.

Mille et mille, quelle pitié !
Vont s’attribuer la moitié
D’un ouvrage tel que le vôtre,

Qui cependant, faute d’appas,
Vont prendre une moitié pour l’autre,
Et ne s’en apercevront pas.



Sur une Coquette.

SONNET


Une foule d’amans, que chez vous on tolère,
De vos facilitez cherche à s’avantager ;
La patience même en seroit en colère,
Êtes-vous un butin qu’il faille partager ?

N’avez-vous rien à craindre, et rien à ménager ?
Quoy ! tous également attendent leur salaire ;
Avez-vous résolu de me faire enrager
À force de vouloir éternellement plaire ?

Enfin, si je suis las de ce que cent rivaux
Se disputent le prix qu’on doit à mes travaux,
Vous devez l’être aussi de ce qu’on en caquette ;

Vôtre honneur est en proye aux escrocs, aux filoux ;
Et si vous excellez en l’art d’être coquette,
Je n’excelle pas moins en l’art d’être jaloux.



Pour la même qui me fit dire qu’elle avoit la fièvre, et qu’elle ne me pouvoit voir.

SONNET.


Sans vous tâter le poulx, et sans voir au bassin,
Ingrate, je sçay trop ce qui vous rend malade ;
Le quinquina pour vous, est un remède fade ;
Je connois vôtre fièvre, et vôtre médecin.

Vous luy pardonnerez, fût-il vôtre assassin ;
Mais vous ne voulez pas qu’on se le persuade,
Et quand il vous dérobe un soupir, une œillade,
Vous êtes la première à cacher son larcin.

C’est luy qui cause en vous une langueur secrète,
Vainement avec moy vous faites la discrète ;
Mais sur cette langueur, que ne suis-je en repos ?

Que m’importe, que tel ou tel y remédie,
Pourquoy m’embarrasser icy mal à propos
Et de la médecine, et de la maladie ?



SONNET.


Les plus fiers animaux, l’un à l’autre opposez,
Ne laissent pas d’avoir l’âme reconnoissante ;
Et bien plutôt que vous, ils sont aprivoisez,
Vous, de qui la douceur n’est rien moins qu’innocente.

Loin d’alléger mes fers qui devroient être usez,
Vous insultez vous-même à ma douleur pressante ;
Et tout le monde sçait que vous me méprisez,
Ingrate, n’est-ce pas assez que je le sente ?

Si le bruit du triomphe importe à vos appas,
Où n’est-il point connu que vous ne m’aimez pas ?
Pour dire un malheureux il suffit qu’on me nomme.

Un amant souffre tout et doit être constant ;
Mais, injuste beauté, sçachez qu’un honnête homme
Ne s’accommode point d’un mépris éclatant.



Sur la Tontine.


Enfin je ne me plaindrai plus,
De l’étoile qui me domine,
Il me reste encor cent écus
Que je vais mettre à la Tontine.
Ô la charmante invention ;
Sans avoir du dieu Mars essuyé les orages,
Sans avoir fatigué la cour de mes hommages,
Je serai sur l’Estat et j’aurai pension…
Voici par où j’espère, et par où j’argumente :
Si je vis, je suis riche, ou si bientôt je meurs,
La pauvreté ni ses horreurs
Ne me causent point d’épouvante.
Or ma planète bienfaisante
Promet à ma vie un long cours ;
Ergo, j’aurai sur mes vieux jours
Quinze ou vingt mille écus de rente.
Quels plaisirs, quels honneurs, quelle prospérité
Est destinée à ma vieillesse !
Mais parmi tant de biens je mourrai de tristesse,
Si mon Roy n’est témoin de ma félicité.



Le Faux Adieu.

STANCES.


Pour voler un baiser, où je n’osois prétendre,
J’ay feint de m’en aller bien loin ;
Mais j’en appelle aussi mon amour à témoin,
Si je ne suis prest à le rendre,
Et si j’eusse eu jamais l’audace de le prendre,
À moins que d’en avoir un extrême besoin.

Sans cette invention jointe avec mon courage,
Au point que ma langueur étoit,
Il falloit luy céder ; son excès m’emportoit ;
Mais ma finesse me soulage,
Et j’étois obligé de feindre mon voyage,
Afin de retenir mon âme qui partoit.

S’il m’eût fallu partir, et me quitter moy-même,
Un bien plus violent transport
Eût agi sur mon âme avecque plus d’effort ;
Les yeux mouillez, et le teint blême,
Vous m’eussiez vu transi d’une douleur extrême,
Et sur ma lévre enfin vôtre baiser fût mort.

Mon cœur désespéré d’une si rude atteinte,
N’eût pas sçu trouver un milieu
Entre perdre la vie, et sortir de ce lieu ;
Et même, à travers de ma plainte,
Vous deviez bien juger que ce n’étoit que teinte,
Puisque j’étois vivant quand je vous dis adieu.

Cruelle, à quel dessein tâchiez-vous de combattre
Une si subtile action ?
J’ay pris ce seul baiser avec discrétion.
Et voudrois en avoir pris quatre ;
Toûjours seroit-ce autant que vous pourriez rabattre
Sur ce que vous devez à mon affection.

Je voulois vous baiser, sans que d’un front sévère
Vôtre rigueur vînt à couper
L’agréable dessein que j’eus de l’attrapper,

Vôtre bonté me laissa faire,
Mais pour être meilleur, il était nécessaire
Que vôtre complaisance aidât à vous tromper.

C’est pourtant un sujet de gloire non commune,
De vous avoir joué ce tour,
En faveur d’un tourment qui dure nuit et jour ;
Et quoy que le sort m’importune,
Je reçois néanmoins des mains de la Fortune,
Si je ne suis payé par celles de l’Amour.





Sur la mort du Perroquet de Madame du Plessis-Bellièvre.

SONNET EN BOUTS-RIMEZ.


Philis, contre la Mort vainement on chicane.
Tôt ou tard qui s’y joue est fait pic ou capot,
On a beau quelque-temps tourner autour du pot,
Le Médecin lui-même y laisse sa soûtane.
 
Nous verrions vôtre cœur, s’il étoit diaphane,
Du deuil d’un Perroquet, noirci comme un tripot,
Rohan ne pouvoit pas plus plaindre son Chabot,
Et quant à vos soupirs, ce sujet les profane.
 
Croyez-vous qu’en pleurant tout plein un coquemart,
On ramène un Héros, non plus qu’un Jaquemart ?
C’est vouloir prendre enfin le grand Turc à la barbe.
 
Si les pleurs réparoient de semblables débris,
L’on eût fait revenir, le jour de Sainte Barbe,
L’âme de Richelieu du céleste lambris.



Pour Madame de Leuville.

SONNET.


Puisqu’il faut que je parte, il est de la justice
Que vous me traitiez bien à ce moment fatal,
Car je ne serai pas, en montant à cheval,
Un enfant qu’on apaise avec du pain d’épice.
 
Je prétens recevoir le prix de mon service,
Dussé-je être appellé mercenaire et brutal,
Au reste, si l’amour me suscite un rival,
Songez que l’inconstance est un étrange vice.
 
Je ne vous croiray pas de l’humeur de ces sottes
Qui, dès qu’un pauvre amant a pris ses grosses bottes,
Au lieu de le pleurer en méditent le troc.
 
En tout cas, je sçauray vos pleurs ou vôtre joye,
Si vous me plantez-là, si vôtre oubly m’est hoc,
Quitte pour vous payer de la même monnoye.



Contre une Vieille.

STANCES.


Quoy ! vous vous mariez, douce et tendre mignonne,
Et ne l’avez encore été !
Je ne voy rien pourtant dessus vôtre personne
Qui ne prêche la chasteté.

Pour de l’âge, on sçait bien que vous n’en manquez guère,
Et, vôtre visage est garant,
Que ce qu’on fait pour vous se pouvoit fort bien faire
Du règne de Henry le Grand.

Vous éloignant d’icy, les bontés de la Reine
Ont purgé ce noble séjour ;
De même qu’un torrent, vôtre sortie entraîne
Toute l’ordure de la Cour.

Celuy qui vous épouse, en témoignant sa flâme,
N’établit pas mal son renom :
Qui s’est bien pû résoudre à vous prendre pour femme
Ira bien aux coups de canon.

Comme vous n’êtes plus qu’une vieille relique,
L’objet de la compassion,
Dés qu’on dit que sur vous un Sacrement s’applique,
On pense à l’Extrême-Onction.

Qui se lie avec vous espère un prompt veuvage ;
Et sans doute ce pauvre Amant
Prétend que le contrat de vôtre mariage
Passe pour vôtre Testament.

Vous seriez bien sa mère, et la foy conjugale
Est mal placée entre vous deux ;
L’inceste est en effet une chose si sale,
Que le portrait en est hideux.

Les plus intemperez de vôtre bonne grâce
Ne bailleroient pas un teston,
Et l’on peut faire état qu’on est à la besace
Quand on vous touche le teton.

Souffrez ce petit mot, sans traiter de satire
Un style si franc et si doux :
Vous êtes en un point où l’on ne peut médire,
Quelque mal qu’on dise de vous.





Espoir.

STANCES.


À la fin j’ai vaincu, malgré sa résistance ;
Mes larmes, mes soupirs, mes fers et mon tourment
Servent d’illustre pompe et de riche ornement
Au triomphe de ma constance.

La Fortune témoigne, au bien qu’elle m’envoie,
Dans les extrémitez de mon cruel malheur,
Que le plus haut étage où monte la douleur
Est le premier point de la joie.

De plus parfaits amans ont leur peine perduë,
À l’acquisition d’un plus débile cœur ;
Et jamais assiégeant ne se vit le vainqueur
D’une place mieux défenduë.

Ce cœur, ce fort puissant, si pressé qu’il pût être,
Soûtenoit mes assauts d’une si vive ardeur,
Que, sans capituler avecque sa pudeur.
Je n’en aurois pas été maître.

Et cette cruauté qu’à la fin je surmonte
Eût toûjours tenu bon, si je n’eusse promis
De laisser dans ce cœur deux de mes ennemis.
Et sa modestie, et sa honte.

Qu’aurois-je à désirer au comble de ma gloire,
Si ma bonne fortune avoit continué,
Ou si trop de vertu n’avoit diminué
L’avantage de ma victoire ?

Mais sur un seul dessein l’ambition se fonde ;
La foule de projets ne fait que nous charger :
Il faut prendre une ville avant que de songer
À la prise de tout le monde.

C’est beaucoup, si l’objet que mon âme idolâtre
Sous mon heureux pouvoir se confesse abattu :
Ma maîtresse est vaincue, et sa seule vertu
Est ce qui me reste à combattre.

Aussi ne faut-il pas que je le dissimule :
Elle paroît armée avecque tant d’éclat
Que mon amour, qui tâche à la vaincre au combat,
Et la défie, et s’en recule.

J’abattrai toutefois sa fierté qui m’étonne ;
Elle s’efforce en vain de me contrarier,
Puisqu’il ne manque plus que ce petit laurier
Pour m’acquérir une couronne.

J’espère en peu de tems rendre ma gloire extrême ;
De ma prospérité rien n’empêche le cours,
Et contre sa vertu c’est un puissant secours
Que de m’avoir dit : Je vous aime.

Honoré que je suis d’une faveur si grande,
Et voyant quelque chose encore à désirer,
Auprès de sa beauté, que je ne puis quitter,
Je remercie et je demande.

Sévère et doux auteur des peines que j’endure,
Amour, donne à ma flâme un remède parfait ;
Puisque ne m’obliger que d’un demi bienfait,
C’est me faire une double injure.

Force cette pudeur et cette modestie,
De qui ma passion ne peut venir à bout :
Il est de ton honneur que je gagne le tout
Dont je possède une partie.

Fais qu’à mes doux transports cette belle âme cède ;
Dis-luy qu’elle me cause un tourment sans égal,
Et qu’on est obligé de soulager le mal,
Quand on dispose du remède.

Ainsi, que tous les cœurs soient touchez de tes flâmes !
Que tout cède au pouvoir de ton nom glorieux,
Puissent être à jamais tes traits victorieux
De la rébellion des âmes.

Pour moi, je bénirai ton essence immortelle ;
Je formeray pour toy des vœux grands, mais secrets,
Quand tu m’auras conduit par de si beaux progrez
À l’honneur d’une fin si belle.





À Mademoiselle de Guerchy, luy envoyant la copie d’une Joüissance.

STANCES.


Belle Guerchy, je vous les donne,
Ces vers que vous désirez tant ;
Ils ne sont pas fort beaux, mais pour votre personne,
Qui ne souhaiteroit d’en pouvoir faire autant ?

Au reste, ne trouvez étrange
Mon scrupule, et gardez-vous bien
De dire que ce sont vers à vôtre louange,
Car je vous maintiendrois tout franc qu’il n’en est rien.

Et ne vous faites point de fête
En une telle occasion ;
Ce seroit faire un tour qui seroit malhonnête,
Et qui vous tourneroit à grande confusion.

Il ne faut pas, ne vous déplaise,
S’enrichir d’injustes acquêts :
L’adresse est pour une autre, et seriez-vous bien aise
Que quelqu’un en chemin détroussât vos pacquets ?

Les biens d’autruy ne sont pas vôtres,
Mais comme on est parfois jaloux,
Je m’offre de bon cœur à vous en faire d’autres
Sur le même sujet qui seront tous pour vous.

Qu’est-ce que par vôtre prière
Ne feroit un pauvre garçon ?
Vous n’avez seulement qu’à fournir la matière,
Il vous en coûtera fort peu pour la façon.





Soupçons.

STANCES.


Lingrate cause de ma flâme,
Pour qui j’ay des soins si constans
Qu’elle occupe depuis long-temps
Tout mon cœur et toute mon âme ;
Elle que j’aime avec transport,
Qui blâme et craint l’amour si fort
Qu’elle tremble dès qu’on le nomme,
Que fait-elle à l’heure qu’il est ?
Possible entre les bras d’un homme,
Et d’un homme qui luy déplaist.

Qu’elle est tranquille en mon absence !
Si dans ce commerce importun
Elle ose penser à quelqu’un,
Ce n’est pas à moi qu’elle pense,

Et dans les momens les plus doux
Qu’elle passe auprès d’un époux,
Dont sa personne est possédée,
Loin de luy son cœur à l’écart
S’émancipe vers quelque idée
Où mon amour n’a point de part.

Ainsi, rien de bon ne m’arrive ;
Tantôt l’intérêt d’un rival,
Tantôt le devoir conjugal,
De mes espérances me prive.
Elle a quelque bonté pour moy,
Mais la tiédeur que je luy voy
Cause mon désespoir extrême.
Qu’ay-je à prétendre sur ce point,
Estant toute pour ce qu’elle aime,
Et pour ce qu’elle n’aime point ?

N’estoit que je suis plein d’audace,
Parce que je suis plein d’ardeur,
La place que j’ay dans son cœur
Seroit une assez bonne place.
Mais de m’y voir comme cela
Au milieu de ces Messieurs-là,

Me semble une dure entreprise ;
Le poste est des plus délicas,
Entre celuy qu’elle méprise,
Et celuy dont elle fait cas.

Vous, par moy toûjours adorée,
Divine et charmante beauté,
Hélas ! que je suis emporté,
Et que vous estes modérée !
L’amour que vous tournez en jeu
Me fait pour vous sentir un feu
Qu’il n’a point pour les autres âmes.
Guérissez-moy de mes soupçons,
Et prenez un peu de mes flâmes,
Ou me donnez de vos glaçons.





Pour une femme grosse.

MADRIGAL.


Vous verrez dans cinq mois finir vôtre langueur ;
Mais Dieux ! quand finira celle que dans mon cœur
Ont causé vos beaux yeux et vôtre tyrannie ?
Je seray dignement d’Amour récompensé
Quand ma peine sera finie
Par où la vôtre a commencé.





Sur l’Amour.

BOUTS-RIMEZ.


Ouy, l’Amour est le maître, et l’on est chimérique
De croire y résister ; tantôt c’est un mouton.
Tantôt une fureur bizare et colérique
Qui déconcerteroit et Socrate et Caton.
 
Son empire s’étend plus loin que l’ Amérique ;
De prés aux conquérans il serre le bouton.
L’Amour est Médecin, l’Amour est Empirique,
Et depuis l’éléphant descend jusqu’au Raton.
 
Tel qui cache ses fers pour les rendre invisibles,
Sans s’échapper, d’un mot fait des progrès paisibles.
De mille billets doux, tendre et secret Lecteur,
 
Tel qui mérite bien qu’on lui chante sa game,
Ne se tient pas content des faveurs d’une dame,
S’il ne parle aussi haut que le Prédicateur.



À Mademoiselle de Brionne.

STANCES.


Quel sentiment jaloux d’un état si parfait
Veut que vôtre repos dans un cloître se fonde ?
Pourquoi haïssez-vous le monde,
Philis, hé que vous a-t-il fait ?

Il vous a présenté ce qu’il a de plus doux,
Lorsque vous luy faisiez une plus rude guerre,
Et de tous les cœurs de la terre,
Pas un n’a tenu contre vous.

Vous ne pourrez de guère être plus près des cieux,
Quand sur cette hauteur vous serez élevée,
Et n’en serez pas mieux sauvée ;
Mais vous nous en damnerez mieux.

Plus on se tient couvert, plus on est recherché ;
Il semble que le voile embellisse les filles,
Et c’est la contrainte des grilles
Qui fait le ragoût du péché.

Loin d’être libertin, vous voyez pour quel but
À changer de projet ma raison vous invite,
Et si je vous en sollicite,
Que c’est même pour mon salut.

Demeurez donc au monde en un si bel état,
Où pourroit votre gloire être mieux signalée ?
Faut-il sortir de la mêlée
Au commencement du combat ?

À vos pieds gémiront les vices abattus
Dedans cette poudreuse et vaste lice
Où se pratique l’exercice
Des plus héroïques vertus.

Êtes-vous pas chez nous en toute sûreté,
Sans vous embarrasser d’une pénible affaire,
Et travailler à vous défaire
D’une innocente liberté ?

Vous avez dans le cœur un zèle assez dévot,
Et vôtre vertu seule assez se fortifie,
Sans que la haire mortifie
Une chair qui ne vous dit mot.

Voyez donc à loisir, et d’un esprit égal,
Des roses d’un côté, de l’autre des épines ;
Et songez qu’il est des Matines
Plus incommodes que le bal.

Le monde a pour vos sens des attraits superflus ;
Mais c’est bien mieux prouver qu’on renonce à ce maître
De le mépriser et d’en être,
Que d’y penser n’en étant plus.

Ce n’est pas pour semer un appast décevant,
Par où dans les filets vôtre âme s’enveloppe,
Mais en toute votre horoscope
Je ne trouve pas un couvent.

Il faut bien observer cette vocation,
Qui vous livre à vous-même une si prompte guerre,
Et voir s’il n’entre point de terre
Parmy sa composition.

Un moment de la vie établit tout le plan,
Et parmy de longs jours comme seront les vôtres,
Ce moment, Roy de tous les autres,
En est quelquefois le tyran.

Non, non ; tenez à Dieu, sans tenir au lien ;
Fuyez la volupté, les richesses, le faste ;
Soyez soûmise, pauvre, chaste,
Mais ne jurez jamais de rien.





ÉPIGRAMME.


Je mourray de trop de désir,
Si je la trouve inexorable ;
Je mourray de trop de plaisir,
Si je la trouve favorable ;
Ainsi je ne sçaurois guérir,
De la douleur qui me possède ;
Je suis assuré de périr,
Par le mal ou par le remède.





L’Amour.

STANCES.


La Mère des amours,
Tenant ses grands jours
Dans son siége d’yvoire,
Prononce à sa gloire :
À l’Amour on résiste en vain :
Qui n’aima jamais, aimera demain.

Que nos cœurs soient contens,
À ce gay printemps ;
Et que le plus sévère
Me suive et révère :
À l’Amour on résiste en vain :
Qui n’aima jamais, aimera demain.

Chaque chose icy-bas
Ressent mes appas ;
Et si la Terre elle-même
Rit au Ciel qu’elle aime,
À l’Amour on résiste en vain :
Qui n’aima jamais, aimera demain.

Le Ciel, pour la voir mieux,
Ouvre tous ses yeux ;
Et, la trouvant si belle.
Brûle aussi pour elle.
À l’Amour on résiste en vain :
Qui n’aima jamais, aimera demain.

À cet exemple heureux,
Doit être amoureux
Tout ce qu’en soy resserre
Le Ciel et la Terre,
À l’Amour on résiste en vain :
Qui n’aima jamais, aimera demain.





ÉPIGRAMMES.


Ne croyez pas que la vengeance
M’anime jamais contre vous,
Vous ne m’avez point fait d’offense
Qui puisse irriter mon courroux.
En vain vous craignez que ma plume,
Pour adoucir mon amertume,
Vous fasse quelque mauvais tour ;
Philis, n’en soyez plus en peine,
Quand on n’a point senty d’amour,
On ne sçauroit sentir de haine.


*

ÉPIGRAMME


Pour son époux mourant une femme éperdue
Veut mourir ; la Mort vient et la femme pâlit :
« C’est pour lui, non pour moi, que vous êtes venue,
Lui dit-elle en tremblant : le voilà dans son lit. »





À Iris.

STANCES.


Belle Iris, je vous aime avecque violence,
Je vous le dis tout haut ;
Et la nécessité de rompre mon silence
Excuse ce défaut.

Quelque profond respect qui m’oblige à contraindre
Un si hardy penser,
Je croy qu’il m’est permis aussi bien de me plaindre
Qu’à vous de me blesser.

Mon crime, en vous aimant, ne sçauroit être pire
Pour vous en avertir ;
Et je tiens que l’audace est pareille à le dire
Comme à le ressentir.

Que l’âme la plus fine est aisément surprise,
Et que nous nous troublons !
D’abord que je vous vis, je laissay ma franchise
Parmy vos cheveux blonds.

Ce ne sont point vos lys, ce ne sont point vos roses,
Qui m’ont le mieux tenté ;
Je découvre plus loin, et vous avez des choses
Par delà la beauté.

Vôtre aimable vertu contribuë à la flâme
Qui cause mes transports,
Et c’est presqu’en partie à cause de vôtre âme,
Que j’aime vôtre corps.

Mais, de grâce, empêchez qu’un mary qui vous aime,
Vous suive tout le jour ;
L’avis que je vous donne est pour sa gloire même,
Plus que pour mon amour.

Je ne prétends à rien, et je n’en sollicite
L’absence ni l’abord :
Je me sçay mieux régler ; mais il a du mérite,
Et cela luy fait tort.

Si c’est que son humeur, à toute autre insensible,
Cherche vôtre entretien,
Eh ! n’a-t-il pas un tems si doux et si paisible,
Où personne n’a rien ?

Ha ! que n’est-il de ceux qui, pour vaincre l’Espagne,
S’en vont dés aujourd’uy !
Je voudrois qu’il ne crût en toute la campagne
Des lauriers que pour luy.

Que nous serions heureux, s’il prenoit cette voye
Dont il suit le détour ;
Je verrois son départ, et vous auriez la joye
D’espérer son retour.

Quoique certainement vous soyez bien ensemble,
Que tous en soient témoins,
On hait la jalousie, et ce qui luy ressemble
Ne déplaît guères moins.

Il paroît vôtre amant ; mais, las ! quand il partage
L’honneur de tous mes liens,
S’il vous rend mes devoirs, je n’ay pas l’avantage
De vous rendre les siens.

Souffrez que je m’emporte, et que je vous confesse
Que je suis très-marry
Qu’il faille que je souffre et de vôtre sagesse,
Et de vôtre mary.





Sur Job.

SONNET.


Job, de mille tourments atteint,
Vous rendra sa douleur connuë,
Et raisonnablement il craint
Que vous n’en soyez point émuë.

Vous verrez sa misère nuë,
Il s’est luy-même icy dépeint :
Acoûtumez-vous à la vuë
D’un homme qui souffre et se plaint.

Bien qu’il eût d’extrêmes souffrances.
On voit aller des patiences
Plus loin que la sienne n’alla.

Il souffrit des maux incroyables ;
Il s’en plaignit, il en parla ;
J’en connois de plus misérables.



Glose de Monsieur Sarrasin,
sur le Sonnet de M. de Benserade à M. Esprit.


STANCES.


Monsieur Esprit, de l’Oratoire,
Vous agissez en homme saint,
De couronner avecque gloire
Job de mille tourmens atteint.

L’Ombre de Voiture en fait bruit,
Et s’étant enfin résoluë
De vous aller voir cette nuit,
Vous rendra sa douleur connuë.

C’est une assez fâcheuse vûë,
La nuit, qu’une ombre qui se plaint.
Vôtre esprit craint cette venuë,
Et raisonnablement il craint.

Pour l’appaiser, d’un ton fort doux
Dites : J’ay fait une bévuë,
Et je vous conjure à genoux
Que vous n’en soyez point émûë.

Mettez, mettez vôtre bonnet,
Reprendra l’Ombre, et sans berluë
Examinez ce beau sonnet,
Vous verrez sa misère nuë.

Diriez-vous, voyant Job malade,
Et Benserade en son beau teint :
Ces vers sont faits pour Benserade,
Il s’est luy-même ici dépeint ?

Quoy, vous tremblez, Monsieur Esprit !
Avez-vous peur que je vous tuë ?
De Voiture qui vous chérit
Accoutumez-vous à la vûë.

Qu’ay-je dit qui vous peut surprendre
Et faire pâlir votre teint,
Et que deviez-vous moins attendre
D’un homme qui souffre et se plaint ?

Un auteur qui dans son écrit
Comme moy, reçoit des offenses,
Souffre plus que Job ne souffrit,
Bien qu’il eût d’extrêmes souffrances.

Avec mes vers, une autre fois,
Ne mettez plus dans vos balances,
Des vers où sur des palefrois
On voit aller des patiences.

L’Herty, le Roy des gens qu’on lie,
En son temps auroit dit cela ;
Ne poussez pas vostre folie
Plus loin que la sienne n’alla.

Alors l’Ombre vous quittera
Pour aller voir tous vos semblables ;
Et puis chaque Job vous dira
S’il souffrit des maux incroyables.

Mais à propos, hier, au Parnasse,
Des sonnets Phœbus se mêla,
Et l’on dit que de bonne grâce
Il s’en plaignit, il en parla.

J’aime les vers des Uranins,
Dit-il ; mais je me donne aux diables
Si, pour les vers des Jobelins,
J’en connais de plus misérables.





Sur le retour de M. le Cardinal Mazarin
après sa retraite à Cologne.


Enfin vous revenez, et le peuple s’en plaint ;
Mais sçait-il ce qu’il veut, mais sçait-il ce qu’il craint ?
Lui qui croit aisément ce qu’on lui persuade,
C’est sans raison qu’il aime, et sans raison qu’il hait ;
Le médecin ordonne en dépit du malade,
Vous guérissez la France en dépit qu’elle en ait.





À Mademoiselle de Guerchy, contre Mariamne.

STANCES.


Oui, je vous dis et vous répète
Que Mariamne étoit coquette,
Et n’eut pu se passer d’amant.
Ce n’est point médisance noire ;
Et je m’en rapporte au roman
Où vous croyez mieux qu’à l’histoire.

Son âme ne fut point ingrate
Aux passions de Tiridate,
Qui fut l’un de ses favoris ;
Et c’est d’elle que vient la mode
De faire enrager les maris,
Alors qu’ils sont vieux comme Hérode.

Lorsque ce livre enseigne comme
Elle baisa ce galant homme,
Dieu sçait ce qu’entend le lecteur :
Et vous-même êtes assez fine
Pour vous imaginer l’auteur
Plus modeste que l’héroïne.

On ne pouvoit vivre avec elle :
Hérode et toute sa séquelle
Lui passèrent pour des dragons :
Bref, sa conduite impertinente
Eût, je crois, fait sortir des gonds
Madame votre gouvernante.

La pauvre dame toute bonne
Eût vu cette fière personne
Sans cesse la contrarier ;
Et dans son humeur inquiète
Eût trouvé pis que le brasier,
Et pis que les brins de vergette.

Elle aimoit, elle étoit aimée.
Mais épargnons la renommée,
Et laissons-la pour ce qu’elle est :

Suffit que c’est un sot modèle,
Et qu’on a beaucoup d’intérêt
Que vous ne soyez pas comme elle.

De grâce, m’allez pas redire
Que j’en ai fait une satire,
Où je la mets en beaux draps blancs,
Et que mes muses libertines
Ont après quelques deux mille ans
Mis Mariamne aux Feuillantines.





Plainte.

STANCES.


Beauté qui triomphez de moy,
Vous rêvez à je ne sçay quoy,
Sans qu’on puisse juger quel chagrin est le vôtre,
D’où viennent ces noirceurs dessus un front si doux ?
Est-ce que je suis près de vous,
Ou que vous êtes loin d’un autre ?

Oüy, ma présence vous déplaît,
Et mon sort, tout affreux qu’il est,
N’a rien qui vous surprenne et rien qui vous étonne ;
Vous ne prenez pas garde aux ennuis que je sens,
Et vous ne rêvez qu’aux absens,
Ou vous ne rêvez à personne.

Peut-être, en vous parlant d’un feu
Dont l’ardeur vous touche si peu,
Je vous ay ramené quelque image effacée,
Et par mon innocent et funeste entretien,
Un autre tourment que le mien
Vous est tombé dans la pensée.

Peut-être, quand mon œil ardent
Vous contemploit en imprudent,
Ce qu’en dépit de moy trop souvent il hazarde,
Vous disiez en vous-même, et mon cœur l’entendoit :
Hélas ! l’autre me regardoit,
Comme celuy-cy me regarde.

S’il est ainsi, j’aime bien mieux
Ne dire mot, baisser les yeux,
Et prendre une froideur qui soit comme la vôtre,
Que de vous mettre au point où vous étiez tantôt.
Hélas ! oubliez-moy plutôt,
Que de vous souvenir d’un autre.





À la petite Chienne de Madame la Comtesse de F***.


Mignonne, je m’adresse à vous,
Je vous écris d’un style doux,
Vous verrez ma lettre ; et possible
Ne serez-vous pas insensible,
Ni fière jusques à ce point
De lire, et ne répondre point.
N’imitez pas vôtre Maîtresse :
Vous êtes chienne, elle est tigresse ;
Et par tous païs je maintiens
Tigres plus incivils que chiens.
À sa plume mettez la patte ;
Apprenez à vivre à l’ingrate,
Qui me traite en petit marmot
Lorsque gens ne luy disent mot.
Je croy qu’afin de la confondre
Les bêtes peuvent bien répondre.
Mandez-moy quels sont vos ébats,

Et si vous ne reposez pas
Toutes les nuits seule avec elle,
Comme sa compagne fidelle,
Car j’aurois beaucoup de dépit
Si vous étiez trois dans un lit.
Dessus ce point, ma fantaisie
Penche fort à la frénésie ;
Cela me trouble, et c’est pourquoy,
Levez la patte, et jurez-moy,
En noble et fidelle Épagneule,
Que vous y couchez toute seule.
Que dis-je ? elle a le cœur trop bon,
Et je luy demande pardon ;
Il est de fort mauvaise grâce
Ce soupçon, et fait que je passe
Pour le plus fou de tous les foux :
Mais, mignonne, je suis jaloux ;
Ce mal trouble bien des cervelles,
Et vous m’en direz des nouvelles
Lorsque vous serez en chaleur,
Si vous tombez en ce malheur.
Cependant faites bien la ronde :
Aboyez bien à tout le monde,
Et me tirez à belles dents

Tous ces curieux regardans.
Ne vous acharnez pas aux cottes,
Comme aux canons et comme aux bottes
De ces téméraires badins,
Et point de quartier aux blondins.
Vers le lit faites bonne garde,
N’y souffrez pas qu’on la regarde ;
Et paroissez aux plus hardis
Un Cerbère de paradis.
Mignonne, adieu, soyez certaine
Qu’il n’est ni princesse ni reine
Avec laquelle il fût si doux
De coucher comme avecque vous.





Sur le Chat de Madame Des-Houillières.

SONNET.


Je ne dis mot, et je fais bonne mine
Et mauvais jeu, depuis le triste jour
Qu’on me rendit inhabile à l’ amour ;
Des chats galans, moy la fleur la plus fine.
 
Ainsi se plaint Mauricaut, et rumine
Contre la main qui luy fit un tel tour.
Il est glacière, au lieu qu’il étoit four ;
Il exploitoit, maintenant il badine.
 
C’étoit un brave, et ce n’est plus qu’un sot :
Dans la goutière il tourne autour du pot ;
Et de bon cœur son sérail en enrage.
 
Pour les plaisirs il avoit un talent
Que l’on luy change, au plus beau de son âge.
Le triste état qu’un état indolent !



À Madame Des-Houillières.


Jeune et charmante Des-Houillières,
Naguère entre les écolières,
Et maintenant, depuis le prix,
Maîtresse entre les beaux esprits,
Quand je vous rends quelque visite,
Devant vous je crains, et j’hésite
À me plaindre de vos appas.
C’est bien pis, ne vous voyant pas.
Tant que je suis à la campagne,
Ma seule idée est ma compagne,
Et ma seule idée, entre nous,
Ne me représente que vous.
Toutes choses me sont contraires,
Et mes rivaux sont mes confrères.
Examinons-les donc un peu :
Pour vous, Boyer est tout en feu,

Boyer que vous menez en laisse,
Qu’il vous laisse là ; je luy laisse,
(Pourvu qu’il prenne un autre ton)
Jusques à mon dernier jetton.
Lavaux peut-être se dispense
De vous dire tout ce qu’il pense.
Quinaut, sera toûjours Quinaut,
C’est-à-dire, doux, tendre et chaud.
Dussay-je perdre mon escrime,
Je veux les perdre tous en rime,
Moy qui suis en rime fécond.
Du Perier sera mon second,
Sa maigreur est la seule chose
Dont je me sers, et que j’oppose
À l’embompoint de Charpentier,
À qui je ne fais point quartier,
Puis qu’il vous cajole et s’embrase
Dans tous vos fauteuils qu’il écrase.
Perraut, qui vous hante, et sur rien
N’affecte le goût ancien,
Voudroit faire avec vous des siennes,
Vous qui n’êtes pas des anciennes.
J’ay tout ce grand corps sur les bras,
Et Ménage qui n’en est pas.

Je n’en dis rien, mais j’en enrage ;
Et chez vous tout me fait ombrage.
Le Clerc n’est point là pour néant,
Tout rival me paroît géant.
Amour ne vit que de rapines :
L’on est toûjours sur les épines,
Et rien moins que sur le veloux,
Dès qu’on est absent et jaloux.





RONDEAU.


Au bout du compte, quelque playe
Que pour vous dedans l’âme j’aye,
Je ne suis pas tant arrêté
Aux fers de ma captivité
Qu’à les rompre, enfin, je n’essaye.
N’est-il pas temps que je me paye,
Puisque mon amour est si vraye
Et qu’on voit ma fidélité
Au bout ?

C’est par trop me donner la baye,
De mon souvenir je vous raye,
Ailleurs je suis bien mieux traité,
Et c’est une jeune beauté
Aimable autant que vous que j’aye
Au bout.





À une Belle insensible qui demandoit des vers.

STANCES.


Dispensez-moy, Belle insensible,
De contenter vôtre désir ;
Ne m’ordonnez pas le plaisir
De rendre ma peine visible ;
Révoquez ce commandement,
Qui peut augmenter mon tourment,
Sans accroître vôtre puissance.
Je ne sçaurois vous obéir,
De peur que mon obéissance
Ne vous oblige à me haïr.

Je recevrois beaucoup de gloire
De vous présenter de mes Vers,
Et de laisser à l’Univers
Des marques de vôtre Victoire ;
Mais, dans cet excès de douleur
Où me réduit mon grand malheur,

Je voy bien qu’il me faut contraindre,
Et qu’il vaut mieux ne point parler,
Ne pouvant parler sans me plaindre
Des feux dont je me sens brûler.

Laissons le récit déplorable
Du sort d’un malheureux amant ;
L’on ne trouve rien de charmant
Dans l’entretien d’un misérable.
Le triste objet de ses travaux,
Le nombre infini de ses maux,
Le cours éternel de ses larmes,
Ses désespoirs, ses déplaisirs,
Ne vous feroient point voir de charmes
Qui pussent flatter vos désirs.

Quel objet vous peut-il dépeindre,
Dans les supplices qu’il ressent.
Qu’un tourment sensible et pressant
D’une ardeur qu’il ne peut éteindre ?
Mais lors qu’il vous seroit offert,
Le tableau sanglant de ses fers
Ne serviroit qu’à vous déplaire,
Et l’excès de sa passion,

Exciteroit vôtre colère,
Et non vôtre compassion.

Vous ne verriez dans ses pensées
Que de tragiques mouvemens,
Et les mortels ressentimens
De ses infortunes passées ;
Vous n’entendriez dans son transport
Que les vœux qu’il fait à la mort
Pour finir son cruel martyre ;
Et s’il n’étoit pas écouté,
Il accuseroit vôtre empire
D’injustice et de cruauté.

Il vous nommeroit infidelle,
Cœur de rocher, cœur sans pitié,
Âme dure et sans amitié,
Ingrate, inhumaine et cruelle.
Il vous mettroit devant les yeux,
Les mots les plus injurieux,
Les fureurs les plus violentes ;
Et peut-être sans y penser.
Par ses paroles insolentes
Sa main pourroit vous offenser.

Il est vray qu’il porte dans l’âme
Un désir sincère et discret,
Un amour céleste et secret,
Exempt d’orgueil comme de blâme :
Il est vray que ce pauvre amant
Consomme ses jours constamment
Dans une flâme pure et belle ;
Mais par un destin rigoureux,
Vous la jugeriez criminelle,
À cause qu’il est malheureux.

Il vaut mieux garder le silence,
Que voir mon amour condamné ;
J’aime mieux être infortuné
Par respect que par insolence :
Je sçay bien que dans les langueurs
Que me font souffrir vos rigueurs,
Ma plainte seroit légitime,
Mais non, je ne me plaindray pas,
Et je veux être exempt de crime,
Plutôt qu’être exempt du trépas.





Sur un Portrait.

STANCES.


Flatteur, qui sans affection
Charme la douleur qui me tuë ;
Ingénieux trompeur qui, décevant ma veuë,
Satisfais à ma passion ;

Aimable entretien de ma flâme,
Ombre du soleil de mes yeux
Et de la vérité qui plaît seule à mon âme,
Mensonge industrieux ;

Imaginaire Déité
À qui je rends de vrais hommages,
Beaux rayons dérobez du plus beau des visages
Que l’art ait jamais inventé !

Muet témoin de ma constance,
À qui je me plains chaque jour,
Astre, qui dans la nuit de ma cruelle absence
Éclaires mon amour.

Quoique vos attraits décevans
Soient peints d’une main secondée
De l’art et des efforts d’une puissante idée,
Olympe a des yeux plus sçavans.

Le temps a droit de faire outrage,
À tout ce que l’art peut tracer ;
Mais, quand ses doux regards impriment son visage,
Rien ne peut l’effacer.





À Madame de Hautefort, pour le Roy

STANCES.


Objet aimable et vertueux,
Comme un amant respectueux,
Je mets à vos pieds mon empire ;
Puisque rien ne vous le défend,
Permettez qu’un enfant soupire
Et se plaigne à vous d’un enfant.

Vous possédez mon jeune cœur,
Et déjà vôtre éclat vainqueur
Impérieusement le brave ;
Mes fers sont nez avecque moy,
Et vos yeux m’ont fait leur esclave,
Quand les Dieux m’ont fait vôtre Roy.

Mon père eut le même transport,
Et m’a laissé, quand il est mort,
Cette belle flâme en partage :
Je l’ay trouvée entre ses biens,
Et j’en préfère l’héritage
À tous les sceptres que je tiens.

Ce monarque si redouté,
Qui vous donna sa liberté,
M’inspira le soin de vous plaire
En me communiquant le jour,
Car ce n’est point de par ma mère,
Que je suis sujet à l’amour.

Il eût fait dans sa passion.
Des leçons de discrétion,
Pour les âmes les mieux éprises ;
Et moy, brûlant de même ardeur,
Vous sçavez si mes entreprises
Effarouchent vôtre pudeur.

De la reine et de vous j’apprends
Des préceptes bien différens,
Qu’il ne faut pas que je dédaigne :

Elle, se faisant obéir,
M’instruit comme il faut que je règne ;
Et vous m’apprenez à servir.

J’auray sujet d’être insolent,
Et seray le plus opulent
De tous les Princes qu’on révère,
Si quelque jour vous me livrez
Ce que vous deviez à mon père
Et tout ce que vous me devrez.

Jusqu’icy mes maux me sont doux.
Aussi m’accorderiez-vous
Une très-inutile grâce :
Mais qu’un jour je seray content
Si vôtre cruauté se passe,
Et si vôtre beauté m’attend !

Gardez vôtre cœur pour le mien,
On peut faire trop tôt du bien,
Comme trop tard on en peut faire ;
Et vous avez encor du tems
À méditer sur le salaire
Qu’on doit à des feux si constans.

Ainsi parloit à des beaux yeux,
Un Roy pour qui les siècles vieux
Porteront jalousie au nôtre,
Un enfant qui nous sert d’appuy,
Blessé dans le cœur par un autre,
Moins aimable et moins beau que luy.

Pour flatter le mal qui l’a pris,
À la honte des beaux esprits,
Il n’a choisi que ma personne ;
J’explique ses premiers désirs
Et suis cause que Boisset donne
De l’air à ses premiers soupirs.

Je m’estime un peu malheureux,
De faire des vers amoureux,
Contre un vœu dont il me dispense ;
Mais quoique je sois combattu,
J’en feray tant que l’Innocence
Fera l’amour à la Vertu.





SONNET.


Jeune divinité, dont la grâce immortelle,
Comme vôtre dédain, va toûjours augmentant ;
Vous déplais-je si fort, me haïssez-vous tant,
Qu’il faille être à vos coups une butte éternelle ?

Je n’avois pas senti cette rigueur nouvelle
Dont vous vous avisez en me persécutant,
Et qui vous fait donner le titre d’inconstant
À qui depuis deux ans vous est toujours fidèle.

Moy, n’avoir plus pour vous le même sentiment
Que l’amour m’inspira si glorieusement,
Et vous quitter ainsi pour en aimer une autre !

Changez d’opinion, Philis, et songez bien
Qu’il n’est point de beauté qui soit comme la vôtre,
Et qu’il n’est point de cœur qui soit comme le mien.



Pour Monsieur le Marquis del Carette.

SONNET.


Toy, dont redoutent les approches,
Ces médecins qui volontiers
Du monde retranchent le tiers,
Célèbres par le bruit des cloches ;

Toy, qui ne bronches ni ne cloches,
Éloigné de leurs faux sentiers,
Fléau des brûlans héritiers,
Qui te font de secrets reproches ;

Digne Esculape de nos jours,
Carette, ton noble secours
À le bien payer me convie ;

Et, fameux par tout l’univers,
Celuy qui prend soin de ma vie
Doit être immortel dans mes vers.



Sur la mort de Monsieur le Prince


Condé meurt dans son lit, et sa gloire en murmure ;
Aussi voit-il sa mort d’un regard dédaigneux.
Il la cherchoit brillante, elle s’en vient obscure
Et peu digne d’un cœur de ses jours peu soigneux.

Sa grande âme inquiète échappe et rompt ses nœuds,
Pareille fin luy semble une espèce d’injure.
Terrible aux ennemis, fondre et tomber sur eux,
Percé de mille coups, étoit chose moins dure.

Il vouloit en mourant être utile à son Roy,
Comme il le fut jadis quand son bras de Rocroy,
Nortlingue, Lans, Senef, rougit les plaines vastes.

Et que n’en diront pas les siècles à venir ?
Heureux, s’il eût fait moins, ou qu’il eût dans nos fastes
De ce qu’il fit de trop éteint le souvenir.



Plainte du Cheval Pégaze aux Chevaux de la Petite Écurie, qui le veulent déloger de son Galetas des Thuileries.


Pégaze, contre qui tant de chevaux ensemble
Forment une cabale, et conspirent, ce semble,
À le faire sortir du lieu de son repos,
Leur voulut expliquer la douleur qui le touche,
Et, secouant le mords qu’il avoit dans la bouche,
Parmy beaucoup d’écume en fit sortir ces mots :

Compagnons d’une belle et noble servitude,
Que sous le Grand LOUIS nous ne trouvons point rude,
Me voulez-vous enfin chasser de mon réduit ?
C’est un bruit surprenant, et lors que je l’écoute,
Pour le Cheval de bronze on me prendroit sans doute,
Si je ne m’ébranlois à ce terrible bruit.

Croyez-vous que mes droits soient moindres que les vôtres ?
Sommes-nous pas chevaux les uns comme les autres ?
Je suis par-dessus vous, et ne m’en prévaus pas :
Les qualitez que j’ay sont moins matérielles,
Et quand ce ne seroit qu’à cause de mes aîles,
Je doy loger en haut, si vous logez en bas.

Ne nous reprochons rien, vous portez le monarque,
Et pour vous en effet c’est une illustre marque ;
Mais, à n’en point mentir, mon sort est aussi bon :
Vous marchez terre à terre en des routes connuës,
Moy d’un rapide vol je traverse les nuës,
Et porte dans le ciel sa louange et son nom.

D’autres que moy verroient leurs forces étouffées
Sous ce pesant amas d’armes et de trophées
Qui le rendent par tout redoutable aujourd’huy ;
C’est aussi pour mon dos une charge assez forte :
En ce grand équipage il faut que je le porte
Dans la postérité bien loin derrière luy.

Combien j’ay veu de fois naître et mourir les roses,
Depuis que je luy vay quérir les belles choses
Dont il veut chaque hyver enrichir son ballet ;

Et quand j’ay comme il faut galoppé pour sa gloire,
Pour une pauvre fois qu’on m’aura mené boire,
Tout le reste du temps on me laisse au filet.

JULES, qui pour l’Estat se donna tant de peine,
Voulut aussi régler mon foin et mon avoine ;
Luy-même descendit jusqu’à ce dernier soin,
Mais il prit par malheur un râtelier pour l’autre,
Et quittant un païs aussi doux que le nôtre,
Partit et me laissa sans avoine et sans foin.

Je n’aurois maintenant pauvreté ni tristesse,
N’étoit qu’un bon coureur, me passant de vitesse,
A pris ma portion que je luy voy manger ;
Dedans la paille fraîche il se vautre, il s’y plonge,
Couché sur ma litière, et tandis qu’il me ronge,
Malheureux, je n’ay rien que mon frein à ronger.

J’habite un beau palais, qui n’a point de modèle,
Si c’est enchantement ou chose naturelle,
C’est où les spectateurs demeurent en suspens :
Il est peint, ajusté, poly, galant, honnête ;
Tout y plaît, tout y charme, et rien n’y sent la bête
Que de l’avoir fait faire à mes propres dépens.

C’est d’une si tranquille et si riante place,
Presque à moitié chemin du ciel et du Parnasse,
Que je sçay mépriser tout l’or de ces bas lieux ;
Là s’égaye en repos ma libre fantaisie,
Vivant là d’un air pur, et d’un peu d’ambroisie,
Qui tombe quelquefois de la table des dieux.

Ce pays de séjour en délices abonde,
C’est un don que je tiens du plus grand Roy du monde,
Je veux devant ses yeux ma disgrâce étaler :
Et je ne seray pas le premier misérable
À qui l’on aura vû sa bonté favorable,
Ni le premier cheval dont il ait oüy parler.





SONNET.


Ce qu’il faut pour un poëte, Homère enfin l’avoit,
Et des autres il fut comme le pédagogue ;
Virgile vint ensuite, et pas moins n’en sçavoit,
La secte de ces gens est envieuse et rogue.

Aristote, invincible en tout ce qu’il prouvoit,
Aprés avoir esté tant de siècles en vogue,
Descartes vient, qui dit qu’Aristote rêvoit,
Et débite, ce semble, une plus fine drogue.

Ce qu’il faut pour un peintre, Apelles le fit voir,
Et de ses descendans se crut le désespoir ;
Il en est toutefois qui partagent sa gloire.

Ce qu’il faut pour un roy, le nôtre nous l’apprend,
Et nous a dés longtemps mis en état de croire
Qu’il ne sçauroit jamais en venir un si grand.



Air.


Tircis dans nos bois apperçut
Une jeune et tendre bergère,
Elle luy plut,
Sans qu’elle sçût
Comme il faut faire
Quand on veut plaire.

Il se plaignoit d’un air touchant,
Mais elle n’en fut pas atteinte,
Et sur le champ
Ne fit qu’un chant
De cette plainte.
Ou vraye, ou feinte.

Son cœur est un petit glaçon.
Quoy que pour elle on puisse faire,
Une chanson
De sa façon,
Est le salaire
Qu’on en espère.



Pour Monsieur Perraut.

SONNET.


Suy ta pointe, Perraut, sous des couleurs si belles,
Prouve-nous que ton siècle, heureux de toutes parts,
Sur le fait des héros, comme sur les beaux arts,
Ne dégénère en rien de ses premiers modèles.

Fais-nous-en seulement des peintures fidèles,
Nous verrons les LOUIS au dessus des Césars,
Et le temps favorable aux le Bruns, aux Mignards,
Les mettra pour le moins vis à vis des Apelles.

Qui l’oseroit nier ? l’antique a sa beauté ;
Mais elle n’exclud point la sage nouveauté ;
Sans se déshonorer, la fille suit la mère :

Où d’Auguste en seroit la mémoire aujourd’huy,
Si trop respectueux Virgile pour Homère,
Eût fait difficulté de paroître après luy ?



SONNET EN BOUTS-RIMEZ.


Le Monde va le train qu’il plaît à Jupiter,
Depuis le médecin jusqu’au pharmacopole,
L’homme abonde en son sens, et le moindre frater
Se croit aussi sçavant qu’Arnaud et que Nicole.
 
On se lève, on s’habille ; a-t’on dit un Pater ?
On retourne à son fait. L’écuyer caracole,
Le Marchand sur le prix commence à disputer,
Le pilote à la mer observe la boussole,
 
L’ambitieux travaille à se rendre immortel,
Le Brave se veut battre et médite un cartel ;
Chacun a son tracas, chacun a son affaire.
 
L’un s’adonne à la prose, un autre écrit en vers ;
Mais s’agit-il de vaincre et régir l’ Univers ?
On ne demande plus quel Roy le pourra faire.



Sur une nouvelle affection, aprés la mort d’une Maîtresse.

STANCES.


De qui me plaindrai-je en ce jour,
Ou de la mort ou de l’amour,
Qui tous deux traversent ma vie,
Si les Astres infortunez
Veulent qu’au trépas de Silvie
Tous mes maux ne soient pas bornez ?

Mort aux plaisirs, vif aux douleurs,
Je croyois dans l’eau de mes pleurs
Éteindre ma vie et ma flâme ;
Quand la beauté qui m’asservit,
D’un regard me rendit mon âme,
Et de l’autre me la ravit.

Bel œil jadis si plein d’appas,
Qui dors en la nuit du trépas
Sur les bords du rivage sombre,
Ne trouble pas ton doux sommeil,
Si l’amour veut qu’au lieu d’une ombre
Désormais j’adore un soleil.

Je crus que perdant ton flambeau,
Mon cœur amoureux du tombeau
N’auroit des feux que de ta cendre ;
Et que cette noire maison
Où la Parque t’a fait descendre
Seroit mon unique prison.

Mais un seul rayon de ces yeux
Qui troublent la gloire des Dieux,
M’ôta le titre d’invincible ;
J’accrus ma honte en résistant,
Et pour n’être pas insensible
Il me falloit être inconstant.

Un trait de feu, m’ouvrant le sein,
Changea mon fidèle dessein,
Ma raison se trouva ravie ;

Je fus surpris de sa clarté,
Et contraint pour sauver ma vie,
D’abandonner ma liberté.

Source divine de mes feux,
Souffre l’hommage de mes vœux,
De mes soûpirs et de mes larmes ;
Reçois mon âme sous ta loy,
Et permets que j’offre à tes charmes
Ce qui déjà n’est plus à moy.

Permets qu’un misérable amant
Puisse être jusqu’au monument
Tributaire de ta couronne,
Et traite ce cœur qui se rend
Comme une place qui se donne,
Et non comme une qui se prend.





Le Jaloux.

STANCES.


Le déplaisir qui me combat,
Me fait connoître que le sage
Doit embrasser le célibat,
Et détester le mariage.

Ô que mon cœur est agité !
Qu’il est remply d’inquiétudes !
Ma femme a l’esprit si gâté
Qu’elle est l’antipode des prudes.

Son orgueil ne se peut guérir ;
Elle s’égale aux souveraines ;
Et son luxe a fait enchérir
La dentelle et le point de Gênes.

Pour éblouïr les jeunes foux
Et passer prés d’eux pour un Ange,
Elle a dépeuplé de bijoux
Les boutiques du Pont au Change.

La folle a si bien ménagé
Les doux appas de sa prunelle,
Que mon lit se voit assiégé
De plus de braves qu’Orbitelle.

Dans l’entretien de ces Vaillans,
Dont elle veut être adorée,
Son caquet prend tous les brillans
De l’éloquence figurée.

Ses paroles sont toutes d’or,
Rien n’échappe à sa Rhétorique,
Et Paris n’a point de Médor
Dont elle ne soit l’Angélique.

Elle me rend si malheureux,
Que mon chagrin n’a plus de bornes ;
Je croy qu’un peuple d’amoureux
Travaille à me planter des cornes.

Mille peurs troublent mon cerveau,
Dés que son page approche d’elle,
Je crains tout, même le tableau
Du héros peint dans ma ruelle.

Que je serois aimé des Cieux,
Si cette belle vagabonde
Alloit débaucher nos ayeux
Et coqueter en l’autre monde.





Regrets.


Ainsi Calinice, dolent,
Formoit en son mal violent
Moins de paroles que de larmes,
Quand, malgré tout autre pouvoir,
Son amour opposoit ses armes
À celles de son désespoir.

Destins ennemis et jaloux,
À quelle fin m’ordonnez-vous
D’aimer avec persévérance,
Permettant pour mes déplaisirs,
Que la mort de mon espérance
Laisse la vie à mes désirs ?

Que rigoureuses sont vos loix
Astres impiteux à ma voix,
Ou que mon offense est extrême !
Vous voyez sans me secourir,
Qu’on me sépare de moy-même,
Et vous m’empêchez de mourir.

Au moins cette grande beauté
Sçauroit alors la cruauté
Que souffre mon âme contrainte ;
Et si l’excès de ma douleur
Cause le défaut de ma plainte,
Ma mort luy diroit mon malheur.

Dieux ! pour l’honneur de vos autels,
Venez condamner les mortels
Aussi-bien que mon cœur aux flâmes ;
Vos offices vous sont ostez,
On veut assujettir les âmes,
Et disposer des volontez.

La foy ni l’inclination
N’obligent pas l’affection,
Sans que la grandeur l’importune ;

Et par un malheur de nos jours,
Les dignitez de la fortune
Sont les doux charmes de l’amour.

Amour, quelle est ta déité,
Si de la fortune agité
Contr’elle enfin tu te consommes ?
C’est la maîtresse de ces lieux,
Qui ne régnant que sur les hommes,
N’a point d’empire sur les Dieux.

Tu cèdes aux rigueurs du sort,
Et je reste sans reconfort
Aux injures de ta défaite ;
Je te voy, superbe vainqueur,
Contraint de faire la retraite,
Mais c’est toûjours dedans mon cœur.

L’image de perfections,
Qui cause mes afflictions,
Seule me console et m’attire ;
Souffrant avec tant de raison,
Je favorise mon martyre
Et déteste ma guérison.



STANCES.

Plainte d’un Amant à sa Maîtresse.


Lisez-les devant mon rival,
Ces vers où je me plains de l’humeur dont vous estes ;
Et riant avec luy du sujet de mon mal,
Songez quel honneur vous vous faites.

S’il vous aime, il n’aimera point
Cette humeur, quoy-qu’enfin il y trouve son compte ;
Et je ne pense pas que jamais sur ce point
Vous luy puissiez faire un bon conte.

Dites-luy qu’avec peu d’effort
Vous rompez les liens d’une amour infinie ;
S’il en rit de bon cœur et qu’il vous aime fort,
Il est de bonne compagnie.

Il en a beau faire le fin,
Si ma chute luy plaît, l’exemple l’importune ;
Quelque établi qu’il soit, peut-estre mon chagrin
Fait trembler sa bonne fortune.

Quand l’objet est léger et vain,
Le dernier soûpirant se doit tenir alerte ;
Qu’auroit-il plus que moy ? j’ay fait le même gain,
Il peut faire la même perte.

Chacun débite sa douceur,
Chacun, en fait d’amour, se supplante et se choque ;
Et je gage déjà que de mon successeur
Quelqu’un regarde la défroque.

À vôtre gré prenez l’essor,
Je n’en murmure point, ce n’est plus mon affaire ;
Mais, entre nous, combien prétendez-vous encor
Avoir d’inconstances à faire ?

Tout passe, les attraits s’en vont ;
Et quand vous n’aurez plus cette grande jeunesse,
Eussiez-vous, s’il se peut, un caprice plus pront,
On vous gagnera de vîtesse.

S’il reste vers ces derniers temps
Quelque trait à vos yeux de leurs traits adorables,
Ils vous feront au moins tout autant d’inconstans
Que vous faites de misérables.

Pour vous payer, on vous rendra
Cette infidélité qui n’épargnoit personne ;
Et de vôtre printemps la faute deviendra
Le supplice de vôtre automne.

Vous verrez avecque rougeur
Vos charmes ne donner que de foibles atteintes ;
Et nous pourrons bien voir quelque mépris vengeur
Naître de vos grâces éteintes.

Mais malgré le dépit que j’ay,
Le ciel garde pourtant vôtre beauté parfaite ;
Encore que je sois un amant outragé,
Je désire estre un faux prophète.





STANCES.

L’Amant indifférent.


Non, je ne monte point à ce point d’insolence,
Que d’oser sans raison, d’un courage effronté,
Soûtenir de mes mœurs la trop grande licence,
Et la lasciveté.

Je ne les cèle plus, mes vœux illégitimes,
Si la confession amoindrit le péché ;
Insensé que je suis, je découvre des crimes
Que tout autre eût caché.

Quoique je les haïsse, et que je les déteste,
Mon âme encor pour eux a des désirs puissans :
C’est un subtil venin, c’est une douce peste
Qui veut charmer mes sens.

Ah ! qu’il est difficile, et que l’on a de peine
À supporter un faix qu’on voudroit décharger !
Je nourris dans le cœur une espérance vaine
De m’en voir dégager.

Je combats vainement, ma passion trop forte
A réduit ma raison à ne plus résister,
Et ressemble au vaisseau que le courant emporte
Sans pouvoir s’arrêter.

Il n’est point de beauté ni de grâce certaine
Que je puisse nommer l’objet de mes amours ;
Toutes sortes d’appas, me causant de la peine,
Font que j’aime toûjours.

Si quelqu’objet sur moy jette des yeux modestes,
Sa pudeur me ravit, il devient mon vainqueur,
Et de si doux regards sont les flâmes funestes
Qui m’embrasent le cœur.

Si je trouve au contraire une Dame affétée,
Son langage un peu libre a pour moy des appas,
Et la place me plaît, qui peut être emportée
Sans beaucoup de combats.

Si j’en vois par hazard quelqu’une dédaigneuse,
D’une antique Sabine imitant le parler,
Je croy qu’elle le veut, mais qu’une âme orgueilleuse
La fait dissimuler.

Une docte me plaît, j’y trouve mille charmes,
J’adore incontinent ses rares qualitez :
Une innocente encor me fait rendre les armes
Par ses simplicitez.

S’il est quelque beauté si fort passionnée,
Que de n’estimer rien que les vers que je fais,
Aussi-tost sous ses loix mon âme est enchaînée,
Et j’aime à qui je plais.

S’il s’en rencontre aussi dont l’humeur plus sévère,
Blâme des vers qu’une autre aura trouvez charmans,
Je voudrois me venger d’un si doux adversaire
Par mille embrassemens.

L’une en se promenant chemine avec molesse,
Et d’un pied négligent elle forme ses pas ;
Son mouvement me plaît, et sa feinte paresse
A pour moy des appas.

L’autre d’un fier regard paroît inexorable,
Et d’un pas mesuré marche superbement ;
Mais elle pourra bien devenir plus traitable
Dans les bras d’un Amant.

Parce que celle-là, si l’on n’est une souche,
Avec sa douce voix nous sçait si bien charmer,
Je voudrois dérober des baisers à sa bouche
Sans la faire fermer.

Cette autre icy fait plaindre en cent façons nouvelles
Les cordes que ses doigts sçavent si bien toucher ;
Pour n’aimer pas des mains si doctes et si belles
Il faut être un rocher.

Celle-cy me ravit par un geste agréable,
Qui fait suivre à ses bras la mesure des sons,
Et fait tourner le corps d’un art émerveillable
En cent doctes façons.

Toy, qui peux égaler par ta haute stature
Ces femmes de Héros que l’Antiquité vit,
Tu peux par ces faveurs que t’a fait la Nature
Occuper tout un lit.

L’autre, quoiqu’un peu courte, a pourtant du mérite,
Elle en est plus subtile au lascif mouvement ;
L’une et l’autre me plaît, la grande et la petite
Me rendent leur Amant.

Elle n’a mis nul soin à laver son visage,
On ne remarque en elle aucun ajustement :
Aussi-tost mon esprit songe quel avantage
Donne cet ornement.

Cette autre plus parée a consulté sa glace,
Pour donner à ses yeux de nouvelles clartez :
N’est-ce pas un grand point de sçavoir avec grâce
Étaler ses beautez ?

La Blanche me remplit d’une ardeur non-commune,
Pour la Blonde aussi-tost je mets les armes bas,
Et mes yeux mêmement dedans la couleur brune
Rencontrent des appas.

Des cheveux noirs pendans dessus un col d’ivoire
Ont des attraits puissans qui peuvent tout charmer,
Et ce fut de Léda la chevelure noire
Qui la fit tant aimer.

S’ils sont dorez, l’Aurore en avoit de semblables,
C’est par ses seuls rayons qu’on la voit éclater ;
Enfin je m’accommode à tout autant de fables
Qu’on en peut inventer.

Dessus moy, la jeunesse a beaucoup de puissance ;
Un âge un peu plus meur a dequoy m’enflâmer :
L’une par sa beauté, l’autre par sa prudence,
Me peut aussi charmer.

Enfin, s’il est encor quelques beautez nouvelles,
Qui puissent dans les cœurs porter la passion,
Mon amour y prétend, et pour toutes les Belles
J’ay de l’ambition.





Sur l’Amour d’Uranie avec Philis.

STANCES.


Je ne murmure pas, infidelle Uranie,
De vôtre trahison ;
Et je ne prétens point, dessous ma tyrannie,
Gêner vôtre raison.

Si pour un autre Amant vous aviez pris le change,
Je l’aurois enduré :
Je blâmois vôtre amour, et je trouvois étrange
Qu’il avoit tant duré.

Je n’ai rien de charmant, ni rien de comparable
À vos perfections ;
Et vous êtes d’ailleurs d’un sexe variable
En ses affections.

Mais quoi ! vôtre amitié, pour suivre une autre Amante,
Se sépare de nous !
Belle certainement, adorable, charmante,
Mais femme comme vous.

De céder la victoire il est assez infâme,
Quel que soit le Vainqueur ;
Mais d’être lâchement vaincu par une femme,
C’est double crêve-cœur.

Il faut le confesser, il est vrai qu’elle est belle,
Qu’elle est pleine d’attraits ;
Et que mal-aisément l’âme la plus rebelle,
Se défend de ses traits.

Pour elle tout languit ; pour elle tout soupire
Où que tournent ses pas ;
Les plus nobles Vainqueurs reconnoissent l’empire
De ses divins appas.

Des braves qui cent fois des flots et de l’orage
Méprisèrent l’orgueil ;
De fameux Conquérans, viennent faire naufrage
À ce fatal écueil.

Même en ce beau rivage, où la mer se couronne
De bouquets d’oranger,
On vit le Dieu des Eaux, quittant sceptre et couronne,
Sous ses loix se ranger.

Elle est, il est bien vrai, digne d’être admirée
De tous également ;
Mais sa divinité ne doit être adorée
Que de nous seulement.

Chacun serve ses Dieux ; les prêtres de Cibelle
Aux Autels de Vénus,
Leur offrande à la main, quoique pompeuse et belle,
Seroient les mal-venus.

Aussi, quoiqu’elle jure et quoiqu’elle vous mente,
Vous croyez vainement
Qu’elle ait jamais pour vous cette ardeur véhémente
Qu’on a pour un Amant.

Pour peu que de bon sens sa raison soit guidée,
Elle voit aisément,
Que vôtre passion n’est qu’une folle idée,
Ou qu’un déguisement.

Non, non, vôtre amitié, de quoi qu’elle se vante,
Ne sçauroit la toucher ;
Et celle qui pour nous est sensible et vivante,
Pour vous est un rocher.

Vôtre flâme est brillante, elle tonne, elle éclaire,
Mais elle est sans vigueur ;
Elle peut éveiller et jamais satisfaire
L’amoureuse langueur.

Vos baisers sont pareils à ces baisers timides
Qu’une mère a d’un fils ;
Au prix de nos baisers pressez, ardens, humides,
En sucre tout confits.

Le duvet d’un Amant, pique la bouche et l’âme ;
C’est un doux aiguillon
Qui d’un sang amoureux dans le cœur d’une Dame
Excite le boüillon.

Quand l’Astre du matin sollicite la Rose
D’un baiser amoureux,
D’aise elle épanouît sa feuille à demi close
À ses rais vigoureux.

Mais quand la froide Lune, à l’amour impuissante,
En pense faire autant,
Au contraire, sa fleur débile et languissante
Se resserre à l’instant.

Et ses rayons gelez, sa couronne incarnate,
S’étreint en peloton ;
Se cache sous l’épine, en ses feuilles se natte,
Et ferme son bouton.

Alors que vous pressez la bouche d’une Dame
De baisers trop ardens,
Et que vous pénétrez jusqu’à l’humide flâme
Qui s’enferme au dedans ;

Aux guespes des jardins vous devenez pareilles,
Qui sans faire du miel,
Picotent sur les fleurs le butin des abeilles
Et la Manne du ciel.

Voit-on les animaux, quelqu’ardeur qui les presse,
Ainsi s’apparier,
Et colombe à colombe, ou tigresse à tigresse
Jamais se marier ?

Quand le Palmier femelle à son mâle se mêle,
Il l’embrasse en amant ;
Mais on a beau le joindre à quelqu’autre femelle,
Il est sans mouvement.

Des plaisirs amoureux, ainsi qu’on le peut croire,
Vénus sçavoit le goût ;
À ce jeu toutefois il n’est point de mémoire
Qu’elle ait trouvé ragoût.

Si l’Amante pouvoit donner à son Amante
Les douceurs de l’amy,
Pour devenir garçon l’amoureuse Diante
N’auroit pas tant gémy.

Même, pour nous haïr, ces farouches guerrières
Ne s’entr’aimèrent pas ;
Mais d’un parfait amour alloient sur leurs frontières
Goûter les vrais appas.

Leur Reine généreuse, au conquérant d’Asie
Alla faire l’amour ;
Et tant qu’elle eut passé sa douce fantaisie
Demeura dans sa cour.

Amour est un brasier : ajoûter flâme à flâme,
Ce n’est que la grossir ;
Amour est une playe, et le jus du dictame
Le peut seul adoucir.

Amour est un désir : l’union et la joye
Est son terme et sa fin ;
Amour est un chasseur : il luy faut une proye,
Qu’il coure et prenne enfin.

Amour est un concert : il faut qu’il se compose
De différens accords ;
C’est un nœud mutuel qui veut et qui suppose
Un entrelas de corps.

Amour est un enfant : avecque la mammelle
Il luy faut le brouet ;
C’est un petit mignon qui bien souvent gromelle :
Il luy faut un jouet.

Vous estes nos moitiez, avec nous assorties
Vous formez un beau tout ;
Séparez-vous de nous, vous n’estes que parties,
Vous n’estes rien du tout.

Séparez-vous de nous, vous n’estes que des ombres
Sans force et sans pouvoir.
Vous estes les zéros, et nous sommes les nombres
Qui vous faisons valoir.

Je sçai que la beauté, par tout victorieuse,
Nous dompte et nous régit ;
Et que sur tous les cœurs sa force impérieuse
Également agit.

Hé bien, honorez-la, comme les autres choses,
D’un sentiment léger,
Comme on prise les lys, comme on chérit les roses
D’un parterre étranger.

Mais venir sur nos champs en faire des rapines
En insolent Vainqueur,
Ne méritez-vous pas d’y trouver des épines
Qui vous percent le cœur ?

Ah ! quittez désormais cette étrange manie,
Réglez mieux vos désirs ;
Et revenez goûter, adorable Uranie,
Les solides plaisirs.

Mais vous, fière beauté, que prétendez-vous faire ?
Voulez-vous me ravir
Un bien qui ne sçauroit que peu vous satisfaire,
Et peut bien me servir ?

Donnez-moy donc au moins une Amante pour l’autre,
Troquons, je le veux bien ;
Ou rendez-moy son cœur, ou donnez-moy le vôtre
À la place du sien.





STANCES.

Pour les Filles de la Reine.


La Porte a pour son partage
De l’esprit, de la beauté,
Avec un peu de fierté ;
Elle est modeste, elle est sage ;
Tout fléchit dessous ses loix :
Si mon cœur étoit volage,
Je croy que je l’aimerois.

Foulloux, sans songer à plaire,
Plaist pourtant infiniment
Par un air libre et charmant ;
C’est un dessein téméraire
Que d’attaquer sa rigueur :
Si j’eusse esté sans affaire.
Je croy qu’elle auroit mon cœur.

Vostre douceur est extrême,
Boneüil, il faut avoüer
Qu’on ne la peut trop loüer ;
Vostre mérite est de même :
Et l’on doit être assuré
Que, sans une autre que j’aime,
Pour vous j’aurois soupiré.

Neuillan, qui peut se défendre
De languir pour vos appas ?
Mais qui peut n’en mourir pas ?
Tous les cœurs s’y viennent rendre
Et s’y veulent engager ;
Mais un autre m’a sçû prendre,
Et je ne sçaurois changer.

Toute la cour est éprise
De ces attraits précieux,
Dont vous enchantez nos yeux,
Maneville ; ma franchise
S’y devroit bien engager :
Mais mon cœur est place prise,
Et vous n’y sçauriez loger.

Enfin mon cœur ne peut faire
Telles infidélitez
En faveur de vos beautez :
L’objet seul qui m’a sçû plaire,
Est un objet de renom,
Que j’avois dessein de taire ;
Mais le moyen ? c’est Gourdon.





MADRIGAL.

Pour Mademoiselle.


Avec impatience un grand Roy vous attend ;
Vous êtes, vû le tems, honnêtement pourveuë ;
Devant que de vous voir, puisqu’il vous aime tant,
Que sera-ce, bon Dieu, quand il vous aura veuë ?
Ah ! qu’il soupçonne en vous de charmes inconnus !
Princesse, où n’ira point pour vous sa complaisance ?
Lorsque vous vous serez tous deux entretenus,
Que ne produiront point des doutes, soûtenus
D’une telle présence ?





STANCES.

Description de sa Maison de Gentilly.


Possesseur d’un terrain de petite étendue,
Je partage un ruisseau qui laisse aller ma vûë
En des lieux où pour moi l’on a quelques égards ;
Et si tout n’est à moy, tout est à mes regards.

Un vieux tronc, desséché par la suite des ans,
Commença ce berceau qu’un long âge décore ;
D’autres issus de lui l’entretiennent encore :
Ainsi le père mort revit dans ses enfans.

Ces grands arbres venus sans soin et sans culture,
Qui prétendent du ciel atteindre la hauteur,
Semblent dire : Il est doux de suivre la Nature,
Mais il faut s’élever jusques à son Auteur.

Quelle folie est plus fameuse ?
C’est grand pitié de voir deux vieillards amoureux
D’une belle et jeune dormeuse,
Qui n’est froide, ce semble, et marbre que pour eux.

Icy Philomèle s’empare
D’un endroit solitaire, où son cœur attendri
Étudie et polit les airs qu’elle prépare
Pour le Printemps son favori.

Au murmure des fontaines.
Les oiseaux se mêlent tous :
Le monde et ses pompes vaines
Ne font pas un bruit si doux.

Icy, loin du tumulte et franc d’inquiétude,
J’aime à m’entretenir avec les bons esprits ;
Et si quelque fâcheux trouble ma solitude,
Il m’en fait d’autant mieux reconnoître le prix.

Ambition, Fortune, adieu vous et les vôtres ;
L’on ne vient point icy vos grâces mendier :
Adieu vous-même, Amour, bien plus que tous les autres
Difficile à congédier.

D’une coulante veine et saintement féconde,
Touché de mon salut, quelquefois en ce lieu,
J’ai fait parler [d’amour] le plus grand Roy du monde,
Pécheur, et cependant selon le cœur de Dieu.

Ce n’est rien moins qu’un partisan
Qui fit ces cascades ; et, vive
La Nature naïve,
L’Art est trop courtisan.

Ce réduit si charmant et si propre à rêver,
Inspire aux tendres cœurs de profanes délices :
Gardez-vous, tête à tête ici de vous trouver,
À moins que d’être armez de haires, de cilices.

Le monde a bien plus d’un détour
Par où s’égare qui s’y fonde :
Tout en est mauvais, et la Cour
Pire que le reste du monde.





LE CY GIST

OU


Diverses Épitaphes pour toute sorte de personnes de l’un et de l’autre sexe, et pour l’Auteur même, quoique vivant.

CAPRICE.


C’est un Monstre comblé de malédictions,
Que la Mort aux humains non moins seure qu’horrible ;
Elle moissonne tout avec sa Faux terrible,
Et va se promenant par les Conditions ;
Elle en fait comme un champ désolé par la grêle,
Hommes et Femmes pêle-mêle :
Joignons-les l’un à l’autre, ainsi qu’elle les joint ;
Icy couchez ensemble, on n’en médira point.


Épitaphe d’un Médecin.

Cy gist, par qui gisent les autres,
Un Médecin des plus sçavans
En l’Art si funeste aux Vivans ;
Disons pour luy des Patenôtres :
S’il en a de tant d’Héritiers
Qu’il fit, ou seulement du tiers,
Il n’aura que faire des nôtres ;
Tels gens en disent volontiers.
À tout âge, à tout sexe, il déclara la guerre,
À force de saignée et d’infecte boisson.
Quelle foule de Morts il a trouvé sous terre,
N’y dût-il rencontrer que ceux de sa façon ?
La santé fuyoit comme un Lièvre,
Et devant luy doubloit le pas ;
Ce n’étoit que par le trépas
Qu’il venoit à bout de la Fièvre.
Plus ennemi du Quinquina
Que d’Auguste ne fut Cinna.
Vray Basilic, qui tuoit d’une œillade,
Des plus beaux jours il trancha le filet ;
Et n’auroit pas épargné son Mulet,

Si son Mulet avoit été malade,
Ou qu’il n’eût pas luy-même été pris au colet.

Épitaphe d’un Philosophe.

Cy gist un Philosophe, et qui, sans qu’on le nomme,
Soûtenoit qu’il ne faut regarder le trépas
Que comme l’on regarde un long et profond somme
Dans lequel on ne songe pas ;
Et cependant le pauvre homme
Eut peine à franchir ce pas.

Épitaphe d’un Astrologue.

Cy gist qui professoit une Science fausse,
À qui comme Astrologue estoit le Ciel ouvert,
Il observa le Ciel, et ne vid point sa fosse,
Il dédaigna la terre, et l’en voilà couvert.

Épitaphe d’une belle Femme.

Cy gist une Beauté, charmante et peu vulgaire,
Qu’injustement, hélas ! son Époux gourmandoit ;

Et le seul qui ne l’aima guère,
Fut le seul qui la possédoit.

Épitaphe d’un Vieillard.

Cy gist un bon Vieillard, qui répugnoit à suivre
Cette commune loy suivie également ;
Douce est l’habitude de vivre,
On la perd difficilement.

Épitaphe d’un Juge.

Cy gist, mais où ? peut-être en lieu plus chaud que braise,
Un juge à ses devoirs fortement obligé :
Il ne faut que sçavoir comment il a jugé,
Pour apprendre s’il est bien ou mal à son aise.

Épitaphe d’une Femme sage.

Cy gist qui de bonne heure étoit accoutumée
À se maintenir sage et sans peine, et sans art ;
Et qui comme telle à part
Méritoit d’être inhumée.

Épitaphe d’un Avocat.

Cy gist qui ne cessa d’étourdir les humains,
Et qui, dans le Barreau, n’eut relâche, ni pause :
Le meilleur droit du monde eut péri dans ses mains,
Aussi contre la Mort perdit-il pas sa cause ?

Épitaphe d’un Homme turbulent.

Cy gist de tout vacarme ou l’auteur, ou l’appuy,
À qui l’on chanta sa game ;
Et rien n’auroit été de plus grand bruit que luy,
S’il n’avoit pas eu de femme.

Épitaphe d’un Homme doux.

Cy gist qui vivoit doucement,
Sans être incommode à personne ;
À sa mort même, expressément,
Il a défendu que l’on sonne.

Épitaphe d’un Courtisan.

Cy gist un Courtisan qui d’espoir se reput ;
Jadis il sentoit bon, et maintenant il put.

Épitaphe d’une Dévote.

Cy gist une Dévote, et qui fut des plus franches,
Qui, sous de modestes atours
Alloit à Vêpres les Dimanches :
Que faisoit-elle aux autres jours ?
C’est une autre paire de manches.

Épitaphe d’un Orateur.

Cy gist, sous cette pierre lourde,
Un grand et célèbre Orateur :
Il eut beau dire, éloquent et flateur ;
Mort le frappa comme une sourde.

Épitaphe d’une jeune Fille.

Cy gist qui n’avoit que quinze ans,
Qui vouloit plaire au monde, et qu’on la trouvât belle :
Quel dommage pour luy ! quel dommage pour elle !
Que de beaux jours perdus, aimables et plaisans !

Épitaphe d’un Marchand.

Cy gist un Marchand qu’on soupçonne
D’avoir esté Marchand qui survendit.
Il ne fit crédit à personne ;
La Mort ne luy fit point crédit.

Épitaphe d’un Fourbe.

Cy gist à qui malice et fraude étoit commune :
Dieu veuille avoir son âme, au cas qu’il en eût une.

Épitaphe d’un Prédicateur.

Cy gist un beau Prêcheur étalant la vertu ;
Jeune, frais et vermeil, d’un air en apparence
Si contraire à la tempérance,
Qu’il eût mieux fait de s’être tû.

Épitaphe d’une Femme.

Cy gist indulgente et bonne,
Ayant plus d’un favory,
Et ne maltraitant personne,
Si ce n’étoit son Mary.

Épitaphe d’un Prélat.

Cy gist qui tenoit bonne table.
Doux, facile, honnête, acostable,
Enfin un Prélat merveilleux.
Qui, n’étant point trop scrupuleux,

Mais cheminant par la voye un peu large,
Fut de ses intérests saintement prévenu,
Et soigneux de son revenu,
Pour ne rien oublier des devoirs de sa charge.

Épitaphe d’un Comédien.

Cy gist un Comédien,
Qui s’en aquitta fort bien :
Il broüilla mille ménages,
Il fit mille Personnages,
Tirant beaucoup de profit
Des Personnages qu’il fit.
Il fait le mort à cette heure,
Et si bien que l’on en pleure ;
Mais, il le faut avoüer.
C’est un long rôle à joüer.

Épitaphe d’une Prude.

Cy gist qui fit semblant d’être sévère et rude,
Mais pour qui nul Amant ne soupiroit à faux,

Et qui couvrit tous ses défaux,
Du voile spécieux de Prude.

Épitaphe d’un Historien.

Cy gist un Historien
Trop bien payé de ses veilles ;
Il écrivit des merveilles,
Et personne n’en crût rien.

Épitaphe d’un Mary fâcheux.

Cy gist un de ces gens par malheur trop peu rares,
De ces maris lourds et bizares,
Que l’on ne laisse pas de souffrir tels qu’ils sont
Et qu’ils affectent de paroître,
Et qui font regretter le Cloître
Aux honnêtes femmes qu’ils ont.

Épitaphe d’un Gouverneur.

Cy gist qui fut tout plein des bons desseins qu’il eut,
Et qui n’osa jamais pouvoir ce qu’il voulut,
N’ayant d’un Gouverneur que l’ombre, que l’écorce ;
Et les égards qu’il avoit,
Firent qu’il n’eut pas la force
De vouloir ce qu’il pouvoit.

Épitaphe d’un Cagot.

Cy gist dont la conduite en mourant fut sinistre ;
Un qui faisoit le cagot,
Et qui sentoit le fagot :
On embarrasse à moins le Prêtre et le Ministre.

Épitaphe d’un Homme d’esprit.

Cy gist qui n’eut point de prix ;
Entre les plus beaux esprits,

Et poly dés sa jeunesse,
Satisfit avec éclat
À l’ignorante finesse
Du Courtisan délicat.

Épitaphe d’une Femme galante.

Cy gist une femme fort belle,
Mais qui rendit enfin ses charmes superflus,
Et de qui l’on ne vouloit plus,
Tant elle fit bon marché d’elle.

Épitaphe de Mahomet IV.

Cy gist le Grand Seigneur qui fut dépossédé :
N’est-ce pas être décédé ?
Il crut avoir bien fait des siennes
D’étrangler son premier Visir ;
De noyer ses chiens et ses chiennes,
D’avoir tant pris sur son plaisir :
Est-il cruauté qu’il n’ait faite,
Afin d’apaiser son Prophète ?

Il s’attendoit, après cela,
À vaincre tout, et le voilà.

Épitaphe d’un Commis.

Cy gist le beau Commis d’un vieil Homme d’affaire,
Possesseur d’un trésor dont il n’avoit que faire ;
À l’honneur de son Maître il attenta, dit-on.
Un petit poil folet ombrageoit son menton,
Et l’autre avoit la barbe grise ;
L’un étoit un badin, l’autre étoit un Caton.
L’Épouse, jeune et fière, en parut fort surprise ;
Avec elle il osa le prendre sur le ton
D’un Icare et d’un Phaéton,
Hormis qu’il vint à bout de sa haute entreprise.

Épitaphe d’un Homme débauché.

Cy gist qui se décria fort,
Et, toûjours ayant pris à gauche,
S’estoit long-temps avant sa mort
Enseveli dans la débauche.

Épitaphe d’une Femme sçavante.

Cy gist une Sçavante, incapable en effet
De se rendre à des gens d’une certaine étoffe,
Qui mourut en couche du fait
D’un Docteur ou d’un Philosophe,
Et qui, d’un goût au sexe assez particulier,
Eût choisi le Régent plutôt que l’Écolier.

Épitaphe d’un Homme de guerre.

Cy gist qui prétendoit s’élever par la guerre :
Pour un ambitieux il a bien peu de terre.

Épitaphe d’une Coquette.

Cy gist une Coquette à vouloir mettre en feu
Jusqu’au cœur le plus ferme et le plus intrépide :
Je croi que chez les Morts elle s’ennuye un peu,
Ne s’accommodant pas de ce Peuple insipide.

Épitaphe d’un Faux Brave.

Cy gist qui fit le brave, et n’estoit qu’un poltron,
Prenant un Cavalier pour tout un Escadron.

Épitaphe d’un Amant.

Cy gist le tendre Amant d’une jeune Maîtresse ;
Elle en seroit morte d’ennui,
N’estoit qu’elle perdit sa douleur dans la presse
Des Amans qu’elle eut aprés lui.

Épitaphe d’un Avare et d’un Gueux.

Cy gist un riche Avare, auprès d’un pauvre Hère :
L’un aima trop ses biens, et se damna pour eux ;
L’Autre est encor plus malheureux,
Qui se damna par sa misère.

Épitaphe d’une Laide.

Cy gist une laide qui plut
Au préjudice d’une belle,
Qui malgré la beauté qu’elle eut,
Ne fit pas tant de progrez qu’elle.

Épitaphe d’un Homme de néant orgueilleux.

Cy gist un homme de néant,
Vray nain qui faisoit le géant ;
Franc Roturier sous l’or et sous la soye,
Qui se piquoit de qualité,
Égal aux Nobles morts, mais il n’a pas la joye
De sentir cette égalité.

Épitaphe d’un Architecte.

Cy gist un bon Architecte,
Dont la propreté paroît

En cent lieux où l’on affecte
D’habiter, tant on s’y plaît,
Et maintenant il infecte
L’endroit où lui-même il est.

Épitaphe d’une Femme belle et vertueuse.

Cy gist, qui parut belle et très-belle, vous dis-je ;
Qui n’aima rien que son époux :
Ce n’est pas un petit prodige,
Ayant le don de plaire à tous.

Épitaphe d’un Homme abstinent et d’un dissolu.

Cy gist à qui la vie avoit été trop chère,
Qui par son abstinence à la fin s’en priva ;
Cy gist qui fit si bonne chère
Qu’il en creva.

Épitaphe d’une Femme mondaine.

Cy gist qui mit tout en usage
Pour être belle, et trait pour trait
Se retoucha comme un portrait,
Et se fit un autre visage.

Épitaphe d’un Homme à bonne fortune.

Cy gist un jeune fat qui crut se surpasser,
Allant de belle en belle, et n’en aimant aucune,
Et qui ne vouloit que passer
Pour un homme à bonne fortune.

Épitaphe d’un Chicaneur.

Cy gist un Chicaneur qu’on avoit dédaigné,
Et par qui sa partie au bissac fut réduite ;
Mais qui se ruina lui-même à la poursuite
Du Procés qu’il avoit gagné.

Épitaphe d’un Rentier et d’un Intendant.

Cy gist qui vivoit de ses rentes ;
Et, comme il est pour tous des places différentes,
Un Intendant est bien plus bas que luy,
Qui vivoit des rentes d’autruy.

Épitaphe d’une Amante.

Cy gist à son Galant une Amante fidelle,
Vrai Phénix, merveille en ce point !
Et lui, de son côté, ne s’en consola point,
Autre Phénix, aussi bien qu’elle !

Épitaphe d’un Homme paisible.

Cy gist qui goûte en paix son assoupissement :
Ayant vécu sans trouble, il mourut doucement.

Épitaphe d’un bon Mary.

Cy gist un bon Mary, dont l’exemple est à suivre,
Patient au delà du temps qu’il a vécu,
Qui, pour avoir cessé de vivre,
Ne cessa pas d’être cocu.

Épitaphe de sa Veuve.

Cy gist, non loin de lui, sa moitié peu sauvage,
Qui ne s’apperçut point qu’elle manquoit d’époux,
Et touchant ses devoirs, sinon fidelle à tous,
Au moins fidelle à son veuvage.

Épitaphe d’un Homme vain.

Cy gist qui se fût bien passé
D’être maintenant in pace.
Et luy qui crut atteindre en plus d’une manière
À la perfection dernière,

À peine étoit-il trépassé,
Qu’un autre vint dont il fut surpassé.

Prouvons encore mieux la misère où nous sommes,
En remontant [soudain] jusques aux plus grands Hommes.

Épitaphe des plus grands Héros.

Cy gist un Conquérant qui mit le feu par tout,
Et qui fut annoncé même par des Comettes ;
Que sçait-on, si là-bas, tête nue et debout,
Il n’est point au-dessous d’un Crieur d’alumettes ?
Cy gist Pompée, Alexandre, César.
Ils eurent beau triompher sur un char,
Ce fier cy gist les en fit bien descendre ;
Et quelque noble enfin que soit leur cendre,
Mal-aisément ils la démêleront ;
Il en viendra qui les égaleront,
S’il n’en est pas qui déjà les effacent ;
Mais, après tout, quoy que les Héros fassent,
Qu’en reste-t-il ? qu’un son léger et vain
Dont, tost ou tard, cy gist est le refrain ?

Épitaphe de l’Auteur.

Cy gist qui fit ces vers touchant une Morale
Aussi triste que générale,
Et qui les fit pour essayer
De radoucir, ou d’égayer,
En quelque sorte, une matière
D’Épitaphe ou de Cimetière :
Qui n’est pas défunt, mais qui dort,
Apprenant à mourir auparavant qu’il meure,
Et qui s’est enterré luy-même de bonne heure,
Pour voir ce qu’on diroit de luy, s’il estoit mort.
S’imagine-t-il qu’on le pleure,
Ou qu’on s’en soucie ? il a tort.

Que tous ceux qui peu s’en affligent
Ne lui disent mot, le négligent ;
Tel est-il pour eux aujourd’huy,
Il garde le même silence,
Et leur rend toute l’indolence
Qu’ils affectent d’avoir pour luy.
Autour de sa personne est la foule éclaircie

De ces amis de Cour, bruyans, tumultueux,
Faibles, peu chauds, mais fastueux,
Et la pierre qu’il croit avoir dans la vessie
Luy semble encor moins dure qu’eux ;
Durs, la pluspart comme gens belliqueux.
Envisageant son dernier terme,
Il n’est pas moins gay qu’il est ferme :
On diroit que la mort luy cause peu d’effroy,
À son stile, comme à sa mine ;
Et qui la sent si prés de soy,
Qui la taste, qui l’examine,
Doit bien être enjoué, du moment qu’il badine
Avec une telle voisine.


FIN.



Remercîment de l’Auteur à Messieurs de l’Académie lors qu’il fut receu.


Messieurs,


Ce seroit un mauvais début, pour un nouvel Académicien, que de vous fatiguer d’un long discours ; et j’ai hâte d’estre quitte d’un Compliment qui sent la Harangue, et qui marque bien moins la reconnoissance que la coûtume. Souffrez cette impatience, d’autant plus excusable qu’elle est d’un homme qui jusqu’ici ne vous a point paru trop pressé, puisque c’est ensuite d’une réflexion de plusieurs années sur son peu de mérite qu’il se voit enfin revêtu du glorieux titre de votre Confrère. Nous avons eu de part et d’autre des mesures à garder et des scrupules à vaincre. Vous avez prétendu, peut-estre, que je n’y avois point apporté les formalitez et les diligences nécessaires ; et j’ai crû que c’estoit faire les pas pour y parvenir, que de tâcher à m’en rendre digne.

L’Académie est illustre en son origine et en son progrez ; un puissant Génie, qui n’a rien fait que de grand et que de noble, en a esté le Fondateur ; elle est sortie de cette même Tête, d’où tant d’autres merveilles sont sorties pour l’éternelle félicité de l’Estat ; elle est composée d’excellens Esprits ; l’Érudition et la Politesse y règnent ; les premières Dignitez y brillent : et comme la Pourpre et le Ministère l’ont établie, il y entre encore aujourd’huy du Ministère et de la Pourpre.

Quand il ne seroit point de mon devoir, par vos Règles, de parler de feu M. le Chancelier Protecteur de vostre Compagnie, je n’en laisserois pas échapper l’occasion par le tendre respect que j’ay pour sa mémoire ; et je répandrois volontiers tout mon esprit et tout mon cœur sur un sujet qui fut l’ornement de son siècle, et qui me sera toujours précieux. Mais afin de le bien loüer, je n’ay simplement, et sans le secours des paroles, qu’à vous faire observer ces trois Tableaux que vous voyez, selon que je vous les nomme, Richelieu, Séguier, Louis ; quel Rang pour le second, et par conséquent quel Éloge !

Auguste lui-même ne dédaigne point de succéder à Mécénas et de se déclarer en faveur des Muses ; il vous protège ; il vous loge dans son Palais ; il vous approche de sa Personne sacrée, et vous donne lieu de l’examiner à loisir, Vous qui estes comptables à la Postérité des moindres actions de sa vie, s’il y a du plus ou du moins en ce qui est parfait.

J’avouë ma foiblesse et le véritable motif qui m’a fait aspirer à estre de vostre Corps ; je n’ay pû tout seul soutenir plus long-tems l’idée que j’ai conçûë de nostre Monarque ; et me sentant accablé du poids de sa gloire, j’ai pensé combien il me seroit avantageux de me joindre à vous, et de mêler une foible voix dans vos Concerts et dans vos Chants de triomphe ; sur tout après que Sa Majesté auroit mis la dernière main aux grandes choses qu’Elle médite et qui nous donneront tant à méditer. Voilà déjà ce Prince en campagne, qui pousse bien loin devant luy sa renommée, et la terreur de ses justes Armes ; la Fortune et la Victoire le suivent de prés, et renouvellent entre ses mains leur serment de fidélité. Il marche accompagné de son activité infatigable, de sa fermeté magnanime, de son courage intrépide, de sa prudence consommée, et du reste de ses hautes et Royales qualitez, où l’expression ne sçauroit atteindre.

Je finis, et n’ay garde de m’embarquer mal à propos sur une Mer fameuse par ses écueils. Il faudroit que j’eusse la force héroïque de celuy dont je n’ay que la place, pour m’en acquitter dignement, et pour vous obliger à applaudir à vous-mêmes du choix dont vous avez bien voulu m’honorer.




TABLE

DES POÉSIES CONTENUES DANS CE VOLUME.


Pages.
 vii

Rupture, STANCES 
 27
 34
 36
Jalousie, Id. 
 38
Contre une Laide, STANCES 
 42
Non, je ne prétens pas… Paroles pour un AIR 
 53
 64
À Iris, SONNET 
 69
 70
 72
 73
Le faux adieu, STANCES 
 76
Sur la mort d’un perroquet, SONNET EN BOUTS RIMEZ 
 79
Pour Madame de Leuville, SONNET EN BOUTS RIMEZ 
 80
 81
Espoir, Id. 
 84
Soupçons, Id. 
 90
Sur l’Amour… SONNET EN BOUTS RIMEZ 
 94
L’Amour, STANCES 
 100
À Iris, STANCES 
 103
Sur Job, SONNET 
 107
Glose de Monsieur Sarrasin, sur le sonnet de M. de Benserade à M. Esprit, STANCES 
 108
Plainte, STANCES 
 116
 121
Sur un portrait, STANCES 
 130
Jeune Divinité, SONNET 
 136
 145
Le monde va le train, SONNET EN BOUTS RIMEZ 
 146
Le Jaloux, STANCES 
 150
 153
 159
 177
LE CY GIST, ou diverses ÉPITAPHES pour toute sorte de personnes de l’un et de l’autre sexe, et pour l’Auteur même, quoique vivant. 
 181




Achevé d’imprimer
le vingt mars mil huit cent soixante-quinze
PAR D. JOUAUST
imprimeur breveté
338, Rue Saint-Honoré, 338
À PARIS
  1. Extravagants et originaux du XVIIe siècle, par Paul de Musset.
  2. Certains auteurs prêtent à Benserade une généalogie superbe, et le font descendre des anciens seigneurs de Malines. Moréri, dans son Dictionnaire, dit que Benserade était issu de Paul de Benserade, seigneur de Chépi, chambellan du roi Louis XII ; et M. Pavillon, dans son Éloge de Benserade, à l’Académie française, parle également de sa haute naissance. Nous ne nous arrêterons pas à ce sujet.
  3. Ménage cite la pièce comme faite en 1630, et dit à ce propos que Benserade était auteur plus que jubilé.
  4. La mère de Benserade était, paraît-il, une Laporte, et par conséquent alliée à la famille du cardinal.
  5. Segrais ajoute, dans ses Mémoires et Anecdotes, que M. de Brézé le faisait de moitié dans ce qu’il gagnait au jeu.
  6. Benserade fut attristé de la mort de M. de Brézé, et M. de Segrais raconte qu’il pleurait toutes les fois qu’il entendait parler de lui. (Mémoires et Anecdotes de M. de Segrais.)
  7. Page 36 de ce volume.
  8. Historiettes.
  9. Page 81 de ce volume.
  10. Samuel Chapuzeau, dans son Théâtre françois, donne la tragédie de la Pucelle d’Orléans à La Mesnardière, mais Paul Boyer, dans sa Bibliothèque universelle, marque qu’elle est de Benserade.
  11. Costar écrit toute une lettre à ce sujet à madame la marquise de Livardin. (Costar, lettre 165 du Ier vol., p. 480.)
  12. L’Ambassadeur de Suède à la Reine de Natolie, salut. Page 56 de ce volume.
  13. Scarron, Epistre burlesque à Madame la comtesse des Feique.
  14. Perraut, Parallèle des anciens et des modernes. (Édit. de Hollande, tome II, page 210.)
  15. La Bruyère, De la Société et de la Conversation.
  16. La Jeunesse de Madame de Longueville, par V. Cousin, Paris, Didier, 1853.
  17. On dit également Uranistes et Uranins.
  18. Balzac, Œuvres, in-folio, tome II, pages 580–594.
  19. Œuvres diverses de Pierre Corneille.
  20. Lettre de Madame de Longueville à M. Esprit. Manuscrit de Conrart, in-4o, tome II, page 13. Bibliothèque de l’Arsenal.
  21. Nouvelles de la République des Lettres, mois de janvier 1685, page 37.
  22. La colère de Furetière contre Benserade venait sans doute de ce qu’assis un jour à l’Académie dans le fauteuil de Furetière, Benserade s’écria : « Pardon, Messieurs, si je parle mal, mais je suis dans une place qui va m’inspirer beaucoup de sottises. »
  23. Métamorphoses d’Ovide en rondeaux, in-4o, de l’Imprimerie royale, 1676.
  24. Il paraît qu’un grand personnage, voyant les armes surmontées de la couronne de comte que Benserade avait mises sur la porte de sa maison, les ratifia, pour ainsi dire, en s’écriant : « C’est aux Poëtes à en faire. »