Poésies de Benserade/Sur une voye de bois

Poésies de Benserade, Texte établi par Octave UzanneLibrairie des bibliophiles (p. 36-37).

Sur une voye de bois.

STANCES.


Pendant ce froid cuisant, vous me comblez de joye
De me vouloir ainsi parer de sa rigueur ;
Et, quand je suis sans bois, m’en promettre une voye,
C’est une douce voye à me gagner le cœur.

Quoique je ne possède encor qu’en espérance
Un trésor en hyver si doux et si plaisant,
J’en ressens toutefois des effets par avance,
Et l’offre me réchauffe au défaut du présent.

Je sçay que, l’acceptant, ma honte est évidente,
Et qu’un autre que moy seroit plus circonspect ;
Mais j’avouë à vos pieds, aimable Présidente,
Que je tremble de froid autant que de respect.

Un amour effectif en mon âme préside.
Qui tient la bagatelle indigne de ses vœux ;
Et c’est bien, ce me semble, aller droit au solide
Que prendre des cottrets plutôt que des cheveux.

Pour un si grand bien-fait, dont je m’efforce d’être
Reconnoissant vers vous autant que je le puis,
J’en useray des mieux, et feray bien connoître
De quel bois je me chauffe, et quel homme je suis.

À tous autres objets je feray banqueroute,
Mes flâmes brûleront sous vôtre digne aveu,
Et vous n’aurez pas lieu de révoquer en doute
Que vôtre seule grâce ait allumé mon feu ;

Qu’auprés de vos tisons, d’une veine ampoullée,
Pour vous je traceray des vers nobles et hauts ;
Car il n’est rien si doux, au fort de la gelée,
Que de songer en vous quand on a les pieds chauds.

Tenez-moy donc parole, et vous donnez la peine
D’envoyer, s’il vous plaist, vos faveurs jusqu’icy,
Et songez qu’il en faut une charette pleine
Pour le soulagement d’un amoureux transy.



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