Les Œuvres de François Rabelais (Éditions Marty-Laveaux)/Gargantua/Commentaire

TOME I


GARGANTUA

Page 1 : Le frontispice qui occupe cette page est la reproduction de celui de la dernière des éditions séparées de Gargantua, que nous avons suivie, pensant avec Brunet, qu’elle renferme, pour ce premier livre, le texte définitif de Rabelais. Elle est décrite en détail dans notre Bibliographie, ainsi que les éditions, de dates antérieures, qui nous ont fourni des variantes.

L. 3 : Pere de Pantagruel. Voyez ci-dessus, p. 18, la remarque que cette qualification a inspirée à Beuchot.

L. 5 : Alcofribas. Ce nom, ainsi isolé, serait difficile à comprendre, mais on lit sur les frontispices de Pantagruel (édit. sans date et édit. de 1533) : Alcofrybas Naſier, anagramme fort exacte de Francoys Rabelais.

L. 5 : Abſtracteur de quinte eſſence. Dans le chap. XXI du liv. V (t. III, p. 80) on voit comment la reine Quinte Essence retint Pantagruel et ses compagnons « en eſtat d’Abſtracteurs. » En les investissant de cet « office » elle leur expose ainsi les droits qu’il leur confère : « Voyez, entendez, contemplez à voſtre libre arbitre, tout ce que ma maiſon contient : vous peu à peu emancipans du ſeruage d’ignorance. »

L. 8 : Liure plein de Pantagrueliſme. Rabelais ne nous a pas fait connaître du premier coup tout ce qu’il entend par ce mot : Pantagruelisme. Ses définitions, comiques et grossières au début, s’étendent et s’épurent à mesure que son œuvre avance. Dans Pantagruel, dont la publication a précédé (comme nous l’avons vu, p. 15) celle de Gargantua, être bon pantagruéliſte, c’est « viure en paix, ioye, ſanté, faiſans touſiours grand chere. » (t. I, p. 384) — Dans Gargantua, l’auteur explique : « en pantagrualiſant » par : « beuuans à gré & liſans les geſtes horrificques de Pantagruel. » (t. I, p. 11) — Dans le Prologue du Tiers liure la bienveillance et la bonne foi sont considérées comme indispensables aux adeptes ; le Pantagruélisme y est défini comme une « proprieté indiuiduale… moienant laquelle iamais en mauluaiſe partie ne prendront choſes quelconques, ilz congnoiſtront ſourdre de bon, franc, & loyal couraige. » (t. II, p. 12) — Enfin, après ces diverses interprétations, Rabelais nous donne, dans le Prologue du Quart liure, celle qu’on doit regarder comme définitive : « c’eſt certaine gayeté d’eſprit conficte en meſpris des choſes fortuites. » (t. II, p. 254). Seul il pouvait caractériser ainsi en quelques mots cette sagesse joyeuse, fruit d’une grande fermeté d’âme et d’une inaltérable sérénité de conscience. Sterne, qui, dans son Tristram Shandy, s’inspire continuellement de Rabelais, décrit en ces termes le Shandéisme, qui n’est qu’un souvenir du Pantagruélisme : « Le vrai Shandéisme… dilate le cœur et les poumons… Si on me laissait, comme à Sancho Pança, le choix de mon royaume… ce serait un royaume de sujets riant de tout cœur… j’ajouterais à ma prière, que Dieu voulût faire à mes sujets la grâce d’être aussi sages qu’ils seraient gais. » (édit. Charpentier, 1842, liv. IV, ch. CXVIII, t. I, p. 296)

Page 2, l. 11 : Pource que rire eſt le propre de l’homme. On lit après ce vers, dans l’édition de 1535, les deux mots suivants imprimés en gros caractères :

VIVEZ IOYEVX.

Page 3, l. 2 : Beuueurs treſilluſtres, & vous Verolez treſprecieux. De même, en tête du Prologue du Tiers liure : Beuueurs treſilluſtres, & vous Goutteux treſprecieux. Ces épithètes : illuſtres, précieux, sont destinées à parodier les termes pompeux que les auteurs prodiguent à ceux à qui ils adressent des dédicaces ; mais, en même temps, le mot précieux, appliqué aux goutteux et aux vérolés, paraît faire allusion aux remèdes rares et chers employés pour les guérir, et surtout aux métaux qui servaient au traitement de la maladie vénérienne. C’est du moins ce qui semble ressortir de ce passage où Noël du Fail emploie la même expression que Rabelais : « C’eſt le vif argent, dont on a frotté les pauures verolez precieux, lequel… pert, mange, & conſomme tout ce qu’il approche. » (édit. de la Bibl. elzév. t. I, p. 273)

L. 3 : Non à aultres ſont dediez mes eſcriptz. Rabelais développe ailleurs cette idée : « Seulement auois eſguard & intention par eſcript donner ce peu de ſoulaigement que pouois es affligez & malades abſens, lequel voluntiers, quand beſoing eſt, ie fays es preſens qui ſoy aident de mon art & ſeruice. » (t. II, p. 247)

L. 9 : Semblable es Silenes. « À ces Silènes exposés dans les ateliers des statuaires et tenant à la main une flûte ou des pipeaux. En séparant les deux pièces dont sont formées ces statues, on découvre à l’intérieur l’image d’un Dieu. » (Platon, Le Banquet, XXXI). Tabourot fait ainsi allusion à ce passage de Rabelais dans une de ses Touches, intitulée Le Magnifique et dirigée contre les « prothonotaires courtiſans : »

« Ce ſont bouettes d’apothicaires :
Belles dehors & rien dedans.

« CONTRETOVCHE.

« Ils ſeroient mieux s’ils reſſembloient
Aux ſilenes de l’ancien temps,
Qui, comme Socrates, eſtoient
Laides dehors, belles dedans.

« CONSIDERATION.

« Anciennement on appeloit ſilenes, les boëttes d’apothicaires, parce que ſus icelles eſtoient repreſentées pluſieurs figures drolatiques & ridicules, telles que du bon Silenus, maiſtre de Bacchus, dans leſquelles on mettoit les plus fines & precieuſes drogues, ainſi que l’interprete l’Ariſtophane François que i’aime ſuiure plutôt que l’interpretation que donne Eraſme, ſur le prouerbe Sileni Alcibiadis. Or auiourd’huy par le contraire, elles ſont belles exterieurement & n’y a dedans drogue qui guere vaille. » (ve livre, p. 61 de la reproduction de l’édit. de 1588, Bruxelles, 1863)

Les détails suivants, empruntés à un auteur technique, prouvent la rigoureuse exactitude de la description que Rabelais fait des boîtes d’apothicaires : « Les petites boëttes quarrées ſont artiſtement agencées & compoſées de quatre ou cinq petits ais, ſecs, courts, & bien elabourez : on met en icelles les eſcorces, les excroiſſances, les fleurs, les tablettes, les os, cornes, ongles, & autres parties des animaux après qu’elles ſont bien deſſechées… il n’y a que ceſt endroict des boettes & coffrets qui paroît à la veüe de ceux qui entrent en la boutique, qui ſoit orné, & embely de toute ſorte de peintures recreatiues, comme peuuent eſtre cerfs volans, viédazes empennez, centaures cul pelé, oiſons bridez, cannes baſtées, & autres ſemblables, entre leſquelles on a accouſtumé de laiſſer vn petit vuide quarré pour y eſcrire en lettres d’or ou d’azur, le nom de la drogue qui eſt contenüe en vne chacune d’elles ; quant au reſte des boëtes il eſt communément ſans aucune peinture. » (Les Œuures pharmaceutiques du Sr. Iean de Renou… traduites… par M. Louys de Serres. — Lyon, Antoine Chard, M.DC.XXVI. In-fol., p. 483)

Les figures grotesques qui ornaient ces boîtes étaient fort employées au XVIe siècle et au commencement du XVIIe. Regnier décrit ainsi une lanterne renfermant des espèces d’ombres chinoises représentant des sujets analogues :

L’autre qui de ſoy-meſme eſtoit diminutiue,
Reſſembloit tranſparante vne lanterne viue
Dont quelque Paticier amuſe les enfans,
Où des oyſons bridez, Guenuches, Elefans,
Chiens, chats, lieures, renards, & mainte eſtrange beſte
Courent l’vne apres l’autre…

(Sat. XI, p. 89, Collection Lemerre)

Page 4, l. 17 : La dignité des braguettes. Rabelais y revient plus loin : « Ie vous en expoſeray bien d’aduantaige au liure que i’ay faict De la dignité des braguettes. » (t. I, p. 32) — « Par dieu, (dit à ſon tour Panurge, t. I, p. 294) ie feray vn liure de la commodité des longues braguettes, quand i’auray plus de loyſir. De faict en compoſa vn beau & grand liure auecques les figures : mais il n’eſt encores imprimé, que ie ſaiche. » Il ne l’a pas été, à moins qu’on ne veuille considérer comme un échantillon de l’ouvrage le chapitre VIII du Tiers liure intitulé : Comment la braguette eſt premiere piece de harnois entre gens de guerre.

L. 17 : Des poys au lard cum commenta. « Avec commentaire. » Ce traité figure honorablement dans le catalogue des « beaulx liures de la librairie de ſainct Victor. » (t. I, p. 247)

Page 5, l. 7 : Veiſtes vous onques chien rencontrant quelque os medulare ? Du Fail s’est rappelé ce passage : « Veiſtes vous oncques vn chien ayant deſrobé vn lopin de lard. » (t. I, p. 82)

L. 8 : C’eſt, comme dict Platon lib. ij de rep., la beſte du monde plus philoſophe. Ἀλλὰ μὴν ϰομψὸν γε φαὶνεται τὸ πάθος αὺτοῦ τῆς φύσεως ϰαὶ ὤς ἀληθῶς φιλόσοφον.

L. 17. : La mouelle eſt aliment elabouré à perfection de nature, comme dict Galen .iij. facu. natural. & xj. de vſu parti. Rabelais détourne un peu de leur sens les deux passages auxquels il renvoie. Galien fait simplement remarquer dans le De facultatibus naturalibus (liv. III, ch. 5) que « comme le sang nourrit les chairs de même la moelle nourrit les os ; » puis, dans le De usu partium (liv. XI, ch. 18), se référant à ce passage, « nous avons démontré, dit-il, que la moelle est l’aliment propre aux os. »

L. 21 : Ces beaulx liures de haulte greſſe. Rabelais mentionne parmi les « liures de la librairie de ſainct Victor… Soixante & neuf breuiaires de haulte greſſe. » Dans ces deux passages cette expression se prête à un de ces doubles sens que notre auteur affectionne. On lit dans une recette du Ménagier de Paris (édit. Crapelet, 1846, t. II, p. 271) où il est question des « oes, poules, chappons deſpeciez par pièces, & mis en paſté, » que « les chappons de haulte greſſe… ne ſe deſpiecent point, » sans doute parce qu’ils sont considérés comme des animaux de choix. Ce mot a le même sens dans cet éloge que Dindenault fait de ses moutons (t. II, p. 290) : « Moutons de Leuant, moutons de haulte fuſtaye, moutons de haulte greſſe ; » et Panurge, prenant dans sa réponse le contre-pied de chacune des expressions que le marchand vient d’employer, lui propose de le payer « en monnoye de Ponant, de taillis, & de baſſe greſſe. » C’est cette signification de morceau exquis, que Du Fail a en vue quand il parle de Phryné comme d’une « putain de haute greſſe ; » (t. II, p. 240) et Henri Estienne quand il dit dans La Précellence du langage françois (édit. Delalain, 1850, p. 134) : « Il a eſté eſcrit de quelque perſonnage, qu’il tenoit en mue vne putain de haute greſſe. » À ce compte, des liures de haute greſſe sont des livres importants, précieux ; mais Rabelais veut faire en même temps allusion à ces livres chargés de graisse par l’usage, comme le bréviaire de Gargantua « peſant tant en greſſe que en fremoirs & parchemin, poy plus poy moins, vnze quintaulx ſix liures. » (t. I, p. 79)

L. dernière : Croiez-vous… qu’oncques Homere, eſcriuent L’Iliade & Odyſſee, penſaſt es allegories leſquelles de luy ont calfreté Plutarche, Heraclides Ponticq. Eſcriuent doit se prononcer eſcriuant. C’est un participe présent et non une troisième personne plurielle. Ces deux manières différentes de prononcer la finale ent n’ont rien qui puisse nous étonner, car elles subsistent encore aujourd’hui, mais dans d’autres circonstances. Nous disons par exemple : le préſident, et : ils préſident. — La pensée exprimée par Rabelais se retrouve dans Montaigne : « Eſt-il poſſible qu’Homere aye voulu dire tout ce qu’on luy fait dire : & qu’il ſe ſoit preſté à tant & ſi diuerſes figures, que les theologiens, legiſlateurs, capitaines, philoſophes, toute ſorte de gents, qui traittent ſcience, pour diuerſement & contrairement qu’ils les traittent, s’appuyent de luy, s’en rapportent à luy : Maiſtre general à touts offices, ouurages, & artiſans : General Conſeiller à toutes entrepriſes ? Quiconque a eu beſoing d’oracles & de predictions, en y a trouué pour ſon faict. Vn perſonnage ſçauant & de mes amis, c’eſt merueille quels rencontres & combien admirables il y faict naiſtre, en faueur de noſtre religion. » (Essais, liv. II, chap. XII, Collection Lemerre, t. II, p. 358)

Page 6, l. 3 : Ce que d’iceulx Politian a deſrobé ? Rabelais se fait ici l’écho de son ami Budé qui appelle Politien « Vir… quidem excellentis doctrinæ, sed animi non satis ingenui, » et l’accuse d’avoir tiré toute sa préface sur Homère d’une vie d’Homère en grec, qui n’était pas encore traduite et qu’on attribuait à tort à Plutarque. (V. Annotationes Gulielmi Budæi… in XXIIII Pandectarum libros, Lugduni, S. Gryphius, 1551, p. 547)

L. 6 : D’Ouide en ſes Metamorphoſes, les ſacremens de l’euangile. Plusieurs rêveurs ont interprété les Métamorphoses d’Ovide d’une manière allégorique. Rabelais a probablement eu en vue un ouvrage, composé d’abord en latin, puis traduit en français, et dont voici le titre : Cy commence Ouide de Salmonen ſon liure jntitule Methamorphoſe, Contenat. XV. liures particuliers moraliſte par maiſtre Thomas waleys… Tranſlate E Compile par Colard manſion. On lit à la fin du volume : « En la noble ville de Bruges en flandres par Colart manſion, citoien de jcelle ou mois de May an de grace mil quatre cens iiij. xx. iiij » — Gr. in-fol. — Cet ouvrage, plusieurs fois réimprimé, est devenu populaire sous le nom de Bible des poètes.

L. 7 : Vn frere Lubin. La ballade, De frere Lubin, par Marot (édit. Picard, Paris, 1868, t. II, p. 64), où se trouvent ces vers :

Pour faire plus toſt mal que bien,
Frere Lubin le fera bien ;
Mais ſi c’eſt quelque bon affaire,
Frere Lubin ne le peult faire.

avait rendu ce nom proverbial.

L. 8 : Gens auſſi folz que luy :&… couuercle digne du chaudron. Regnier a dit dans un sens un peu différent :

… lors qu’on a du bien, il neſt ſi decrepite
Qui ne trouue (en donnant) couuercle à ſa marmite.

(Sat. XIII, p. 110)

L. 13 : Les dictant. C’est le texte de l’édit. Dolet. Celle de Juste porte : Dictans.

L. 15 : Aultre temps, que celluy qui eſtoit eſtably à prendre ma refection corporelle. « De ma part, ſi faut il que les meilleures heures (que i’ay diſpoſé à mon principal eſtude) diſpenſees, ie remue meſnage, ie tracaſſe, ie brouille ces belles beſognes que tu voy, aux heures où les autres coutumierement s’eſcurent les dens. « (Du Fail, t. I, p. 144)

L. 17 : Auſſi eſt ce la iuſte heure. Édit. de Juſte : Auſſi eſt cela iuſte heure.

L. 19 : Homere… & Ennie… ainſi que teſmoigne Horace.

Laudibus arguitur vini vinosus Homerus :
Ennius ipse pater nunquam, nisi potus, ad arma
Prosiluit dicenda…
(lib. I, epiſt. XIX, v. 6)

L. 24 : Combien plus eſt friant, riant, priant. Souvenir de ces vers de Clément Marot (Chanſon III, t. II, p. 176) :

La blanche colombelle belle
Souuent ie vois priant criant :
Mais deſſoubz la cordelle d’elle
Me iecte vn œil friant, riant.

Page 7, l. 1 : Ses oraiſons ſentoient comme la ſerpilliere d’vn ord & ſale huillier. « Il fault… qu’elle (la parole) ne ſoit point affettee,… ny auſſi tant elabouree & trauaillée, comme diſoit Pytheas, qu’eſtoit celle de Demoſthenes, luy reprochant qu’elle ſentoit l’huile de la lampe. » Plutarque, Inſtruction pour ceulx qui manient affaires d’eſtat XVIII. Trad. d’Amyot. Édit. de 1801, t. XV, p. 123)

L. 9 : Eſcoutez, vietz dazes, que le maulubec vous trouſque. Les premières éditions portent : eſcoutaz, eſcotaz. « Écoutez, viſages d’ânes, que l’ulcère vous trouſſe. » Rabelais a répété cette imprécation gasconne à la fin du Prologue de Pantagruel (p. 218, l. 6) : « le maulubec vous trouſſe. »

L. 11 : Tout ares metys. « Immédiatement. »

Page 9, l. 3 : Ie vous remectz à la grande chronicque Pantagrueline recongnoiſtre la genealogie & antiquité dont nous eſt venu Gargantua. Pour les conséquences qu’on a voulu tirer de ce passage, voyez 66 COAIMENTAIRE.

ci-dessus page 17, et, pour la Généalogie, t. i, p. 219.

L. 14 : PUton in Phileho & Gorgia. Édit. de 1537 etDolet : Gorgialt. Édition de Juste : Gorgias. Socrate dit dans Philèbe : « C’est, à mou avis, une bonne maxime que celle qui ordonne de revenir jusqu’à deux et trois fois sur ce qui est bieii dit ; » et dans Gorgias : « Il est beau, dit-on, de dire et de consi- dérer jusqu’à deux et trois fois les belles choses. »

L. 15 : Flacce. Allusion à ce vers d’Horace :

Hœc placuit semc] ; lifcc decies repetita placebit.

{Ars poelica, v. 3135).

Page 10, 1. 5 : Attendu Vadmirahle tranfport des règnes &" empires :

Des AJfyriens es Medcs. Des Aiedes es Perfes, Des Perfes es Macedones.

Racine fait dire à Petit Jean :

Quand je voy les Ertats des Babiboniens Transférés des Serpans, aux Nacedoniens.

(Les Plaideurs, act. m, se. m. Petite Biblio- Ihèquc littéraire, Lemerrc, t. ii ; p. 66)

L. 24 : Retournant à no^ moutons. Dans le chapitre de ses Recherches intitulé ; De quelques Adages &" mots que nos anceftres tirèrent de la Farce de Patelin (liv. viil, chap. Lix, édit de 1621, p. 683), Pasquicr s’exprime ainsi : « Quand il aduicnt qu’en commun deuis quelqu’vn cxtrauague de l’on premier propos, celuy qui le veut remettre fur fes premières brizées, luy dit. Rcucne^ à vos moutons^ dont a vfé à mefme effeft Rabelais en fon premier Hure de Gargantua. « 

Voici le passage de la Fzrce de Maiftre Pierre Pathe- lin (Édit. Geoflroy-Chateau, p. 81, act. m, se. vi) auquel cette locution se rapporte : GARGANTUA, T. I, P. lO-II. (ij

P A T H E L 1 N.

Il eft defia fi empreffé, Qu’il ne fcet où il Fa laiffé : Il faut que nous luy reboutons.

LE IVGE.

Suz, reuenons à nos moutons : Qu’en fut il ?

LE DRAPPIER.

Il en print fix aulnes.

L. 24 : Par don fouuerain des cieulx. Edit. ant. à 1535’ et 1535 : Pi^r vn don fouuerain de dieu. Edit. de. 1537 et Dolet : Par vng don fouuerain.

L. 27. Excepte^ celle du Meffias, dont Le ne parle. Edit. ant. à 1535 et 1535 : De dieu ie ne parle.

L. 33 : Vn grand tombeau de bronze. « Dans un lieu appelé Civaux, à deux lieues de Chauvigni dans le bas Poitou, on trouve encore, prefque à fleur de terre, quantité de Tombes de pierre, qui occupent un terrain de près de deux lieues de tour, particulièrement vers la Vienne, où même on croit qu’il entre plufieurs de ces Tombes. C’eft à quoi Rabelais fait ici allufion, & la Tradition du pa’is veut qu’elles aient fervi à ren- fermer les Corps d’un prodigieux nombre de Vifigots Arriens, défaits par Clovis. » (Le Duchat, édit. de 171 1 )

Page ii, 1. 4 : Hic BIBITVR. « Ici on boit. »

L. 5 : En tel ordre qu’on affiet les quilles en Guafcoi- gne. « Sur trois lignes parallèles, trois quilles fur chaque ligne. » (Le Duchat)

L. 8 : Plus mais non mieulx f entent que rofes. Ré- gnier s’est servi de cette expression proverbiale dans la description qu’il a faite d’un pédant :

Ainfi ce perfonnage en magnifique arroy, Marchant pedetenlim s’en vint iufques à moy 68 COMMENTAIRE.

Qui fentis à fon nez, à fes leures déclofes,

Qu’il fleuroit bien plus fort, mais non pas mieux que rofes.

(Sat. X, p. 80)

L. 15 : L’iirt dont on peut lire lettres non appa- rentes. Voyez encore, sur « la manière de lire lettres non apparentes, » le chapitre xxilll de Pantagruel,

P- 333-

Page 12, 1. i : Les Fanfreluches antidatées. M. Pros-

per Blancheniain a publié, dans son excellente édition des Œuvres de Mclin de Sainct-Gelays (Bibl. el-^év.. 1. 1, p. 70), une curieuse énigme imprimée pour la première fois dans un recueil de i5’47, et au sujet de laquelle il s’exprime ainsi : « Cette énigme offre de nombreuses analogies avec Les Fanfreluches antidatées. Elle est aussi en couplets de huit vers sans observation de l’alternance des rimes. Sainct-Gelays scroit-il l’auteur des deux pièces devers ? Cela n’est pas impossible. Les deux écrivains étoient tort liés, et Rabelais, inhabile au maniement de la rime, a bien pu recourir à l’assis- tance de son ami. Il lui a d’ailleurs emprunté plusieurs rondeaux et dizains. Sans entrer en discussion sur ce point, on peut signaler ici, comme dans Les Fanfre- luchesj une suite d’allusions, fort transparentes alors, assez obscures aujourd’hui, aux persécutions reli- gieuses exercées contre Clément Marot. » Nous n’avons que deux petites restrictions à faire à propos de cette note. D’abord nous prions le savant éditeur de remar- quer qu’en plus d’une circonstance, et notamment dans son Epiflre à Bouchet (t. m, p. 299), Rabelais a prouvé qu’il savait écrire d’agréables vers ; ensuite nous ferons observer que les allusions aux persécu- tions exercées contre Marot, assez frappantes en effet dans l’énigme de Melin de S.-Gelays, le sont beaucoup moins dans Les Fanfreluches, où l’on devine à grand’- peine qu’il s’agit en quelques endroits de la Papauté et de la Réforme. Du reste l’effet comique de ce morceau résulte précisément de son obscurité même. Que veut GARGANTUA, T. I, P. 12. 69

prouver Rabelais ? Que les prophéties sont incompré- hensibles et, par suite, susceptibles des interprétations les plus contradictoires. Si ce plaisant amphigouri avait un sens quelconque l’auteur aurait manqué son but. Autant vaudrait que dans Le Médecin malgré lui Sgana- relle donnât une consultation conforme aux règles de l’art de guérir, que dans Les Plaideurs le discours de Petit Jean fût un modèle de logique, et que dans la Physiologie du mariage de Balzac, compatriote et imi- tateur de Rabelais, l’indéchiffrable chapitre Des reli- gions et de la confession considérées dans leurs rap- ports avec le mariage composé de lettres confondues, mêlées et, comme on dit dans les imprimeries, tombées en pâte^ présentât un sens des plus nets et des mieux suivis. Dans tous ces morceaux une seule chose est amusante : ne point comprendre. Si l’on entrevoit un sens, tout agrément disparaît. L’Antiquité connaissait ce procédé comique. On lit dans Les Chevaliers d’Aris- tophane : « Ne laisse pas échapper ce que te promet l’oracle. — Que dit donc l’oracle ? — Il est, ma foi, rédigé en fort beau style d’énigme, aussi élégant que clair : « Quand l’aigle corroyeur aux serres crochues saisira dans son bec un dragon stupide, buveur de sang, ce sera fait de la piquante saumure à l’ail de Paphlagonie… » (Traduction de C. Poyard, Paris, Ha- chette, 1873, p. 53). A la fin de Gargantua, Rabelais nous présente encore un autre morceau du même genre, intitulé Enigme en prophétie, qu’il emprunte à Melin de S.-Gelays. Bien que le sens en soit un peu plus suivi, il reste néanmoins tellement obscur que Gargantua y peut voir avec vraisemblance « le decours & maintien de vérité diuine, » tandis que le moine y trouve tout simplement a vne defcription du leu de Paulme foubz obfcures parolles. » Enfin le chapitre XVIII du Tiers Hure nous montre Comment Pantagruel & Panurgc diuerfement expo/ent les vers de la Sibylle de Pan^ouft. L. 9 : Pefche^ le. C’est le texte des éditions anté- rieures et de Dolet. F.dit. de Juste : pefche le. 70 COMMENTAIRE.

L. 15 : Creux ou Von pefche aux gardons. Le lac de Genève, où les gardons sont tort communs. Page 13, 1. 3 :

Leur propos fut du trou de faincl Patrice ^ De Gilbathar^ & de mille autres trous.

Ce passage a le plus grand rapport avec la strophe suivante de VEnigme de Melin de Sainft-Gelays :

L’Eucfquc print le thefmc de l’Epidrc Pour mieux ouurir reiitcndcmcnt à tous Et feill ferment que le fons de fa mitre Eftoit fi froid qu’il en auoit la toux. On luy fourra, puis il parla plus doulx Et dcuifa du trou de la fybillc, De faincl Patrice & de mille autres troux ; Mais i’ay vn peu la mémoire labile.

Il faut remarquer que le trou, c’est-à-dire le détroit, de Gilbathar^ est la même chose que le trou, ou, comme l’appelle ailleurs Rabelais, l’ejlroiâl de Sibyle (t. I, p. 125, 1. 10), ce qui rend la conformité beau- coup plus complète. Quant au trou de S. Patrice, il se trouvait « on Hybernie » (t. m, p. 138). On l’appe- lait souvent 7.e Purgatoire, ainsi que l’indique ce pas- sage de V Apologie pour Hérodote (t. Il, ch. XXXIX, p. 305, édit. de Le Duchat) : « Le purgatoire (le lieu duquel on nommoit le trou S. Patrice, & le vulgaire difoit le trou S. Patri). » Ce passage d’une antienne légende en prose indique bien ce qu’il faut entendre par ces diverses dénominations : « Mena noftre fires faint Patrice en vn lieu diuers & defert, & fî li monftra vne foffe ronde & ofcure dedans, & le dift que qui eutreroit ens vrais repentants… qu’il… verroit les tourmens des mauuais & les ioies des bons. » {Li purgatoire di Saint Patrice. Légende du Xlff" siècle, pu- bliée d’après un manuscrit de la bibliothèque de Reims. 1842. In-i6, p. 3) GARGANTUA, T. I, P. 13. 71

Ce nom de trou S. Patrice a parfois un sens libre :

On eft pirs qu’au trous faint Patris, FûuUando in calibiftris.

{Farce de frère Guillebert. Ane. Théât. franc., Bibl. el^évir, t. 1, p, 306)

L. 19 : Suruint Q. B. qui dope. Afin de donner au lecteur une idée des procédés d’interprétation employés par les commentateurs qui se piquent d’expliquer les allusions historiques contenues dans Les Fanfre- luches antidotéesj nous allons raconter sommairement comment l’un d’eux démontre, d’une façon, à son avis, tout à fait victorieuse, que les initiales Q. B. dé- signent Jean Hus, et un autre, avec non moins d’évi- dence, qu’elles se rapportent au chancelier Duprat.

M. La Croze écrit à Le Duchat, dans une lettre qui n’a été publiée qu’en 1741 : « Ce Q. B. est Jean Hus, dont le nom, écrit par ses lettres initiales, l. H., fait en grec… le nombre 18… Q. B. est le même nombre en latin. »

Éloi Johanneau n’admet pas cette interprétation : il explique Q. B. par qui boite ^ « jeu de mots digne de Rabelais, et sur le mot chancelier qui chancelle^ qui boite, qui clope, et sur celui qui l’étoit alors. En effet le chancelier Duprat… canetoit^ comme on dit. » Tout fier de sa découverte, Éloi Johanneau la commu- nique à Eusèbe Salverte, qui la confirme par cette preuve inattendue : « Oui, c’est Duprat,*regardez dans un miroir, en renversant le papier où vous aurez écrit les deux lettres q h, vous trouverez d p, initiales de dw /Jrat, tournées de gauche à droite et renversées. »

Que le lecteur ne s’effraie pas ! nous ne reviendrons point sur ce genre de commentaire ; mais nous tenions à donner, une fois pour toutes, un échantillon de la manière dont on interprétait les auteurs français à la fin du dernier siècle et même au commencement de celui-ci. 72

COMMENTAIRE.

L. 25 : A Varme Jonne’^. C’est le texte des éditions primitives. Édit. Juste : a larme fennec.

Page 14, 1. 2 : La cidffe heronniere : C’est une expres- sion de Marot, qui, parlant dans son épître Ju Roy. pour avoir efté dérobé (t. I, p. 196), de la faiblesse que lui a laissée une grande maladie, s’écrie :

Tant affoibly m’a d’cftrange manière ; Et )i m’a faiil la cuiffc heronniere.

L. 3. Qui là s’ajjlft. Ainsi dans la plupart des édi- tions collectives, mais les éditions séparées du premier livre portent que au lieu de (jui.

L. 18 : Cil qui iadis aniliila Carthage. Le premier vers de VEnif^me de Mclin de Sainct-Gelays est :

Le grand vainqueur des liaults monts do Carthaige.

M. Blanchemain remarque (p. 74, note 7), avec beaucoup de vraisemblance, que « Carthage repré- sente Genève^ ennemie de Rome. »

Page 16, 1. 20 : Tant qu’elle engroijfu d’vn beau fil^. « Si bien leur agréa le ieu que ilz engendrèrent Gar- gantua. » (7.^^ Grandes Cronicques, ci-dessus p. 29)

L. 22 : Autant… feuuenc les femmes ventre porter. ha. plus grande partie de ce qui suit est tirée du xvT cha- pitre du livre m des Nuits attiques d’Auki-Gellc, intitulé : Différents termes assignés à la naissance des enfants par les médecins et par les philosophes. Voici les passages de ce chapitre auxquels Rabelais tait principa- lement allusion :

« La fin du dixième mois est le terme le plus reculé jusqu’auqucl la gestation puisse se prolonger. Cette dernière opinion semble être confirmée par… Plaute, qui dit dans sa comédie intitulée La Cassette : « La femme avec laquelle il avait eu commerce mit au monde une fille à la fin du dixième mois…

« Dans le xiV-’ livre de son traité sur les Choses divines^ Varron nous apprend que quelquefois les femmes ont été délivrées dans le huitième mois… Il GARGANTUA, T. I, P. 16-17. 73

ajoute que l’accouchement peut quelquefois n’avoir lieu qu’au onzième mois. Au reste, et cet illustre savant nous en prévient, ces deux assertions appar- tiennent à Aristote. Quant à la divergence d’opinions sur la possibilité de l’accouchement au huitième mois, elle s’explique par un passage d’Hippocrate, tiré de son traité sur les Aliments… « Les entants naissent et ne naissent pas au huitième mois.,.

« Tout dernièrement, dans la satire de M. Varron, qui a pour titre Le Testament, j’ai lu ce passage : « Si un ou plusieurs enfants m’arrivent au dixième mois, et s’ils sont aussi stupides que des ânes à la lyre, je les déshérite ; s’il m’en vient un dans le onzième mois, quoi qu’en dise Aristote, je ferai autant de cas d’Accius que de Titius… .

« Si la femme ne peut porter son fruit jusqu’au onzième mois, il est difEcile de comprendre quel motif a pu engager Homère à mettre dans la bou- che de Neptune ces mots adressés à une jeune fille qu’il vient de séduire : a Jeune fille, sois fière de cette union ; l’année, en achevant sa révolution, te verra mettre au jour deux illustres rejetons ; car les caresses des Immortels sont toujours suivies de la fécondité.

« Je ne dois pas passer sous silence ce que j’ai lu dans le VII*^ livre de l’Histoire naturelle de Pline… « Massurius rapporte que le préteur L. Papirius, devant lequel un plaideur réclamait une succession comme second héritier, l’adjugea, à son préjudice, à un enfant que la mère déclarait avoir mis au monde au bout de treize mois ; que le magistrat motiva son jugement sur ce qu’il ne croyait pas qu’il y eût véri- tablement d’époque fixe pour les accouchements. » {Bib ! . lat.-fr.. de Panckoucke)

Page 17, 1. 7 : £/z moins de temps n’enft il peu forger Hercules. Voyez Diodore de Sicile, Bibliotheca^ liv. IV, édit. de Rhodomann, p. 151.

L. 18 : Cenforinus. II. de die natali. Il remarque, 74 COMMENTAIRE.

au chapitre vil, qu’Aristote seul admet la naissance au onzième mois, rejetée par tous les autres.

L. 19 : AriftoteleSj libr. vij. cap. il). Cr ai), de nat. anlmulium. Ces deux chapitres sont consacrés à l’ac- couchement. Dans le iv* Aristote dit : « L’accouche- ment a lieu au septième, au huitième et au neuvième mois ; la plupart du temps le dixième, quelquefois même le onzième, se trouve entamé. »

L. 22 : Ce mètre de Virgile : Ma.tri longu decenij £ ? ’< : .

Matri longa deccm tulerunt fastidia mcnses. (Eglog., IV, 61)

a Dix mois apportèrent il ta mère de longs ennuis. »

L. 23 : Et mille autres fol^. Parmi eux se trouve Hérodote qu’Henri Estienne cherche à excuser en constatant que son erreur a été partagée par l’Anti- quité tout entière ; a Nature ne laifTe auiourd’huy le fruict au ventre de la femme plus de neuf mois : & pourtant Hérodote doit cftrc renuoyé bien loin avec fes dix mois. Voila qui ne coufte gucrcs à dire à ceux qui tiennent ccfl : auteur pour menfonger, adioul^ansfoy au bruit commun : mais voyons à combien d’autres auteurs ils s’attachent quant à ce meimc point. Si Hérodote ne doit point eftre ouy quant à ce terme de dix mois, auffi ne le doiuent cftre, ni Hippocrat, ni Galien, ni Plutarque, ni Pline, ni plufieurs iurifcon- fultes : ni vne grand part des poètes, i\ : entr’autres, Theocrite, Cécile, Virgile, Properce. » (Difcoiirs pré- liminaire de V Apologie pour Hérodote j édit. de Le Duchat, t. i, p. xx). Montaigne n’a pas hésité à corroborer de son témoignage l’opinion des Anciens : « Moy ie fecours par l’exemple de moy-mefme, ceux d’entre eux, qui maintiennent la grofTefle d’onze mois. » (t. II, p. 315)

L. 24 : ff. de fuis & legit. l. Inreftato. ^/i. Loi 3, § 12, livre XXX, titre 8, au Digeste.

L. 26 : Tn autent. de rcflitiit. Novelle XXXIX. GARGANTUA, T. I, P. 17-20. 75

L. 28 : Leur rohidilardlcque loy Gdllus. Loi 29, livre xxvill, titre 2, au Digeste.

L. 29 : L.feptimo. Loi 12, liv. l, titre 57, au Digeste. Elle ne concerne pas principalement les naissances au onzième mois, mais surtout celles qui ont lieu au sep- tième.

Page 18, L 6 : Vogue la. gualee. C’est le refrain d’une vieille ronde dont Rathery a cité ce couplet :

Y auoit trois filles, Toutes trois d’un grand ; Difoient l’une à l’autre : Je n’a)’ point d’amant.

Et hé ! hé ! Vogue la galée ! Donne luy du vent.

Le libraire Galiot du Pré avait adopté pour devise, par allusion à son nom, une galère avec ce refrain : Vogue la galee.

L. 9 : La nauirc ne reçoit f on piloc^ que… ne foic… chargée. Cunique conseil flagitioruni mirarentur, quo modo similes Agrippœ filios pareret, quas tam vulgo potestatem -sui corporis faceret, ait : « Numquam enim nisi navi plena tollo vectorem. » (Macrob. Saturn.. Il, 51)

L. 17 : Macrohe U. i). Saturnal. Ce passage se trouve au chapitre v : « Il existe un propos de ce genre de Populia, fille de Marcus, laquelle répondit à quelqu’un qui s’étonnait de ce que les femelles des animaux ne désirent le mâle qu’à l’époque où elles doivent conce- voir ; « C’est qu’elles sont des bètQ ? ,.-)){Collection Nisard)

Page 20, 1. 4 : Beaulx loueurs de quille là. Dans son épître Au Roy^ pour auoir ejlé dérobé (t. I, p. 195)5 Marot énumère ainsi les qualités de son valet :

Prifé, loué, fort eftimé des filles

Par les bordeaulx, & beau loueur de quilles. J^i COMMENTAIRE.

Rabelais, pour mieux faire comprendre ce qu’il veut dire, a soin d’écrire quille au singulier. Quant à La Fontaine, qui se souvient également bien des vers de maître Clément et de la prose de maître François, il dit dans laCs Lunettes [Collection Lemerre. t. I, p. 389) :

Vient un Meufnier monte fur fon mulet, Garçon quarrc, garçon couru des filles, Bon Compagnon, & beau ioiieur de quilles.

L. 16 : Sus riierhe drue. Édit. Juste : dure, au lieu de drue^ sans doute par suite d’une simple transposition de lettres.

Page 21, 1. i : Les propos des hienyures. Dans les éditions primitives, ce titre n’existe pas, et les chapi- tres iv et V n’en forment qu’un seul. Kii le divisant en deux, Rabelais a fait quelques additions aux Propos des hienyures. Les éditions collectives donnent heuueurs^ au lieu de hienyures.

Dans les ouvrages que nous a transmis l’Antiquité, on trouve souvent des conversations tenues pendant des repas ; mais elles s’élèvent, comme dans le Banquet de Platon, aux plus hautes questions philosophiques, ou traitent, comme dans les Sympofiuijues de Plutarque et les Saturnales de Macrobe, de divers points d’érudition et de philologie. C’est seulement dans le V- chapitre du Satyricon de Pétrone qu’on trouve des propos de table qui ont quelque analogie avec ceux de Rabe- lais.

Le xvi^ siècle a eu souvent recours à ce cadre commode : Le Moyen de parvenir tout entier ne se compose que des conversations tenues dans un banquet auquel assistent les personnages célèbres de tous les lieux et de tous les temps. Il faut rapprocher de ce chapitre de Gargantua le chapitre XXXIX du même ouvrage intitulé : Comment le moyne /eut feftoyé par Gargantua f ^ des heaulx propos qu’il tint en foup- pantj les chapitres xi. et XT.l, qui en sont la -suite, GARGANTUA, T. I, P. 21-22. 77

le commencement du chapitre XIV de Pantagruel^ le chapitre XII des Propos rujliques de Noël du Fail intitulé De Perrot Claquedent^ et, surtout, les chan- sons à boire de Jean Le Houx, longtemps confon- dues avec les vaux de vire d’Olivier Basselin, dans lesquelles l’auteur fait de fréquentes allusions à ce chapitre de Rabelais. M.Armand Gasté a, le premier, signalé ce fait, d’abord dans une thèse soutenue devant la Faculté des lettres de Paris, ensuite dans une excel- lente édition des Vaux de vire de Jean Ix Houx çubliéQ en 1875, à la librairie Lemerre.

L. 10 : Produlj moy du clairet. Emploi facétieux d’un terme de procédure, comme dans le passage sui- vant : « Beuuons hau. le diz du meilleur, & plus ftomachal. Entendez vous, hault, majour dome.> Pro- duirez, exiiibez. » (t. Il, p. 344)

L. 15 : le ne boy que à mes heures… que en mon bre- uiaire. Allusion aux flacons en forme d’heures ou de bréviaires, auxquels Rabelais donne ailleurs le nom de « tyrouer » ou « tirouoir. » (Voyez t. i, p. 153 ; t. II, p. 344, 348 ; t. m, p. 171, 172)

L. 17 : Qiii f eut premier foif ou beuuerye ? Le modèle de ces questions d’origine est dans le xvi* chapitre du liv. VII de Macrobe, où l’on examine qui fut le pre- mier de l’œuf ou de la poule, ovumne prius fuerit aut gallina. Le même problème est discuté par Plutarque dans ses Propos de table (liv. II, question 3).

L. 19 : Priuatio prefupponit habitum. « La privation présuppose l’habitude. » Axiome scolastique.

L. 20 : Fœcundi calices quem non fecere difertum ? ((Quel est celui que les coupes inspiratrices n’ont pas rendu éloquent.^ » (Horace, liv. I, ép. 5, v. 19)

L. 21 : Nous aultres innocens ne beuuons que trop fans foif. Allusion aux innocents qu’on soumettait à l’é- preuve de l’eau.

Page 22, 1. 2 : Entonnons. Equivoque entre : Commencer à chanter et mettre en tonne.

L, 4 : Mouille^ vous pour feicher ^ ou vous feiche^ pour 78 COMMENTAIRE.

mouilkr ? Jean Le Houx, ’lui, mouillait pour sécher : Mouillons donc ; il faid bon fecher,

dit-il dans un de ses vaux de vire (p. 104).

L. 10 : En fec iamais Vame ne habite. Axiome de saint Augustin (Questiones Vetcris et Novi Testamenti, ex Veteri Testamento ^ Qiiestio XXIII) : « Anima certè quia fpiritus eft, in ficco habitare non poteft. »

L. 1^ : le laueroys voluntiers les tripes de ce veau que i’ay ce matin habille. Habiller un veau, en terme de boucher, c’est Técorcher, le vider, etc. Le veau que le buveur a habillé le matin, c’est lui-même, et ce sont ses tripes qu’il veut laver. On lit dans les Curiosité^ françoifes d’Oudin : « C’eft vn Boucher, il habille tous les iours vn veau. »

L. 21 : Boyre à fi petit gué : c’cfi your rompre fon poic- tral. « AUufion à ce que les Chevaux fêliez qu’on fait boire à une eau trop bafle, courent rifque de rompre leur poitral à force de fc gêner pour boire. » (Le Duchat)

L. 24 : Bouteille eft fermée àbouchon.& Jlaccon à vil- Edit. antérieure à 1535, 1535 et 1537 : Jlac con. Ce jeu de mots, recueilli par Tabourotdans le chapitre de ses Bigarrures qui traite Des équivoques francois, a été ré- pété souvent : « le vous auertis, dodes buueurs, que vous ayez des flacons (ils font bons vaifleaux fermant avis). » {Moyen de parvenir, édit. Charpentier, p. 8). « Un flacon fe ferme à vis par dehors, & vne femme fe ferme à vis par dedans. » (Tabarin. édit. de la Bibl. cl^év.j t. I,^ p. 63)

L. 25 : Nos pères bcurent bien & vuiderent les pot^. D’après Rathery, c’est un vers d’une très vieille chanson. « Faifons comme les fergens, releuons mengerie, » dit Du Fail, dans un sens analogue (t 1, p. 109).

L. 26 : C’ejl bien chié. chanté. On trouve : « C’est bien chié ! » comme une sorte d’exclamation, dans la Farce de Jolyet (Ane. Th.^ franc, t. 1, p. 56). Ici le buveur dit GARGANTUA, T. I, p. 22-23. 79

chié au lieu de chanté, puis se reprend. Ce quolibet se retrouve dans des Couplets de Beaumarchais pour la fête de M. Lenormj.nt d’Ecioles :

Vlà-t-i pas qu’eft bien chié ! (chanté).

L. 27 : Voule^ vous rien manier à la riuiere ? Cefluy cy va lauer les tripes.

Voulez vous rien mander La bas a la riuiere ? y auez vous affaire ? Les Irippes vay lauer.

{Jean Le Houx, p. 69)

L. 30 : Tanquam fponfus. « Comme un marié, comme un époux. » Il y a une sorte de jeu de mots entre fponfus et le mot efponge {fpongia)^ qui se trouve un peu plus haut.

L. 30 : Sicut terra fine aqua. « Comme une terre sans eau. »>

L. 31 : Va fynonyme de iambon ? C’eft vne compulfoire de heuuettes.

T’imitant, compagnon, Ne me faut de iambon Pour m’inciter à boire : L’ay bientoft auallé, Sans d’vn fergeant fallé, Attendre vn compulfoire.

[Jean Le Houx, p. 69)

Page 23, 1. i : Refpice perfonam : pone pro duos : hus non eft in vfu. « Considère la personne, mets pour deux. » La grammaire exigerait qu’au lieu de : pro duos, on mît : pro duohus ; mais Rabelais ajoute bus non eft in vfu, abus n’est point en usage. » Il y a là, sui- vant Burgaud des Marets, un jeu de mots sur le participe passé bus pour exprimer que boire doit s’em- ployer au présent et non au passé. 8o COMMENTAIRE.

L. 2 : Si ie montois aujfi bien comme l’aiealle^ ie feujfe ■piec’a hault en Vaer. Rabelais répète à peu près litté- ralement le même propos dans son Pantagruel (1. ii, p. 283) : fi ie montaffe aujjl bien comme ie aualle^ ie feuffe défia audeffus la fphere de la lune^ auecques Empedo- cles. Allusion au double sens du mot avaler^ qui, outre la signification qu’il a conservée, avait alors celle de descendre.

L. 3 : Ainfi fe feift lacjucs cueur riche. C’est le commencement d’une sorte de quatrain ainsi imprimé dans les éditions modernes :

Ainfi fe feill Jacques cueur riche. Ainfi profitent boj^s en friche. Ainli conquerta Bacchus l’Inde. Ainfi philofophie Melindc.

Le dernier vers, assez obscur, semble signifier que les Portugais employèrent philosophiquement le vin au lieu des armes pour faire la conquête de Melinde.

L. 10 : Hume Guillot^ encores y en a il vn pot. Édit. ant. à 1535 ; et 1535 : on pot, ce qui signifie « au pot, » et vaut peut-être mieux. Burgaud des Marets fait re- marquer qu’on dit encore aux entants :

Renifle, Pierrot,

Y a du beurre au pot.

L. 1 1 : Appelant de foif, comme d’abus.

le iuray que dorenaduant le n’y ferois plus appellant Qu’aux cabaretz les plus notables, La foif, ma partie, intimant Dcuant les beuueurs, mes femblables.

(Jean Le Houx, p. io.j)

L. 1 1 : Relieue mon appel en forme. Terme de pratique.

L. 18 : Les paffereaux ne mangent fi non que on leurs

tappe les queues. le ne boy fi non qu^on me flatte. C’est lA GARGANTUA, T. I, P. 23-24.

un petit buveur. La même idée se retrouve, sous une forme plus développée dans le ch. xilll de Pantagruel (p. 283, 1. 7) : « Tu n’as pas trouué tes petitz beu- ureaux de Paris qui ne beuuent en plus q’vn pinfon, & ne prenent leur bechee flnon qu’on leurs tape la queue à la mode des paffereaux. »

L. 20 : Lagona edatera. « Compagnon à boire ! » en basque. Ces mots, qui ne se trouvent pas dans l’édi- tion de 1535, sont probablement adressés au laquais de Grandgousier, appelé « le Bafque » (t. i, p. m, 1. 23).

L. 27 : l’ay la parole de dieu en bouche : Sltio. « J’ai soif. M C’est en effet, d’après l’Évangile (Saint Jean, XIX, 28), le mot que proféra Jésus-Christ sur la croix.

L. 28 : La pierre dicle àd^saToç n’ejl plus inextinguible. Ce mot à5|j£CT& ; , qu’on a traduit par afbefte^ désigne une substance qu’on ne peut consumer, qu’on ne peut éteindre. Voyez La pierre inextinguible y dit te Afbeftos (Œuvres de Remy Belleau. t. il, p. 246, édit. Lemerre).

Page 24,1. 7 : Lans. tringue. Suivant Régis, trinkt landsmann, « bois, camarade ! n et, suivant Le Duchat, landsmann, ^u trinken ! « pays (ou camarade), à boire ! » Cette dernière interprétation s’accorde mieux avec le sens général. Les buveurs répètent tous le même cri, chacun en son patois. L’un vient de le faire entendre en basque, un autre le pousse à son tour en mauvais allemand.

L. 9 : lachryma Chrifti. Le lacryma Christi (larme du Christ) est un vin sucré fort recherché, qu’on récolte au pied du Vésuve.

L. 12 : Bien drappé^ & de bonne laine. Allusion a ce passage de la Farce de Pathelin (Act. i, se. 2, p. 14) :

PATHELIN.

Ceftuy cy cft il taiiit en laine ?

LE DRAPPIER.

C’eft vn très bon drap de Rouen, le vous prometz, & bien drappé.

IV.

L. 14. Ex hoc in hoc. « De cela en ceci. » (Psaume 74.)

L. 19 : Natura abhorret vacuum. « La nature a horreur du vide. » Axiome de l’ancienne physique.

Id : Diriez-vous q’vne mouche y euſt beu ?

On ne diroit qu’vne mouche y euſt beu.

(Jean le Houx, p. 81)

Page 25, l. 20 : Ie ma parforceray, puis qu’il vous plaiſt. Au lieu du passage qui finit par ces mots et qui commence à : Couraige de brebis… on lisait dans l’édit. ant. à 1535 : Ie le prouue (diſoit il) dieu (ceſt noſtre ſaulueur) dictt en leuangile. Ioan 16. La femme qui eſt a lheure de ſon enfantement, a triſteſſe : mais lors qu’elle a enfanté, elle n’a ſoubuenir aulcun de ſon angoiſſe. Hâ (diſt elle) vous dictes bien, et ayme beaucoup mieulx ouyr telz propos leuangile, et mieulx m’en trouue, que de ouyr la vie de ſaincte Marguarite, ou quelque aultre capharderie. La vie de Sainte-Marguerite se trouve dans la plupart des livres d’heures gothiques ; on lui croyait une telle efficacité pour soulager les femmes en mal d’enfant, qu’au lieu de la lire on se contentait parfois de la leur appliquer sur la poitrine :

Tenez : mettez ſur voſtre pis
La vie qui cy eſt eſcripte :
Elle eſt de ſainte Marguerite ;
Si ſeres tantoſt deliuree.

(Miracle de l’enfant donné au diable, v. 290. Édit. de la Société des anciens textes français : Miracles de Noſtre Dame… publiés… par Gaston Paris et Ulysse Robert, t. I, p. 13).

Page 26, l. 2 : N’en faictes ne plus ne moins. Édit. ant. à 1535, et 1535 : ne pys ne moins ; ce qui ajoute un joli détail au dialogue.

L. 7 : Laiſſez faire aux quatre bœufz de deuant. Proverbe poitevin, qui se retrouve dans Du Fail (t. I, GARGANTUA, T. I, P. 26. 83

p. 82) : « Que chacun monftre ce qu’il fçait faire tant feulement, & puis laiflez faire aux bœufs de deuant. » L. 23 : Saincl Genou. Il est encore question de cette localité au chapitre XLV (p. 167, 1. 4 et 15), et l’on a voulu l’identifier avec :

…. Saincl Genou Près Saind-Iulian des Voucntes, Marches de Bretaigne ou Poidou.

Mais M. Longnon a parfaitement établi que, dans ce passage du Grand Testament de Villon (XCIV, édit. de la collection Jannet^ p. 62), il s’agit d’une commune sise dans les Deux-Sèvres, arrondissement de Parthenay^ canton d’Airvault, qui s’appelle non Saint-Genou, mais Saint-Generou {François Villon et ses légataires^ p. 13, note 4). Du reste, outre Saint-Generou, le Dictionnaire des postes mentionne Saint-Genou (Indre) et Saint- Genouph (Indre-et-Loire).

Quant à Bri^epaille d’auprès Saincl Genou, il faut, je crois, ne point s’évertuer à le chercher sur la carte, ainsi que beaucoup de commentateurs l’ont fait. Il appartient à une géographie particulière, comme « la vallé de Concreux prés Nantes, « dont nous parlent les Contes d’Eutrapel (Du Fail, t. Il, p. 134) et « la route de Fesse à Cluny, » mentionnée par Sterne dans Tristram Shandy {\iy. vni, ch. CCLXI, t. Il, p. 181).

Au xvii’^ siècle, les femmes se servaient encore assez fréquemment d’allusions de ce genre pour désigner d’une façon, détournée, il est vrai, mais plus choquante assurément que l’emploi d’un terme médi- cal, les indispositions périodiques particulières à leur sexe. Oudin explique, dans ses Curiojïte^ françoifes, ce qu’il faut entendre par « le Cardinal eft logé à la Motte, » et M. Capmas vient de nous dire ce que madame de Sévigné appelait une « colique de Saulieu, » [Lettres inédites^ t. 11, p. 47, note 19 et p. 58, note 9).

L. 28 : Le diable à la mejfe de fain£l Martin. Allu- sion à une légende ainsi racontée par Pierre Grosnet 84 COMMENTAIRE.

dans Les Mot^ dore^ de Cathoii ; , adages et proverbes des femmes :

Notez en l’eglife de dieu femmes enfemblii caquetoyent. Le dyable y ertoit en vng lieu, Efcripuant ce qaelles difoycnt. Son rolct plain de point en point, Tire aux dens pour le faire croiftre : Sa prinfe efchappe & nu tient point ; Au pilier seil lieurtc la tefte.

Page 27, 1. 2 : Sortit par l’aureille feneftre. Molière pensait-il à Gargamelle lorsqu’il faisait demander à Arnolphe par Agnès

Si les enfans qu’on fait, fe faifoicnt par i’orcille. (L’Efcole des femmes, acte i, se. i. Lemcrre, Petite biblio- thèque littéraire, t. 11)

L. 10 : Vn homme de bon fens, croit toufiours ce qu’on lui dicl^ & qu’il trouue par efcript.OnVit après ces mots, dans l’cdit. ant. à 1535, et dans les suivantes, avec quelques variantes, un passage assez hardi, que Rabelais a jugé prudent de retrancher : iV’£ dicl pas Salo- mon proucrbiorum. 14. Innocens crédit omni verbo ecl (etc). Et faincl Paul^ prime Cor’uithio. 13. Charitas omniu crédit. Pourquoy ne le croyr’ier vous ? Pour ce ( diSle : ^ vous) quil ny a nulle apparence. le vous dic^^ que pour cejîe feule caufe, vous le debue^ croyre en foy parfaiâe. Car les Sorboniftes difent^ que foy ejl argument des chofes de nulle apparence. Les deux passages latins fort exactement cités par Rabelais, signifient : « L’innocent croit à toute parole… La charité croit toutes choses. » Quant à la doctrine que l’auteur attribue aux Sorbon- nistes elle s’appuyait sur ce texte : « Est fides spe- randarum ; substantia rerum, argumentum non appa- rentium » (Saint Paul. Epit. aux Hébreux, chap. xi, V. i), » traduit ainsi par Dante {Parad.j xxiv, 64} :

Fede ô fuftanzia di cofe fperate, Ed argomento délie non parventi. GARGANTUA, T. I, P. 27-3 I 85

L. dernière : Des enfantemens ejlranges. Le titre exact de ce chapitre est : De prodigiosis partuhus.

Page 29, 1. 10 : Que grand tuas,fupple le goufer. Supple est l’impératif du verbe latin supplere. « suppléer, sous-entendre. » Yia.ns\t^ Grandes Cronicques l’étyniolo- gie du nom du héros du livre est différente, mais non moins fantaisiste : « Adonc le nomma Gargantua (lequel eft swg verbe grec) qui vault autant a dire : comme tu asvng beaufilz. »(Voy. ci-dessus, p. 30, 1. 11)

Page 30, 1. i : ILlle pouuoit traire de fes mammellcs quatorze cens deux pipes neuf potées de laicl pour chafcune foys. Ces exagérations comiques ont toujours été en aug- mentant ; on lit dans les Grandes Cronicques (p. 30, 1. 20) : « Sa mère pouoit bien porter a chafcune de fes mam- melles cinquante pippes de laid : ; » les premières édi- tions de Gargantua (ant. à 1535, 1535, i537 ^t Dolet) portent, en nombre rond, « quatorze cents pipes. »

L. 4 : Mammallement. Dans les premières éditions (ant. à 153J, 1535, i5’37et Dolet) au lieu de ce mot i ! y a : par Sorbone.

Page 31, 1. i : Comment on vejlit Gargantua. Plu- sieurs traits de ce chapitre sont empruntés de celui des Grandes Cronicques qui a pour titre : Comment Gar : ^antua fut habille de la liuree du Roy artus (p. 39 ). Mais dans les Grandes Cronicques le roi fait faire « les habillemens de liuree de Gargantua » pour le remercier d’avoir vaincu ses ennemis, tandis que dans le roman de Ra- belais on lui fait ce costume lorsqu’il n’a guère qu’un an et dix mois. Malgré cette différence complète d’âge et par conséquent de taille, Rabelais augmente partout^ dans une proportion fort notable, les mesures des vêtements destinés à son héros.

L. 12 : Pour fa cliemife, furent Icuces neuf cens aulnes de toille de Chafteleraud^ & deux cens pour les coujfons en forte de carreaulx, lefqueli on mijl fouh^ les effelles. « Puis fut leue par le commandement du- did grant maiftre dhoftel, huyt cens aulnes de toille pour faire vne chemife audicl Gargantua, et cent pour 86 COMiMEXTAIRE.

faire les couflbns en forte de carreaulx, lefquelz font mis foubz les effelles. » {Grandes Cronicqiies, p. 39, 1. 16)

L. 15 : ha fronfure des chemifes n^a eflé inuentee fi non depuis que les lingie/esj lors que la poincle de leur agueille efioit rompue^ ont commencé hefoigner du cul. On lit dans la Chambrière à louer à tout faire :

Et, quant mon efguille eft rompue, le m’a\de du cul proprement. (Pocs. franc, des xv" et xvi’= s. Dibl. eliév. t. i, p. 100)

Cette plaisanterie a servi de texte à Tabarin :

« Queftion XVH. En quel temps on commença à froncer les chemifes.

« Vous pouuez croire que la façon de froncer les chemifes eft vne des plus anciennes modes des modes, car elle eft du temps de Noé, qui nous a laiffé cefte authentique, délicate, purpurée, nedarine,fcientifîque, admirable, ambrofine & mellifique liqueur qu’on nomme le plot. De fon temps il y auoit vne infinité de lingères, lefquelles voyans que leurs efguilles eftoient rompues, commencèrent à trauailler du cul. Voilà d’où on priiit l’inuention de faire des chemifes proncées. » [Œuvres de Tabarin, t. i, p. 174)

L. 19 : Huyt cens treize aulnes de fatin blanc. « Sept cens aulnes de fatin. » (Grandes Cronicques. p. 39, 1. 21.)

L. dernière : Les exponibles de AI. Haultechauffadé. Ce mot, exponibles. employé dans le Parva logicalia de Petrus Hispanus, s’applique au procédé en usage pour exposer un même mot en diverses sortes (Agrippa, De vanitate/cientiarum^ cap. Yiii). Ramusa,comme Rabe- Mais, critiqué cette expression dans sa requête intitulée Pro philofophica parifienfis Àcademia difciplina^ adressée là Charles de Lorraine et envoyée au Parlement en lyji (L’abbé P. Goujet, Mémoire sur le Collège de France. Paris, Lottin, 1758, 3 vol. in-12, t. i, p. 24). Les « exponibles de M. Haultechauffadé » peuvent avoir donné à Molière l’idée du « Chapitre… des Chapeaux » GARGANTUA, T. 1, P. 3I-35. 87

d’Hippocrate, cité par Sganarelle, dans Le Médecin malgré lui, act. II, se. 2.

Page 32, 1. i : Vn’^e cens cinq aulnes. & vng tiers d’eflamet blanc. Dans les Grandes Cronicçues (p. ■^^•^1.26) : « Deux cens aulnes defcarlate, et troys quartiers & demy. »

L. 31 : Au Hure que lay faiâ De la dignité des bra- guettes. Voyez ci-dessus, page 61, la note sur la page 4.

Page 33,1. 4 : Pour Jes fouliers furent leuees quatre cens Jîx aulnes de velours bleu cramoyfi. « Pour faire fes fouliers fut achapte chez les conroyeurs cinquante peaulx de vache & demye. » (Grandes Cronicques, p. 40,

1.3)

L. 7 : Pour la quarreleure d’iceulx furent employe^vn-^e cens peaulx de vache brune. « Pour carreler lefdifts foul- liers fut achapte cheux les taneux le cuyr de trente fîx beufz. » {Grandes Croniques, p. 40, 1. 7)

L. 10 : Pour f on f aie furent leue^ dix & huyt cens aulnes de velours bleu tainci en grene. « Pour faire le faye de liuree fut leue neuf cens aulnes & demy quartier, moytie rouge & iaulne. » (Grandes Cronicques, p. 39, 1. 28)

L. 32 : Pour f on bonnet furent leuees troys cens deux aulnes vng quart de velours blanc. « Pour faire fon bonnet a la coquarde fut baille au bonnetier deux cens quintaux de laine deux Hures et demye et vng quart iuftement. » (Grandes Cronicques, p. 40, 1. 9)

Page 34,1. 12 : Platon in fympofio. Voyez chapi- tre XIV du Banquet.

L. 16 : AFAnH or ZHTEl TA EAYTHS. « La charité ne cherche point ses intérêts. » (Saint Paul, i’"^ aux Corinthiens, chap. Xill, v. 5)

L. 24 : L’émolument tel que fcauent les médecins Gre- goys. Voyez Galien au liure IX du Traité des simples, dans le chapitre intitulé : Jaspe verd.

Page 35, Lu : Soixante neuf millions huyt cens nouante &* quatre mille dix tv huyt moutons à la grand laine. « Ces moutons, à la grande laine, au type des 88 COMMENTAIRE.

aignels de saint Louis, n’avaient plus cours depuis longtemps ; ils avaient été principalement trappes par le roi Jean et imités en Bourgogne et en Flandre ; Charles VI avait encore émis des aignels ; mais les véritables moutons, appelés à la grande laine pour les distinguer des autres moins grands, apparte- naient au règne de Jean ; ils avaient été émis pour un franc ou une livre tournois et vaudraient à présent seize francs, ce qui ferait monter l’anneau de Gar- gantua à un bon prix. » (Cartier. De Li Numismatique de Rabelais. Revue numismatique, 1847, p. 338)

L. 13 : Les Fourques d’Auxbourq, Fourque est le nom francisé des Fugger, marchands d’Augsbourg dont la richesse était alors proverbiale. Dans ses lettres (t. III, p. 342), Rabelais, parlant de Philippe Strossi, dit : « Apres les Fourques de Auxbourg en Almaigne il eft eftimé le plus riche marchand de la Chrefticnté. » « S’il fauoit guérir de la goutte, il feroit plus riche que les Foucres d’Aufbourg, » dit Noël du Fail. (t. I, p. 277)

Page 36, 1. 13 : Diâcs que blanc fignifiefoy : & bleiij fermeté. « Quant aux fcpt facremens de l’Eglife, elle (la couleur blanche) reprefente le facrementde baptefme… Azur, quant aux fept facremens, fe prent pour le fa- crement de confirmation, w {BUfon des couleurs, p. 78 et 89. Voyez la note suivante)

L. 23. Le blafon des couleurs. Le titre de ce livre est : Le blafon des couleurs en armes, liurees et deuifes. S’enfuyt le Hure très utille et fuhtil pour fcauoir et cong- noijlre dune et c/hzfcune couleur la vertu et propriété… Souvent réimprime, il a été publié en 1860 par M. Cochcris, à la librairie Aubry, dans le Trèfor des pièces rares ou inédites.

L. 24 : Kn ce a ejîé prudent qu’il n’y a poinâi mis fon nom. Il ne figure pas sur le titre, mais le prologue com- mence ainsi : « le Sicille hérault de trefpuiffant roy Alphonce d’Arragon, de Sicille, de Vallence, de Mail- lorquc, de Corfeigue & Sardaigne, conte de BarccGARGANTUA, T. I, P. 36-38. 89

lonne, &c., auprefent & de long temps ayant domicilie & ma rélîdence en ma bonne viUe de Mons en Hé- nault… »

Page 37, 1. 8 : Contentent. L’édition de Juste porte à tort : contenant.

L. 12 : A cul de foyrad. Édit. ant. à 1535 : A cul brenous.

L. 20 : Les pudicques matrones. L’édition de Juste, porte à tort publiques.

L. 23 : Voulens en leurs diuifes fignifier efpoir^ font ■protraire vne fphere. Sphère s’écrivait fouvent fpere, efpere et même efpoire : « l’ordre des ef-peres célestes. » (C/iriftine de Pifan, Charles v. III, 4), « Cefte bende eftoit fuiuie par vn charriot… fur lequel eftoit aflis vu perfonnage nommé Efpoir^ & tenoit en fa main vne efpoire ou fpere d’or. » (Les Triomphes de Fabbaye des Canards, publiés à Rouen chez Nicolas du Gord, 1587, et par M. Marc de Montifaud, Jouaust, 1874, p. 33)

L. 25’ : Des pennes d’oifeaulx^ pour poines. On lit dans un ouvrage italien sur les couleurs et les devises : « Penna fola fîgnifica pêne, affanni, & dolori per caufa di amore. »(// moflruofijjimo moftro^di Giovanni Rinaldi, Venetia, Lucio Spineda, 161 1, in-8<’, fol. 64, v°). D’Urfé a compliqué l’équivoque en faisant choix de pennes ou plumes de geai : « Voilà, dit-il, Amarillis fi auant en fa penfee, qu’elle luy donnoit plus de peine que tous fes premiers trauaux. Ce fut en ce temps qu’il reprit la deuife qu’il auoit portée durant tous fes voyages, d’vne penne de Geay, voulant figni- fier PEINE i’ay. » {L’Aftrée, i’" part., liv. i, t. 11, p. 70)

L. 28 : Non & vn alcret, pour non durhabit. Un hakrct est une cuirasse ou cotte de mailles, un dur habit 5 ce rébus signifie donc : non durabit, ail ne durera pas. » Ceci se trouve expliqué par ce passage du Moyen de parvenir (p. 123) : « Comment diriez-vous vne cuiraffe ou cor- felet en latin.> C’eft, dit frère lean de Laillée, durabit. »

Page 38, 1. 2 : Vn penier : dénotant qu’on me faiEl pener. Cette forme penier. que Rabelais choisit pour 90

COMMENTAIRE.

équivoquer à fener, est encore en usage dans le dialecte poitevin, comme le. remarque M. Poëy-d’Avant.

L. 4 : Vn pot à pijfer. c’eft vn ofîcidL Plus loin (p. 79, 1. 2o) dans cette phrase : Pijfant doncq plein vrlnal. l’édition Dolet reinplacc vrinj.1 par officiai. Le pot à pisser, appelé aussi, comme on le voit, urinai, ou officiai, pouvait représenter en réb"us un officiai, c’est-à-dire un officier de la juridiction ecclésiastique.

L. 6 : Vn vaijfeau de pet^. Un vaisseau de paix, par opposition à un vaisseau de guerre.

L. 6 : Ma braguette, c’eji le greffe des arreft^. Suivant Le Duchat, Rabelais, par le mot greffe {graphium)^ fait allusion au style, instrument pointu avec lequel on écrivait sur les tablettes de cire, et par le mot arrcji, à la pièce du liarnois où l’homme d’armes afiermissait sa lance.

L. 7 : Fn ejlront de cliien. c’eji vn tronc de céans, ou gijl l’amour de niamye. Tron s’employait autrefois dans le sens de trône et quelquefois de trône de Dwu, firmament : « n’a plus belle defTous le tron. » [Partono- peus, V. 1710) — Quant à céans, il avait certaines formes, et particulicrementf.zit72*. qui le rapprochaient du mot chien.

L. 14 : De/quelles Orus Apollon a en Grec compofè deux Hures, L’ouvrage d’Orus Apollon, ou, comme on dit plus fréquemment d’Horapollon, est intitulé : De hieroglyphicis yEgyptiorum.

L. 15 : Polyphile au fonge d’amours. Le -titre complet du livre est : Hypneromacliia Poliphili, vbi omnia non nifi f omnium effe docet, atque ohiter plurima fcitu fane quam digna commémorât. A la fin : « Venetiis, mcnfe Decembri MID, in a ; dibus Aldi Manutii. » Son véritable auteur est Franciscus Colomna que Rabelais, dans la Briefue déclaration d’aucunes dictions, (t. m, p. aoi, 1. 14) appelle Pierre Colonne.

L. 17 : La deuife de monfieur V Admirai : laquelle premier porta OElauian Auguftc. Plus loin (p, 126, 1. 7) Rabelais la cite textuellement : « Sçauez vous que difoitOctauian GARGANTUA, T. I, P. 38. 01

Augufte ? Feftina lente ; » et dans la Briefue déclaration d’aucunes dlclions (t. m, p. 201, 1. 10) il entre dans d’assez grands détails sur cette devise et sur l’emblème qui l’accompagnait. Geoffroy Tory avait donné avant lui une explication identique, mais beaucoup plus étendue dans son Champ fleur y (tiers livre, feuil- let XLiii) : Aide le Romain, Imprimeur a Venize, auoit fa marque Hiéroglyphique, mais il ne lauoit pas inuentee, en tant qu’il lauoit empruntée, de la deuife de Augufte Cefar, la quelle eftoit en Grec : ’S.r^vi^t Ppa^Ew ; , qui eft a dire en Latin, Feftina lente. Ou encores en Latin tout en vng mot, Matura. Et en François, Hafte toy a ton aife. Icelle Deuife eftoit painte & defeignee par vne ancre de nauyre, & autour dicelle vng Daulphin. Lancre lignifioit tardiuete, & le Daulphin haftiuete, qui eftoit a dire, quen fes affaires fauit eftre modère, en forte quon ne foit trop liaftif, ne trop long ou tardif. Virgile nous eft fegret tefmoing que ledict Augufte Csfar auoit la dicte ancre & daul- phin en fi Deuile, quant pour luy en faire mémoire en fes Eneides, il a dict au comancement du premier liure, Maturate fugam, regique hsc dicite veftro. Qui en vouldra veoir & lire bien a plain, Ç\ {q\\ aille efbattre a veoir le premier Prouerbede la Seconde Chi- liade de Erafme, il y en trouuera ce me femble a fuf- fifance. »

Vadmiral dont Rabelais veut parler est, selon Le Duphat, « Brion Philippe Chabot, fait Admirai en 1526 & mort feulement en 1545. » Burgaud des Marests remarque avec raiion que les armes de cette famille portent des chabots et non des dauphins, et ajoute : « Rabelais les confond plaifamment à dessein. » Il est affez difficile de se rendre compte de ce que cela a de plaifant.

L. 26 : Si dieu me faulue… Dans l’édition antérieure à 1535, on lit au lieu de ces dernières lignes : Si le prince le veult ÇS" commende : cil qui en commendunt en- femble donne &• pouuoir & fcauoir. Ce passage^, qui a été relevé parmi les variantes, mais sur lequel les commentateurs n’ont pas fixé leur attention, est assez remarquable. Il semble indiquer qu’au moment où Rabelais publiait la première édition de Gargantua, il espérait se voir chargé de composer une sorte de traité officiel sur les couleurs, dont le chapitre suivant peut être considéré comme un échantillon, et qui eût remplacé celui que notre auteur a critiqué plus haut avec la vivacité et l’acharnement d’un concurrent. Lorsqu’il eut perdu cet espoir, il substitua, dans les éditions suivantes, un quolibet au passage plein de respect et de gravité par lequel il terminait.

L. 26 : Le moulle du bonnet, c’eſt le pot au vin. Le moule du bonnet, c’est la tête. Jean Chartier dit on parlant du sire de Lesparre, condamné à mort en 1454 : « Il fut deliuré au bourreau, lequel lui trancha la moitié & le moule de ſon chaperon, c’eſt-à-dire la teſte. » Comme teſta signifie en latin un pot, il est tout naturel que les amateurs de quolibets et d’équivoques se soient égayés sur ces deux significations. On trouve encore plus loin (t. II, p. 47) une locution populaire du même genre : Saulue Teuot le pot au vin, c’eſt le cruon. Cruon, en poitevin, signifie une courge, une gourde, une cruche, et aussi une tête mal faite.

Page 39, l. 3 : Le blanc doncques ſignifie ioye. Rabelais, après une longue parenthèse, reprend ici son discours où il l’a laissé (p. 36, l. 8) : Le blanc luy ſignifioit ioye.

Page 40, l. 8 : Les antiques Syracuſans. Plutarque, décrivant les magnifiques funérailles que les Syracusains firent à Timoléon, dit qu’ils portaient tous des habits purs : πάντῶν ϰαθαρὰς εσθῆτας φορουντῶν, ce qui, dans les Geniales dies d’Alexander ab Alexandro (liv. III, VII), est traduit par candidis vestibus.

L. 9 : Argiues. « En la ville d’Argos semblablement, quand ils portent le deuil ils veſtent robbes blanches comme dit Socrates, lavées en eau claire. » (Plutarque, Les demandes des choses romaines, XXVI, t. XXI, p. 269) GARGANTUA, T. I, P. 4O-41. 95

L. 20 : Les Thraces & Crêtes fignolent les iours bien fortiinei…^ de pierres blanches. Voyez Pline, Hiftoria naturalisj vu, 40, et Alexander ab Alexaiidro, Géniales diesj IV, 20.

L. 27 : Au Hure de Laurens Valle contre Bartole. Il s’exprime ainsi dans une épître Ad candidum decem- brem (p. 30. Bdle 15 17) dirigée contre l’ouvrage de Barthole intitulé De insignlis et armis : « Color aureus est nobilissimus colorum, quia per euni fîguratur lux. »

Page 41, 1, 2 : Bona lux. « La lumière est bonne. » Rabelais traduit ici en latin cette sentence grecque : 9a) ; àfaâôv, qui se trouve dans V Eloge de la Folie (En- comium Moriœ^ Balîlese, 1676, p. 64), d’Érasme, et qui est ainsi commentée, par l’auteur même, sous le nom de Listrius : « Id autem didlum eft ab anu quapiam moriente, quam etiamnum juvabat vivere. »

L. II : Les hiftoires antiques tant Grecques que Ro- maines. Par exemple Denys d’Halicarnasse, i, 57 ; — Var- ron, Rerum Romanorum, 11, 4, 18 ; —Virgile, ^neid.^ iir, 388, et VIII, 42.

L. 25 : Ce pendent que ceulx de Vaultre fart bataille- roient. « Il diuifa toute fon armée en huit trouppes, lefquelles il fit tirer au fort,& celle à qui efcheoit vne febue blanche demouroit en repos à faire bonne chère, pendant que les fept autres combatoient ; & dit on que de là vient que Ion appelle encore auiourd’hui vn iour blanc, auquel on a fait bonne chère, & receu du plaifir, à caufe de la febue blanche. » (Plutarque, Les vies des hommes illustres, Périclès^iA^ t. 11, p’. 211, trad. d’Amyot)

L. 31 : Le Leon^.. feulement crainSl & reuere le coq blanc ? Le passage auquel Rabelais nous renvoie se trouve au commencement du premier livre des Pro- blèmes d’Alexandre d’Aphrodise, mais il est bon de remarquer que cet auteur n’indique pas la couleur du coq.

L. dernière : Proclus lib. de Çacrificio & magia. 94 COMMEKTAIRE.

« Deinde et animalia sunt solaria niulta, velut leoiies et galli, numinis cujusdam solaris pro sua natura par- ticipes 5 unde mirum est, quantum inferiora in eodem ordine cédant superioribus, quamvis magnitudine potentiaque non cédant ; hinc ferunt galluni timeri a leone quamplurimum et coli. » On voit que là encore il ne s’agit pas de la couleur du coq, mais seulement de son pouvoir sur le lion. Ce prétendu pouvoir a donné lieu à la vieille enseigne, où le Coq hardi était représenté sur le dos d’un lion.

Page 42, 1. 19 : Selon l’opinion de Àrijloceles en fes pro- blèmes. ITpci ; (A£v TÔ Xeuiiov xat u.e’Xav xMarx ^uvà( ; .£6a aTcvi^eiv, âa’j(i) "yap X’ju.alvETat rr.v oi}/tv. (Problem.^ XXXI, 20)

L. 23 : Ainfi que Xenophon cfcripc ejîre aduenu à fes gens. Voyez Anabujis. 4, 5.

L. dernière : Verrius^ Ariftoteles. Le témoignage de Verrius est invoqué par Pline, livre vir, chap. lui ; et celui d’Aristote, par Aulu-Gelle, liv. m, chap. xv.

L. dernière : Tite Liue, après la bataille de Cannes. Tite-Live rapporte (xx, 7) que deux femmes moururent de joie, l’une à la porte de la ville en retrouvant son fils sain et sauf, l’autre en voyant arriver chez elle le sien, dont on lui avait faussement annoncé la mort ; mais, selon lui, ces deux faits se rapportent à la bataille de Trasimèae. Pline (vil, Llil) et Aulu-Gelle (m, xv) racontent le second comme arrivé après la bataille de Cannes.

Page 43, 1. 2 : Et auhrcs. On peut ajouter à cette liste déjà longue Valère Maxime, ix, 7.

L. 2 : Diagoras Rodicn. Chilo ^ Sophocles, Diony, tyrant de Sicile. Pliilippides. Pliilemon^ Polycrata, Plii- liftion, M. luuenti. &" aultres tjui moururent de ioye. Les succès remportés dans les jeux de la Grèce causè- rent quelques-unes de ces morts violentes : Diagoras vit ses trois fils victorieux le même jour aux jeux olympiques (Aulu-Gelle) jChilon en eut un qui obtint la même distinction (Pline, vu, xxxii) ; Sophocle et Denys avaient remporté le prix de tragédie (Pline, vil. Mil) ; Philippides celui de comédie (Aulu-Gelle). D’autres eurent des motifs plus futiles : « Philemon, voyant vn afne qui mangeoit les figues qu’on auoit aprefté pour le diluer, mourut de force de rire, » ainsi que Rabelais lui-même nous le raconte un peu plus loin (t. i, p. 73. Voy, le commentaire relatif à ce passage). Polycrate, ou plutôt Polycrite, comme la nomme Plutarque, était une noble dame qui, d’après le témoignage d’Aristote, mourut d’un bonheur inattendu (Aulu-Gelle). Il n’est pas question de Philistiou dans les auteurs que cite Rabelais ; mais Suidas nous apprend que c’était un poète comique qui mourut d’un excès de rire. Enfin le consul M. Juventius Talua, ou Thalna, périt au milieu d’un sacrifice qu’il faisait après avoir soumis la Corse (Pline, viii, LUI, et Aulu-Gelle).

Page 44, 1. 10 : A dormir^ boyre, & manger, u Manger, boire, dormir : boire, dormir, & manger. Nous roiions fans cefle en ce cercle. » (Montaigne, Effaisj liv. II, ch. XIII, t. II, p. 390)

L. 18 : Patroilloit par tous lieux. La longue série de dictons et de proverbes qui commence après cette phrase et s’étend jusqu’à : les petit^ chiens de fon père man- geaient en fon efcuelle(p.4.^.f 1. 30), ne se trouve pas dans l’édition antérieure à i$}$. Dans cette première rédaction, la peinture d’un enfant malpropre et indiscipliné est plus naïve et plus fidèle. Ensuite Rabelais en multipliant les expressions populaires a voulu exprimer que Gargantua faisait tout à contretemps, et a cherché à exciter le rire par cette interminable file de quolibets. Leur accumulation était un des procédés comiques du moyen âge ; on en trouve, au xvil^ siècle, le dernier et le plus complet spécimen dans La Comédie des proverbes. Chacune de ces locutions figurera au Glossaire sous le mot le plus caractéristique qu’elle renferme. Noël du Fail se rappelant ce passage de Rabelais, introduit, dans le chapitre des Contes d’Eutrapel intitulé Débats & accords entre plu fieurs honneftes gens, (t. II, p. 2 1 ) ç6 COMMENTAIRE.

un certain Charles Lancelot récusant im juge qui se conduisait à peu près comme le jeune Gargantua : « Couftumier ordinaire de piffer contre le vent, » il a embraffoit & rien n’eftraignoit. »

Page 46, 1. 1 : Et f^be^ qit^y^ InUot-^ ? Que mail de pipe vous byre.Ceci est du patois gascon : « Et savez-vous, mes enfants ? Que le mal de pipe vous vire, » c’est-à-dire que l’ivresse vous retourne. Le mal de pipe, c’est le mal qui vient du tonneau, appelé pipe

Sommes malades au ccrucau Du mal de pippe.

(Jeati le Houx, p. 70)

L. 4 : Harry bourriqiiet. Cri dont les âniers de la Provence et du Languedoc se servent pour faire avancer leurs bêtes.

Bouriquct, bouriquct, Hanry Bouri l’ane, Bouriquct, bouriquet, Hanry Bouriquet. {Farce d’vn qui fe fait examiner pour ejlre prebjlre, Ane. Thé ât, franc., t. ii, p. 373)

L. 8 : Li2 fiiire reiienir entre leurs mains, Rabelais a imité ces passe-temps des gouvernantes, et la longue série des synonymes dont elles se servent, du passage du Roman de la Rose qui commence ainsi :

le voy fouuent que ces nourrices, Dont maintes font baudes & nices, Quand leur enfant tiennent & baignent Et les manient & applaincnt, Les couilies nomment autrement. Vous fçauez bien or iî ie mens. Lors fe print Raifon à foubzrire.

(Édit. 1531, f 4 ?)

L. 8 : Comme vn magdaleon d’entraiâ. Édition aiitér. à 1535 : Comme la pafte dedans la mecl.

L. 22 : Monfieiir fans queuî. Au XVI* siècle, être GARGANTUA, T. I, P. 46-49. ^y

appelé « monsieur sans queue, » ou, comme nous dirions aujourd’hui, « monsieur, tout court, » c’était être traité comme un prince. Dans les Contes d’Eutra- pel de Noël du Fail, des flatteurs qui cherchent à attraper de l’argent à une dupe l’appellent « monlleur fans queue. » (t. Il, p. 22)

Page 48, 1. dernière : A cefte heure auons nous le moine. Il est certain que cette locution signifie : nous sommes attrapés ; mais il est assez diiEcile de savoir pourquoi. Voici ce qu’en pense Burgaud des Marets : « Le moine est un instrument fort ancien, faisant l’ofEce de la bassinoire… Nos ancêtres, amateurs des plaisants tours, substituaient, à l’occasion, un plat de glace au réchaud. Donner ou avoir le moine étaient devenus synonymes de faire ou de subir l’espièglerie dont nous venons de parler. » Cette explication n’est pas dénuée de vraisemblance, mais elle ne pourrait être définitivement adoptée que si elle était appuyée d’un texte quelconque.

Page 49, 1. 7 : Voule^ vous vne aubeliere ? « Les gamins de Paris ont encore une plaisanterie de car- naval du même genre. Je me déguise en urlubière, disent-ils ; et, si on leur demande ce que c’est, ils font la même réponse que Gargantua, en disant menton- nièrej au lieu de muselière. » (Burgaud des Marets]

L. 13 : Foin en corne. Allusion à ce passage d’Horace liv. I, sat. IV, v. 34) :

Fœnum habet in cornu ; longe fuge.

« Il a du foin à la corne ; fuyez au loin. » Il s’agit d’un médisant comparé à un bœuf vicieux à la corne duquel on a attaché une poignée de foin pour indi- quer qu’il faut l’éviter.

L. 1-^ : le te voirray quelque iour pjpe. C’est une façon de vanter son intelligence. On lit dans Le Moyen de parvenir (p. 73) : « Acheue, mon petit compère, acheue, tu eufles efté pape, fans que tu auois efté marié à deux veuues. »

IV. 7 98 COMMENTAIRE,

L. ai : Sens dùuant & fens derrière. Sens^ impératif du verbe sentir^ substitué par équivoque au nombre cent. C’est précisément le contraire qui a lieu dans les auberges, où l’on place sur certaine porte le numéro 100, pour faire penser soit ù l’impératif ^e/ : ^^ soit à la troi- sième personne du présent de l’indicatif sent.

L. 29 : Fous ane^ la bouche fruifche. C’est-à-dire : vous n’avez pas le gosier desséché, la bouche pâteuse, vous pouvez parler facilement. « Apprennent à deuifer & bien parler, & auoir la bouche freyche. » (Martial de Paris, dit d’Auvergne, Arrejls d’Amour, lu)

Page 51, 1. i : Comment Grandgoujier congneut l’ef- perit mcrueilleux de Gargantua à Vinuention d’vn torche- cul. Peut-être n’est-il pas inutile de faire d’abord remar- quer que beaucoup d’écrivains français, avant Rabelais et de son temps, se sont livrés sans scrupule à des plai- santeries grossières du genre de celles que renferme ce chapitre. La troisième des Repues franches, attribuées à Villon, a pour titre : Des Torcheculs. En i5’37, très peu après l’apparition de Gargantua, Eustorg de Beaulieu a publié un Rondeau des Torcheculs. Enfin Montaigne (t. I, p, 408), ayant dit que les Romains « fe torchoyent le cul… auec vne efponge, » ajoute : « Il faut laifTeraux femmes cette vaine fuperftition des parolles. » Ce qui prouve que, quelque fondés que paraissent nos scrupu- les, ils étaient à peine connus et en tout cas très résolu- ment écartés au XVI siècle. Le récit d’un accident causé à frère Jean par l’emploi imprudent d’une Clémentine (t. II, p. 450) peut servir de complément à ce chapitre.

L. 20 : Le plus feigneurial. Dans l’édition antérieure à 1535 et dans celle de 1535, avant ces mots on lit : h plus royal.

Page 52, 1. 8 : Que le feufainEl Antoine arde… Cette imprécation, qui revient dans les vers de la page sui- vante, était fréquente au moyen âge. On la trouve souvent dans notre ancien théâtre comique :

… Le feu faind Anthoine farde. {Farce des cinq/ens. Ane. Théât. Franc, t. m, p. jn GARGANTUA. T. I, P, 53-54. 99

Page 53,1-5 : ^^ tuprins au -pot ? veu que tu rimes dé- fia ?… le rime tant ÇS" plus : ^ en rimant fo uuent m’ enrime. Jeux de mots sur les divers sens qu’avait alors rimer. Il se disait, et se dit encore en certains patois, et notam- ment en saintongeais, des viandes qui, par suite d’une cuissontropardente,prennentaupot,5’izrfi2cAf/2f. comme disent les cuisinières de Paris ; d’un autre côté on disait souvent s’enrimer pour s’ enrhumer. ce qui avait donné lieu à un jeu de mots très souvent répété. On lit dans la première Epijire au Roy. de Marot (t. i, p. 149) :

En m’efbatant ie fais rondeaulx en rithme, Et en rithmant bien fouuent ie m’enrime.

et dans Le varlet à louer :

Las d’etlrc deboul, ie m’affied Pour compofer en profe ou rime, Où le plus fouuent ie m’enrime, Si ie n’ay vn peu vin humé. (Poés. franc, des xv" et xvi" s. Biblioth. El\évir., t. i, p. 8^)

Page 54,1. n : Pj^i la mer dé. « Parla merci Dieu, » locution très fréquente dans notre ancienne langue : « Seignor, nos auons cette vile conquife, par la Dieu grâce & par la voftre. » (Ville-Hardouin. 2« édit. F. Didot. 1874, p. 48]. M. Natalis de Vailly donne comme variantes : le merchi de Dieu ou la mierchi Diu. Cette expression abrégée : mer dé, qui revient plus loin dans Gargantua (p. 98, 1. 21, et p. 133, 1. 27), a été employée ici pour produire une équivoque sur laquelle il est superflu d’insister.

L. 13 : ’En la gibbejîere de ma mémoire. Ces périphra- ses ampoulées étaient fréquentes chez certains prédé- cesseurs de Rabelais. Jean de Garlande dit, dans la préface de son Dictionnaire composé au xili*" siècle, que cet ouvrage est un recueil des mots que l’écolier doit garder dans « l’armoire du cœur (in cordis arma- rioJo). » Roger de Collerye dit aussi : « L’armoire lOO COMMENTAIRE.

de mon efprit. » (Œuvres. 1855, p. 48. Bibliorh. el^évir. ec Villon, dans le Petit testament (p. 18) :

Lors ie fenty dame Mémoire Refcondre & médire en fon aulmoire Ses efpcces collatérales.

lioiichet s’est rappelé la plaisante expression de Rabe- lais : « Ce ieune Médecin mettant cela en la gibbeciero de fa mémoire… » {Dixiefme feree. Ed. Lemerre, t. 11,

P-2I3)

L. 26 : DoEleur en gaie fclence. Ed. ant. à 1555 : , 1535’, 1537 et Dolct : DoEleur en Sorhoiie.

Page 56, 1. i : Comment Gargantua fcut infiitué… L’histoire de l’éducation de Gargantua qui commence ici est le morceau classique de l’ouvrage de Rabelais. Sa valeur ii’a été, en aucun temps, contestée par per- sonne. — En 1770, au moment où les archaïsmes de Rabelais et la crudité naïve de son langage efFarou- chaient une société corrompue, François de Neuf- chateau déclarait, dans une note de son Ep’nre à Madame la comtesse d’Alsace sur l’ifducacion de son fils (p. 53), que (( ces deux chapitres suffiroient seuls pour démontrer l’immense érudition et la philosophie de Rabelais. » — En 1773, dans sa seconde Lettre à M. de Voltaire j Clément disait : « Je ne crois pas qu’on ait rien dit de plus sensé sur l’éducation. » — Ces juge- ments toutefois n’avaient eu qu’assez peu de retentis- sement. Il en fut tout autrement de l’intéressante Etude sur les idées de Rabelais comparées aux pratiques et aux routines de son temps… insérée par Guizot, en 181 1, dans les Annales d’éducation (t. 11, p. 323). C’est seulement après certaines précautions oratoires que le jeune professeur ose avouer son opinion. « On ne m’en- tendra pas sans étonnement, dit-il, nommer d’abord Rabelais comme un de ceux qui ont le mieux pensé et le mieux parlé en fait d’éducation avant Locke et Rousseau. » Ce morceau a été confirmé par lui, avec GARGAVTUA, T. I, V. 56.

plus d’autorité, à soixante-deux ans de distance, dans L’Histoire de France racontée à mes petits-enfants (t. m, p. 160). — Depuis le moment du reste où Guizot avait risqué sa première appréciation, d’éminents esprits étaient venus l’appuyer. Il faut citer au premier rang Sainte-Beuve, qui avait amplement développé ce thème dans deux longs articles du Constitutionnel consacrés à Rabelais, mais où il n’avait guère osé aborder notre grand satirique que par ce côté. — Récemment un Allemand, M. Arnstaedt, a consacré un assez gros volume à l’examen comparatif des doctrines de Rabe- lais, de Montaigne et de Rousseau sur l’éducation : François Rabelais. and sein traité d’éducation^ mit heson- àerer Beriicksichtigung der padagogischen Grunds’t^e Montaigne’ s, Locke’ s and Rousseau s. Cet ouvrage con- sciencieux et complet, qui fournit les documents né- cessaires à l’examen de la question et qui la résout en faveur de Rabelais, a offert à M. Albert de Réville l’occasion d’écrire un intéressant article inséré dans la Revue des Deux Mondes du 15 octobre 1872. — Dans le huitième chapitre d’une thèse soutenue en 1876 par M. A. Benoist, et qui a pour titre : Qtiid de puerorum institutione senserit Erasmus, les opinions d’Erasme sur l’éducation sont comparées à celles de Montaigne et de Rabelais. — Enfin, en 1877, dans un Rapport officiel fait à l’Académie des sciences morales, relativement à un concours pour le prix Bordin, sur VHistoire criti-que des doctrines de l’éducation en France (p. 3), M. Gréard, tout en reconnaissant la différence, ab- solue en quelques points, des idées pédagogiques de Rabelais et de Montaigne, constate que « ce qu’au fond ils attaquent avec une égale hardiesse, c’est ce que Rabelais appelle les brouillamenta Scoti, Montaigne la science livresque, c’est-à-dire ce pédantisme du moyen âge qui enfermait l’enfant dans des « geôles. » Les chapitres relatifs à l’éducation de Gargantua doi- vent être rapprochés de la lettre célèbre, réimprimée dans tous les cours de littérature, où Gargantua trace I02 COMMENTAIRE.

à Pantagruel le plan et presque le programme de ses études. Il faut se rappeler qu’elle a été écrite avant le Gar g jntua (voyez p. 15-19, ci-dessus), et que, malgré la place qu’elle occupe, elle n’est que le point de départ et l’argument du morceau beaucoup plus complet que nous trouvons ici. Il sera bon aussi, pour se convaincre que le plan de Rabelais était à très peu de chose près mis en pratique par quelques excellents esprits de son temps, de lire le récit des études d’Henri de iMesmes, de 1542 ù 1550. Ce morceau, extrait des mémoires de l’auteur et rapporté par RoUin dans le Traité des études (liv. II, chap. Il, art. i), a été reproduit avec plus d’étendue et d’exactitude par M. Edouard Fournicr sous ce titre : Comment se faisait une éducation au XVI"^ siècle [Variétés littéraires, t. X, p. 151).

L. 2 : Fn Sophifte. Edit. ant. ù 1535, 1535, 1537 et Dolct : Va théologien^ et plus loin (p. 57,1. 11) : DoEleur en théologie, au lieu de : docteur fophijle.

Page 57, 1. 15 : jL^ Facet, Theodoletj& Âlanus in pa- rabolis. Ces trois traités font partie du recueil intitulé : Auâores oclo morales, Lugduni, Johannes Fabri, 1490. Le commentateur du premier traité en explique ainsi le titre : « Facetus eft quidam liber metricus a magiftro faceto editus loquens de prjeceptis & moribus, a Ca- thone, in iua Ethica omilhs. Et dicitur facetus per etymologiam quali fauens cstui, id eft placens tam in diftis quam in factis populo. » — Le second ouvrage intitulé Ecloga Theoduli est un dialogue allégorique en 345 vers léonins, entre la Vérité et le Mensonge, dont la dispute est à la fin jugée par la Sagesse. — Les Paraboles d’Alain de Lisle (Alanus ab Infulis), religieux de Citeaux, datent du xil^ siècle, — Peu de temps après Rabelais, Ramus attaquait vivement l’emploi de ces mêmes ouvrages d’enseignement dans son traité : De ftudiis philofophitr & eloquentiœ coniungendis (1^46} et dans le Proœmium reformandx parifienfis Academia, adressé à Charles ix.

L. 26 : De modis fignificandi. « Sur les modes de siGARGANTUA, T. I, P. 57-58. 103

gaifier. » Traité de Jean de Garlaiide, que Rabelais enrichit ici des commentaires d un grand nombre de scoliastes pour lesquels il invente des noms bizarres et ridicules.

L. 32 : De modis fignificandi non erdt fcientia. « Il n’y avait pas de science relativement aux modes de signifier. »

L. 34 : Le compojl. « Le comput, » considéré comme une science indispensable aux ecclésiastiques^ et dont il existait plusieurs traités qu’on enseignait dans les écoles : « Vng frère du fuppliant, qui va à l’efcole & alloift eftudiant le Compouft. » (Lettres de rémission de 1472, citées par Ducange au mot Com- put us.)

Page 58, 1. 2 : Et fut l’an mil ^udtre cens & vingt ^ de la verolle que luy vint. Ceci est la reproduction à peu près textuelle de deux vers de l’épitaphe de frère lehan VEuefque, cor délier, natif d’Orléans ^ par Clément Marot :

Cy gift, repofe & dort leans

Le feu euefque d’Orléans,

l’entens l’euefque en fon furnom,

Et frère lehan en propre nom,

Qui mourut l’an cinq cens & vingt,

De la verolle qui luy vint.

L. 5 : Hugutio. Hebrard Grec if me ^ le doclnnal, les pars, le quid eft, le fupplementum^ Marmotret de mo- ribus in menfa feruandis^ Seneca de quatuor virtutibus cardinalibus^ Pajfauantus cum commento. Et Dormi fecure pour les fejîes. — Hugutio a écrit une grammaire. — Grecifmus est le titre d’un traité de philologie grecque en vers, composé en 11 12 par Ebrard de Béthune. — Le doctrinal est le fameux doSir’inale puerorum composé vers 1242 en vers léonins par Alexandre de Villedieu. — Ees pars sont un traité des parties d’oraison ou par- ties du discours. — Le quid eft. « qu’est-ce ? » est un livre élémentaire par demandes et par réponses. — Il est assez difficile de savoir au juste ce que c’est que le I04 COMMENTAIRE.

fupplementum ; et les commentateurs de Rabelais sont loin d’être d’accord sur ce point. Peut-être notre au- teur lui-même n’avait-il pas d’idée bien arrêtée à ce sujet, et voulait-il simplement critiquer la manie, alors fort répandue, de multiplier les additions, les appen- dices et les suppléments. — Il n’y a pas dans le texte de virgule après Marmoiret^ mais le sens en demande une. Cet ouvrage, dont Rabelais altère plaisamment le titre pour le rattacher au mot marmot et auquel il a donné une des premières places dans son répertoire de la librairie de Saint- Victor, oii il le nomme : Mar- motretus de baboinis & cingis^ est réellement intitulé : li/JammetraElus fine expofitio in fingulis libris Bibliœ^ authore Marchejio. Mayence, Schaifter, 1470, in-fol. — De moribus in menfa feruandis, « Sur la manière dont on doit se conduire à table. » Titre d’un traité de Sulpitius Verulanus. — « Sénèque, sur les quatre ver- tus cardinales, » est un traité d’un certain Martin, évèque de Mondonedo. Ce traité fait partie des Au6lo- res oclo morales. — « Passavant, avec commentaire. » Jacques Passavant, moine florentin, est l’auteur d’un Specchio di vera pcniten^a et de divers traités latins. — Dormi fecurc… « Dors tranquillement. » C’est un recueil de sermons pour les fêtes des saints, ainsi que l’indique le titre : Sermones de Sunclis per annum fatis notabiles & vtiles omnibus facerdotibus pafto- ribus & capellanisjf qui Dormi fecure^ vel Dormi Jine curafunt nuncupaci co quod abfque magno ftudio faci- liter pojjlnt incorporari & populo prcedicari. Nurem- berg, A. Kobergers, i486. Ces sermons étaient tout remplis de récits légendaires, « Qui voudra voir d’auantage de tels contes, life… fermones Dormi fe- curCj » dit H. Estienne dans son Apologie pour Héro- dote, ch. XXXIV, p. 108.

Page 60, 1. 6 : // n’a. encor dou^e ans. Édit. antér. à i^-^^ : Il na pas encor fei^e ans. Edit. de 1535, 1537 et Dolet : // na encor feije ans

Page 61, 1. 9 : Chopiner fophifticquement. Édit. antér. à 1535, 1535, 1537 et Dolet : Chopiner theologalement. Henri Estienne commence fort longuement cette expression dans un passage de l’Apologie pour Hérodote, chap. XXII, p. 529, dont voici le commencement : « … Il ne nous faut que conſiderer ce qu’on appelle vin theologal… Car quand il eſt queſtion d’exprimer en vn mot vn vin bon par excellence, & fuſt ce pour la bouche d’vn roy, il faut venir au vin theologal… Quoy qu’il en ſoit, ce n’eſt pas ſans cauſe qu’on dit par prouerbe, Vin theologal, & Table d’Abbé. »

Page 62, l. 11 : Comme aſſez ſçauez que Africque aporte touſiours quelque choſe de noueau. Ce dicton est répété au cinquieſme livre (t. III, p. 19) : « Affrique, diſt Pantagruel, eſt couſtumiere touſiours choſes produire nouuelles & monſtrueuſes. » Pline nous apprend que c’était un proverbe vulgaire de Grèce : « Semper aliquid novi Africam afferre. » (Hist. Natur., VIII, 16)

Page 63, l. 4 : Et fut amenee par mer en troys carracques & vn brigantin. « Cette bonne plaisanterie, dit Burgaud des Marets, n’a point été perdue pour notre grand admirateur de Rabelais, La Fontaine :

Voſtre ſerviteur Gille
............
Tout fraichement en cette ville
Arrive en trois baſteaux, exprés pour vous parler. »

(Le Singe & le Léopard)

Remarquons toutefois que cette locution proverbiale « en trois bateaux » était d’un usage courant quand La Fontaine s’en est servi, et qu’il n’a peut-être pas songé en l’employant aux « troys carracques » de Rabelais. — Nous lisons dans une lettre de Madame de Montmorency, datée du 6 avril 1670, et imprimée dans la Correspondance de Bussy Rabutin (Édit. Charpentier, 1858, t. I, p. 254) : « Il faut avouer que notre ami est très agréable, et que de ces gens-là n’en vient que deux en trois bateaux. »

L. 10 : Si n’eſtoient meſſieurs les beſtes, nous viurions I06 COMMENTAIRE.

comme clercs. « Les feigneurs i’eroieut comme bétes fi le clergé n’étoit. » (Froissart, Chroniques ^\iw, m, c. 28. Édit. Buchon, t. 11, p. 458). Rabelais, avec sa malice ordinaire, a l’air d’intervertir par pure inadvertance cette espèce de proverbe.

L. 3a : Si bien s’efcarmouchant les efmouclia.y qu’elle en ahiitit tout le hoys… « Ladid : e iument… fe print a efmoucher : & alors vous euffiez veu tomber fes gros chefnes menu comme grefle : & tant continua la- dite befte que il ny demoura arbre debout que tout ne fuft rue par terre. » {Grandes Cronicquesj ci-dessus, p. 32)

Page 64, 1. 9 : Les Gentil^ hommes de Beauce dejjeunent de haijler. Il y avait un grand nombre de dictons sur la pauvreté des gentilshommes beaucerons. Voyez Le Livre des proverbes français^ par M. Leroux de Lincy, 2" édit., Delahays, 1859, t. i, p. 314.

Page 65, 1. 7 : Fut veu de tout le monde en grande admiration. « Vous euffiez veu venir les parifiens tous a la foule qui le regardoyent & fe mocquoyent de ce que il ; ftoit fi graiit. » {Grandes Cronicques^ ci-dessus,

P- 34)

L. II : Vn porteur de rogatons. Les commentateurs de Rabelais ont tous négligé d’expliquer cette expres- sion fort importante pour déterminer le sens général de ce morceau. Les passages suivants de l’Apologie pour Hérodote indiquent qu’à cette époque ce terme désigne des moines colporteurs de reliques : « Qui n’ont ni rente, ni rcuenu, qui n’ont pas vn poulce de terre, qui mcfmemcnt font appelez porteurs de roga- tons, pourcequ’ils ne viuent que des aumofnes des gens de bien. » (ch. xxil, p. 536)

« Si le S. Efprit crtoit mors d’vn chien enragé, encore faudroit-il qu’il vint à S. Hubert s’il vouloit eftre guari. Ce qui fut dict par vn porteur de rogatons ayant des reliques dudid S. Hubert. » (ch. xxxix,p. 27 j)

« le vien à Menot, lequel appelle porteurs de roga.- tona portatores rogationum ceux que Maillard nomme… portatores reliquiarum & indulgentiarum, & hullatores. » (ch. VIII, p. 95)

À défaut de ces explications, ce terme pouvait passer pour un synonyme assez banal du mot « baſteleur » qui précède ; mais il prend une énergie singulière en cet endroit, où il se trouve opposé à l’expression de « preſcheur euangelicque, » c’est-à-dire (on l’a cru, et les explications que nous venons de donner rendent ce sens encore plus probable) de pasteur protestant.

L. 15 : Feut contrainct ſoy repoſer ſuz les tours de l’egliſe noſtre dame. « Se alla aſſeoir ſur vne des tours de noſtre dame. » (Grandes Cronicques, ci-dessus, p. 34)

L. 25 : Sans les femmes & petiz enfans. Cette formule revient souvent dans Rabelais à la suite des énumérations de ce genre. Elle est empruntée de l’Écriture : « Ceux qui mangèrent étaient au nombre de cinq mille, sans les femmes et les petits enfants. » (S. Matthieu, XIV, 21)

Page 66, l. 4 : Commencerent à renier & iurer. Ces mots sont suivis, dans l’édition antérieure à 1535, de rénumération suivante : « Les plagues dieu. Ie renye dieu, Frandiene vez tu ben, la merde, po cab de bious, das dich gots leyden ſchend, pote de chriſto, ventre ſainct Quenet, vertus guoy, par ſainct Fiacre de Brye, ſainct Treignant, ie foys veu à ſainct Thibaud, Paſques dieu, le bon iour dieu, le diable memport, foy de gentilhomme, Par ſainct Andouille, par ſainct Guodegrin qui feut martyrize de pomes cuyttes, par ſainct Foutin lapoſtre, par ſainct Vit, par ſaincte mamye. — Les éditions de 1535, 1537 et Dolet présentent la même variante ; seulement : Ia martre ſchend y remplace pote de chriſto ; Carimary, Carimara, foy de gentilhomme ; Nè diâ Mà diâ, par ſainct Vit.Po cab de bious équivaut à : « Têtebleu. » — Das dich gots leyden ſchend signifie : « Que la passion de Dieu t’envoie [au diable]. » — Pote… pour potere di Chriſto : « Pouvoir de Christ. » Pote est peut-être une allusion au mot libre italien I08 COMMENTAIRE.

pota. qui servait parfois de juron. — la martre fcliend : « Oui, que le martyre t’envoie…. » — Né diâ Ma diâ (vr ; Aîa, (là A(a) : « Oui, par Jupiter ! non, par Jupiter ! » — Quatre des jurons qui précèdent avaient été succes- •sivemcnt adoptés par Louis xi, Charles viii, Louis xil et François i<"" ; ce qui avait donné lieu à Roger de Collerye d’écrire son Epitheton des quatre Roy s (p. 260) :

Quant la « Pafque Dieu » deceda.

Le « Bon lour Dieu » luy fucceda ;

Au « Bon lour Dieu, » dcffund & mort,

Succéda le « Dyable m’emport. »

Luy decedé, nous voyons comme

Nous duill la « Foy de Gentil Homme. »

L. 5 : Carymary^ Carymara. Le principa personnage de la Farce de Fathelln s’écrie dans son prétendu

délire :

OI\ez ces gens noirs Marmara, Carimari, carimara. Amenez-les moy, amenez.

(Act. II, se. m)

L. 8 : Leucece, comme dift Scrabo lih. iiij. La ville de Paris est appelée Acuxorwcia par Strabon ; mais Julien, dans son Misopogon. la nomme Aejxetix.

L. 15 : Ejiime loaninus de Barranco, Libro^ de copio- fitate reuerentiarum (au livre de l’abondance des révé- rences), que font dicl^ Parrlicfuns en Grecifme^ c’ejl à dire fiers en parler. On ne sait qui Rabelais a voulu désigner par le nom de loaninus de Barranco ; mais l’étymologie qu’il attribue à ce personnage a été souvent donnée, notamment par Guillaume Breton dans sa Philippide (liv. I.) :

Et fe Parrhifios dixerunt nominc Gra ; co, Quod lonat expofitum nortris audacia verbis.

L. 19 : Confidera les groffes cloches que cjioient efdiâes tours. Voyez Grandes Cronicques. ci-dessus, p. 34. L. 28 : Faire trembler le lard au charnier. « Ces gens GARGANTUA, T. I, P. 65-67,

[O9

de bien., faifans leurs queftes & viiites aniucr- faires, par chacun an deux & trois fois, fauent fl dextrement endormir ces panures femmes… qu’il n’y a andouille à la cheminée, ne iambon au charnier qui ne tremble à la fimple pronontiation & vois d’vn petit & harmonieux Ane Maria, s (Du Fail, t. 11

p. 138)

L. 33 : Celluy de Bourg. « Antoine de Saix, ou Saxu- niis, Savoiard, Commandeur de S’ Antoine de Bourg en Brefle, Précepteur de Charles Duc de Savoie & fon Aumônier en 1532. Voiez la lifte de fes œuvres dans Du Verdier, pages 78 & 79 de fa Biblioth.., & dans Guiche- non, page 35 de la 1^^ part, de fon Hiji. de Brejfe. » (Le Duchat)

Page 67,1. i : Les nations eftranges s’efbahijfent de la patience des Roys de France. L’édition antérieure à 1535 porte : de la patience, ou (pour mieulx dire) de la jiupidiie des Roys de France.

L. 7 : Pour les mettre en euidence es confraries de ma paroiffe. Dans l’édition antérieure à 1535, on lit, au lieu de cette phrase : Pour veoir fi ie ny feroys pas de heaulx placquars de merde.

L. 9 : NeJle.’Eàït. antér. à 1535, 1535, 1537 et Dolet : Sorhone.

L. 13 : Pro & contra (pour et contre), /^« r conclud en BaraUpton. Les différentes formes de syllogismes sont résumées dans les anciens traités de logique a l’aide de vers techniques ; voici le premier :

Barbara celarent Darii ferio baralipton.

L.15 : De la faculté. Édit. ant. à 1535, 1535", 1537 et Dolet : de la faculté théologale. C’est dans les Cro- nicques que Rabelais a puisé l’idée d’un discours prononcé pour redemander les cloches. Voyez ci-dessus

P- 34-

L. 19 : Vn Sophifte. Édit, ant. à 153J, 1535 ? ’537 et Dolet : vn théologien. IIO COMMENTAIRE,

Page 68, 1. 7 : Eau henifte de caue. Périphrase plai- sante pour désigner du vin.

L. 9 : Touchant dauant foy troys vedeaulx à rouge museau. « Bedeaux, pedelli. que Rabelais traite de vedeaux à la gasconne, par allusion de bedeau à vedeau fait de vitellus. » (Le Duchat.) Le mot toucher complète l’équivoque en nous montrant Janotusqui chasse devant lui son troupeau a la façon des toucheurs de bestiaux.

L. II : Maiflres inertes. « Maîtres ès-arts. » Par allu sion du latin magifiri inertes avec magifiri in artibus. nom qu’ils se donnaient eux-mêmes, et que quelques- uns, par un de ces solécismes qui leur étaient si fami- liers, transformaient peut-être en in artes.

Page 69, 1. 4 : Ruftrement. Edit. ant. à 1535, 1535, I5’37 et Dolet : Theologalenient.

L. 9 et 12 : Sophijie. Edit. ant. à i5’35, 1535’, 1537 et Dolet : Théologien.

L. 13 : Et commença ai’ ? fi que s’enfuit en touffant. Le Père Ange agit à peu près de même dans les Aven- tures du baron de Fanejîe : « Après les croix, les révé- rences & le plonge, ayant fait branler la pointe du capuchon & celle de la barbe, touflît en E-la^ mit le haut moût devotieufement, & craché trois fois, il com- mença d’une voix haute. » (Collection Lemerre^ liv. IV, ch. VIII, p. 591)

Page 70, L i : La harangue de maijîre lanotus de Bragmardo. Ce ridicule orateur a eu bien vite une ré- putation proverbiale. Du Fail voulant parler d’un discoureur impertinent s’écrie : « lanotus de Bragmardo eut plus de grâce. » (t. i, p. 197)

L. 4 : Ehen Jxen ^ hen, Mna dies… Et vohis Mejfieurs. En notant sa toux dans sa harangue, Janotus ne fait que se conformer à un usage adopté : « Pour ce qui est de la toux, il s’est trouve autrefois des prédi- cateurs assez extravagants pour l’affecter comme une chose qui donnoit de la grâce ou de la gravité à leurs discours ; témoin cet Olivier Maillard qui, en un sie sermon fait à Bruges l’an 1500, marquoit les endroits GARGANTUA, T. I, V, 70.

de son discours où il avoit dessein de tousser, y met- tant comme cela se voit en l’imprimé, hem, hem, hem. » [Traité de V action de V orateur^ par Le Fau- cheux, p. 81.) — Mna dies. mauvaise prononciation, pour bona dies, « bon jour, » na dies. {Ancien Théâtre français, t. Il, p. 20.) — £r vohis. « Et pour vous aussi. » On voit que, dès les premiers mots de sa harangue, Janotus entremêle le latin et le français, comme le faisaient la plupart de nos anciens prédicateurs et en particulier Menot.

L. 9 : ’Nous en avions bien aultresfoys refufé de bon argent de ceulx de Londres en Cahors, fy aidons nous de ceulx de Bourdeaulx en Brye. Ces grossières erreurs géographiques sont un des éléments de notre ancien comique. Bonaventure des Periers dit dans sa première nouvelle (p. 10) : « Ne vous fonciez point fl ce fut à Tours en Berry, ou à Bourges en Tourayne. » Burgaud des Marets explique autrement ce passage : « Il y a en effet un Londres, près de Marmande(Lot-et-Garonnej, et un Bordeaux, près deVille-Parisis (Seine-et-Marne). Le Duchat n’avait pas fait cette petite recherche ; il voit dans ce rapprochement une raillerie contre ceux qui parlent de ce qui les passe. L’intention de Rabelais est à la fois plus fine et plus plaisante. » La finesse serait même un peu trop grande s’il avait fallu atten- dre jusqu’à nos jours pour la sentir, car ces localités n’étaient pas plus connues du temps de Rabelais que maintenant, et l’on n’avait pas même alors la ressource du Dictionnaire des postes pour vérifier la plaisanterie. Je serais donc bien tenté de croire qu’il n’y a là qu’un pur hasard, une simple rencontre, et je ne puis penser que Rabelais ait voulu donner tort à ses lecteurs et raison à Janotus.

L. 20 : Six pans de faulcices. Ainsi dans toutes les éditions. Mais, comme il est question dans le chapitre suivant (p. 74, 1. i) de « dix pans de faulcice men- tionnez en la ioyeufe harangue, » il faut lire dix dans le premier passage ou fix dans le second. 112 COMMENTAIRE,

L. 22 : Domine. Ce terme qui d’ordinaire se traduit par Seigneur équivaut ici et plus bas au mot Monfieur. par lequel Janotus a commencé son discours en s’adres- sant à Gargantua,

L. 23 : Et vir fapiens non abliorrehic eam. « Un homme sage n’en aura pas horreur. « 

Page 71, I. 2 : Reidite que /une Cefaris Cefarij &" que funt dei deo. « Rendez à César ce qui appartient à César, et à Dieu ce qui appartient à Dieu. » (S. Luc, 20,25)

L. 3 : Ibi iacet lepus. « Là gît le lièvre. »

L. 5 : In caméra… charitatis. nos faciemus honum chérubin. « Dans la chambre de charité, nous ferons bonne chère. »

L. 6 : Ego occidi vnum porcum, ^ ego habet bon vino. (J’ai tué un porc, et j’ai de bon vin.) Mais de bon vin on ne peulc faire mauluais latin. Janotus, qui vient de dire : ego habet bon vino. se doute confusé- ment qu’il peut bien y avoir dans tout cela quelque petite irrégularité, mais il s’excuse par cette réflexion. Jean le Houx dit dans son quatorzième vau de vire :

Certes lioc viniim cfl bonus !

Efcolier, i’appris que le vin Aide bien au mauuais latin,

L. 9 : De parte dei^ date nobis clochas nojîras. « Par Dieu, donnez-nous nos cloches. »

L. 10 : le vous donne de par la faculté vng fermones de Vtino que vtinam vous nous baille^ nos cloches. Ce que Janotus appelle vng fermones de Vtino est un exem- plaire des Sermones aurei de Sanclis Fr. Leonurdi de Vtino. publiés, pour la première fois, en 1473, et dont l’auteur, Léonard Matthei, était un dominicain d’Udine ; puis il joue sur ce mot de Vtino en ajoutant comme souhait vtinam : « plaise à Dieu. »

L. 12 : Vultis etiam pardonos ? Per diem vos habebitisj GARGANTUA, T. I, V. Jl.

& nikil poyabitis. « Voulez- vous aussi des pardons ? Pardi vous en aurez, et v’ous ne payerez rien. »

I.. 14 : Clocliidonnaminor nohls. Probablement : clochl àoiij. minor : « donnez-nous notre petite cloche. « 

L. 17 : Quœ comparata efi iumentis infipientibus,Ç5f jimi- lis facia ejî eis^ pfalmo nefcio quo. « Qui a été com- parée aux bêtes de somme privées d’intelligence et est devenue semblable à elles. Psaume je ne sais lequel. » C’est le 39", verset 21 : « Et homo, cum in honore esset, non intellexit ; comparatus est jumentis insi- pientibus et similis factus est illis. »

L. 19 : Efl vnum honum Âchilles. « C’est un bon Achille. » En particulier, on appelle^ ^< : /u7/e un argu- ment invincible par lequel Zenon d’Elée s’efforçait de nier l’existence du mouvement, en démontrant qu’une tortue, qui précéderait de quelques degrés Achille, qu’Homère nomme Achille aux pieds légers, ne pour- rait jamais en être précédée. En général, ce mot s’em- ploie en parlant de tout argument regardé comme invincible : « Quelque chofe que lefditz marys veulent dire, & faire leur Achille de l’arreft des ribauts mariez. » {^2" arrêt d’amour. ajouté à ceux de Martial d’Auvergne.)

L. 22 : Ego fie argumentor. « Moi, j’argumente ainsi. »

L. 23 : Omnis clocha clocliahilis in cloclierio clochando, clochans clochatiiio ^ clocharefacit clochahillter clochantes. Parifius habet clochas. Ergo g lue. Voici la transcrip- tion de l’argumentation de Janotus, dans un français analogue au latin dont il s’est servi : « Toute cloche clochable en clochant dans le clocher, clochant par le clochatif, fait clocher ciochablement les clochantes. Paris a des cloches. Donc gluc. » Dans cette recherche d’allitérations bizarres, Janotus ne fait encore que suivre des modèles’ admirés au moyen âge. Quant à ergo gluc ou ergo glu^ voici ce qu’en dit Ménage [Dic- tionnaire étymologique) : « Nous nous fervons de cette expreflîon, lorfque nous voulons dire qu’un raifonne- ment ne conclut rien : qui eft une expreffion qui nous IV. 8 114 CO\fMEN’TAIRT : .

eft venue de l’Univerfîté… Dans le Catholicon^ page 120 de la dernière édition : « Or eft-il que tous les jeunes Curez, Preftres, & Moines de noftre Univerfité, & nous autres Dodeurs, pour la plufpart avons efté Promoteurs de cette Tragédie. Ergo gluc. » La véri- table origine de cette expression est encore inconnue, et celles qu’on a proposées sont tellement invraisem- blables qu’il est inutile de les rapporter.

L. 26 : // ejl in tertio prime en Durii ou ailleurs. Le syl- logisme en Dard est le troisième de la première espèce. Il est indiqué dans le vers technique que nous avons reproduit p. 109, dans notre note sur la ligne 13 de la page 67.

L. 29 : A’^ me f Mlle plus iorenauant^ que bon vin, bon li£ij le dos au feu, le ventre à table, & efcuelle bien pro- fonde. Il y a ici plusieurs expressions proverbiales que Rabelais n’a pas créées, mais qu’il a rapprochées d’une façon heureuse.

Plus n’a befoing, tant fa force amolit, Que de profonde efcuelle & de mol lid. (Crétin, Epijlre à vne dame de Lyon. Édit. de Coustelier, 172 ? , P- 243)

Boire fouuent de grand randon. Le dos au feu, le ventre à table, Auant partir de la maifon, C’eft opiate prouflîtable. (Cl. lAavo\, Remède contre la pejle, épigr. cclxxi, t. m)

Cette dernière expression a été employée par Jean Le Houx, constant imitateur de Rabelais :

Ayant le dos au feu & le ventre à la table.

{Vau de vire 11)

L. 32 : In nomine patris & filii &" fpiritus fanai, Amen. « Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, Ainsi soit-il. »

L. 34 : Dieu vous guard de mal, & nojîre dame de fanté. C’est-à-dire, que Dieu et Notre-Dame de Santé GARGANTUA, T. I, P. "I-72. n^

VOUS gardent de mal. La construction de cette phrase est ce qu’on appelle un Jeannotisme^ par allusion non à Janotus^ mais à Jej-nnot, héros des pièces de Dorvigny, qui a précédé Jocrisse. M. Littré donne le spécimen suivant de ce style : « Je viens de chercher du bouillon pour ma mère, qui est malade, dans un petit pot. »

Page 72, 1. i : Q.ui viult & régnât per omnia fecuU feculorum, Amen. « Qui vit et règne pendant tous les siècles des siècles, Ainsi soit-il. »

L. 3 : Verum enini vero… Conjonction’ ; , exclama- tions, serments, dont les orateurs ornent leurs discours, et que Janotus réunit à la lin de sa harangue, à la façon d’Arlequin qui terminait ses lettres par les point ; ; et les virgules qu’il n’avait pas su mettre à leur place.

L. 15 : Le batail feuft d\ne queue de renird. On lit dans le Clnquiefme Hure (t. m, p. 104) : « Leurs cloches eftoient, tant de l’horloge, que de l’Eglife, & refectoir, faicles, félon la diuile Pontiale, fauoir eft,de fin dumec contrepointé, & le batail eftoit d’vne queue de renard. » En dépit de ces allégations, on ne trouve rien de pareil dans Pontanus qui, dans son dialogue intitulé Charon, se plaint à la vérité des cloches, mais en d’autres termes. Ou trouve au contraire un passage du genre de ceux-ci dans ha Nef des fous, au chapitre qui a pour titre : De n’auoir cure des detraâions & vaines parolles d’vn chacun.

L. 19 : Petetin petecuc, ticque^ torche^ lorne. On lit plus loin (t. I, p. 360) : « Pantagruel… reprintle bout de fou maft, en frappant torche lorgne. » Lu refrain du 3"= couplet d’une chanson bien connue, de Clément Jannequin, sur la défaite des Suisses à Marignan {Recueil de chants historiques français, par Leroux de Lincy, Paris, Delahays, 1847, 2" série, p. 66), com- mence ainsi :

Donez des horions, pati, patac. Tricque, tricque, tricque^ tricque, Tricquc, tricque, tricque, tricque. Trac, tricque, tricque, tricque, Cliipe, chope, torche, lorgne.

On voit que ces dernières expressions se rapportent toujours à un combat, à une lutte, ou, tout au moins, à une vive discussion. C’est encore le sens qu’elles ont dans ce passage des Satires de Regnier (p. 85) :

……Ainſi ces gens à ſe picquer ardents
S’en vindrcnt du parler à tic tac, torche, lorgne,
Qui caſſe le muſeau, qui ſon riual éborgne.

L. 20 : Et plus n’en dict le depoſant. Valete & plaudite. Calepinus recenſui. La première de ces formules finales appartient aux interrogatoires ; la seconde : « Portez-vous bien et applaudissez, » termine les comédies latines ; la troisième : « Moi, Calepin, j’ai revu, » est un souvenir des souscriptions des manuscrits où celui qui s’était chargé de la revision faisait connaître son nom.

Page 73, l. 1 : Le Sophiſte… eut procès contre les autres maiſtres. Édit. ant. à 1535, 1535 et 1537 : Comment le theologien… eut procès contre les Sorboniſtes.

L. 11 : Philemon, voyant vn aſne. Cette histoire, tirée du traité de Lucien intitulé De ceux qui ont longtemps vécu, et aussi de Valère Maxime (IX, 12, 6), est répétée avec un peu plus de développements dans le quart liure (ch. XVII, t. II, p. 333). Là, Philemon est appelé Philomenes. Le Duchat en conclut avec beaucoup de vraisemblance que Rabelais s’est servi, au moment où il écrivait le quart liure, du Valère Maxime in-folio publié à Paris en 1517, où ce nom est ainsi écrit. Voyez ci-dessus, p. 95, note sur la p. 43.*

Page 74, l. 1 : dix pans de ſaulcice. Voyez ci-dessus, p. 111, la note sur la page 70, l. 20.*

L. 26 : In modo & figura. « En mode et en figure. »

L. 27 : Parua logicalia. « Petits traités de logique, » de Petrus Hispanus, devenu pape plus tard sous le nom de Jean XXII, publiés à Cologne, par Henri Quentel, en 1500, en 1 vol. in-8o. Voici la transcription française du dialogue latin qui suit : « Le drap pour qui suppose-t-il ? — Confusément et distributivement. — Je ne te demande pas : « Comment suppose-t-il, mais pour qui ? — C’est « pour mes jambes. » Et pour ce le porterai-je « moi-même comme le supposé porte l’apposé. » GARGANTUA, T. I, P. 74-78. 117

suppose-t-il ? — Confusément et distribiitivement. — Je note demande pas : « Comment suppose-t-il, mais pour qui ? — C’est « pour mes jambes. » Et pour ce le porterai-je « moi-même comme le supposé porte l’apposé. »

L. 32 : Ainji l’emporta en tapinois ^comme feijî Patelin fon drap. Dans la Farce de Patelin (p. 56), le drapier dit en parlant de ce dernier :

Dea, il s’ea vint en tapinois

A tout mon drap fous fon aiffeîle.

Page 75, 1. i : Acle tenu che^ les Mathurins. C’est chez les Mathtirins que se tenaient les assemblées de l’Université. Edit. ant. à 1535, 1535, 1537 et Dolet : Acle de Sorhonne.

L. 22 : Magijlres. Edit. antér. à 1535, i)355 i537 et Dolet : Sorbonicoles.

Page 76, 1. 2 : Omnia orta cadunt. « Toutes choses nées tombent, m Salluste a dit au commencement de la guerre de Jugurtha : « Omniaque orta occidunt. »

L. 5’ : Le dicl de Chilon Lacedetnonien^ confacré en Del- phes^ difant mifere ejlre compaigne de procès^ &" gens playdoiens miferahles, « Rursus mortales oraculorum societatem dedere Chiloni Lacedœmonio, tria prœcepta ejusDelphis consecrando,aureis litteris, quœsunthœc : Nosse se qucmque, et Nihil nimium cupere, Comi- temque œris alieni atquc litis esse miseriam. » (Pline, Hijîoria naturalis^ vil, 32)

Page 77, 1. 2 : Sophijïes. Edit. ant. à i$}$j 1535 et 1537 Juste : Sorbonagres.

L. 22 : Regens antiques. Edit. antér. à 1535, 1)35 ? 1537 et Dolet : Regens theologiques.

L. 23 : Vanum ejl vobis ante lucem furgere. « Il est vain pour vous de vous lever avant le jour. » {Psaume cxxvi, 2)

Page 78, 1. 19 : Par le confeil de fon medicin luif. Le médecin d’Alexandre v était Marsile de Parme. COMME KT AIRE.

bien

L. 26 : Ce n^eji tout Vaduantaige de courir toujîy mais bien de partir de bonne heure.

Rien m fert de courir ; il faut partir à point.

(La Fontaine, Le Licvie €■ la Tortue)

L. 31 : Vnde ver fus (D’où les vers),

Lcuer matin n’ejî poinéi bon heur, Boire matin ejt le vieilleur.

Rabelais parodie ici un proverbe dont le second vers est :

Mais venir à poind ell meilleur.

(Voyez Pierre Grosnet)

Page 79, l. 19 : Son ame ejîoit en lacuyfine. « Jamdudum aninius eft in patinis. w (Térence, L’Eunuque, iv, 8)

Page 80, l. i : Les jeux de Gargantua. Cette nomenclature, qui s’est successivement accrue, est beaucoup plus complète dans l’édition de Jufte, que nous reproduisons, que dans la plupart des autres. Ces deux cent quatorze jeux, peuvent, comme l’a fait remarquer Burgaud des Marets, se diviser en trois groupes : 1o Jeux de cartes. Flux (p. 80, col. i, l. ii) ; Honneurs (p. 81, c. i, l. 7). 2o Jeux de tables ou tabliers. Efchetz (p. 81, c. i, l. 9) ; Dames (p. 81, c. i, l. 26). 3o Jeux d’enfants & d’écoliers. La babou (p. 81, c. i, l. 27) jusqu’à lafin. Nous renvoyons au glojfaire ce que nous avons à dire de chaque jeu en particulier.

Quant aux listes ou descriptions de jeux qu’on pourrait rapprocher de celles-ci, on en trouve dans divers ouvrages. Voyez principalement : le manuscrit de la Bibliothèque nationale intitulé : Jeux à vendre (no 835 du fonds français) ; les folios 159 et suivants des Triumphes des vertus décrits par M. Paulin Paris [Manufcrits français, t. i, p. 290) ; Comment les paftourcaux & pafiourelles enfemble fe iouent en diuers ieux (Recueil de GARGANTUA, T. I, 1’. 80-85. I 19

Poésies françaises, publié par A. de Montaiglon, t. x, p. 222) ; La Friquajfc’e croteftyllonnée (édit. Blanche- main, p. 9 et 61) ; Les Matinées du fieur de Cholières, 1586 (£"’. 162) ; le Voyage de M. Guillaume, 161 1, in-S", et la Véritable fuite du Parlement burlefque de Pon- toife, i65’2, in-4". — Plusieurs farces contiennent aussi des détails fort curieux sur certains jeux ; on peut citer la Farce de folle bobance, la Farce des cinq fens, et surtout la Moralité’ des enfants de maintenant. où l’on trouve une partie de g ! ic en action et une de franc-carreau. — Il serait curieux de connaître toutes les représentations figurées qui ont pour objet des jeux ; mais le tableau n’en a pas été dressé. Nous nous contenterons de citer, après Burgaud des Marets, les stalles de la cathédrale de Rouen, diverses sculptures et verrières de Champeaux, enfin des vitraux de Saint-Lucien de Beauvais, qui ont été transportés à Saint-Denis.

Il faut remarquer que dans l’édition de Juste, on trouve au, sans x, devant les jeux dont le nom est au pluriel : au dames, au ionchees, excepté dans : aux cro- quinolles, aux allouettes. Nous avons mis aux partout, en nous contentant de l’annoncer ici.

Page S^, 1. 12 : Vn fçauant medicin de celluy temps, nommé maiflre Théodore. « Par le nom grec de ce Mé- decin, dit Le Duchat avec assez de vraisemblance, Rabelais donne à entendre que ce fut par un don de Dieu que Gargantua fut mis enfin fous d’autres maîtres que ceux qui jufque-là lui avoient gâté l’efprit & corrompu les mœurs, m

Ce qui importe davantage, c’est que, dans l’édition antérieure à 1535, on lit, au lieu de Théodore : Séra- phin Calobarfy. Jannet et Burgaud des Marets, qui ont signalé cette curieuse variante, n’ont pas fait observer que ce nom est, comme Alcofribas iSafier, l’anagramme de Phrançois Rabelays écrit ainsi par Pk et y, ce qui n’a rien qui outrepasse les libertés qu’on se permettait alors en ce genre. 120 COMME KTAIRE.

L. 19 : Comme faifoic Thimoté à fes difciples. C’est Quintilien {Institutions oratoires^ ir, 3) qui rapporte ce fait : « Timotheum clarum in arte tibiarum ferunt duplices ab iis, quos alius instituisset, solitum exigere mercedes. »

Page 90^ 1. 17 : La riuiere de Seine. Édit. antér. à 1535 : La riuiere de Loire à Montforeau. Par une sin- gulière distraction, Rabelais, oubliant qu’il a fait venir Gargantua à Paris, se laisse aller, ici et un peu plus loin à la page suivante, à ses souvenirsde jeunesse. Telle n’est pas l’opinion de Burgaud des Marets : « A mon avis — dit-il — il ne fmt pas voir là de simples inadver- tances de l’auteur, mais des traces d’une plus ancienne édition. Le’théâtre des gestes de Gargantua a bien pu être dans l’origine le Poitou et la Touraine ; et les imprimeurs, peut-être Rabelais lui-même, auront, par distraction, laissé subsister ces vestiges de son ancien plan. » Burgaud des Marets est toujours préoccupé de l’idée que Gargantua est antérieur k Pantagruel ^et cherche à en faire remonter le premier texte le plus haut qu’il peut ; c’est ce qui lui a fait faire la supposi- tion bien peu vraisemblable qu’il a hasardée ici.

L. 21 : Creu^oyc les rocliiers^ plongeait es abyfmes G* goufres. Edit. antér. à I5’35 : Creu-^oyt les rocliiers C ? * goufres de la foffe de Sauigny.

Page 91, 1. 22 : Depuis la porte fainEl Victor iufijuesà Mont matre. Edit. antér. à 1535’ • Depuis la porte de Bejfe iufques à la fontaine de Narfay.

Page 95’, 1. 19 : Ceiilx de Chaunys en Picardie. Leur célébrité était si grande qu’on a cru devoir, de notre temps, leur consacrer un ouvrage spécial. Voyez : Trompettes^ jongleurs et singes de C/iauny^ par Ed. Fleury. St-Qiientin. 1874, in-S.

L. 32 : Vn ieune homme fcelon f on aage de bon fens. Scelon fon aage ne se trouve dans aucune des édi- tions antérieures à 1542. Burgaud des Marets pense, avec assez de vraisemblance, que ces mots n’ont pas été mis à leur véritable place, et qu’il faut peut-être GARGANTUA, T. I, P. 95-99. I2l

lire : que peut faire fcelon fon aage vn ieune homme de bon fens.

Page 96, 1. 25 : Comme Fenfeigne Cato de re ruft. Cr Pline. Caton,dans son De re rujlica (ch. cxi) et Pline, dans son Histoire naturelle (vil, xxxv), conseillent en effet de les verser dans un gobelet de lierre, d’où le vin s’échappe et qui conserve l’eau s’il y en a eu de mêlée au vin.

Page 97,1. 15 : argemt. Lisez argent.

L. 22 : Cuideurs de vendanges, tdit. antër. à 1535, i$}$ et 1537 Juste : Cuide^ de vendanges. Ce qui change un peu le sens. Les cuide^ de vendanges^ c’est ce qu’on a cru, ce qu’on a pensé pendant la vendange ; les cui- deurs sont ceux qui ont eu ces pensées. Rabelais a dit dans la pantagrueline prognojiication. au chapitre De Autonne (t. m, p. 251) : « Les cuidez feront de faifon, car tel cuidera veffir, qui baudement fiantera. »

Page 98, 1. 7 : Aultres tel^ epithetes diffamatoires. Sterne n’a eu garde d’oublier ce passage : « Ici sans attendre ma réponse, on m’appellera averlan faict- neant, rien ne vault, traineguaine, landore, dendin, gaubregeu, guogueles et chie en lit et d’autant d’au- tres surnoms dégoûtants, que jamais les fouaciers de Lerné ne jetèrent au nez des bergers du roi Gar- gantua. » (Trijiram Shandy^ 1. ix, ch. CCCIV, t. IV, p. 272)

L. 29 : Vn vn^ain. « On appelait on’^ain une monnaie courante qui valait onze deniers. Elle prit le nom de di^ain^ de dou^ain^ et même de tre : ^ein, suivant la valeur que les édits lui attribuaient dans la circula- tion à 10, II, 12 ou 13 deniers. Cette monnaie était un blanc, dégénérescence de l’ancien gros tournois ou sol de 13 deniers. » (Cartier, Numismatique, p. 339)

Page 99^ 1. 27 : Par faulte de s’eftre feigne^ de la honne main. De s’être signé, d’avoir fait le signe de la croix de. la main droite. On sait que le côté gauche {sinister, d’où sinistre) est regardé comme de mauvais présage ; et il ne manque pas encore aujourd’hui de 122 COMMENTAIRE.

femmes qui s’alarment quand par malheur elles ont en se levant passé la manche gauche de leur vêtement la première.

Page loo, I. 9 : Picrochole^ tiers de ce nom. Ce nom, tiré des deux mots grecs inxpô ; amer et yo) ?) bile, a été quelquetois employé dans notre langue comme un substantif commun : « Vinaygre eft util aux pi- crocoles, c’eft-à-dire abondans en colère. » (Tra- duction de Galien par Fayard, 1548, p. 4)

Ménage s’exprime ainsi au sujet de ce personnage : ’ Meffieurs de Sainte-Marthe m’ont dit que le Picro- chole de Rabelais, ctoit leur grand oncle Jacques de Sainte-Marthe qui étoit Médecin à Frontevaux. » (Alé/iagiana, t. Il, p. 226)

La Monnoye, qui remarque sur ce passage que Jacques était un « homme pacifique, » est d’avis qu’il s’agit plutôt de « Gaucher de Sainte-Marthe, appelé par Bèze, p. 63 du t. i de son Ecclésiastique, premier Médecin de François l. Ce Gaucher étoit père de Jacques. » Des renseignements analogues, mais d’une date antérieure, sont contenus dans une note en écriture cursive assez ancienne. (Bibliothèque natio- nale, département des manuscrits, Collection Du Puy. t. 488, f’* 77-78). L’auteur de cette note, « le sieur Bou- chereau, » mentionne au verso du dernier feuillet, était originaire de Touraine. La terminaison de son nom suffisait pour le faire croire ; mais il ne nous laisse aucun doute à cet égard, car il dit : « noftre reffort, » en parlant du Chinonais. Voici en quels termes il s’exprime : « Picrochole cftoit médecin de madame de Frontevraulx. Il fe nommoit Scéuole ou Gaucher, ayeul de Gaucher ou Scéuole grand père de meffieurs de Sainte Marthe. 11 demeuroit à Lerné qui eft vng beau vilage defpendant de Fronteuraulx. Lequel vilaige ma- dame luy auoit donné fa vie durant comme elle auoit fait à deulx precedans caufe qu’il (Rabelais) l’ap- pella tiers de ce nom. Il eftoit fort cholere. Eftant en confultation aucc Rabelais, qui eftoit médecin de GARGANTUA, T. I, P. lOO. 123

l’abbaye de Suilli il frappa Rabelais, qui fut caufe qu’il l’appella Picrochole, le roy de Lerné, 3. du nom. Il leuoit les cens, rentes & debuoirs de fa dite feigneu- rie & les loyalles tailles. Inde Roy. Il y eut procès entre aulcuns de Lerné & les moynes de Suilly leur temporel fut faifl entre aultres le clos de l’abbaye qui fut baillé à ferme peu auant les vendanges. Les fer- miers s’ingererent de jouir, à quoy s’oppofa frère lehan des Entommeures qui eftoit leur procureur. C’eft la deffenfe du clos. Marquelt eftoit beaupere de Picro- chole… Gallet eftoit vng habitant de Lerné. Il y en a encores à Chinon qui y ont nom… » Dans son Dictionnaire étymologique, article Galet. Ménage entre dans quelques détails sur les Galet de Chinon : « Ga- let, le Joueur, qui a fait bâtir à Paris l’Hôtel de Sully, étoit de cette famille… Ulrich Galet, Maître des Re- quêtes de Grandgofier, étoit de la même famille : ce que j’ai ouï dire à Galet le Joueur. »

Nous sommes fort éloigné de garantir toutes les explications qui précèdent ; nous avons cru toutefois devoir les rapporter parce qu’elles s’accordent beau- coup mieux que les prétendues interprétations his- toriques, avec les habitudes familières à Rabelais dans tout le cours de son ouvrage. Non seulement le Chinonnais en est le théâtre, et la géographie des environs y trouve sa place, mais encore il y nomme par leur véritable nom plusieurs personnages obscurs, qui n’intéressaient guère le public, mais dont il pre- nait plaisir à parler, et ù qui il a assuré une immor- talité fort inattendue et très peu méritée. Nous avons déjà vu que la généalogie de Gargantua « fut trouuee par lean Audeau, en vu pré qu’il auoit près l’arceau gualeau, au delioubz de L’oliue, tirant à Narfay. » (t. I, p. 10]. Ailleurs il est question de « lan Dodin recepueur du Couldray au gué de Yede » (t. 11, p. 113), de « lan Guymard recepueur « de Seuillé (t. 11, p. 451), et de bien d’autres. N’est-il donc pas vraisemblable qu’en créant ses personnages Rabelais s’est sauvent 124 COMMENTAIRE.

rappelé les traits principaux du caractère de ceux qu’il avait connus dans ce pays }

Page 104,1. 5 : Ad capltulum capltulantes.ui Au cha- pitre les capitulants, » c’est-à-dire ceux qui ont droit d’y donner leur avis, qui y ont voix.

L. 7 : Contra hoftium injîdias. « Contre les embûches des ennemis. »

L. 8 : Pro pace. « Pour la paix. »

L. 10 : Frère lean des entommeures. Il en a été déjà question, dans la note sur la page 100, comme d’un personnage réel. La pièce suivante nous apprend qu’il s’appelait Buinard et était devenu prieur de Sermaise :

A MONSEIGNEVR BVINARD,

RELICIEVX PRIEVR DE SERMAISE,

Quand Rabelais t’appelloit moine, C’ertoit f.ins queue & fans doreure : Tu n’ertois prieur ne chanoine, Mais frère lehan de Lecitanmeure : Maintenant es en la bonne heure, Pourueu & beaucoup mieulx à l’aife, Puis que fais paifible demeure, En ton prieuré de Sermaifc,

(Les Contredicls du Seigneur du Pauillon mix faulfes prophéties de Nojlraddiiuis. — A Paris, chez Charles Langclier, 1560, dernier des feuillets liminaires.) — Ménage, qui cite ces vers dans son Dictionnaire étymo- logique^ au mot entamer ^ fait remarquer avec raison qu’au lieu de lecitanmeure il faut lire Ventammeure, synonyme d’entommeure.

L. 17 : Clerc iufques es dents. Sans doute par allu- sion à la locution : armé jusqu’aux dents. Un passage du cinquième livre (t. m, p. 171) donne de cette ma- nière de parler une explication bouffonne : « ladis vn antique Prophète de la nation Judaïque mangea vu GARGANTUA, T. I, P. IO4-IO7. 12)

liure, & fut clerc iufques aux dents. » La Fontaine a dit dans Le Rat & VHuitre :

N’eftant point de ces Rats qui les livres rongeans Se font fçavans jufques aux dents.

L. 24 : Chanter ini, nim. La série de syllabes qui commence ici forme les mots impetum inimicorum. dont elle représente le plain-chant. L’antienne Contra im- petum inimicorum « contre le choc des ennemis » se chante en temps de guerre.

L. 27 : Bien chien chanté. Voyez ci-dessus, p. 78-79.

L. 34 : Da mihipotum. « Donnez-moi à boire. »

Page 105, 1. 2 : Le feruice diuin ? Mais : (dijî le moyne) le feruice du vin. Estienne a reproduit ce jeu de mots dans V Apologie pour Hérodote (ir, p. 489) :

. . . Mais pour le feruice diuin Vous faites feruice de vin.

^ L. 19 : Qui ayme^ le vin^ le corps DieUj fy me fuyue^, Edit. ant. à 1535 et 1535 : Qui ayme le vin le cor dieu fy me fuyue.

L. 28 : i^e faijijl du bajlon de la Croix ^ qui ejloyt de cueur de crrmier. Brantôme se rappelle ce passage en plus d’un endroit de ses œuvres : « Bon bois de cor- mier, comme le bafton de la croix de frère Jehan dans Rabelais. ) ; [Œuvres, Grands capitaines : Couronnels fran- çais^ t. VI, p. 45 de l’édit. de la Société de V Histoire de France.) « Le bafton de la croix de frère Jehan des Entommeures dans Rabelais, dont il fe feruoit fi bien, eftoit de cormier qui eft vn bois auffi bien fort & dur. » (Id.j t. VI, p. 242)

Page 106, 1. 29 : Luy donnoit dronos. \ oici encoYQ un passage auquel Brantôme fait allusion : « & leur bail- loient dronos, aufli bien que frère Jehan des Entom- meures, dans Rabelais, le donna à ceux qui vandan- geoient le clos de fa vigne. » (t. vu. Rodomontades… ^

P- 155)

Page 107, 1. 9 : Noflre Dame de Cunault. DeLaurette. 126 COMMENTAIRE.

Sur les difFérentes localités où est révérée Notre-Dame, voyez Estienne, Apologie pour Hérodote, ch. XXXVIII, t. II, p. 264.

L. 1} : Si bien qu’on n’en peut fauluer vn fcul brin. On prétend qu’il fut au contraire miraculeusement garanti et que le feu n’ei\ consuma que le reliquaire. (Guichenon, Histoire générale de la maison de Savoye. t. I, p. 95)

Page 108, 1. 18 : Sans les femmes &• petit^ enfan^. Voyez, ci-dessus, p. 107, la note sur la p. 65, 1. 25.

L. 22 : Es geftes des quatre fili Haymon. Voyez chap. xxvil, XXX et XXXI. Frère Jean des Entoni- meurs, n’est pas non plus sans rapport avec Rainouard au tinel, personnage de la chanson d’Aliscans qui, lui aussi, fut moine, comme le témoigne le Moniage Rai- nouart. Il s’escrime de son tinel^ qui n’est autre chose qu’un gros sapin ébranché, d’une manière aussi redou- table que frère Jean du bâton de la croix ; aussi le savant éditeur d’Aliscans^ M. Guessard, n’hésite-t-il pas à dire (préface, LXIl) : « Nous allons jusqu’à croire que le crayon de Rabelais n’aurait point dédaigné certains traits de cette figure. »

Page 109, 1, 2^ : Attendent graijler des cliafiaines, efcript au foyer auec vn hafton bruflé d’vn bout… Jean le Houx a imité ce petit tableau (vau de vire xxxv) :

Auecqiics leurs compères Et voifins, en hyuer, En brazillant les poires, S’artoyent a deuifer ; Chacun faifant du temps pafl’é

Quelque beau compte ; Se recreans, fans mal talent, Honneftemcnt.

L’auteur des Contes d’Eutrapel setnble aussi se rappe- ler ce passage, lorsque faisant le portrait d’un peureux il dit : « neparloit de la guerre qu’aux bonnes femmes, en cuifant des chaftaigncs aux cendres. » (t. il, p. 153) GARGANTUA, T. I, P. III-124. 12/

Page III, l. 23 : Le Basque son laquays. Celui probablement auquel un des convives dit dans le chapitre V, p. 33 : lagona edatera.

Page 121, l. 18 : Sept cens mille & troys Philippus.

« Marqet fut sans doute bien consolé des coups qu’il avait reçus ; outre une charretée d’excellentes foüaces il emboursait une somme équivalente aujourd’hui à 4,305,019 fr. 05 c. Le Philippus était une monnaie d’or frappée par Phillippe II dans les Pays-Bas ; son titre n’était qu’à 0,576 et son poids de 3 gr. 218, ce qui ferait aujourd’hui une valeur de 6 fr. 35 c. (v. le recueil d’Anvers, p. 110). Ce n’était pas, comme le disent quelques commentateurs de Rabelais, une monnaie de nos rois du nom de Philippe. Celles de Philippe de Valois étaient trop anciennes et avaient toutes des noms particuliers autres que celui de Philippus. » (Cartier, Numismatique, p. 339)

Page 123, l. 9 : De la panse vient la dance. Villon a fait usage de ce proverbe dans son Grand testament (strophe 25). Henri Estienne l’explique ainsi dans l'Apologie pour Hérodote, chap. VI, t. I, p. 80 : « Se trouue vn vers grec, lequel en forme de prouerbe dit que quand on est bien saoul, c’est alors qu’on pense à Venus, & non pas deuant. Ce qui est assez conforme au prouerbe françois apres la panse vient la danse. Car danse se prend ici généralement. »

Page 124, l. I : Comment certains gouuerneurs de Picrochole par conseil précipité le mirent au dernier peril. Ce chapitre est un développement des idées exprimées dans l’entretien de Pyrrhus et de Cynéas, ù l’occasion de la guerre d’Italie. Voyez Plutarque, Vie de Pyrrhus ^ chap. XXX.

L. 6 : Capitaine Merdaille. Le nom de ce personnage est tiré de Marot, qui a dit dans sa deuxième epistre du coq à l'asne :

Le Roy n’entend pas que Merdaille Tienne le rang des vieux routiers. 128 COMMENTAIRE.

L. 23 : Vn noble prince n’^ iamuis vn fou,

Vn noble, prince ou roy, N’a iamais pile ne croix,

dit Gabriel Meurier ou Mûrier dans son Recueil de fen- rences notables^ Anvers, 1568, in-12. Voyez Leroux de Lincy, Le livre des proverbes françois^ seconde édition, t. II, p. 96. Il est probable que c’est ici la reproduction à peu près textuelle d’un proverbe populaire antérieur à la publication de Gargiintua.

Page 125", 1. 25 : Le pauure monfieur du pape. Cette addition de la particule nobiliaire est un artifice co- mique que Rabelais a employé plus d’une fois : « il… vous print monfieur de l’Ours » (t. I, p. 234] ; « de quel meftier ferons nous monfieur du roy icy ? » (ibid., p. 369). La Fontaine n’a garde de l’oublier et fait dire au renard dans sa seconde fable :

Et bon jour, Monfieur du Corbeau.

Geofroy Tory attribue aux « plaisanteurs » l’expres- sion « Monsieur du Page. » Voyez ci-après, p. 168. ■ Page 126, 1. 18 et 30 : Que boyrons nous par ces defers ?… nous ne beumes poincl frais.

3’ai paffé les deferts, mais nous n’y bûmes point,

dit, dans la fable de La Fontaine intitulée Le Rat et VHuitrey certain rat, qui, à peine sorti de son trou, tient ù se faire passer pour un grand voyageur. On a remarqué avec raison dans ce passage de Rabelais le piquant emploi du verbe au passé, ce qui présente l’expédition projetée comme déjà accomplie. Perrette aussi, à laquelle nous allons revenir tout à l’heure, passe dans ses projets du futur au passé avec une promptitude amusante :

Le porc à s’cngraiffer coûtera peu de fon ; Il eftoit quand je l’eus de groffeur raifonnablc. (La Fontaine, La Laitière & le Pot au lait) GARGANTUA, T. I, P. 125. 1 29

Page 128, 1. 3 : La farce du pot au laicl^ duquel va cordouannier fe faifoit riche. Nous ne trouvons aucune trace de cette farce. Dans les récits français il est tou- jours question d’une femme. La « II nouvelle de Bona- venture des Périers est intitulée : Comparai/on des alquemifies à la bonne femme quLportoit vne potée de lait au marché. Brantôme mentionne {Grands capitaines fran- çoisy t. V, p. 121) : « Picrocole » et « la femme du pot au lait. » La Fontaine {La Laitière & le Pot au lait) :

Pichrocole, P3Tr’iius, la Laitière…

Il faut remonter au Pantchatnntra pour trouver un homme comme principal personnage de cet apologue. « Riche comme je le suis, dit le rêveur, il convient aussi que ma femme et mes enfants aient en abon- dance beaux vêtements de couleur. » {Histoire de deux fahles de La Fontaine^ par M. A. Joly. Mé- moires de V Académie de Caen^ ’^^U-, P- 490)- On peut remarquer là, au point de départ, l’emploi du présent, comme dans cette phrase de Rabelais : « Cependant que nous fommes en Méfopotamie, » et dans ces vers de La Fontaine (même fable) :

Et qui m’empêchera de mettre en noftre eftable, Veu le prix dont il eft, une vache & fon veau ?

L. 6 : (lue prétende^ vous par ces belles conquefles ? Ce passage, en particulier, est imité de fort près du texte de Plutarque, indiqué plus haut (p. 127, note sur la p. 124, 1. i), ainsi traduit par Amyot : « Quand nous aurons tout en noilre puiffance, que ferons-nous à la fin } » Pyrrus adonc fe prenant à rire : « Nous nous repoferons, dit-il, à notre aifc, mon amy, & ne ferons plus autre chofe que faire feftins tous les iours, & nous entretenir de plaifans deuis ’es vns auec les autres, le plus ioyeufement, & en la meilleure chère qui nous fera poffible. » Cinéas adonc l’ayant amené à ce poinct luy dit : « Et qui nous empefche, fire, de nous repofcr des maintenant, & de faire bonne chère enfemble, IV., 9 130 COMMENTAIRE,

puifque nous auoiis tout prefeutement, fans plus nous trauailler, ce que nous voulons aller chercher auec tant d’effufion de fang humain & tant de dangers ? Encore ne fçauons nous fi noua y paruiendrons iamais, après ce que nous aurons fouffert & fait fouffrir à d’autres des maulx & trauaux infinis. » Boileau, dans son Epijlre ^ (t. I, p. 156), a ainsi résumé ce discours :

Mais de retour enfin, que pretendez-vous faire ? Alors, cher Cineas, vidloricux, conlens, Nous pourons rire à l’aifc, & prendre du bon temps. Hé, Seigneur, dis ce jour, fans fortir de l’Epire, Du matin jufqu’au foir qui vous défend de rire ?

L. 18 : Qui Trop… Ce aduenture^ perd chenal & mule^ refpondic Malcon. — Les dits de Murcoul & de Salomon ont joui d’une longue vogue : « C’est un dialogue en vers français, dont la plus ancienne rédaction remonte à la fin du xil" siècle. Salomon et un certain Mar- coul, son interlocuteur, disent chacun un proverbe. Le roi-prophète, fidèle à son caractère, prononce tou- jours une sentence grave, une vérité de la plus haute morale* son interlocuteur lui répond dans le même sens à vrai dire, mais par un proverbe populaire qui rappelle beaucoup la sagesse naïve de Sancho Pança : voici deux exemples :

Qui fages hom fera la trop ne parlera, Ce dijl Salomon.

Qui ia mot ne dira Grant noife ne fera, Marcol li rcfpond.

Bien boiurc & bien mangier Fait homme affoagier, ’ Ce diJl Salomon.

Et ventre cngroiflficr Fait ceinture alafchcr, Marcol li refpond.

L. 27 : Si vous me y faictes votre lieutenant. Il y a après ces mots, dans l’édition antérieure à 1535 : ie renye la chair, la mort & le ſang. Rabelais a sans doute jugé prudent de supprimer ces blasphèmes, dont ses ennemis n’auraient pas manqué de tirer parti contre lui.

L. 28 : Ie tueroys vn pigne pour vn mercier. Il veut dire « je tuerais un mercier pour un peigne, » c’est-à-dire je tuerais un homme pour le motif le plus futile ; mais la langue lui fourche, ce qui produit un effet comique que Rabelais a souvent recherché.

Page 130, l. 25 : Aurum potabile. « Or potable. » Remède très vanté à cette époque et qui passait pour pouvoir remplacer tous les autres.

Page 132, l. 11 : Agios ho theos. Mots par lesquels commence le Trisagion des Grecs, pièce qu’on chante en grec et en latin, dans l’Église Romaine, à la messe du vendredi saint : Ἅγιος Θεος, ἅγιος ἀθάναθος, ἑλέησον ήμᾶς. « Le saint Dieu, le saint fort, le saint immortel, ayez pitié de nous. »

L. 11 : Si tu es de Dieu ſy parle, ſy tu es de l’aultre ſy t’en va. D’Aubigné a dit de même : « Le médecin s’écrie : ſi tu es de Dieu, parle ; ſi tu es de l’autre, va t’en. » (Baron de Fæneſte, III, 24.) — L’aultre est une locution superstitieuse, employée pour désigner le diable qu’on craindrait de voir apparaître en prononçant son nom.

Page 133, l. 22 : Là tournoya plus de cent tours. Sterne reproduit toute, la première partie de ce chapitre, jusqu’à ces derniers mots, en y faisant seulement quelques légères suppressions, et il le donne comme la description des discussions théologiques. Cette singulière citation est ainsi amenée : « Je vous prie, monsieur Yorick, reprit mon oncle Toby, apprenez-moi ce que c’est qu’un théologien polémique. — La meilleure description que j’en aie jamais lue, capitaine 132 COMMENTAIRE.

Shandy, repartit Yorick, c’est celle qui est faite de deux d’entre eux dans le récit du cambat singulier entre Gymnaste et le capitaine Tripet. Je l’ai dans ma poche. — Je voudrais bien l’entendre, dit vive- ment mon oncle Toby. — Vous l’entendrez, dit Yorick. » (Trijîrum Shandy, liv. v, ch. CXLVI, t. i, p. 444.) Et il en commence la lecture.

L. 27 : Par la mer dé. Voyez ci-dessus p. 99, note sur la p. 5’4. 1. 11.

L. 29 : Ab liofte maligno libéra nos^ domine. « De l’ennemi malin délivre-nous, Seigneur. »

Page 135 ; 1. 15 : Arbre. Édit. antér, à 1535 : Aine {Alnusj aune) — 1535 : Afnc.

Page 137, 1. 12 : Ne craindre les armes ny corps mors. On trouve armes dans les deux premières éditions et dans Juste, 1537 ; les autres portent âmes ; mais, comme le remarque Burgaud des Marets, le retour au texte primitif est impérieusement l’éclamé par le sens et par l’examen du passage d’Elien que traduit Rabelais. (Voyez : De la nature des animaux, liv. XVI, ch. 25)

L. 14 : Vlyjfes mettait les corps de fes ennemys es pieds de fes cheuaulx, ainfi que raconte Homère. Homère dit tout autre chose : « Ulysse traîne par les pieds les guerriers qui meurent.sous le fer de Diomède, et les range de côté, pour que les chevaux de Rhésus passent sans peine. » {Iliade. X, 488)

Page 138, 1. 10 : Supplementum Supplementi clironi- corum. « Le Supplément du Supplément des chro- niques. » Parodie des titres de certains ouvrages histo- riques du moyen âge où d’interminables suppléments s’ajoutent les uns aux autres. Voyez ci-dessus, p. 103, note sur la p. 58, 1. 5.

Page 141, 1. 25 : Grand comme la tonne de Cifieaulx. (( Robert Cenault, qui dans fon traité De vera menfura- rum ponderumque ratione^ aux feuillets 30 & 3 i de l’édi- tion de 1547, parle de l : i tonne prétendue de Cîteaux, dit que de fon temps elle fublîftoit encore en fon en- tier, quoi que la tradition du lieu tût que c’étoit faint GARGAKTUA, T. I, P. I4I-I45. I35

Bernard qui l’avoit fait conftruire. Elle teaoit, dit-i ! , près de 300 muis… Mais Rabelais & tous ceux qui depuis ou avant lui ont parlé de cette prétendue tonne de Cîteaux fe font mépris. Ils dévoient dire de Cler- vaux. 1) (Le Duchat)

Page 142, 1. 16 : Lors que G^rganluz hcitt le grand traicl^ cuyderent noyer en fa. bouche. Souvenir des Grandes Croniques : « beut telleineut quil mill : la dicte riuiere a fec. Lors les citoyens qui eiloyent tombez en fa gueuUe furent tous noyés. » (Voyez ci-dessus,

P-47)

L. 23 : Frappa rudement en la faulte d’vne dent creuse. (( Troys qui tombèrent dedans fa dent creufe. » {Grandes Croniques ^ édit. de 1533. Voyez ci-dessus p. 47, note i)

Page 143, 1. 20 : Par Dauid. Psaume CXXIII, 2*^^ ver- set, jusqu’à la fin. En voici la traduction : « Lorsque les hommes s’élevaient contre nous, peut-être nous eussent-ils dévorés vivants. — Lorsque leur fureur s’aliumait contre nous, peut-être l’eau nous aurait engloutis. — Notre âme a passé au travers d’un tor- rent. — Béni le Seigneur, qui ne nous a pas donnés en proie à leurs dents ! — Notre ame, comme un passereau, a été arrachée du lacs des chasseurs. — Le lacs a été rompu, et nous avons été délivrés. — Notre aide… »

L. 21 : Qiiand nous feu f mes mange-^ en falade. Cette phrase et les suivantes, qui commencent également par quand, font allusion à un vieux cantique des pèle- rins de Saint Jacques :

Quand nous partifmes de France,

Hélas mon Dieu ! Quand nous fufmes dans la Saintonge,

Quand nous fufmes au port de Blaye, Quand nous fufmes dedans Saint-Jacques. Page 145, 1. ^ : Depofita cappa. m La chape ôtée. » Mots qui, dans les rituels, indiquent les cas où l’officiant doit retirer ce vêtement.

L. 7 : In ſtatutis ordinis. « Dans les statuts de l’ordre. »

L. 11 : Il me faict le corps tout ioyeux. Dans Le moyen de parvenir (p. 70), un religieux « va prendre vn mouton mignon, qui eſtoit au préau, & l’enueloppa de ſon froc ; puis vint à ſon pere, & le lui montra. Ce mouton bondiſſoit, ſautoit, faiſoit l’enragé. « Eh bien ! mon pere, que dites-vous de cela ? I’eſtois iadis vn mouton, comme celui-là ; auiourd’hui i’ai le froc, qui me fait ainſi pétiller ! »

L. 19 : Creux comme la botte ſainct Benoiſt. « C’est ainsi qu’est appelée la grande tonne de Saint-Benoît qui est à Bologne, et botta en italien signifie une bouteille, du latin butta. » (Les Rabelais de Huet, p. 29)

L. 21 : De tous poiſſons, fors que la tanche. La suite de ce proverbe est, ainsi que l’indique Estienne (Précellence du langage françois, p. 181) :

Pren le dos & laiſſe la panche.

Mais le moine passe, sans achever, à une autre idée. Du Fail, dans ses Propos rustiques, dit (t. I, p. 108) : « De tous poiſſons, fors de la Tenche : prenez les ailes d’vn Chapon, neantmoins qu’aucuns docteurs dient d’vne garce. »

L. 23 : Quand on meurt le caiche roidde ? « On tient par une plaiſante tradition que l’érection après la mort arrive à ceux qui ont joui d’une religieuſe, ce qui a donné lieu à ce vers, Qui monachâ potitur, virgâ tendente moritur, l’apporté premièrement par Joannes Vincentius Metulinus ſur le 18. chapitre du gréciſme d’Ebrard & depuis par Leonellus Faventinus c. 75, 2. partis Practicæ medicinalis, cité par H. Kornma. C. 5. de linea amoris, p. 123. Le même Metulinus rapporte le vers de cette autre manière : Arrectus moritur monachâ quicumque potitur. « (Le Duchat)

Page 146, l. 2 : Ceſte cuiſſe de Leurault eſt bonne pour GARGANTUA, T. I, P. I46. 13^

les goutteux. Selon Pline (xxvill, 16), qui conseille ce remède, il suffit de le porter sur soi : « podagras qui- dam mitigari tradunt pede leporis abscisso si quis se- cum assidue habeat. »

L. 4 : A propos truelle. Ce proverbe est répété dans le tiers livre, ch. XVIII (t. ir, p. 93), d’une façon plus complète : « C’eft bien à propous truelle, Dieu te guard de mal maffon. »

L. 13 : Efuenté des vent^ du trou de hi^e^ de chemife. Le passage suivant servira à éclaicir la première de ces locutions :

A tout heure, foit froit ou chault, Il fault fouffler au trou de bife. (Poéjîes françoifes des xv’= <& xvi" fiècles, t, m, p. 169 : Les Secreti & Loix de Mariage)

Quant au vent « de chemise, » il est ainsi défini dans la Légende de Pierre Faifeu (ch. XLIX) :

Or la couftume a la femme fouuent

A fon mary faire boyre fon vent,

Que gaudiffeurs, fans en faire aultre mife,

Nomment & dyent le vent de la chemife.

On lui attribuait une grande influence sur la prospé- rité du ménage :

Ainfi vng vent de la chemife Fera tout cert appoin£lement. (Coquillart, Droits nouveaux, t. i, p. 81, Bibl. el^év.)

Plulïeurs niaiz fi ont fans double Ainfi du vent de la chemife., (Coquillart, Monologue des Perruques, t. ir, p. 28+)

Bien le fçaura patheliner. Car elle eft duycle luy donner AfBn de fournira la mife Par foys du vent de la chemife.

(Poéfies françoifes des xv"^ & x.xi’^ fiècles, t. 11, p. 12 : Sermon des M aulx de marias es 3^ COMMENTAIRE.

. . . Four finable remife, On vous donra du vent de la chemife. [Poéfies françoifes des xv" & xvi<= fiècles, t. m, p. 135 : Ny trop tojl ny trop tard maria)

Du Fail (t. II, p. 249) parle assez longuement, mais en termes peu intelligibles de « ce terrible & exorbitant vent de la chemife, duquel vous autres mariez faicl : es tant de cas. »

L. 25 : Hon. que ie ne fuis roy de France pour quatre vingt ^ ou cent ans.

Ha ! que ne fuis-ie Roy pour cent ou fix vingts ans ! (Régnier, satire vi, p. 46)

L. 34 : // n’y a plus de mouft. C’est-à-dire de sauce pour le cochon. Nous trouverons plus loin dans un menu (liv. iv, chap. Lix, t. il, p. 478) des « cochons au mouft. » Cette exclamation : « Il n’y a plus de mouft » éveille chez le moine une idée libre. Il la com- plète par cette phrase latine : Germinauit radix leffe^ « la racine de Jefle a germé, » qui fait allusion à ce passage d’Isaïe (chap. xi, v. i) : « Et egredietur virga de radice JelTas, et flos de radice ascendet. »

II faut remarquer que Jessé était l’équivalent de J’ai soif suivant la prononciation populaire d’alors. Dans la Farce de Pernet {Ancien théâtre français ^t. Il, p. 366) un ignorant à qui on apprend à lire et à qui on dit/ » comprend bois et répond :

le ne puis boire 11 fouuent.

Le professeur continue et dit c^ l’élève comprend soifj et reprend :

Et i’ay le dyablc fi i’ay foif !

Dans une autre pièce {Farce d’vnquifefait examiner pour eftre prebjlre. — Ancien théâtre français^ t. 11, GARGANTUA, T. I, P. I46-I48. 137

p. 384) ^b c est pris par l’élève dans le sens de a hé se « a bien soif » :

Il fçait toute fa rethoricque, Courant comme fon abc. — Par bieu, ie fuis tout mort de foif.

Enfin, dans La Fricajfée croteflyllonnée (v. 591), on trouve aussi, parmi des équivoques sur le nom des lettres, c dans le sens de soif :

Qu’as-tu ? — C.

Cela explique pourquoi frère Jean dit : « le meurs de foif, » après avoir prononcé le nom de Jeffé.

Page 147,1.5 : Claude des haulx Bar rois. Édit. ant. à 1535 : Claude de faincl Denys. Cette désignation, comme le remarque Burgaud des Marets, a proba- blement été modifiée parce qu’elle désignait trop clairement quelqu’un de bien connu.

L. 12 : Magis magnos clericos non f une magis magnos fapie/nes. « Les plus grands clercs ne font pas les plus grands fages. » Montaigne -a cité cet axiome latin (Essais j liv. I, chap. xxiv, 1. 1, p. 160), er Régnier l’a traduit de la sorte (sat. m, p. 29) :

Pardieu les plus grands clers ne font pas les plus fins.

L. 32 : Vous iurei…? Ce n’eft… que pAir orner mon langaige. « Cette penfée eft proverbiale en Poitou :

… P’r orny fon laingaige, O faut jury de bon coaraige. (Gailc Poil.) (Burgaud des Marets)

Page 148, 1. 13 : Ignauum fucos pecus… a prefepibus arcent. « Elles chaflent de leurs demeures les frelons, lâche troupeau. » (Virgile, Géorgiques^ liv. v)

L. 17 : Tout ainjî comme le vent dicl Cecias attire les nues. « Est etiam ventus nomine Coecias, queni Ans- toteles ita flare dicit, ut nubes non procul propellat. 138 COMMENTAIRE.

sed ut à sese vocet. « (Aulu Celle, 11, xxili). C’est un vent du nord-ouest.

L. 19 : 11^ mangent la merde du monde ^ c’ejl à dire les peche^. « Peccata populi mei coniedent. » (Osée_,

Page 149, 1. 1 : Le cinge ne giiarde poincl la maifon^ comme vn chien. Ce passage est imité de Plutarque : « Voyez le fînge, il n’eft pas propre à garder la maifon des larrons comme le chien, ny à porter fur fon dos comme le cheual, ny à labourer la terre comme le bœuf. . . ainfi eft-il du flatteur, m {Comment on pourra difcerner le Jlatteur d’auec l’amy^ chap. LXI, t. XIX, p. 297). Voltaire a paraphrasé à son tour Rabelais dans ces jolis vers du Pauvre diable :

Nous faisons cas d’un cheval vigoureux Qui, déployant quatre jarrets nerveux, Frappe la terre et bondit sous son maître ; J’aime un gros bœuf, dont le pas lent et lourd, En sillonnant un arpent dans un jour, Forme un guérêt où mes épis vont naître ; L’âne me plaît : son dos porte au marchi Les fruits du champ que le rultre a bêché ; Mais pour le singe, animal inutile. Malin, gourmand, saltimbanque indocile. Qui gâte tout et vit à nos dépens, On l’abandonne aux laquais fainéants. Le fier guerrier, dans la Saxe en Thuringe, C’est le cheval ; un Pequet, un Pleneuf, Un trafiquant, un commis est le bœuf ; Le peuple est l’âne, et le moine est le singe.

Page 150, 1. 8 : le foys des reti. Frère Jean aurait pu alléguer en faveur de sa conduite l’autorité de Saint Jérôme qui dit au moine Rustic : « Facito aliquid operis : ut semper te Diabolus inveniat occupatum. . . fiscellam texe junco… texantur et lina capiendis pis- cibus. » {Canon Nun^uam. De quoiidianis operibus mona- chorum. dift. 5)

L. 24 : Par ce (ref pondit Grandgoufier) que ainfidieu Va GARGANTUA, T. I, V. 150-151. i^()

voulu. « Il n’y a qu’une seule cause, répliqua mon oncle Toby. Pourquoi le nez d’un homme est-il plus long que celui d’un autre, si ce n’est parce que Dieu l’a voulu ainsi ? — C’est la solution de Grandgousier, dit mon père. » (Sterne, Trijlram Shandy^ liv. m, pag. 279, chap. LXXXV, t. I)

L. 28 ; Il f eut des premiers à la foyre des ne^. « A naso- rum promontorio redivi et nasum speciosissimum, egre- giissimumque quem unquam sortitus est, acquisivi. (SUwkeiibergiifuhellj.. Sterne ^ Trijlram Shandy ^liv. lu^ chap. Lxxxvi, t. I, p. 288). Dans une caricature de Gavarni un gamin dit à un passant : « Y art-i donc tant de quoi être comme ça faraud ! . . . parce que le jour de la distribution des nez on s’aura levé àtroisheures du matin ! »

Page 151, 1. i : Les durs te tins de nourrices font les enfans camui. C’est aussi l’opinion d’Ambroise Paré. Bouchet dans sa 24" sérée {Des Nourrices, t. iv, p. 65) allègue en ces termes cette double autorité : « Ne voudrois pas que leurs tetins fuffent fi durs, que les enfans en deuinflent camus, comme Rabelais & Paré l’affeurent. » Bonaventure des Périers dit également (Nouvelles recréations et joyeux devis, t. 11, p. 188. Bibl. el : ^év.) : « Ce mefme perfonnage… eftoit de ceux qu’on dit qui ont efté allaiftez d’vne nourrice ayant les tetins durs, contre lefquelz le nez rebouche & de- uient moufle. »

Sterne n’a eu garde d’oublier cette particularité ; « Ambroise Paré convainquit mon père… que la longueur et la beauté du nez étaient dues simplement à l’état mou et flasque de la gorge de la nourrice, comme l’aplatissement et la petitesse des nez exigus l’étaient à la fermeté et à la répulsion élastique du même organe de nutrition dans les sujets pleins de vie et de santé ; — ce qui, quoique heureux pour la femme, était la ruine de l’enfant, attendu que son nez était si rabroué, si repoussé, si comprimé et si re- froidi par là, qu’il n’arrivait jamais ad mensuram suam 140 COMMENTAIRE.

legitimam : mais que dans le cas où la gorge de la nour- rice ou mère était flasque et molle, eu s’y enfonçant, dit Paré, comme dans du beurre, le nez était fortifié, nourri, engraissé, rafraîchi, restauré, et en voie de perpétuelle croissance. » (Trijîram Shundy, li\’. m, chap. Lxxxir, t. I, p. 274)

L. 2 : Àd formam nafi cognofcitur ad te leuaui. « A la forme du nez on connaît. J’ai élevé vers toi » Ad te leuaui… Ces mots reviennent souvent dans les psaumes : Ad te levavi oculos meos^ ps. cxxir, i ; Ad te levavi animam meam, ps. CXLII, 8, etc.

On n’en finirait point si Ton voulait recueillir les nombreux témoignages relatifs à la croyance populaire à laquelle il est fait allusion ici. En voici un tiré de la Farce de Maiflrc Mimin {Ancien théâtre français ^ t. Il, p. 339) :

l’ay ouy dire à maiflrc Mengin Qu’il auoit le plus bel engin Que iamais enfant peult porter ; Il ne s’en fault que rapporter A fon nez, voyla qui l’enfeigne.

L. 3 : le ne mange iamais de confitures. Eloi Johan- neau, pensant que cette phrase se rapporte à ce qui suit, fait à ce sujet cette remarque, adoptée par Régis : M Propos de buveur, parce que les confitures et autres sucreries nuisent au goût du vin. » Je crois que la phrase, au lieu de se rapporter à ce qui suit, est relative à ce qui précède, et que frère Jean veut taire entendre que dans ses exploits amoureux il n’a nul besoin de se réconforter.

Nous avons le cœur bon, &, dans nos aventures Nous ne fûmes jamais hommes à confitures.

(Corneille, La fuite du Menteur, acte 11, se. vi)

L. 3 : P^g<^ ; ^ l’^ humerie. Item^ roujlies. « Page, à boire, et aussi des rôties ! »

Page 152,1.19 : Sus le poincl deBeati quorum. Cq sont GARGANTUA, T. I, P. 152-154. j^t

les deux premiers mots du psaume xxxi : « Heureux ceux dont les iniquités ont été remises… »

L. 24 : Hoj Regiiizulc, rcueille toy, veille. M. Tarbé des Sablons, qui a recueilli cette chanson dans son Romancero de Champagne, l’a regardée comme un sou- venir de Regnault de Montauban.

Page 153,1. ii : S’il a y a plus àevieulx hyurognes, qu’il n’y a de vieulx médians.

Jean le Houx a imité ce passage :

On voici fouuent vieillir vn bon yurongne, Et mourir ieune vn fçauant médecin.

(Vaii de vire lxxi)

L. 17 : Mon tyrouer. Voyez ci-dessus, p. 77, la note sur la ligne 15 de la page 21.

L. 27 : ^ troys pfeaulmes & troys leçons. Encore un souvenir de la Farce de Patelin (Acte 11, se. 5", p. 52) :

Et ceft auocat portatif

A trois leçons & à trois pfeaumes.

« Cette façon de parler, dit Le Duchat, eft emprun- tée du Bréviaire, où les heures font fixées à plus ou moins de pfaumes & de leçons, fuivant que le jour eil plus ou moins folemnel. »

L. 32 : Breuis oratio pénétrât celos^ longa potatio eua- cuat fcyphos. « Une courte oraison pénètre les cieux, une longue buverie vide les coupes. » Mais cela ne rend pas les allitérations entre oratio et potatio, celos et scyphos.

Page 154, 1. 2 : Venite apotemus. a Venez, buvons. » Apotemus est ici pour potemus. C’est une allusion au Venite adoremus des matines : « Venez, adorons. » Rabe- lais, du reste, n’a pas imaginé cette facétie : il y a un vieil « Invitatoyre bachique, qui travestit sans vergo- gne le Venite adoremus en cinq ou six strophes irrévé- rencieuses terminées par ce refrain : « Ecce bonum vinum, venite potemus » (Aubertin, Hist. de la langue et de la littér. française au moyen âge, t. I, p. 526) 142 COMMENTAIRE.

Page 156, 1. 4 : De frigidis & maleficiatis. « Des froids et maléficiés. » Titre 15 du livre iv des Décré- tales, V vénérable rubricque » que Rabelais cite encore plus loin, t. II, p. 74. Bouchet y fait allusion ù son tour {Seréesy t. i, p. 183) : « Le luge, la femme prefente, interrogue le mary de ce qu’il n’auoit eu la compa- gnie de fa femme, luy demandant s’il eftoit point des froides queues, & de trigidis & maleficiatis. » — Dans l’édition de 1542, que nous suivons d’ordinaire, le de a été passé ; dans la nôtre il a été transposé par suite d’une erreur d’impression.

L. 33 : Vn beau & long fermon. Voyez La Fontaine : L’Enfant &’ le Maiftre d’efcole.

L. 34 : De contemptu mundi^ & fuga feculi. « Sur le mépris du monde & la fuite du fîècle (la retraite). »

Page 157, 1. 3 : Monachus in clauftro… Eloi Johan- neau a le premier mis sous forme de couplet ce pas- sage latin écrit en deux lignes par de Marsy :

Monachus in claullro Non valet oua duo ; . Scd, quando ell extra, Bene valet triginta.

« Un moine dans fon cloître ne vaut pas deux œufs ; mais quand il en cft hors, il en vaut bien trente. « 

L. 10 : Puis que de par l’aultre ne voulez. ’Voyez ci- dessus, p. 131, note sur la ligne 11 de la page 132.

L. 1 1 : Tempore & loco prelibatis, « E n temps & lieu. »

Page 160, 1. 4 : Neefperer falut aulcun.

Una salus vidis nullatn sperare sahitcm.

(V^irgilc, /Eyicid., u, v. js^)

L. 10 : Ouiire-^ toufioiirs à roj" ennemys toutes les portes & chemins. « Moite volte aperfero (gli Romani) al nimico quella via che effi gli potevano chiudere. (Machiavel. Difc, m)

Page 163. 1. 3 : Ha, monfieur le priour. Les moines étaient très flattés d’être appelés « monlîeurle prieur » ou GARGANTUA, T, J, V. 163-166.

H3

« dignité. » — « Il y a trois fortes de gens qui n’aiment point à eftre appelez par leur nom ; comme vous diriez chiens & chats, moines, miniftres, preftres, putains & bafteleurs. . . Il faut dire mignon^ monfieur le prieur ^ noftre muiftre. etc. » {Le Moyen de parvenir.p. 172) — « De- puis qu’on a nommé vn cheual haquenée^ vn moine ou vu chanoine dignité^ & qu’on a appelé vn chat mlnon. Et de fait huchez vn moine, & luy dites : moine^ il fe fafchera. » [Idem, p. 332)

L. 6 : Monfieur le pofteriour. Dan.s son colloque inti- tulé Le Pèlerinage [Peregrinatio Religionis ergo) Erasme dit que le sous-prieur est le prieur postérieur : « Hic qui priori proximus eft prior eft pofterior. »

L. 12 : Vous aure^ vn chapeau rouge à ce fie heure de ma m^/n. C’est-à-dire : Je vous couperai la tête. « Nous voyons que Menot mefmement fe plaind que de fon temps, quand il y auoit des prefcheurs qui vouloyent mener la vérité en chaire auec eux, on les menaçoit de les faire cardinaux, fans aller iufques à Romme, &leur faire porter le chappeau rouge : ne plus ne moins que S. lean ayant amené la vérité en la cour d’He- rode, y laifla la telle. » (Henri Eltienne, Apologie pour Hérodote j ch.a.p. ix, t. i, p. iio)

D’eftre archeuefque tu as enuye, Tirant qui a tant fait de mal ! Mais tu feras fait cardinal Maugré toute ta tirannie : Ort chanceilier !

(Chanson contre le chancelier Antoine Duprat. Voyez dans les Documents inédits^ Captivité du Roi Françoi’ ; i par M. A. Champollion-Figeac, p. 373)

L. 16 : le me rends à vous. Ce dialogue rappelle celui de Louis xi avec les ambassadeurs génois : « Sire, nous nous donnons à vous. — Et moi je vous donne à tous les diables. »

Page i66, 1. 23 • Eftime^ vous que la pefic vienne de faincl Sebaftian ? Henri Eftienne, dans son Jpoloi ; ie I^}. COMMENTAIRE.

pour Hérodote (chap. xxxviir, t. ii, p. 256), témoigne aussi de cette singulière superstition : « Chacun de ces fainds peut enuoyer la niefnie maladie de laquelle il peut guarir. Et qu’ainfi foit, quand on dit le mal S. Main, le mal S. lan, c’eft aufll bien à dire le mal qu’ils enuoyent que le mal duquel ils guariiTent. »

Page 167, 1. 2 : Saincl Eutrope falfoit les hydro- piques. « Quand on a faict S. Eutrope médecin des hydropiques, ie croy qu’on a confondu Eutrope auec Hydrope. » (Eftienne, Apologie pour Hérodote, p. 241)

L. 3 : Sdincl Gildas les fol^. Saint Gildas présidait probablement à la folie parce que Gilles était un nom qu’on donnait aux niais, aux sots, dans les anciennes farces.

L. 4 : Saincl Genou les gouttes. « Quant à S. Genou, qui guarit la goutte, c’eft pource que cefte maladie fe loge volontiers au genou. » (Eftienne, Apologie pour Hérodote j p. 241)

L. II : Mais tel-[ impofteurs empoifonnent les âmes. Edition antérieure à 1535, 1535 et Juste 1537 : Mais ces prédications diaholicques infeëlionnent les âmes des panures (S" fimples gens.

L. 31 : Si vous croye^ Straboj & Pline lib. vij. chap. iij. Strabon (liv. xv) remarque que les femmes égyp- tiennes avaient quelquefois quatre enfants d’une seule couche. Aristote, dit-il, rapporte même que l’une d’elles en eut sept. — Quant à Pline, il fait des obser- vations du même genre et déclare que l’eau du fleuve est prolifique.

Page 168. 1. 15 : Ceft (dift Gargantua) ce que dicl Platon lib. Y de rep. que lors les républiques fe- r oient heure u f es, quand les roys philofopher oient ou les philofophes regneroient. Voici le texte de Platon (collect. Didot, t. ll, p. 99,1.31) : Èàv [ay)… îî ol cyiXoaocpci PaatXtÛGWc’.v év Taî ; iroXsaiv, iî cî paTiXT ; ; te vûv Xe-^-oaevct xal 5uvâ(TTai çiXo(TO(p7iaw(ji… eux esn y.x/.wv TraDXoo… Taî ; TToXcOt. Amyot, dans une lettre adressée à Pontus de Tyard GARGANTUA, T. I, P. 168-173. ^45

en 1577, applique cette pensée aux espérances que ’ donnait le commencement du règne de Henri m. {Pléiade française^ les œuvres poétiques de Pontus de Tyard, notice-, p. xxiij). Appien ne partageait pas cette opinion de Platon : « Non seulement à Athènes Ariston, avant lui Critias et ceux qui philosophèrent avec Critias et servirent sa tyrannie, mais encore en Italie des pythagoriciens, et hors d’Athènes, en Grèce, plu- sieurs de ceux qu’on appela les sept sages^ ont saisi le pouvoir pour gouverner et tyranniser, plus cruellement que les tyrans ordinaires. » {Histoire romaine, Livre sur la guerre de Mitliridate, chap. xxvil)

Page 170, 1. 12 : Comme Platon li. V. de rep. Voyez collection Didot, t. 11, p. 97, 1. 18.

Page 171,1. 9 : Soixante & deux mille falur. « Les saluts étaient une monnaie d’or qui datait de Charles vi et avait eu cours sous Charles vu, frappée surtout par les rois d’Angleterre, Henri v et Henri vi, se disant rois de France ; le type de ces pièces était la saluta- tion de l’Ange à la sainte Vierge ; il avait déjà été employé sur des monnaies d’argent des princes de la maison d’Anjou, rois de Naples et comtes de Pro- vence ; le salut d’or vaudrait environ 12 francs. » (Car- tier, De la numismatique de Rabelais. Revue numisma- tique j 1847, p. 340)

L. 21 : Cent Soixante mille ducat^, ÇS" dix mille efcui[. « Les ducats dont veut parler l’auteur étaient ceux de Venise ; ils avaient un grand cours dans toute l’Eu- rope ; la France n’a jamais fabriqué de monnaie de ce nom ; les ducats de Venise valent intrinsèquement II fr. 85 c. Les écus d’or valaient un peu moins que les saluts. » (Cartier, p. 341)

Page 172, 1. i : Les nerf^ des latailles font les pe- cunes. a Pecuniïe belli civilis nervi sunt. » (Tacite, His- toires, II, 24)

Page 173, 1. 23 : Six vingt quatorie millions deux efcui & demy d’or. « A calculer l’écu d’or pour 11 francs, les subsides offerts à Grandgousicr par ses allies se IV. 10 146 COMMENTAIRE.

seraient élevés à 1,5’ 3 4,000,027 francs. » (Cartier, p. 341) Page 174,1. 25 : Concordante d’/iorologe. Ainsi dans 1542 ; les autres éditions : concordance.

Page 175, 1. 33. Grippeminault. Edit. s. d., 1535, 1537 et Juste : Grippeminaud ; Dolet et 1542 : Grippe- pinaull.

Page 177, 1. 17 : III ne valent que à la première poincle. Machiavel s’exprime à peu près de même d’après Tite-Live : « I Francefl fono nel principio délia zufFa piu che uoniini, e nel fucceffo di combattere riefcono poi mcno che femmine. » (Dwc. .lib. m, c.36) Le Tasse a dit {La Jérusalem., l, 62) :

Ma cinqucmila Stefano d’Ambuofa

E di Bleffe e di Turs, in guerra addacc.

Non e gcnte robufta o faticofa,

Sebben lutta di ferro ella riluce.

La terra molle, e lieta, e dilettofa,

Simili a fe gli abitaior produce.

Impeto fan nellc baiaglie prime,

Ma di leggier poi langue, e fi reprime.

Page 179, 1. 10 : Que ceulx qui lors à leur force combattent. Voyez Thucydide, v, 11.

Page 182,1.11 -.Par architeclure.VïmcXc Jeune a dit dans le Panégyrique de Trajan : « La véritable gloire et renommée du bon prince est propagée, non par des ima- ges et des statues, mais par la vaillance et les vertus. »

L. 16 : 1,2 iournee de faincl Aubin du Cormier. 28 juillet 1484. La bataille eut lieu près de Dol en Bretagne. Louis xii, alors duc d’Orléans, qui com- mandait en chef les troupes du duc de Bretagne, fut battu et fait prisonnier par l’armée de Charles vili.

L. 17 : ha démolition de Parthenay. Les fortifica- tions furent renversées, en i486, par les troupes de Charles vili. V. Boucher, f. 168, et Belleforest, f. 427.

L. 18 : Le ion traiclement qu’il^ furent es Barbares de Spagnola. Voyez Belleforest, fol. 427 v".

Page 183, 1. 6 : Durement emprifonné. Allusion

Page 185, l. 27 : Moyſe, le plus doulx homme qui de ſon temps feuſt ſus la terre. « Moses vir omnium, quos terra ferebat, mitissimus. » (Les Nombres, XII, 3)

L. 31 : Sa fortune rien plus ſouuerain n’auoit, ſinon qu’il pouuoit : & ſa vertus meilleur n’auoit, ſinon qu’il vouloit touſiours ſauuer, & pardonner à vn chaſcun. « Nihil habet nec fortuna tua majus, quam ut possis, nec natura tua melius, quam ut velis servare quam plurimos. » (Cicéron, Discours pour Ligarius)

Page 188, l. 14 : Diſhuyt cent mille quatorze bezans d’or. « Je crois que le besant équivalait à peu près à un gros d’or fin, et alors la vaisselle de Grandgousier, abandonnée à ses capitaines, aurait pesé 28,125 marcs et valu intrinsèquement environ 22,500,000 francs. Voyez sur les besans : Le Blanc, p. 198, et Revue’', 1836, p. 431. » (Cartier, Numismatique de Rabelais, p. 342)

Page 189, l. 13 : Comment… pourroy ie gouuerner aultruy, qui moymeſmes gouuerner ne ſçaurois ? « Abſurdum… eſt, ut alios regat, qui ſe ipſum regere neſcit. » Loi citée par Jean, évéque de Chiempsée, suffragant de Saltzbourg, dans son Onus Eccleſiæ, chap. XXVII, II, 7.

Page 190, l. 19 : Si non celles que eſtoient borgnes, boyteuſes… « Qui defectuoſiores inter filios nobiliuni apparent, clericali ſtatui adjiciuntur, quaſi mundo inutiles, licet Deo execrabiles : Siquidem contra Dei præceptum eccleſiis & monaſteriis offeruntur, aut claudi aut cæci, aut in aliqua parte deformes & debiles. » (Onus Eccleſiæ, chap. XXII, art. 8)

L. 25 : A quoy vault toille ? A mettre en religion… & à faire des chemiſes. Jeu de mots : à quoy vault-elle. Anciennement toille se prononçait telle :

S’abiller à mode nouuelle,
Porter moytié drap, moytié toille.

(Coquillart, Droits nouveaux, t. I, p. 81)
148 COMMENTAIRE’,

Page 192, 1. i : Comnient feut bajlie & dotée Val- hiiye des Thelemites. Ce chapitre a son commentaire particulier dans une brochure intitulée : Rabelais et rarchuectiire de la Renaissance. Restitution de l’abbaye de Thélème. Par Ch. Lenorniant, membre de l’Institut. Avec deux planches. — A Paris, chez J. Crozet, 1840. — La restitution est de M. Charles Questel, architecte. Voyez aussi L’abbaye de Thélème^ par Marie Guichard, Bulletin du Bibliophile. 1841.

« Thélème, dit M. Lenormant, n’est point irrégu- lière comme Saint-Germain, Amboise ou Chantilly ; mais elle n’atteint pas à la belle disposition de Chambord. Le plan hexagone adopté par l’architecte sent plus le donjon que le palais : Rabelais ne trouve rien de mieux A placer sur la face de la Loire que la saillie d’une tour : « Au pied d’icelle eftoit vne des tours aflife, nommée Artice. » Je remarque que le rapport d’un à cinq, établi par notre architecte entre le diamètre des tours et la longueur des corps de logis qui les séparent, se retrouvait à Bonnivet sur la façade et existe à Chambord sur les côtés. » M. Charles Lenormant a finement remarqué, quen sa qualité d’épicurien, Rabelais se distingue surtout comme architecte par les satisfactions, jusqu’alors inconnues, qu’il donne à « un besoin bien cher à notre siècle, à celui du confort. » Les gouttières remplaçant les gargouilles, le peu d’élévation des marches et la distance du repos dans les montées, nous montrent la construction de Thélème en grand progrès à cet égard. Toutefois, si l’on doit tenir compte de quelques perfectionnements de détail, on ne saurait s’empêcher de signaler de graves omissions : chaque chambre a une chapelle, mais l’église man- que à cette abbaye. Charles Lenormant prétend, non sans vraisemblance, que Rabelais, penchant à cette époque vers la Rétorme, aurait volontiers en- voyé ses religieux et ses religieuses au prêche ; mais on n’en devine pas davantage L’emplacement. S’il y GARGANTUA, T. I, V. 192-193. 1^9

a là une réserve prudente et volontaire il n’en est pas de même à l’égard des salles de banquet et des cui- sines, que M. Daly (Revue de l’architecture^ t. 11, p. 196) s’étonne de ne pas voir mentionner.

L. 1 1 : Efcui au foleil & autant à refloille poujjl- niere… nobles à la rose. « Les écus au soleil, ou, comme on disait souvent, les écus ^o/^avaient commencé sous Louis XI et se sont fabriqués sous plusieurs règnes ; ils valaient un peu moins que les écus à la cou- ronne qui les avaient précédés. Le type était le même, excepté un petit soleil rayonnant au-dessus de la couronne. Quant aux écus à l’étoile poussinière, il est évident que c’est une facétie de notre auteur pour tourner en ridicule le surnom trop ambitieux des véritables écus… Le noble à la rose était une belle et large monnaie d’or anglaise, frappée d’abord par Edouard m et continuée jusqu’à Elisabeth ; cette monnaie vaudrait aujourd’hui 25 francs. » (Cartier,

P- 343)

Page 19^, 1. 6 : Guy de Flandres. « C’est le plâtre fin dont on fabriquait ces clefs-pendantes qui décorent, non sans quelque grâce, les voûtes de nos églises des XV" et xvi’= siècles. » (Lenormant)

L. 8 : v4 figures de petif^ manequins. « Les com- mentateurs expliquent les manequins^ dont parle ici Rabelais, par petites mânes, « paniers de fleurs et de fruits, lesquels servent d’ornement aux édifices. » Mais ces mannequins ne sont-ils pas plutôt des petits hommes {mannchen) y des bons hommes, comme nous disons au- jourd’hui, que maître Frani ; ois marie, dans son ca- price, à. des figures d’animaux ? » (Lenormant)

L. 14 : Fias magnificque que n’ejî Boniuct, ne Cham- bourg, ne Chantilly. Ces mots : ne Chambourg ne Chantilly manquent dans les premières éditions jusqu’à celle de 1J37 inclurùvemcnt. C’est en 1536 que la construction de Chambord a commencé.

L. 25 : Beaulx arceaux d’antique. « Arcs à plein cintre renouvelés des monument ; ; romains, et sulistiICO COMMK N’TAIRE.

tués aux Ogives qui jusqu’alors avaient régné sans partage. » (Lenormant)

L. 27 : Cabinet faiEl à clere voys de largeur de la- dlEle vil- « Au premier abord, on ne sait o\x placer ces cabinets à clere voys^ tjui ont la largeur de la vi^, d’autant plus que les beaulx arceaux d’antique qui leur donnent entrée, sont ceux par lefçuel^ efloit repceu la clarté ; mais tout se concilie, si l’on se représente ces cabinets à clere voys comme faisant saillie sur les façades, ù la hauteur de chaque étage, et portés sur des consoles dont la forme devait rappeler celle des anciens mâchicoulis. L’épaisseur de ces cabinets n’est donc pas telle que la lumière ne puisse entrer abon- damment par les arcs d’antique qui correspondent ; i leurs ouvertures. » (Lenormant)

L. 33 : En Grec. Latin^ Hebrieu, Françoys^ Tufcan. & Hefpaignol. « Voilà six langues énoncées : c’étaient, au xvi" siècle, les seules langues littéraires de l’é- poque ; de l’anglais, malgré Chaucer, de l’allemand-, en dépit de Luther lui-même, pas le mot. Quant à la disposition de la Bibliothèque, on croirait que l’auteur a voulu donner un étage à chaque idiome. Mais nous avons six langues, et cinq étages seulement au-dessus du sol pour les loger. Il sera donc nécessaire de faire uiie répartition des livres proportionnée au nombre des productions de chaque littérature. Le rez-de-chaussée aura le grec et l’hébreu. Au premier, nous placerons les livres latins ; les français au second : les italiens et les espagnols aux deux étages supérieurs. » (Lenormant)

Page 194, 1. 2 : I,’ entrée eftoit par le dehors du logis en vn arceau large de Jix toiles. « Je crois reconnaître une intention de critique dans ce que dit le descrip- teur : rien de semblable ne se retrouve en effet dans les habitations du XVi" siècle. A Ecouen comme à Chambord, les portes sont démesurément petites en comparaison de la masse de l’édifice. » (Lenor- mant)

L. 9 : Defcriptions de la terre. « On peut entendre GARGANTUA, T, I, H. 194-199. I5r

par là les peintures des vases, des habits, des coutumes, empruntées aux relations du nouveau monde, dont le XVI* siècle se montrait si avide. Mais de véritables cartes de géographie ne me paraissent pas déplacées dans les galeries de Thélème. On sait que, dans le Vatican, une galerie de cartes géographiques peintes à fresque au xvT siècle se trouve placée parmi les chefs-d’œuvre de la peinture. Ces cartes ne sont point si arides que celles qu’on fabrique aujourd’hui : elles brillent d’or, de pourpre et d’azur ; l’imagination de l’époque, au milieu des détails techniques, y a pro- digué ses caprices : les baleines et les dauphins bon- dissent dans l’Océan ; les vaisseaux de Colomb et de Gama le sillonnent ; l’Arabe a planté sa tente sur l’emplacement du désert ; le sauvage de l’Amérique, le nomade de l’Asie, sont dessinés chacun à sa place et d’après les relations les plus accréditées. » (Lenor- mant)

Page 195’, I. 5 : Les GotiNy Oflrogoti, precurfeurs des magot^. Les commentateurs se sont donné beau- coup de peine pour savoir ce que signifient ces Got^ et ces magot : ^. Le Duchat va jusqu’à dire que « ces deux noms femblent faire alluiion au Gog & au Magog d’Ezéchiel & de l’Apocalypfe. » Les Got^ et les Miigot^ Font tout simplement les ennemis du roi Arthus et, par suite, du Gargantua des Grandes Cronic- qiies qui i< iura deuant tous les affiftens que iamais ne beuroit ne mengeroit que les Gos et Magos neuffent tous fentiz que pefoit la maffe que il tenoit en fa main. » (p, 37). Il y a une énumération du même genre dans la quatrième épïtre du coq à Vafne de Marot :

Ils font de chaude rencontrée Bigots, cagots, godz & magodz, Fagotz, efcargotz & margotz.

Mais cette pièce est postérieure à Gargantua.

Page 199, 1. 14 : Cornes de cerfi. « Nous rctrou152 - COMMENTAIRE.

VOUS ici de quoi nous rappeler la galerie des cerfs et celle des chasses, à Fontainebleau. » (Lenormant)

Page 201, 1. i : Comment ejîoient vejiu^ les religieux &" religieufes de Theleme. Dans son Histoire du costume enFrance (Paris, Hachette, 1875, gr. in-8o, pages 354-367), M. Quicherat a considéré ce chapitre comme fournissant le type le plus exact et le plus complet de l’habillement des deux sexes, vers 1530. Nous allons reproduire, à propos de chaque passage, les éclaircisse- ments si nets et si précis que nous oflVe cet ouvrage.

L. 9 : Chauffes d’efcarlatte^ ou de migraine. « Les chausses j quand il s’agissait des femmes, n’avaient pas besoin d’être distinguées en hauts et bas^ puisque les femmes ne portaient que des bas. C’est donc de bas qu’il s’agit. Ils sont dits d’écarlute ou de migraine^ parce qu’on cii suppose taillés dans du fin drap teint en pleine ou en demi-teinture de kermès. »

L. 16 : Lesl’ouliersjefcarpinSy&pantouJies…defchic- quettecs à barbe d’efcreuijfe. « Toutes les chaussures dénommées par Rabelais… étaient extrêmement dé- couvertes, avec une bride sur le cou-de-pied ; elles étaient de plus épatées du bout et crevées, ce qui con- stituait la déchiqueture. L’imitation des barbes d’écre- visse était produite par une engrélure sur le bord des crevés. »

L. 19 : Vafijuine. « La vasquine ou basquine était un corsage ou petit pourpoint sans manches, ayant la forme d’un entonnoir. Elle était fortement serrée sur le buste qu’elle avait pour objet d’amincir graduellement jusqu’à la taille. « 

L. 22 : La cotte de lafeias d’argent. « La cotte ou robe de dessous, tendue sur la vertugale, ne devait faire aucun pli. Le travail d’aiguille d’où elle tirait sa décoration consistait en bandes horizontales ou en raies verticales d’un ornement très compliqué. »

Page 202, 1. 3 : Les robbes- félon la faifon. a La robe portée par-dessus ces appareils était très décol- letée et taillée en carré à l’ancienne façon. Les manGARGANTUA, T. I, P. 202. 155

ches en sacs avec un large retroussis de fourrure s’étaient également conservées. »

L. 10 : Marlottes. « La marlotte était un pardes- sus plus court que la robe et entièrement ouvert sur le devant, à peu près de la forme des caracos que l’on a portés en ces derniers temps. »

L. II : Bernes à la More/que. « La berne était une marlotte sans manches, d’où les bras sortaient par des fentes latérales ; mais il y avait un vaste collet qui retombait assez bas pour les couvrir. En plein xvi^ siècle, les femmes moresques de l’Andalousie n’avaient pour tout vêtement qu’un caleçon et une berne, celle-ci d^un gros tissu de laine rayé, auquel s’appliquait proprement le nom de berne (her/iia en espagnol). »

L. 19 : Les patenoftresy anneaulXy ia-^erans^ carcans. « Les carcans étaient les joyaux portés en collier, les ia^eransy des chaînes d’or que l’on disposait en guir- landes sur le corsage de la robe. Le terme de pate- nôtres paraît s’être appliqué alors, non seulement aux chapelets de prières, mais aux pendants des ceintures, qui étaient des chapelets d’orfèvrerie tom- bant sur le devant du corps jusqu’au bas de la cotte. »

L. 24 : Uacouftrement de la te fie eftoit… En hyuer à la mode Françoyfe. Au prin temps à VEfpagnole. En ejîé à la Tufqiie. « "V accoutrement de tête à la mode française était le chaperon de velours avec tem- plette et queue pendante… — La relation de l’entrée de la reine Éléonore à Bordeaux nous fait connaître la coiffure espagnole : « Elle auoit en fa tefte vne coiffe ou crefpine d’or frifé, faide de papillons d’or, dedans laquelle eftoient fes cheueux, qui luy pendoient par derrière iniques aux talons, entortillés de rubans ; & auoit vn bonnet de velours cramoify par-defTus, couuert de pierreries, où y auoit vne plume blanche, tendue à la façon que le roy la portoit ce iour-là. >> ’ Quant à la coiffure à la tusque (toscane), qui était celle des dames de Florence, elle consistait en une 154 COMMENTAIRE.

charmante petite coiffe de linon, assujettie au-dessus du front par une passe d’orfèvrerie, et sur les tempes par des broches d’or à large face. La chevelure, séparée en deux sur le devant, retombait en longs tire-bouchons derrière les oreilles. »

L. 30 : Chauffes -pour le bas cCeftamet. « Il n’y avait pas encore de bas de tricot. L’habillement des jambes conti- nuait d’être l’ouvrage des chaussetiers. Il était fait non plus de drap, mais de laines rases. Les bas étant le plus souveiit tailladés en rond, en long ou en spirale, on les doublait d’une belle étoffe qui paraissait aux crevés. »

L. 32 : Les haulc de velours. « Les haurs-de-chausses admettaient plusieurs façons, les uns bouffants, les autres collants, ceux-ci longs, ceux-là courts, tous déchiquetés, tailladés, balafrés avec des flocards ou coques de toile fine, de toile d’or, de satin ou de taf- fetas qui passaient à travers les taillades. »

L. 34 : Le pourpoint. « Le pourpoint était décolleté comme le corsage de la robe des femmes, et laissait voir tout le haut de la chemise qui montait jusqu’à la naissance du cou. Il y avait là une petite garniture froncée, d’où ne tarda pas à sortir l’idée de la colle- rette… Les termes manquent pour exprimer le travail des ciseaux et de l’aiguille sur les pourpoints élégants. »

Page 203, 1. 4 : Les faye^ & chamarres. « Les saies et chamarres furent l’équivalent de nos habits, de même que le pourpoint était celui de notre gilet. Le nom de saie£at emprunté à la cotte militaire… La cha- marre était une veste longue très ample, formée de bandes d’étoffe (soie ou velours) réunies par des galons. »

L. 6 : Les robbes. « Les robes servirent de pardessus, concurremment avec le petit manteau… La robe se mettait sans ceinture. Elle s’arrêtait à la hauteur des genoux dans le costume des gentilshommes, bour- geois et paysans ; mais dans celui des gens de robe longue, elle descendait jusqu’aux pieds. »

L. 12 : Le bonnet. « Le bonnet attribué aux Thélé- mites était la coiffure que nous appelons toque. » GARGANTUA, T. I, P. 20’y~2lO. 155

Page ao^, 1. 14 : Fay ce que vouldras. Cette règle a été souvent rappelée. M’"* de Sévigné l’avait sans cesse à la bouche : « La philosophie de Corbinelli viendra ce soir : il est écrit sur tous les appartements : Fais ce que voudras ; vive U sainte liberté’. « (Paris, 8 oc- tobre, 1688). « Fais ce que voudras est la devise d’ici. » (Brevannes, ii novembre, 1688). « Voilà à peu près la règle de notre couvent ; il y a sur la porte Sainte liberté ou Fais ce que voudras. » (Aux Rochers, 18" septembre, lôSgj.Regnard l’a légèrement modifiée ;

Pour passer doucement la vie Avec mes petits revenus. Ici je fonde une abbaye, Et je la consacre à Bacchus… Afin qu’aucun frère n’en sorte,. Et fasse sans peine ses vœux. Il sera gravé sur la porte : Ici l’on, fuit ce que l’on veut.

Page 207, I. i.- Enigme en prophétie. Dans les pre- mières éditions, jusqu’à Dolet inclusivement, le titre est : Enigme trouue es fondemens de labbaye des T/iele- mites. Cette pièce est de Melin de Sainft-Gelays, et a paru dans ses Œuvres, avec de très légères variantes, en 1574. Elle y est intitulée : Enigme en façon de pro- phétie (voyez l’édition publiée par M. Prosper Blan- chemain dans la Bibliothèque el^e’virienne, t. 11, p. 202). Les deux premiers vers et les dix derniers, qui ne se trouvent pas dans VEnigme de Saind-Gelays, appartien- nent seuls à Rabelais.

L. 17 : Feiour. Faute d’impression, lisez : feiour.

Page 210, 1. 3 : Refle en après ces accidens parfaicl^. Les dix vers de Rabelais qui commencent ici sont un peu différents dans les premières éditions jusqu’à Dolet inclusivement :

ReUe en après que yceulx trop oblige^. Pene : {. lajfe^, trauaille^, afflige^. [56 COMMENTAIRE.

Par le fainéi vueil de leternel feigneur

De ces trauaulx foient refaiél^ en bon heur :

La verra Ion par certaine f’cience

Le bien J ; fruid qui fort de patience :

Car cil qui plus de peine aura fbuffert

Au parauant, du lot pour lors offert

Plus recepura. que eji n reuerer

Cil qui pourra en fin perfeuerer.

L. 25 : Merlin le prophète. C’est désigner Melin de Sainct-Gelays d’autant plus clairement que, dans la prononciation populaire du xvr siècle, Merlin s’adou- cissait et se prononçait à peu près Mellin.

L. 28 : Defcription du leu de Puulmc. Cette explica- tion générale et toutes les explications particulières qui la suivent sont ainsi imprimées en manchettes dans les Œuvres de Sainct-Gelays :

Le jeu de paume en regard de… ce lieu ou nousfommes.

Les faifeurs de partie — …vne manière d’/iommes : .

Les loueurs — Amys entre culx.

Le changement de lieu — … aller hault.

Les arbitres — Hommes fans foy.

Le naquet — … le plus lourd.

Les fueurs — Soubdaines eaux.

Les raquettes — … leurs nerf\.

L’efteuf —. . la machine ronde.

Les foffes des ieux — En tel endroiét.

Le feu qu’on fait… grand Jlammc.