Les Œuvres de François Rabelais (Éditions Marty-Laveaux)/Pantagruel/Commentaire

TOME I

(pages 213-384)

PANTAGRUEL
Page 213. Cette page est la reproduction du frontispice de la dernière édition séparée de Pantagruel, qui a précédé l’impression du roman complet. Pour la description de cette édition et des précédentes, voir notre Bibliographie.

Nous avons établi, par des preuves qui nous paraissent irrécusables (voyez ci-dessus p. 15-19), que le Pantagruel, dont la plus ancienne édition connue est sans date et la première datée de 1533, a paru avant Gargantua, et qu’il était primitivement destiné à servir de suite à l’édition des Grandes Cronicques remaniée par Rabelais et publiée par lui en 1532 (voyez p. 23-56). La Monnoye, dans une note sur la 42e nouvelle de Des Périers, semble croire que Pantagruel a paru avant 1529. Il se fonde sur une phrase du discours de l’écolier limousin, qui se trouve dans le Champ fleury de Geoffroy Tory, publié en 1529, et qui peut paraître tirée de Pantagruel. Nous reviendrons plus loin sur cette question avec quelques détails. Pour le moment, nous nous contentons de rappeler que Rabelais, arrivé à Montpellier seulement en 1530, ne peut guère avoir publié son Pantagruel avant cette époque. D’ailleurs la date des poursuites dirigées par la Sorbonne contre cet ouvrage nous fait connaître celle de sa publication : elle se trouve indiquée, ainsi que le remarque Rathery, par une lettre latine de Calvin, d’octobre 1533, dans laquelle il raconte que la Faculté, cherchant à s’excuser d’avoir fait saisir Le Miroir de l’ame pechereſſe, de Marguerite de Valois, avait déclaré par la bouche de son suppôt, Leclerc, curé de Saint-André-des-Arcs, que ce livre avait simplement été mis à part pour être examiné, et qu’on n’avait tenu décidément condamnables que La Forêt d’amours, Pantagruel, et autres romans obscènes, « ſe pro damnatis habuiſſe obſca ; nos illos Pantagruelem, Syluam amorum, & eius monetæ. »

Pantagruel n’est pas, comme Gargantua, un personnage populaire ; toutefois, bien avant Rabelais, ce mot existe en français comme nom propre et comme nom commun. Comme nom propre il désigne un diable qui paraît plusieurs fois dans les mystères. On le trouve dans les Actes des apotres, par Arnoul et Simon Gresban, représentes en 1478 devant le roi René. Il figure aussi dans la Vie de Saint Louis par perſonnages (Bibl. nation., f. fr. 24331, fo 110, ro), et là un de ses tours est d’exciter la soif, comme le Pantagruel de Rabelais :

Ie vien de la grande cité
De paris [et] y ay eſté
Toute nuit. Onquez tel painne neu.
A cez galanz qui auoyent beu
Hier au ſuer juſqua hebreoz
Tandis qu’ilz eſtoyent au repos
Ie leur ay par ſoutille touche
Bouté du ſel dedenz la bouche
Doucement ſans lez eſueiller.

Mais par ma ſoy au reſueiller
Ilz ont eu plus ſoef la mitié
Que deuant.

Comme nom commun il désigne un violent mal de gorge, une sorte d’angine, qui suffoque et empêche presque absolument de parler. L’auteur du Vergier d’honneur dit en parlant d’un homme parvenu à une extrême vieillesse :

… le Panthagruel le grate
Si tres fort dehors & dedans,
Que parler ne peult…

On lit dans une sotie où il s’agit d’un personnage qui feint d’être muet :

… il a le lempas.
— Non vrayement, il ne l’a pas ;
Tu ſcès bien qu’il n’eſt pas cheual.
— Il a donc quelque aultre mal.
A-il point le Panthagruel ?
— On ne l’a iamais ſi cruel
Qu’il garde de parler aux gens.

(Ancien Théâtre françois, t. II, p. 235 : Sottie nouvelle à ſix perſonnaiges)

M. Picot a conclu de ce dialogue que le Pantagruel de Rabelais était depuis longtemps connu des spectateurs. « Ce motif, dit-il, nous autorise à placer la sottie nouvelle vers 1545. » (Étude sur la sottie, Romania, année 1878, p. 307). On a pu se convaincre, par les deux premiers passages que nous avons cités, que Pantagruel est beaucoup plus ancien que Rabelais.

Comme nos anciens auteurs, Rabelais a tait plus d’une fois allusion à cette signification du nom de son héros : l’écolier limousin « diſoit ſouuent que Pantagruel le tenoit à la gorge » (t. I, p. 243) ; « aultres auons ouy ſus l’inſtant que Atropos leurs couppoit le fillet de vie, ſoy grieſuement complaignans & lamentans de ce que Pantagruel les tenoit à la guorge. » (t. II, p. 235). — (Voyez encore ci-après, à la fin de la note sur la l. 15 de la p. 229,* une variante de l’édition de Marnef). C’est le nom de ce mal de gorge, de gosier, qui a donné à Rabelais l’idée de cette étymologie bouffonne : « Panta en Grec vault autant à dire comme tout, & Gruel en langue Hagarene vault autant comme altéré. » (t. I, p. 228). Le nom du peuple, les « Dipſodes, » du grec διψάω « je suis altéré, » s’accorde parfaitement avec celui du souverain.

* Il fera choſes merueilleuſes, & s’il vit il aura de l’eage. On s’attend après ces mots s’il vit à quelque promesse extraordinaire, comme dans ce passage de L’yſtoire des ſept ſages (ch. II, éd. de la Société des anciens textes français, p. 61) : « Quant les ſept maiſtres ouyrent la reſponſe dirent entre eux : ſi ceſtuy enfant vit, y ſera de luy quelque grant chouſe degne de memoire. » La plaisanterie consiste dans cette attente trompée. Cette phrase était devenue du reste une sorte de locution proverbiale : « Vous ſerez homme de bien, s’il n’y a faute ; ſi vous viuez vous aurez de l’aage. » (Noël du Fail, t. I, p. 54.) — On lit à la fin de ce chapitre dans l’édition de Marnef : « Ceulx ſont deſcenduz de Pantagruel qui boyuent tant au Soir que la nuyt ſont contrainctz de eulx leuer pour Boire et pour eſtaindre la trop grand ſoif et charbon ardant que ilz ont dedans la gorge. Et ceſte ſoif ſe nomme Pantagruel pour ſouuenance et memoire dudit Pantagruel. »

Page 214, l. 1 : Dizain de Maiſtre Hugues Salel. Ce dizain se trouve pour la première fois dans l’édition de 1534. Il y est suivi de ces mots :

Vivent tovs bons Pantagrvellistes.

qui ne sont pas dans les éditions postérieures.

Page 215, l. 7 : Les grandes & ineſtimables Chronicques. Voyez ci-dessus, p. 23.

L. 8 : Les auez creues gualantement. Premières éditions et Dolet : Les auez creues tout ainſi que texte de Bible ou du ſainct Euangile.

Page 216, l. 17 : Les appliquer au lieu de la douleur. On employait ainsi avec beaucoup de confiance certains livres édifiants. Voyez ci-dessus, p. 82, la note sur la p. 25, l. 20.*

* Ie ma parforceray, puis qu’il vous plaiſt. Au lieu du passage qui finit par ces mots et qui commence à : Couraige de brebis… on lisait dans l’édit. ant. à 1535 : Ie le prouue (diſoit il) dieu (ceſt noſtre ſaulueur) dictt en leuangile. Ioan 16. La femme qui eſt a lheure de ſon enfantement, a triſteſſe : mais lors qu’elle a enfanté, elle n’a ſoubuenir aulcun de ſon angoiſſe. Hâ (diſt elle) vous dictes bien, et ayme beaucoup mieulx ouyr telz propos leuangile, et mieulx m’en trouue, que de ouyr la vie de ſaincte Marguarite, ou quelque aultre capharderie. La vie de Sainte-Marguerite se trouve dans la plupart des livres d’heures gothiques ; on lui croyait une telle efficacité pour soulager les femmes en mal d’enfant, qu’au lieu de la lire on se contentait parfois de la leur appliquer sur la poitrine :

Tenez : mettez ſur voſtre pis
La vie qui cy eſt eſcripte :
Elle eſt de ſainte Marguerite ;
Si ſeres tantoſt deliuree.

(Miracle de l’enfant donné au diable, v. 290. Édit. de la Société des anciens textes français : Miracles de Noſtre Dame… publiés… par Gaston Paris et Ulysse Robert, t. I, p. 13).

L. 22 : Reluyſoit comme la claueure d’vn charnier. On lit dans le tiers livre (t. II, p. 117) : « plus rouillé que la claueure d’vn vieil charnier ». Ces deux passages ne sont contradictoires qu’en apparence : le fermoir d’un charnier à conserver les viandes salées est, tant qu’on s’en sert, continuellement graissé par le lard ; mais lorsqu’on n’en fait plus usage ce fermoir s’oxyde.

Page 217, l. 1 : La vie de ſaincte Marguerite. Voyez ci-dessus, p. 82, la note sur la p. 25, l. 20.*

* Ie ma parforceray, puis qu’il vous plaiſt. Au lieu du passage qui finit par ces mots et qui commence à : Couraige de brebis… on lisait dans l’édit. ant. à 1535 : Ie le prouue (diſoit il) dieu (ceſt noſtre ſaulueur) dictt en leuangile. Ioan 16. La femme qui eſt a lheure de ſon enfantement, a triſteſſe : mais lors qu’elle a enfanté, elle n’a ſoubuenir aulcun de ſon angoiſſe. Hâ (diſt elle) vous dictes bien, et ayme beaucoup mieulx ouyr telz propos leuangile, et mieulx m’en trouue, que de ouyr la vie de ſaincte Marguarite, ou quelque aultre capharderie. La vie de Sainte-Marguerite se trouve dans la plupart des livres d’heures gothiques ; on lui croyait une telle efficacité pour soulager les femmes en mal d’enfant, qu’au lieu de la lire on se contentait parfois de la leur appliquer sur la poitrine :

Tenez : mettez ſur voſtre pis
La vie qui cy eſt eſcripte :
Elle eſt de ſainte Marguerite ;
Si ſeres tantoſt deliuree.

(Miracle de l’enfant donné au diable, v. 290. Édit. de la Société des anciens textes français : Miracles de Noſtre Dame… publiés… par Gaston Paris et Ulysse Robert, t. I, p. 13).

L. 5 : Il eſt ſans pair… Ie le maintiens iuſques au feu, excluſiue. Premières éditions jusqu’à Dolet inclusivement : Il ny en a point. Burgaud des Marets a conservé les deux passages, trouvant le premier PANTAGRUEL, T. I, P. 217.

nécessaire au sens. La promesse de maintenir son opi- nion jusqu’au feu exclusivement est une allusion comique aux paroles par lesquelles le souverain pontife, en re- mettant le chapeau à un nouveau cardinal, l’exhorte à défendre la foi, ju, ; qu’à la. mort inclusivemem :: « Ac- cipe galerum rubrum… per quod designatur quod usque ad mortem et sanguinis eft’usionem inclusive pro exaltatione sanctce fidei… te intrepidum exhibera debeas. » (Pascal, Dlct. de la. liturgie catholique, au mot Chapeau, Collect. Migne). Cette plaisanterie revient à chaque instant chez Rabelais : « Créditeurs font (ie le maintiens iufques au feu exclufiuement) créatures belles & bonnes ; (t. II, p. 26) — Maintiens iufques au feu, (exclufiuement entendez) que les Turcs ne font aptement armez, veu que braguettes porter eft chofe en leurs loix défendue ; (t. il, p. 44) — le dis & main- tiens iufques au feu (exc’iulîuement entendez & pour caufe) que vous eftes grands gens de bien. » (Ancien Prologue du. Quart Hure). — Montaigne s’est exprimé de même, probablement à l’imitation de Rabelais : « La caufe générale & iufte ne m’attache… que modérément & fans fiéure… le fuiuray le bon party iufques au feu, mais exclufiuement fi ie puis. » [Essais, liv. III, ch. I, t. III, p. 244-245)

L. 10 : Liures dignes de haulte fujiaye. Premières éditions et Dolet : dignes de mémoire. En remplaçant mémoire par haulte fuftaye, l’imprimeur n’a pas sup- primé digne, comme il aurait dû le faire.

L. 18 : Qii’il ne fera, acheté de Bibles en neuf ans.

Tenant ma boutique au Palais, En moins de neuf ou dix iournécs l’ay plus vendu de Rabelais, Que de Bibles en vingt années.

{Vvn Libraire. Premières ceuures françoyfes de lean de

la leflee. — Anvers, C. Plantin, 1583, in-4« , 1. 1, p. 412)

!.. 1% : Véritable… crocquenotaire de amours. On lit

IV. I t 62 COMMENTAIRH.

dans les trois premières éditions : véritable : agentes & confentlentes, cejl a dire^ qui na confciencé na rien. lai parle comme fain£i Lehan de Lapocalypfe. Puis vient : qtiod vidimus teftamur « nous témoignons ce que nous auons vu. i » Ce texte est tiré du verset i’"" de l’épître i de saint Jean.

Page 218, 1. 5 : Mau de terre vous vire. 1537 et Dolet donnent la forme gasconne : bous bire.

L. 6 : Le miulubec vous troujfe. Voyez ci-dessus p. 65 la note sur la p. 7, 1. 9.

h. S : Le mau fin feu de ricqueracque, ’^^’Jf’- njenu que poil de vache. En prononçant vactjue^ à la picarde, on trouve ici un quatrain grossièrement rimé.

L. II : En cefte prefente chronicque. A la suite de ce prologue, on trouve dans deux, éditions in-i6, P. de Tours (sans date) et 1553 sans nom de lieu, la pièce suivante : « Dixain nouuellement compolé à la louange du ioyeux efprit de l’auteur.

Cinq cens dixains, mille virlais. Et en Rime mille viradcs, Des plus gentcs, & des plus fades De Marot, ou de Saingelais, Payez content fans nulz délais, En prefence des Oreades, Des Hymnides, & des Dryades, Ne fuffiroient, ny Pontalais A pleines balles de Ballades Au dode, f.’ gentil Rabelais, n

Il faut lire, au septième vers, Lymnides au lieu de : Hymnides.

Page 219, 1. 9 : Non fcullement… éternel^. Premièveii éditions : Non feulement des Grec^. des Arabes. ÇSf Et/ifiicques^ mais auffc les auteurs de la faincle efcripture. comme monfeigneur fain£l Luc mefmement. & fainil Matthieu.

Page 220, 1. 8 ; Deb’uorihus à gauche, u Par allu- fion au licut ik. nos diniittimus debitoiibus nortris. ſur lequel article il eſt peu de chrétiens qui ne gauchiſſent. » (Le Duchat). « En Picardie et dans l’Artois, être comme debitoribus, c’est s’arrêter stupéfait, avoir l’air étonné et niais. Dans le pays messin, l’expression de comme debitoribus s’est aussi conservée, et même la tradition la rapporte au passage du Pater. » (Burgaud des Marets)

L. 33 : Ventrem omnipotentem. « Ventre tout puissant. »

Page 221, l. 1 : Sainct Panſart. Au lieu de fainct lisez ſainct. — Non-seulement Henri Estienne a parlé de ce saint, mais il en a mentionné deux autres du même genre : « Vn curé au bourg de Quercy, parmy ſon proſne parlant du Mardi gras, autrement dit Quareſme-prenant ou Quareſm’entrant, recommanda à ſes paroiciens ces trois bons ſaincts, S. Panſſard, S. Mangeard & S. Creuard. » (Apologie pour Hérodote, t. III, p. 182)

L. 12 : Par le corps. L’édit. de Marnef ajoute ; « et carre a laduenant, car deux radz de front chaſcun vne hallebarde au col euſſent peu facillement marcher & paſſer deſſus. »

L. 21 : Les couilles de Lorraine. — « Les horrificques couilles de Lorraine, les quelles à bride aualée deſcendent au fond des chauſſes. » (t. II, p. 47). — Voltaire les appelle : « L’attribut de Lorraine. » (Épître à Pallu, 1725)

L. 23 : Aultres croyſſoient par les iambes… Et les petits grimaulx les appellent en grammaire Iambus.Iambus, « ïambe, » terme de métrique, devait souvent être prononcé jambus par les écoliers, lorsque l’i et le j n’étaient pas distingués dans l’impression.

Page 222, l. 1 : Ne reminiſcaris. Commencement du verset de l’antienne : Ne reminiscaris delicta nostra, « ne vous rappelez pas nos fautes, » qui est tirée de Tobie, III, 3, et se chante avant et après les 7 psaumes pénitentiaux. Rabelais, qui vient de parler de ceux qui ont un grand nez, entend par ne reminiscaris, « rappelez-vous leur nez. » 164 COMMEN’TAIRE.

L. 9 : Chalbroth. Les noms de ces géants sont puisés à diverses sources : ils sont tirés de la Bible, de la mythologie, de l’histoire ancienne, des romans de chevalerie, des traditions populaires ; quelques-uns sont de l’invention de l’auteur. Tous figurent à notre Table des noms. Sterne se rappelle cette plaisante énu- mération lorsqu’il fait dire au caporal Trim, au com- mencement de l’Histoire du roi de Bohème et de ses sept cliâteuux : « C’était, sauf votre respect, un peu avant l’époque o\x les géants cessèrent d’engendrer ; mais en quelle année de Notre-Seigneur c’était… — Je ne donnerais pas un sou pour le savoir, dit mon oncle Toby. )> {Tristram Shandy, liv. VHI, ch. CCLXIII, t. 11, P- 187,

L. 22 : Etion… Bartachim. L’édition de Marnef : « Etion qui engendra Badeloury qui tua sept vaches pour menger leur foye. « 

Page 223, 1. 10 : Lequel eut terriblement beau’ne^ à boyre au baril. Dans son Grand teftament (p. 73), Villon, après s’être demandé ce qu’il donnerait à Genevois, se décide à lui laisser son barillet, parce que le. beau nez de son ami le désigne pour un legs de cette nature :

Le barillet ? Par m’ainc, voyre !

Gcncuoys cft le plus ancien.

Et plus beau nez a pour y boire.

L. 24 : FracaJfuSj duquel a efcript Merlin Caccaie. Voici le passage auquel Rabelais fait allusion :

Primus erat quidam Fracaffus proie Gigantis, Cuius rtirps olim Morganto venit ab illo, Qui bacchioconem camp.ina ferre folcbat, Cum que mille hominum colpos fracafTct in vno. (MerlinusCocaius, Macaronea fccunda, Venctiis, H. deGobbis, 1581, p. Ç7)

Page 224, 1. 18 : Grand Go fier. Cette forme du nom est celle qu’on trouve dans les Grandes Croniques dont Pantagruel est la suite ; quand Rabelais l’a eu PANTAGRUEL, T. I, P. 224-228. 165

changée en Grandgoujîer dcins Gargantua, il a oublié de la modifier ici.

L. 33 : Ledicl Hurtaly nejîoic dedans l’arche de Noé… mais il efloit deffus. « Les rabbins disent cela, non de Hurtaly, mais d’Og, roi de Basan. )> {Arche de Noé. par Le Pelletier, ch. xxv, p. 236)

Page 225, l. ^ : Le gros toreau de Berne. Pontiner, l’un des chefs des Suisses. Rabelais en reparle au Quart Hure (t. 11, p. 414).

L. 14 : Icaromenippe. Dans le dialogue de Lucien qui porte ce titre, le philosophe Ménippe est ainsi nommé parce qu’il raconte ses voyages à travers les airs, à la façon d’Icare.

Page 226, I. 6 : Badebec, fille du Boy des Amaurotes en Vtopie. Dans les Grandes Cronicques (édit. de 1Î33, voyez ci-dessus p. 54, note) la femme de Gargantua se nomme comme ici Badebec, mais elle est « fille du roy Mioland. » — Quant au royaume d’Utopie (de la négation où, et de to’-c ? , lieu), c’est une contrée imagi- naire créée par Thomas Morus dans son Utopia, pu- bliée pour la première fois en 1516. Dans le livre de Morus, la ville des Amaurotes (àu-aupoç, obscur,inconnu) est la capitale du pays.

L. 19 : Au temps de Helye. Allusion à ce passage des RoisjUi.. 17, I : « En ce temps-là, Elie de Thesbé, un des habitants de Galaad, dit à Achab… : « Il n’y aura durant ces années, ni rosée ni pluie, que selon la parole qui sortira de ma bouche. »

Page 227, 1. 8 : AUbantes. « Qui ne peuvent faire de libations (faute d’eau). » Ce mot ne se trouve pas dans Homère, mais dans son commentateur Eustathe, à propos du vers 201 du 6« chant de VOdyssée.

L. 19 : Comme le mauluais Riche. Il y a ici une forte ellipse ; le sens du passage est : comme le pauvre dans la parabole du mauvais Riche.

L. 31 : Vialaclea. Sur l’utilité de la Voie lactée pour les « lifrelofres lacobipetes, » voyez tome m, p. 285.

Page 228, 1. 25 : Que n’ejloit l’eaiie de la mer. [66 COMMENTAIRE.

On lit aprè^ ces mots, dans l’édition de Marnef, 1533, in-S" :

« Vne aultre plus grant aduenture arriua celle fep- maine au géant Gargantua. Car vng mefchant vefti- bouiier charge de deux grands poches de fe ! auecques vng os de iambon quil auoit cache en fa gibeffiere entra dedans la bouche du pauure Gargantua, lequel dormoit la bouche ouuerte a caufe de la grant foif quil auoit. Ce mauuais garfon eftant entre la dedans a gette grant quantité de fel par le palais et goufier dudit Gar- gantua lequel fe voyant tant altère et nauoit aucun remède pour eftaindre icelle altération et Soif quil en- duroit, de grant raigeeftrainct et ferre fi fort les dentz et les faict heurter fi rudemenr lui>e contre lautre quil refTcmbloit que ce feuflent batailtz de moulins. Et ainfi que le galiant ma defpuis dict et racompte (auquel on euft facillement eftouppe le cul dung boyteau de fain) de paour quil eut fe laiffa cheoir comme vng homme mort ilv habandonna fes deux facz plains de fel dont il tourmentoit fi fort le pauurcGargantua,Lciquelz furent foubdainement tranfgloutis qt abifmez. Ledit galiant reuenu de pafmoyfon iura quil (en vengeroit. Lors a mis la main en fa gibeffiere et tira vng gros os de Jam- bon fort falle, auquel cftoit encores le Poil long de deux grands Piedz et quattre Doigs, Et par moult grant yre le mect bien auant en la gorge dudit Gargantua. Le pauure homme plus altère quil neftoit par auant et fentant le poil dudict os de iambon qui luy touchoit au cueur tut contrainctde vomiret getter toutce quil auoit dedans le corps que dixhuyt Tunibereaulx neuffent fceu trainer. Le compaignon qui eftoit muce dedans lune de fes dentz creufes fut contrainct de desloger fans trom- pette, lequel eftoit en fi piteux ordre Que tous ceulx qui le veoient en auoient grant horreur. Gargantua adreflant fa veue contre bas aduifa fe maiftre Cai- gnardicr qui fe tournoit et viroit dedans celle grant marc tafchantfe mettre hors, Et penfa en luy mefmes que ceftoit quelque Ver qui lauoit voulu picquer au Cueur, et fut bien ioyeulx quil eſtoit ſailly de ſon corps. »

L. 26 : Luy impoſa tel nom. Sur le nom de Pantagruel, voyez ci-dessus, p. 158-160, la note sur la p. 213.*

* cette question avec quelques détails. Pour le moment, nous nous contentons de rappeler que Rabelais, arrivé à Montpellier seulement en 1530, ne peut guère avoir publié son Pantagruel avant cette époque. D’ailleurs la date des poursuites dirigées par la Sorbonne contre cet ouvrage nous fait connaître celle de sa publication : elle se trouve indiquée, ainsi que le remarque Rathery, par une lettre latine de Calvin, d’octobre 1533, dans laquelle il raconte que la Faculté, cherchant à s’excuser d’avoir fait saisir Le Miroir de l’ame pechereſſe, de Marguerite de Valois, avait déclaré par la bouche de son suppôt, Leclerc, curé de Saint-André-des-Arcs, que ce livre avait simplement été mis à part pour être examiné, et qu’on n’avait tenu décidément condamnables que La Forêt d’amours, Pantagruel, et autres romans obscènes, « ſe pro damnatis habuiſſe obſca ; nos illos Pantagruelem, Syluam amorum, & eius monetæ. »

Pantagruel n’est pas, comme Gargantua, un personnage populaire ; toutefois, bien avant Rabelais, ce mot existe en français comme nom propre et comme nom commun. Comme nom propre il désigne un diable qui paraît plusieurs fois dans les mystères. On le trouve dans les Actes des apotres, par Arnoul et Simon Gresban, représentes en 1478 devant le roi René. Il figure aussi dans la Vie de Saint Louis par perſonnages (Bibl. nation., f. fr. 24331, fo 110, ro), et là un de ses tours est d’exciter la soif, comme le Pantagruel de Rabelais :

Ie vien de la grande cité
De paris [et] y ay eſté
Toute nuit. Onquez tel painne neu.
A cez galanz qui auoyent beu
Hier au ſuer juſqua hebreoz
Tandis qu’ilz eſtoyent au repos
Ie leur ay par ſoutille touche
Bouté du ſel dedenz la bouche
Doucement ſans lez eſueiller.

Mais par ma ſoy au reſueiller
Ilz ont eu plus ſoef la mitié
Que deuant.

Comme nom commun il désigne un violent mal de gorge, une sorte d’angine, qui suffoque et empêche presque absolument de parler. L’auteur du Vergier d’honneur dit en parlant d’un homme parvenu à une extrême vieillesse :

… le Panthagruel le grate
Si tres fort dehors & dedans,
Que parler ne peult…

On lit dans une sotie où il s’agit d’un personnage qui feint d’être muet :

… il a le lempas.
— Non vrayement, il ne l’a pas ;
Tu ſcès bien qu’il n’eſt pas cheual.
— Il a donc quelque aultre mal.
A-il point le Panthagruel ?
— On ne l’a iamais ſi cruel
Qu’il garde de parler aux gens.

(Ancien Théâtre françois, t. II, p. 235 : Sottie nouvelle à ſix perſonnaiges)

M. Picot a conclu de ce dialogue que le Pantagruel de Rabelais était depuis longtemps connu des spectateurs. « Ce motif, dit-il, nous autorise à placer la sottie nouvelle vers 1545. » (Étude sur la sottie, Romania, année 1878, p. 307). On a pu se convaincre, par les deux premiers passages que nous avons cités, que Pantagruel est beaucoup plus ancien que Rabelais.

Comme nos anciens auteurs, Rabelais a tait plus d’une fois allusion à cette signification du nom de son héros : l’écolier limousin « diſoit ſouuent que Pantagruel le tenoit à la gorge » (t. I, p. 243) ; « aultres auons ouy ſus l’inſtant que Atropos leurs couppoit le fillet de vie, ſoy grieſuement complaignans & lamentans de ce que Pantagruel les tenoit à la guorge. » (t. II, p. 235). — (Voyez encore ci-après, à la fin de la note sur la l. 15 de la p. 229,* une variante de l’édition de Marnef). C’est le nom de ce mal de gorge, de gosier, qui a donné à Rabelais l’idée de cette étymologie bouffonne : « Panta en Grec vault autant à dire comme tout, & Gruel en langue Hagarene vault autant comme altéré. » (t. I, p. 228). Le nom du peuple, les « Dipſodes, » du grec διψάω « je suis altéré, » s’accorde parfaitement avec celui du souverain.

* Modèle en boucle détecté : Page:Rabelais marty-laveaux 04.djvu/175

L. 28 : Langue Hagarene. Langue du fils d’Agar, des Arabes.

Page 229, l. 10 : Lachement non en lancement. Allusion à Landsman, « compatriote, » en allemand. Nous avons vu plus haut (t. I, p. 24) : « lans, tringue : à toy, compaing. »

L. 15 : Il fera choſes merueilleuſes, & s’il vit il aura de l’eage. On s’attend après ces mots s’il vit à quelque promesse extraordinaire, comme dans ce passage de L’yſtoire des ſept ſages (ch. II, éd. de la Société des anciens textes français, p. 61) : « Quant les ſept maiſtres ouyrent la reſponſe dirent entre eux : ſi ceſtuy enfant vit, y ſera de luy quelque grant chouſe degne de memoire. » La plaisanterie consiste dans cette attente trompée. Cette phrase était devenue du reste une sorte de locution proverbiale : « Vous ſerez homme de bien, s’il n’y a faute ; ſi vous viuez vous aurez de l’aage. » (Noël du Fail, t. I, p. 54.) — On lit à la fin de ce chapitre dans l’édition de Marnef : « Ceulx ſont deſcenduz de Pantagruel qui boyuent tant au Soir que la nuyt ſont contrainctz de eulx leuer pour Boire et pour eſtaindre la trop grand ſoif et charbon ardant que ilz ont dedans la gorge. Et ceſte ſoif ſe nomme Pantagruel pour ſouuenance et memoire dudit Pantagruel. »

Page 230, l. 15 : In modo & figura. « En mode et figure. »

Page 231, l. 2 : Troys arpens & deux ſexterees. « A laquelle playe il ne trouua nul fons. » (Grandes Cronicques, p. 29)

L. 28 : Foy de gentil homme. Voyez ci-dessus, p. 107, la note sur la p. 66, l. 4.*

* Commencerent à renier & iurer. Ces mots sont suivis, dans l’édition antérieure à 1535, de rénumération suivante : « Les plagues dieu. Ie renye dieu, Frandiene vez tu ben, la merde, po cab de bious, das dich gots leyden ſchend, pote de chriſto, ventre ſainct Quenet, vertus guoy, par ſainct Fiacre de Brye, ſainct Treignant, ie foys veu à ſainct Thibaud, Paſques dieu, le bon iour dieu, le diable memport, foy de gentilhomme, Par ſainct Andouille, par ſainct Guodegrin qui feut martyrize de pomes cuyttes, par ſainct Foutin lapoſtre, par ſainct Vit, par ſaincte mamye. — Les éditions de 1535, 1537 et Dolet présentent la même variante ; seulement : Ia martre ſchend y remplace pote de chriſto ; Carimary, Carimara, foy de gentilhomme ; Nè diâ Mà diâ, par ſainct Vit.Po cab de bious équivaut à : « Têtebleu. » — Das dich gots leyden ſchend signifie : « Que la passion de Dieu t’envoie [au diable]. » — Pote… pour potere di Chriſto : « Pouvoir de Christ. » Pote est peut-être une allusion au mot libre italien

L. 30 : Da iurandi. Dans la grammaire de Donat, le maître, demandant à l’élève de lui énumérer les adverbes qui servent à l’affirmation, au serment, lui dit : 68 COMMENTAIRE.

Da iurandi. Ces souvenirs grammaticaux sont fréquents dans notre ancienne littérature :

Or me rcfpons : da numeri Vt ter. quater, da negandi Vt non, [Ancien théâtre français, t. m, p. 39. Moralité nouuelle des en/ans de maintenant)

Page 232, 1. 3 : Bonnes gens, ie ne vous peulx vcoyr. On lit aussi dans le Prologue du Quart liure^ t. Il, p. 253 : « Gens de bien, Dieu vous faulue &guard. Où eftez vous ? le ne vous peuz veoir. « Voyez le Com- mentaire.

L. dernière : Et mourut Van & iour que trefpajfa.

Cy gift Pernet le Franc Archier, Qui cy mourut fans defmarcher

Et mourut l’an qu’il trefpàira. (Œuvres de Villon, p. 158 : Monologue du franc archier de Baignollet)

Page 234, 1. 29 : Monfuur de l’Ours. Voyez ci- dessus p. 128, la note sur la p. 12J.

Page 235, 1. 8 : Le pajfaige du pfauhier. — Voyez Psaumes^ CXXXV, v. 20.

L. 20 : A reculorum. « A l’écart, en arrière. » — (( Be- neueniatis qui apportatis, qui nihil apportatis ù recu- lorum, « dit Mathurin Cordier. [De corrupti fermonis emendatione. Éd., de 1531, p. 433)

Page 237, 1. 10 : Qu’on appelle de prefent la grand arhalefte de Chantelle. Premières éditions : Qui cjl de prefent en la grojfe tour de Bourges.

Page 238, 1. 9 : Print… campos. « Prit les champs, » prit un congé ; terme d’écolier.

L. 21 : PiEloribus atque poetis^ ÇSfc.

Pictoribus atquc poetis Qui^llibet audcndi sempcr fuit œqua potestas.

(Horace, Art poétique, v. 9 et 10) PANTAGRUEL, T. I, P. 239-24I. 169

Page 239, 1. 3 : Qu’ils faifo yen t brujler leurs regens tout vif^. Jean Caturce ou Cadurque, professeur en droit, avait été brûlé à Toulouse au commencement du mois de juin 1532. (Théodore de Bèze, Hist. ecclés.)

L. 18 : Les femmes y louent voluntiers du ferrecropy ère. Les dangers étaient si grands que les auteurs de guides croyaient devoir les signaler aux étrangers : « Caueas hîc pulpamenti Terentiani venditores & proxenetas,qui fe fiftent tibi quamprimum vrbem ingreffus fueris. Norifque merces illos corruptiffimas vsnum exponere. » (Jodocus Sincerus, îtinerarium dilliœ. 1616, p. 252)

L. 30 : Le jpertuys encores y apparoijl. « C eil un trou, qui commençant dans l’abbaye de Saint-Pierre, traverfe affez loin fous le Rhône. » (Le Duchat]

Page 241, 1. i ; Comment Pantagruel rencontra vn Limojîn^ qui contrefaifoit le langaige Françoys. Pas- quier a dit, à propos du langage de l’écolier limousin : « Pétrarque acquit la vogue entre les flens^ pour ne s’eilre feulement arrefté au langage tofcan, ains auoir emprunté toutes paroles d’eslite en chaque fujet de diuerles contrées de l’Italie… Le femblable deuons- nous faire chacun de nous en noftre endroit pour l’ornement de noftre langue, & nous ayder mefme du grec & du latin non pour les efcorcher inepte- ment, comme fit fur noftre ieune aage Helifaine, dont noftre gentil Rabelais s’eft mocqué fort à propos en la perfonne de l’écolier limoufîn qu’il introduit parlant à Pantagruel en langage efcorche latin. » ( Lettres yliv. ii, p. 53). Qu’Helisenne de Crenne ait parlé le langage de l’écolier limousin, rien n’est plus sûr ; mais ce n’est pas elle que Rabelais a eue en vue, car ses livres n’ont paru qu’après le Pantagruel. Il y a au contraire, comme on te verra dans la note suivante, une identité complète entre certains passages de l’é- pître « aux lecteurs » du Champ jleury de Geofroy Tory et du discours de l’écolier limousin. Chacun des mots employés par celui-ci se trouvera dans notre Glossaire. Quelques-uns d’entre eux, aujourd’hui tort I/o COMMENTAIRE.

en usa^e, n’attirent plus notre attention, mais devaient sembler très étranges aux contemporains de Rabelais, et concourir autant que les autres à l’effet comique du morceau. De ce nombre sont : patriotique ^ crépuscule. indigène. M. Littré ne les a pas relevés dans le discours de l’écolier limousin, et les cite seulement d’après des écrivains du siècle dernier. Nous tâcherons d’indiquer, le plus exactement possible, la- date de leur introduc- tion dans notre langue.

L. 22 : De Vomnijuge omni forme Cî^" omnigene fe.ve féminin. Tout le passage qui précède se trouve textuel- lement dans l’avis « Aux Lefteurs » du Champ jlcury de Geofroy Tory : « le vouidrois quil pleuft a Dieu me donner la grâce que ie peufle tant faire par mes parolles & requeftes, que ie peuiïe pcrfuader a daul- cuns, que lilz ne vouloient faire honneur a noftre Langue Françoife, au moings quilz ne la corrumpif- fent point ? le treuue quil y a Trois manières dhommes qui fefbaftent & efforcent a la corrumpre ik. difformer. Ce font Efcumeurs de Latin, Plaifanteurs, ot largon- neurs. Quant Efcumeurs de Latin difent Defpumon la verbocination latiale, & transfreton la Sequane au dilucule & crepufcule, puis deambulon par les Qua- driuies 9c Platées de Lutece, & comme verifimiles amorabundes captiuon la beniuolence de lomnigene &. omniforme fexe féminin, me femble quilz ne fe moucquent feuUemcnt de leurs femblables, mais de leur mefme Pcrfonne. » Quelques commentateurs ont voulu voir Va une critique dirigée par Geotroy Tory contre Rabelais, accusé, ce qui serait assez juste, de tomber parfois dans le travers qu’il reproche si amère- ment à autrui ; mais Pantagruel est de plusieurs an- nées postérieur au Champ Jleury. L’auteur de ce der- nier ouvrage nous raconte avec complaisance comment il en traça le plan « le matin de la fefte aux Roys… M. D. xxiir. » Le privilège est de « Lan de grâce Mil Cinq Cens Ving Six ; » l’achevé d’imprimer, du « mer- credy. XXVIII. Tour du Mois Dapuril. Lan Mil Ciiicq Cens. xxix. » En admettant même, ce qui est possible, que Geofroy Tory ait écrit son avis « aux lecteurs » quelques jours seulement avant l’impression, Rabelais ne pouvait avoir publié une première édition de Pantagruel puisqu’il n’arriva à Montpellier qu’en 1530, qu’il était alors exclusivement occupé de médecine et que ce ne fut qu’à Lyon qu’il commença à donner un autre cours à ses travaux. Ce n’est donc pas Geofroy Tory qui a critiqué Rabelais, mais Rabelais qui a fait un emprunt à Tory ; et cet emprunt n’est pas le seul, comme nous le ferons voir dans un instant.

L. 23 : Nous inuiſons les lupanares. Les premières éditions indiquent où ils se trouvaient : des lupanares de Champgaillard, de Matcon, de Cul de fac, de Bourbon, de Huilieu. » (in-4o) — Dans l’édition de Marnef, au lieu de Huſlieu, on lit : de Glattigfiy, de Huſleu et de Grenetal. — Le Champgaillard correspond à la rue d’Arras près celle de Saint-Victor. — La rue de Matcon était près de l’ancienne rue de la Vieille-Bouclerie. Rabelais écrit Matcon pour Mâcon comme plus haut (p. 78, note de la p. 22, l. 24) Flac con pour flacon, dans une intention analogue. — Le Cul-de-fac Bourbon était près du Louvre ; le lupanar de Huslieu, rue du Grand-Hurleur ; celui de Glattigny ou du Val d’amour en la Cité est indiqué par Guillot de Paris, dans son Dict des rues de Paris, composé vers la fin du xiiie siècle. — Grenetal, c’est l’emplacement de la rue Grenetat.

Page 242, l. 2 : La pomme de pin. Villon fait deux fois allusion à ce fameux cabaret (Petit Testament, xx, p. 13 ; Grand Testament, xci, p. 61). Il était tenu en 1457 par Robin ou Robert Turgis, et situé rue de la Juiverie, en la Cité, tout auprès de l’église de la Madeleine, où la veuve de Robert Turgis, Marguerite Joly, fonda une chapelle avant 1495. (François Villon et ses légataires par Auguste Longnon, Paris, Lemerre, 1873, p. 31). Sa réputation s’est longtemps 1/2 COMMENTAIRE.

maintenue. Mathurin Régnier l’a mentionné à son tour, il a dit en parlant d’un pédant [Satires, x, p. 78) :

Son nez haut releué fembloit faire la nique A rOuide Nafon, au Scipion Nafique, Où maints rubiz balez tous rougiflants de vin Monflroient vn hac itvr à la pomme de pin.

L. 2 : Du cajlel. Cette taverne est probablement la même que celle qui est appelée plus loin, chap. xvil, t. I, p. 302, « le cabaret du chafteau. « 

L. 12 : Lefche du iour. Rayon ; mot à mot : tranche, aiguillette. Les éditeurs de Rabelais n’ont pas re- marqué que c’est encore là un emprunt fait à Geofroy Tory, qui, du reste, n’attribue pas cette expression aux « efcumeurs de Latin » mais aux « Plaifanteurs » : « Quant les Plaifanteurs, que ie puis honneftement appeller, Delchiqueteurs de Langage, difent Mon- fleur du Page : fi vous ne me baillez vne lefche du iour, ie me rue a Dieu, & vous dis du cas, vous aures nafarde fanguine, me femblent faire auffi grant dommage a noftrc Langue, qu’ilz font a leurs Habitz, en déchiquetant & confumant a oultrage ce qui vaultmyeulx entier que decife & mutile mefchan- tement. « 

Page 243, 1. 18 : Vee… grou. Cette réponse est en patois limousin : « Eh ! dites… Ho ! Saint-Martial, aide- moi. Ho ! ho ! laissez-moi, au nom de Dieu, et ne me touchez pas. »

L. 24 : SainEl Alipentln. Les premières éditions ajou- tent : (( Corne my de bas. n

L. 27 : // dlfoit fouuent que Pantagruel le tenait à la gorge. Voyez p. 159, note sur la p. 213.

L. 29 : Mourut de la mort Roland. C’esc-à-dire : mourut de soif. D’après une légende populaire, Ro- land était mort de soif sur le champ de bataille de Roncevaux. Jean de La Bruyère Champier, qui raconte cette tradition dans son De re cibaria (liv. XVI, ch. 5), cont-Late qu’elle avait donné lieu à un proverbe couPAKTAGRUEL, T. I, P. 243-245. ly >

rant : « inde noftri iiitolerabili fiti & immiti volentes figni- ficarefe torqueri,facete aiuntRolandi morte fe perire. »

L. 30 : Ce que die… Aule Gelle, qu’il nous comàent parler félon le Ungaige vfité. Dans les Nuits uniques d’Aulu Celle (i, 10), Favorinus dit à un jeune homme qui afTecte d’employer des mots archaïques : « Vive ergo moribus prjetcritis, loquere verbis prssentibus, atque id quod a C. Cssare in primo de Analogia libro scriptum est, habe semper in memoria atque in pec- tore, ut tanquam scopulum sic fugias inauditum atque insolens verbum. »

L. 32 : Oclauiû-n Augufle. Les premières éditions por- tent Cefar. avec raison, comme on le voit par la note qui précède.

Page 244, 1. 8 : Fut aduerty… hors terre. Pre- mières éditions ; Fut aduerty quil y auoit vue grojfe ÇS’ énorme cloche a faincî Aignan dudict Orléans^ qui ejioit en terre près de troys cens ans y auoit : car elle eJloit fi S^JF^ ? "^ P^ ^^"^ engin Ion ne la pouuoit mettre feulement hors de terre.

Page 245, 1. 8 : Nous auons.. . les gorges f allées. Voyez ci-dessus p. 159, note sur la p. 213.

L. 12 : Le peuple de Paris. L’édition de IVIarnelf" ajoute « maillotinien, » qui est devenu dans d’autres « mail- lotinier, « et qui signifie séditieux, par allusion à la révolte des maillotins en 1382.

L. 12 : Soc par nature. Les premières éditions s’ar- rêtent ici ; c’est l’éd, de i5’37 qui ajoute « par bequarre, par bémol, » c’est-à-dire : « dans tous les cas, de toute façon. » Cette locution revient très souvent dans les farces :

Sotz de bémol, [de] bécarre & nature.

(Ancien théâtre françois, t. 11, p. 244 : Sottie des trompeurs)

Dans le Tiers Hure (ch. xxxvill, t. Il, p. 181), Pan- tagruel déclare Triboulet « fol de nature ; « et Panurgc ajoute : « fol de b quarre & de b mol. » 174

COMMENTAIRE,

L. 15 : A remotis. « A l’écart. 1

L. 17 : Pour atacher au col de fa iumcnt. Voyez ci-dessus les Grandes Cronicques. p. 34.

L. 23 : La librairie de faincl Vicior. Il n’est parlé que dans ce seul chapitre du roman de Rabelais de la bi- bliothèque de l’abbaye de Saint- Victor ; mais il n’est peut-être pas sans intérêt de remarquer qu’il en est déjà question dans l’édition de 1533 des Grandes Cro- nicques où Pantagruel est annoncé (voyez ci-dessus, p. ’^'y^ note) : « quelque iour que meffîeurs de faine Viftor vouldront on prendra la coppie de la rcfte des faiftz de Gargantua, & de fon filz Pantagruel. » Rabe- lais n’est pas le seul qui ait vivement attaqué la com- position de la Bibliothèque de Saint- Victor. Passavant écrit à Pierre Liset : « Tu es bene dignus cum mo- nachis tuis, qui confumas vitam tuam in iftis foedif- flmis latrinis, quibus eft plena Bibliotheca Sanfti Viftoris, ficut porcus in luto, quod tu es. » Scaliger l’apprécie ainsi : « Il n’y a rien qui vaille dans la Bi- bliothèque de Saint-Viftor à Paris ; ce n’eft pas fans caufe que Rabelais s’en moque, n [SaRgerana^ article Bibliotheca Florentina)

Une bonne partie du burlesque catalogue de livres dressé par Rabelais est de pure invention. Il nous en prévient lui-même dans cet avis final : « aulcuns font ia imprimez, & les aultres l’on imprime maintenant. » Néanmoins dans le Catalogue de la Bibliothèque de l’abbaye de Saint-Victor au x »’/" siècle rédigé par Fran- çois Rabelais, commenté par le bibliophile Jacob et suivi d’un Essai sur les bibliothèques imaginaires par Gustave Brunet (Paris Techeuer, 1862), M. Paul La- croix croit pouvoir avancer « que Rabelais, en inven- tant, ou plutôt en travestissant un titre de livre, a toujours eu sous les yeux ou dans la pensée un livre imprimé ou manuscrit, sinon plusieurs à la fois, comme point de départ. »

Telle n’est pas l’opinion de M. Léopold Delisle. cf II est bien évident, dit-il, que les plaisanteries de RabePANTAGRUEL, T. I, p. 245- 175

lais ne s’adressent pas en particulier à la bibliothèque de Saint-Victor ; il paraît même fort douteux que ce dépôt ait renfermé sous François i<=’" beaucoup des ouvrages dont les titres ont été si comiquement tra- vestis dans Pantagruel ; et l’auteur du Catalogue de la bibliothèque de l’abbaye de Saint-Victor au xvi^ siècle aurait pu, suivant nous, se dispenser de comparer le chapitre vil du second livre de Rabelais avec le cata- logue de Claude de Grandrue ; il se serait épargné des rapprochements dont la justesse pourra être parfois contestée. » {Le Cabinet des manuscrits de la Bibliothèque nationale, t. Il, p. 232, note 2). — Le répertoire sati- rique dressé par Rabelais s’est accru d’édition en édition jusqu’en 1542 ; il nous a paru inutile d’indiquer la date de chaque article ajouté. Quelquefois aussi l’auteur a substitué un titre ù un autre ; dans ce cas nous avons soin d’avertir le lecteur. Nous nous gar- derons de reproduire ici toutes les suppositions con- tradictoires que les commentateurs ont faites pour expliquer ces titres ; nous nous contenterons de recueillir celles qui présentent quelque probabilité et de traduire le moins mal qu’il nous sera possible les titres latins souvent très peu intelligibles.

L. 26 : Bigua falutis. « Le Bige du salut. » Sermones dominicales perutiles a quodam fratre hungaro ordinis Minorum de Obferuantia in conucntu Pefihienji compor- tati^ Biga falutis intitulati. Haguenau, 1497 (selon Limier), et 1502, in-4", caractères gothiques.

L. 27 : Bregueta iuris. -.( La Braguette du droit. » — « Plaifanterie fondée fur ce que le droit eft réputé habiter dans la Braguette. » (Le Duchat.) Voyez ci- dessus, p. 90, la note sur la p. 38, 1. 6.

L. 28 : Pantojia decretorum. « La Pantoufle des décrets. » C’est la mule du Pape, auteur des Décrétales.

L. 29 : Malogranatum vitiorum. m La Grenade des vices. » Le Duchat cite un ouvrage allemand de Jean Gayler, docteur de Keisersberg, Augsbourg ; i>io, in-4 ; et M. Paul Lacroix : Alujîu/n maloruni grana176 COMMENTAIRE,

tortim ; de virtutihus & vltiis chrifiianorum. In-fol. {Annales de Panier)

L. 31 : Le vijlempenard… Turelupin. Un viftempe- nard est, suivant Cotgrave, un plumeau monté sur un long bâton. Ce titre indique donc un ustensile qui nettoie les prédicateurs. Or, dans Cl. Nourry et Marnef, au lieu de Turlupin, on lisait Pépin ^ nom de Fauteur d’un vaste répertoire intitulé Sermones & qitœfliones^ où les prédicateurs puisaient souvent leurs inspirations.

Page 246,1. i : Marmotretus… Dorbellis. « Marmo- tret (voyez ci-dessus, p. 103, 104, la note sur la 1, 5 de la p. 58), Sur les babouins et les singes avec commen- taire de d’Orbel’.es. « Un jeu de mots par à peu près rapproche de marmotret. qui éveille l’idée de marmot. les babouins et les singes. — D’Orhelles est un com- mentateur de Pierre Lombard.

L. 3 : Decretiim… plac’uum. « Décret de l’Univer- sité de Paris sur la coquetterie des femmelettes à plaisir. » A prendre ce titre à la lettre, il s’agit d’un décret opposé aux édits somptuaires ; mais il y a d’a- près l’intention de l’auteur une équivoque sur le mot gorgiasitas.

L. 7 : Ars… Ortuinum. « L’Art de p…. honnêtement en société par M. Ortuinus » (Ortuinus Gratius, Har- douin de Graetz). — « Allusion à un fait relaté dans les EpiJioliP ohfcurorum virorum. Maître Ortuinus, à qui elles sont adressées, voulant un jour étrangler un vent, conchia vilainement ses chausses. Il est plaisant de lui prêter un livre sur un art qu’il entendait si mal. » (Burgaud des Maretsj

L. 8 : Le moutardier de pénitence. Celui qui moult tarde à faire pénitence.

L. 9 : Alias. « Autrement, ou. »

L. 10 : Formicarium artium. « La Fourmilière des arts. » Ouvrage de Jean Nyder, jacobin allemand, sur la magie. Il est intitulé : Formicarii libri quinquc mora- lifati. Cologne, in-fol. s. d. (1477). H se trouve aussi PANTAGRUEL, T. I, P. 246. I77

SOUS ce titre : Formicarium de maleficis &^ eorum de- ceptionibus, dans la première partie du Maliens malefi- coriim, Lyon, 1584, Roger Bacon, citant le catalogue de Rabelais, dans son De dignitace et augmentis scien- tiarum- {\iv. vi), applique plaisamment ce titre à son propre ouvrage : « Conceditur certe cuivis,Rex optime, seipsum et sua ridere et ludere. Quis igitur novit, num certe opus istud nostrum, non descriptum fuerit ex libro quodam veteri, reperto inter libros faniosis- simas illius Bibliothecœ S. Victoris quorum cataloguai excepit Magister Franciscus Rabelccsius ? Illic enim invenitur liber, cui titulus est, Formicarium artiiim. Nos sane pusillum acervum pulv’iscuîi congessimus, et sub eo complura scientiarum et artium grana condidi- mus, quo formica ; reptare possint, et paulatim conquies- cere, et subinde ad novos se labores accingere. »

L. i\ : De hrodiorum… lacofpinum. « De l’usage des bouillons et de l’honnêteté de chopiner, par Sylvestre de Prierio Jacobin. » Ce Jacobin, qui se nommait Mozzolino ou Mazzolini, était né à Prierio, village près de Savone. Sa Somme des cas de conscience, connue sous le nom de Summa fyluefirina^ était d’une grande indulgence en matière de jeûne.

L. 18 : Viiguillon de vin. Par aguillons de vin Rabe- lais entend, au propre, les jambons, langues de bœuf fumées, et autres denrées analogues. Voyez t. i, p. 229 1. 1 1 ; mais, de même que frère Jean dit le ser- vice du viVzpour le service divin (Voyez t. i, p. 105,1. 2, et le Commentaire)^ il y a ici une allusion à quelque livre intitulé L’aiguillon divin^ ou L’aiguillon de l’amour divin.

L. 19 : L’efperon de fromaige. Le vin, qui excite à manger du fromage. C’est une allusion à certains titres des ouvrages du temps, peut-être par exemple au suivant : L’efperon de difcipline^ pour inciter les humains aux bonnes lettres^ Jlimuler à doctrine, animer à fcience, inuiter à toutes bonnes œuures… lourdement forge &• rudement lime par… fraire Antoine du Saix. (s. 1-), 15337 4o-

IV. 12 L. 20 : Decrotatorium fcholarïum. « Décrotoire scolaire. » Instrument fort nécessaire, mais peu employé par les pédants et les écoliers du xvr siècle. Rabelais nous a déjà parlé de « maiftres inertes bien crottez à profit de mefnaige, » (t. i, p. 68) et de leur « veu de ne foy defcroter. » (p. 75)

L. 21 : Tarlaretus de modo cacandi. « Tartaret, De la manière de c… » Tartaret était un docteur de Sorbonne. Noël du Fail (t. 11, pag. 193) nous présente « Maudeftran & Tartaret debataus s’il faut prononcer jnichi ou mihi. » Ce qui suggère à Le Duchat la conjecture suivante : « Seroit-ce… à propos de la vicieufe coutume qu’avoit peut-être ce dofteur, de dire & d’écrire chi pour hi dans le mot mihi. que Rabelais lui attribue ici un livre d’un fujet fî vilain ? »

L. 23 : Bricot de differentiis fouppurum. « Bricot, Des différences des soupes. »

L. 26 : Le tripier de bon penfement. « Le Trépied des bonnes pensées. » On disait souvent alors tripier pour trépied. Laurent Joubcrt a employé cette forme dans ses Erreurs populaires (i’""^ partie, liv. iv, ch. 7). Rabelais l’a préférée comme fournissant une équivoque ; mais le titre du livre suivant, amené par celui-ci^ Le chuuldero/i. prouve qu’il s’agit bien d’un trépied.

L. 30 : Reuerendi… libri très, « Trois livres du Révérend Père Frère Lubin, provincial de Bavarderie, Sur les lardons à croquer. » Par ces mots Pire Frère j Rabelais critique la prétention des Frères qui affectaient de se faire appeler Pères. Sur « un frère Lubin, vray croquelardon » voyez t. i, p. 6, 1. 7 et le Commentaire. Ailleurs (t. i, p. 291), Rabelais lui attribue un ouvrage, également digne de prendre place dans la Bibliothèque de Saint- Victor, De compotationibus mendicantium.

L. 32 : Pafquili… interdiclo. « Pasquin, docteur de marbre. Sur les cabris à manger avec la chardonnette dans le temps papal interdit par l’Église. » Il s’agit de la célèbre statue de Pasquin, à Rome, sur laquelle PANTAGRUEL, T. I, p. 246-247- 170

OU inscrivait des écrits satiriques. La chardonnettc est la fleur d’artichaut, cinarœ p^ppij dont les gens scrupu- leux se servaient en carême pour remplacer la présure dans les tromages, afin d’en exclure toute matière ani- male, ainsi que cela est expliqué dans ce passage du De re cibaria de La Bruyère Champier, liv. xiv, c. 7 : « Coagulatur…lac succo ficulno quin et hodie cinara ; pappis… novitio sane invento… quandoquidem per ecclesiœ Romanœ décréta vesci caseo Christianis haud licebat verno jejunio, que scilicet coagulum quadru- pedum recepisset. » Le Duchat s’exprime ainsi à cette occasion : « Je m’imagine… que cette manière qu’en- feignoit Pafquin de manger hardiment dans Rome même des chevreaux à la chardonnettc, c’étoit la ma- nière d’y faire gras & bonne chère, pourvu feulement qu’on fauvàt les apparences. »

Page 247, 1. i : Vinuendon Jj.incle croix… pur les clercs de finejfe. Un mystère de Vinuendon Sainte- Croix tut joué à Saint-Serené, en 151 1. On y voyait des anges qui traversaient le théâtre en volant :

Tous volant bien & hault & bas Fors faind Michel qui cheut a bas.

(Annales & chroniques du pays & conte de Laual, par Guillaume Ledoyen, notaire à Laval, f" 46. V. Biblio- theque de l’École des Chartes, série C, t. m, p. 390)

Suivant les commentateurs, Rabelais, par « l’inven- tion famde croix, » entend l’art de trouver de rarg : ent, de la monnaie marquée, comme elle l’était alors, d’une croix ; cette expression paraît en effet avoir ce sens dans un passage, d’ailleurs assez obscur, de Du Fail, (t. I, p. 211). Il se peut aussi qu’il prenne tout simple- ment le mot invention dans le sens de supercherie, d’imposture, et qu’il fasse ici cause commune avec les rétormés qui contestaient l’authenticité de la Sainte Croix. — Par clercs de finesse, Rabelais entend des personnages bien différents des clercs sots et des COMMENTAIRE.

clercs fous qui remplissaient les rôles comiques dans les représentations d’alors.

L. 4 : Mdioris… houdinos. a Major, De la manière de faire des boudins. » Il est probablement question de Jean Major, Ecossais, ancien régent de Montaigu.

L. 5 : La cornemufe des prelac^. On trouve dans le prologue duY^ liure (t. m, p. 4) sept vers qui sont donnés comme tirés de cet ouvrage, dont l’auteur est qualifié de « vénérable dofteur. »

L. 6 : Beda de optimitate triparum. « Bède, De l’excel- lence des tripes. » Noël Bède, docteur en Sorbonne, ennemi de Guillaume Budé, est appelé gros foupier dans le dernier chapitre d’une anacomie de lu mejfe publiée en 1555.

L. 10 : Des poys au lurt cum commenta. « Avec com- mentaire. » Ici, par le commentaire on peut entendre ce qui accompagne ce plat. « Le defieuncr d’vn fimple Prieur eft d’vnc pcruris (il faut entendre auec le com- ment). » (H. Eftienne, Apologie pour Hérodote^ ch. xxil). Rabelais a rappelé plus tard cet ouvrage imaginaire quand il a écrit le Prologue de GargMitua. (t. I, p. 4)

L. 12 : PreclariJJimi… enucidiluculidijjlma.a Répétition lucidissimc du très illustre docteur en l’un et l’autre droit maître Pillot Raquedenare sur les baguenaudes de la glose d’Accurse à rabobeliner, » c’est-à-dire : à rapetasser, à ressemeler, comme un vieux soulier. Au lieu de ce titre et des six suivants on lit dans l’édition de Juste de 1533 : Ariftoteli libri nouem de modo dicendi horas cj.nonica.s. « Neuf livres d’Aristotc sur la manière de dire les heures canoniques. »

L. 15 : Stratagemata Vrancarchicrï de Buignolec. « Stratagèmes du Franc archer de Bagnolet. » Voyez le Monologue du Franc urchier de Baignollct à la suite des auvres de Villon, p. 150.

L. 16 : Franclopinus de re militari cumfiguris Teuoti. « Franctaupin, De l’art militaire avec les figures de Tev’ot. » Le nom de Tevot est, dans plusieurs f irces, celui d’un soldat peureux, et Rabelais nous apprend PAKTAGRUEL, T. I, P. 247.

ailleurs (t. 11, p. 47) que, lorsque les francs Taupins partaient en guerre, on leur criait : « Saulue Teuot le pot au vin, c’eft le cruon. »

L. 17 : De vfu… Quehecu. « De l’ufage & de l’utilité d’écorcher les chevaux et les cavales, par notre maître de Quebecu. »

L. 20 : M. n. Roflocofloiamheddnejfe… Vaurrillonis « Quatorze livres de notre maître Rostocostojambe- danesse, sur la moutarde à servir après dîner, apos- tilles par maître de Vaurrillon. »

L. 23 : Le couillaige des promoteurs. Il s’agit ici d’une redevance grâce à laquelle les ecclésiastiques étaient autorisés à garder des concubines. « Oferois-ie bien parler de l’infâme tribut qu’on fouloit faire payer aux preftres… & le nommer par fon nom le couilliage ? » (H. Eftienne, Apologie pour Hérodote^ chap. XXI, p. 492). Après ce titre on lit le suivant dans l’édition de Juste^ 1)34 • I-iiolenus de Çofmographia Purga- tori. (( Jabolen fur la cofmographie du Purgatoire. »

L. 24 : Quiejlio… Conftantlenfi. « Question très subtile : Une chimère, bourdonnant dans le vide, pourrait-elle manger des secondes intentions ? Et elle fut débattue pendant dix semaines dans le concile de Constance. » Noël du Fail dans les Contes d’Eutrapel (t. 11, p. 41) agite à son tour cette question. On en trouve beau- coup du même genre dans la Krefme philofophulle des queftions enciclopedlques de Pantagruel (t. ill, p. 283).

L. 29 : Barbouilamenta Scoti. « Les Barbouillements de Scot. »

L. 31 : De calcaribus… rofata. « Onze décades sur la manière d’écarter les éperons, par maître Alberic de Rosata. » — « Les Décrétales (19’= 1, c. x) portaient, en parlant des clercs : « calcaribus deauratis non utan- tur, » puis, dans un passage qui suivait : « mandamus quatenus clericos qui fornicarias habucrint, a se illas removeant. » Il y a probablement ici de la part de Rabelais une confusion volontaire entre les deux prescriptions, et le tout est mis sur le compte d’Ald’Alberic de Rosata, jurisconsulte de Bergame, qui avait commenté les Décrétales. » (Burgaud des Marets.) Rien de plus fréquent alors que les plaisanteries dirigées contre les moines qui s’avisaient d’aller à cheval : voyez, t. II, p. 455.

L. 33 : Eiuſdem de caſtrametandis crinibus lib. tres. « Trois livres du même sur la castramétation des cheveux. »

Page 248, l. 1 : Marforii… mulis. « Marforio, bachelier gisant à Rome, Sur la manière d’étriller et de harnacher les mules des cardinaux. » On sait qu’on couvrait la statue de Marforio, comme celle de Pasquin, d’inscriptions satiriques.

L. 5 : Pronoſtication… Songrecruſyon. « Prognostication qui commence par : Balade de Sylvius Triquebille, par notre maître Songecreux. » Ce titre fait allusion à un ouvrage réel : Prenoſtication de maiſtre Albert Songecreux Biſſcain, in-4o, goth. de 4 fts. L’exemplaire de La Vallière portait cette note manuscrite : « Proclamatum menſe decemb. 1527. » Voyez Brunet, Manuel, t. IV, col. 862, la table des noms propres, H. Estienne, Apologie pour Hérodote, ch. XXXIX, art. 10, et la Bibliothèque de Du Verdier, t. II, p. 339, article Préel.

L. 7 : Boudarini… poſtea non. « Neuf neuvaines de Boudarin, évêque, sur les profits des émulgences (action de traire le bétail, par allusion aux indulgences) avec privilège papal pour trois ans et non plus. »

L. 10 : Le chiabrena. Voyez, t. II, p. 48, les vers que Rabelais donne comme tirés de cet ouvrage et, au glossaire, les mots : Chiabrena et Chiabrener.

L. 14 : Manducité. Allusion à mendicité. « Rabelais appelle Manducité l’état des ordres mendiants, par rapport à la ſtatue appelée Manduce de manducare, laquelle (liv. IV, ch. 59) eſt l’idole des Gaſtrolâtres. Du reſte l’alluſion de frères manducans à frères mendiants eſt originairement de Louiſe de Savoie, mère de François Ier : elle eſt tirée du Journal manuſcrit de cette princeſſe & rapportée pag. 151 de la Réponſe du miniſtre Drelincourt au landgrave Erneſt. » (Le Duchat)

L. 18 : Olcam. « Occam, dont le nom s’est écrit de diverses manières, cordelier anglais, chef des Nominaux au XIVe siècle. » (Burgaud des Marets.) Ce nom ne s’est pas écrit aussi diversement qu’on pourrait le croire. Olcam équivaut à Okam. Lc ou lz sont d’anciennes manières de représenter le k, qui manquait quelquefois dans les casses des imprimeries : on lit dans la Farce de Ieninot (Anc. théâtre François, t. I, p. 300) : « Quand ie vouldray faire Izalza ; » et dans l’Apologie d’Hérodote (ch. XV, p. 234) : « en la marlze d’Ancône. »

L. 19 : Magiſtri… quadraginta. « Quarante livres de notre maître Fripesaucisses sur les grabellations (de grabeler, éplucher, examiner) des heures canoniales. »

L. 21 : Cullebutatorium… autore. « Le Culbutatoire des confrairies par un auteur incertain. »

L. 26 : Poiltroniſmus… Bruſlefer. « Le Poltronisme des choses italiennes, par maître Brulefer. » La poltronnerie était alors considérée comme le défaut particulier aux Italiens. H. Estienne, dans son Apologie pour Hérodote (ch. XVIII, t. I, p. 410), les appelle : « les poultrons naturels ; » Marot, dans son épistre à Mgr. le Dauphin, dit que les Lombards lui ont appris

A parler peu & à poltroniſer.

L. 28 : R. Lullius de batisfolagiis principum. « Raimond Lulle, Des batifolages des princes. »

L. 29 : Callibiſtratorium caffardis… hereticometra. « Le Callibiſtratoire pour les cafards (ou de la cafarderie en lisant cafardie au lieu de cafardis, comme l’ont fait la plupart des éditeurs) par Jacques Hooghstraten, héréticomètre (mesureur d’hérétiques). »

L. 31 : Chaultcouillonis de magiſtro noſtrandorum… gualantiſſimi. « Huit livres fort galants de Chautcouilion sur les buvetes de nos maîtres présents et à venir. » Ce terme bizarre magister noſtrandus, dont Noël du Fail n’a pas manqué de se servir (t. II, p. 8 et 213), donne lieu à une longue discussion dans la première des Epiſtolæ obſcurorum virorum : « Les maîtres… se mirent à parler savamment sur de grandes questions, et l’un d’eux demanda s’il était correct de dire magiſter noſtrandus, ou bien noſter magiſtrandus, en parlant d’un homme apte à être reçu docteur en théologie. » Rabelais a tiré de cette expression un adverbe français de sa façon dans un passage (t. II, p. 63) où il parle de Jupiter « transformé magiſtronoſtralement en ſecondes intentions. »

Page 249, l. 3 : Almanach perpetuel… Rabelais fait probablement ici allusion à ses propres almanachs.

L. 4 : Maneries… Eccium. « Manières de ramoner les fourneaux par maître Eccius. »

L. 8 : L’hiſtoire des farfadetz. Ce titre semble faire allusion à l’histoire des farfadets et de la prévôte d’Orléans dont Rabelais parle, t. II, p. 112.

L. 12 : Badinatorium ſophiſtarum. « L’Amusement des sophistes. » Édition Juste, 1533 : Sorboniformium (des Sorboniformes), au lieu de Sophiſtarum.

L. 13 : Antipericatametanaparbeugedamphicribrationes merdicantium. Il serait bien difficile d’expliquer avec quelque rigueur le mot burlesque par lequel ce titre commence. Éloi Johanneau remarque qu’il est « composé des prépositions grecques anti, peri, cata, ana, para, amphi, et du mot cribrationes ; » et comme il adopte mendicantium, leçon donnée par Dolet, et dont merdicantium n’est peut-être que l’équivalent burlesque, il pense qu’il est question des « innombrables trous qu’on voit aux habits ou aux besaces des mendiants, par devant, par derrière, le long et tout à l’entour. » Si tel est le sens, ce n’est pas de mendiants quelconques, mais de frères mendiants qu’il s’agit.

L. 23 : La patenoſtre du cinge. Expression proverbiale, qui s’emploie en parlant des gesticulations que fait le singe. « Enfin apperceurent maiſtre Reuerant. PANTAGRUE L, T. I, P. 249-250. 185

qui difoit les Patenoftres du Singe. « (Du Fail, t. 11, p. 63.)

Comme vn finge fafché i’en dy ma patenoflre.

(Régnier, Satires, xi, p. 91)

L. 30 : Lourdaiidtis… hraguardorum. « Lourdaud, De la vie et de l’honnêteté des braguards. »

L. 31 : Lyrippii… Lupoldum. « Les Moralisations du lyripipion Sorbonique, par maître Lupold. » Nous avons vu Janotus, coiffé du « lyripipion théologal. » — « Morellet atteste que, de son temps, on faisoit encore lire aux séminaristes des traités mystiques, des mora- lisations de l’étole, de la chasuble, du surplis, etc. » (Burgaud des Marets)

L. 34 : Euefques potatif : ^. « Buveurs. » Équivoque sur « portatifs, » mot qui désignait alors les évèques qui n’avaient point de siège permanent.

Page 250, 1. i : Tarrahallationes… Reuchlin. « Les Trimbalements des docteurs de Cologne contre Reu- chlin. » C’est de 1509 à ij’iô qu’eut lieu la dispute de ce savant avec les docteurs de Cologne.

L. 5 : Vireuoujîatorum,. . PedehilUtis. « Le Virevousta- teur (ou virevoustoire) des nacquets, par Frère Piedbil- lette. » Les éditeurs ont mis Vireuoufiorium. Virevoute signifie tour d’adresse, de souplesse.

L. 8 : De auferihilitate pape ah ecclefia. « Du droit de déposition du pape par l’Église. » Titre d’un ou- vrage réel.

L. 10 : lo. Dytehrodii… acéphales. « Jean Dytc- brode, De la terrible conséquence des excommunica- tions, livret acéphale. » Acéphale^ sans tète, c’est-à-dire sans frontispice ou peut-être sans dédicace, ainsi que l’indique Furetière, lorsqu’il parle dans le Roman Bourgeois (t. il, p. 102, Nouv. coll. Jannet)^ du pédant Hortensius « aigrement repris pour avoir appelé un livre sans dédicace liber àicstpaXc ; . » Du reste, quel que soit le sens propre donné à cette expression, il est évident que Rabelais a surtout en vue la signification figurée : déraisonnable, dépourvu de cervelle.

L. 12 : Ingenioſitas… Guinguolfum. « Ingénieuse façon d’invoquer diables et diablesses, par maître Guinguolf. »

L. 17 : Moillegroin… ſeptem. « Mouillegroin, docteur chérubique, De l’origine des pattepelues, et des rits des torticoles, sept livres. »

L. 19 : De haulte greſſe. Voyez ci-dessus, p. 62, la note sur la p. 5 l. 21.*

* Ces beaulx liures de haulte greſſe. Rabelais mentionne parmi les « liures de la librairie de ſainct Victor… Soixante & neuf breuiaires de haulte greſſe. » Dans ces deux passages cette expression se prête à un de ces doubles sens que notre auteur affectionne. On lit dans une recette du Ménagier de Paris (édit. Crapelet, 1846, t. II, p. 271) où il est question des « oes, poules, chappons deſpeciez par pièces, & mis en paſté, » que « les chappons de haulte greſſe… ne ſe deſpiecent point, » sans doute parce qu’ils sont considérés comme des animaux de choix. Ce mot a le même sens dans cet éloge que Dindenault fait de ses moutons (t. II, p. 290) : « Moutons de Leuant, moutons de haulte fuſtaye, moutons de haulte greſſe ; » et Panurge, prenant dans sa réponse le contre-pied de chacune des expressions que le marchand vient d’employer, lui propose de le payer « en monnoye de Ponant, de taillis, & de baſſe greſſe. » C’est cette signification de morceau exquis, que Du Fail a en vue quand il parle de Phryné comme d’une « putain de haute greſſe ; » (t. II, p. 240) et Henri Estienne quand il dit dans La Précellence du langage françois (édit. Delalain, 1850, p. 134) : « Il a eſté eſcrit de quelque perſonnage, qu’il tenoit en mue vne putain de haute greſſe. » À ce compte, des liures de haute greſſe sont des livres importants, précieux ; mais Rabelais veut faire en même temps allusion à ces livres chargés de graisse par l’usage, comme le bréviaire de Gargantua « peſant tant en greſſe que en fremoirs & parchemin, poy plus poy moins, vnze quintaulx ſix liures. » (t. I, p. 79)

L. 26 : Sutoris… eccleſia. « Sutor (probablement Pierre Couturier), Contre un quidam qui l’avait appelé fripon ; et que les fripons ne sont pas damnés par l’Église. »

L. 29 : Cacatorium medicorum. « Le Cacatoire des médecins. »

L. 31 : Campi elyſteriorum per §. C. « Les Champs de clystères, par S. C. (Symphorien Champier.) » Il a intitulé plusieurs de ses ouvrages campi, par allusion à son nom, et en a réellement composé un qui a pour titre : Clyſteriorum camporum ſecundum Galeni mentem libellus.

L. 34 : Iuſtinianus de cagotis tollendis. « Justinien, De l’enlèvement des cagots. » Ailleurs (t. II, p. 47), ce titre de Justinien est indiqué comme tiré de son livre IV. C’est, suivant toute apparence, une allusion au De caducis tollendis, qui concerne les biens caducs.

Page 251, l. 1 : Antidotarium anime. « L’Antidotaire (recueil des antidotes) de l’âme. » Allusion à un livre de Nicolas Salicceti, publié, à la fin du XVe siècle, sous ce titre : liber meditationum ac orationum deuoiarum qui Antidotarius animæ dicitur.

L. 2 : Merlinus Coccaius de patria diabolorum. « Merlin Coccaie (Théophile Folengo), De la patrie des diables. » Il a décrit l’enfer dans sa Macaronée, à laquelle Rabelais a fait plus d’un emprunt.

Page 252, l. 1 : Comment Pantagruel eſtant à Paris receut letres de ſon pere Gargantua. Qui lira cette lettre PANTAGRUEL, T. I, p. 252-260. 187

avec attention se convaincra que Pantagruel a été écrit avant Gargantua. C’est ici qu’on trouve l’an- nonce et le programme de cette éducation si bien dirigée et si complète, racontée dans le livre placé le premier, mais composé le second. Rabelais résume ici éloquemment les idées exprimées par son premier protecteur, Budé, dans son De ftudio litterarum. adressé à François l’"". Voyez Guillaume Bude\ par D. Rebitté, p. 184, 185-.

Page 255, 1. 3 : Marc Tulle en fon Hure de vieil- lejfe. Caton s’y exprime ainsi : « Nihil necesse est niihi de me ipso dicere, quamquam est id quidem senile, statique nostr » conceditur. (De senectute, 9)

L. 4 : La fentence de Plutarche : « L’envie s’attache beaucoup moins à la vieillesse qu’à tout autre âge. »

L. 8 : Grecque, fans laquelle c’efljionte que vne per- fonne fe die fçauant. Opinion de Budé : « Sans la congnoiffance d’icelle Langue, encore vn homme Latin n’eft (à la vérité) que demy docle. « [Injiitution du Y rince.^ ch. xxil, p. 94)

Page 257, 1. 12 : Salomon. V. ha Sagesse, i, 4.

Page 259, 1. i : Panurge. L’étymologie de ce nom n’est pas douteuse : il vient de Tuàv, tout, et l’ppv, œuvre, travail. Il n’est pas de l’invention de Rabelais : l’Anti- quité le lui a fourni. Dans le plaidoyer deCicéron pour Roscius ($ 10), nous trouvons un Panurgus esclave. Le sens du mot est très nettement défini dans VAlpIiàbet de VAuteur François (édit. de 1663) : « Panurge. Un fadotum, un maiftre aliborum qui de tout fe mefle. Item un matois, fin & malitieux. Jupiter, au 2 dia- logue des Dieux de Lucian reproche à l’Amour qu’il cft ^jspwv /.al Ilavoùpicc. Panurge eft un homme qui met toute pièce en œuvre. » De nos jours on a voulu faire de Panurge le peuple qui fiit tout et n’est récompensé de rien ; on l’a pris au sérieux et presque au tragique. C’est un contre-sens qu’il importe d’écarter.

Page 260, 1. 3 : Dont vene^ vous ? ou alle-^ vous ? que querei vous. . ? Dans le fabliau du Vilain mire, la COMMEKTAIRE.

femme du vilain adresse, presque dans les mêmes termes, des questions analogues aux « meflagiers le roi » qui cherchent un médecin :

Dont eftes vous & ou a ! ez Et dites moi que vous querez.

L. 5 : En langue Germanicque. luncker.., lujî. Nous n’avons pas essayé de restituer ce discours ni les sui- vants, mais au contraire de reproduire fidèlement le texte de l’édition que nous suivons. Pour les traduc- tions, nous mettons, bien entendu, à profit les travaux de nos prédécesseurs. « Jeune gentilhomme, avant tout, que Dieu vous donne bonheur et prospérité. Cher jeune gentilhomme, apprenez que ce que vous me demandez est triste et digne de pitié, et il y au- rait à dire à ce^sujet bien des choses, ennuyeuses pour vous à entendre et pour moi à raconter, bien que les poètes et les orateurs d’autrefois aient dit, dans leurs adages et sentences, que le souvenir des peines et de la pauvreté est un grand plaisir. »

Panurge a sans doute en vue ce passage de Virgile (Enéide, l, 203) :

…Forsan et lia : c olim meminisse juvabit.

L, 17 : Al harildim… prim. C’est ici une pure mysti- fication. Burgaud des Marées est parvenu à décom- poser tout ce passage en mots anglais « AU bar ill dim…, » au milieu desquels figure le nom deChinon. Ces mots, jetés au hasard, ne présentent aucun sens.

L. 31 : Signor mio… annichilluti. Discours italien : « Mon seigneur, vous voyez par exemple que la corne- muse ne sonne jamais si elle n’a le ventre plein ; ainsi moi pareillemeiit je ne vous saurais conter mes for- tunes, si d’abord le ventre troublé n’a l’habituelle ré- fection. Il lui est avis que les mains et les dents ont perdu leurs fonctions naturelles, et sont tout à fait annihilées. » PANTAGRUEL, T. I, p. 201. I 89

Page 261, 1. 5 : Lard… gud. Discours anglais, qui manque dans les premières éditions^ ainsi que les deux suivants jusqu’à (I. 30) : Herre^ ie en… : a Seigneur, si vous êtes aussi puissant par l’intelligence que grand de corps, vous devez avoir pitié de moi, car la nature nous a faits égaux, mais la fortune en a élevé quel- ques-uns et abaissé d’autres. Toutefois la vertu est souvent dédaignée, et les hommes vertueux sont mé- prisés, car avant la dernière fin nul n’est bon. n

L. 12 : lona… vadu. Texte basque altéré, qui paraît pour la première fois en 1542, par conséquent après ces deux mots, lagona éditera, qui se trouvent dans Gargantua (t. i, p. 23). On a cru longtemps que c’était là le plus ancien texte basque. On en a maintenant un autre, antérieur d’une centaine d’années. C’est un refrain de chanson [Çhanfons du xv’^ Jîècle ^ publiées par la Société des anciens textes français, vu). Le discours de Panurge a été ainsi restitué dans VExamen critique du Manuel de la langue basque^ publié sous le pseudonyme d’Urhersigarria (Bayonne, Cluzeau, déc. 1826, 8o de 31 p., p. 10) : « Jaun handia, gauza gucie- tan behar da erremedio ; behar da, bercela icerlanda. Ambatez othoyez nauzu, eguin ezazu gur, aya roppa- satia ordine den. Non izanen baita facheria gabe, gina- raci bada zadazu neure asia. Arren horen hondoan,galde zadazu nahi duzuna ; eztut hutcic eguinen zuri nie, erten derauzut eguia arimaz, Jaincoac placer badu. »

« Mon grand monsieur, à toute chose il faut un re- mède ; il en faut un, autrement besoin est de suer. Je vous prie donc de me faire connaître par signe si ma proposition est dans l’ordre ; et, si elle vous paraît sans inconvénient, donnez-moi ma subsistance. Puis, après cela, demandez-moi tout ce que vous voudrez, je ne vous ferai faute en rien ; je vous dis la vérité du fond du cœur, s’il plaît à Dieu. »

L. 20 : Saincl Treignan, foutys vous defcojf… Il est hors de doute que saint Treignan.(voyez la Table des noms) ou saint Eugnan (4 des Cent Nouvelles nouvelles) IpO COMMENTAIRE.

est le saint par lequel juraient les Ecossais ; mais cela n’éclaircit pas beaucoup cette locution, au sujet de laquelle les commentateurs de Rabelais ont proposé bien des interprétations diverses. La plus vraisem- blable est celle de Burgaud des Marets : « Abandonnez l’Ecosse »(f… vous hors d’Ecosse) si je n’ai failli com- prendre.

L. 22 : Prug… ftiampendrds. C’est encore un langage imaginaire, au milieu duquel on trouve les noms de quelques localités du Chinonais, auxquelles l’édition de Juste, 1534, ajoute i’^« i//t^ qu’elle substitue à Bcuille.

L. 27 : Purle^ vous chrljlian, mon amy^ ou lungaige patelinoys ? Parler chrétien, c’est parler un langage usité parmi les chrétiens, et par conséquent intelli- gible, non un idiome barbare employé par des ido- lâtres ; parler patelinois, c’est parler d’une façon in- compréhensible, comme Pathelin dans son prétendu délire. Le drapier qui, dans la farce, est aussi surpris qu’Epistémon l’est ici, s’écrie (act. il, s. 5, p. 60) :

Par le corps bien ! il barbelottc Ses mots, tant qu’on n’y entend rien. Il ne parle pas chrellien, Ne nul langaige qui apere.

L. 29 : Langaige lanternoys. Cette expression s’em- ploie souvent pour désigner un langage inintelligible : <( Mais le paillard refpondit en langage de Lanternois, &OÙ l’on n’entendoit que le haut alleman. » (Noël du Fail, t. II, p. 58.) Dans le tiers livre (t. Il, p. 219, 220) Panurgc explique le « bon Lanternoys… le^ courtifan languaige Lanternoys » à Pantagruel et à Epistémon.

L. 30 : Herre… yinch. Discours hollandais : « Sei- gneur, je ne parle point une langue qui ne soit pas chrétienne : il me paraît toutefois que, sans que je vous dise un seul mot, mes haillons vous décèlent assez ce que je souhaite. Soyez assez charitable pour me donner de quoi me restaurer. » PANTAGRUEL T. I, V. 262.

[91

Page 262, 1. 2 : Sàgnor… mas. Discours espagnol : « Seigneur, je suis las de tant parler ; aussi je supplie Votre Révérence de considérer les préceptes évangé- liques pour qu’ils la portent à ce qu’exige la cons- cience ; s’ils ne suffisaient à émouvoir sa charité, je supplie qu’elle considère la pitié naturelle qui, je crois, la touchera, comme il est juste ; après cela, je ne dis plus rien. )>

L. 13 : jW^/z /le/re… /yy^/a/igrA. Vieux danois : « Mon- sieur, même au cas que, comme les enfants et les bètes brutes, je ne parlasse aucune langue, mes vêtements et la maigreur de mon corps montreraient clairement ce dont j’ai besoin, à savoir de manger et de boire. Ayez donc pitié de moi, et faites-moi donner de quoi maîtriser mon estomac aboyant, de même qu’on met une soupe devant Cerbère. En ce cas, vous vivrez longtemps et heureux. »

L. 35 : Adoni… rai. Hébreu : « Le savant M. Car- moly l’a ainsi rétabli pour nous, dit Burgaud des Marets : Adonaï, schalôm lachém. Im ischar hatob aal aabdecha, bimherah thithén li kikar lechèm, chachatub : malveh adonaï chônén dal. Monfîeur, la paix soit sur vous. Si vous voulez faire du bien à votre serviteur donnez-moi tout de suite une miche de pain, ainsi qu’il est écrit : Celui-là prête au Sei- gneur, qui a -pitié du pauvre. {Proverbes ^ XIX, 17) »

L. 30 : Despotd… chre. Grec. Ce texte est transcrit conformément à la prononciation nationale ou orien- tale, pratiquée par Reuchlin et ses partisans, et à laquelle on revient de nos jours. Ce fut Erasme qui y substitua celle qui est encore en usage dans la plupart de nos collèges, malgré les efTorts des hellé- nistes actuels, (Voyez : De la prononciation nationale du ^rec, par M. Gustave d’Eichtal. Annuaire de l’Associa- tion des études grecques, 1868, p. 65.)

« Excellent maître, pourquoi ne me donnez-vous pas de pain } Vous me voyez mourir misérablement de taim, cependant vous êtes pour moi sans pitié et 192 COMMENTAIRE.

VOUS me demandez des choses inutiles. Pourtant tous les amis des lettres sont d’accord que les discours et les paroles sont inutiles quand la chose même est claire pour tous. Les discours ne sont nécessaires que là où les choses sur lesquelles nous discutons ne se montrent pas clairement. »

Page 263, 1. 7 : Àgonou… troppajfou. Langage inin- telligible que Pantagruel, un peu plus bas, pense être de son « pays de Vtopie. » Dans le quatrième chapitre de son Mlthridates. consacré aux langues factices, Gessner rapporte un quatrain de Morus dans le langage d’Utopie ; en voici le premier vers :

Vtopos haboccas pcula chaîna polta chamaan

Du reste, aucun des mots bizarres de ce quatrain ne se retrouve dans le discours de Panurge.

L. 17 : lam toùes… dlcitur. Latin : « Déjà bien des fois je vous ai conjuré par ce qu’il y a de plus sacré, par tous les dieux et par toutes les déesses, si quelque pitié vous touche, de soulager mon indigence ; mais mes cris et mes lamentations ne servent à rien. Laissez- moi, je vous prie, laissez-moi, hommes impitoyables, m’en aller où les destins m’appellent, et ne me fati- guez point davantage de vos vaines interpellations, vous rappelant ce vieil adage qui dit que ventre affamé n’a pas d’oreilles. « 

Page 265, 1. 4 : F on admirdble. Premières éditions : Plus admirable que celluy de Salomon.

L. 10 : Mijl conclufions. On trouvera des échantil- lons des sujets traités dans les disputes de ce genre en se reportant (t. m, p. 283) à La crefme phUofophalle des queftions encidopediqucs de Pantagruel.

L. 20 : Prendre fa refeclion. Les premières éditions et Dolet ajoutent : « Non pas quil engardaft lefdiflz théologiens Sorbonicques de chopiner, & fe refraifchir a leurs beuuettes acouftumees. »

Page 268, 1. 11 ; De orlg. iuris. Ce n’est pas Ulpien, PANTAGRUEL, T. I, P. 268-271. 193

mais Pomponius, qui, au § 4 de ladite loi, constate l’origine grecque de la loi des Douze tables.

L. 27 : De plumes. Les premières éditions ajoutent : (( & en vfent comme vng crucifix dung pitre. » Rabelais feignait ici, comme il lui arrive souvent, que la langue tournait à l’orateur, qui voulait dire : comme un pifre. un goinfre, d’un crucifix.

Page 269, 1. 6 : Tlte Liue parlant des Canagiens. « Pauci ac terme optimus quisque Hannoni assentie- bantur, sed (ut plerumque fît) major pars meliorem vicit. » (xxi, 4)

L. 9 : Replicques. Les premières éditions ajoutent : « Duplicques. »

Page 270, 1. 8 : Couure-^ vous,

PETIT JEAN.

Meffieurs…

D AN DI N.

Couvrez-vous.

PETIT JEAN.

O ! Mef…

D AN DI N.

Couvrez-vous, vous dis-je. (Racine, Les Plaideurs, acte m, se. m)

L. 12 : Et maille. Premières éditions et Dolet : Dia- métralement oppofe es Troglodytes.

L. 17 : Bon lies. Premières éditions et Dolet : Troys, fix, neuf y dix.

Page 271, L 14 : Beati… trebuchauerunt. « Heu- reux les lourds parce qu’ils ont trébuché, d Parodie des phrases analogues qui se trouvent dans le sermon sur la montagne.

L. 33 : Or y monjîeur^dift Baifecul. Les premières édi- tions et Dolet disent d’abord : « Yrayement, dift le feigneur de Baifecul, ceft bien ce que Ion dit, quil faict bonaduifer aucunesfois les gens, car vng homme aduife en vault deux. »

L. 34 : ^"^5 gaudei & audinos. Les antiennes, qui com- IV. 13 iy4

COMMEM AIRt.

meiicent parGaude « réjouis-toi » et Audi nos « écoute- nous. »

Page 272, 1. 12 : le fue…

Je fuois fang & eau pour voir 11 du Japon Il viendroit à bon port au fait de fon Chapon.

(Racine, Les Plaideurs, acte m, se. m)

L. 21 : Qii’on ne fe Jîgnaft… coiffons. Premières édi- tions : (luon ne fe feignj.ft de lu muin gauche^ la bonne femme fe princ u efculler les fouppes pur lu foy des petis poijfons…

L. 27 : Son coufîn Geruuys remué d’vne bufche de mouUe. Du Fail a reproduit ce coq à l’àiie : « voftre coufiiie remuée d’vne bufche, & ce par deuers la paille. )) (t. I, p. 43)

!.. 31 : Non de ponte vudit qui cum fupientii cudit. Pour :

Non de ponte cadit Qui cum fapientia vadit.

« Qui va avec sagesse ne tombe pas d’un pont, w

L. 34 : Les lunettes des princes. Ouvrage souvent réimprimé, de Jean Meschinot, surnomme « le Banny de liesse. » Voyez Brunet, Manuel du lihruire.

Page 273, 1. 2 : Purtie aduerfe… Les premières édi- tions ajoutent : « En fa foy, ou bien. »

L. 3 : Infacerverbo dotis. Pour : In verbo fucerdotis^ « en parole de prêtre. » — « En vérité, refpondit alors le curé… ie vous affeure in verbo fucerdotis. » {Les Cent Nouvelles nouvelles^ LXX). La tmèse dont use Rabelais pourrait s’autoriser par de nombreux exemples, tirés des meilleurs poètes latins.

L. 12 : Lamibuudichon. Chanson populaire :

(Que) ie fceuffe d’vne vielle louer fans plus vne chanfon, Seulement l’amy baudichon ; Ce feroit affez pour me viurc… PANTAGRUEL, T. I, P. 273-276. 1(^5

( Voy. Petit de Julleville, Hijloire du théâtre en France ^ Les mystères, Alystère de l’Assomption^ t. i, p. 275)

Joachim du Bellay ayant blâmé, dans son Illuftra- tion de lii langue françoife : « Laijfe-^ la verde couleur… & autres telz Ouuraiges, mieux dignes d’eftre nommez Chaufons vulgaires, qu’Odes… />, Charles Fontaine lui répond dans son Qidnùl Horatian : « Chanfons, bien ; vulgaires, non ; comme feroit la Tirelitanteine ou Lamy Baudichon. Car ce ne font chanfons defquelles on voife à la moutarde. « (Voyez du Bellay, Pléiade françoife^ t. I, p. 482, note 37)

L. 29 : I.e tu autem. Le principal, l’important. Allu- sion à la leçon : « Tu autem. Domine, miferere nobis » (Mais toi, Seigneur, aie pitié de nous), qui revient souvent dans le bréviaire.

Page 274, 1. dernière : Se dodeliner. Le texte de 1542 porte à tort : Se deliner. Premières éditions : Se affeoir à table.

L. dernière : louer du luc^ fonner du cul. « Luc » pour « luth » est fréquent au XVl^ siècle. Cette forme est l’anagramme exacte du mot employé plus loin. « Luc renuerfé », comme dit du Fail (t. 11, p. 37J.

Page 275, 1. 2 : Forme. Les premières éditions et Dolet ajoutent : « fur beaulx efcarpinsdefchiqucttcz a barbe defcreuiffe. »

L. 4 : L’aultre cirnj quatre & deux. Premières édi- tions et Dolet : Laultre fe cache le museau pour les froi- dures hyhernales.

L, 17 : Gens de ylain iour. Premières éditions et Dolet : Gens dignes de mémoire.

L. 24 : Le vin. Les premières éditions et Dolet ajoutent : « en plain minuyct. »

L. 31 : Frifefomorum. Une des formes du syllo- gisme. V. ci-dessus, p. 109, la note sur la 1. 13 de la p. 67.

Page 276, 1. 3 : Voy là qui faicl le fel tant cher. « Voila iuftemcnt, ce qui fait que vôtre fille eft muette. » (Molière, Le Médecin malgré luy.actcu y fic.iv)

L. 10 : Naucatdx. Premières édit. : Auez mariatz.

L. 17 : Fringuez. Premières édit. : Auecques.

L. 17 : Beuez à oultrance : depifcando grenoillibus. Premières édit. : Viuez en fouffrance & me pefchez force grenailles. « Vivez en souffrance » veut dire ici : avec patience, en paix, en souffrant philosophiquement ce qu’on ne peut empêcher.

L. 21 : Bauars de godale. Ceux qui bavardent en buvant de la bière, de l’aie. Edit. de 1553 : Bauars de Confort. Flâneurs de la place de Notre-Dame de Confort, à Lyon, où François Juste avait sa boutique.

L. 33 : Her, tringue, tringue. « Monsieur, à boire ! à boire ! » en allemand.

L. 33 : De doublet en café. Premières éditions et Dolet : Das ift cotz frelorum bigot paupera guerra fuit (cela est bon. Desfrelores [perdus, gâtés], par dieu la guerre fut pauvre). Et mefbahys bien fort, comment les aftrologues fen empefchent tant en leurs astrolabes ^ & almucantharat. Dans l’édit. Juste, 1534, au lieu des trois premiers mots : Das dich gots martre fcliend… « Que le martyre de Dieu vous envoie… (au diable). »

L. 34 : Sur petit font geline de feurre. Cri annonçant qu’on vendait sur le Petit Pont des poulets de paillier, des poulets de grain non engraissés. Il se trouve dans la chanson des Cris de Paris de Jannequin.

Page 277, l. 13 : Pour deux & ar. Prem. édit. et Dolet : Pour ſix blancs. Marnef omet : conſideré… d’auoir eſguard.

L. 13 : I’entens, par mon ſerment, de laine.

La toyſon
Dont il fouloit estre foyſon
Me coulla, à la Magdaleine,
Huict blans, par mon ferment, de laine
Que ie foulois auoir pour quattre.

{Farce de Pathelin, act. i, se. 11, p. iB)

L. 15 : Cornemuſes. Prem. édit. et Dolet : Maiſons. PANTAGRUEL, T. I, P. ZJ-J-ZJ^. njj

L. 28 : Tune… quid iuris pro minoribus ? u Alors… quel esc le droit pour les mineurs ? « 

L. 32 : En temps de godemarre fuhlimer la pénurie de fon membre pur… Premières édit. : En temps de pcjîe charger f on pauure membre de…

Page 278, 1. 8 : Donnons. Prem. édit. et Dolet : Donne : ^^

Page 279, 1. 8 : yiue vocis oraculo. u Par oracle de vive voix. »

L. 13 : Vna voce. « D’une seule voix, unanime- ment. »

L. 14 : Ex nur.c prout ex tune. « D’ores (de mainte- nant) comme d’alors. »

L. 18 : Voftre paraphe Caton. — Paraphe est, par cor- ruption pour paragraphe^ ainsi qu’il est remarqué dans la briefue déclaration, t. m, p. 204. — Toutes les lois citées ici sont des textes sérieux et notables, célèbres pour les difficultés qu’ils présent jnt. Le § Cato est le pre- mier de la loi Eadem dicemus IV de verborum obligatio- nibus (45, i). Il a trait à la théorie de l’indivisibilité, que Dumoulin a approfondie dans son traité intitulé : Extrieatio labyrinthi dividui & individui. La plupart des autres lois qui suivent ont été réunies dans ces vers techniques :

Ex empto. Prxtor, Si quis, Pomponius, Arbor. Si dominus. Mater. Vinum. Mulier bona. Frater.

Sunt htu diflîcilcs fatis, hoc in codice leges ; N c careas lege : carmiiia uoilra lege.

Ce commentateur égayé parfois son travail par des réflexions plaisantes. Il dit, au sujet de la loi Vinum 1. 22, De rLbus creditis.^ 12, i^ :

Qute licet forte non lit dilficilis,

Elt tamen utilis, cuni la ; tificct cor iiominis.

C’était, du reste, une loi que son titre as’ait rendue [(j8 COMMENTAIRE.

populaire et qu’on trouve alléguée jusque dans nos farces :

Seigneurs, efcoutez, s’il vous plaiii,

Expofer la loy de vinum,

Qui eft efcripte, fe dit-on.

En Digefte, ou xii iiure ;

Ne cuydez pas que ie foye yure. {Ane. Tliéât.fr., t. ii, p. 8 : — Sermon ioyeux de bien boyre)

A l’occasion de la loi Mulicr bona. le commentateur ne pouvait guère se dispenser de taire en passant, conformément à l’usage du temps, une inoffensive plaisanterie contre les femmes. Après avoir séparé, dans la ponctuation, midier et bona^ il s’exprime ainsi :

Aduerte, aliqui afleucrant quod mulier Bona fit lex vnica qu ; e eft de iure dotium. Sed cum mulicr bona lit rara auis : Inde non ell facienda lex.

On voit, par les vers techniques que nous avons cités, que la loi intitulée empcor^ dans notre texte, et exempter^ dans les deux premières éditions, est réelle- ment désignée par ex emptOj\.\i^ De aclione empti^ i9 ? I-

Quelquefois le glossateur lui-même hésite entre plusieurs lois dont les premiers mots sont les mêmes. Ainsi il y a plus de trois cents lois commençant par Si quls datas le Digeste, et plus de deux cents dans le Code, sans compter « la loi si quis canis » si plaisamment alléguée par L’Intimé, dans Les Plaideurs ^act. m, se. m.

Il y a pour Jundi dix lois au Digeste, pour Venditor huit au Digeste et une au Code. On n’a point de doute à l’égard de Gallus (I. 29, xxviir, 2), ni de Qidnque pedum (C. 5, m, 39). Voyez Digefium vêtus, à la suite de la table des titres, et la grande glose, Lyon, 1612.

Page 280, 1. 11 : Lucifuges… cheual. Prem. éd. : ÏAtcifu^es nyEiicoraces, qui font inquillnes du climat diaromes dung crucifix a cheual. Marnef : Lucifuges niclicoraces. Le demandeur.

Page 282, 1. 21 : Cuf anus trompé en f es conieclures. PANTAGRUEL, T. I, P. 282-290. 1519

Le cardinal Nicolas de Cusa, franciscain, a écrit, en i45’2, un ouvrage : De conleclnris noiàjjimorum tempo- rum. où, se fondant sur ce que le déluge est arrivé dans le trente-quatrième jubilé de cinquante ans, il prédit la fin du monde pour le premier jubilé de l’ère chrétienne, c’est-à-dire avant 1734.

L. 23 : Midt^ de hon vin. Prem. édit. : hon poijfon de vin.

Page 283, 1. 6 : Humer. Les trois premières éditions portent, au lieu du texte qui suit, presque identique à un passage de Gargantua, (voyez ci-dessus, p. 80, note sur lai. 2 de la p. 23) : Par faincl Thibault [dijl il) tu dys vray, & fi ie montajfe.

L. 10.A la mode des pajfereaux. Voyez ci-dessus p. 80, note sur la 1. 18 de la p. 23.

L. 12 : Auecques Empedocles. Dans VTcaro-MJnippe de Lucien, Empédocle raconte à Ménippe qu’après s’être jeté dans le cratère de l’Etna il fut transporté au delà de la lune, où il retomba.

Page 285, 1. 21 : L’apologie de hojfulis &" contre- faclis pro Magiflros nofiros. « L’apologie des bossus et contrefaits, dédiée à nos maîtres. »

L. 23 : Àgyos^ athanatos^ ho theos. Voyez ci-dessus p. 131, note sur la 1. 11 de la p. 132.

Page 286, 1. 7 : Mais ou font les neiges d’an tan ? Refrain de la Ballade des dames du temps Jadisy de Villon.

Page 287, 1. 2 : Corinthiace. Prem. éd. : Tudefque.

L. 19 : Bruflant… Les premières éditions ajoutent : « Comme Sodome & Gomorre. »

Page 290,1. 13 : Ferrare. Edition de François Juste, 1533 et 1534 : Carpentras.

L. 17 : Demander^ qui ejl là bas ? Noël du Fail a dit (t. I, p. 91) : « S’équipèrent… auec vne forte Ar- baleftc de pafle, qui eftoit au premier front pour fcruir de demander : Qui eft là.^ qui bruit ? qui vous . meine.>… & autres femblables mots & demandes de nuit. »

I-. 25 : A meilleur marrhé que les pierres. On lit dans 200 COMMEN’TAIRE.

la complaincle de la mère Cardlne (Poésies françaises des XV* et XVI" siècles^ Biblioth. elzév., t. m, p. 295) :

Ce n’eft plus le paffé qu’vn badault papelard Le faifoit feuremcnt à deux coups le liard.

Dans Le Moyen de parvenir (p. 19) : « l’aimerois bien mieux faire ma prouifloii à Paris ; i’aurois pleine chemife de chair pour cinq fols, & vne pannerée de terifes pour quatre. » Et plus loin (p. 309) : « On trouue à Paris pleine chemife de chair viue pour cinq fous au rabais. » Cinq sous de ce temps équivalent à peu près à un franc de notre monnaie.

L. 32 : De tant… claufirales. Premières éditions : De tant de vit^ qicon conppa en cejle ville es pouures Italiens a Ventrée de la Reyne. L’entrée à Bourges de la reine mère, accompagnée de la duchesse de Berry et du jeune dauphin, eut lieu le 23 juillet 1524. Des pillards, des incendiaires, des boute-feux, qui avaient conspiré à Naples, subirent alors de cruels supplices.

Page 291, 1. 11 : L’ouurage gafté. Les éditions de Fr. Juste de 1533 et 1534 ajoutent : « & le pape dif- famé. »

L. 16 : Frater Ltibinus, libro de compotationihus mendi- cantium. « Frère Lubin, au livre des buveries en com- mun des mendiants. » Les éditions de Juste 1533 et 1534 ont : De cornihus « maiftre de cornibus, » comme il dit t. II, p. 73 (voyez la Tahle des noms)^âu. lieu de : Ltibinus.

Page 292, 1. 10 : Solution de continuité. Rabelais a répété cette expression dans le Quart livre (t. il, p. 434). Voyez le Commentaire.

Page 293, 1. 17 : Deux cliarrettees. Les trois pre- mières éditions ajoutent : « Et bien puis que dieu le veult, et touflours forroit dedans. »

L. 28 : Et vhi prenus ? « Et où les prenez-vous ? » En latin de cuisine. Cette phrase se trouve dans la Farce de Colin (Ancien théâtre français^ t. l, p. 230) :

Et vbi prcini qui ne l’emble. L. 31 : Et n’y a que neuf iours. Trois premières édi- tions : Et sil ny a que neuf iours, -voire de mangerejfes dymaiges & de théologiennes.

Page 294, 1. 30 : Mdis il n’ejl encorcs imprime’. Voyez ci-dessus, p. 61, note sur la 1. 17 de la p. 4.

Page 295^ 1. 13 : Faulte d’argent c’efi : doleur non pareille. Ce refrain, qui se trouve déjà dans la sottie de Pierre Gringore, représentée le mardi 25 février 15 12, était très populaire, ec a servi à diverses chansons et pièces de vers. (Voyez La sottie en France, par M. Emile Picot. Romania, avril 1878, p. 264)

L. 16 : Pipeur, beuueur. Ces deux mots et le vers qu’on trouve plus loin :

Au demourant le meilleur fil-^ du monde, ne sont pas dans les trois premières éditions. C’est un emprunt textuel tait à Marot, Epiftre au Roy, pour auoir efié dérobe :

l’auois vn iour vn vallet de Gafcongne

Pipeur,

Au demourant, le meilleur fil/ ; du monde.

Page 296, 1. 9 : Son Deus det. D’ordinaire les Grâces se terminent par : Deus det nolis suam pacem, « que Dieu nous donne sa paix. » Il est piquant d’in- diquer, comme la prière la mieux connue et la plus pra- tiquée de Panurge,’ celle par laquelle on remercie Dieu du repas qu’on vient de prendre.

L. 16 : Maiftres es an. Les premières édit. ajoutent ; « & théologiens. »

L. 2-^ : A yceulx… Premières édit. : A tous les théo- logiens de fe trouuer en Sorbone pour examiner les articles de la foy.

L. 28 : Oignit tout le paué. Premières édit. : Oignit theologalement tout le treilliz de Sorbonne.

Page 298, 1. 12 : Ite miſſa eſt. « Allez… » Paroles qui terminent la messe. Page 299, 1. 31 : Lingere du palays… Edit. de Juste 1533 et 1534 : Des galleries de la Sainâîe Chappelle. Peut-être est-ce « Lynote, Lingere mesdisante, » à qui Cl. Marot a consacré une de ses épigrammes.

Page 300, 1. 2 : Cejî oiiuralge ejl il de Flandre ou de Haynauh ?

le tafle voftre hahit, l’étoffe en eft inoiielleufe.

Mon Dieu, que de ce Point l’ouurage eft merueilleux ! On trauaille anjourd’huy, d’vn air miraculeux.

(MoLif.RE, Tartuffe j a.c\e.iu,9,c. m)

L. 18 : Vn teston… grans blancs. « Le teston est la plus forte monnaie du temps, en argent, ornée de la teste royale, d’où lui venait son nom ; elle avait d’abord été introduite dans notre système monétaire par Louis XII, à l’imitation de certaines monnaies italiennes, et notamment de celles qu’il avait frappées comme duc d’Orléans, dans sa seigneurie d’Ast. Cette monnaie vaudrait 2 francs. Le grand liane varia souvent de titre et de taille ; il fut le sol ou douzain, et quelquefois onzain, dixain, etc., suivant le nombre de deniers pour quoi il courait ; longue dégénérescence du gros tournois, c’était la monnaie la plus commune de cette époque, et les changeurs en donnaient un certain nombre pour un teston. » (Cartier, Numismatique. p. 344)

L. 19 : Maistre mousche. Coquillart a dit, au Monologue des perruques : (t. 11, p. 290)

Il iouera miculx que maistre Mouche, Qui me prendra en desarroy !

Quant à indiquer avec quelque certitude de quel personnage il s’agit, ce serait fort difficile.

Page 301, 1, 13 : Qui ne virent oncq père ny niere. Encore ay-ie le denier & maille, Qu’oncques ne virent père & mère.

(La Farce de Pathelin, acte i, se. 11, p. 15)

L. dernière : Grates vohis dominos, t Je vous rends grâces, Seigneur. » En latin corrompu.

Page 302, I. 12 : Cabaret du chafteau. Voyez ci-dessus, p. 172, note sur la 1. 2 de la p. 242.

L. 19 : Ainfi d’vne main ie prins dou : ^e deniers. Ce genre de friponnerie avait déjà été signalé par Eras ne dans son colloque du Pèlerinage : « Quelques-uns sont tellement dévots à la très sainte Vierge, qu’en feignant de déposer leur offrande sur l’autel, ils dérobent avec une dextérité surprenante ce qu’un autre y a placé. »

L. 20 : Dou^e liards ou doubles.. » Dans ce l’écit… nous voyons paraître comme monnaie usuelle le denier^ ancienne base de notre système monétaire tournois ; le liard, monnaie de billon, introduit dans la circulation sous Louis XI, pour trois deniers ; le double ^ valant deux deniers tournois, et le dou^ain^ véritable sou va- lant, ainsi que son nom l’exprime, douze deniers. /’> (Cartier, Numism.iti.pie. p. 346)

L. 28 : Centuplum accipies. « Tu recevras le centuple. » — t Omnis qui reliquerit domum… centuplum accipiet. » (S. Matth., xix, 29)

L. 32 : Diliges dominum. id eft dilige. « Tu chériras le Seigneur, c’est-à-dire : chéris. » Premières édit. : Dominum Deum tuum adorabis & illi foli feruies • diliges prœmium tiuim. & fie de aliis. « Tu adoreras le Seigneur ton Dieu et ne serviras que lui ; tu chériras ta récompense ; et ainsi des autres. »

Page 303, 1. 2 : L^ pape Sixte. Parmi les damnés (chap. XXX, p. 366) il exerce la profession de « greffeur de verolle. »

L. 25 : D’aultant… il leur failloyt donner d’aduantage. Ce système n’est pas de l’invention de Panurge : c’est celui que, d’après Hérodote (liv. i), on employait pour marier les filles à Babylone. 204 COMMENTAIRE,

L. 34 : Bubaialloient. Premières édit. : Arrejfoient. Page 304, 1. 29 : Maifire Fyfy.

Et le tien curoit les priuez

Et s’appelloit maillrc Fy Fy. (Ane. Thédt. français, t. ii, p. 131 : Farce du savetier)

L. 31 : La pipe de bujfart^ ne le quart de Sentences. Premières édit. : Les Liures de fentences. Il s’agit des Sentences de Pierre Lombard ; et cet ouvrage a sans doute été choisi à cause du jeu de mots qu’il fournit avec sentir^ sentant. Dans le second texte, il £iut pro- bablement lire : la pipe, le bussart, comme le portent les éditions modernes, et il y a une allusion aux ton- neaux de maître Fyfy. Le mot quart a été employé avec ce double sens de quatrième partie d’une pièce et de quatrième livre d’un ouvrage dans le Prologue du Liure m (t. 11, p. 11) : « le voys de nouueau percer mon tonneau. Et… tirer du creu de nos paffetemps epicenaires vn guallant tiercin, & confecutiuemcnt vn ioyeulx quart de fentences Pantagruelicques. »

L. 33 : Du FeumCj en face de tous les auUres So- phiftes. Premières édit. : « De Sorbonne, en face de tous les théologiens, n

Page 305, 1. 17 : Saincl Adauras. Ad auras, « dans les airs. » — « Rabelais, dit Le Duchat, a forgé ce saint comme le patron qui garantit d’être suspendu en l’air. »

L. 20 : Ce pendent. Les prem. édit. disent d’abord : lefuchrijl ne fut -il pas pendu en lair ? Mais â propos…

L. 34 : La réparation de dejfoub^ le ne-^. Les dépenses faites pour la nourriture, et surtout pour la boisson.

Page 306, 1. 22 -, Elle exciteroit tout le monde en admiration de foy. Aeivcù ? -j-àp âv T.a.^v.-/vt spto7ac, eî Tt TcioÙTOv éauTïi ; èvap-j’È ; êï3’w/,Gv Trapeî/^ETO eî ; à’\ ! /tv îiv. {Phèdre, 31)

Page 307,1. 31 ; De Philofophie… de Caballe. Prem. édit. : De Philofophie, de Magie, de Alkimie, & de Caballe. PANTAGRUEL, T. I, P. 308-311, 205

Page 308, 1. 7 : Pro & contra. « Pour et contre. »

L. 21 : A perfonne. Premières édit. : A nully.

L. 33 : Au quel difoit Heraclite eflre la vérité cachée. Rabelais a dit de même (t. ir, p. 172) : « On puiz téné- breux, onquel difoit Heraclytus eftre Vérité cachée. » C’est d’ordinaire à Démocrite qu’on attribue ce mot : « Democritus quasi in puteo quodam sic alto ut fundus sit nuUus, veritatem jacere depressam ait. » (Cicéron, Académiques^ v)

Page 309, 1. 29 : De numeris & fignis. « Des nombres et des signes. » Voici le véritable titre de ce traité, publié à Venise en i^a^ : De computo feu indi- gitilatione &" de loquela manuali per gejîum digitorum.

L. 30 : De inenarrabilibus. « Des inénarrables. » Plotin déplorait l’insuffisance du langage pour la haute philosophie.

L. 31 : De magia. a De la magie. » Proclus passe pour avoir étudié la magie des Chaldéens. Les pre- mières éditions donnent ici Proclus^ et, à la ligne sui- vante : Artemidorus.

L. 32 : Péri onirocriticon. m TI=pl ôveipcx.f.Tix.wv, sur l’in- terprétation des songes. »

L. 33 : Péri femion. « Ilêfl a-/ ; [7.sîwv, sur les signes. »

L. 34 : Péri aphaton. « nspi à’jocTMv, sur les choses qu’on ne doit pas dire. »

Page 310, 1. 2 : Péri anecphoneton. « IIejI àvïxçwvïi- Tcov, sur les mots qu’on ne peut prononcer. »

L. II : Ad metam non loqui. « Au point de ne pas parler. »

L. 23 : louer toutes les aigueillettes de fes chauffes. Dans les dialogues de Mathurin Cordier, au chapitre du Jeu {De corrupti fermonis emendatione. Ludendi fumma) on voit des écoliers jouant ainsi leurs aiguil- lettes : « Ego amisi quatuor ligas. »

L. 30 : Re/ueurs & beiaunes Sophiftes. Premières édit. : Sorhonicoles.

Page 311, I. 10 : Euffent il^ mangé quinze Hures de plume. Du Fail a dit de même : « Difoientqu’ilz n’ofe5o6 COAlMKNTAIKt.

roient touffir, les beliftres enflent ilz mengé vn plein lac de plume. » (t. i, p. 82)

L. 34 : Ces ma.raulx Sop/iijles. En plus, édit. Juste, 1534 : « Sorbillans, Sorbonnagres, Sorbonnigenes, Sor- bonicoles, Sorboniformes, Sorbonifecques, Niborcifans, Borfonifans, Saniborfans. »

Page 312, 1. 3 : Dedans auoic mis vne belle pomme d’orange. « Hz (les hommes) portoyent vne ample & grofle brayette, qui auoit deux ailles aux deux coftez, qu’ils attachoyent auec des efguillettes, vne de chafque cofté ; & en ce grand efpace qui eftoit entre lefdites deux efguillettes, la chemife « S : la brayette, ils y met- toyent leurs mouchoirs, vne pomme, vne orange, ou autres fruicls… & n’eftoit pas inciuil cftans à table de prefenter les fruifts conferuez quelque temps en cefte brayette, comme encor aucuns prefentent des fruits pochetez, » (Louis Guyon, Les Diuerfes leçons. liv. ir, c. 6)

Page 313, 1. i : Comment Panurge feijl quinaud l’Àngloys. Le Duchat indique en ces termes où Rabe- lais a trouvé le point de départ de cette invention plaisante : « Accurfc a égayé ia glofe (fur la loi 2 au Digcjle, De origine Juris) d’une fuigerie approchante, qu’il dit s’cftre anciennement paff^ée dans Rome, entre un philofophe grec & un tou que les Romains lui mirent en tefte. A tous les fignes myfténeux de ce Grec le fou en oppoia de fort tantafques qui, comme ici par Thaumafte, furent pris par le philofophe pour autant de favantes réponfcs à tous fes doutes & à toutes fes objections. » L’auteur du Moyen de parvenir n’a pas manqué d’imiter cette facétie : voyez la dispute par signes d’un menuisier et d’un savant, p. 362.

Page 314, 1. 14 : Les quatre doigt : ^… en l’air. Si l’on essaie de reproduire le mouvement qui vient d’être décrit, on s’apercevra, non sans quelque étonnemcnt, que l’Anglais exécute un des gestes les plus familiers des gamins de Paris, geste considéré généralement comme d’invention récente. PANTAGRUKL, T, I, 1’. 3^5-329. 207

Page 315, ! . 22 : L’œil dextre. Les premières édit. ajoutent : « Et ce dura bien par lelpace dung bon quart dheure. Dont Thaumafte… »

Page 319, 1. 10 : Et ecce plu/quam Salomon hic. « En voici un qui est plus que Salomon. » (S’ Luc, xi, 31)

L. 14 : Problèmes infolubhs. Edit. in-4" : Douhtes inexpuyfables ; Goth. s. d. : inexpulfablcs ; Marnef : inexpufiibles.

Page 320, \. t, -. A tant ic redigeray… affin qu :… A tant se rapporte à agin que, et signifie pour tel objet j de telle manière. La plupart des éditeurs y ont substitué à temps, dans le sens de à loisir^ qui donne un faux sens.

L. 9 : Non eft difcipulus fiiper magiftrum. « Le disciple n’est pas au-dessus du maître. » (S’ Matthieu, x, 24)

L. 1$ : A ventre… de prefent. Prem. éd. : Comme toutes bonnes âmes le iour des mort : ^. le ventre contre terre.

L. 22 : S icut terra fine aqua. Psaume 142, 6 verset. Voyez ci-dessus, p. 79^, note sur la 1. 30 de la p. 22.

Page 326, 1. 5 : Fefie du facre. Premières édit. : Fefie du corps dieu. La Fête-Dieu.

L. 13 : Lycifque orgoofe. Premières édit. : Chienne qui eftoit en chaleur.

L. 16 : Ce que fçauent les Geomantiens Gregoy s. \ oyez Galien, liv. I, aphor. 22.

Page 328, 1. 3 : Compijfoyent… Premières édit. ; La conchioient toute & compilaient…

L. 4 : Sur la tefte. Les premières édit. ajoutent : « Et luy cuUotoit son collet par derrière. »

L. 6 : Piff oient fur f es… Premières édit. : CuUetoient fs…

Page 329, 1. 6 : Nagé. Prem. édit. : Noué, qui a la même signification. Burgaud des Marcts lit noue et l’explique ; « très vaste mare, » interprétation juste en elle-même, mais qui ici ne présenterait aucun sens. Les premières éditions finissent le chapitre par ce mot.

L. 10 : Doribus. Edit. de Juste, 1534 : De Quercu. 2o8 COMME N- TA IRE.

Page 330, 1. 11 ; Ogier & Anus. Premières édit. : Enoch &• Helye.

Page 331, 1. 9 : Bifcoteroyent. Premières édit. : Cheunucheroicnt.

L. 12 : Fanfreluchoient. Premières ëdit. : Cheuau- choient.

L. 16 : Olif en ly calcil. « Huile dans le calice. » Il s’agit, dans cette expression provençale, du calice de la lampe à queue, qui, dans cette contrée, est de- meurée^ depuis l’antiquité jusqu’à nos jours, d’un usage courant.

L. 17 : Belinoyent. Premières édit. : Cheuauchoient. Ce même verbe cheuaucher est répété, dans les pre- mières éditions, au lieu de bifcoteroyent (1. 9), fan- freluchoient (1. 12 J, et de belinoyent (1. 17).

L. dernière : Pntgrl. Il n’y a ici que les consonnes du nom de Pantagruel ; les voyelles sont supprimées, comme dans l’hébreu, où de simples points les rem- placent.

Page 333, 1. 15 : La finejfe que mecl Aulle Gelle. La manière dont on se servait, pour correspondre se- crètement, des bâtons appelés scytales, est expliquée tout au long dans le livre xvil des Nuits attiques^ ch. 9. L’auteur y parle aussi de la plupart des procé- dés que Rabelais a énumérés ici.

L. 30 : De literis illegibilibus. Ces divers traités « sur les lettres inlisibles » sont imaginaires, ou du moins inconnus des bibliographes.

L. 34 : Lamdh ha^abthani. Ou plus correctement : Laniah fabacthani. Dernières paroles de Jésus sur la croix. « Cette application profane… eft proprement du génie italien, & c’eft de la 41* nouvelle du MalTuccio Salernitano que Rabelais l’a tirée. » (Le Duchat)

Page 334, 1.6 : Dy amant faulx. Le diamant véri- table indiquait, au contraire, la constance. Rinaldi, qui le remarque, reproduit aussi le rébus de la dame de Paris : « Diamante gemma fignifica coftanza & PANTAGRUEL, T. I, P. 334-342. 20Ç)

fermezza di animo… Diamante falfo cioè Brilo fî- gnifica : Dimmi falfo amante, per che cofi giubili e fai fefta. (// mofiruofjjjimo mojïro di Giovanni ’Ri- naldi)

L. 27 : Meden… Vti… Vdem… Gelajïm… Achorie. Après avoir suivi un itinéraire réel, nous voici dans des contrées purement imaginaires. Meden… Vti… Vden… sont trois mots grecs qui signifient « rien. » — Gelafim. de -j’6>.a’o), rire, « pays du rire » ou, peut-être, « pays pour rire. » — Achorie^ de à privatif, ef "/.wpo ; , pays, « ce qui n’est pas un pays, » est formée à Timi- tation de Utopie ^ que nous avons déjà vue et que nous retrouverons tout à l’heure.

Page 335, 1. 15 : le (dijl Panurge) entreprens de en- trer en leur camp par le meiUieu des gardes. « Imitation des gabs de Charlemagne & de fes Pairs chez le Roi Hugues de Conftantinople, au chap. 8 de Galien re- ftauré. )) (Le Duchat)

Page 336, 1. 8 : Camille Amazone.

nia vel intactœ segetis pcr summa volaret Gramina, nec teneras cursu la.’sisset aristas.

(Virgile, Enéide. Vw. vu, v. 808)

Page 340, 1. 19 : Courant. Au lieu de l’énuméra- tion qui suit, on lit seulement, dans les premières édi- tions : Courant tua des pieds dix ou dou^e que leuraulx que lapins qui ia étaient hors de page. Doncq il frappa le cheureul…

Page 342, 1. 10 : Arme-^ de pierre de taille. « Cette plaisante imagination est du roman de Mabriant (chap. 31.) ? où Roland, aïant ouï vanter la mervcil- leufe cuirafTe de Mabriant : « Par Sainft Denis, dit-il, s’il cftoit armé de pierre de taille, fl ioufteray-ie de- main à luy. » (Le Duchat). Il est intéressant de faire remonter jusque-là l’origine de cette expression ; mais il aurait été bon de remarquer que Rabelais n’a pas eu à la chercher si loin, et que dans les Grandes cro- jv, 14 2IO COMMENTAIRE.

nlcques (voyez ci-dessus, p. 37) les Gos et Magos sont n armez de pierre de taille. »

L. 15 : Vnie mille. Premières édit. : Troys mille.

L. 18 : Cent cinquante mille. Premières édit. : Quatre cent cinquante mille.

Page 343, 1. 17 : Tout le monde cheuauchera & ic meneray l’afnc,

Chafciin le l’ait, & ie mené Tafne. (Coquillart, Monologue des perruques, t. 11, p. 278)

On a dit dans le même sens : « Je garde le mulet, je tiens la chandelle. » Bien que le vers de Coquillart ait été cité par Le Duchat, Burgaud des Marets a cru qu’il y avait ici une « allusion à un très ancien usage qui subsiste encore dan ? quelques-unes de nos pro- vinces, » à l’habitude de promener sur un âne tenu par la queue les maris trompés et ceux qui se laissent battre par leurs femmes. Mais ceci n’a nul rapport avec le passage de Rabelais.

L. 20 : Qiii potejl capere capiat. « Qui peut saisir saisisse. » Jeu de mots. Capere, qui dans ce pro- verbe s’emploie d’ordinaire au sens moral et veut dire « comprendre, » est ici au sens physique et si- gnifie « prendre. »

Page 346, 1. 8 : Engin mieulx vault que force. Le Duchat complète ainsi ce proverbe ;

D’autant que bois mieux vaut qu’efcorce, Auffi mieux vaut engin que force.

L. 21 : Le pied droit de deuant. Ainsi dans les deux ptemières éditions. Les suivantes portent : Les pieds droits, faute évidente que nous avons diJ faire dispa- raître du texte.

Page 347, 1. 32 : Autant de petites femmes. Dans Le Moyen de parvenir ["p. 134), Rabelais parlant d’une femme qui a laissé aller « vue vefle ou vefne efpou- uantable w dit : « Cette femme eftoit ou deuoit eftre PANTAGRUEL, T. .1, V. 347-358. 21 r

vne belle grande veffe, d’autant que chaque efpece engendre fa femblable. »,

Page 351, 1. 5 : Met : [… Edit. Nourry et IVIarnef : le ne te dys pus comme les caphars Ayde toy dieu te aydera : car ceji au rebours ayde toy, le diable te rom- pra le col. Mais ie te dys, met^…

Page 353, i. 4. : A la Bretefijue, C’est-à-dire à la bretonne. Édit. Nourry et Marnef : A la Tudefque,

L. 13 : Lithontripon… cantharidifé. Edit. Nourry et Marnet : Trochijl^ dallrelrange et de cantharides et aultres…

L. 23 : Voix^ &" parte-^. Edit. Nourry et Marnef : Voix qui eji plus efpouuantable que neftoit celle de Stentor qui fut ouy par fur tout le bruyt de la bataille des Troyans, & vous en parte^.

L. 34 : Ce feuji le dangier. Edit. Nourry et Marnef : la pitié.

Page 354, 1. 29 : Le fang des ennemys. On trouve quelque chose d’analogue dans Les Rois, (liv. iv, ch. 3j V. 22, 23) : « Les Moabites s’étant levés au point du jour, dès que les rayons du soleil brillèrent sur les eaux, elles leur parurent rouges comme du sang. Et ils s’entre-dirent : « C’est le sang du glaive ; les rois se sont battus l’un contre l’autre et se sont entretués. »

Page 356, 1. 13 : ^ voftre maft. Premières édit. : De voftre maft.

L. 17 : Dauid tua bien Goliath facillement. On lit en- suite dans les trois premières édit. : Moy doncques qui en battroys dou : ^e tel^ queftoit Dauid : car en ce temps la ce neftoit que vng petit chiart, nen defferayie pas bien vne douzaine.

L. dernière : Bien chié. Edit. Nourry et Marnef : Bien chien chie. Edit. s. d. gothique : Bren chien chie. Voyez ci-dessus p. 78 la note sur la 1. 26 de la p. 22.

Page 358, 1. i : Pheée. Il faut bien WtQ pheée avec trois é-^ conformément au texte original, et non phée avec deux e, comme le donnent presque toutes les éditions, et notamment colles de Le Duchat, d’Eloi Johanneau, et même, parmi les plus récentes, celles de la Bibliothèque elzévirienne, de la collection Jouaust et de la collection Jannet. Burgaud des Marets, qui dans sa seconde édition a mis, comme il le fallait, pheée, dit en note, par une contradiction assez étrange : « Ce mot est adjectif dans les anciens romans de chevalerie, et veut dire enchanté. On a dit une épée fée, un anneau fée ou phée. On trouve même à l’infinitif le verbe phéer, féer. » Il aurait fallu dire : Phéer. Féer, ou plus anciennement faer, signifiait : enchanter, charmer, douer d’une propriété merveilleuse. Le participe de ce verbe était, au masculin, faé, phéé, féé :

Ens ſon eſtant n’ot de grant que. III. piés,
Et s’ert faés, de vreté le fachiés.

(Huon de Bordeaux, v. 27, portrait d’Oberon)

Au féminin, on ajoutait naturellement un e muet, ce qui faisait trois e de suite, féée, comme aujourd’hui au féminin du participe de créer : créée.

Page 360, l. 22 : Enclume. Premières édit. : mail.

L. 28 : Te haſcheray ie comme chair à paſtez. C’est la menace que le chat botté adresse, dans les Contes de Perrault, aux faucheurs et aux moissonneurs : « Vous serez tous hachés comme chair à pâte. »

Page 361, l. 15 : Tour de beurre. Nom donné à plusieurs tours, entre autres à l’une de celles de la cathédrale de Rouen. On le leur donnait parce qu’elles avaient été construites avec l’argent donné pour avoir la permission de manger du beurre en carême.

L. 24 : Riflandouille. Premières édit. : Moricault.

Page 362, l. 1 : La coupe teſtée. Cette burlesque interversion de syllabes, qui revient dans un cas presque semblable, la couppe guorgée, dans le Prologue du tiers livre (p. 12), n’existait pas d’abord. Les premières éditions portent : La teſte tranchée. Brantôme dit : « Un ſoldat gaſcon, en Piedmont, ayant eſté ainſy condamné avoir la teſle coupée, comme dit Rabelais… » (Édit. de la Société de l’histoire de France, t. VII, p. 98). Brantôme avait écrit évidemment : « coupe testée. » Ce n’est pas, du reste, le seul endroit où il parle de ce chapitre, car, blâmant ailleurs (t. VI, p. 53) les grands, il s’écrie : « Je les envoyé tous aux enfers de M. noſtre maiſtre Rabelais, où il les faict ſi pauvres & malotrus haires, que l’on en aura la raiſon là-bas. »

Huet cite la Nécyomancie de Lucien comme ayant fourni plusieurs traits à ce morceau. (Baudement, Les Rabelais de Huet, p. 25). — Merlin Coccaie a écrit aussi une description burlesque des enfers, que Rabelais connaissait bien et à laquelle il fait allusion lorsqu’il attribue à cet auteur un livre De patria diabolorum. Voyez ci-dessus, p. 186, la note sur la l. 2 de la p. 251.*

On voit que Rabelais s’est complu à écrire ce chapitre, où sa verve bouffonne s’est donné pleine carrière. Dans la première édition, l’énumération des damnés est beaucoup plus courte que dans les suivantes. Quelques noms propres, francisés dans celles-ci, s’y trouvent sous leur forme latine : Coccytus, Antiochus, Romulus. Les autres variantes, sauf deux ou trois que nous avons relevées, n’ont aucune importance. Quant au motif qui a fut attribuer à chaque souverain, à chaque héros, telle ou telle profession, c’est quelquefois un simple rapport de son, un pur jeu de mots, qui se rapporte ou au nom du personnage, ou à quelque circonstance de sa vie. Le Duchat et Éloi Johanneau ont tâché de les expliquer presque tous. Burgaud des Marets les a négligés entièrement. Nous prendrons un moyen terme et signalerons seulement les interprétations qui présentent quelque vraisemblance.

* Merlinus Coccaius de patria diabolorum. « Merlin Coccaie (Théophile Folengo), De la patrie des diables. » Il a décrit l’enfer dans sa Macaronée, à laquelle Rabelais a fait plus d’un emprunt.

Page 363, l. 12 : Diamerdis. Premières édit. : Aloes. D’après les Recherches italiennes & françaises d’Oudin, diamerdis se dit quelquefois d’une préparation de sauge, médicament fort employé pour la guérison des plaies : « Confettione di Saluia ſeluatica. Item, merda. » Dans la facétie intitulée La vraye Medecine qui guariſt de tous maulx & de pluſieurs autres (Recueil de Poés.françoises, 214 COMMENTAIRE.

Bibl. el : ^év., t. I, p. i6i), nous trouvons ce remède ordonné, « pour guarir les fois » :

FoUemus guerijjanteo, Prenez pour vn double de fens Et vne once dyamerdo.

Page 364, 1. 12 et 13 : Tarqinn racquin. Fifo paifunr. L’allusion au nom est évidente.

L. 20 : Ciceron ati^efeu. « Pour avoir contribué à la guerre civile, en le déclarant pour Pompée. » (Le Duchat)

L. 21 : Fabie enfileur de patenoflrcs. « Il avoit efté grand temporifeur. » (Le Duchat)

L. 23 : Eneas meufnier. « Il avoit emporté fon père hors de Troie comme un mûnier charge fur fon dos un fac de farine. » (Le Duchat)

L. 33 : Scipion Africiiin cryoit la lye. La lie, qui se vendait alors pour faire du vinaigre, était criée dans les rues :

A Paris on crie 1res hault leuncs ou vieux, lye, lye.

(Cris de Paris)

Suivant Eloi Johanneau, si Rabelais a donné ce mé- tier à Scipion, c’est à cause de son prénom de Cornélius^ plaisamment interprété par : « qui corne (crie) lie. »

Page 365, 1. 12 : Fainchaumeny. On lit ensuite, dans Nourry et Marnef : JjCs dou^e pers de France font la & ne font riens que ie aye veu^ mal^ ils gaignent leur vie a endurer force plameufes. cliinquenaudes ^ alouettes^ &" grans coups de poing fus les dent^. Ldit. goth. s. d. : Flufieurs autres hommes…

L. 14 : Antonin lacqnays. « Les diminutifs comme Antonin, Pierrot, Jannot, conviennent à de petits laquais. » (Le Duchat)

Page 366,1. 17 : Nicolas pape tiers eftoit papetier. Allusion entre pape tiers, pape troisième du nom, et papetier. PAN’TAGRUEL, T. I, P. ^66--},y2. 215

L. 19 : Le pape Sixte greffeur de verolle. Il ne faut pas oublier que Panurge se vante (t. i, p. 303) de « luy auoir guery vne boffe chancreufe. « 

Page 367, 1. 3 : Cleopatra reuenàereffe d’oignons. Selon Le Duchat, soit à cause des excellents oignons que produisait son royaume, soit à cause de la perle qu’elle fit avaler à Antoine, dissoute dans du vinaigre, les perles se nommant, en latin, unio^ de même que les oignons.

L. 8 : Lucrejfe hofpitaliere. C’est-a-dire : hdtellière, pour donner à penser qu’elle était devenue plus accueil- lante qu’elle ne l’avait été à l’égard de Tarquin.

L. 31 : Chopinafmes theolo gaiement. Voyez ci-dessus, p. 104, note sur la 1. 9 de Ja p. 61.

Page 368, 1. 22 : le vous abfou ! ^ de pain & de fouppe. Jeu de mots sur la formule d’absolution : « Je vous absous de peine et de coulpe. » Un peu plus loin, le coup de pau fus les reins est une allusion à l’usage de donner, à ceux qui reçoivent l’absolution, un coup de baguette à chaque verset du Miferere^ qu’on leur fait réciter.

L. 23 : De ne valoir… difant. Juste, 1533 : De ne valoir iamais riens & ne faire iamais nul bien. Adoncq il appella Caillette^ Trihoulet & d’aultres qui leur fem- bloyent difant.

Page 369, 1. 6 : Neuf muys de bière. Il ne faut pas oublier qu’un peu plus haut (p. 306, 1. 3) Rabelais a dit que Morgant était « braffeur. »

Page 371, 1. 13 : Dixhuycl cens cinquante & fix mille &’ vn-^e. Premières édit. : Dixhuycl cent cinquante mille.

Page 372, 1. 2 : Monfîeur du Roy de troys cuittes. Voyez p. 168, la note sur la 1. 29 de la p. 234. L’expres- sion roy de troys cuittes a fort embarrassé les commenta- teurs. Dolet a mis, dans son édition : Roy de troys pommes cuytte s. m.3.\^ cette leçon n’a pas été adoptée. Le Duchat prétend qu’il s’agit de celui qui, pendant la semaine des Rois, a été roi de la fève, à trois cuissons, à trois 2l6 COMiMENTAIRE.

fournées différentes. Enfin Prosper Blanchemain, qui avait bien voulu me communiquer quelques notes inédites sur Rabelais, voyait là un jeu de mots : « Roi d’ét’roi quitte, « c’est-à-dire : « Quitte d’être roi, qui ne le sera plus. » Je laisse au lecteur le soin de décider. Page 374, 1. 16 : La main au pot. « La main sur le pot » était une formule qui indiquait la conclusion d’un marché et équivalait au denier à Dieu :

fe i’eiiITe ciiil

La main fur le pot par ce ditt Mon denier me full demouré.

{Farce de Palhclin, acte i, se. v, p. 28)

Page 375, 1. 26 : AuJJl pefant q’vn mortier. « Tout le monde ne pcult pas auoir les couillons d’acier. » (Noël du Fail, Propos rustiques, t. i, p. 105)

Page 376, 1. ij : Laryngues & P/iaringues. Villes situées dans le larynx et dans le pharynx de Pantagruel. Du Fail en a fait des noms d’une géographie plus gé- nérale, car il parle des « Rois de Laringues & Pha- ringues. « [Baliverneries, t. I, p. 179)

L. 22 : Vingt & deux cens foixantc mille Cf fei\e. Premières édit. : x\ii cens mille.

Page 379, 1. 19 : Limons. Prem. édit : Limous.

Page 380, 1. 26 : xvij groffes pommes. Ainsi dans toutes les éditions. Cependant, si on fait l’addition des boules employées, on n’en trouve que seize. Bur- gaud des Marets, pensant qu’il y a un jambage de trop, a proposé de l’effacer, et de lire sei-^e.

L. 33 : En cinq aultres entrèrent. Dans Nourry, il y a un bourdon, reproduit dans l’édition de 1542 que nous suivons d’ordinaire, de sorte qu’on lit : En cinq aultres entrèrent trois pai’^ans ; ce qui ne présente aucun sens.

Page 381, 1. 8 : Ain fi cheurent… Finahlement… Premières édit. : Ainfi chercherait plus de demye lieue ou eſtoient les humeurs corrumpues. Finablement… L’édition de 1534 donne : Ainſi cherent, qui, ne présentant pas de sens, a été remplacé par cheurent, moins satisfaisant que chercherent.

L. 10 : Lac de Sorbone, duquel eſcript Strabo. S’il n’a pas effectivement parlé du lac de Sorbonne, il a du moins décrit celui de Serbone en Égypte, liv. I et XVII.

L. 16 : Ieunes gualoyſes. Cette expression revient plus loin (t. II, p. 21, l. 1) : Mignonnes gualoiſes. La Fontaine l’a recueillie. Il parle dans Les Rémois des « gentilles Galoiſes. »

Page 382, l. 6 : Icy ie feray fin à ce premier liure. Voici encore une preuve que Pantagruel a paru avant Gargantua. On objecterait vainement qu’il ne s’agit pas ici du premier livre de tout l’ouvrage, mais seulement de l’histoire de Pantagruel ; car, lorsque Gargantua parut, ce livre devint le second, et quand Rabelais en écrivit la suite, il ne manqua pas de l’intituler : Tiers liure.

L. 20 : Nommee Preſthan. Il s’agit du père et non de la fille, et nommé doit, par conséquent, être au masculin. Prem. éditions : Dit Preſtre Iehan.

L. 24 : Comment il viſita les regions de la lune. Les auteurs du Supplément du Catholicon se sont piqués de remplir ces promesses, que Rabelais a oublié de tenir : « Ne vous ſoubuient il plus, gens de bien, d’auoir leu au chapitre dernier du ſecond liure des Chroniques Pantagruelines, comme feu de beuueuſe memoire, maiſtre François Rabelais vous faiſoit ample promeſſe de vous deſcrire la deſcente de ſon roy Pantagruel aux enfers… Apres comment il viſita les regions de la lune. Si ay-ie à tout hazard, moy voſtre tres humble, entrepris ceſte charge en partie. » (Le Supplément du Catholicon, préface. Satire Ménippée, édit. de Labitte, p. 304)

Page 383, l. 3 : Belles beſoignes. Premières édit. : Beaux textes deuangilles en francoys.

L. 4 : Pardonnate my. « Pardonnez-moy. »

L. 5 : Es voſtres. Les premières éditions se terminent ici par le mot : Finis.

L. 22 : Curios ſimulant, ſed Bacchanalia viuunt. « Ils font les Curius, mais vivent dans les orgies. » (Juvénal, Satires, III, v. 3). Le Duchat fait observer avec vraisemblance que Rabelais semble se rappeler ici l’application que, dans les vers suivants, Politien faisait de ce passage à des hypocrites qui se scandalisaient qu’on expliquât Plaute dans les écoles.

Sed qui nos damnant, histriones sunt maxumi :
Nam Curios simulant, vivunt Bacchanalia.
Hi sunt præcipue, quidam clamosi, leves,
Cucullaii, lignipedes, cincti funibus,
Superciliosum, incurvicervicum pecus,
Qui quod ab aliis habitu, & cultu dissentiunt,
Tristesquc vultu vendunt sanctimonias,
Censuram sibi quandam, et tyrannidem occupant,
Pavidamque plebem territant minaciis.

(Épitres, l. VII)

Page 384, l. 5 : Ne vous fiez iamais en gens qui regardent par vn partuys. C’eſt-à-dire à des moines, qui regardent par le trou que forme leur capuchon : « La Damoiſelle de l’Hoſtel… pria noſtre maiſtre ſe retirer aux ſoirs… chez elle, en vne chambre baſtie exprès pour loger les bons Religieux & autres gens qui ne regardent que par vn trou. » (Noël du Fail, Contes d’Eutrupel, t. II, p. 139)