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commentaire

cette question avec quelques détails. Pour le moment, nous nous contentons de rappeler que Rabelais, arrivé à Montpellier seulement en 1530, ne peut guère avoir publié son Pantagruel avant cette époque. D’ailleurs la date des poursuites dirigées par la Sorbonne contre cet ouvrage nous fait connaître celle de sa publication : elle se trouve indiquée, ainsi que le remarque Rathery, par une lettre latine de Calvin, d’octobre 1533, dans laquelle il raconte que la Faculté, cherchant à s’excuser d’avoir fait saisir Le Miroir de l’ame pechereſſe, de Marguerite de Valois, avait déclaré par la bouche de son suppôt, Leclerc, curé de Saint-André-des-Arcs, que ce livre avait simplement été mis à part pour être examiné, et qu’on n’avait tenu décidément condamnables que La Forêt d’amours, Pantagruel, et autres romans obscènes, « ſe pro damnatis habuiſſe obſca ; nos illos Pantagruelem, Syluam amorum, & eius monetæ. »

Pantagruel n’est pas, comme Gargantua, un personnage populaire ; toutefois, bien avant Rabelais, ce mot existe en français comme nom propre et comme nom commun. Comme nom propre il désigne un diable qui paraît plusieurs fois dans les mystères. On le trouve dans les Actes des apotres, par Arnoul et Simon Gresban, représentes en 1478 devant le roi René. Il figure aussi dans la Vie de Saint Louis par perſonnages (Bibl. nation., f. fr. 24331, fo 110, ro), et là un de ses tours est d’exciter la soif, comme le Pantagruel de Rabelais :

Ie vien de la grande cité
De paris [et] y ay eſté
Toute nuit. Onquez tel painne neu.
A cez galanz qui auoyent beu
Hier au ſuer juſqua hebreoz
Tandis qu’ilz eſtoyent au repos
Ie leur ay par ſoutille touche
Bouté du ſel dedenz la bouche
Doucement ſans lez eſueiller.