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pantagruel, t. i, p. 228-231

au Cueur, et fut bien ioyeulx quil eſtoit ſailly de ſon corps. »

L. 26 : Luy impoſa tel nom. Sur le nom de Pantagruel, voyez ci-dessus, p. 158-160, la note sur la p. 213.*

* cette question avec quelques détails. Pour le moment, nous nous contentons de rappeler que Rabelais, arrivé à Montpellier seulement en 1530, ne peut guère avoir publié son Pantagruel avant cette époque. D’ailleurs la date des poursuites dirigées par la Sorbonne contre cet ouvrage nous fait connaître celle de sa publication : elle se trouve indiquée, ainsi que le remarque Rathery, par une lettre latine de Calvin, d’octobre 1533, dans laquelle il raconte que la Faculté, cherchant à s’excuser d’avoir fait saisir Le Miroir de l’ame pechereſſe, de Marguerite de Valois, avait déclaré par la bouche de son suppôt, Leclerc, curé de Saint-André-des-Arcs, que ce livre avait simplement été mis à part pour être examiné, et qu’on n’avait tenu décidément condamnables que La Forêt d’amours, Pantagruel, et autres romans obscènes, « ſe pro damnatis habuiſſe obſca ; nos illos Pantagruelem, Syluam amorum, & eius monetæ. »

Pantagruel n’est pas, comme Gargantua, un personnage populaire ; toutefois, bien avant Rabelais, ce mot existe en français comme nom propre et comme nom commun. Comme nom propre il désigne un diable qui paraît plusieurs fois dans les mystères. On le trouve dans les Actes des apotres, par Arnoul et Simon Gresban, représentes en 1478 devant le roi René. Il figure aussi dans la Vie de Saint Louis par perſonnages (Bibl. nation., f. fr. 24331, fo 110, ro), et là un de ses tours est d’exciter la soif, comme le Pantagruel de Rabelais :

Ie vien de la grande cité
De paris [et] y ay eſté
Toute nuit. Onquez tel painne neu.
A cez galanz qui auoyent beu
Hier au ſuer juſqua hebreoz
Tandis qu’ilz eſtoyent au repos
Ie leur ay par ſoutille touche
Bouté du ſel dedenz la bouche
Doucement ſans lez eſueiller.

Mais par ma ſoy au reſueiller
Ilz ont eu plus ſoef la mitié
Que deuant.

Comme nom commun il désigne un violent mal de gorge, une sorte d’angine, qui suffoque et empêche presque absolument de parler. L’auteur du Vergier d’honneur dit en parlant d’un homme parvenu à une extrême vieillesse :

… le Panthagruel le grate
Si tres fort dehors & dedans,
Que parler ne peult…

On lit dans une sotie où il s’agit d’un personnage qui feint d’être muet :

… il a le lempas.
— Non vrayement, il ne l’a pas ;
Tu ſcès bien qu’il n’eſt pas cheual.
— Il a donc quelque aultre mal.
A-il point le Panthagruel ?
— On ne l’a iamais ſi cruel
Qu’il garde de parler aux gens.

(Ancien Théâtre françois, t. II, p. 235 : Sottie nouvelle à ſix perſonnaiges)

M. Picot a conclu de ce dialogue que le Pantagruel de Rabelais était depuis longtemps connu des spectateurs. « Ce motif, dit-il, nous autorise à placer la sottie nouvelle vers 1545. » (Étude sur la sottie, Romania, année 1878, p. 307). On a pu se convaincre, par les deux premiers passages que nous avons cités, que Pantagruel est beaucoup plus ancien que Rabelais.

Comme nos anciens auteurs, Rabelais a tait plus d’une fois allusion à cette signification du nom de son héros : l’écolier limousin « diſoit ſouuent que Pantagruel le tenoit à la gorge » (t. I, p. 243) ; « aultres auons ouy ſus l’inſtant que Atropos leurs couppoit le fillet de vie, ſoy grieſuement complaignans & lamentans de ce que Pantagruel les tenoit à la guorge. » (t. II, p. 235). — (Voyez encore ci-après, à la fin de la note sur la l. 15 de la p. 229,* une variante de l’édition de Marnef). C’est le nom de ce mal de gorge, de gosier, qui a donné à Rabelais l’idée de cette étymologie bouffonne : « Panta en Grec vault autant à dire comme tout, & Gruel en langue Hagarene vault autant comme altéré. » (t. I, p. 228). Le nom du peuple, les « Dipſodes, » du grec διψάω « je suis altéré, » s’accorde parfaitement avec celui du souverain.

* Il fera choſes merueilleuſes, & s’il vit il aura de l’eage. On s’attend après ces mots s’il vit à quelque promesse extraordinaire, comme dans ce passage de L’yſtoire des ſept ſages (ch. II, éd. de la Société des anciens textes français, p. 61) : « Quant les ſept maiſtres ouyrent la reſponſe dirent entre eux : ſi ceſtuy enfant vit, y ſera de luy quelque grant chouſe degne de memoire. » La plaisanterie consiste dans cette attente trompée. Cette phrase était devenue du reste une sorte de locution proverbiale : « Vous ſerez homme de bien, s’il n’y a faute ; ſi vous viuez vous aurez de l’aage. » (Noël du Fail, t. I, p. 54.) — On lit à la fin de ce chapitre dans l’édition de Marnef : « Ceulx ſont deſcenduz de Pantagruel qui boyuent tant au Soir que la nuyt ſont contrainctz de eulx leuer pour Boire et pour eſtaindre la trop grand ſoif et charbon ardant que ilz ont dedans la gorge. Et ceſte ſoif ſe nomme Pantagruel pour ſouuenance et memoire dudit Pantagruel. »

L. 28 : Langue Hagarene. Langue du fils d’Agar, des Arabes.

Page 229, l. 10 : Lachement non en lancement. Allusion à Landsman, « compatriote, » en allemand. Nous avons vu plus haut (t. I, p. 24) : « lans, tringue : à toy, compaing. »

L. 15 : Il fera choſes merueilleuſes, & s’il vit il aura de l’eage. On s’attend après ces mots s’il vit à quelque promesse extraordinaire, comme dans ce passage de L’yſtoire des ſept ſages (ch. II, éd. de la Société des anciens textes français, p. 61) : « Quant les ſept maiſtres ouyrent la reſponſe dirent entre eux : ſi ceſtuy enfant vit, y ſera de luy quelque grant chouſe degne de memoire. » La plaisanterie consiste dans cette attente trompée. Cette phrase était devenue du reste une sorte de locution proverbiale : « Vous ſerez homme de bien, s’il n’y a faute ; ſi vous viuez vous aurez de l’aage. » (Noël du Fail, t. I, p. 54.) — On lit à la fin de ce chapitre dans l’édition de Marnef : « Ceulx ſont deſcenduz de Pantagruel qui boyuent tant au Soir que la nuyt ſont contrainctz de eulx leuer pour Boire et pour eſtaindre la trop grand ſoif et charbon ardant que ilz ont dedans la gorge. Et ceſte ſoif ſe nomme Pantagruel pour ſouuenance et memoire dudit Pantagruel. »

Page 230, l. 15 : In modo & figura. « En mode et figure. »

Page 231, l. 2 : Troys arpens & deux ſexterees. « A laquelle playe il ne trouua nul fons. » (Grandes Cronicques, p. 29)

L. 28 : Foy de gentil homme. Voyez ci-dessus, p. 107, la note sur la p. 66, l. 4.*

* Commencerent à renier & iurer. Ces mots sont suivis, dans l’édition antérieure à 1535, de rénumération suivante : « Les plagues dieu. Ie renye dieu, Frandiene vez tu ben, la merde, po cab de bious, das dich gots leyden ſchend, pote de chriſto, ventre ſainct Quenet, vertus guoy, par ſainct Fiacre de Brye, ſainct Treignant, ie foys veu à ſainct Thibaud, Paſques dieu, le bon iour dieu, le diable memport, foy de gentilhomme, Par ſainct Andouille, par ſainct Guodegrin qui feut martyrize de pomes cuyttes, par ſainct Foutin lapoſtre, par ſainct Vit, par ſaincte mamye. — Les éditions de 1535, 1537 et Dolet présentent la même variante ; seulement : Ia martre ſchend y remplace pote de chriſto ; Carimary, Carimara, foy de gentilhomme ; Nè diâ Mà diâ, par ſainct Vit.Po cab de bious équivaut à : « Têtebleu. » — Das dich gots leyden ſchend signifie : « Que la passion de Dieu t’envoie [au diable]. » — Pote… pour potere di Chriſto : « Pouvoir de Christ. » Pote est peut-être une allusion au mot libre italien

L. 30 : Da iurandi. Dans la grammaire de Donat, le maître, demandant à l’élève de lui énumérer les adverbes qui servent à l’affirmation, au serment, lui dit :