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gargantua.

Si Rabelais avait commencé son roman par l’histoire de Gargantua & non par celle de Pantagruel, n’est-ce pas en tête de la vie du père qu’il aurait placé la généalogie de toute la famille ? Cela est si vrai que le Gargantua commence par un renvoi à cette généalogie qui devrait figurer en tête de l’ouvrage :

« Ie vous remectz à la grande chronicque Pantagueline recongnoistre la genealogie & antiquité dont nous est venu Gargantua. En icelle vous entendrez plus au long comment les Geands nasquirent en ce monde… & ne vous faschcra, si pour le present ie m’en deporte. Combien que la chose soit telle, que tant plus seroit remembree, tant plus elle plairoit à voz seigneuries : comme vous auez l’autorité de Platon… qui dict estre aulcuns propos… qui plus sont delectables, quand plus souuent sont redictz. »

Burgaud des Maretz considère ce passage comme contraire à l’opinion que nous venons de soutenir, mais ses objections nous semblent très-faibles :

« On ne remet pas, dit-il, une chose à la veille, mais au lendemain. » Comprendre ainsi l’expression de Rabelais, c’est confondre le sens aftuel du mot avec l’acception qu’il avait au temps de l’auteur. Remettre, conformément à l’étymologie latine remittere, signifie ici renvoyer : « Je vous renvoie à la grande chronique Pantagrueline. »

Le futur vous entendrez, paraît ausi à Burgaud des Maretz un argument en faveur de sa thèse ; mais Rabelais dit vous entendrez, parce qu’il s’adresse au lecteur de Gargantua, qui lit le nouveau roman suivant l’ordre naturel, & n’abordera les aventures du fils que lorsqu’il connaîtra celles du père. La fin du passage, dont Burgaud des Maretz ne parle pas, est encore plus formelle : Rabelais y fait remarquer fort clairement qu’il n’a pas besoin de répéter ce qu’il a déjà dit.

Du reste la rédaction même du titre du premier ouvrage de Rabelais suffirait pour résoudre la ques-