L’Encyclopédie/1re édition/FIEF
FIEF, s. m. (Droit politiq. Hist. littér.) Un fief étoit, dans son origine, un certain district de terrein possédé par un leude, avec des prérogatives inhérentes à ce don, ou à cette possession qui étoit amovible. Mais du tems de Charlemagne & de Lothaire I. il y avoit déjà quelques-uns de ces sortes de biens qui passoient aux héritiers, & se partageoient entre eux : ensuite les fiefs devinrent héréditaires ; & pour lors leur hérédité jointe à l’établissement général des arriere-fiefs, éteignirent le gouvernement politique, & formerent le gouvernement féodal.
Je n’ai pas dessein de traiter ici de nos fiefs modernes ; je me propose d’envisager cette matiere sous une face plus générale, plus noble, & j’ose ajoûter, plus digne de nos regards. Quel spectacle singulier que celui de l’établissement des fiefs ! « Un chêne antique s’éleve, l’œil en voit de loin les feuillages ; il approche, il en voit la tige, mais il n’en apperçoit point les racines, il faut percer la terre pour les fouiller ». C’est la comparaison d’un des beaux génies de notre siecle (Esprit des Lois, tome III.), qui après avoir découvert les racines de ce chêne antique, l’a représenté dans son vrai point de vûe.
L’origine des fiefs vient de l’invasion des peuples du Nord en occident & en orient. Personne n’ignore l’évenement qui est une fois arrivé dans le monde, & qui n’arrivera peut-être jamais ; je veux parler de l’irruption des nations septentrionales, connues sous le nom de Goths, Visigoths, Ostrogoths, Vandales, Anglo-Saxons, Francs, Bourguignons, qui se répandirent dans toute l’Europe, s’y établirent, & donnerent le commencement aux états, aux fiefs, qui partagent aujourd’hui cette partie du monde.
Ces peuples barbares, c’est-à-dire ces peuples étrangers à la langue & aux mœurs des pays qu’ils inonderent, descendoient des anciens Germains, dont César & Tacite nous ont si bien dépeint les mœurs. Nos deux historiens se rencontrent dans un tel concert, avec les codes des lois de ces peuples, qu’en lisant César & Tacite, on trouve par-tout ces codes ; & qu’en lisant ces codes, on trouve par-tout César & Tacite.
Raisons de cette invasion en occident. Après que le vainqueur de Pompée eut opprimé sa patrie, & qu’elle eut été soûmise à la domination la plus tyrannique, l’Europe gémit long-tems sous un gouvernement violent, & la douceur romaine fut changée en une oppression des plus cruelles. Enfin les nations du Nord favorisées par les autres peuples également opprimés, se rassemblerent & se réunirent ensemble pour venger le monde : elles se jetterent comme des torrens en Italie, en France, en Espagne, dans toutes les provinces romaines du midi, les conquirent, les démembrerent, & en firent des royaumes ; Rome avoit si bien anéanti tous les peuples, que lorsqu’elle fut vaincue elle-même, il sembla que la terre en eût enfanté de nouveaux pour la détruire.
Les princes des grands états ont ordinairement peu de pays voisins qui puissent être l’objet de leur ambition ; s’il y en avoit eû de tels, ils auroient été enveloppés dans le cours de la conquête : ils sont donc bornés par des mers, des rivieres, des montagnes, & de vastes deserts, que leur pauvreté fait mépriser. Aussi les Romains laisserent-ils les Germains septentrionaux dans leurs forêts, & les peuples du Nord dans leurs glaces ; & il s’y conserva, ou il s’y forma des nations qui les asservirent eux-mêmes.
Raisons de cette invasion en Orient. Pendant que les Goths établissoient un nouvel empire en Occident, à la place de celui des Romains, il y avoit en Orient les nations des Huns, des Alains, des Avares, habitans de la Sarmatie & de la Scythie, auprès des Palus-Méotides, peuples terribles, nés dans la guerre & dans le brigandage, errans presque toûjours à cheval ou sur leurs chariots, dans le pays où ils étoient enfermés.
On raconte que deux jeunes Scythes poursuivant une biche qui traversa le bosphore Cimmérien, aujourd’hui le détroit de Kapha, le traverserent aussi. Ils furent étonnés de voir un nouveau monde ; & retournant dans l’ancien, ils firent connoître à leurs compatriotes les nouvelles terres, & si l’on peut se servir de ce terme, les Indes qu’ils avoient découvertes.
D’abord les armées innombrables de ces peuples Huns, Alains, Avares, passerent le bosphore, & chasserent sans exception tout ce qu’ils rencontrerent sur leur route ; il sembloit que les nations se précipitassent les unes les autres, & que l’Asie pour écraser l’Europe, eût acquis un nouveau poids. La Thrace, l’Illyrie, l’Achaïe, la Dalmatie, la Macédoine, en un mot toute la Grece fut ravagée.
Enfin sous l’empereur Théodose, dans le cinquieme siecle, Attila vint au monde pour desoler l’Univers. Cet homme, un des plus grands monarques dont l’histoire ait parlé, logé dans sa maison de bois où nous le représente l’histoire, étant maître de tous ces peuples Scythes, craint de ses sujets sans être haï, rusé, fier, ardent dans sa colere, & sachant la regler suivant ses intérêts ; fidelement servi des rois mêmes qui étoient sous sa dépendance ; simple dans sa conduite, & d’ailleurs d’une bravoure qu’on ne peut guere loüer dans le chef d’une nation, où les enfans entroient en fureur au récit des beaux faits d’armes de leurs peres, & où les peres versoient des larmes lorsqu’ils ne pouvoient pas imiter leurs enfans ; Attila, dis-je, soûmit tout le Nord, traversa la Germanie, entra dans les Gaules, ravagea l’Italie, détruisit Aquilée, retourna victorieux dans la Pannonie, & y mourut après avoir imposé ses lois à l’empire d’Orient & d’Occident, & se préparant encore à envahir l’Asie & l’Afrique. Envain, après sa mort, les nations barbares se diviserent, l’empire des Romains étoit perdu ; il alla de degrés en degrés, de la décadence à sa chûte, jusqu’à ce qu’il s’affaissa tout-à-coup sous Arcadius & Honorius. Ainsi changea la face de l’Univers.
Différence qui a résulté de l’invasion en Occident & en Orient. Par le tableau que nous venons de tracer de ce grand évenement qu’ont produit les invasions successives des Goths & des Huns, le lecteur est en état de juger de la différence qui a dû résulter de l’irruption de ces divers peuples du Nord. Les derniers n’ont fait que ravager les pays de l’Europe où ils ont passé, sans y former d’établissement ; semblables aux Tartares leurs compatriotes, soûmis à la volonté d’un seul, avides de butin, ils n’ont songé dans leurs conquêtes qu’à se rendre formidables, à imposer des tributs exorbitans, & à affermir par les armes l’autorité violente de leur chef. Les premiers au contraire se fixerent dans les royaumes qu’ils soûmirent ; & ces royaumes, quoique fondés par la force, ne sentirent point le joug du vainqueur. De plus, ces premiers, libres dans leurs pays, lorsqu’ils s’emparerent des provinces romaines en Occident, n’accorderent jamais à leur général qu’un pouvoir limité.
Quelques-uns même de ces peuples, comme les Vandales en Afrique, les Goths dans l’Espagne, déposoient leur roi dès qu’ils n’en étoient pas contens ; & chez les autres, l’autorité du prince étoit bornée de mille manieres différentes. Un grand nombre de seigneurs la partageoient avec lui ; les guerres n’étoient entreprises que de leur consentement ; les dépouilles étoient communes entre le chef & les soldats ; aucun impôt en faveur du prince ; & les lois étoient faites dans les assemblées de la nation.
Quelle différence entre les Goths & les Tartares ! Ces derniers en renversant l’empire grec, établirent dans les pays conquis le despotisme & la servitude ; les Goths conquérant l’empire romain, fonderent partout la monarchie & la liberté. Jornandez appelle le nord de l’Europe, la fabrique du genre humain ; il seroit encore mieux de l’appeller, la fabrique des instrumens qui ont brisé les fers forgés au midi : c’est-là en effet que se sont formées ces nations vaillantes, qui sont sorties de leurs pays pour détruire les tyrans & les esclaves, & pour apprendre aux hommes que la nature les ayant fait égaux, la raison n’a pû les rendre dépendans que pour leur bonheur.
Autres preuves de cette différence. On comprendra mieux ces vérités, si l’on veut se rappeller les mœurs, le caractere, & le génie des Germains dont sortirent ces peuples, que Tacite nomme Gethones, & qui subjuguerent l’empire d’Occident. Ils ne s’appliquoient point à l’agriculture ; ils vivoient de lait, de fromage, & de chair ; personne n’avoit de terres ni de limites qui lui fussent propres. Les princes & les magistrats de chaque nation donnoient aux particuliers la portion de terrein qu’ils vouloient dans le lieu qu’ils vouloient, & les obligeoient l’année suivante de passer ailleurs.
Chaque prince avoit une troupe de compagnons (comites) qui s’attachoient à lui & le suivoient. Il y avoit entre eux une émulation singuliere pour obtenir quelque distinction auprès du prince ; il regnoit de même une vive émulation entre les princes sur le nombre & la bravoure de leurs compagnons. Dans le combat, il étoit honteux au prince d’être inférieur en courage à ses compagnons ; il étoit honteux aux compagnons de ne point égaler la valeur du prince, & de lui survivre. Ils recevoient de lui le cheval du combat, & le javelot terrible. Les repas peu délicats, mais grands, étoient une espece de solde pour ces braves gens.
Il n’y avoit point chez eux de fiefs, mais il y avoit des vassaux. Il n’y avoit point de fiefs, puisque leurs princes n’avoient point de terrein fixe à leur donner ; ou si l’on veut, leurs fiefs étoient des chevaux de bataille, des armes, des repas. Il y avoit des vassaux, parce qu’il y avoit des hommes fideles, liés par leur parole, par leur inclination, par leurs sentimens, pour suivre le prince à la guerre. Quand un d’eux, dit César, déclaroit à l’assemblée qu’il avoit formé le projet de quelque expédition, & demandoit qu’on le suivît ; ceux qui approuvoient le chef & l’entreprise, se levoient & offroient leur secours. Il ne faut pas s’étonner que les descendans de ces peuples ayant le même gouvernement, les mêmes mœurs, le même caractere, & marchant sur les mêmes traces, ayent conquis l’empire romain.
Idée du gouvernement féodal établi par les peuples du Nord en Europe. Mais pour avoir une idée du gouvernement qu’ils établirent dans les divers royaumes de leur domination, il est nécessaire de considérer plus particulierement la nature de leurs armées envoyées pour chercher de nouvelles habitations, & la conduite qu’ils tinrent. La nation entiere étoit divisée, comme les Israélites, en plusieurs tribus distinctes & séparées, dont chacune avoit ses juges sans aucun supérieur commun, excepté en tems de guerre, tel qu’étoit les dictateurs parmi les Romains : ainsi les armées ou colonies qu’on faisoit partir de leurs pays surchargés d’habitans, n’étoient pas des armées de mercenaires qui fissent des conquêtes pour l’avantage de ceux qui les payoient ; c’étoient des sociétés volontaires, ou des co-partageans dans l’expédition qu’on avoit entreprise. Ces sociétés étoient autant d’armées distinctes, tirées de chaque tribu, chacune conduite par ses propres chefs, sous un supérieur ou général choisi par le commun consentement, & qui étoit aussi le chef ou capitaine de sa tribu : c’étoit en un mot une armée de confédérés. Ainsi la nature de leur société exigeoit que la propriété du pays conquis fût acquise à tout le corps des associés, & que chacun eût une portion dans le tout qu’il avoit aidé à conquérir.
Pour fixer cette portion, le pays conquis étoit divisé en autant de districts que l’armée contenoit de tribus ; on les appella provinces, comtés (en anglois shire, qui vient du mot saxon scyre, c’est-à-dire diviser, partager). Après cette division générale, les terres étoient encore partagées entre les chefs des tribus. Comme il étoit nécessaire à leur établissement, dans un pays nouvellement conquis, de continuer leur général dans son autorité, on doit le considérer sous deux divers égards ; comme seigneur d’un district particulier, divisé parmi ses propres volontaires ; ou comme seigneur ou chef de la grande seigneurie du royaume. A chaque district ou comté présidoit le comte (en anglois ealdorman), qui avec une assemblée de vassaux tenanciers (landholders) régloit toutes les affaires du comté ; & sur toute la seigneurie du royaume, présidoit le général ou roi, lequel avec une assemblée générale des vassaux de la couronne, régloit les affaires qui regardoient tout le corps de la république ou communauté.
Ainsi quand les Gaules furent envahies par les nations germaines, les Visigoths occuperent la Gaule narbonnoise, & presque tout le midi ; les Bourguignons se fixerent dans la partie qui regarde l’orient ; les Francs conquirent à-peu-près le reste ; & ces peuples conserverent dans leurs conquêtes les mœurs, les inclinations, & les usages qu’ils avoient dans leur pays, parce qu’une nation ne change pas dans un instant de manieres de penser & d’agir. Ces peuples, dans la Germanie, cultivoient peu les terres, & s’appliquoient beaucoup à la vie pastorale. Roricon, qui écrivoit l’histoire chez les Francs, étoit pasteur.
Le partage des terres se fit différemment chez les divers peuples qui envahirent l’empire : les uns comme les Goths & les Bourguignons, firent des conventions avec les anciens habitans sur le partage des terres du pays : les seconds, comme les Francs dans les Gaules, prirent ce qu’ils voulurent, & ne firent de réglemens qu’entre eux ; mais dans ce partage même, les Francs & les Bourguignons agirent avec la même modération. Ils ne dépouillerent point les peuples conquis de toute l’étendue de leurs terres ; ils en prirent tantôt les deux tiers, tantôt la moitié, & seulement dans certains quartiers. Qu’auroient-ils fait de tant de terres ?
D’ailleurs il faut considérer que les partages ne furent point exécutés dans un esprit tyrannique, mais dans l’idée de subvenir aux besoins mutuels de deux peuples qui devoient habiter le même pays. La loi des Bourguignons veut que chaque bourguignon soit reçu en qualité d’hôte chez un romain : le nombre des romains qui donnerent le partage, fut donc égal à celui des bourguignons qui le reçurent. Le romain fut lésé le moins qu’il lui fut possible : le bourguignon chasseur & pasteur, ne dédaignoit pas de prendre des friches ; le romain gardoit les terres les plus propres à la culture ; les troupeaux du bourguignon engraissoient le champ du romain.
Ces partages de terres sont appellés par les écrivains du dernier tems, sortes gothicæ, & sortes romanæ en Italie. La portion du terrein que les Francs prirent pour eux dans les Gaules, fut appellée terra salica, terre salique ; le reste fut nommé allodium, en françois aleu, de la particule négative à, & heud qui signifie en langue teutonique, les personnes attachées par des tenemens de fief, qui seules avoient part à l’établissement des lois.
Le romain ne vivoit pas plus dans l’esclavage chez les Francs, que chez les autres conquérans de la Gaule ; & jamais les Francs ne firent de réglement général, qui mît le romain dans une espece de servitude. Quant aux tributs, si les Gaulois & les Romains vaincus en payerent aux Francs, ce qui n’est pas vraissemblable dans la monarchie de ces peuples simples, ces tributs n’eurent pas lieu long-tems, & furent changés en un service militaire : quant aux cens, il ne se levoit que sur les serfs, & jamais sur les hommes libres.
Comme les Germains avoient des volontaires qui suivoient les princes dans leurs entreprises, le même usage se conserva après la conquête. Tacite les désigne par le nom de compagnons comites ; la loi salique par celui d’hommes qui sont sous la foi du roi, qui sunt in truste regis, tit. xljv. art. 4 ; ces formules de Marculfe (l. I. form. 18), par celui d’antrustions du roi du mot trew, qui signifie fidel chez les Allemands, & chez les Anglois true, vrai ; nos premiers historiens par celui de leudes, de fideles ; & les suivans par celui de vassaux, & seigneurs, vassali, seniores.
Les biens réservés pour les leudes, furent appellés dans les divers auteurs, & dans les divers tems, des biens fiscaux, des bénéfices ; termes que l’on a ensuite appropriés aux promotions ecclésiastiques ; des honneurs, des fiefs, c’est-à-dire, dons ou possessions, du mot teutonique, feld ou foeld, qui a cette signification ; dans la langue angloise on les appella fees.
On ne peut pas douter que les fiefs ne fussent d’abord amovibles. Les historiens, les formules, les codes des différens peuples barbares, tous les monumens qui nous restent, sont unanimes sur ce fait. Enfin, ceux qui ont écrit le livre des fiefs, nous apprennent que d’abord les seigneurs purent les ôter à leur volonté, qu’ensuite ils les assûrerent pour un an, & ensuite les donnerent pour la vie.
Deux sortes de gens étoient tenus au service militaire ; les leudes vassaux qui y étoient obligés en conséquence de leur fief ; & les hommes libres francs, romains & gaulois, qui servoient sous le comte, & étoient menés par lui & ses officiers.
On appelloit hommes libres, ceux qui d’un côté n’avoient point de bénéfices ou fiefs, & qui de l’autre n’étoient point soûmis à la servitude de la glebe ; ces terres qu’ils possédoient, étoient ce qu’on appelloit des terres allodiales.
Il y avoit un principe fondamental, que ceux qui étoient sous la puissance militaire de quelqu’un, étoient aussi sous sa jurisdiction civile. Une des raisons qui attachoit ce droit de justice, au droit de mener à la guerre, faisoit en même tems payer les droits du fisc, qui consistoient uniquement en quelques services de voiture dûs par les hommes libres, & en général en de certains profits judiciaires très limités. Les seigneurs eurent le droit de rendre la justice dans leurs fiefs, par le même principe qui fit que les comtes eurent le droit de la rendre dans leur comté.
Les fiefs comprenoient de grands territoires ; comme les rois ne levoient rien sur les terres qui étoient du partage des francs, encore moins pouvoient-ils se réserver des droits sur les fiefs ; ceux qui les obtinrent eurent à cet égard la joüissance la plus étendue : la justice fut donc un droit inhérent au fief même. On ne peut pas, il est vrai, prouver par des contrats originaires, que les justices dans les commencemens ayent été attachées aux fiefs, puisqu’ils furent établis par le partage qu’en firent les vainqueurs ; mais comme dans les formules des confirmations de ces fiefs, on trouve que la justice y étoit établie, il résulte que ce droit de justice étoit de la nature du fief, & une de ses prérogatives.
On sait bien que dans la suite, la justice a été séparée d’avec le fief, d’où s’est formée la regle des jurisconsultes françois, autre chose est le fief, autre chose est la justice : mais voici une des grandes causes de cette séparation ; c’est que y ayant une infinité d’hommes de fiefs, qui n’avoient point d’hommes sous eux, ils ne furent pas en état de tenir leurs cours : toutes les affaires furent donc portées à la cour de leur seigneur suzerain, & les hommes de fiefs perdirent le droit de justice, parce qu’ils n’eurent ni le pouvoir ni la volonté de le réclamer.
Présentement nous pouvons nous former une idée de la nature des gouvernemens établis en Europe, par les nations du nord. Nous voyons de-là l’origine des principautés, duchés, comtés, dans lesquels les royaumes de l’Europe ont été partagés ; de-là nous pouvons remarquer, que la propriété, le domaine (directum dominium) du pays, résidoit dans le corps politique ; que les tenanciers en fief étoient seulement revêtus du domaine utile, dominium utile ; & que par conséquent les grands tenoient leurs seigneuries du public, du royaume & non du roi. C’est ainsi que les princes d’Allemagne tiennent leurs principautés de l’Empire & non de l’empereur ; & c’est aussi pourquoi les seigneurs anglois sont nommés pairs du royaume, quoiqu’on croye communément qu’ils tiennent leur titre du roi. C’est encore par la même raison qu’en Angleterre..... Mais laissons aux particuliers des diverses nations, les remarques intéressantes qui les concernent, & hâtons-nous de parler des principaux changemens, qui par succession de tems, sont arrivés dans le gouvernement féodal & politique de notre royaume.
Changemens arrivés dans le gouvernement féodal & politique de France. Quoique par la loi, les fiefs fussent amovibles, ils ne se donnoient pourtant, ni ne s’ôtoient d’une maniere arbitraire, & c’étoit ordinairement une des principales choses qui se traitoit dans les assemblées de la nation ; on peut bien penser que la corruption se glissa parmi nous sur ce point, l’on continua la possession des fiefs pour de l’argent, comme on fit pour la possession des comtés.
Ceux qui tenoient des fiefs avoient de très-grands avantages. La composition pour les torts qu’on leur faisoit, étoit plus forte que celle des hommes libres. On ne pouvoit obliger un vassal du roi de jurer par lui-même, mais seulement par la bouche de ses propres vassaux. Il ne pouvoit être contraint de jurer en justice contre un autre vassal. Ces avantages firent que l’on vint à changer son aleu en fief, c’est-à-dire qu’on donnoit sa terre au roi, qui la donnoit aux donateurs en usufruit ou bénéfice, & celui-ci désignoit au roi ses héritiers.
Comme il arriva sous Charles Martel, que les fiefs furent changés en biens d’église, & les biens d’église en fiefs, les fiefs & les biens d’église prirent réciproquement quelque chose de la nature de l’un & de l’autre. Ainsi les biens d’église eurent les priviléges des fiefs, & les fiefs eurent le privilége des biens d’église. Voilà l’origine des droits honorifiques dans les églises.
Les hommes libres ne pouvoient point dans les commencemens se recommander pour un fief ; mais ils le purent dans la suite, & ce changement se fit dans le tems qui s’écoula depuis le regne de Gontrand jusqu’à celui de Charlemagne. Ce prince dans le partage fait à ses enfans, déclara que tout homme libre pourroit après la mort de son seigneur, se recommander pour un fief dans les trois royaumes, à qui il voudroit, de même que celui qui n’avoit jamais eu de seigneur. Ensuite tout homme libre put choisir pour son seigneur qui il voulut, du roi ou des autres seigneurs. Ainsi ceux qui étoient autrefois nuement sous la puissance du roi, en qualité d’hommes libres sous la puissance du comte, devinrent insensiblement vassaux des uns des autres à cause de cette liberté.
Voici d’autres changemens qui arriverent en France dans les fiefs depuis Charles le Chauve. Il ordonna dans ses capitulaires, que les comtés seroient donnés aux enfans du comte, & il voulut que ce réglement eût encore lieu pour les fiefs. Ainsi les fiefs passerent aux enfans par droit de succession & par droit d’élection.
L’Empire étoit sorti de la maison de Charlemagne dans le tems que l’hérédité des fiefs ne s’établissoit que par condescendance ; au-contraire, quand la couronne de France sortit de la maison de Charlemagne, les fiefs étoient réellement héréditaires dans ce royaume ; la couronne, comme un grand fief, le fut aussi.
Après que les fiefs, d’annuels qu’ils étoient, furent devenus héréditaires, il s’éleva plusieurs contestations entre les seigneurs & leurs vassaux, & entre les vassaux eux-mêmes ; dans ces contestations il fallut faire des réglemens concernant les droits & les fonctions réciproques de chacun. Ces réglemens ramassés peu-à-peu des décisions particulieres, furent appellés la loi des fiefs, & on s’en servit en Europe pendant plusieurs siecles.
Cette loi est distinguée par le docteur Nicholson, un des plus savans prélats d’Angleterre en matiere d’antiquités, dans les périodes suivantes : 1°. sa naissance depuis l’irruption des nations septentrionales jusqu’à l’an 650 : 2°. son enfance depuis ce tems-là jusqu’en 800 : en 3° lieu, sa jeunesse depuis le même tems jusqu’en 1027 : enfin 4°, son état de perfection peu de tems après.
Les princes de l’Europe & leurs sujets se trouvant unis mutuellement par des titres de possessions en fief (ce qui étant dûement considéré, montre la vraie nature du pouvoir de la royauté) ; cette union subsista long-tems dans un heureux état, pendant lequel, aucun prince de l’Europe ne s’imagina être revêtu d’un pouvoir arbitraire, jusqu’à ce que la loi civile ayant été ensevelie dans l’oubli, après l’établissement des nations du nord dans l’occident de l’Empire, cette nouvelle idée parut au jour. Alors quelques princes se servirent de la loi Regia pour s’attribuer un pouvoir despotique, & introduire dans leurs royaumes la loi civile, uniquement par ce motif. Cette entreprise n’eut point de succès en Angleterre, mais elle gagna le dessus dans d’autres parties de l’Europe ; en Espagne, par exemple, où la lecture de cette loi fut pour cette raison défendue sur peine de la vie.
Effets qui ont résulté de l’hérédité des fiefs. Une infinité de conséquences ont résulté de la perpétuité des fiefs. Il arriva de cette perpétuité des fiefs, que le droit d’ainesse ou de primogéniture s’établit dans l’Europe, chez les François, les Espagnols, les Italiens, les Anglois, les Allemands. Cependant on ne connoissoit point en France cet injuste droit d’aînesse dans la premiere race ; la couronne se partageoit entre les freres, les aleus se divisoient de même, & les fiefs amovibles ou à vie n’étant pas un objet de succession, ne pouvoient être un objet de partage. Dans la seconde race, le titre d’empereur qu’avoit Louis le Débonnaire, & dont il honora Lothaire son fils aîné, lui fit imaginer de donner à ce prince une espece de primauté sur ses cadets.
On juge bien que le droit d’aînesse établi dans la succession des fiefs, le fut de même dans celle de la couronne, qui étoit le grand fief. La loi ancienne qui formoit des partages, ne subsista plus : les fiefs étant chargés d’un service, il falloit que le possesseur fût en état de le remplir : la raison de la loi féodale força celle de la loi politique ou civile.
Dès que les fiefs furent devenus héréditaires, les ducs ou gouverneurs des provinces, les comtes ou gouverneurs des villes, non contens de perpétuer ces fiefs dans leurs maisons, s’érigerent eux-mêmes en seigneurs propriétaires des lieux, dont ils n’étoient que les magistrats, soit militaires, soit civiles, soit tous les deux ensemble. Par-là fut introduit un nouveau genre d’autorité dans l’état, auquel on donna le nom de suzeraineté ; mot, dit Loyseau, qui est aussi étrange que cette espece de seigneurie est absurde.
A l’égard des fiefs qui étoient dans leurs gouvernemens, & qu’ils ne purent pas s’approprier, parce qu’ils passoient par hérédité aux enfans du possesseur, ils inventerent, pour s’en dédommager, un droit qu’on appella le droit de rachat, qui se paya d’abord en ligne directe, & qui par usage, vint à ne se payer plus qu’en ligne collatérale. Voilà l’origine du droit de rachat reçu par nos coûtumes.
Bien-tôt les fiefs pûrent être transportés aux étrangers comme un bien patrimonial ; c’est à quoi l’on attribue en général l’origine du droit de lods & ventes ; mais consultez là-dessus ceux qui ont traité de cette matiere, relativement aux différentes coûtumes du royaume.
Lorsque les fiefs étoient à vie, on ne pouvoit pas donner une partie de son fief, pour le tenir à toûjours en arriere-fief ; il eût été absurde qu’un simple usufruitier eût disposé de la propriété de la chose ; mais lorsqu’ils devinrent perpétuels, cela fut permis avec de certaines restrictions, que nos coûtumes ont en partie adoptées ; c’est-là ce qu’on a nommé se joüer de son fief.
La perpétuité des fiefs ayant établi le droit de rachat, comme nous l’avons dit, il arriva que les filles purent succéder à un fief au défaut des mâles ; car le seigneur donnant le fief à la fille, il multiplioit les cas de son droit de rachat, parce que le mari devoit le payer comme la femme : mais cette disposition ne pouvoit avoir lieu pour la couronne ; car comme elle ne relevoit de personne, il ne pouvoit y avoir de droit de rachat sur elle.
Eléonore succéda à l’Aquitaine, & Mathilde à la Normandie. Le droit des filles à la succession des fiefs parut dans ce tems-là si bien établi, que Louis VII. dit le jeune, après la dissolution de son mariage avec Eléonore, ne fit aucune difficulté de lui rendre la Guienne en 1150.
Quand les fiefs étoient amovibles, on les donnoit à des gens qui pouvoient les servir ; & il n’étoit point question de mineur : mais quand ils furent perpétuels, les seigneurs prirent le fief jusqu’à la majorité, soit pour augmenter leur profit, soit pour faire élever le pupille dans l’exercice des armes. Ce fut, je pense, vers l’an 877, que les rois firent administrer les fiefs, pour les conserver aux mineurs ; exemple qui fut suivi par les seigneurs, & qui donna l’origine à ce que nous appellons la garde-noble ; laquelle est fondée sur d’autres principes que ceux de la tutelle, & en est entierement distincte.
Quand les fiefs étoient à vie, on se recommandoit pour un fief ; & la tradition réelle qui se faisoit par le sceptre, constatoit le fief, comme fait aujourd’hui ce que nous nommons l’hommage.
Lorsque les fiefs passerent aux héritiers, la reconnoissance du vassal, qui n’étoit dans les premiers tems qu’une chose occasionnelle, devint une action réglée ; elle fut faite d’une maniere plus éclatante ; elle fut remplie de plus de formalités, parce qu’elle devoit porter la mémoire des devoirs du seigneur & du vassal, dans tous les âges.
Quand les fiefs étoient amovibles ou à vie, ils n’appartenoient guere qu’aux lois politiques ; c’est pour cela que dans les lois civiles de ce tems-là il est fait si peu mention des lois des fiefs : mais lorsqu’ils devinrent héréditaires, qu’ils purent se donner, se vendre, se léguer, ils appartinrent & aux lois politiques & aux lois civiles. Le fief considéré comme une obligation au service militaire, tenoit au droit politique ; considéré comme un genre de bien qui étoit dans le commerce, il tenoit au droit civil : cela donna naissance aux lois civiles sur les fiefs.
Les fiefs étant devenus héréditaires, les lois concernant l’ordre des successions dûrent être relatives à la loi de la perpétuité des fiefs : ainsi s’établit, malgré la disposition du droit romain & de la loi salique, cette regle du droit françois, propres ne remontent point. Il falloit que le fief fût servi ; mais un ayeul, un grand oncle, auroient été de mauvais vassaux à donner au seigneur : aussi cette regle n’eut-elle d’abord lieu que pour les fiefs, comme nous l’apprenons de Boutillier.
Les fiefs étant devenus héréditaires, les seigneurs soigneux de veiller à ce que le fief fût servi, exigerent que les filles qui devoient succéder aux fiefs ne pussent se marier sans leur consentement ; de sorte que les contrats de mariage devinrent pour les nobles une disposition féodale, & une disposition civile. Dans un acte pareil fait sous les yeux du seigneur, on faisoit des dispositions pour la succession tuture, dans la vûe que le fief pût être servi par les héritiers.
En un mot, les fiefs étant devenus héréditaires, & les arriere-fiefs s’étant étendus, il s’introduisit beaucoup d’usages en France, auxquels les lois saliques, ripuaires, bourguignones, & visigothes n’étoient plus applicables : on en retint bien pendant quelque tems l’esprit, qui étoit de regler la plûpart des affaires par des amendes ; mais les valeurs ayant changé, les amendes changerent aussi. L’on suivit l’esprit de la loi, sans suivre la loi même. D’ailleurs la France se trouvant divisée en une infinité de petites seigneuries qui reconnoissoient plûtôt une dépendance féodale, qu’une dépendance politique, il n’y eut plus de loi commune. Les lois saliques, bourguignones, & visigothes, furent donc extrèmement négligées à la fin de la seconde race ; & au commencement de la troisieme on n’en entendit presque plus parler. C’est ainsi que les codes des lois des barbares & les capitulaires se perdirent.
Enfin le gouvernement féodal commença entre le douzieme & treizieme siecle, à déplaire également aux monarques qui gouvernoient la France, l’Angleterre, & l’Allemagne : ils s’y prirent tous à-peu-près de même, & presque en même tems, pour le faire évanoüir, & former sur ses ruines une espece de gouvernement municipal de villes & de bourgs. Pour cet effet, ils accorderent aux villes & aux bourgs de leur domination plusieurs priviléges. Quelques serfs devinrent citoyens ; & les citoyens acquirent pour de l’argent le droit d’élire leurs officiers municipaux. C’est vers le milieu du douzieme siecle qu’on peut fixer en France l’époque de l’établissement municipal des cités & des bourgs. Henri II. roi d’Angleterre donna des prérogatives semblables aux villes de son royaume ; les empereurs suivirent les mêmes principes en Allemagne : Spire, par exemple, acheta en 1166 le droit de se choisir des bourguemestres, malgré l’évêque qui s’y opposoit : ainsi la liberté naturelle aux hommes sembla vouloir renaître de la conjoncture des tems & du besoin d’argent où se trouvoient les princes. Mais cette liberté n’étoit encore qu’une servitude réelle, en comparaison de celle de plusieurs villes d’Italie qui s’érigerent alors en république, au grand étonnement de toute l’Europe.
Il arriva cependant qu’insensiblement les villes & les bourgs de divers royaumes s’accrurent en nombre, & devinrent de plus en plus considérables : ensuite la nécessité, mere de l’industrie, obligea quantité de personnes à imaginer des moyens de contribuer aux commodités des gens riches, pour avoir de quoi subsister : de-là, l’invention de divers métiers en divers lieux & en divers pays. Enfin parut en Europe le commerce qui fructifie tout, le retour aimable des Lettres, des Arts, des Sciences, leur encouragement & leur progrès : mais comme rien n’est pur ici bas, de-là vint la renaissance odieuse de la maltôte romaine, si nuisible & si cruelle, inconnue dans la monarchie des Francs, & malheureusement remise en pratique parmi nous, lorsque les hommes commencerent à joüir des Arts & du Commerce.
Auteurs théoriques sur les fiefs. C’est précisément lorsque les fiefs furent rendus héréditaires, que presque tous les auteurs ont commencé leurs traités sur ce sujet, en appliquant communément aux tems éloignés les idées générales de leur siecle ; source d’erreurs intarissable. Ceux qui ont remonté plus haut ont bâti des systèmes sur leurs préjugés. Peu de gens ont sû porter leur esprit sans prévention aux vraies sources des lois féodales ; de ces lois qu’on vit paroître inopinément en Europe, sans qu’elles tinssent à celles qu’on avoit jusqu’alors connues ; de ces lois qui ont fait des biens & des maux infinis ; de ces lois enfin qui ont produit la regle avec une inclination à l’anarchie, & l’anarchie avec une tendance à la regle. M. de Montesquieu tenant le bout du fil est entré dans ce labyrinthe, l’a tout vû, en a peint le commencement, les routes, & les détours, dans un tableau lumineux dont je viens de donner l’esquisse, en empruntant perpétuellement son crayon, je ne dis pas son coloris.
Ceux qui seront curieux de comparer son excellent ouvrage avec d’autres sur la même matiere, peuvent lire, par exemple, de Hauteserre, Origines feudorum pro moribus Galliæ, liber singularis ; il se trouve à la fin de ses trois livres de ducibus & comitibus provincialibus Galliæ, Toulouse, 1643, in-4°. Le Fevre de Chantereau, de l’origine des fiefs ; Loyseau, Boutillier, Pasquier ; quelques uns de nos historiens ; Cambden, dans sa Britannia ; Spelman ; & Saint-Amand, dans son Essai sur le pouvoir législatif de l’Angleterre. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.
Fief, (Jurisprud.) en latin feudum, & quelquefois anciennement feodum, est un immeuble ou droit réel qui est tenu & mouvant d’un seigneur, à la charge de lui faire la foi & hommage, quand il y a mutation & changement de personne, soit de la part du seigneur dont releve le fief, soit de la part du vassal, qui est le possesseur du fief.
Il est aussi ordinairement dû des droits en argent au seigneur, pour certaines mutations ; mais il n’y a que la foi & hommage qui soit de l’essence du fief : c’est ce qui le distingue des autres biens.
Les auteurs sont fort partagés sur l’étymologie du mot fief : les uns le font venir de fœdus, à cause de l’alliance qui se fait entre le seigneur & le vassal ; d’autres, comme Cujas, le font venir de fides, ou du mot gaulois fé ou fié, qui signifie foi, parce que la foi est ce qui constitue l’essence du fief ; d’autres, du mot saxon feh, gages. Bodin prétend que le mot latin fœdus est formé des lettres initiales de ces mots, fidelis ero domino vero meo, qui étoient une ancienne formule de la foi & hommage : Hottmand le fait venir du mot allemand qui signifie guerre : Pontanus le tire du mot danois feid, service militaire : d’autres, du mot hongrois foeld, terre : d’autres, de foden, nourrir ; mais l’opinion de Selden, qui paroît la plus suivie, est que ce mot fief tire son étymologie de l’ancien saxon feod, qui signifie joüissance ou possession de la solde ; parce qu’en effet les fiefs, dans leur origine, ont été donnés pour récompense du service militaire, & à la charge de faire ce service gratuitement : de maniere que le fief tenoit lieu de solde. De feod on a fait en latin feodum, & par corruption feudum : aussi les termes de féodal & de féodalité sont-ils plus usités dans nos coûtumes, que celui de feudal.
Tous les héritages & droits réels réputés immeubles, sont tenus en fief, ou en censive, ou en franc-aleu.
Les fiefs sont opposés aux rotures, qui sont les biens tenus en censive ; ils sont aussi différens des franc-aleux, qui ne relevent d’aucun seigneur.
Dans le doute, une terre est présumée roture, s’il n’appert du contraire.
La qualité de fief doit être prouvée par des actes de foi & hommage, par des aveux & dénombremens, par des partages, ou par des jugemens contradictoires, & autres actes authentiques.
Un seul dénombrement ne suffit pas pour la preuve du fief, à moins qu’il ne soit soûtenu d’autres adminicules : la preuve par témoins n’est point admise en cette matiere.
On peut tenir en fief toutes sortes d’immeubles, tels que les maisons & autres bâtimens, cours, bassecours, jardins, & autres dépendances, les terres labourables, prés, vignes, bois, étangs, rivieres, &c.
M. le Laboureur, sur les Masures de l’isle Barbe, p. 181. dit, à l’occasion d’un titre de l’an 1341, que l’érection d’un fief ne se pouvoit faire qu’il n’y eût 10 liv. de rente ; ce qui suffisoit alors pour l’entretien d’un gentilhomme.
On peut aussi tenir en fief toutes sortes de droits réels à prendre sur des immeubles tels que le cens, rentes foncieres, dixmes, champarts, &c. les propriétaires de ces droits sont obligés d’en faire la foi au seigneur dont ils les tiennent.
Les justices seigneuriales sont aussi toutes tenues en fief du roi, & attachées à quelque fief corporel dont elles ne peuvent être séparées par le possesseur.
L’origine des fiefs est un des points les plus obscurs & les plus embrouillés de notre histoire ; elle paroît venir de l’ancienne coûtume de toutes les nations, d’imposer un hommage & un tribut au plus foible.
Plusieurs tiennent que les fiefs étoient absolument inconnus aux Romains ; parce qu’en effet il n’en est point parlé dans leurs lois : il est néanmoins certain que les empereurs romains donnerent à leurs capitaines & à leurs soldats des terres conquises sur les ennemis, avec des esclaves & des animaux pour les cultiver ; ces concessions furent faites à la charge de l’hommage ou reconnoissance envers celui dont ils tenoient ces bienfaits ; & à condition de ne passer aux enfans mâles qu’au cas qu’ils portassent les armes. S’il n’y avoit que des filles, ou que les garçons ne portassent pas les armes, l’empereur donnoit les terres à d’autres officiers ou soldats ; ce qu’il faisoit, dit Lampride en la vie de Sévere, pour les engager à mieux défendre les frontieres qui étoient devenues leur propre bien. On trouve plusieurs exemples de ces concessions sous les empereurs Alexandre Severe & Probus, l’un mort l’an 211 ; l’autre, en 282.
On trouve donc dès le tems des Romains le premier modele des fiefs, & l’obligation du service militaire imposée aux possesseurs ; & comme c’étoient principalement les terres des frontieres que l’on accordoit ainsi aux officiers, on peut rapporter à cette époque la premiere origine de nos marquis, qui, dans leur institution, étoient destinés à garder les marches ou frontieres du royaume.
Comme les empereurs faisoient ces sortes de concessions dans les pays qu’ils avoient conquis, on conçoit qu’ils ne manquerent pas d’en faire dans les Gaules, que Jules César avoit réduites en province romaine.
Quelques auteurs croyent entrevoir des traces des devoirs réciproques du seigneur & du vassal, dans l’ancienne relation qu’il y avoit entre le patron & le client.
Il faut néanmoins convenir que les Romains n’avoient point dans leurs états de fiefs tels qu’ils ont été pratiqués en France, sur-tout depuis le tems de la seconde race de nos rois.
Mezeray prétend que la donation des fiefs à la noblesse de France commença sous Charles-Martel.
D’autres tiennent que l’usage des fiefs nous est venu des Lombards, & que Charlemagne l’emprunta d’eux. Il est certain en effet que les Lombards furent les premiers qui érigerent des duchés, pour relever en fief de leur état.
Ces peuples voyant en 584 que l’empereur Maurice vouloit faire les derniers efforts pour les exterminer, remirent leur état en royaume : néanmoins les trente-six ducs qui gouvernoient leurs villes, les garderent en propre & à titre héréditaire ; mais ils demeurerent obligés envers le roi à certains devoirs, particulierement de lui obéir & le suivre en guerre. Spolette & Benevent furent sous les Lombards des duchés héréditaires avant Charlemagne.
Ce qui a pû accréditer cette opinion, est que les livres des fiefs que l’on a joints au corps de droit, sont principalement l’ouvrage de deux jurisconsultes lombards nommés Gérard le Noir & Obert de Horto, qui étoient consuls de Milan en 1158 : ce sont les jurisconsultes lombards qui ont embrouillé le droit des fiefs des subtilités du digeste ; celui de France étoit auparavant fort simple
D’autres encore pensent que Charlemagne prit l’idée des fiefs chez les peuples du nord : en effet, comme on l’a déjà observé, le mot fief paroît venir du mot saxon feod, qui signifie la joüissance ou la possession de la solde ; & de feod on a fait feodum, & en françois féodal.
Quelques-uns pour concilier ces deux dernieres opinions, disent que Charlemagne, après avoir pris l’idée des fiefs chez les peuples du nord, s’y confirma par l’exemple des Lombards ; & qu’après en avoir fait l’expérience en Italie, il estima tant cette police, qu’il l’introduisit dans tous les pays où il le put faire sans détruire les lois qui y étoient d’ancienneté. C’est ainsi que Tassillon possédoit le duché de Baviere, à condition d’un hommage ; & ce duché eût appartenu à ses descendans, si Charlemagne ayant vaincu ce prince n’eût dépouillé le pere & les enfans.
Il y a aussi des historiens qui rapportent l’établissement des fiefs en France au roi Raoul, lequel, pour gagner l’affection des grands, fut obligé de leur donner plusieurs domaines.
D’autres enfin fixent cette époque au tems de Hugues Capet.
Mais nonobstant ces diverses opinions, il paroît constant que l’usage des fiefs est venu en France du nord ; qu’il y fut apporté par les Francs lorsqu’ils firent la conquête des Gaules.
M. Schilter, en ses notes sur le traité des fiefs de Struvius, remarque que ce n’est point aux seuls Lombards qu’on doit l’origine des fiefs ; qu’ils étoient en usage en Allemagne, avant que le droit des Lombards y eût été reçû ; que les François ont beaucoup plus contribué que les Lombards à introduire l’usage des fiefs ; que c’est par eux que les fiefs ont passé en Allemagne.
Il observe encore que les fiefs sont inconnus en Espagne, quoique les Visigoths s’y soient établis : d’où il infere que cet usage n’étoit pas commun à tous les peuples de Germanie ; qu’il s’est introduit peu après chez les François & les Lombards, depuis que les uns & les autres furent sortis de Germanie : il y a lieu de croire que les Francs avoient emprunté cet usage des Saxons.
Il est vrai que le terme de fief étoit totalement inconnu sous la premiere race de nos rois : aussi n’en est-il rien dit dans la loi salique ni dans celle des Ripuariens : il n’y est parlé que des terres saliques & des aleux. Les aleux étoient les biens libres qui étoient demeurés aux anciens propriétaires : les terres saliques étoient celles qui étoient données aux officiers & soldats, jure beneficii, c’est-à-dire à titre de bienfait & de récompense, & à la charge du service militaire. Ce fut à ce titre que Clovis donne Melun à Aurélien, jure beneficii concessit : ainsi ces bénéfices qui sont les premiers fondemens des fiefs, sont aussi anciens que la monarchie.
Dumoulin ne doute point que ces distributions de terres appellées bénéfices, dont l’usage avoit commencé chez les Romains, ne soient la premiere origine de nos fiefs ; c’est pourquoi il se sert indifféremment des mots bénéfice & fief, quoiqu’il y ait une différence essentielle entre bénéfice & fief. Est-ce que ces bénéfices n’obligeoient point à la foi & hommage, ni aux autres devoirs féodaux ? d’ailleurs ces bénéfices n’étoient point héréditaires.
L’usage que l’on observoit, par rapport à ces bénéfices, éprouva plusieurs changemens.
Dans le premier état, le seigneur en pouvoit dépouiller arbitrairement le vassal. Ils furent ensuite annals, comme étoient toutes les commissions, puis on les concéda pour la vie du vassal. Les seigneurs accorderent après, que le fief passeroit à celui des fils du vassal qu’ils voudroient choisir ; & comme on choisissoit ordinairement l’aîné, c’est peut-être de-là que viennent les prérogatives que les aînés mâles ont conservées dans les fiefs : les autres fils obtinrent, par succession de tems, le droit de partager avec l’aîné. Ce droit de succéder fut étendu aux petits-fils, & même à défaut de descendans, au frere, si c’étoit un fief ancien.
Les femmes ne succédoient pas d’abord aux fiefs, ni les collatéraux au-delà des cousins-germains ; dans la suite les collatéraux succéderent jusqu’au septieme degré, & présentement ils succedent à l’infini. En France les femelles concourent avec les mâles en directe, & succedent en collatérale à défaut de mâles ; mais en Allemagne & en Italie, elles sont encore excluses des fiefs.
On ne peut pas fixer précisément le tems auquel ces changemens arriverent, car les fiefs n’ont pas été établis tous à la fois sur le pié qu’ils sont présentement : ces changemens s’introduisirent peu-à-peu en divers lieux & en divers tems, & d’une maniere différente.
Les ducs & les comtes, établis d’abord par les Romains & conservés ensuite par les François, de simples officiers qu’ils étoient, se rendirent peu-à-peu seigneurs de leur gouvernement : les comtes étoient vassaux des ducs, & ces comtes se firent eux-mêmes des vassaux : de-là virent les arriere-fiefs ; & comme tout le royaume étoit partage en fiefs & arriere-fiefs, qui tous se rapportoient médiatement ou immédiatement au roi, la France se trouva insensiblement gouvernée comme un grand fief, plûtôt que comme une monarchie.
Ce gouvernement féodal fut fondé par Charlemagne en Allemagne, où il subsiste encore dans toute son autorité, & même en Septimanie, qui formoit la partie méridionale des Gaules. Depuis le regne de ce prince, le terme de vassal se trouve commun dans les chartres & ordonnances, pour exprimer un homme engagé au service d’un autre, par la possession de quelques terres.
Charles-le-Chauve étendit le progrés des fiefs en France, par le démembrement du duché de France & du comte de Flandre, qui furent donnés en fief, l’un à Robert-le-Fort, tige de Hugues Capet, l’autre à Baudoüin : l’ordonnance que ce prince fit au parlement de Chierzy, avant son second voyage d’Italie, assûra pleinement la succession des enfans à leur pere dans tous les bénéfices ou fiefs du royaume.
Louis-le-Begue, roi & empereur, pour regagner les mécontens, fut forcé de démembrer vers l’an 879 une grande partie de son domaine, ce qui multiplia beaucoup les duchés & comtés.
Les usurpations des seigneurs augmenterent encore ces démembremens.
Charles-le-Simple, prince trop foible, perdit la couronne impériale ; ce fut de son tems, & vers l’an 900, que les bénéfices prirent le nom de fiefs, & qu’ils commencerent à devenir héréditaires.
Il y eut encore d’autres démembremens, de sorte qu’il ne restoit plus à Lothaire que trois villes, Laon, Soissons & la Fere ; & quelques-uns croyent que ce fut par cette raison que l’on cessa alors de partager le royaume.
Raoul fut aussi obligé, comme on l’a dit, de donner aux grands plusieurs domaines.
Ce qui est de plus certain, est que la plûpart des grands fiefs ne se formerent, ou du moins ne devinrent héréditaires, que lors de l’avenement d’Hugues Capet à la couronne : les ducs & les comtes se rendirent propriétaires de leurs gouvernemens, & Hugues Capet ayant trop peu d’autorité pour s’opposer à ces usurpations, se contenta d’exiger des seigneurs qu’ils lui fissent la foi & hommage des terres en seigneuries dont ils s’étoient ainsi emparés.
L’origine des fiefs en Angleterre remonte, suivant Cambden, jusqu’au tems d’Alexandre Severe ; ce prince ayant fait bâtir une muraille dans le nord de l’Angleterre pour empêcher les incursions des Pictes, commença quelque tems après à en négliger la défense, & donna, au rapport de Lampride, les terres qu’il avoit conquises sur l’ennemi à ses capitaines & à ses soldats, que cet auteur appelle limitarios duces & milites, c’est-à-dire capitaines & soldats des frontieres : on pouvoit aussi tirer de-là l’origine des marquis. Ces concessions furent faites à condition que les héritiers de ces officiers gardiens des frontieres resteroient toûjours au service, & que ces terres ne pourroient jamais parvenir à des personnes privées, c’est-à-dire à des personnes qui ne porteroient pas les armes. Le motif de ce prince étoit que ceux qui en servant défendent leur propre bien, servent avec beaucoup plus de zele que d’autres. Toutes les terres en Angleterre sont de la nature des fiefs, excepté le domaine de la couronne, c’est-à-dire que personne ne peut posséder des terres, soit par succession ou par acquisition, qu’avec les charges qui ont été imposées au premier possesseur du bénéfice.
Au reste, ce qui vient d’être dit des fiefs d’Angleterre, ne doit pas faire croire que leur origine soit plus ancienne que celle des fiefs de France ; il en résulte seulement qu’ils peuvent également tirer leur origine des bénéfices romains, dont on trouve des traces dès le tems d’Alexandre Severe ; mais il y a toute apparence que les fiefs d’Angleterre n’ont pris la véritable forme de fief qu’à l’imitation des fiefs de France, & que ces usages ont été portés de Normandie en Angleterre par Guillaume le Conquérant.
Les principales divisions des fiefs sont :
1°. Qu’il y a des fiefs de dignité & des fiefs simples ; les premiers sont les principautés, duchés, marquisats, comtés, vicomtés & baronies ; les fiefs simples sont ceux qui n’ont aucun titre de dignité.
2°. La qualité de fief simple est aussi quelquefois opposée à celle de fief lige, lequel est ainsi appellé à ligando, parce qu’il oblige le vassal plus étroitement qu’un fief simple & ordinaire : le vassal en faisant la foi pour un tel fief, promet à son seigneur de le servir envers & contre tous, & y oblige tous ses biens. Voyez ci-après Fief lige.
3°. Les fiefs sont suzerains, dominans, ou servans. Le fief qui releve d’un autre est appellé fief servant, & celui dont il releve fief dominant ; & lorsque celui-ci est lui-même mouvant d’un autre fief, le plus élevé s’appelle fief suzerain : le fief qui tient le milieu entre les deux autres, est fief servant à l’égard du suzerain, & fief dominant à l’égard du troisieme qu’on appelle aussi arriere-fief par rapport au fief suzerain.
Les seigneurs prennent chacun le titre convenable à leur fief : le seigneur d’un simple fief qui releve d’un autre, s’appelle seigneur de fief ou vassal ; celui dont ce fief releve, est appellé seigneur féodal ou seigneur dominant ; celui-ci a aussi son seigneur dominant, qu’on appelle suzerain par rapport au fief inférieur qui releve de lui en arriere-fief. Voyez Arriere-Fief, Fief dominant, Fief servant, Fief suzerain.
Il y a encore plusieurs autres divisions des fiefs, & plusieurs autres qualifications que l’on leur donne ; mais comme elles sont moins ordinaires, on les expliquera chacune en leur rang dans les subdivisions des fiefs, qui suivront les notions générales.
On appelle vassal celui qui possede un fief en propriété, & arriere-vassal, celui qui possede un arriere-fief.
Les vassaux sont aussi quelquefois appellés hommes de fief, pairs de fief, hommes du seigneur.
Anciennement les vassaux étoient tous obligés d’assister aux audiences du juge de leur seigneur dominant, & de lui donner conseil, comme cela se pratique encore dans les coûtumes de Picardie, Artois, & autres coûtumes voisines : on les appelle hommes de fiefs & pairs.
Lorsque les vassaux avoient quelque procès entre eux, ils avoient droit d’être jugés par leurs pairs, & le seigneur du fief dominant y présidoit : ce droit d’être jugé par ses pairs, subsiste encore à l’égard des pairs de France.
Comme les seigneurs se faisoient souvent la guerre, leurs vassaux étoient obligés de les accompagner & de mener avec eux leurs arriere-vassaux. Le tems de ce service n’étoit que de 40 jours, à compter du moment que l’on étoit arrivé au camp ; celui qui vouloit servir pour deux personnes, restoit 80 jours.
Depuis que les guerres privées ont été abolies, il n’y a plus que le roi qui puisse faire marcher ses vassaux à la guerre, ce qu’il fait quelquefois par la convocation du ban & de l’arriere-ban. Voyez Arriere-Ban & Ban.
Le seigneur féodal ou dominant a une nue directe & seigneurie du fief servant qui est mouvant de lui : le vassal en a la directe immédiate avec le domaine utile.
La mouvance est la supériorité d’un fief sur un autre ; il y a des fiefs qui ont beaucoup d’autres fiefs qui en relevent ; mais il y en a aussi qui n’ont aucune mouvance ni censive. Voyez Mouvance.
Les fiefs servans relevent du roi ou de quelques autres seigneurs, soit particulier, ou corps & communauté auxquels appartient le fief dominant.
Tous les fiefs de France relevent du roi, ou en pleins fiefs, c’est-à-dire immédiatement, comme sont les fiefs de dignité ; ou médiatement en arriere-fiefs, comme sont les fiefs simples, qui sont mouvans d’autres fiefs qui relevent du roi immédiatement.
Un fief, soit suzerain, dominant ou servant, peut appartenir à plusieurs seigneurs ; mais un même fief ne peut pas relever en même degré de plusieurs seigneurs ; il peut néanmoins relever immédiatement d’un ou de plusieurs co-seigneurs ; & en arriere-fief, d’un ou plusieurs co-seigneurs suzerains.
Lorsque deux seigneurs prétendent respectivement la mouvance d’un fief, le vassal, pour ne point reconnoître l’un au préjudice de l’autre, doit se faire recevoir par main souveraine. Voyez Foi & Hommage, & Main souveraine.
Toutes sortes de personnes peuvent présentement posséder des fiefs, les roturiers comme les nobles, hommes & femmes, ecclésiastiques & laïques.
Sous les derniers rois de la seconde race, & au commencement de la troisieme, tout homme libre qui faisoit profession des armes, pouvoit acquérir & posséder un fief, ou faire convertir en fief son aleu.
Du tems des croisades, les roturiers même possédoient déjà des fiefs, quoiqu’ils ne fissent pas profession des armes ; mais comme la principale obligation des vassaux étoit le service militaire, & que la plûpart des roturiers ne desservoient pas leurs fiefs, saint Louis, ou selon d’autres, Philippe III. dit le Hardi, défendit aux roturiers de posséder des fiefs, à moins qu’ils ne leur échussent par succession, ou qu’ils ne les eussent acquis 20 ans auparavant. Beaumanoir parle de ce reglement comme d’une disposition nouvelle ; il paroît en effet que c’est la premiere ordonnance qui ait exclu les roturiers de la possession des fiefs ; dans la suite les besoins de l’état ont obligé nos rois à permettre peu-à-peu aux roturiers de posséder des fiefs, en payant au roi une certaine finance.
Philippe-le-Hardi, par une ordonnance de 1275, & Philippe-le-Bel, par une autre de 1291, taxerent les roturiers pour les fiefs qu’ils possédoient hors les terres des barons.
Philippe V. dit le Long, les taxa même pour les fiefs qu’ils possédoient dans ses terres, à l’exception des fiefs tenus de lui en quart-degré.
Enfin les roturiers ont été assujettis, pour toutes sortes de fiefs, à payer tous les 20 ans au roi une finance qu’on appelle droit de francs-fiefs. Voyez ci-après Francs-Fiefs.
Les gens d’église & autres gens de main-morte, ne peuvent acquérir ni posséder aucun fief ou autre héritage, sans payer au roi le droit d’amortissement, & aux seigneurs le droit d’indemnité ; ce qui fut ainsi établi par S. Louis. Voyez Amortissement & Indemnité.
Il y a des fiefs auxquels se trouve attaché un droit de justice, soit haute, moyenne & basse, soit moyenne ou basse seulement ; d’autres fiefs n’ont point droit de justice, c’est pourquoi l’on dit que fief & justice n’ont rien de commun, c’est-à-dire que le fief peut être sans droit de justice & la justice sans le fief. Quand on dit que la justice peut être sans le fief, on entend que le seigneur qui a la justice dans un lieu, n’y a pas toûjours la seigneurie directe ou féodale ; mais ce droit de justice est toûjours attaché à quelque fief.
Il faut aussi observer qu’il y a quelques coûtumes où le fief & la justice sont réciproques, c’est à-dire que tout seigneur direct a, par sa qualité, droit de justice dans sa seigneurie : telles sont les coûtumes d’Artois, Anjou & Maine. Voy. Justice seigneuriale.
Anciennement l’investiture des fiefs de dignité, donnée par le roi, annoblissoit le possesseur ; mais depuis l’ordonnance de Blois, les fiefs n’annoblissent plus.
Le seigneur qui joüit du fief de son vassal, en conséquence de la saisie féodale qu’il en a faite, ne peut le prescrire par quelque laps de tems que ce soit, parce qu’il n’en joüit que comme d’une espece de dépôt, jusqu’à ce qu’on lui ait porté la foi & payé les droits : les héritiers du seigneur, & ses autres successeurs à titre universel, ne peuvent pas non plus prescrire dans ce cas.
Les contestations qui s’élevent au sujet des fiefs, soit pour leur qualité ou pour leur droit, doivent être reglées par le titre d’investiture, par les fois & hommages, aveux & dénombremens, par la coûtume du lieu du fief dominant, pour ce qui concerne la forme de la foi & hommage ; & par la coûtume du fief servant, pour les droits qui peuvent être dûs.
Au défaut de la coûtume du lieu, on a recours à la coûtume de Paris, aux coûtumes voisines, ou au droit le plus général, & à ce qui paroît le plus équitable.
La connoissance des matieres féodales appartient aux baillis & sénéchaux royaux, privativement aux prevôts.
Le seigneur plaide devant son juge au nom de son procureur fiscal, lorsqu’il s’agit du domaine & des droits & revenus ordinaires ou casuels de son fief, comme relief, quint, requint, lods & ventes, amendes, cens & rentes, baux, sous-baux, &c.
Le vassal est obligé de plaider devant le juge de son seigneur, quand il s’agit des droits prétendus par le seigneur, quoique le fief servant soit situé dans une autre jurisdiction. Voyez Justice seigneuriale, Seigneur, & Procureur-fiscal.
La propriété d’un fief oblige en outre le vassal à quatre choses en vers le seigneur.
1°. A lui faire la foi & hommage dans le tems de la coûtume, à moins qu’il n’ait obtenu souffrance, c’est-à-dire un délai, lequel ne s’accorde que pour quelque empêchement légitime, comme pour minorité. Voyez ci-après Foi & Souffrance.
2°. A payer au seigneur les droits utiles qui lui sont dûs, comme quint, requint, relief, & autres, selon l’usage du lieu & les différentes mutations.
3°. A donner l’aveu & dénombrement de son fief. Voyez Dénombrement.
4°. A comparoître aux plaids du seigneur par-devant ses officiers, quand il est assigné à cette fin. Voy. Plaids, Service de plaids.
Les fiefs peuvent avoir deux sortes de droits qui y soient attachés ; savoir des droits honorifiques, & des droits utiles.
Les droits honorifiques des fiefs sont, 1°. la justice pour ceux auxquels ce droit est attaché, & les droits de deshérence & de bâtardise, qui sont une suite de la haute justice.
2°. Le droit de patronage, attaché à certaines seigneuries.
3°. Les droits honorifiques proprement dits, ou grands honneurs de l’église qui peuvent appartenir au seigneur, soit comme patron, soit comme seigneur haut-justicier. Voyez Droits honorifiques.
4°. Les seigneurs moyens & bas-justiciers, & les simples seigneurs de fief joüissent, après le patron & le haut-justicier, des moindres honneurs de l’église, & autres préséances sur les personnes qui leur sont inférieures en dignité.
5°. Le droit de colombier à pié.
6°. La chasse & la pêche, droit de garenne & d’étang.
7°. Le droit de retrait féodal.
8°. Le droit de commise.
Les droits utiles des fiefs sont les droits de quint, requint & relief, dûs pour les fiefs qui sont mouvans d’un autre, lorsqu’il y a mutation sujette aux droits, & pour les rotures les lods & ventes.
Il y a aussi des redevances dûes annuellement sur les rotures au seigneur de fiefs, tels que les droits de cens, champart, terrage, dixmes inféodées, & plusieurs autres droits extraordinaires, tels que corvées & bannalités, qui dépendent des titres de la possession & de l’usage des lieux. Les droits casuels des fiefs étoient inconnus jusqu’au tems de la troisieme race, auparavant les fiefs n’étoient que d’honneur simplement. Voyez Droits seigneuriaux, Lods & Ventes, Quint, Requint, Cens, Champart, &c.
Les seigneurs qui ont des censives, peuvent obliger leurs censitaires de passer déclaration à leur terrier. Voyez Déclaration, Reconnoissance, Lettres de Terrier, Terrier.
Il se forme quelquefois un combat de fief entre deux seigneurs ; on appelle combat de fief une contestation qui survient entre deux seigneurs qui prétendent respectivement la mouvance d’un héritage, soit en fief ou en censive.
Si c’est un fief qui forme l’objet de ce combat, les seigneurs contendans peuvent faire saisir le fief pour la conservation de leurs droits ; & le nouveau vassal doit se faire recevoir par main souveraine, & consigner les droits.
Quand le fief est ouvert par le changement de vassal, ou qu’il y a mutation de seigneur, & que le vassal n’a pas fait la foi & payé les droits qui peuvent être dûs, le seigneur peut faire saisir féodalement ou procéder par voie d’action ; lorsqu’il prend cette derniere voie, il ne gagne point les fruits. Voyez Saisie réelle.
Le fief étant saisi féodalement, le vassal, pour en avoir main-levée, doit avant toute chose avoüer ou desavoüer le seigneur ; avoüer, c’est se reconnoître son vassal ; desavoüer, c’est nier qu’on releve de lui.
La peine du desaveu téméraire, est que le vassal perd son fief, qui demeure confisqué au profit du seigneur. Voyez Aveu & Desaveu.
La commise ou confiscation du fief a aussi lieu pour crime de félonie, c’est-à-dire lorsque le vassal offense grievement son seigneur. Voyez Félonie.
Le démembrement de fief en général est défendu, c’est-à-dire qu’il n’est pas permis au vassal de faire d’un même fief plusieurs fiefs séparés & indépendans les uns des autres, à moins que ce ne soit du consentement du seigneur dominant, ou que ce ne soit dans quelques coûtumes qui le permettent ou le tolerent expressément, comme Artois & Boulogne, Péronne & Amiens, qui le permettent dans tous les actes & dans toutes les aliénations ; celle de Vermandois le permet pour le partage successif ; mais il faut dans toutes ces coûtumes, que la volonté de démembrer soit constante. Voyez Démembrement.
Le jeu de fief, même excessif, est différent du démembrement ; c’est une aliénation des parties du corps matériel du fief, sans division de la foi dûe pour la totalité du fief : l’on peut se joüer de son fief, soit en faisant des sous-inféodations, ou en donnant quelque portion du domaine du fief à cens ou à rente, ou en la vendant.
Le jeu de fief est permis pour la totalité dans les pays de droit écrit ; mais dans les pays coûtumiers, il est regardé comme excessif, lorsqu’il excede la portion dont la coûtume permet de se joüer. La plûpart des coûtumes veulent que le vassal réserve du moins le tiers des domaines en fonds, comme celle de Paris, article 51, qui permet au vassal de se joüer de son fief, & faire son profit des héritages, rentes ou cens étant du fief, sans payer aucun profit au seigneur dominant, pourvû que l’aliénation n’excede pas les deux tiers, & que l’on retienne la foi entiere & quelque droit seigneurial & domanial sur ce qu’il aliene.
Ce que les coutumes d’Anjou, du Maine & de Touraine appellent depié de fief, n’est pas le démembrement du fief, mais plûtôt le jeu excessif du fief.
La peine du depié de fief & du jeu excessif, est que tout ce qui est aliené releve dorénavant, immédiatement du seigneur dominant du vassal qui a fait l’aliénation excessive ; au lieu que toute la peine du démembrement, est que le seigneur dominant n’est pas obligé de reconnoître la division que l’on a voulu faire du fief. Voyez Depié de Fief & Jeu de Fief.
Lorsque le propriétaire d’un fief acquiert un autre fief mouvant de lui, ou quelque héritage qui étoit tenu de lui à cens, ce fief ou autre héritage est réuni au fief de l’acquéreur, à moins que par le contrat il ne déclare qu’il entend tenir séparément ce qu’il acquiert. Cette déclaration doit être renouvellée par chaque possesseur qui se trouve propriétaire du fief & des portions acquises.
La succession des fiefs se regle en pays de droit écrit comme celle des autres biens ; mais il n’en est pas de même en pays coûtumier ; on trouve presque dans chaque coûtume des regles particulieres pour le partage des fiefs : de sorte qu’il n’est pas possible d’asseoir sur cette matiere des principes qui conviennent par-tout : voici néanmoins les usages les plus généraux.
L’aîné mâle a dans le partage des fiefs en ligne directe le droit d’aînesse, qui consiste dans le préciput & la part avantageuse.
Le préciput consiste dans le principal manoir, cour, basse cour & bâtimens en dépendans, avec un arpent de jardin, qui est ce que quelques coûtumes appellent le vol du chapon. Il a aussi la faculté de retenir le surplus de l’enclos, en récompensant les puînés. Voyez Préciput, & Vol du Chapon.
La part avantageuse, lorsqu’il n’y a que deux enfans, est de deux tiers pour l’aîné, & de moitié seulement lorsqu’il y a plus de deux enfans. Coûtume de Paris, art. 15. & 16.
Quelques coûtumes, comme Tours, Angoumois & Poitou, accordent un droit d’aînesse en collatérale ; & dans quelques-unes de ces coûtumes, le plus âgé des mâles extans lors de la succession, est considéré comme l’aîné, quoiqu’il ne soit pas descendant de l’aîné.
Les coûtumes de Picardie & Artois donnent tous ces fiefs à l’ainé, même en collatérale, sauf le quint hérédital aux puînés ; encore l’aîné a-t-il un tems pour retirer ce quint.
En Anjou & Maine, les roturiers partagent les fiefs roturierement jusqu’à ce qu’ils soient tombés en tierce foi ; entre nobles l’aîné a tout ; les puînés n’ont leur portion qu’en bienfait, c’est-à-dire à vie : cependant les pere & mere, oncle, frere, peuvent donner aux puînés leurs portions par héritage, c’est-à-dire en propriété. Pour ce qui est des femelles, elles l’ont toûjours par héritage.
En collatérale, le mâle exclut la femelle en parité de degré ; il n’y a d’exception à cet égard que dans les coûtumes où la représentation a lieu à l’infini, même en collatérale, comme dans la coûtume du grand Perche.
Dans quelques coûtumes, il y a une maniere particuliere de partager les fiefs entre freres & sœurs, qui est ce que l’on appelle parage ; c’étoit anciennement le seul partage usité pour les fiefs dans toutes les coûtumes.
Tenir en parage, c’est posséder une portion d’un fief avec les mêmes droits que l’aîné a pour la sienne ; l’aîné fait la foi pour tous. Dans quelques coûtumes on l’appelle chemier ou parageur, & les puînés parageaux ou paragers ; en Angoumois les puînés sont nommés parageurs, en Bretagne juveigneurs.
Il y a deux sortes de parage, le légal & le conventionnel ; ce dernier n’est connu qu’en Poitou, Saintonge & Angoumois, & n’a lieu qu’avec permission du roi ou du seigneur dominant. Voyez Parage & Frerage.
Il est permis à celui qui possede un fief de le convertir en roture, sans qu’il ait besoin du consentement de ses enfans ou autres héritiers, pourvû que cela soit convenu avec le seigneur dominant.
Sur les fiefs en général on peut voir Struvius, Frecias, Oneronus, Julius Clarus, Flornius, Schilter, Dumoulin, Dargentré, & les autres commentateurs des coûtumes sur le titre des fiefs ; Salvaing, Chantereau, le Fevret, Brusselles, Billecoq, Poquet de Livonieres, Guyot. (A)
Fief abonné, est celui dont le relief ou rachat, les droits de quint, requint, & autres auxquels il étoit naturellement sujet, & quelquefois l’hommage même, sont changés & convertis en rentes ou redevances annuelles. Voyez Loysel, Instit. coûtum. liv. IV. tit. iij. n. 23. & les notes.
Fief abregé, ou comme on disoit anciennement abregié, & qu’on appelle aussi fief restraint, & dans quelques coûtumes fief non noble, c’est celui pour lequel il est dû des services qui ont été limités & diminués. Beaumanoir sur les coûtumes de Beauvaisis, c. xxviij. p. 142. dit qu’il y a des fiefs que l’on appelle fiefs abregiés ; que quand on est semons pour le service de tels fiefs, l’on doit offrir à son seigneur ce qui est dû pour raison de l’abregement ; que le seigneur ne peut pas demander autre chose, si l’abregement est prouvé ou connu, & s’il est suffisamment octroyé par le comte ; car je ne puis, dit-il, souffrir que l’on abrege le plein service que l’on tient de moi sans l’octroi du comte, encore qu’il y ait plusieurs seigneurs au-dessous du comte l’un après l’autre, & qu’ils se soient tous accordés à l’abregement ; & s’ils se sont tous ainsi accordés, & que le comte le sache, il gagne l’hommage de celui qui tient la chose, & l’hommage revient en nature de plein service ; & si le doit amender celui qui l’abregea à son homme de 60 livres au comte.
Dans la coûtume d’Amiens le fief abregé ou restraint & non noble, est un fief dont le relief est abonné à une somme au-dessous de 60 sous parisis & le chambellage, à moins de 20 sous. Voyez les art. 25. 71. 84. & 132. de cette coûtume, voyez aussi l’art. 4. de celle de Ponthieu, & la coûtume d’Anjou, art. 258.
Fief d’acquêt, dans certaines coûtumes signifie un fief acquis pendant le mariage. Par exemple, dans la coûtume de Haynault, on distingue les fiefs d’acquêts, des fiefs patrimoniaux ; les enfans du second lit succedent avec ceux du premier aux fiefs patrimoniaux de leurs pere & mere ; mais les enfans du second lit ne succedent point aux fiefs d’acquêts faits pendant le premier mariage ou pendant le veuvage ; ils succedent seulement aux fiefs d’acquêts faits pendant le second mariage. Voyez le ch. lxxvj.
Fief en l’air, ou Fief incorporel, est celui qui n’a ni fonds ni domaine, & qui ne consiste qu’en mouvances & en censives, rentes ou autres droits, quelquefois en censives seules. On l’appelle fief en l’air par opposition au fief corporel, qui consiste en domaines réels. Ces sortes de fiefs se sont formés depuis la patrimonalité des fiefs & par la liberté que les coûtumes donnoient autrefois de se joüer de son fief, jusqu’à mettre la main au bâton, ce qu’on appelle au parlement de Bordeaux, se joüer de son fief, usque ad minimam glebam.
Le fief en l’air, est continu ou volant ; continu, lorsqu’il a un territoire circonscrit & limité ; volant, lorsque ses mouvances & censives sont éparses.
Avant la réformation de la coûtume de Paris, le vassal pouvoit aliéner tout le domaine de son fief, en retenant seulement quelque droit domanial & seigneurial sur ce qu’il aliénoit.
Mais afin de maintenir l’honneur & la consistance du fief, & que le vassal soit en état de satisfaire dans l’occasion aux charges du fief, les réformateurs ont décidé en l’art. 51. de la nouvelle coûtume, que le vassal ne peut aliéner plus des deux tiers de son fief, sans démission de foi.
Cependant les fiefs en l’air sont usités encore dans quelques coûtumes ; il y en a même plusieurs dans Paris qui ne consistent qu’en censives.
Ces fiefs ne peuvent être saisis que par main mise sur les arriere-fiefs. Voyez Peleus, qu. 75. & Carondas, liv. II. rep. 6. (A)
Fief ameté, dont il est parlé à la fin de l’article 23. de la coûtume de Mantes, est la même chose que le fief abonné, c’est-à-dire un fief pour lequel le seigneur est convenu avec le vassal de ce que ce dernier doit payer au seigneur pour les droits de mutation. (A)
Fief d’amitié, qu’on appelloit aussi Druerie, étoit celui que le prince donnoit à un de ses druds ou fideles, qui étoient les grands du royaume, auxquels on donnoit aussi le nom de leudes. Il est parlé de ces drueries ou fiefs d’amitié dans les anciens auteurs. Voyez Druds & Leudes. (A)
Fief ancien ou paternel, antiquum seu paternum : quelques-uns appellent ainsi un fief concédé d’ancienneté à une certaine famille, de maniere qu’il ne puisse être possédé que par les mâles, à moins que les femelles n’ayent aussi la capacité d’y succéder par le titre d’inféodation, & à la charge que la ligne des aînés venant à manquer, les puînés y succedent, sans que ce fief puisse jamais être aliéné. Voyez ci-après Fief nouveau. (A)
Fief annuel, feudum annuum seu stipendium, étoit la joüissance d’un fonds qui étoit donnée à titre de fief pendant l’espace d’une année pour tenir lieu de solde & récompense à quelqu’un par rapport à son office, dignité ou autre ministere ; ce fut le second état des fiefs ; car dans le premier, le seigneur pouvoit arbitrairement dépoüiller son vassal de ce qu’il lui avoit donné en fief, ensuite les fiefs devinrent annals, comme l’étoient toutes les commissions. Voyez les notes de Godefroy sur le premier titre du livre des fiefs de Gerard le Noir, & le glossaire de Ducange au mot feudum annuum. (A)
Fief en argent, feudum nummorum, c’étoit une somme d’argent assignée à titre de fief par le seigneur, sur son trésor, en attendant qu’il l’eût assignée sur quelque terre. On trouve un exemple d’un tel fief créé par l’empereur pour le seigneur de Beaujeu en 1245 de 100, marcs d’argent sur la chambre impériale, jusqu’à ce qu’il l’eût assigné sur quelque terre. Ces sortes de fiefs étoient alors fréquens. Voyez les mémoires manuscrits de M. Aubert, pour servir à l’histoire de Dombes. (A)
Fief aroturé, c’est un bien féodal que l’on a mis en roture ; cela s’appelle proprement commuer le fief en censive. (A)
Fief arriere, est un fief qui releve d’un autre, lequel est lui-même mouvant d’un autre fief supérieur.
Il est appellé arriere-fief à l’égard du seigneur suzerain, dont il ne releve pas immédiatement, mais en arriere-fief.
Ainsi le vassal tient en plein fief du seigneur féodal ou dominant, dont il releve immédiatement, & il tient ce même fief en arriere-fief du seigneur suzerain qui est le seigneur féodal ou dominant de son seigneur féodal immédiat.
Celui qui possede un arriere-fief est appellé arriere-vassal, par rapport au seigneur suzerain, c’est le vassal du vassal.
Les premiers fiefs furent érigés par les souverains en faveur des ducs, marquis, comtes, vicomtes, barons & autres vassaux mouvans immédiatement de la couronne.
Ceux-ci, à l’imitation du souverain, voulurent aussi avoir des vassaux ; & pour cet effet, ils sous-inféoderent une partie de leurs fiefs à ceux qui les avoient accompagnés à la guerre, ou qui étoient attachés à eux par quelque emploi qui les rendoit commençaux de leur maison ; ces sous-inféodations formerent les premiers arriere-fiefs.
Les arriere-vassaux firent aussi des sous-inféodations, ce qui forma encore d’autres arriere-fiefs, plus éloignés d’un degré que les premiers, & ces arriere-fiefs ont été ainsi multipliés de degré en degré.
Le parage a aussi formé des arriere-fiefs, puisque par la fin du parage les portions des cadets deviennent fiefs tenant de la portion de l’aîné, etiam invito domino.
Enfin, les fiefs de protection & les fiefs de reprise ont encore produit des arriere-fiefs, de sorte qu’ils ne procedent pas tous de la même source. Voyez les instit. feod. de Guyot, chap. j. n. 8.
Quand le seigneur trouve des arriere-fiefs ouverts pendant la saisie féodale qu’il a faite du fief mouvant immédiatement de lui, soit que l’ouverture de ces arriere-fiefs soit arrivée avant ou depuis sa saisie féodale ; il a droit de les saisir aussi & de faire les fruits siens, jusqu’à ce que les arriere-vassaux ayent satisfait aux causes de la saisie ; parce que le seigneur entre dans tous les droits du vassal pendant la saisie, & le dépossede entierement, & que les arriere-fiefs aussi bien que le fief supérieur procedent du même seigneur ou de ses prédécesseurs qui ont donné l’un & l’autre à leur vassal.
Le seigneur suzerain peut aussi accorder souffrance.
Les arriere-vassaux peuvent avoir main-levée de la saisie, en faisant la foi & hommage & payant les droits qui sont dûs au seigneur suzerain.
Si les arriere-vassaux avoient fait la foi & hommage à leur seigneur, il n’y auroit point de lieu à la saisie.
Quand le seigneur suzerain n’a pas saisi les arriere-fiefs, les arriere-vassaux peuvent faire la foi & hommage & payer les droits à leur seigneur.
Lorsque la saisie du fief du vassal est faite faute de dénombrement, le seigneur ne peut pas saisir les arriere-fiefs, parce qu’il ne fait pas les fruits siens.
La saisie des arriere-fiefs se fait avec les mêmes formalités que celle des fiefs. Voyez Saisie féodale.
Le suzerain ne peut pas saisir les arriere-fiefs, qu’il n’ait auparavant saisi le fief de son vassal.
Pendant la saisie des arriere-fiefs, le seigneur suzerain a les mêmes droits qu’y auroit eu le vassal ; il peut en faire payer les censives & droits seigneuriaux, même saisir pour iceux, obliger les arriere-vassaux de communiquer leurs papiers de recette & de donner une déclaration du revenu de leurs fiefs.
Les arriere-vassaux sont obligés de faire la foi & hommage, & payer les droits dûs pour leur mutation, au seigneur suzerain lorsqu’il a saisi les arriere-fiefs ; il peut seul leur donner main-levée de saisie, il peut aussi les obliger de donner leur aveu, lequel ne préjudicie pas au vassal, n’étant pas fait avec lui.
Après la main-levée, le seigneur suzerain est obligé de rendre au vassal les originaux des fois & hommages & aveux ; mais il en peut tirer des copies à ses dépens.
Quand l’arriere-fief est vendu pendant la saisie, le seigneur suzerain peut le retirer par retrait féodal, ou recevoir le droit de mutation. Mais si la vente avoit été faite avant la saisie, les droits appartiendroient au vassal, & le suzerain ne pourroit pas retirer féodalement. (A)
Fief-aumône ou Aumône fieffée, est celui que le seigneur a donné à l’église par forme d’aumône, pour quelque fondation. Voy. Aumône, Franche Aumône, Pure Aumône, Fondation. (A)
Fief d’Avouerie, (feudum advocatiæ.) étoit celui dont le possesseur étoit l’avoüé du seigneur dominant, c’est-à-dire chargé de le défendre en jugement. Voyez Avoué & Avouerie. (A)
Fief banderet ou banneret, on dit communément banneret. Voyez Fief banneret. (A)
Fief banderet ou banderet, c’est-à-dire fief de banniere, feudum vexilli ; c’est un fief de chevalier banneret, lequel doit à son seigneur dominant le service de banniere, c’est-à-dire de venir au commandement de son seigneur, en armes & avec sa banniere, suffisamment accompagné de ceux qui doivent servir sous sa banniere. Voyez Arriere-Ban, Ban, Banneret, Banniere, Chevalier Banneret, Service de Banniere. (A)
Fief bourgeois, feudum burgense seu ignobile, fief rural ou roturier, ou non noble, sont termes synonymes. Voyez ci-après Fief noble, Fief roturier, Fief rural & le glossaire de du Cange, verbo feudum burgense. (A)
Fief de Bourse coûtumiere, n’est pas la même chose que fief boursal ou boursier ; c’est un fief acquis de bourse coûtumiere, c’est-à-dire par une personne roturiere & non noble, que dans quelques coûtumes on appelle les hommes coûtumiers. (A)
Fief boursal ou de Bourse, ou boursier, selon quelques-uns est une portion du revenu d’un fief que l’aîné donne à ses puînés, ou une rente par lui créée en leur faveur, pour les remplir de leurs droits dans la succession paternelle ; ce qui est conforme à ce que dit Bracton liv. IV. tit. iij. cap. jx. §. 6. feudum est id quod quis tenet ex quâcumque causâ sibi & hæredibus suis, sive sit tenementum, sive sit reditus, ita quod reditus non accipiatur sub nomine ejus, quod venit ex camerâ alicujus.
M. Henin, dans ses observations sur le §. 1. de l’assise du comte Geoffroy, tome II. des arrêts de Frain, p. 522, dit qu’un fief boursier est une rente que l’aîné constitue à ses puînés, pour leur tenir lieu de leur part & portion sur un fief commun, afin que ce fief ne soit point démembré ; les coûtumes du grand Perche, art. 77. & 78. & de Chartres, art. 17. font connoître, dit-il, que l’aîné constituoit aux puînés une rente sur la seigneurie, pour leur tenir lieu de partage, ce qui se faisoit pour empêcher le démembrement actuel de la seigneurie : à raison de quoi les puînés ainsi partagés en vente, sont appellés boursaux ou boursiers ; & tel assignat est dit fief boursier, consistant en deniers.
Loyseau avoit déjà dit la même chose en son tr. des offices, liv. II. ch. ij. n. 56.
Du Cange en son glossaire, au mot feudum bursæ seu bursale, est aussi de ce sentiment ; il cite les coûtumes du Perche & de Chartres, & celle du Maine, art. 282.
Mais M. de Lauriere en ses notes sur le glossaire, ou au dire de Ragueau au mot fief boursal, fait concoître que ces auteurs se sont trompés & ont mal entendu les termes de coûtumes qu’ils citent ; il fait voir que dans ces coûtumes les fiefs qui ne se partagent entre roturiers, sont appellés fiefs boursaux ou boursiers, & que les puînés copartageans entre roturiers, sont de même appellés boursaux ou boursiers : que cette dénomination vient de ce qu’entre roturiers qui partagent un fief, tous les enfans sont obligés de contribuer aux rachats qui doivent être présentés au seigneur féodal, par l’aîné ou par celui qui est possesseur du lieu tenu en fief, suivant l’art. 59. de la coûtume du Perche, & que comme tous les enfans tirent chacun en particulier de l’argent de leur bourse pour composer les rachats, les fiefs échûs à des routuriers ont été par cette raison nommés boursiers ou boursaux, ce qui est conforme à ce que dit Bodreau sur l’article 282. de la coûtume du Maine : au lieu que dans ces coûtumes, quand les fiefs se partagent entre nobles, l’aîné est seul tenu du rachat de la maniere dont l’expliquent ces coûtumes. Cette opinion paroît en effet la mieux fondée & la plus conforme aux textes des coûtumes du Maine, de Chartres & du Perche. (A)
Fief de bourse, feudum bursæ, seu de camerâ vel canevâ, aut cavenâ, est une rente réputée immeuble, assignée sur la chambre ou thrésor du roi, ou sur le fisc du seigneur, & concédée en fief. On l’appelle fief de bourse, parce que le terme bourse se prend quelquefois pour le fisc, de même que chambre se prenoit autrefois pour le domaine ou thrésor du roi. C’est ainsi que ces termes s’entendent suivant les regles des fiefs, & telle est l’explication qu’en donne Rasius, part. II. de feudis. Voyez aussi le glossaire de du Cange, au mot feudum bursæ. Voy. ci-devant Fief boursal, &c. (A)
Fief boursier ou boursal, voyez ci-devant Fief boursal.
Fief de Camera seu Canevæ aut Cavenæ, voyez après Fief de chambre.
Fief de Cahier, feudum quaternatum, est un grand fief qui se trouve inscrit dans le dénombrement des fiefs mouvans du prince, sur les cahiers ou registres de la douane, in quaternionibus, comme il paroît par les constitutions des rois de Sicile, lib. I. tit. xxxvij. xxxjx. lxj. lxjv. lxviij. liij. lxxxvj. & lib. III. tit. xxiij. & xxvij. Voyez le glossaire de Lauriere au mot fief en chef. (A)
Fief capital, feudum capitale, est celui qui releve immédiatement du roi, comme les duchés, les comtés, les baronnies. Voyez le gloss. de du Cange, au mot feudum capitale. (A)
Fief castrense, feudum castrense, c’est lorsque le seigneur dominant donne à son vassal une certaine somme d’argent ou un tenement, à condition de garder & défendre le château que le seigneur lui a donné. Voyez le glossaire de du Cange, au mot feudum castrense. (A)
Fief censuel, est la même chose que fief roturier ou non noble, ou pour parler plus exactement, c’est un héritage tenu à cens, que l’on appelloit aussi fief, quoique improprement & pour le distinguer des véritables fiefs qui sont francs, c’est-à-dire nobles & libres de toute redevance ; on appelloit celui-ci censuel, à cause du cens dont il étoit chargé. Il est parlé de ces sortes de fiefs dans les lettres de Charles VI. du mois d’Avril 1393, art. 2. où l’on voit que ces fiefs étoient opposés aux fiefs francs. L’abbé & couvent de S. André associent le roi in omnibus feodis, retrofeodis, franchis & censualibus, &c. (A)
Fief de Chambre, feudum cameræ, seu cavenæ, aut canevæ, c’est une rente tenue en fief, assignée sur le thrésor du roi, qu’on appelloit autrefois la chambre du roi. Voyez Chambre du Roi, Chambre de la Couronne, Domaine & Thrésor, le glossaire de du Cange, au mot feudum cameræ. (A)
Fief chevant & levant, en Bretagne, est de telle nature, que tout teneur doit par an quatre boisseaux d’avoine, poule & corvée. Mais si un teneur retire par promesse l’héritage vendu, il n’est point rechargé de la vente que devoit le vendeur ; elle s’éteint en diminution du devoir du seigneur, & cela s’appelle faire abattue. Si au contraire il acquiert sans moyen de promesse, il doit le même devoir que devoit le bailleur. Voyez Dargentré sur l’art. 418. de l’anc. coût. gloss. ij. n. 9. (A)
Fief en chef, ou Chevel, feudum capitale, est un fief noble en titre, ayant justice comme les comtés, baronnies, les fiefs de haubert, à la différence des vavassouries qui sont tenues par sommage, par service de cheval, par acres, & des autres fiefs vilains ou roturiers ; on le définit aussi feudum magnum & quaternatum, id est in quaternionibus doanæ inscriptum, quelques-uns ajoûtent quod à principe tantum tenetur ; & c’est ainsi que l’ont pensé Ragueau & du Cange, mais M. de Lauriere, en ses notes sur le glossaire de Ragueau, au mot fief en chef, prouve par la glose de l’ancienne coûtume de Normandie, ch. xxxjv. vers la fin, que le fief en chef n’est pas toûjours tenu immédiatement du roi ; qu’un fief relevant d’un autre seigneur, peut aussi être fief en chef, mais que ces sortes de fiefs sont fiefs nobles, & non pas tenus à aucun fief de haubert, comme vilain fief. Voyez l’art. 166. de la nouvelle coûtume de Normandie, & terrier sur le mot fief ou membre de haubert, avec les mots chef seigneur & vavassouerie. (A)
Fief de Chevalier, ou Fief de Haubert, feudum loricæ, est celui qui ne pouvoit être possédé que par un chevalier, lequel devoit à son seigneur dominant le service de chevalier ; celui qui le possédoit étoit obligé à 21 ans de se faire chevalier, c’est-à-dire de vêtir le haubert ou la cotte de maille, qui étoit une espece d’armure dont il n’y avoit que les chevaliers qui pussent se servir. Le vassal devoit servir à cheval avec le haubert, l’écu, l’épée & le héaume ; la qualité de fief de chevalier ne faisoit pas néanmoins que le vassal dût absolument servir en personne, mais seulement qu’il devoit le service d’un homme de cheval. Quelquefois par le partage d’un fief de cette espece, on ne devoit qu’un demi-chevalier, comme le remarque M. Boulainvilliers, en son traité de la pairie, tom. II. p. 110. Voyez Fief de Haubert. (A)
Fief commis, c’est le fief tombé en commise ou confiscation, pour cause de desaveu ou félonnie de la part du vassal. Voyez Commise, Confiscation, Desaveu, Félonnie. (A)
Fief de condition feudale ; quelques coûtumes donnent cette qualité aux fiefs proprement dits, qui se transmettent par succession, à la différence de certains fiefs auxquels on ne succede point, comme on voit dans les livres des fiefs. Voyez le glossaire de Lauriere, au mot fief. (A)
Fief conditionnel, est un fief temporaire qui ne doit subsister que jusqu’à l’évenement de la condition portée par le titre de concession ; tels sont les fief consistans en rente créée sur des fiefs dont le créancier se fait recevoir en foi ; ces fiefs ne sont créés que conditionnellement, tant que la rente subsistera, tant que le vassal ne remboursera pas, & s’éteignent totalement par le remboursement. Voyez Guyot en ses observat. sur les droits honorifiques, ch. v. p. 187. & ci-après Fief temporaire. (A)
Fief continu, est celui qui a un territoire circonscrit & limité, dont les mouvances & censives sont tenantes l’une à l’autre ; ce fief joüit du privilége de l’enclave, qui forme un moyen puissant, tant contre un seigneur voisin, que contre un censitaire. Voyez Enclave.
Un fief incorporel ou en l’air, peut être continu pour ses mouvances & censives, de même qu’un fief corporel. Voyez Guyot, instit. feodales. cap. j. n. 6.
Le fief continu est opposé au fief volant. Voyez ci-après Fief volant. (A)
Fief corporel, est celui qui est composé d’un domaine utile & d’un domaine direct : le domaine utile, ce sont les fonds de terre, maisons ou héritages tenus en fief, dont le seigneur joüit par lui-même ou par son fermier ; le domaine direct, ce sont les fiefs mouvans de celui dont il s’agit, les censives & autres devoirs retenus sur les héritages dont le seigneur s’est joüé. Voyez Dumoulin, §. olim 35. de l’ancienne, & 51. de la nouvelle, glos. j. n. 1.
Le fief corporel est opposé au fief incorporel ou fief en l’air. Voyez ci-devant Fief en l’air. (A)
Fief de corps, c’est un fief lige, c’est-à-dire dont le possesseur, outre la foi & hommage, entr’autres devoirs personnels, est obligé d’aller lui-même à la guerre, ou de s’acquitter des autres services militaires qu’il doit au seigneur dominant ; il a été ainsi nommé fief de corps, à la différence des fiefs dont les possesseurs ne sont tenus de rendre au seigneur dominant, que certaines redevances ou prestations, au lieu de services personnels & militaires, tels que sont les fiefs oubliaux dont il est parlé dans la coûtume de Toulouse, ou de fournir & entretenir un ou deux hommes de guerre, plus ou moins.
Le service du fief de corps est ainsi expliqué dans le ch. ccxxx. des assises de Jérusalem, p. 156. ils doivent service d’aller à cheval & à armes (à la semonce de leur seigneur), dans tous les lieux du royaume où il les semondra ou fera semondre, à tel service, comme ils doivent, & y demeurer tant comme il les semondra ou fera semondre jusqu’à un an. Par l’assise & usage de Jérusalem, la semonce ne doit pas accueillir l’homme pour plus d’un an ; celui qui doit service de son corps, de chevalier ou de sergent, en doit faire par tout le royaume le service avec le seigneur, ou sans lui s’il en semond, comme il le doit quand il est à court d’aller à conseil de celui ou de celle à qui le seigneur le donnera, si ce n’est au conseil de son adversaire, ou si la querelle est contre lui-même. Nul ne doit plaidoyer par commandement du seigneur ni d’autre, ils doivent faire égard ou connoissance & recort de court, si le seigneur leur commande de le faire ; ils doivent aller voir meurtre ou homicide, si le seigneur leur commande d’aller voir comme court, & ils doivent par commandement du seigneur, voir les choses dont on se clame de lui, & que l’on veut montrer à court. Ils doivent, quand le seigneur leur commandera, aller par tout le royaume semondre comme court, aller faire devise de terre & d’eaux entre gens qui ont contention, faire enquêtes quand on le demande au seigneur & qu’il l’ordonne, voir les monstrées de terres & autres choses telles qu’elles soient, que le seigneur leur commande de voir comme court. Ils doivent faire toutes les autres choses que les hommes de court doivent faire comme court quand le seigneur le commande ; ils lui doivent ce service par tout le royaume ; ils lui doivent même service hors du royaume, en tous les lieux où le seigneur ne va pas, pour trois choses, l’une pour son mariage ou pour celui de quelqu’un de ses enfans, l’autre pour garder & défendre sa foi ou son honneur, la troisieme pour le besoin apparent de sa seigneurie, ou le commun profit de sa terre ; & celui ou ceux que le seigneur semond ou fait semondre, comme il doit, de l’une desdites trois choses, & s’ils acquiescent à la semonce & vont au service du seigneur, il doit donner à chacun ses estouviers, c’est-à-dire son nécessaire, suffisamment tant qu’ils seront à son service, &c. & celui ou ceux que le seigneur a semond ou fait semondre dudit service, & qui n’acquiescent pas à la semonce ou ne disent pas la raison pour quoi, & telle que court y ait égard, le seigneur en peut avoir droit comme de défaut de service. Le service des trois choses dessus dites, est dû hors le royaume à celui à qui les possesseurs doivent service de leur corps & au chef seigneur ; ils doivent tous les autres services comme il a été dit ci-dessus ; & si une femme tient fief qui doive service de corps au seigneur, elle lui doit tel service que si elle étoit mariée, & quand elle sera mariée, son baron (c’est-à-dire son mari), devra au seigneur tous les services ci-dessus expliqués. Voyez Littletons, chap. jv. of. Knights service sect. 103. fol. 74. v°. & Bouteiller dans sa somme rurale, liv. I. ch. lxxxiij. p. 486.
Fief-cottier, c’est le nom que l’on donne dans quelques coûtumes aux héritages roturiers, & qui sont de la nature des main-fermes ; le terme de fief ne signifie pas en cette occasion un bien noble, mais seulement la concession à perpétuité d’un héritage à titre de censive. Voyez la coûtume de Cambrai, tit. j. art. 74. (A)
Fief en la court du Seigneur, feudum in curia seu in curte, c’est lorsque le seigneur dominant donne à titre d’inféodation une partie de son château ou village, ou de son fisc ou de ses recettes, & que la portion inféodée est moindre que celle qui reste au seigneur dominant. C’est ainsi que l’explique Rosentalius, cap. ij. §. 40. Voyez Fief hors la court.
Baron, de beneficiis, lib. I. & Loyseau, des seign. ch. xij. n. 47. dit que les fiefs mouvans d’un seigneur haut-justicier qui sont hors les limites de sa justice, sont appellés fiefs extra curtem ; ainsi fief en la court peut aussi s’entendre de celui qui est enclavé dans la justice du seigneur. (A)
Fief hors la court du Seigneur dominant, c’est lorsque le seigneur d’un château ou village donne à titre d’inféodation à quel qu’un la jurisdiction & le ressort dans son château ou village avec un modique domaine, le surplus des fonds appartenant à d’autres. C’est ainsi que le définit Rasius, part. II. de feud. §. 1.
On entend aussi par-là celui qui est situé hors les limites de la justice du seigneur. Voyez ce qui est dit en l’article précédent sur les fiefs en la court du seigneur, vers la fin. (A)
Fief couvert, est celui dont l’ouverture a été fermée, c’est-à-dire pour lequel on a fait la foi & hommage, & payé les droits de mutation. En couvrant ainsi le fief, on prévient la saisie féodale ; ou si elle est déja faite, on en obtient main-levée : il y a ouverture au fief jusqu’à ce qu’il soit couvert. Voyez Fief ouvert, & Ouverture de fief. (A)
Fief in curia seu in curte. Voyez Fief en la court.
Fief de danger, est celui dont on ne peut prendre possession ou faire aucune disposition, sans le congé du seigneur, autrement le fief tombe en commise ; ce qui fait appeller ces sortes de fiefs de danger, eò quod periculo sunt obnoxia & domino committuntur. Il en est parlé dans la coût. de Troyes, art. 37. Chaumont, art. 56. Bar-le-Duc, art. 1. en l’ancienne coûtume du bailliage de Bar, art. 1. & en l’article 31. de l’ancienne coûtume d’Amiens. Suivant ces coûtumes, quand le fief est ouvert ou sans homme, le nouveau vassal ne doit point y entrer, ni en prendre possession sans premierement en faire soi & hommage au seigneur dominant, sans quoi il encourreroit la commise. Anciennement en Bourgogne le fief de danger tomboit en commise s’il étoit aliéné sans le congé du seigneur, comme il paroît par un arrêt du parlement de Paris du 20 Décembre 1393, cité par du Tillet. Mais par la coûtume du duché ch. iij. & du comté ch. j. rédigées l’une & l’autre en 1549, le danger de commise est aboli en plusieurs cas, suivant les lois des Lombards, si le vassal est en demeure pendant an & jour à demander l’investiture, il perd son fief, comme il est dit dans les livres des fiefs, lib. I. tit. xxj. & lib. IV. tit. lxxvj. Cette cause de danger fut aussi autorisée par les constitutions des empereurs Lothaire & Frédéric ; mais par les statuts de Milan, la commise n’a point lieu dans ce cas non plus qu’en France. Voyez Commise. (A)
Fief demi-lige, dont il est parlé dans l’art. 21. de la coûtume du comté de S. Pol rédigée en 1507, est celui pour lequel le vassal promet la fidélité contre tous à l’exception des supérieurs, à la différence du fief-lige où le vassal promet fidélité à son seigneur envers & contre tous.
Les fiefs demi-liges different encore des fiefs-liges, en ce que le relief des fiefs-liges dans cette même coûtume est de dix livres ; au lieu que celui des demi-liges est seulement de 60 sous, & de moitié de chambellage, pourvû que le contraire n’ait pas été reglé, ou par convention ou par prescription.
La coûtume de S. Pol réformée en 1631, ne parle point de fief-lige. Voyez Fief-lige. (A)
Fiefs de dévotion ou de piété, sont ceux que les seigneurs reconnoissoient autrefois par humilité tenir de Dieu ou de quelque saint, église ou monastere, à la charge de l’hommage & de quelques redevances d’honneur, comme de cire & autres choses semblables. Plusieurs souverains ont ainsi fait hommage de leurs états à certaines églises ; ce qui n’a point donné pour cela atteinte à leur souveraineté, ni attribué à ces églises aucune puissance temporelle sur les états & autres seigneuries dont on leur a rendu un hommage de dévotion. Voyez S. Julien dans ses mélanges, p. 657. Doublet, dans ses antiquités de S. Denis, liv. I. ch. xxiv. & xxviij. liv. III. ch. iij. & vj. Brodeau sur Paris, art. 63. Voyez Hommage de dévotion. (A)
Fief dignitaire ou de dignité, est celui auquel il y a quelque dignité annexée, tels que les principautés, duchés, marquisats, comtés, vicomtés, baronies. Voyez chacun de ces termes en leur lieu.
Le fief de dignité est opposé au fief simple, auquel il n’y a aucune dignité annexée.
On a toûjours pris soin de conserver ces sortes de fiefs dans leur entier autant qu’il est possible ; c’est pourquoi ils sont de leur nature indivisibles, & appartiennent en entier à l’aîné, sauf à lui à récompenser les puînés pour les droits qu’ils peuvent y avoir. Chopin, sur la coûtume d’Anjou, lib. III. tit. ij. n. 6. & Salvaing, de l’usage des fiefs.
On étoit même obligé anciennement, lorsqu’on vouloit partager un fief de cette qualité, d’obtenir la permission du roi. L’histoire en fournit plusieurs exemples, entr’autres celui du seigneur d’Authoüin, lequel en l’année 1486 obtint du roi Charles VIII. que sa pairie de Dombes & Domnat près d’Abbeville, mouvante du roi à une seule foi, fût divisée en deux, afin qu’il pût pourvoir plus facilement à l’établissement de ses enfans. Duranti, dee. xxx. n. 10. Graverol & la Rochefl. liv. VI. tit. lxiij. art. 1.
On ne peut encore démembrer ces fiefs, ni s’en joüer & disposer de quelque partie que ce soit, sans le consentement du roi, suivant un arrêt du parlement du 18 Juillet 1654.
Les lettres d’érection des terres en dignité ne se vérifient dans les cours que pour le nom & le titre seulement, c’est-à-dire que les fiefs ainsi érigés n’acquierent pas pour cela toutes les prérogatives attribuées par les coûtumes aux anciennes dignités. Chopin de doman. & sur la coûtume d’Anjou. Ainsi le parlement de Paris ne vérifia l’érection en marquisat de la terre de Maigneley en Vermandois, de Suses au Maine, & de Durestal en Anjou en comté, que pour le titre seulement, suivant ses arrêts des 14 Août, 19 Octobre, & 12 Décembre 1566.
Le parlement de Grenoble procédant à l’enregistrement des lettres-patentes portant érection de la terre d’Ornacieu en marquisat, arrêta le 19 Juin 1646, les chambres consultées, que dorénavant il ne procéderoit à la vérification d’aucunes lettres, portant érection des terres en marquisat, comté, vicomté, & baronie, que l’impétrant ne fût présent & poursuivant la vérification ; de quoi il ne pourroit être dispensé que pour des causes très-justes & légitimes concernant le service de S. M. qu’avant la vérification, il sera informé par un commissaire de la cour, de l’étendue, revenus, & mouvance desdites terres, pour savoir si elles seront capables du titre qui leur sera imposé ; que les impétrans ne pourront unir aux marquisats, comtés, vicomtés, & baronies, aucunes terres se mouvant pleinement du fief de S. M. qu’ils ne pourront aussi démembrer, vendre, donner, ni aliéner, pour quelque cause que ce soit, aucunes dépendances des terres qui composeront le corps de la qualité qui sera sur elle imposée, faute de quoi la terre reprendra sa premiere qualité ; que la vérification sera faite sans préjudice des droits des quatre barons anciens de la province, & sans que pour raison desdites qualités, les impétrans puissent prétendre d’avoir leurs causes commises en premiere instance pardevant la cour, si ce n’est qu’il s’agît des droits seigneuriaux en général, des marquisats, comtés, vicomtés, & baronies, de la totalité de la terre & seigneurie, mais qu’ils se pourvoiront tant en demandant que défendant pardevant les juges ordinaires & royaux, & que les appellations des juges des marquisats, comtés, vicomtés, & baronies, ressortiront pardevant les vice-baillifs & juges royaux, ainsi qu’elles faisoient auparavant.
La chambre des comptes par un arrêté du 28 Juillet 1645, déclara que les fonds & héritages de franc-aleu composant le revenu des marquisats ou comtés, sortiront nature de fief, pour être insérés & compris aux aveux & dénombremens qui en seront donnés.
Le seigneur féodal ne perd pas son droit de féodalité par l’érection en dignité de la terre de son vassal ; c’est pourquoi les lettres portent communément la clause que c’est sans rien innover aux droits de justice, foi & hommage appartenans à autres qu’au roi ; c’est pourquoi le seigneur dominant du fief ne peut s’opposer à l’érection pour la conservation des droits de féodalité seulement, parce que le roi peut honorer son arriere-fief de telle dignité que bon lui semble, sans préjudice de la mouvance des autres seigneurs. Chopin sur Anjou, liv. I. art. 48. n. 8. Salvaing, de l’usage des fiefs, ch. l. Bodin, liv. I. de sa républ. ch. vij. (A)
Fief dominant, est celui duquel un autre releve immédiatement. La qualité de fief dominant est opposée à celle de fief servant, qui est celui qui releve directement du fief dominant ; & ce dernier est différent du fief suzerain, dont le fief servant ne releve que médiatement.
Un même fief peut être dominant à l’égard d’un autre, & servant à l’égard d’un troisieme : ainsi si le seigneur dominant a un suzerain, son fief est dominant à l’égard de l’arriere-fief, & servant à l’égard du seigneur suserain. Voyez ci-après Fief servant & Seigneur dominant.
Il est parlé du fief dominant dans plusieurs coûtumes, notamment dans celles de Melun, artic. 24 & 37 ; Estampes, art. 12, 16, 20, 38 ; Mantes, art. 44 ; Laon, art. 186, 187, 188, 202, 219, 224 ; Châlons, art. 177, 189, 190, 219, 224 ; Reims, art. 120, 138 ; Ribemont, art. 19 ; Montargis, ch. prem. art. 11, 66, 85 ; Grand-Perche, art. 35, 38, 44, 46, 47, 48, 65 ; Châteauneuf, art. 16 ; Poitou, art. 23 ; Péronne, art. 30, 52, 56, 8 ; Berri, tit. v. art. 20 ; Dourdan, art. 25. (A)
Fief droit, feudum rectum, seu cujes possessio recta est ; c’est celui qui passe aux héritiers à perpétuité. Voyez Razius, de feud. part. XII.
Fief de Droit françois, feudum jur. francisci, est celui qui se regle par les lois de France au sujet des fiefs. Schilter, en son traité du parage & de l’apanage, observe qu’il ne faut pas confondre les fiefs du droit françois, juris francisci, avec les francs-fiefs, feuda franca, ni avec les fiefs de France, feuda Franciæ : en effet il y a beaucoup de fiefs situés hors les limites de la France, qui ne laissent pas d’être fiefs de droit françois ; & il y a bien des fiefs de droit françois qui ne sont pas pour cela des francs-fiefs. (A)
Fief échéant et levant ; voyez ci-après Fief revanchable.
Fief d’écuyer, feudum scutiferi, scutarii, seu armigeri ; c’étoit celui qui pouvoit être possédé par un simple écuyer, & pour lequel il n’étoit dû au seigneur dominant que le service d’écuyer ou d’écuyage, servitium scuti, scutagium. L’écuyer n’avoit point de cotte d’armes ni de casque, mais seulement un écu, une épée, & un bonnet ou chapeau de fer. Ce fief étoit différent du fief de haubert ou haubergeon, feudum loricæ, pour lequel il falloit être chevalier. Voyez l’histoire de la pairie par Boulainvilliers, tom. II. pag. 117, & aux mots Ecuyer, Fief de Haubert & Haubert, Fief de Chevalier, Fief Banneret. (A)
Fief égalable, voyez Fief revanchable.
Fief entier ou plein Fief, c’est un fief non divisé, que le vassal doit desservir par pleines armes ; au lieu que les membres ou portions d’un fief de haubert, ne doivent quelquefois chacun qu’une portion d’un chevalier. Voyez Fief de Chevalier, Fief de Haubert.
Fief entier dans la coûtume de Chartres, art. 10, & dans celle de Châteauneuf en Thimerais, art. 9, est celui qui vaut trente livres tournois de revenu par an, ce qui suffisoit apparemment autrefois dans ces coûtumes, pour l’entretien d’un noble ou seigneur de fief portant les armes. Suivant l’article 10 & 21 de la coûtume de Châteauneuf, & le 15 de celle de Chartres, le fief entier doit pour raison d’un cheval de service, soixante sous de rachat. Voyez ci-apr. Fief solide & plein Fief. (A)
Fief épiscopal, étoit celui qu’un vassal laïc tenoit d’un évêque, qui étoit son seigneur dominant ; ou plûtôt c’étoit le fief même que tenoit l’évêque, ou ce que son vassal tenoit de lui comme étant une portion du fief épiscopal. On en trouve un exemple dans les preuves de l’histoire de Montmorency, pag. 37, à la fin. Ego Girbertus, Dei gratiâ Parisiensis episcopus, &c. Assensu domini Stephani archidiaconi, ecclesiam & altare Bullariæ de Moncellis monasterio B. Martini de Pontisarâ concessi, annuente Burcardo de monte Morenciaco, qui eum de episcopali feudo possidebat, &c. Actum publice Parisius in capitulo B. Maria, anno Incarnationis dominicæ 1122. Voyez aussi les preuves du pénitentiel de Théodore, pag. 411, & Marlot dans sa metropole de Reims, tome II. p. 114.
Les fiefs épiscopaux & presbytéraux commencerent vers la fin de la seconde race, lorsque les seigneurs laïques s’emparerent de la plûpart des biens ecclésiastiques, des dixmes, offrandes, &c. Voyez le glossaire de Launere, au mot Fief épiscopal, & ci-après Fief presbytéral. (A)
Fief extra Curiam, voyez Fief hors la cour du Seigneur dominant.
Fief féminin, dans son étroite signification, est celui qui par la premiere investiture a été accordé à une femme ou fille, & à la succession duquel les femmes & filles sont admises à défaut de mâles.
Dans un sens plus étendu, on entend par fiefs féminins, tous les fiefs à la succession desquels les femmes & filles sont admises à défaut de mâles, quoique la premiere investiture de fief n’ait pas été accordée à une femme ou fille ; & pour distinguer ceux-ci des premiers, on les appelle ordinairement fiefs féminins héréditaires.
Enfin on entend aussi par fiefs féminins, ceux qui peuvent être possédés par des femmes ou filles à quelque titre qu’ils leur soient échûs, soit par succession, donation, legs, ou acquisition.
Le fief féminin est opposé au fief masculin, qui ne peut être possédé que par un mâle ; comme le royaume de France, lequel ne tombe point en quenouille ; le duché de Bourgogne & celui de Normandie étoient aussi des fiefs masculins.
Suivant la coûtume de chaque province, il y avoit de grands fiefs féminins, tels que le duché de Guienne, & le comté d’Artois, Mahaut comtesse d’Artois, paire de France, au sacre de Philippe-le-Long soûtint la couronne du roi avec les autres pairs : cependant c’étoit elle-même qui étoit excluse de la couronne. Mais celle-ci est un fief masculin suivant la loi salique ; au lieu que l’Artois est un fief féminin. Voyez Struvius, syntagm. juris feud. cap. jv. n. 17 ; M. le président Henault, en son abregé chronologique. (A)
Fief-ferme, feudo firma, vel feudi firma, étoit un tenement ou certaine étendue de terres, accordé à quelqu’un & à ses héritiers, moyennant une redevance annuelle qui égaloit le tiers, ou au moins le quart du revenu, sans aucune autre charge que celles qui étoient exprimées dans la charte d’inféodation. Ces sortes de concessions étoient telles, que si le tenancier étoit deux années sans payer la redevance, le bailleur avoit une action pour rentrer dans son fonds. Ces fiefs-fermes ressemblent beaucoup à nos baux à rente, & aux baux emphythéotiques. Voyez Britton, pag. 164 ; Cowel, lib. II. instit. tit. ij. §. 16, & tit. jv. §. 1, lib. III. tit. xxv. §. 2 ; Leges Henrici I. regis Angl. cap. lvj. Matth. Paris, à l’an 1250. Charte de Philippe-le-Bel, de l’an 1384, au thrésor des chartes, reg. 49. Gloss. de Ducange, au mot feudo firma. (A)
Fief ferme, au pays de Normandie est encore une concession d’héritage faite à perpétuité, & qui est opposée à ferme muable : mais on doit plûtôt écrire & dire fieffè-ferme, que fief-ferme ; c’est pourquoi voyez ci-après Fieffe-ferme & Main-ferme. (A)
Fief fini, feudum finitum, est celui dont le cas de reversion au seigneur est arrivé, soit par quelque clause du premier acte d’inféodation, soit par quelque cause postérieure, comme pour félonnie ou desaveu. Le fief fini est différent du fief ouvert, que le seigneur dominant peut bien aussi mettre en sa main, mais non pas irrévocablement : c’est pourquoi le fief en ce cas n’est pas fini, c’est-à-dire éteint. Voy. Loiseau, tr. des off. liv. II. ch. viij. n. 51. (A)
Fief forain, feudum forinsecum, est une pension annuelle assignée sur le fisc, & que le thrésorier du roi est chargé de payer à quelqu’un qui n’est pas de l’hôtel du roi. Voyez le glossaire de Ducange au mot feudum forinsecum, & ci-devant au mot Fief en la court du Seigneur.
Les fiefs forains sont opposés à ces fiefs en la cour. Voyez aussi Fief hors la court du Seigneur. (A)
Fief franc ou Franc Fief, feudum francale seu francum ; c’est ainsi que tous fiefs étoient autrefois appellés, à cause de la franchise ou des prérogatives qui y étoient annexées, & dont joüissoient ceux qui les possédoient. Ce nom convient singulierement aux fiefs nobles & militaires. Voyez ci-aprés Francs Fiefs, Fief militaire, & Fief vilain, roturier, rural. (A)
Fiefs, (francs) dans sa signification propre doit s’entendre de tous fiefs tenus franchement & noblement, c’est-à-dire sans aucune charge de devoir ou prestation annuelle, comme les biens roturiers que l’on qualifioit aussi quelquefois de fiefs ; mais au lieu de les appeller francs-fiefs, on les appelloit fiefs roturiers, fiefs non nobles, &c.
On entend plus communément par le terme de francs-fiefs, la taxe que les roturiers possédant quelque fief, payent au roi tous les vingt ans pour la permission de garder leurs fiefs.
Ce droit est royal & domanial ; les seigneurs n’y ont plus aucune part.
L’origine de ce droit vient de ce qu’anciennement les nobles étoient les seuls auxquels on concédoit les fiefs. Il étoit défendu aux roturiers d’en acquérir ; comme il paroît par deux anciens arrêts, l’un de 1265, l’autre de 1282 ; & comme il est porté dans les coûtumes de Meaux, art. 144 ; Artois, 137 : ce qui s’observe aussi en Bretagne.
Ce ne fut qu’à l’occasion des croisades, lesquelles commencerent l’an 1095, que les roturiers commencerent à posséder des fiefs. Les nobles qui s’empressoient presque tous à faire paroître leur zele dans ces expéditions, pour en soûtenir la dépense se trouverent obligés de vendre une partie de leurs fiefs & seigneuries ; & comme il se trouvoit peu de nobles pour les acheter, parce que la plûpart s’engageoient dans ces croisades, ils furent contraints de les vendre à des roturiers, auxquels nos rois permirent de posséder ces fiefs en leur payant une certaine finance, qui fut dans la suite appellée droit de franc-fief.
Ce droit fut regardé comme un rachat de la peine encourue par les roturiers, pour avoir acquis des fiefs contre la prohibition des anciennes ordonnances ; & comme il n’appartient qu’au souverain de dispenser des lois & d’en faire de nouvelles, le roi est aussi le seul qui puisse permettre aux roturiers de posséder des fiefs, & exiger d’eux pour cette permission la taxe appellée droit de franc-fief.
La permission accordée aux roturiers de posséder des fiefs, étoit d’autant plus importante, que la possession de ces sortes de biens avoit le privilége d’affranchir les roturiers qui demeuroient dans leur fief, tant qu’ils y étoient levans & couchans. M. de Boulainvilliers, en son histoire de la pairie, prétend même que le roturier qui acquéroit un fief & vouloit bien en faire le service militaire, devenoit noble, & qu’il ne payoit le droit de franc-fief que comme une indemnité, lorsqu’il ne vouloit pas vivre saliquement ou noblement, c’est-à-dire faire le service militaire.
Il paroît du moins certain, que les roturiers possesseurs de fiefs étoient reputés nobles, lorsque leurs fiefs étoient tombés en tierce-foi ; c’est-à-dire que lorsqu’ils avoient déjà été partagés deux fois entre roturiers, à la troisieme fois ils les partageoient noblement & de même que les nobles.
Nos rois n’approuvoient pourtant pas ces usurpations de noblesse ; & pour en interrompre la possession, ils faisoient de tems en tems payer aux roturiers une taxe pour leurs fiefs. Cependant les roturiers possesseurs de fiefs ayant toûjours continué de prendre le titre d’écuyers, l’ordonnance de Blois statua enfin par l’article 258, que les roturiers & non-nobles achetant fiefs nobles, ne seroient pour ce annoblis de quelque revenu que fussent les fiefs par eux acquis. Et tel est l’usage que l’on suit présentement.
Anciennement les roturiers ne pouvoient acquérir un fief sans le consentement du seigneur immédiat dont le fief relevoit. Il étoit permis aux seigneurs particuliers de recevoir des roturiers pour vassaux, pourvû que les droits du roi ne fussent point diminués, c’est-à-dire que les roturiers s’obligeassent de faire le service du fief, ce qui intéressoit le roi en remontant jusqu’à lui de degré en degré.
Mais comme ordinairement les roturiers qui achetoient des fiefs ne s’engageoient pas à faire le service militaire, on appelloit cela abreger le fief, c’est-à-dire que le service du fief étoit abregé ou perdu.
Il arrivoit de-là que le fief étoit dévolu au seigneur supérieur immédiat, au même état que ce fief étoit avant l’abregement ; & comme ce seigneur diminuoit lui-même son fief en approuvant ce qui avoit été fait par son vassal, le fief de ce seigneur supérieur immédiat étoit à son tour dévolu à son seigneur supérieur, & ainsi de seigneur supérieur en seigneur supérieur jusqu’au roi ; de maniere que pour desintéresser tous ces seigneurs, il falloit leur payer à chacun une finance ou indemnité.
Philippe III. dit le Hardi abolit cet ancien droit par son ordonnance de 1275, par laquelle il ordonne que les personnes non-nobles qui auroient acquis des fiefs & les tiendroient par hommage à service compétent, ne pourroient être inquiétés par ses juges, lesquels les laisseroient joüir paisiblement de ces biens ; qu’au cas où ces personnes non-nobles auroient fait de telles acquisitions de fiefs ou arriere-fiefs, hors les terres des barons, si entre le roi & celui qui avoit fait l’aliénation il ne se trouvoit pas trois seigneurs, & s’ils possédoient les fiefs acquis avec abregement de service, ils seroient contraints de les mettre hors de leurs mains, ou de payer la valeur des fruits de deux années ; & que si un fief étoit commué en roture, les choses seroient remises en leur premier état, à moins que le possesseur ne payât au roi l’estimation des fruits de quatre années.
Cependant depuis, en quelques lieux, l’ancien droit fut suivi par rapport à l’abregement de fief ; comme il se voit dans l’ancienne coûtume de Bourges, qui porte, que là où aucune personne non-noble acquiert de noble, telle personne acquérant ne peut tenir l’acquêt si elle ne fait finance au seigneur de fief, & aussi de seigneur en seigneur jusqu’au roi.
Philippe-le-Bel par son ordonnance de 1291, dérogea en quelque chose à celle de Philippe-le-Hardi, ayant ordonné que, quant aux personnes non-nobles qui acquerroient des terres en fiefs ou arriere-fiefs du roi, hors les terres des barons, sans son consentement, s’il n’y avoit pas entre le roi & celui qui avoit fait l’aliénation trois seigneurs intermédiaires, soit que les acquéreurs tinssent à la charge de desservir les fiefs ou non, ils payeroient au roi la valeur des fruits de trois années ; & que s’il y avoit abregement de fief, ils en payeroient le dédommagement au dire de prudhommes.
Le droit de francs-fiefs fut aussi levé par Philippe V. dit le Long, lequel par son ordonnance du mois de Mars 1320, renouvella celle de Philippe-le-Bel, excepté qu’au lieu du dire de prudhommes, que les roturiers devoient payer en cas d’abregement de service, il ordonna qu’ils payeroient l’estimation des fruits de quatre années.
Charles-le-Bel fit deux ordonnances touchant les francs-fiefs.
L’une en 1322, portant que les personnes non-nobles qui avoient acquis depuis trente ans sans la permission du roi des fiefs & arriere-fiefs & des aleux, seroient obligés de mettre ces acquisitions hors de leurs mains sous peine de confiscation, avec défense de faire dans la suite de semblables acquisitions.
L’autre ordonnance du même prince, qui est du 18 Juillet 1326, est conforme à celles de Philippe-le-Bel & de Philippe-le-Long, & qui porte que dans le cas expliqué par ces précédentes ordonnances, les roturiers payeroient seulement la valeur des fruits de deux années, & qu’ils en payeroient quatre pour la conversion d’un fief en roture.
On trouve aussi une déclaration de la même année, portant que les roturiers ne payeroient pas de finance pour les biens qu’ils auroient acquis à titre d’emphytéose, moyennant un certain cens ou pension, pourvû que ce fût sans jurisdiction, & que la valeur du fief ne fût pas diminuée.
Il est aussi ordonné que les roturiers descendant d’un pere non-noble & d’une mere noble, ne payeront aucune finance pour les biens qui leur viendroient par succession de leur mere, ou de ses collatéraux nobles.
Du tems de Philippe-de-Valois, on fit une recherche du droit de franc-fief. Ce prince fit le 18 Juin 1328 une ordonnance latine à ce sujet, portant entr’autres choses, que pour les choses & possessions que les personnes non-nobles avoient acquises depuis trente ans en-çà dans les fiefs ou arriere-fiefs du roi, sans le consentement de lui ou de ses devanciers, posé qu’il n’y eût pas entre le roi & la personne qui avoit fait cette aliénation, trois seigneurs intermédiaires ou plus, ils payeroient pour finance l’estimation des fruits de trois ans.
Que si aucune personne non-noble acquéroit d’une autre personne non-noble quelque fief, & que le vendeur l’eût tenu plus anciennement que depuis trente ans, ou qu’au bout de trente ans il eût payé une finance, l’acquéreur ne seroit point contraint de payer une nouvelle finance, ou de mettre le fief hors de ses mains.
Suivant cette même ordonnance, dans le cas où une personne non-noble devoit payer quelque finance pour son assignation, les commissaires députés pour demander & lever lesdites finances, ne devoient point assigner ni mettre la main, si ce n’est sur les biens acquis, avant que la finance fût accordée entre le commissaire & l’acquéreur.
On voit par un mandement qui fut adressé à cette occasion aux commissaires députés pour la recherche des francs-fiefs, que quand un noble vendoit son fief à un non-noble moyennant une somme d’argent, & en outre une certaine rente ou pension annuelle, on ne devoit avoir égard qu’au prix payé en argent pour estimer la finance qui étoit dûe, sans compter la rente ou pension retenue par le vendeur.
Philippe-de-Valois renouvella son ordonnance du 6 Juin 1328, le 23 Novembre suivant ; avec cette différence qu’au lieu de trois années que l’on devoit payer pour le droit de franc-fief, il en mit quatre par cette derniere ordonnance.
Comme les nobles outre leurs fiefs possédoient aussi quelquefois des biens roturiers, il expliqua par un mandement adressé le 10 Juin 1331 au sénéchal de Beaucaire, que les roturiers qui acquéroient des nobles de tels biens, auxquels il n’y avoit ni fief, ni hommage, ni justice attachée, ne devoient pour cette acquisition aucune finance au roi.
Le droit de franc-fief étoit dû par les non-nobles, quoiqu’ils eussent acquis d’un noble ; comme il paroît par des lettres du même prince du 24 Août 1338.
Mais ce qui est encore plus remarquable, c’est que du tems de Philippe de Valois & de ses prédécesseurs, l’affranchissement d’un fief où l’acquittement du droit de franc-fief étoit réputé réel, de maniere qu’un non noble pouvoit, sans payer au roi aucune nouvelle finance, acheter le fief d’un autre non noble qui l’avoit acquis, & qui avoit payé au roi le droit de franc-fief, pour obtenir de Sa Majesté l’abregement & affranchissement de service ; ce qui fut changé environ deux cents ans après, en établissant que ces sortes d’affranchissemens ne seroient plus que personnels à chaque possesseur, & non réels.
L’ordonnance de 1302, donnée par Charles IV. dont on a parlé ci-devant eut quelques suites, non-seulement, mais même sous les regnes suivans. En conséquence de cette ordonnance, on envoya plusieurs commissaires dans la sénéchaussée de Beaucaire, pour faire saisir & confisquer au profit du roi les acquisitions de biens nobles faites depuis 30 ans par des roturiers ; il y eut en effet quelques-uns de ces biens saisis : quelques acquéreurs payerent des finances pour conserver leurs acquisitions ; les commissaires ne tirerent pourtant pas de-là les finances infinies qu’ils auroient pû, dit-on, en tirer. Ceux dont les acquisitions avoient été servies, continuerent depuis d’en percevoir les fruits & revenus.
Le duc de Berry & d’Auvergne, & comte de Poitiers, fils & lieutenant du roi Jean dans le Languedoc, donna des lettres pour continuer à exécuter l’ordonnance de 1322, & l’on fit en conséquence quelques poursuites qui furent interrompues lorsqu’il sortit du Languedoc.
Mais le maréchal Daudeneham, lieutenant du roi dans ce pays, envoya des commissaires dans la sénéchaussée de Beaucaire avec ordre de s’informer de ces nouvelles acquisitions, soit par témoins ou par titres, d’obliger même à cet effet les notaires de donner des copies des actes qui seroient dans leurs protocoles & dans ceux de leurs prédécesseurs contenant ces sortes d’acquisitions, & après cette information faite, de faire saisir toutes ces nouvelles acquisitions, d’en faire percevoir tous les revenus, de faire défenses à ceux qui les possédoient de les recevoir, & même de les vendre, de les donner à cens ou moyennant quelque redevance annuelle, & enfin de faire rendre compte à ceux qui avoient perçu les revenus de ces biens au préjudice de la saisie qui en avoit été faite au nom du roi.
Le maréchal Daudeneham donna néanmoins pouvoir à ces commissaires de composer avec ceux qui avoient fait de telles acquisitions, ou qui avoient perçu les fruits de celles qui étoient saisies, & de leur permettre moyennant une finance qu’ils payeroient, de les garder, sans qu’ils pussent être contraints à s’en désaisir dans la suite.
Le détail que l’on vient de faire sur l’exécution de l’ordonnance de 1322, se trouve dans les lettres du maréchal de Daudeneham du 15 Août 1363.
On suivit toûjours les mêmes principes au sujet des francs-fiefs du tems du roi Jean, comme il paroît par des lettres de ce prince du mois d’Octobre 1354, confirmatives d’autres lettres du 4 Mai 1324, portant concession aux citoyens & habitans de Toulouse, d’acquérir des personnes nobles des biens-fonds, pourvû que ces biens fussent sans justice, & qu’il n’en fût pas dû d’hommage.
Louis duc d’Anjou, lieutenant de Charles V. dans le Languedoc, ordonna par des lettres données à Nismes le 16 Février 1367, qu’il ne seroit point payé de finances par les roturiers pour les acquisitions d’aleux non nobles, & ne relevant point du roi ni en fief ni en arriere-fief, quoique faites de personnes nobles, & que ceux qui n’auroient point payé la finance des francs-fiefs, n’y pourroient être contraints par emprisonnement de leur personne, mais seulement par saisie & vente de leurs biens.
Charles V. ordonna depuis en 1370, que ceux qui auroient refusé de payer le droit de franc-fief, & auroient fatigué les commissaires par des tours & des chicanes, seroient contraints de payer une double finance.
De tems immémorial, les bourgeois de Paris ont été exemptés des droits de franc-fief, tant pour les biens nobles par eux acquis dans les fiefs du roi & dans ceux des seigneurs, que pour les francs-aleux ; on publia à Paris vers l’année 1371 une ordonnance, portant que les non nobles qui avoient acquis depuis 1324 des biens nobles, en fissent dans un mois leur déclaration au receveur de Paris, qui mettroit ces biens dans la main du roi jusqu’à ce que ces acquéreurs eussent payé finance ; mais Charles V. par des lettres du 9 Août 1371, confirma les bourgeois de Paris dans leur exemption des droits de franc-fief dans toute l’étendue du royaume ; ils ont en conséquence joüi de ce privilége sans aucun trouble, si ce n’est depuis quelque tems qu’on les a inquiétés à ce sujet, pour raison de quoi il y a une instance pendante & indécise au conseil, où les prévôt des marchands & échevins de la ville de Paris sont intervenus pour soûtenir le droit des bourgeois de Paris, lesquels néanmoins sont contraints par provision de payer le droit de franc-fief.
Les bourgeois de Paris ne sont pas les seuls auxquels l’exemption du droit de franc-fief eût été accordé ; ce privilége fut communiqué par Charles V. aux habitans de plusieurs autres villes ; mais tous ne l’eurent pas avec la même étendue.
On croit que ce privilége fut accordé aux habitans de Montpellier, suivant des lettres du mois de Juillet 1369, qui leur permettent d’acheter toutes sortes de biens ; mais l’exemption des francs-fiefs n’y est pas exprimée clairement.
Elle fut accordée purement & simplement aux habitans de la ville de Caylus-de-Bonnette en Languedoc, par Charles V. en 1370.
Ceux de Ville-Franche & Roüergue obtinrent la même exception pour le passé, & pour les acquisitions qu’ils feroient-pendant dix ans
Par d’autres lettres de 1370, les habitans de la ville de Caussade en Languedoc, furent déclarés exempts du droit de franc-fief pour les fiefs qu’ils acquerroient, pourvû que ce ne fût pas des fiefs de chevalerie ou des aleux d’un prix considérable.
Le 19 Juillet de la même année, les habitans de la ville de Milhaud furent déclarés exempts des francs-fiefs pour les biens nobles qu’ils avoient acquis, & qu’ils acquerroient dans la suite.
La même chose fut ordonnée en faveur des habitans de Puy-la-Roque, par d’autres lettres des mêmes mois & an.
Les priviléges accordés en la même année à la ville de Cahors, portent entre autres choses que les habitans de cette ville seroient exempts du droit de franc-fief, pour les biens nobles qu’ils acquerroient dans la suite, quand même ces biens seroient situés dans des fiefs ou arriere-fiefs du roi, & quand même ils les auroient acquis de personnes nobles ou ecclésiastiques.
Les habitans de Puy-Mirol dans l’Agenois, obtinrent aussi au mois de Juin de la même année des priviléges, portant qu’ils joüiroient des fiefs & autres droits nobles qu’ils possédoient depuis 30 ans ; qu’ils joüiroient pareillement des fiefs & autres droits nobles qu’ils pourroient acquerir pendant l’espace de dix ans dans le duché d’Aquitaine, pourvû cependant qu’il n’y eût point de forteresse sur ces fiefs ni d’arriere-fiefs qui relevassent de ces fiefs.
Les habitans de Saint-Antonin obtinrent le même privilége pour dix ans, pourvû qu’il n’y eût pas de justice attachée aux fiefs qu’ils acheteroient ; on leur remit seulement les droits pour le passé.
Les mêmes conditions furent imposées aux habitans de Moissac.
La ville de Fleurence obtint aussi en 1371 pour ses habitans, le privilége d’acquerir pendant cinq ans des fiefs nobles & militaires, pourvû qu’il n’y eût point de jüstice attachée, & à condition qu’ils ne rendroient point hommage de ces fiefs. Ce terme de cinq ans fut ensuite prorogé jusqu’à huit.
Charles V. accorda aussi en 1371 des lettres aux habitans de Rhodès, portant qu’ils seroient exempts du droit de franc-fief pour les biens nobles relevans du roi, qu’ils acquerroient hors du comté de Roüergue, & des terres appartenantes au comte d’Armagnac.
Il exempta pareillement des francs-fiefs les bourgeois de la Rochelle, mais seulement ceux qui auroient 500 liv. de rente.
L’exemption fut accordée pour 20 ans en 1369 aux habitans de Lauserte, à condition qu’ils n’aquerroient point des hommages, des forteresses & des aleux d’un grand prix.
Charles VI. exempta des francs-fiefs les habitans de Condom.
Ceux de Bourges en furent exemptés en 1438, & ceux d’Angers & du Mans en 1483.
Plusieurs autres villes obtinrent en divers tems de semblables exemptions.
Il fut nommé par Charles VI. en 1388 deux commissaires dans chaque prévôté, sur le fait des acquisitions faites par les gens d’église & personnes non nobles, avec des receveurs sur les lieux ; & depuis par des lettres du 8 Juillet 1394, il confirma ce qui avoit été fait par ces commissaires touchant les francs-fiefs ; & depuis nos rois ont de tems en tems nommé de semblables commissaires pour la recherche des francs-fiefs.
Par des lettres patentes de 1445, Charles VII. ordonna que les thrésoriers de France pourroient contraindre toutes personnes non nobles, ou qui ne vivoient pas noblement, de mettre hors de leurs mains tous les fiefs qu’ils possédoient par succession ou autrement, sans en avoir suffisante provision du roi, ou de les en laisser joüir en payant la finance au roi, telle que lesdits thrésoriers aviseroient.
Louis XI. donna des lettres patentes en forme d’amortissement général pour tous les pays de Normandie, pour les nouveaux acquêts faits par les gens de main-morte & pour les fiefs & biens nobles acquis par les roturiers, portant qu’après 40 ans tous fiefs nobles acquis par des roturiers seroient réputés amortis, & que les détenteurs ne seroient contraints d’en vuider leurs mains ni d’en payer finance : ces lettres portoient même, que tous roturiers ayant acquis des héritages nobles en Normandie, étoient anoblis & leur postérité.
François I. par ses lettres du 6 Septembre 1520, défendit à tous roturiers de tenir des héritages féodaux.
Henri II. enjoignit le 7 Janvier 1547 à toutes personnes non nobles possédant fiefs, d’en fournir déclaration pour en payer le droit.
Charles IX. par des lettres patentes du 5 Septembre 1571, nomma des commissaires pour procéder à la liquidation de la finance dûe à cause des droits de franc-fief & nouveaux acquêts, & ordonna que tous les roturiers & non nobles fourniroient leur déclaration de tous les fiefs, arriere-fiefs, héritages, rentes & possessions nobles qu’ils tenoient dans chaque bailliage & sénéchaussée.
Henri IV. nomma aussi des commissaires pour la liquidation des droits de franc-fief, par des lettres du mois d’Avril 1609, dont Louis XIII. ordonna l’exécution par d’autres lettres du 20 Octobre 1613 : il ordonna encore en 1633 la levée du droit de franc-fief sur le pié du revenu d’une année, & il en fut fait un traité en forme de bail, à commencer depuis le 21 Février 1609, jusqu’au dernier Décembre 1633.
La levée du droit de franc-fief fut encore ordonnée au mois de Janvier 1648, quoiqu’il n’y eût alors que 14 ans depuis la derniere recherche : mais l’exécution de cet édit fut sursise jusqu’à la déclaration du 29 Décembre 1652, qui ordonna la levée du droit pour les 20 années qui avoient couru depuis 1638.
On voit donc que le tems au bout duquel se fit la recherche des francs-fiefs, a été réglé différemment ; qu’anciennement elle ne se faisoit que tous les 30 ou 40 ans ; que quelquefois elle s’est faite plûtôt : par exemple, sous François I. elle se fit pour les 33 années que dura son regne : sous Charles IX. on la fit au bout de 25 ans, & depuis ce tems, elle se fait ordinairement tous les 20 ans, au bout duquel tems les roturiers payent pour le droit de franc-fief une année du revenu.
Cet ordre fut observé jusqu’en 1655, où par l’édit du mois de Mars de ladite année, on ordonna que le droit de franc-fief, qui jusqu’alors ne s’étoit levé que de 20 ans en 20 ans au moins, & pour la joüissance de 20 années, une année de revenu des fiefs & biens nobles, seroit dorénavant payée par tous les roturiers possédant fief sur le pié de la 20e partie d’une année du revenu.
Mais sur ce qui fut représenté, que les frais du recouvrement de ces sommes qui se trouveroient pour la plûpart très-modiques, seroient plus à charge aux sujets du roi que le payement du principal, l’édit de 1655 fut révoqué par un autre édit du mois de Novembre 1656, qui ordonna que les roturiers qui possédoient alors des fiefs & biens nobles, seroient à l’avenir, eux & leurs successeurs & ayans cause à perpétuité, exempts du droit de francs-fiefs en payant au roi une certaine finance.
Depuis par un autre édit du mois de Mars 1672, la même exemption fut accordée aux roturiers qui possédoient alors des fiefs & biens nobles : en payant au roi trois années de revenu desdits biens ; savoir une année pour la joüissance qu’ils avoient eue pour les 20 années commencées en 1652 & finies en 1672, & la valeur de deux autres années pour joüir à l’avenir dudit affranchissement.
On reconnut depuis que le droit de franc-fief étant domanial & inaliénable, il étoit contraire aux principes d’avoir accordé un tel affranchissement à perpétuité ; c’est pourquoi le roi par un édit du mois d’Avril 1692, le restraignit à la vie de ceux qui possédoient alors des fiefs, & qui avoient financé en conséquence de l’édit de 1672.
La recherche des francs-fiefs fut ordonnée par une déclaration du 9 Mars 1700, sur tous ceux dont l’affranchissement étoit expiré depuis 1692 jusqu’au premier Janvier 1700.
Par deux autres édits des mois de Mai 1708, & Septembre 1710, Louis XIV. ordonna la recherche des francs-fiefs sur tous ceux qui s’en trouveroient redevables, soit par l’expiration des 20 années d’affranchissement, soit par acquisition, donation ou autre mutation quelconque : ces droits furent mis en partie pour 7 années, & ensuite affermés.
Il fut établi en 1633 une chambre souveraine pour connoître des droits de franc-fief dûs dans toute l’étendue du parlement de Paris depuis le 21 Février 1609 jusqu’au dernier Décembre 1633 : la déclaration du 29 Décembre 1652 établit une semblable chambre, qui subsistoit encore en 1660 : il en avoit aussi été établi quelques autres, & notamment une en Bourgogne, qui fut supprimée par une déclaration du mois d’Août 1669.
Présentement les contestations qui s’élevent sur cette matiere, sont portées devant les intendans, & par appel au conseil. Voyez le gloss. de Lauriere au mot francs-fiefs ; le traité des amortissemens & francsfiefs de M. le Maître ; le traité des francs-fiefs de Bacquet ; le traité des amortissemens du sieur Jarry.
Fief furcal, feudum furcale, est celui qui a droit de haute justice, & conséquemment d’avoir des fourches patibulaires qui en sont le signe public exterieur. (A)
Fief futur, feudum futurum, seu de futuro, est celui que le seigneur dominant accorde à quelqu’un pour en être investi seulement après la mort du possesseur actuel. (A)
Fief de garde, ou annal, feudum guardiæ, c’étoit lorsque la garde d’un château ou d’une maison étoit confiée à quelqu’un pour un an, moyennant une récompense annuelle, promise à titre de fief. Voyez & Garde. (A)
Fief, dit Feudum gastaldiae seu guastaldiæ, étoit lorsqu’un seigneur donnoit à titre de fief à quelqu’un la charge d’intendant ou agent de sa maison, ou de quelqu’une de ses terres. Voyez le glossaire de Ducange, au mot gastaldus.
Fiefs gentils, en Bretagne sont les baronies & chevaleries & autres fiefs de dignité encore plus élevée, lesquels se gouvernent & se sont gouvernés par les auteurs des co-partageans, selon l’assise du comte Geoffroy III. fils d’Henri II. roi d’Angleterre, qui devint duc de Bretagne par le mariage de Constance fille de Conan le petit, duc de Bretagne. On distingue ces fiefs gentils des autres fiefs qui ne se gouvernent pas selon l’assise dans les premiers ; les puînés mâles n’ont leur tiers qu’en bienfait, c’est-à-dire à viage, comme en Anjou & au Maine. (A)
Fief grand, feudum magnum & quaternatum, n’est pas toûjours celui qui a le plus d’étendue, mais celui qui est le plus qualifié ; c’est un fief royal ou de dignité. Voyez le glossaire de Lauriere, au mot fief en chef. (A)
Fief appellé Guastaldiæ Feudum, voyez cidevant Fief dit Feudum gastaldiæ.
Fief d’habitation, est celui qui n’est concedé que pour le vassal personnel. Il en est parlé dans les coûtumes des fiefs, lib. I. tit cv. & par Razius, part. III. de feudis. (A)
Fief de Haubert ou de Haubergeon, feudum loricæ, c’est un fief de chevalier, c’est-à-dire dont le possesseur étoit obligé à 21 ans de se faire armer chevalier, & de servir avec le haubert, haubergeon ou cotte de maille, qui étoit une espece d’armure dont il n’y avoit que les chevaliers qui pussent se servir.
Ce fief est le même que les Anglois appellent feudum militare.
Quelques-uns écrivent fief de haubert, comme qui diroit fief de haut baron ; car dans tous les anciens livres de pratique, ber & baron, haubert & haut-baron, sont termes synonymes.
Comme le haubert ou seigneur du fief de haubert étoit obligé de servir le roi avec armes pleines, c’est-à-dire armé de toutes pieces, & conséquemment avec l’arme du corps, qui étoit la cotte de maille ; cette armure fut appellée haubert ou haubergeon, & par succession de tems le fief de haubert a été pris pour toute espece de fief dont le seigneur est tenu de servir le roi avec le haubert ou haubergeon, ce qui a fait croire à quelques-uns que le fief de haubert étoit ainsi appellé à cause du haubergeon, comme le dit Cujas sur le tit. jx. du liv. I. des fiefs quoique ce soit au contraire le terme de haubergeon qui vienne de haubert, & que haubergeon fût l’arme du haubert.
Cette erreur est cependant cause aujourd’hui qu’en la coûtume reformée de Normandie, fief de haubert est moins que baronie. Les art. 155. & 156. taxent le relief de baronie à 100 liv. & celui du fief de haubert entier, à 15 liv. seulement.
Bouteiller, Ragueau & Charondas supposent que le fief de haubert releve toûjours immédiatement du roi, ce qui est une erreur. Terrien qui savoit très-bien l’usage de son pays, remarque sur le chap. ij. du liv. V. p. 171. de l’édition de 1654, qu’un fief de haubert peut être tenu de baronie, la baronie de la comté, la comté de la duché, & la duché du roi.
Suivant l’ancienne & la nouvelle coûtume de Normandie, le fief de haubert est un plein fief ou fief entier ; le possesseur le dessert par pleines armes qu’il doit porter au commandement du roi. Ce service se fait par le cheval, le haubert, l’écu, l’épée & le heaume ; ce fief ne peut être partagé entre mâles, mais quand il n’y a que des filles pour héritieres, il peut être divisé jusqu’en huit parties, chacune desquelles parties peut avoir droit de court & usage, jurisdiction & gage plége, & chacune de ces huit portions est appellée membre de haubert. Mais si le fief est divisé en plus de huit parts, en ce cas chaque portion est tenue séparément comme fief vilain, & dans ce cas aucune de ces portions n’a court ni usage. Ces droits reviennent au seigneur supérieur dont le fief étoit tenu. Il en est de même lorsqu’une des huitiemes est subdivisée en plusieurs portions, chacune perd sa court & usage. Voyez Couvel, lib. II. instit. tit. iij. §. 5 ; Loyseau, des seigneur. ch. vij. n. 45. & suiv. (A)
Fief héréditaire, est celui qui passe aux héritiers du vassal, à la différence des fiefs qui n’étoient anciennement concédés que pour la vie du vassal. Vers la fin de la seconde race de nos rois, & au commencement de la troisieme, les fiefs devinrent héréditaires. Voyez ce qui est dit ci-devant des fiefs en général. (A)
Fief héréditaire, est aussi celui qui non-seulement se transmet par succession, mais qui ne peut être recueilli à la mort du dernier possesseur que par une personne qui soit véritablement son héritiere, de maniere qu’en renonçant à la succession, elle ne puisse plus le vendre. La succession de ces fiefs est pourtant reglée par le droit féodal, en ce que les femelles n’y concourent point avec les mâles, du moins dans les pays où ce droit est observé, comme en Allemagne ; mais du reste le fief héréditaire est reglé par le droit civil, en ce que l’on y succede suivant le droit civil, ultimo possessori, de même que dans la succession des alodes.
Le fief héréditaire est opposé au fief ex pacto & providentiâ, ou fief propre. Voyez ci-après Fief ex pacto & Fief propre.
Les feudistes distinguent quatre sortes de fiefs héréditaires.
La premiere est celle où le vassal est investi, de maniere que l’investiture lui donne le pouvoir non seulement de transmettre le fief par succession à toutes sortes d’héritiers sans exception, mais même d’en disposer par actes entre-vifs ou de derniere volonté. Un tel fief, dit Struvius, est moins un fief qu’un alode, & il est considéré comme tel ; c’est ce que les feudistes appellent un fief purement héréditaire. Les femmes y peuvent succéder à défaut de mâles, & en ce sens, on peut aussi l’appeller fief féminin héréditaire : mais suivant le droit féodal, les femmes n’y concourent jamais avec les mâles.
La seconde espece de fief héréditaire est celle où le fief est concédé par l’investiture, pour être tenu par le vassal & ses héritiers en fief héréditaire ; & dans ce cas, il n’y a que les héritiers mâles du vassal qui y succedent, c’est pourquoi on l’appelle aussi fief masculin héréditaire : dans tout le reste, ce fief conserve toûjours la vraie nature de fief, ensorte que le vassal n’en sauroit disposer sans le consentement du seigneur, & qu’il n’y a que les mâles qui y puissent succéder.
La troisieme espece de fief héréditaire est celle où l’investiture permet au vassal de transmettre le fief par succession à ses héritiers quelconques. Dans cette troisieme espece quelques auteurs pensent que la femme est admise à la succession du fief, d’autres pensent le contraire : mais ceux qui tiennent que la femme a droit d’y succéder, conviennent qu’elle n’y succede jamais concurremment avec les mâles, mais seulement à défaut de mâles.
Enfin la quatrieme espece de fief héréditaire est celle où l’investiture porte expressément cette clause extraordinaire, que les femmes seront admises à la succession du fief, concurremment avec les mâles, comme dans la succession des alodes ; il est constant que c’est-là le seul cas où elles ne sont point excluses par les mâles en parité de degré, & où elles recueillent le fief héréditaire conjointement avec eux ; telles sont les divisions des fiefs héréditaires, suivant le droit féodal. Voyez Struvius syntagm. juris fend. & Schilter en ses notes, ibid. Rosenthal, c. ij. conclus. 26. Gail. lib. II. observat. cliv. n. ult.
Suivant l’état présent de notre droit coûtumier, par rapport aux fiefs, les femelles y concourent avec les mâles en parité de degré dans les successions directes, mais en succession collatérale le mâle exclud la femelle en parité de degré. (A)
Fief d’honneur ou Fief libre, feudum honoratum, est celui qui ne consiste que dans la mouvance & la foi & hommage, sans aucun profit pécuniaire pour le seigneur dominant.
Dans les provinces de Lyonnois, Forêt, Beaujolois, Maconnois, Auvergne, les fiefs sont nobles, mais simplement fiefs d’honneur ; ils ne produisent aucun profit pour quelque mutation que ce soit, en directe ou collatérale, ni même en cas de vente. C’est pourquoi l’on est peu exact à y faire passer des aveux. Voyez les observat. de M. Bretonnier sur Henrys, tom. I. liv. III. chap. iij. quest. 38.
Ils sont aussi de même qualité dans les deux Bourgognes & dans l’Armagnac, ainsi que l’atteste Salvaing en son tr. de l’usage des fiefs, ch. iij. Il en est de même dans le Bugei, suivant Faber en son code de jure emphit. defin. xljv.
Il y a quelques coûtumes qui en disposent de même. Celle de Metz, art 1. des fiefs, dit que les fiefs au pays messin sont patrimoniaux & héréditaires, & que le vassal ne doit pour hommage que la bouche & les mains, s’il n’appert par l’investiture que le fief soit d’autre condition. La coûtume de Thionville, art. 3. des fiefs, dit la même chose. (A)
Fief immédiat, est celui qui releve directement d’un seigneur, à la différence du fief médiat ou fief subalterne qui releve directement de son vassal, & qui forme à l’égard du seigneur suzerain, ce que l’on appelle un arriere-fief. Voyez Arriere-fief. (A)
Fief impérial, en Allemagne, est celui qui releve immédiatement de l’empereur, à cause de sa dignité impériale. (A)
Fief impropre, c’est un fief roturier & non noble. Voyez ci-après Fief propre. (A)
Fief incorporel ou Fief en l’air, est un fief impropre qui ne consiste qu’en mouvances & censives, ou en mouvances seules ou en censives seules, & plus ordinairement en censives qu’en mouvances ; il est opposé au fief corporel. Voyez ci-devant Fief en l’air & Fief corporel. (A)
Fief inférieur, s’entend de tout fief qui releve d’un autre médiatement ou immédiatement. Il est opposé à fief supérieur.
Le fief servant est un fief inférieur par rapport au fief dominant.
Un même fief peut être inférieur par rapport à un autre, & supérieur par rapport à un arriere-fief.
Pour savoir quand le fief inférieur est confondu avec le fief supérieur lorsqu’ils sont tous deux en la même main, voyez ci devant au mot Fief, & ci-après Réunion, Fief dominant & Fief servant. (A)
Fief infini, voyez ci-devant Fief fini.
Fief jurable, feudum jurabile, est chez les ultramontains celui pour lequel le vassal doit à son seigneur le serment de fidélité. Jacobinus de sancto Georgio, de feudis v°. in feudum n°. 29. dit : Decima divisio est quia feudum quoddam est jurabile, quoddam non jurabile : feudum jurabile est pro quo juratur fidelitas domino ; non jurabile, quando conceditur eo pacto ut fidelitas non juretur. cap. j. §. nulla, in titulo, per quos fiat investitura in lib. feud. Voyez Wenher p. 532. col. 1. in fine, & Lucium 5. lib. I. placitorum tit. j. n°. 2. p. 201.
Dans la coûtume de Bar, le fief jurable & rendable étoit celui que le vassal étoit obligé de livrer à son seigneur. Coût. de Bar, art. 1. Voyez ci-après Fief rendable. (A)
Fief laïcal, est celui qui ne releve d’aucun ecclésiastique, mais est dépendant d’un fief purement temporel. (A)
Fief levant & cheant, voyez Fief cheant & Fief revanchable.
Fief libre ou Fief d’honneur, feudum liberum seu honoratum, il en est parlé dans plusieurs anciennes chartes, entr’autres dans la charte de commune d’Abbeville, c. xxjv. Voyez le gloss. de Ducange, au mot feudum liberum, & ci-devant Fief d’honneur. (A)
Fief liege, est la même chose que fief lige. Il est ainsi appellé dans quelques coûtumes, comme dans celle de Hainault, ch. lxxjx. & dans celle de Cambrai, tit. j. art. xlvj. xlvij. xljx. l. lj. Voyez Fief lige, Homme & Femme lige, Lige Foi & Hommage lige. (A)
Fief lige, est celui pour lequel le vassal en faisant la foi & hommage à son seigneur dominant, promet de le servir envers & contre tous, & y oblige tous ses biens.
Le possesseur d’un fief lige est appellé vassal lige, ou homme lige de son seigneur ; l’hommage qu’il lui rend est appellé hommage lige, & l’obligation spéciale qui attache ce vassal à son seigneur, est appellée dans les anciens titres ligence ou ligeité.
Le fief lige est opposé au fief simple.
La différence que les feudistes françois font entre ces deux sortes de fiefs, est que l’hommage simple que le vassal vend pour un fief simple, n’est nullement personnel, mais purement réel ; il n’est rendu que pour raison du fonds érigé en fief, auquel fonds il est tellement attaché, que dès que le vassal le quitte, ce qu’il peut faire en tout tems, etiam invito domino, il demeure dès cet instant libre de l’obligation qu’il avoit contractée, laquelle passe avec le fonds à celui qui y succede.
L’hommage lige au contraire magis cohœret personæ quam patrimonio ; & quoique la ligence affecte le fonds, qui par la premiere érection y a été assujetti, le possesseur qui s’en est fait investir, se charge personnellement du devoir de vassal lige ; il y affecte tous ses autres biens sans jamais pouvoir s’en affranchir, non pas même en quittant le fief lige, ne pouvant jamais le faire sans le consentement de son seigneur.
Il y a aussi cela de particulier dans l’hommage que l’on rend pour un fief lige, que cet hommage, à chaque fois qu’il est rendu, doit être qualifié d’hommage lige ; c’est pourquoi à chaque nouvelle reception en foi, le vassal devoit en signe de sujétion mettre ses mains jointes en celles de son seigneur, & ensuite être admis par lui au baiser.
Les auteurs ne sont pas trop d’accord sur l’étymologie de ce mot lige.
Les uns ont écrit que le fief étoit appellé lige à ligando, parce que le vassal étoit lié à son seigneur féodal, lui jurant & promettant une fidélité toute singuliere. Jason, de usib. feud. n. 108.
D’autres tels que Matheus, sur la décis. 309. de Guypape, ont avancé que le fief lige avoit pris ce nom de l’effet & de la suite des obligations sous lesquelles il avoit été originairement donné, en ce que ceux qui s’en faisoient investir, étoient soûmis & engagés à des conditions plus onéreuses que celles qui étoient attachées aux fiefs simples.
D’autres encore ont tenu que ce terme lige venoit de la forme particuliere qui se rendoit pour ces sortes de fiefs, savoir, que les pouces du vassal étoient liés & ses mains jointes entre celles de son seigneur ; opinion que Ragueau, au mot hommage lige, traite avec raison de ridicule.
Quelques-uns ont soûtenu que le mot lige tiroit son origine de la ligne & confédération que quelques personnes font ensemble, en ce que les seigneurs & les vassaux se liguoient & confédéroient par serment les uns aux autres ; & sur ce fondement les feudistes allemands prétendent que les fiefs liges ont commencé en Italie, & qu’ils ont été ainsi appellés à liga, mot italien, qui selon eux signifie ligue ; opinion que Dargentré paroît avoir adoptée après Albert Krantz : mais Brodeau sur Paris, art. lxiij. dit que liga est un ancien mot françois, qui signifie colligationem, pacem & confederationem, une ligue.
Mais il est constant que liga n’est ni italien ni françois ; une ligue en italien, c’est lega. D’ailleurs l’origine des fiefs liges ne peut venir d’Italie, puisque les constitutions napolitaines, quoique postérieures en partie aux usages des fiefs, ne parlent point de fiefs liges.
Le mot liga n’est pas non plus gaulois ; car les fiefs liges n’ayant commencé à être connus que bien avant dans le xij. siecle, comme on le prouvera dans un moment, il est aisé de connoître par les auteurs de ce tems, que leur langage n’étoit point thiois.
Quelques-uns ont encore voulu tirer le mot lige du grec ἑμόλογος, à quoi il n’y a aucune apparence, la langue greque n’étant pas alors assez familiere pour en tirer cette dénomination.
S. Antonin, sous l’an 1224, écrivant la maniere dont S. Jean d’Angely se rendit à Louis VIII. dit que l’abbé & les bourgeois rendirent la ville au roi, ei ligam exhibentes fidelitatem. Le jésuite Maturus explique ce mot liga par obsequium : mais S. Antonin qui vivoit jusqu’au milieu du xv. siecle, n’a parlé que sur la foi de Vincent de Beauvais, en son miroir historial ou sous l’an 1224 ; il dit en parlant du même fait, legitimam facientes ei fidelitatem ; ainsi ou le texte a été corrompu, ou c’est une abréviation qui a été mal rendue.
Parmi tant d’opinions controversées, la premiere qui fait venir le mot lige à ligando, paroît la plus naturelle.
Pour ce qui est de l’origine des fiefs liges, ou du moins du tems où ils ont commencé à être qualifiés du surnom de liges, l’époque n’en remonte guere plus haut que dans le xij. siecle, vers l’an 1130.
En effet, il n’en est fait aucune mention dans les monumens qui nous restent du tems des deux premieres races de nos rois, tels que la loi salique, les formules de Marculphe, & celles des auteurs anonymes ; ni dans les ouvrages de Gregoire de Toûrs, Frédégaire, Nitard, Thegan, Frodoard, Aymoin, Flodoard ; ni même dans les capitulaires de Charlemagne, de Louis le Débonnaire & de Charles le Chauve, quoique les usages des fiefs, tant simples que de dignité, qui se pratiquoient alors en France, & les devoirs réciproques des seigneurs & des vassaux, y soient assez détaillés.
On ne voit même point que les termes de lige, ligeance & ligeité, fussent encore usités sous les quatre premiers rois de la troisieme race, dont le dernier, qui fut Philippe I. mourut en 1108.
Fulbert, chancelier de France, élevé à l’évêché de Chartres en 1007, & que l’on a regardé comme un homme consommé dans la jurisprudence féodale de son siecle, ne parle point des fiefs liges dans ses épîtres, quoique dans plusieurs il traite des fiefs, & notamment dans la 101e. qui comprend en abregé les devoirs réciproques du vassal & du seigneur.
Les fragmens des auteurs qui ont écrit sous Henri I. & sous Philippe I. n’en disent pas davantage, non plus que Yves évêque de Chartres sous Philippe I. & sous Louis-le-Gros. Sugger, abbé de Saint-Denis, n’en dit rien dans la vie de Louis-le-Gros, ni dans les mémoires qu’il a laissés des choses les plus importantes qui se sont passées de son tems, quoiqu’il y donne plusieurs éclaircissemens sur les usages des fiefs.
On trouve dans le livre des fiefs un chapitre exprès de feudo ligio ; mais il est essentiel d’observer que ce chapitre n’est point de Gerard le Noir, ni de Obertus de Horto. Ces deux jurisconsultes, qui vivoient vers le milieu du xij. siecle, ne sont auteurs que des trois premiers livres des fiefs, dans lesquels il n’est rien dit du fief lige.
Le chapitre dont on vient de parler, fait partie du quatrieme livre, dans lequel on a ramassé les écrits de plusieurs feudistes anonymes ; & par les constitutions qui y sont citées de Frédéric I. dit Barberousse, qui tint l’Empire jusqu’en 1190, il paroît que ces auteurs ne peuvent être au plûtôt que de la fin du xij. siecle, ou du commencement du xiij. aussi Dumolin sur l’ancienne coûtume de Paris, §. 1. gl. 5. n. 12. dit que ce mot lige est barbarius feudo ; qu’il étoit encore inconnu du tems des livres des fiefs, & qu’il fut ensuite introduit pour exprimer qu’on se rendoit homme d’un autre.
Il y a lieu de croire que la dénomination & les devoirs du fief lige furent introduits d’abord en France ; que ce fut sous le regne de Louis VI. dit le-Gros, lequel regna depuis l’an 1108 jusqu’en 1137.
Ce prince fut obligé de réprimer l’insolence des principaux vassaux de la couronne, lesquels refusoient absolument de lui faire hommage de leurs terres ; ou s’ils lui prêtoient serment de fidélité, ils se mettoient peu en peine de l’enfraindre, s’imaginant être libres de s’en départir, selon que leurs intérêts particuliers ou ceux de leurs alliés sembloient le demander.
Ce fut sans doute le motif qui porta Louis-le-Gros à revêtir l’hommage de solennités plus rigoureuses que celles qui avoient été pratiquées jusqu’alors, & d’obliger ses vassaux de se reconnoître ses hommes liges ; d’où leurs fiefs furent appellés fiefs liges, pour les distinguer des fiefs simples subordonnés à ceux-ci, dont aucun n’avoit encore la qualité ni les attributs de fief lige.
C’est aussi probablement ce que l’abbé Sugger a eu en vûe, lorsqu’il a parlé des précautions singulieres que Louis-le-Gros prit pour s’assûrer de la fidélité de Foulques, comte d’Anjou : l’hommage fut suivi de sermens réitérés, on donna au roi plusieurs ôtages ; & dans l’hommage lige fait en 1190 par Thibaut, comte de Champagne, à Philippe-Auguste, le serment fut fait sur l’hostie & sur l’évangile : plusieurs personnes qualifiées se rendirent aussi avec serment, cautions de la fidélité du vassal, jusqu’à promettre de se rendre prisonniers dans les lieux spécifiés, au cas que dans le tems convenu le vassal n’amendât pas son manque de fidélité, & d’y garder prison jusqu’à ce qu’il l’eût réparé. Enfin le comte se soûmit à la puissance ecclésiastique, afin que sa terre pût être mise en interdit si-tôt que le délai seroit expiré, s’il n’avoit amendé sa faute.
Cette formule d’hommage étant toute nouvelle, & beaucoup plus onéreuse que la formule ordinaire, il fallut un nom particulier pour la désigner ; on l’appella hommage lige.
Le continuateur d’Aymoin, dont l’ouvrage fut parachevé en 1165, rapporte l’investiture lige du duché de Normandie, accordée par Louis VII. dit le Jeune, à Henri fils de Geoffroi comte d’Anjou ; ce qui arriva vers l’an 1150. Il dit en propres termes, & eum pro eadem terra in hominem ligium accepit.
L’usage des fiefs liges fut introduit à-peu près dans le même tems dans le patrimoine du saint siége, en Angleterre & en Ecosse, & dans les autres souverainetés qui avoient le plus de liaisons avec la France.
On voit pour l’Italie, que l’anti-pape Pierre de Léon étant mort en 1138, ses freres reprirent d’Innocent II. les fiefs qu’ils tenoient de l’église, & lui en firent l’hommage lige, & facti homines ejus ligii juraverunt ei ligiam fidelitatem : c’est ainsi que saint Bernard le rapporte dans son épître 320. adressée à Geoffroi lors prieur de Clairvaux.
Le même pape Innocent II. ayant en 1139 investi le comte Roger du royaume de Sicile & autres terres, la charte d’investiture fait mention que Roger lui fit l’hommage lige, qui nobis & successoribus nostris ligium homagium fecerint ; termes qui ne se trouvent point dans l’investiture des mêmes terres, accordée en 1130 : ce qui suppose que l’usage des fiefs liges n’avoit été introduit en Italie qu’entre l’année 1130 & l’année 1137.
On trouve aussi dans le septieme tome des conciles, part. II. la sentence d’excommunication fulminée l’an 1245 par Innocent VI. au concile de Lyon contre l’empereur Frédéric second qui fait mention expresse d’hommage lige. Une partie de cette sentence est rapportée dans le sexte. Un des crimes dont Frédéric étoit prévenu, étoit qu’en persécutant l’Eglise il avoit violé le serment solennel dont il s’étoit lié envers elle, lorsqu’en recevant du pape Innocent III. l’investiture du royaume de Sicile, il s’étoit reconnu vassal lige du saint siége.
Les fiefs liges sont de deux sortes ; les uns primitifs & immédiats ; les autres subordinés, médiats & subalternes.
Les premiers, qui sont les plus anciens, relevent nuement du roi ; les autres relevent des vassaux de la couronne ou autres seigneurs particuliers, lesquels eurent aussi l’ambition d’avoir des vassaux liges, ce qui n’appartenoit pourtant régulierement qu’aux souverains : aussi les fiefs liges médiats & subalternes ne furent-ils point d’abord reçûs en Italie, & c’est sans doute la raison pour laquelle les auteurs des livres des fiefs n’en ont point parlé.
L’origine des fiefs liges, médiats & subordinés, n’est que de la fin du regne de Louis VII. dit le Jeune, & voici à quelle occasion l’usage en fut introduit. Henri II. roi d’Angleterre, prétendoit, du chef d’Eléonor de Guienne sa femme, que le comté de Toulouse lui appartenoit. Après de longues guerres, Raymond, comte de Toulouse, s’accorda avec Henri, roi d’Angleterre, en se rendant son vassal lige pour le duché de Guienne. Louis-le-Jeune ne put supporter qu’un duc de Guienne eût des vassaux liges, ce qu’il savoit n’appartenir qu’aux souverains. On apprend ces faits par l’épître 153. de Pierre de Blois. Le tempérament que l’on trouva pour terminer ce différend, fut que le comte de Toulouse demeureroit vassal lige du roi d’Angleterre, comme duc de Guienne, sauf & excepté néanmoins l’hommage lige qu’il devoit au roi de France. Voyez Catel, hist. de Toulouse, liv. II. ch. v.
Deux choses sont requises, suivant Dumolin, pour donner à un fief le caractere de fief lige ; savoir que dans la premiere investiture le fief soit qualifié lige ; & que le serment de fidélité soit fait au seigneur, pour le servir envers & contre tous, sans exception d’aucune personne.
Cette définition de Dumolin n’est pourtant pas bien exacte ; car les fiefs tenus immédiatement de la couronne, n’ont pas été d’abord qualifiés de fiefs liges par les premiers actes d’investiture ; & à l’égard des fiefs liges médiats & subordinés, le vassal ne doit pas y promettre au seigneur de le servir contre tous sans exception, le souverain doit toûjours être excepté.
L’obligation personnelle du vassal de servir son seigneur envers & contre tous, ne fut pas l’effet de l’hommage lige à l’égard des fiefs liges immédiats : car les vassaux de la couronne avoient toûjours été obligés tacitement à servir leur souverain, avant que la formule de l’hommage lige fût introduite ; & les formalités ajoûtées à cet hommage, qui le firent qualifier de lige, ne furent que des précautions établies pour assûrer & faciliter l’exécution de cette obligation personnelle, tant sur la personne du vassal & sur son fief, que sur tous ses autres biens.
Pour ce qui est des fiefs liges médiats & subordinés, auxquels l’obligation personnelle de servir le seigneur n’étoit pas de droit attachée, on eut soin de l’exprimer dans les premieres investitures ; il s’en trouve des exemples dans le livre des fiefs de l’évêché de Langres, dans plusieurs concessions de la fin du xiij. siecle : mais les hommages subséquens à la premiere investiture, ne reprenoient point nommément l’obligation personnelle de tous biens, étant suffisamment sous-entendue par la qualité de fief lige ou d’hommage lige.
Les obligations de l’hommage lige furent dans la suite des tems trouvées si onéreuses, que nombre de vassaux liges firent tous leurs efforts pour se soustraire à ces obligations.
C’est ainsi que malgré les hommages liges rendus pour le duché de Bretagne par Arthus I. à Philippe-Auguste, au mois de Juillet 1202 ; par Pierre de Dreux, dit Mauclere, tant au même Philippe-Auguste, le dimanche avant la Chandeleur 1212, qu’au roi S. Louis par le traité d’Angers de l’an 1231 ; & par Jean, dit le Roux, au même roi S. Louis en 1239, leurs successeurs au duché de Bretagne prétendirent ne devoir que l’hommage simple, & ne purent jamais être réduits à s’avoüer hommes & vassaux liges : nos rois se contenterent que l’hommage fût rendu tel qu’il avoit été fait par les précédens ducs de Bretagne. Les chanceliers de France firent des protestations à ce sujet ; les ducs en firent de leur part dans le même acte, comme on voit dans les fois & hommages des ducs de Bretagne, de 1366, 1381, 1403, 1445 & 1458.
Les historiens ont aussi remarqué qu’en 1329 Edoüard III. roi d’Angleterre, s’étant rendu en France pour porter l’hommage qu’il devoit à Philippe de Valois pour le duché de Guienne & comté de Ponthieu, refusa de le faire en qualité d’homme lige, alléguant qu’il ne devoit pas s’obliger plus étroitement que ses prédécesseurs. On reçut pour lors son hommage conçû en termes généraux, avec serment qu’il feroit dans la suite la foi en la même forme que ses prédécesseurs. Etant ensuite retourné en Angleterre, & ayant été informé qu’il devoit l’hommage lige, il en donna ses lettres, datées du 30 Mars 1331, par lesquelles il s’avoüoit homme lige du roi de France, en qualité de duc de Guienne, de pair de France, & de comte de Ponthieu.
Le jurisconsulte Jason, qui enseignoit à Padoue en 1486, dans son traité super usib. feudor. & Sainxon sur l’ancienne coûtume de Tours, remarquent tous deux n’avoir trouvé dans tout le droit qu’un seul texte touchant l’hommage lige ; savoir en la clémentine, appellée vulgairement pastoralis, qui est une sentence du pape Clément V. rendue en 1313, par laquelle il cassa & annulla le jugement que Henri VII. empereur, avoit prononcé contre Robert, roi de Sicile, fondée entr’autres moyens sur ce que Robert étant vassal lige de l’Eglise & du saint siége, à cause du royaume de Sicile, Henri n’avoit pû s’attribuer de jurisdiction sur lui, comme s’il eût été vassal de l’Empire, ni conséquemment le priver, comme il avoit fait, de son royaume.
Les livres des fiefs, ajoûtés au corps de Droit, contiennent aussi, comme on l’a déjà observé, un chapitre de feudo ligio.
Il faut encore joindre à ces textes, ceux des coûtumes qui parlent de fiefs liges, d’hommage lige, & de vassaux liges.
Il y avoit autrefois deux sortes d’hommage lige ; l’un où le vassal promettoit de servir son seigneur envers & contre tous, sans exception même du souverain, comme l’a remarqué Cujas, lib. II. feudor. tit. v. & lib. IV. tit. xxxj. sc. & xcjx. & suivant l’article 50. des établissemens de France, publiés par Chantereau ; & en son origine des fiefs, p. 16. & 17. L’autre sorte d’hommage lige étoit celui où le vassal, en s’obligeant de servir son seigneur contre tous, en exceptoit les autres seigneurs dont il étoit déjà homme lige. Il y en a plusieurs exemples dans les preuves des histoires des grandes maisons. Voyez aussi Chantereau, des fiefs, p. 15. & 16.
Les guerres privées que se faisoient autrefois les seigneurs entr’eux, dont quelques-uns osoient même faire la guerre à leur souverain, donnerent lieu aux arriere-fiefs liges & aux hommages liges dûs à d’autres seigneurs qu’au roi ; mais les guerres privées ayant été peu-à-peu abolies, l’hommage lige ne peut régulierement être dû qu’au roi : quand il est rendu aux ducs & autres grands seigneurs, on doit excepter le roi.
La foi & hommage dûe pour les fiefs liges, doit toûjours être faite par le vassal en personne, de quelque condition qu’il soit, même dans les coûtumes où le vassal simple est admis à faire la foi par procureur, comme dans celle de Peronne, Montdidier & Roye, art. 53. Voyez les traités des fiefs, & les commentateurs des coûtumes, sur le titre des fiefs ; le premier factum de M. Husson, qui est dans les œuvres de Duplessis ; & Hommage lige, Homme lige, Vassal. Voyez aussi ci-dev. Fief demi-lige, & ci-après Fief a simple Hommage lige, Fief tenu a plein lige. (A)
Fief de Maître ou Officier, ou Fief d’office, est celui qui consiste dans un office inféodé. Voyez Office inféodé. (A)
Fief masculin, est celui qui est affecté aux mâles à l’exclusion des femelles.
Dans l’origine tous les fiefs étoient masculins ; les femmes n’y succédoient point, & elles ne pouvoient en acquérir. Dans la suite on a admis les femelles à concourir avec les mâles en pareil degré dans la succession directe, & en collatérale à défaut de mâles.
Mais il y a certains grands fiefs qui sont toûjours demeurés masculins, tels que le royaume de France ; c’est pourquoi on dit qu’il ne tombe point en quenouille.
Les duchés-pairies sont aussi des fiefs masculins, à l’exception des duchés qu’on appelle femelles, à cause que les femmes y succedent. Voyez Duché. Voyez ci-devant Fief féminin. (A)
Fief médiat, est celui qui forme un arriere-fief par rapport au seigneur suzerain. Voyez Arriere-fief. Il est opposé au fief immédiat. (A)
Fief membre de haubert, est une portion d’un fief de haubert en Normandie. Un fief de cette qualité peut être partagé entre filles jusqu’en huit parties, & alors chaque partie est appellée membre de haubert ; mais s’il y a plus de huit parties, en ce cas aucune n’a court ni usage ; elles sont tenues comme fief vilain. Voyez Fief de Haubert, Fief vilain, & le gloss. de Lauriere au mot fief. (A)
Fief menu au pays de Liége, est celui qui n’a aucune jurisdiction ; il est opposé au plein fief. Voyez ci-après Plein fief. (A)
Fief de meubles, on donne quelquefois ce nom à un fief abonné, c’est-à-dire celui dont les reliefs ourachats, quints & requints, & quelquefois l’hommage même, sont changés & convertis en rentes ou redevances annuelles, payables en deniers ou en grains. Voyez Loysel, liv. I. tit. j. regle 72.. avec l’observation de M. de Lauriere. (A)
Fief militaire, feudum militare, seu francale militare, signifioit un fief qui ne pouvoit être possédé que par des nobles & non par des roturiers. On l’appelloit fief militaire, parce qu’il obligeoit le vassal au service militaire ; tous les seigneurs de fiefs & arriere-fiefs sont encore sujets à la convocation du ban ou arriere-ban. Voyez le gloss. de Ducange au mot feudum francale & feudum militare.
Les Anglois appellent fief militaire, ce que nous appellons fief de haubert ou de chevalier, feudum loricæ. Ce fief oblige en effet le vassal de rendre le service militaire à son seigneur dominant. Voyez Fief de Chevalier, & Fief de Haubert. (A)
Fiefs de miroir, dans les coûtumes de parage sont les fiefs ou portions de fief des puînés garantis sous l’hommage de l’aîné. Ils ont été ainsi appellés, parce que dans les coûtumes de parage l’aîné est par rapport au seigneur dominant le seul homme de fief, & par rapport aux puînés une espece d’homme vivant & mourant, sur lequel le seigneur féodal se regle & mire, pour ainsi parler, pour regler ses droits seigneuriaux ; c’est aussi de-là que dans le Vexin françois le parage est appellé mirouer de fief. Voyez les notes de M. de Lauriere sur le glossaire de Ragueau au mot fief boursal vers la fin, & aux mots Frérage & Parage. (A)
Fief mort, qui est opposé à fief vif, est proprement un sous-acasement & un héritage tenu à rente seche, non à cens ou rente fonciere ; c’est lorsque le fief ne porte aucun profit à son seigneur. Voyez la coûtume d’Acqs, tit. viij. art. 2. 5. 6. 7. & 8. Voyez Fief vif. (A)
Fief mouvant d’un autre, c’est-à-dire qui en dépend & en releve à charge de foi & hommage & autres droits & devoirs, selon que cela est porté par l’acte d’inféodation. (A)
Fief noble, est entendu de diverses manieres : selon Balde, le fief noble est celui qui anoblit le possesseur ; définition qui ne convient plus aux fiefs même de dignité, car la possession des fiefs n’anoblit plus. Selon Jacob de Delvis, in prælud. feudor. & Jean André, in addit. ad speculator. rubric. de præscript. le fief noble est proprement celui qui est concedé par le souverain, comme sont les duchés, marquisats, & comtés : le fief moins noble est celui qui est concedé par les ducs, les marquis, & les comtes : le médiocrement noble, est celui qui est concedé par les vassaux qui relevent immédiatement des ducs, des marquis, & des comtes. Enfin le fief non noble est celui qui est concedé par ceux qui relevent de ces derniers vassaux, c’est-à-dire qui est tenu du souverain en quart degré & au-dessous. En Normandie on appelloit fief noble, celui qui étoit possedé à charge de foi & hommage & de service militaire, & auquel il y avoit court & usage ; au lieu que s’il étoit possedé à la charge de payer des tailles, des corvées, & autres vilains services, c’étoit un fief roturier. Voyez l’ancienne coûtume de Normandie, ch. liij. à la fin, & ch. lxxxvij. & la nouvelle, art. 2. & 336. Terrier, liv. V. ch. clxxj. Berault, sur l’art. 2. & 100. Basnage, p. 164. tom. I. Voyez ci-devant Fief cottier, & ci-après Fief roturier, Fief vilain. (A)
Fief non noble ou roturier, ou Fief abrégé & restraint. Voyez ci-devant Fief abrégé, & Fief noble. (A)
Fief de nu à nu ; on donne quelquefois ce nom aux fiefs qui relevent nuëment & sans moyen du prince. (A)
Fief en nuesse, dans les coûtumes d’Anjou & du Maine, signifie celui dans l’étendue duquel se trouvent les héritages auxquels le seigneur peut prétendre quelque droit ; car nuesse est l’étendue de la seigneurie féodale ou censuelle dont les choses sont tenues sans moyen & nuement. Voyez la coûtume d’Anjou, art. 10. 12. 13. 29. 61. 221. 351. Maine, art. 9. 11. 13. 34. 236. & 362. & Brodeau, sur l’article 13. (A)
Fief oublial, est celui qui est chargé envers le seigneur dominant d’une redevance annuelle d’oublies ou pains ronds appellés pains d’hotelage & oublies, oblitæ quasi oblatæ, parce que ces oublies doivent être présentées au seigneur.
Cette charge ne peut guere se trouver que sur des fiefs cottiers ou roturiers, & non sur des fiefs nobles. Voyez le gloss. de M. de Lauriere au mot obliage. (A)
Fief ouvert, est celui qui n’est point rempli, & dont le seigneur dominant n’est point servi par faute d’homme, droits & devoirs non faits & non payés.
Le fief est ouvert quand il y a mutation de vassal jusqu’à ce qu’il ait fait la foi & hommage, & payé les droits.
La mort civile du vassal fait ouverture au fief, à moins que le vassal ne fût un homme vivant & mourant donné par des gens de main-morte ; parce que n’étant pas propriétaire du fief, il n’y a que sa mort naturelle qui puisse former une mutation.
Quand le vassal est absent, & qu’on n’a point de ses nouvelles, le fief n’est point ouvert, sinon après que l’absent auroit atteint l’âge de cent ans.
Toute sorte d’ouverture du fief ne donne pas lieu aux droits seigneuriaux ; les mutations par vente ou autre contrat équipollent produisent des droits de quint, les successions, & les donations en directe ne produisent aucuns droits ; toutes les autres mutations produisent communément un droit de relief. Voyez Mutations, Quint, Rachat, Relief
Tant que le fief est ouvert, le seigneur peut saisir féodalement ; pour prévenir cette saisie, ou pour en avoir main-levée lorsqu’elle est faite, il faut couvrir le fief, c’est-à-dire faire la foi & hommage, & payer les droits. Voyez Fief couvert, Ouverture de fief, Saisie féodale. (A)
Fief ex pacto et providentia, ou Fief propre, est celui dont la concession a été faite à un mâle purement & simplement, sans aucune clause qui exprime quel ordre de succéder sera observé entre les héritiers de l’investi, de maniere que la succession à ce fief est reglée par les lois féodales qui n’admettent que les mâles descendus de l’investi & jamais les filles ; c’est pourquoi on l’appelle aussi fief masculin. Il est opposé au fief héréditaire que l’on ne peut recueillir sans être héritier du dernier possesseur, au lieu que le fief ex pacto ou proprement dit peut être recueilli en vertu du titre d’investiture, même en renonçant à la succession du dernier possesseur. Voyez Struvius, syntagm. jurispr. feud. cap. v. n. 12. & ci-devant Fief héréditaire. (A)
Fief tenu en Pairie, est celui dont les hommes ou les possesseurs sont tenus de juger ou d’être jugés à la semonce de leur seigneur, suivant les termes de Bouteiller dans sa somme rurale, liv. I. tit. iij. p. 13. Voyez l’art. 66. de la coûtume de Ponthieu, & les mots Conjure, Hommes de fiefs, Pairie, Pairs.
Il est parlé de ces fiefs dans l’article x. de la coûtume de S. Pol, où l’on voit qu’ils doivent dix livres de relief, & qu’ils sont différens des fiefs tenus à plein lige. Voyez Fief tenu à plein lige. (A)
Fief de paisse, feudum procurationis ; c’est un fief chargé tous les ans d’un ou de plusieurs repas envers une communauté ecclésiastique. Voy. Salvaing, traité de l’usage des fiefs, chap. lxxjv ; Ducange, gloss. verbo procuration, & Giste. (A)
Fief Parager, dont il est parlé dans la coûtume de Normandie, art. 134. & 135. est la portion d’un fief qui est tenue en parage, c’est-à-dire avec pareil droit que sont tenues les autres portions du même fief. Voyez Parage. (A)
Fief paternel, ancien ou patrimonial Voyez ci-devant Fief ancien, & ci-après Fief patrimonial. (A)
Fief patrimonial, est celui qui est provenu au vassal par succession, donation ou legs de sa famille, à la différence des fiefs acquis pendant le mariage ou pendant le veuvage, qui dans certaines coûtumes sont appellés fiefs d’acquêts, & se partagent différemment. Voyez la coûtume de Hainault, chap. lxxvj. & ce qui est dit ci-devant au mot Fief d’acquêt. (A)
Fief perpétuel, est celui qui est concédé au vassal pour en joüir à perpétuité lui & les siens & ses ayans cause ; il est opposé au fief annal, au fief à vie ou autre fief temporaire : présentement tous les fiefs sont perpétuels, suivant le droit commun. Voyez Fief annal, annuel, à vie, de rente, temporaire. (A)
Fief personnel, est celui qui n’a été concédé que pour celui que le seigneur dominant en a investi, & qui ne passe point à ses héritiers. Razius parle de ces sortes de fiefs, part. III. de feudis : il paroît que le fief personnel est le même que l’on appelle aussi fief d’habitation. Ibid. (A)
Fief de piété. Voyez ci-dev. Fief de dévotion.
Fief plain, ou comme on l’écrit communément, quoique par erreur, fief plein ou plûtôt plein fief ; c’est celui qui est mouvant d’un autre directement & sans moyen, à la différence de l’arriere-fief qui ne releve que médiatement. Voyez les coûtumes de Nivernois, tit. xxxvij. art. 9. & 18. Montargis, ch. j. art. 44. 45. 67. 68. Orléans, chap. 1. art. 47. 48. 67. 68. Chartres, 65. Dunois, 15. & 21. Bourbonnois, 373. 388. Auxerre, 52. 67. 72. Bar, 21. & 24. & au procès-verbal de la coûtume de Berry ; Melun, 74. & 75. Clermont, 199. Troyes, 45. 190. Laon, 260. Reims, 222.
Plein-fief, en quelques pays, signifie un grand fief qui a justice annexée à la différence du menu fief qui n’est de pareille valeur & n’a aucune jurisdiction. Voyez le style du pays de Liége, ch. xxv. art. 21. & le ch. xxvj. (A)
Fief de Pléjure, est celui qui oblige le vassal de se rendre plége & caution de son seigneur dans certains cas : il reste encore des vestiges de ces sortes de fiefs dans les coûtumes de Normandie, art. 205. de Bretagne, art. 87. & en Dauphiné, suivant la remarque de M. Salvaing, ch. lxxiij. (A)
Fief presbytéral, étoit de deux sortes ; l’un étoit un fief possédé par un laïc, consistant en revenus ecclésiastiques, tenus en fief d’un curé ou autre prêtre ; l’autre sorte de fief presbytéral avoit lieu, lorsque les seigneurs laïcs, qui avoient usurpé des chapelles, bénéfices, offrandes & revenus ecclésiastiques, les vendoient aux prêtres, à la charge de les tenir d’eux en fief ; mais comme il étoit indécent que des ecclésiastiques tinssent en fiefs leurs propres offrandes & leurs propres revenus de seigneurs, ces sortes de fiefs presbytéraux furent défendus par un concile tenu à Bourges en 1031, can. 21. en ces termes : ut seculares viri ecclesiastica beneficia quos fevos presbyterales vocant, non habeant super presbyteros, &c. Voyez Belium, in episcopis pictavini, pag. 73. 85. & in comit. pag. 384. 407. & Gervasium, in obronico, col. 1387. art. 11. tom. III. hist. Francor. Voyez aussi l’Orbandalle, tom. II. pag. 7. au trait. de la jurisd. de l’évêq. de Chalons ; M. de Marca, en son hist. de Bearn, pag. 219. Voyez ci-devant Fief épiscopal. (A)
Fief prin, quasi feudum primum ; c’est le fief du seigneur supérieur : il est ainsi appellé dans la coûtume de Bayonne. (A)
Fief de procuration, feudum procurationis, étoit un fief chargé de quelque repas par chaque année envers le seigneur dominant & sa famille : cette dénomination vient du latin procurare, qui signifie se bien traiter, faire bonne chere. Voyez Poquet de Livonieres, traité des fiefs, chap. iij. Voyez ci-devant Fief de paisse. (A)
Fiefs de profit, sont ceux qui produisent des droits en cas de mutation des héritages qui en relevent, au profit du seigneur dominant : ils sont opposés aux fiefs d’honneur, pour lesquels il n’est dû que la foi & hommage. Les fiefs de Dauphiné sont de danger & de profit. Voyez Salvaing, part. I. ch. ij. & iij. & ci-devant Fief d’honneur. (A)
Fief propre, s’entend souvent de celui qui a fait souche dans une famille. Voyez Fief ancien.
Mais le terme de fief propre est aussi quelquefois opposé à fief impropre ; de maniere que fief propre est celui qui a véritablement le caractere de fief qui est tenu noblement, & chargé seulement de la foi & hommage & des droits de quint ou de relief, aux mutations qui y sont sujettes, à la différence du fief impropre ou improprement dit, tel que le fief roturier ou non noble. Voyez Fief ex pacto & providentia, Fief cottier, coûtumier, non noble, roturier, rural. (A)
Fiefs propriétaires, sont ceux que le vassal possede en propriété, & qui sont patrimoniaux, & passent à ses héritiers & ayans cause, à la différence des bénéfices qui n’étoient qu’à tems ou à vie.
Il y avoit de ces fiefs dès le tems de la premiere race de nos rois ; mais ils ne devinrent communs que vers la fin de la seconde race & au commencement de la troisieme. Voyez Fiefs patrimoniaux. (A)
Fief de protection. On donna ce nom à des aleux ou francs-aleux, dont les possesseurs se voyant opprimés par des seigneurs puissans, mettoient leurs aleux sous la protection de quelques grands ; dans la suite ces fiefs de protection sont devenus des fiefs servans de ces grands, & par ce moyen arriere-fiefs de la couronne. Voyez les instit. féod. de Guyot, ch. j. n°. 8. (A)
Fief en quart-degré, voyez ci-après Fief tenu en quart-degré.
Fief recevable & non rendable, est celui dans le château ou manoir duquel le vassal est obligé de recevoir son seigneur dominant, lorsque celui-ci juge à-propos d’y venir pour sa commodité, de maniere néanmoins que le vassal n’est pas obligé de le céder entierement ni d’en sortir. Voyez Fief rendable. (A)
Fief en régale ; quelques-uns ont ainsi appellé le fief royal ou de dignité, feudum magnum & quaternatum. Voyez Fief de dignité & Fief royal ; le glossaire de Lauriere, au mot fief en chef. (A)
Fief rendable, feudum reddibile, étoit celui que le vassal devoit rendre à son seignem pour s’en servir dans ses guerres. M. Aubret, dans ses mémoires manuscrits sur l’histoire de Dombes, dit que le fief rendable devoit être rendu au seigneur supérieur en quelque état qu’il parût, soit avec peu ou beaucoup de troupes ; & en effet la coûtume de Bar, art. 1. dit que la coûtume est telle, que tous les fiefs tenus du duc de Bar, en son baillage dudit Bar, sont fiefs de danger rendables à lui à grande & petite force, sous peine de commise. M. Ducange a traité fort au long des fiefs jurables & rendables dans sa trentieme dissertation sur Joinville. Voyez aussi le for d’Arragon, fol. 130. v°. col. 1. & ci-devant Fief jurable. (A)
Fief de rente, c’est lorsqu’une rente est assignée sur un fief avec retention de foi : il n’y a régulierement que des rentes foncieres non rachetables, que l’on puisse ainsi ériger en fief ; parce que suivant le droit présent des fiefs, le fief est de sa nature perpétuel, encore faut-il qu’il y ait retention expresse de foi, si ce n’est dans la coûtume de Montargis, où la foi, dans ce cas, est censée retenue, ce qui paroît répugner aux principes.
Une rente rachetable, suivant le bail à rente, ne peut être fief, parce que le débiteur est le maître de l’amortir, & qu’il ne doit pas dépendre du vassal d’éteindre & abolir le fief, ce qui arriveroit néanmoins par le rachat.
Les rentes constituées à prix d’argent, ne peuvent pareillement former des fiefs, si ce n’est dans les coûtumes où le créancier est nanti, & se fait recevoir en foi pour la rente ; telles sont celles qu’en Normandie on appelle rentes hypotheques ; en Picardie, rentes nanties sur le fief du débiteur ; & que dans la très-ancienne coûtume de Paris, on appelloit rentes par assignat, lesquelles emportoient aliénation du fonds au prorata de la rente. Ces rentes, dit-on, peuvent être tenues en fief ; le créancier se fait recevoir en foi, comme cela se pratique suivant la coûtume de Cambrai, tit. j. art. 30. & 38. Berri, tit. des fiefs, art. 5. Ribemont, 79. Orléans, art. 5. Ces sortes de rentes forment un fief conditionnel, tant que la rente subsistera : fief qui est distinct & séparé de celui du vassal qui s’est chargé de la rente. Voyez Dumoulin sur Paris, §. 13. hodiè 20. gl. 5. n°. 58. & §. 28. n°. 11. & seq. Guyot, instit. féod. & ci-devant Fief conditionnel, & ci-après Fief de revenue. (A)
Fief de reprise, étoit lorsque le possesseur d’un héritage allodial & noble le remettoit à un seigneur, non pas simplement pour se mettre sous sa protection, moyennant une somme convenue & quelques autres fonds de terre que ce seigneur lui donnoit ; par le même acte le possesseur de l’aleu reprenoit en fief cet aleu du seigneur acquéreur, à la charge de la foi & hommage. M. Brusselles, tom. I. pag. 126. en rapporte plusieurs exemples, tirées des cartulaires de Champagne, entr’autres un acte du mois de Janvier 1220, vieux style.
Cet aleu devenoit par ce moyen fief servant de ce haut seigneur, & arriere-fief de la couronne. Voyez Salvaing, des fiefs, ch. xljv.
Il ne faut pas confondre ces fiefs de reprise avec ce que l’on appelle en Bourgogne reprise de fief, qui est quand le nouveau vassal fait l’hommage ; il reprend son fief des mains du seigneur. (A)
Fief restraint ou abregé, voyez ci-devant Fief abregé.
Fief de retour, c’étoit lorsque le prince donnoit quelque terre, château ou seigneurie en fief à quelqu’un & à ses descendans mâles, à l’exclusion des femelles, à condition qu’à défaut de mâles, ce fief feroit retour, c’est-à-dire reviendroit de plein droit au prince, ce qui ne se pratiquoit guere qu’aux fiefs de haute dignité, comme duchés, comtés & marquisats.
Ceux qui étoient mieux conseillés, pour éviter ce retour, faisoient insérer dans l’inféodation cette clause-ci, & liberis suis sive successoribus in infinitum quibuscumque utriusque sexus, comme il fut fait en l’érection du comté du Pont-de-Vaux ; ou bien ils se faisoient quitter du droit de retour par un contrat particulier pour récompense de service, ou moyennant quelque finance, ainsi qu’il fut fait en l’érection de la terre de Mirebel en marquisat.
Depuis que les fiefs sont devenus patrimoniaux & héréditaires, on ne connoît plus guere de fiefs de retour, si ce n’est les apanages, lesquels à défaut d’hoirs mâles, sont reversibles à la couronne ; car les duchés-pairies dans le même cas, ne sont plus reversibles, le titre de duché-pairie est seulement éteint. Voyez Apanage, Duché & Pairie, & l’hist. de Bresse, par Guichenon, chap. xij. des fiefs. (A)
Fief de retraite participoit de la nature du fief-lige ; mais il y avoit cela de particulier, que le prince qui faisoit une semblable inféodation ou concession, se réservoit la liberté & le pouvoir, en cas de guerre ou de nécessité, de se servir du château qu’il avoit donné en fief, lequel le vassal étoit tenu de lui rendre à sa premiere demande ; c’est pourquoi, dans les anciens titres, ce fief s’appelloit feudum reddibile. Le sire de Thoire & de Villars inféoda sous cette condition la seigneurie de Mirigna en Bugei à Pierre de Chatard damoiseau ; cela se pratiqua aussi au comté de Bourgogne par Jean dit le Sage, comte de Bourgogne & seigneur de Salins, lequel donna à Jean son second fils, surnommé de Châlons son château de Montgeffon en Comté, in feudum ligium & casamentum jurabile & reddibile ; & quand le feudataire ne vouloit point s’assujettir à cela, on en faisoit une réserve expresse, comme on voit dans l’hommage que le dauphin de Viennois fit à l’archevêque de Lyon au mois de Janvier 1230, des châteaux d’Annonai & d’Argental : il est dit que le dauphin a pris ces terres in feudum francum sine redditione. Hist. de Bresse par Guichenon, ch. xij. des fiefs. (A)
Fief revanchable, égalable, échéant, & levant, est ainsi appellé, parce que tous ceux qui le possedent en général, & chacun d’eux en particulier, sont de la même condition, & également astraints aux mêmes devoirs & prestations envers leur seigneur. D’Argentré, sur l’art. 277. de l’ancienne coûtume de Bretagne, en parlant de ces fiefs, leur donne ces qualifications. (A)
Fief de revenue, est celui qui est sans terres & sans titre d’office, qui ne consiste qu’en une rente ou pension, tenue à la charge de l’hommage, & assignée sur la chambre ou thrésor du roi, ou sur le fisc de quelque autre seigneur : c’est de cette espece de fief que parle Bracton, liv. IV. tract. 3. cap. jx. §. 6. feodum est id quod quis tenet ex quâcumque causâ sibi & heredibus suis, sive sit tenementum, sive sit reditus : ita quod reditus non accipiatur sub nomine ejus quod venit ex camerâ alicujus. Voyez Loyseau, traité des offices, liv. II. ch. ij. n°. 57. Voyez ci-devant Fief conditionnel, Fief de rente. (A)
Fief rierre, est la même chose qu’arriere-fief ; il est ainsi nommé dans l’ancienne assiete de Bourgogne, & en la derniere coûtume du duché. Voyez ci-devant Arriere-Fief. (A)
Fief roturier, feudum ignobile, est celui qui n’a ni justice, ni censive, ni fief mouvant de lui.
En Artois on nomme fief roturier celui qui n’a ni justice ni seigneurie, c’est-à-dire qui est sans mouvance. Ce fief roturier ne peut pas devenir noble, c’est-à-dire acquérir des mouvances par le bail à cens ou à rente seigneuriale du gros domaine du fief, sans le consentement du seigneur dominant ; mais si le seigneur ou ses officiers y ont une fois consenti, les baux à cens ou à rentes seigneuriales subsistent, & de roturier que le fief étoit auparavant, il devient fief noble ; de sorte qu’en Artois il est permis aux seigneurs de donner la justice & la seigneurie au fief roturier. Voyez Maillart, sur l’art. 17. de la coûtume d’Artois.
Le fief roturier de Bretagne n’est pas proprement le fief, c’est la terre du fief donnée à cens, ou à rente, ou autre devoir roturier ; il est ainsi nommé fief roturier, parce que la terre du fief est possédée par un roturier, ou du moins roturierement ; car le devoir retenu est toûjours noble dans la main de celui qui le perçoit, & il se partage comme noble. Voyez Guyot, instit. féod. ch. j. n°. 5.
On entend aussi quelquefois par fief roturier, celui qui étoit chargé de payer des tailles, des corvées, & autres services de vilain, c’est pourquoi on l’appelloit aussi fief vilain. Voyez Fief cottier, Fief noble, Fief non noble, Fief rural, & l’ancienne coûtume de Normandie, chap. liij. à la fin. (A)
Fief royal, est celui qui a été concédé par le roi avec titre de dignité, comme sont les principautés, duchés, marquisats, comtés, baronies : ces sortes de fiefs donnent tous le titre de chevalier à celui qui en possede un de cette espece. Voyez Loyseau, en son traité des offices ; Cowel, lib. II. instit. tit. ij. §. 7. (A)
Fief rural, dans quelques coûtumes est la même chose que fief non noble ; il en est parlé dans la coûtume de Nivernois, tit. jv. art. 27. 28. 29. & dans celle d’Acqs, tit. ij. Dans ces coûtumes le fief noble est celui auquel il y a justice ou maison fort notable, édifice, motte, fossés, ou autres semblables signes de noblesse & d’ancienneté ; tous autres fiefs sont réputés ruraux & non nobles. (A)
Fief de Sergenterie, c’est un office de sergent tenu en fief, comme il y en a dans plusieurs provinces, & même au châtelet de Paris. Voyez Huissiers-fieffés & Sergenterie-fieffée. (A)
Fief servant, est celui qui releve d’un autre fief qu’on appelle fief dominant, lequel est lui-même fief servant à l’égard du fief suzerain ; il est ainsi appellé à cause des services & devoirs qu’il doit au seigneur dominant.
Le fief servant, quant aux profits, est régi par la coûtume du lieu où il est assis ; & quant à l’honneur du service, par la coûtume du lieu du fief dominant. Voyez Coquille, tom. II. quest-267. & Bouvot, troisieme partie, au mot charge de fief. Voyez ci-devant Fief dominant & Foi & Hommage. (A)
Fief servi, est celui dont le possesseur a acquitté les droits & devoirs qui étoient dûs au seigneur dominant. Quand le fief est ouvert, il n’est pas servi ; ou bien on dit que le seigneur n’est pas servi de son fief. Voyez Fief ouvert. (A)
Fief simple, est celui qui n’a aucun titre de dignité. Voyez ci-devant Fief de dignité.
Le terme de fief simple est aussi opposé à fief lige. Voyez ci-devant Fief lige.
En quelques pays, comme en Dauphiné, on entendoit par fief simple, celui qui étoit sine mero & mixto imperio, c’est-à-dire qui n’avoit ni la haute ni la moyenne justice, mais seulement la justice fonciere, qui n’attribuoit au seigneur d’un tel fief d’autre droit que celui de connoître des différends mûs pour raison des fonds qui en relevoient. Cette jurisdiction étoit fort limitée, car tous les hommes liges du dauphin pouvoient appeller à sa cour des jugemens rendus par d’autres seigneurs, quand ils ne vouloient pas y acquiescer. Il y a même un article du statut delphinal, qui restraint encore davantage la jurisdiction attachée à ces fiefs simples, ne leur attribuant la connoissance des causes dont on a parlé, qu’au cas exprimé par ces paroles, quod querelantes de & super ipsis rebus velint ad eos recurrere. Voyez l’hist. de Dauphiné, par Valbonay, discours ij. p. 5. (A)
Fief a simple Hommage lige, est un fief lige qui est simplement chargé de l’hommage, sans aucun autre droit ni devoir seigneurial. Voyez la coûtume de Cambrai, tit. j. art. 46. 47. 49. 50. 51. (A)
Fief de sodoyer dans les Assises de Jérusalem, est dit pour fief de solde, feudum soldata, seu stipendium. C’étoit lorsqu’on donnoit à un noble, à titre de fief, une certaine provision alimentaire & annuelle, qui n’étoit pas néanmoins assignée sur la chambre ou thrésor, ni sur les impositions publiques : ce fief étoit viager. Voy. Razius, part. XII. de feudis, §. 32. (A).
Fief de Solde, voyez ci-devant Fief de sodoyer.
Fief solide ou entier, solidum, dans les constitutions de Catalogne, est la même chose que fief lige. Voyez Fief entier, Fief lige. (A)
Fief subalterne, subfeudum, retrofeudum, est celui qui est d’un ordre inférieur aux fiefs émanés directement du souverain : c’est la même chose qu’arriere-fief. Voyez Arriere-fief. (A)
Fief supérieur, est celui dont un autre releve médiatement ou immédiatement. Voyez ci-dev. Fief dominant, Fief inférieur, Fief servant, Fief suzerain au mot Suzerain. (A)
Fief taillé, talliatum, en termes de Pratique, est un héritage concédé à titre de fief, avec de certaines limitations & conditions ; car le terme talliare signifie fixer une certaine quantité, limiter. Cela arriveroit, par exemple, si le fief n’étoit donné que pour le possesseur actuel, & ses enfans nés & à naître en légitime mariage ; tellement que le vassal venant à mourir sans enfans, le fief retourneroit au seigneur dominant.
Le fief taillé paroît différent du fief restraint & abregé, lequel est ordinairement sujet à certaines charges censuelles. Voyez ci-devant Fief abregé. (A)
Fief temporaire, est celui dont la concession n’est pas faite à perpétuité, mais seulement pour un certain tems fini ou indéfini : tels étoient autrefois les fiefs concédés à vie ou pour un certain nombre de générations. On peut mettre aussi dans cette même classe les aliénations & engagemens du domaine du roi & des droits domaniaux, lesquelles, quoique faites comme toutes les concessions ordinaires de fief, à la charge de la foi & hommage, ne forment qu’un fief temporaire, tant qu’il plaira au roi de le laisser subsister, c’est-à-dire jusqu’au rachat que le roi en fera. Tels sont aussi les fiefs de rentes créées sur des fiefs, & pour lesquelles le créancier se fait recevoir en foi. Ce sont des fiefs créés conditionnellement, tant que la rente subsistera, tant que le vassal ne remboursera pas, & qui s’éteignent totalement par le remboursement. Ces fiefs temporaires ne sont même pas de vrais fiefs ; le vrai fief, la véritable seigneurie demeure toûjours au roi, nonobstant l’engagement, à tel titre qu’il soit fait : car, à parler exactement, l’engagiste n’a pas le fief, lorsque le roi exerce le rachat ; ces fiefs s’évanoüissent, tous les droits qu’avoit l’engagiste sont effacés ; ses héritiers ne peuvent retenir aucune des prérogatives de leur auteur, quelque longue qu’ait été sa possession, parce que ces engagemens ou ces rentes n’étoient que des fiefs conditionnels, créés pour avoir lieu tant que le roi ne racheteroit pas. Le droit de ces fiefs conditionnels est moindre en cela que celui des vrais fiefs temporaires qui avoient un tems limité, pendant lequel on ne pouvoit évincer le vassal. Voyez Dumolin, §. 13. hodiè 20. gl. 5. n. 58. & §. 28. n. 13. Guyot en son traité des fiefs, tom. II. ch. 9. du relief ; & tom. V. tr. de l’engagement du domaine ; & en ses observations sur les droits honorifiques, ch. v. p. 187. (A)
Fief tenu a plein lige, paroît être celui qui doit le service de fief lige en plein, à la différence des fiefs demi lige, dont il a été parlé ci-devant, qui ne doivent que la moitié de ce service. Il est fait mention de ces fiefs tenus à plein lige, dans la coûtume de Saint-Pol, art. 10. où l’on voit qu’ils doivent 60 sous parisis de relief, 30 sous parisis de chambellage, & pareille aide, quand le cas y échet. Ces fiefs sont différens des fiefs tenus en pairie. (A)
Fief tenu en quart degré du Roi, est celui qui a été concédé par un arriere-vassal du roi ; de maniere qu’entre le roi & le possesseur de ce fief il se trouve trois seigneurs, c’est-à-dire trois degrés de seigneuries : c’est pourquoi on compte que ce fief forme un quatrieme degré par rapport au roi, qui est le premier seigneur.
Philippe-le-Long, par son ordonnance de l’an 1320, ayant taxé le premier les roturiers pour les fiefs qu’ils possédoient, exempta de cette taxe les roturiers qui possédoient des fiefs tenus en quart degré de lui. Ils ne payoient encore aucune finance pour ces fiefs du tems de Bouteiller, qui vivoit en 1402, suivant que le remarque cet auteur dans sa somme rurale, liv. II. tit. j. p. 648. Voyez le glossaire de Lauriere, au mot fief de danger & au mot francs-fiefs, aux notes. (A)
Fiefs terriaux ou terriens, sont ceux qui consistent en fonds de terre ; ils sont opposés aux fiefs de revenue, qui ne consistent qu’en rentes ou pension. Voyez Fief de revenue. (A)
Fief en tierce-foi, ou tombé en tierce-foi. Dans les coûtumes d’Anjou & Maine, les roturiers partagent également les fiefs, jusqu’à ce qu’ils soient tombés en tierce-foi. Par exemple, un roturier acquiert un fief, il fait la foi ; son fils lui succede, il fait aussi la foi ; les petits-fils lui succedent, voilà le fief tombé en tierce-foi : & alors il se partage noblement, quoiqu’entre roturiers. Voyez la coûtume d’Anjou, art. 255. & 256. Maine, 274. & 275. (A)
Fief vassalique, est celui qui est sujet au service ordinaire de vassal. Voy. le glossaire de Ducange, au mot feudum vassaliticum. (A)
Fiefs qui se gouvernent suivant la coûtume du Vexin françois, sont ceux qui, par le titre d’inféodation, se reglent pour les profits des fiefs dûs aux mutations, suivant les usages du Vexin françois : ce ne sont pas seulement ceux situés dans le Vexin, mais tous ceux qui doivent en suivre les usages ; car il n’y a point de coûtume particuliere pour le Vexin ; & ce que l’on entend ici par le terme de coûtume, n’est qu’un usage, suivant lequel il n’est jamais dû de quint ni requint pour les fiefs qui se régissent par cette coûtume du Vexin ; mais aussi il est dû relief à toute mutation.
La coûtume de Paris qui fait mention de ces fiefs, art. 3, ne dit pas quels sont ceux de son territoire qui se gouvernent suivant cet usage du Vexin françois : il paroît, suivant ce que dit l’auteur du grand coûtumier, que ce sont les fiefs du pays de Gonest (voyez liv. II. ch. xxxij. p. 312.) ; mais, encore une fois, cela dépend des titres & des aveux.
Brodeau sur l’art. 3. de la coûtume de Paris, n. 14. à la fin, cite une ordonnance du mois de Mai de l’an 1235, faite à Saint-Germain en Laye, du consentement du roi S. Louis, pour les chevaliers du Vexin françois, touchant les droits de relief, qui porte que le seigneur féodal aura la moitié des fruits pour une année, tant des terres labourables que des vignes ; pour les étangs, qu’il percevra la cinquieme partie du revenu qu’ils rendent en cinq années ; & que pour les bois & forêts, il aura le revenu d’une année, en estimant ce qu’ils peuvent rendre durant sept années : & il rapporte une ordonnance intitulée vulcassinum gallicum, tirée du registre 26. du thrésor de la chambre des comptes, fol. 291. & 344. qui est conforme à ce qui vient d’être dit. Voy. aussi l’article 158. de la coûtume de Senlis, & le glossaire de Lauriere, au mot fiefs. qui se gouvernent suivant la coûtume du Vexin françois. (A)
Fief a Vie, est celui qui n’est concédé que pour la vie de celui qui en est investi. Dans l’origine tous les fiefs n’étoient qu’à vie, ils devinrent ensuite héréditaires. Il y a aussi des fiefs temporaires différens des fiefs à vie. Voyez ci-devant Fief temporaire. (A)
Fief vif, est celui qui produit des droits au seigneur, en cas de mutation ; il est opposé au fief mort, ou héritage tenu à rente seche.
Fief vif se dit aussi quelquefois pour rente fonciere, comme dans la coûtume d’Aqcs, tit. viij. art. 2. 6. 8. 11. & 19. On entend aussi quelquefois par-là que le possesseur de ce fief est obligé d’y entretenir un feu vif, c’est-à-dire d’y faire une continuelle résidence. (A)
Fief vilain, est celui qui, outre la foi & hommage, est encore chargé par chacun an de quelque redevance en argent, grain, volaille, ou autre espece.
Il est ainsi appellé, parce que ces redevances dûes outre la foi & hommage, sont par leur nature service de vilain ou roturier. Voyez Fief cottier, Fief noble, Fief non-noble, Fief roturier, Fief rural. (A)
Fief volant, est celui dont les mouvances sont éparses en différens endroits ; il est opposé au fief continu, qui a un territoire circonscrit & limité. Voyez Fief en l’air. (A)
Fief vrai, est dit en certaines occasions pour fief actuellement existant ; il est opposé au fief futur, qui ne doit se réaliser que dans un tems à venir. Cette distinction se trouve marquée dans le droit féodal des Saxons, cap. xxjx. §. 12. (A)