L’Encyclopédie/1re édition/PRÉCIPUT

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PRÉCIPUT, s. m. (Jurisprud.) signifie en général præcipua pars, c’est-à-dire, une portion qui se prend avant partage.

Les officiers qui font bourse commune, prennent un préciput sur ce qui provient de leur travail.

Il y a en outre trois autres sortes de préciput.

Préciput de l’aîné est un avantage que la plûpart des coutumes donnent à l’aîné dans les successions directes.

Les coutumes ne sont pas uniformes sur cette matiere.

Il y en a quelques-unes qui donnent le droit d’aînesse aux seuls mâles, d’autres qui le donnent à l’aînée des filles au défaut de mâles.

Plusieurs coutumes ne donnent ce droit que dans les fiefs & franc-aleux nobles : d’autres l’accordent aussi dans les autres especes de biens.

Quelques-unes mettent une différence entre les nobles & les roturiers.

Enfin quelques-unes admettent les filles de l’aîné à représenter leur pere au droit d’aînesse, & d’autres les en excluent.

Dans la coutume de Paris, à laquelle en ce point plusieurs autres coutumes sont conformes, le préciput & en général le droit d’aînesse n’a lieu qu’en faveur des mâles, il n’a lieu que sur les héritages tenus en fief ou en franc-aleu noble. Il a lieu tant pour les roturiers que pour les nobles, & les enfans de l’aîné, soit mâles ou femelles, représentent leur pere prédécédé dans le droit d’aînesse, & conséquemment pour le préciput qui en fait partie.

Suivant l’article 13, 14, 15, &c. au fils aîné dans les fiefs & franc-aleux nobles appartient par préciput le château ou manoir principal & basse-cour attenant & contiguë au manoir, destinée à icelui, encore que le fossé du château ou quelque chemin fût entre-deux, & outre lui appartient un arpent de terre de l’enclos ou jardin joignant le manoir, si tant il y en a : c’est cet arpent de terre qu’on appelle communément le vol du chapon ; & si l’enclos en contient davantage, l’aîné peut retenir le tout, en donnant récompense aux puînés, de ce qui est outre ledit arpent, en terre de même fief, si tant il y en a, sinon en autres terres ou héritages de la succession, à la commodité des puînés, le plus que faire se peut, au dire de prud’hommes. Par l’enclos on entend ce qui est fermé de murs, fossés ou hayes vives.

Si dans l’enclos du préciput de l’aîné il y a un moulin, four ou pressoir, le corps de ce moulin, four ou pressoir appartient à l’aîné ; mais le profit du moulin bannal ou non bannal, & du four ou pressoir, s’ils sont bannaux, se partage comme le reste du fief, & les puînés contribuent aux frais des moulans, tournans & travaillans du moulin, corps du four & pressoir, & ustensiles d’iceux, à proportion du profit qu’ils y prennent ; cependant l’aîné peut garder pour lui seul le droit de bannalité, en récompensant ses puînés.

L’aîné a droit de prendre un préciput dans chaque succession de pere & de mere, où il se trouve un fief, & outre ce préciput, il prend encore la part avantageuse.

Si dans les successions de pere, mere, aïeul ou aïeule, il n’y avoit qu’un seul fief consistant seulement en un manoir, basse-cour & enclos d’un arpent, il appartient à l’aîné, sauf la légitime ou le douaire pour les puînés, ou le supplément de ce qui leur manqueroit pour les remplir de l’un ou l’autre de ces droits ; mais l’aîné peut leur donner une récompense en argent de ce qu’ils pourroient prétendre.

S’il n’y a point de manoir dans le fief échu à plusieurs enfans par succession de leur pere ou mere, mais seulement des terres labourables, le fils aîné peut prendre pour son préciput un arpent de terre, en tel lieu qu’il voudra, choisir pour & au lieu dudit manoir.

Outre le préciput, l’aîné a encore dans la coutume de Paris & autres coutumes semblables, la part avantageuse.

Il y a des coutumes qui ne donnent d’autre avantage à l’aîné que le préciput.

Suivant l’article 334 de la coutume de Paris, l’aîné ne contribue pas aux dettes plus que les autres héritiers, par rapport à son droit d’aînesse, & conséquemment pour son préciput qui en fait partie. Voyez les commentateurs des coutumes sur les titres des fiefs. (A)

Préciput légal des nobles est un avantage que l’art. 238 de la coutume de Paris accorde au survivant des conjoints nobles ; il consiste dans le gain des meubles qui se trouvent au jour du décès du prédécédé hors la ville & fauxbourgs de Paris, la charge de payer toutes les dettes mobiliaires & les frais funéraires du défunt.

Ce préciput est appellé légal, parce qu’il est établi par la coutume, à la différence du préciput conventionnel dont on parlera dans l’article suivant.

Pour que ce preciput légal ait lieu, il faut que les conjoints soient nobles, ou du moins le mari, qu’ils soient communs en biens, qu’il n’y ait point d’enfans, & qu’au jour du décès du prédécédé, les meubles que le survivant veut prendre pour ce préciput, se trouvent hors de la ville & fauxbourgs de Paris, sans fraude. Voyez les commentateurs sur l’art. 238, & les traités de la communauté de Renusson & de le Brun. (A)

Préciput du survivant est un avantage que l’on stipule ordinairement par contrat de mariage dans les pays coutumiers en faveur du survivant des conjoints.

Ce préciput consiste à prendre sur la communauté avant partage, & hors part, des meubles jusqu’à concurrence d’une certaine somme pour la prisée de l’inventaire, ou ladite somme, au choix du survivant.

On ne manque guere de stipuler que le survivant pourra prendre ces meubles pour la prisée, & sans crue ; mais cette clause ne se supplée point.

Le préciput ne se prend régulierement que sur la communauté ; de sorte que quand la femme renonce, elle perd son préciput, à moins qu’il ne soit dit par le contrat qu’elle le prendra, même en renonçant.

La femme qui accepte la communauté, ne contribue point aux dettes pour son préciput.

Quand les héritiers de la femme renoncent à la communauté, il n’y a plus lieu au préciput pour le mari survivant, puisqu’il demeure maître de tout ce qui devoit composer la communauté, à moins qu’il n’y ait quelque clause dans le contrat qui l’autorise dans ce cas à retenir son préciput sur les propres de sa femme. Voyez les commentateurs sur l’art. 229 de la coutume de Paris, & les traités de la communauté de Renusson & le Brun. (A)