L’Encyclopédie/1re édition/ECUYERS

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ECUYERS, s. m. pl. (Belles-Lett.) on appelloit ainsi, dans l’ancienne Milice, des gentilshommes qui faisoient le service militaire à la suite des chevaliers, avant que de parvenir à la dignité de chevalier.

Leurs fonctions étoient d’être assidus auprès des chevaliers, & de leur rendre certains services à l’armée & dans les tournois.

Ils portoient les armes du chevalier, jusqu’à ce qu’il voulût s’en servir. Ils étoient à pié ou à cheval, selon que les chevaliers alloient eux-mêmes. Ils n’avoient pas le droit de se vêtir aussi magnifiquement que les chevaliers ; & de quelque haute naissance qu’ils fussent, quand ils se trouvoient en compagnie avec les chevaliers, ils avoient des siéges plus bas qu’eux & un peu écartés en-arriere. Ils ne s’asséoient pas même à table avec les chevaliers, fussent-ils comtes ou ducs. Un écuyer qui auroit frappé un chevalier, si ce n’étoit en se défendant, étoit condamné à avoir le poing coupé.

Il y avoit une autre espece d’écuyers, sur-tout dans les états des rois d’Angleterre, qui portoient ce nom à cause de la qualité de leurs fiefs.

Ecuage, est appellé en latin scutagium, c’est-à-dire servitium scuti. Voyez l’article suivant Ecuyer (Jurisprud.) (Q)

M. de la Curne de Sainte-Palaye nous a donné, sur la chevalerie dont il s’agit ici, cinq excellens mémoires, qui forment une partie considérable du volume XX. de l’académie des Belles-Lettres. Nous regrettons beaucoup que la nature & les bornes de cet ouvrage ne nous permettent pas d’en donner un extrait détaillé ; mais nous ne pouvons du moins nous dispenser de rendre justice aux savantes & curieuses recherches de l’auteur, & de réparer l’omission qui a été faite à ce sujet dans le troisieme volume de l’Encyclopédie à l’article Chevalier.

Dès qu’un jeune gentilhomme avoit atteint l’âge de sept ans, on le faisoit d’abord page. On lui donnoit des leçons sur l’amour de Dieu, sur les devoirs qu’il faut rendre aux dames, & sur le respect dû à la chevalerie ; on le formoit à toutes sortes d’exercices. Delà il passoit au titre d’écuyer, qu’on lui donnoit avec certaines cérémonies, & dans lequel il y avoit différens grades successifs, dont les fonctions sont aujourd’hui abandonnées aux domestiques. A l’âge de 21 ans, il pouvoit être reçu chevalier. On peut voir dans l’excellent ouvrage de M. de Sainte-Palaye, la maniere dont se pratiquoit cette cérémonie, les devoirs que la qualité de chevalier imposoit, les occasions principales où l’on créoit des chevaliers, la description & les particularités des tournois qu’ils donnoient, les récompenses par lesquelles la politique encourageoit les chevaliers à remplir avec honneur leurs engagemens, enfin les abus que la chevalerie entraînoit, & qui ont été cause de sa chûte. Nous renvoyons nos lecteurs, sur tous ces points purement historiques, aux cinq mémoires de M. de Sainte-Palaye ; ils perdroient trop d’ailleurs à être présentés ici dans un raccourci qui leur feroit tort. (O)

Ecuyer, eques, (Jurisprudence.) titre d’honneur & qualité que les simples nobles & gentilshommes ajoûtent après leurs noms & surnoms pour marque de leur noblesse, à la différence de la haute noblesse, qui porte le titre de chevalier, pour marquer l’ancienneté de son extraction, & qu’elle descend de personnes qui avoient été faits chevaliers.

Quelques-uns prétendent que le terme d’écuyer vient du latin equus, & que l’on a dit escuyer, quasi equiarius ; mais en ce cas on auroit dû écrire équier, c’est le titre que devroient prendre ceux qui ont l’inspection des écuries des princes & autres grands seigneurs, & non pas comme ils l’écrivent écuyer ; mais cette étymologie ne peut convenir aux écuyers militaires ou nobles, lesquels sont nommés en latin scutarii, ou scutiferi, scutati, scutatores.

M. de Boullainvilliers, dans ses lettres sur les parlemens, tome I. page 109, tient que le mot latin scutarius, vient de l’allemand shutter, qui signifie tireur de fleches, & conclut de-là, que dès-que l’usage des armures de fer a commencé, les hommes d’armes étoient accompagnés d’archers comme ils l’ont été dans les derniers tems.

On tient communément qu’escuyer vient du latin scutum, d’où l’on a fait scutarius ou scutifer ; que les écuyers furent ainsi nommés, parce qu’ils portoient l’écu des chevaliers dans les joutes & les tournois.

L’usage de l’écu dont ils paroissent avoir pris leur dénomination, est même beaucoup plus ancien que les joutes & tournois, puisqu’il nous vient des Romains.

L’écu étoit plus petit que le bouclier, parce que celui-ci étoit pour les cavaliers, au lieu que l’autre étoit pour les gens de pié.

Les écuyers romains étoient des compagnies de gens de guerre armés d’un écu & d’un javelot. Ils étoient fort estimés, mais néanmoins inférieurs pour le rang à d’autres gens de guerre, qu’on appelloit gentils, gentiles ; ceux-ci étoient certaines bandes ou compagnies de soldats prétoriens, c’est à dire destinés à la garde & défense du prétoire ou palais de l’empereur. Le maître des offices avoit sous lui deux écoles différentes, l’une pour les gentils, l’autre pour les écuyers.

Il est parlé des uns & des autres avec distinction dans Ammian Marcellin, liv. XIV. XVI. XVII. XX. & XXVII. & in notitia imperii Romani.

Pasquier en ses recherches, tome I. liv. II. ch. xvj. remarque que sur le déclin de l’empire romain, il y eut deux sortes de gens de guerre qui furent sur tous les autres en réputation de bravoure ; savoir, les gentils & les écuyers, dont Julien l’apostat faisoit grand cas lorsqu’il séjournoit dans les Gaules ; c’est pourquoi Ammian Marcellin, liv. XVII, rapporte que ce prince fut assiégé dans la ville de Sens par les Sicambriens, parce qu’ils savoient scutarios non adesse nec gentiles, ces troupes ayant été répandues en divers lieux pour les faire subsister plus commodément.

Scintule, comte de l’étable de César, eut ordre de choisir les plus alertes d’entre les écuyers & les gentils, ce qui fait voir que c’étoit l’élite des troupes ; & Pasquier observe que les écuyers n’étoient point soûmis ordinairement au comte de l’étable, qu’ils avoient leur capitaine particulier, appellé scutariorum rector, & que ce fut une commission extraordinaire alors donnée à Scintule.

Procope rapporte que vingt-deux de ces écuyers défirent trois cens Vandales.

Les empereurs faisant consister la meilleure partie de leurs forces dans les gentils & les écuyers, & voulant les récompenser avec distinction, leur donnerent la meilleure part dans la distribution qui se faisoit aux soldats des terres à titre de bénéfice.

Les princes qui vinrent de Germanie établir dans les Gaules la monarchie françoise, imiterent les Romains pour la distribution des terres conquises à leurs principaux capitaines ; & les Gaulois ayant vû sous l’empire des Romains les gentils & les écuyers tenir le premier rang entre les militaires, & posséder les meilleurs bénéfices, appellerent du même nom ceux qui succéderent aux mêmes emplois & bénéfices sous les rois françois.

L’état d’écuyer n’étoit même pas nouveau pour les Francs : en effet Tacite en son livre des mœurs des Germains, n. 5. dit que quand un jeune homme étoit en âge de porter les armes, quelqu’un des princes, ou bien le pere ou autre parent du jeune homme, lui donnoit dans l’assemblée de la nation un écu & un javelot, scuto trameaque juvenem ornant. Ainsi il devenoit scutarius, écuyer, ce qui relevoit beaucoup sa condition ; car jusqu’à cette cérémonie les jeunes gens n’étoient considerés que comme membres de leur famille ; ils devenoient ensuite les hommes de la nation. Ante hoc domus pars videntur, mox reipublicæ.

Ce fut sans doute de-là qu’en France ces écuyers furent aussi appellés gentils-hommes, quasi gentis homines, ou bien de ceux que l’on appelloit gentiles. La premiere étymologie paroît cependant plus naturelle, car on écrivoit alors gentishome, & non pas gentil-homme.

Quoi qu’il en soit, comme les gentils-hommes & écuyers n’étoient chargés d’aucune redevance pécuniaire, pour raison des bénéfices ou terres qu’ils tenoient du prince, mais seulement de servir le roi pour la défense du royaume, on appella nobles tous les gentils-hommes & écuyers, dont la profession étoit de porter les armes, & qui étoient distingués du reste du peuple, qui étoit serf.

Ainsi la plus ancienne noblesse en France est venue du service militaire & de la possession des fiefs, qui obligeoient tous à ce service, mais de différentes manieres, selon la qualité du fief.

Celui que l’on appelloit vexillum ou feudum vexilli, banniere, ou fief banneret, obligeoit le possesseur, non-seulement à servir à cheval, mais même à lever banniere ; le chevalier étoit appellé miles.

Le fief de haubert, feudum lorica, obligeoit seulement le chevalier à servir avec une armure de fer.

Enfin les fiefs appellés feuda scutiferorum, donnerent le nom aux écuyers qui étoient armés d’un écu & d’un javelot ; on les appelloit aussi armigeri ou nobiles, & en françois nobles, écuyers ou gentilshommes.

Ces écuyers ou gentils-hommes combattoient d’abord à pié ; ensuite, lorsqu’on leur substitua les sergens que fournirent les communes, on mit les écuyers à cheval & on leur permit de porter des écus comme ceux des chevaliers ; mais ceux-ci étoient les seuls qui pussent porter des éperons dorés, les écuyers les portoient blancs, c’est-à-dire d’argent, & les vilains ou roturiers n’en portoient point, parce qu’ils servoient à pié.

Ainsi les écuyers ou possesseurs de simples fiefs avoient au-dessus d’eux les simples chevaliers qu’on appelloit aussi bacheliers-bannerets.

Le titre de noble ou écuyer s’acquéroit par la naissance ou par la possession d’un fief, lorsqu’il étoit parvenu à la tierce foi : mais pour pouvoir prendre le titre de chevalier, il falloit avoir été reconnu tel ; & pour devenir banneret, il falloit avoir servi pendant quelque tems d’abord en qualité d’écuyer, & ensuite de chevalier ou bachelier.

Suivant une convention faite entre le roi Philippe de Valois & les nobles en 1338, l’écuyer étoit au-dessus des sergens & arbalétriers : il étoit aussi distingué du simple noble ou gentil-homme qui servoit à pié.

L’écuyer, scutifer, qui avoit un cheval de vingt-cinq livres, avoit par jour six sols six deniers tournois.

Le chevalier banneret en avoit par jour vingt tournois.

Le simple chevalier dix sols tournois.

L’écuyer qui avoit un cheval de quarante livres, avoit sept sols six deniers.

Le simple gentil-homme, nobilis homo-pedes, armé de tunique, de gambiere & de bassinet, avoit deux sols, & s’il étoit mieux armé, deux sols six deniers.

L’écuyer avec un cheval de vingt-cinq livres ou plus, non couvert, avoit par-tout sept sols tournois, excepté dans les sénéchaussées d’Auvergne & d’Aquitaine, où il n’avoit que six sols six deniers tournois.

Le chevalier qui avoit double banniere, & l’écuyer avec banniere, avoit par tout le royaume la solde ordinaire.

On voit par ce détail, que la qualité d’écuyer n’étoit pas alors le terme usité pour désigner un noble, que c’étoit le terme nobilis ou miles pour celui qui étoit chevalier, que l’écuyer étoit un noble qui n’étoit pas encore élevé au grade de chevalier, mais qui combattoit à cheval ; qu’il y en avoit de mieux montés les uns que les autres ; qu’il y en avoit même quelques-uns qui portoient banniere, & qu’on les payoit à proportion de leur état.

Du tems du roi Jean, les écuyers servoient en qualité d’hommes d’armes comme les chevaliers ; il en est fait mention dans une ordonnance de ce prince, du 20 Avril 1363.

Comme anciennement les nobles ou gentils-hommes faisoient presque tous profession de porter les armes, & que la plûpart d’entre eux faisoient le service d’écuyer ou en avoient le rang ; ils prenoient communément tous le titre d’écuyer : de sorte qu’insensiblement ce terme a été regardé comme synonyme de noble ou de gentil-homme, & qu’il est enfin devenu le titre propre que les nobles ajoûtent après leurs noms & surnoms, pour désigner leur qualité de nobles. Il n’y a cependant guere plus de deux siecles que la qualité d’écuyer a prévalu sur celle de noble ; & l’ordonnance de Blois, de l’année 1579, est la premiere qui ait fait mention de la qualité d’écuyer, comme d’un titre de noblesse.

Depuis que la qualité d’écuyer eut prévalu sur celle de noble, le titre de noble homme, loin d’annoncer une noblesse véritable dans celui qui la prenoit, dénotoit au contraire qu’il étoit roturier.

Il est cependant également défendu par les ordonnances de prendre la qualité de noble, comme celle d’écuyer.

La noblesse qui s’acquiert par les grands offices, & sur-tout par le service dans les cours souveraines, ne donnoit point anciennement la qualité d’écuyer, qui ne paroissoit point compatible avec un office dont l’emploi est totalement différent de la profession des armes.

Les présidens & conseillers de cours souveraines ne prenoient d’abord d’autre titre que celui de maître, qui équivaloit à celui de noble ou d’écuyer ; c’est pourquoi l’on observe encore de ne point prendre la qualité de maître avec celle d’écuyer : les hommes d’armes mêmes ou gendarmes, qui étoient constamment alors tous nobles ou réputés tels, étoient qualifiés de maîtres ; on disoit tant de maîtres pour dire tant de nobles ou cavaliers. Dans la suite les gens de robe & autres officiers qui joüissoient du privilége de noblesse, prirent les mêmes titres que la noblesse d’épée ; il y eut des présidens du parlement qui furent faits chevaliers ès lois, & depuis ce tems tous les présidens ont pris les qualités de messire & de chevalier.

Les conseillers de cour souveraine & autre officiers qui joüissent de la noblesse, ont pareillement pris le titre d’écuyer ; il y en a même beaucoup qui prennent aussi les qualités de messire & de chevalier, qui n’appartiennent néanmoins régulierement qu’à ceux qui les ont par la naissance, ou à l’office desquels ces qualités ont été expressément attribuées.

L’article 25. de l’édit de 1600. défend à toutes personnes de prendre le titre d’écuyer & de s’inscrire au corps de la noblesse, s’ils ne sont issus d’un ayeul & d’un pere qui ayent fait profession des armes ou servi le public en quelques charges honorables, de celles qui par les lois & les mœurs du royaume peuvent donner commencement de noblesse à la postérité, sans avoir jamais fait aucun acte vil ni dérogeant à ladite qualité, & qu’eux aussi en se rendant imitateurs de leurs vertus, les ayent suivis en cette loüable façon de vivre, à peine d’être dégradés avec deshonneur du titre qu’ils avoient osé indûment usurper,

La déclaration du mois de Janvier 1624 a encore poussé les choses plus loin, car l’art. 2. défend à toutes personnes de prendre ladite qualité d’écuyer & de porter armoiries timbrées, à peine de deux mille livres d’amende, s’ils ne sont de maison & extraction noble : il est enjoint aux procureurs généraux & à leurs substituts de faire toutes poursuites nécessaires contre les usurpateurs des titre & qualité de noble.

La déclaration du 30 Mai 1702 ordonna une recherche de ceux qui auroient usurpé indûment les titres de chevalier & d’écuyer ; on a ordonné de tems en tems de semblables recherches.

Il n’est pas permis non plus aux écuyers ou nobles de prendre des titres plus relevés, qui ne leur appartiennent pas ; ainsi par arrêt du 13 Août 1663, rapporté au journal des audiences, faisant droit sur les conclusions du procureur général, il fut défendu à tous gentils-hommes de prendre la qualité de messire & de chevalier, si non en vertu de bons & de légitimes titres, & à ceux qui ne sont point gentilshommes, de prendre la qualité d’écuyers ni de timbrer leur armes, le tout à peine de quinze cents livres d’amende.

Malgré tant de sages réglemens, il ne laisse pas d’y avoir beaucoup d’abus tant de la part de ceux qui étant nobles, au lieu de se contenter du titre d’écuyer, usurpent ceux de messire & de chevalier.

Ce n’est pas un acte de dérogeance d’avoir omis de prendre la qualité d’écuyer dans quelques actes.

Mais si celui qui veut prouver sa noblesse n’a pas de titres constitutifs de ce droit, & que la plûpart des actes qu’il rapporte ne fassent pas mention de la qualité d’écuyer, prise par lui ni par ses auteurs, en ce cas on le présume roturier ; parce que les nobles sont ordinairement assez jaloux de cette qualité pour ne la pas négliger.

Il y a certains emplois dans le service militaire & quelques charges qui donnent le titre d’écuyer, sans attribuer à celui qui le porte une noblesse héréditaire & transmissible, mais seulement personnelle ; c’est ainsi que la déclaration de 1651, & l’arrêt du grand-conseil, dit que les gardes du corps du roi peuvent se qualifier écuyer. Les commissaires & controlleurs des guerres & quelques autres officiers prennent aussi de même le titre d’écuyer. (A)

Voyez le glossaire de Ducange au mot scutarius, celui de Lauriere au mot écuyer, le traité de la noblesse par de la Roque, le code des tailles. (A)

Ecuyer, Grand-Ecuyer de France, (Hist. mod.) Le sur-intendant des écuries de nos premiers rois étoit nommé comte ou préfet de l’étable ; il veilloit sur tous les officiers de l’écurie ; il portoit l’épée du roi dans les grandes occasions, ce qui le faisoit nommer le protospataire : en son absence il y avoit un officier qui remplissoit ses fonctions, que l’on nommoit spataire. Lorsque le commandement absolu des armées fut donné au connétable & aux maréchaux de France, le spataire, qui sous eux étoit maître de l’écurie, en eut toute la sur-intendance. Il y avoit sous Philippe-le-Bel, en 1294, un Roger surnommé l’écuyer à cause de son emploi, qui étoit qualifié de maître de l’écurie du roi ; titre qui a passé à ses successeurs. En 1316 Guillaume Pisdoë fut créé premier écuyer du corps, & maître de l’écurie du roi. On connoissoit dès-lors quatre écuyers du roi : deux devoient être toûjours par-tout où étoit la cour ; l’un pour le corps, c’est le premier écuyer ; l’autre pour le tynel, c’est-à-dire pour le commun, qui se qualifioit aussi de maître de l’écurie du roi ; avec cette différence pourtant, que ceux du tynel dépendoient des maîtres de l’hôtel, & ne pouvoient s’éloigner sans leur congé ; au lieu que celui du corps ne prenoit congé que du roi. Le titre qu’avoit porté Guillaume Pisdoë, fut donné à ses successeurs jusqu’à Philippe de Geresmes, qui par lettres-patentes du 19 Septembre 1399, fut créé écuyer du corps, & grand-maître de l’écurie du roi. Tanneguy du Chastel pourvû de la même charge sous Charles VII. fut quelquefois qualifié de grand-écuyer. Jean de Garguesalle se donnoit cette qualité en 1470. Au commencement du regne de Louis XI. Alain Goyon fut honoré par le roi du titre de grand-écuyer de France, & ce titre est resté à tous ses successeurs en la même charge.

Le grand-écuyer prête serment entre les mains du Roi, & presque tous les autres officiers des écuries le prêtent entre les siennes. Il dispose des charges vacantes de la grande & petite écurie, & de tout ce qui est dans la dépendance des écuries, ce qui est très-considérable, tel que des charges & offices d’écuyers de la grande écurie de Sa Majesté, des écuyers-cavalcadours, des gouverneurs, sous-gouverneurs, précepteurs & maîtres des pages, &c.

La grande écurie a particulierement soin des chevaux de guerre & des chevaux de manége ; elle entretient néanmoins nombre de coureurs pour les chasses, que le Roi monte quand il le juge à-propos. Le grand-écuyer ordonne de tous les fonds qui sont employés aux dépenses de la grande écurie du Roi & du haras, de la livrée de la grande & petite écurie, & des habits de livrée pour plusieurs corps d’officiers de la maison du Roi.

Nul écuyer ne peut tenir à Paris ni dans aucune ville du royaume, académie de gentilshommes pour monter à cheval, & autres exercices, sans la permission formelle du grand-écuyer de France.

Le Roi fait quelquefois l’honneur au grand-écuyer de lui donner place dans son carrosse ; & il peut marcher proche la personne de Sa Majesté, quand le Roi est à cheval à la campagne. Le grand-écuyer se sert des pages, des valets-de-pié & des chevaux de la grande écurie.

Aux entrées que le Roi fait à cheval dans les villes de son royaume, ou dans des villes conquises où il est reçû avec cérémonie, le grand-écuyer marche à cheval directement devant la personne du Roi, portant l’épée royale de Sa Majesté dans le fourreau de velours bleu, parsemée de fleurs-de-lis d’or, avec le baudrier de même étoffe, son cheval caparaçonné de même : de là vient qu’il met cette épée royale aux deux côtés de l’écu de ses armes.

Le grand-écuyer marcha de cette sorte à la cérémonie faite à la majorité de Louis XIV. en 1651, à l’entrée de Leurs Majestés en 1660. Il a aussi séance au lit de justice à côté du grand-chambellan, qui s’assied toûjours aux piés du Roi dans ces sortes de cérémonies ; ce qui s’est pratiqué au lit de justice pour la majorité du Roi le 22 Février 1723, où l’on a vû le grand-écuyer immédiatement devant S. M. portant l’épée royale, s’asseoir à la droite du Roi, au bas des premiers degrés du lit de justice.

Le grand-écuyer de France d’aujourd’hui, est Louis-Charles de Lorraine, comte de Brionne, neveu de feu Charles de Lorraine comte d’Armagnac, que l’on nommoit le prince Charles, qui avoit succédé dans cette même charge à M. le comte d’Armagnac son pere. M. le comte de Brionne a prêté serment entre les mains du Roi le 25 Mars 1745.

Ecuyer-commandant la grande Ecurie du Roi. La fonction de cette charge est de commander en l’absence du grand-écuyer de France, la grande écurie & tous les officiers qui en dépendent. Cet officier prête serment de fidélité entre les mains du grand-écuyer. Il a droit de se servir des pages de la grande écurie, de faire porter la livrée du Roi à ses domestiques, & a son logement à la grande écurie. Indépendamment de l’écuyer-commandant, il y a trois écuyers ordinaires de la grande écurie, cinq écuyers de cérémonie, & trois écuyers-cavalcadours.

Ecuyer, premier Ecuyer. La charge de premier écuyer du Roi est très-ancienne : par les titres de la chambre des comptes, principalement par les comptes des thrésoriers des écuries, on voit qu’il y a eu distinctement une petite écurie du Roi. Cette charge est depuis le 10 Janvier 1645 dans la maison de Beringhen, originaire des Pays-bas ; elle est possédée aujourd’hui par Henri Camille marquis de Beringhen, qui a prêté serment entre les mains de Sa Majesté le 7 Février 1724.

Le premier écuyer commande la petite écurie du Roi, c’est-à-dire les chevaux dont Sa Majesté se sert le plus ordinairement ; les carrosses, les caleches, les chaises roulantes & chaises à porteurs : il commande aux pages & valets-de-pié attachés au service de la petite écurie, desquels il a droit de se servir, comme aussi des carrosses & chaises du Roi.

Une des principales fonctions du premier écuyer, est de donner la main à Sa Majesté, si Elle a besoin d’aide pour monter en carrosse ou en chaise ; & quand le Roi est à cheval, de partager la croupe du cheval de Sa Majesté avec le capitaine des gardes, ayant le côté gauche, qui est celui du montoir.

C’est le premier écuyer, lorsqu’il se fait quelque détachement de la petite écurie pour aller sur la frontiere conduire ou chercher un prince ou une princesse, qui présente au Roi l’écuyer ordinaire de Sa Majesté, ou un écuyer de quartier, pour être commandant de ce détachement.

Dans les occasions ou le Roi fait monter quelqu’un dans son carrosse, il fait l’honneur à son premier écuyer de lui donner place.

Le premier écuyer a place au lit de justice, conjointement avec les capitaines des gardes-du-corps & le capitaine des cent-suisses, qui le précedent, sur un banc particulier au-dessous des pairs ecclésiastiques : cela s’est pratiqué ainsi, le Roi séant en son lit de justice, le 12 Septembre 1715, & le 22 Février 1723.

Sous le premier écuyer sont un écuyer ordinaire commandant la petite écurie, deux autres écuyers ordinaires, des écuyers-cavalcadours, & vingt écuyers en charge, qui servent pour la personne du Roi par quartier. Il ne faut pas confondre les écuyers du Roi avec ceux dont il est parlé du tems de Charles VI. sous le nom d’écuyers du corps du Roi ; car ceux-ci étoient une garde à cheval composée d’écuyers, c’est-à-dire de gentilshommes, qu’on appelloit dans ce tems écuyers du corps. Hist. de la milice françoise, tome II. Annotations sur l’histoire de Charles VI. sous l’an 1410.

Les écuyers du Roi ont seuls les fonctions du grand & du premier écuyer, en leur absence, pour le service de la main.

Les écuyers du Roi servans par quartier, prêtent serment de fidélité entre les mains du grand-maître de la maison du Roi. L’écuyer de jour doit se trouver au lever & au coucher du Roi, pour savoir si Sa Majesté monte à cheval. Si le Roi va à la chasse & prend ses bottes, l’écuyer doit lui mettre ses éperons ; il les lui ôte aussi. Soit que le Roi monte à cheval ou en carrosse, l’écuyer le suit à cheval. Pendant la journée les écuyers suivent & entrent par-tout où le Roi est, excepté le tems où le Roi tiendroit conseil ou souhaiteroit être seul ; alors l’écuyer se tient dans le lieu le plus prochain de celui où est le Roi. L’écuyer suit toûjours immédiatement le cheval ou le carrosse de Sa Majesté. Le Roi venant à tomber, l’écuyer soûtient ou releve le Roi ; il présenteroit son cheval, si celui de Sa Majesté étoit blessé, boiteux ou rendu, soit à la chasse, soit à la guerre.

Dans la marche ordinaire, & au cas que le grand ou premier écuyer n’y soient pas, l’écuyer de jour partage la croupe du cheval que le Roi monte, avec l’officier des gardes ; mais il prend le côté gauche, qui est celui du montoir. Dans un détroit, dans un défilé, il suit immédiatement, parce qu’en cette rencontre, & à cause du service, l’officier des gardes le laisse passer avant lui. Le Roi passant sur un pont étroit, l’écuyer met pié à terre & vient tenir l’étrier de Sa Majesté, de crainte que le cheval du Roi ne bronche ou ne fasse quelque faux pas. Si le grand ou le premier écuyer suivoit le Roi, il tiendroit l’étrier de la droite, & l’écuyer de quartier ou de jour, celui de la gauche.

Si-tôt que le Roi a des éperons, s’il ne met pas son épée à son côté, l’écuyer de jour la prend en sa garde. Si le Roi de dessus son cheval laisse tomber quelque chose, c’est à l’écuyer à la lui ramasser, & à la lui remettre en main. A l’armée l’écuyer du Roi sert d’aide de camp à Sa Majesté : un jour de bataille, c’est à l’écuyer à mettre au Roi sa cuirasse & ses autres armes.

Ecuyer, premier Ecuyer-tranchant, (Histoire mod.) Le premier écuyer-tranchant exerce, ainsi que le grand-pannetier & le grand-échanson, aux grands repas de cérémonie, comme à celui du sacre du Roi, le jour de la cene ; & aux jours d’une grande célébrité, tel que seroit le jour d’une entrée du Roi & de la Reine.

Dans le nombre des gentilshommes-servans pour le service ordinaire du Roi, il y a douze gentilshommes-pannetiers, douze gentilshommes-échansons, & douze appellés écuyers-tranchans. Voyez Gentilshommes-servans.

Les provisions de M. de la Chesnaye de Rougemont, aujourd’hui premier écuyer-tranchant, sont de porte cornette blanche & premier tranchant.

On voit dans une ordonnance de Philippe-le-Bel, de 1306, que le premier valet tranchant, que nous appellons aujourd’hui premier écuyer-tranchant, avoit la garde de l’étendart royal, & qu’il devoit dans cette fonction marcher à l’armée « le plus prochain derriere le Roi, portant son panon qui doit aller çà & là par-tout où le Roi va, afin que chacun connoisse où le Roi est ».

Ces deux charges étoient possédées par la même personne sous Charles VII. & sous Charles VIII & l’ont presque toûjours été depuis. C’étoit sous cet étendart royal, nommé depuis cornette-blanche que combattoient les officiers commensaux du Roi, les seigneurs & gentilshommes de sa maison, & les gentilshommes volontaires.

Les charges de premier écuyer-tranchant & de porte-cornette blanche, étoient possédées en 1660 jusqu’en 1678, par le marquis de Vandeuvre, du surnom de Mesgrigny. En 1680 le comte de Hombourg avoit la charge de premier écuyer-tranchant, sans avoir celle de porte-cornette blanche, comme il paroît par l’état de la France de cette année ; ce qui dénote que le marquis de Vandeuvre pourroit lui avoir vendu l’une & s’être réservé l’autre.

Après sa mort, en 1685, ces deux charges furent réunies en la personne de M. de la Chesnaye, en faveur de qui M. le comte de Hombourg se démit de celle de premier tranchant ; c’est ce que portent les provisions de M. de la Chesnaye, qui marquent en même tems que la charge de cornette blanche étoit vacante par le décès du marquis de Vandeuvre. Edit. de l’état de la France, de 1749.

Ecuyer-Bouche : la fonction de cet officier est lorsque le Roi mange à son grand couvert en grande cérémonie, de poser en arrivant sur une table dressée à un des coins de la salle, du côté de la porte, les plats, pour les présenter proprement aux gentilshommes-servans qui sont près de la table du Roi. Ceux-ci font faire l’essai de chaque plat à chacun de ces officiers de la bouche en présence de Sa Majesté, à mesure qu’ils les leur remettent pour être présentés sur la table du Roi.

Ecuyer, (Manége.) titre dont on seroit plus avare & que l’on prostitueroit moins, si l’on considéroit tous les devoirs auxquels il engage, & tous les talens qu’il suppose. Non-seulement on l’accorde aux personnes à l’état & à la place desquelles il est attaché, mais on le donne libéralement à tous ceux à qui l’on confie le soin d’un équipage, qui courent & galopent des chevaux, & qui n’ont d’autre mérite que celui d’avoir acquis par l’habitude, la tenue & la fermeté dont nos moindres piqueurs sont capables. Nous voyons même que les auteurs du dictionnaire de Trévoux, dont les décisions à la vérité n’ont pas toûjours force de loi, qualifient ainsi les personnes du sexe : On dit aussi d’une femme qui monte hardiment à cheval, que c’est une bonne écuyere.

Il semble qu’on n’a jamais fait attention aux suites ridicules de notre facilité & de notre foiblesse à souscrire à l’usurpation des titres. Ils satisfont l’amour propre, & cet objet une fois rempli, la plûpart des hommes ne veulent rien de plus : ainsi, tant que l’épigrammatiste sera regardé comme poëte, le déclamateur ou le rhéteur de collége comme orateur, le répétiteur d’expériences comme physicien, le disséqueur comme anatomiste, l’empyrique comme medecin, le maçon comme architecte, le journaliste comme un critique éclairé, le palefrenier ou le piqueur comme écuyer, &c. les progrès des Sciences, des Lettres & des Arts seront toûjours très lents ; en effet ces progrès ne dépendront alors que d’un très-petit nombre de génies privilégiés, moins curieux & moins jaloux d’un nom qui les confondroit avec le peuple du monde littéraire, que de l’avantage de penser, d’approfondir & de connoître. (e)

Ecuyer, (Jardin.) est une perche ou un piquet mis à un arbre pour le conduire. (K)

Ecuyer, (Œcon. rust.) faux bourgeon qui croît au pié d’un sep de vigne ; quelquefois il réussit, & répare le ravage de la gelée.

Ecuyer, (Ven.) c’est un jeune cerf qui souvent en accompagne un vieux.