L’Encyclopédie/1re édition/GENTILHOMME

GENTILÉ  ►

GENTILHOMME, s. m. (Jurisp.) nobilis genere, signifie celui qui est noble d’extraction, à la différence de celui qui est annobli par charge ou par lettres du prince, lequel est noble sans être gentilhomme ; mais il communique la noblesse à ses enfans, lesquels deviennent gentilshommes.

Quelques-uns tirent l’étymologie de ce mot du latin gentiles, qui chez les Romains signifioit ceux qui étoient d’une même famille, ou qui prouvoient l’ancienneté de leur race. Cette ancienneté que l’on appelloit gentilitas, étoit un titre d’honneur ; mais elle ne formoit pas une noblesse, telle qu’est parmi nous la noblesse d’extraction : la noblesse n’étoit même pas héréditaire, & ne passoit pas les petits-enfans de celui qui avoit été annobli par l’exercice de quelque magistrature.

D’autres veulent que les titres d’écuyers & de gentilshommes ayent été empruntés des Romains, chez lesquels il y avoit deux sortes de troupes en considération, appellées scutarii & gentiles. Il en est passé dans Ammian-Marcellin, sous le regne de Julien l’Apostat, qui fut assiégé en la ville de Sens par les Sicambriens, lesquels savoient scutarios non actesse nec gentiles, per municipia distributos.

Enfin une troisieme opinion qui paroît mieux fondée, est que le terme de gentilshommes vient du latin gentis homines, qui signifioit les gens dévoüés au service de l’état, tels qu’étoient autrefois les Francs, d’où est venue la premiere noblesse d’extraction. Tacite parlant des Gaules, dit que les compagnons du prince ne traitent d’aucunes affaires qu’ils n’ayent embrassé la profession des armes ; que l’habit militaire est pour eux la robe virile ; qu’ils ne sont jusque-là que membres de familles particulieres, mais qu’alors ils appartiennent à la patrie & à la nation, dont ils deviennent les membres & les défenseurs.

Dans les anciennes ordonnances on trouve écrit tanrôt gentishommes, tantôt gentilshommes.

Les gentilshommes joüissent de plusieurs priviléges qui seront expliqués au mot Nobles. (A)

Gentilhomme à Drapeau, (Hist. mod. & Art milit.) c’étoit autrefois dans le régiment des gardes, un jeune homme de condition qui portoit l’habit d’officier dans chaque compagnie. Il n’avoit point de paye ; c’étoit une espece d’officier surnuméraire, destiné à remplir les places d’enseigne dans le régiment lorsqu’elles devenoient vacantes. Il n’y a plus aujourd’hui de gentilshommes à drapeau dans ce régiment. (Q)

Gentilhomme de Ligne ou de Sang, c’est celui qui est noble d’extraction. Voyez ci-près Gentilhomme de quatre Lignes, & Gentilhomme de Sang. (A)

Gentilhomme de Nom et d’Armes : l’opinion la plus naturelle & la plus suivie, est que c’est un noble d’ancienne extraction, qui justifie que ses ancêtres portoient de tems immémorial le même nom & les mêmes armoiries qu’il porte. Il y a néanmoins diverses opinions sur l’origine de ces termes noms & armes, qui sont rapportées par de la Roque en son traité de la noblesse, chap. v. (A)

Gentilhomme de Parace, étoit celui qui étoit noble par son pere. Le privilége de ces sortes de gentilshommes étoit de pouvoir être faits chevaliers ; à la différence de ceux qui n’étoient gentilshommes ou nobles que par la mere, lesquels pouvoient bien posséder des fiefs, mais non pas être faits chevaliers : ce qui est très-bien expliqué par Beaumanoir, chap. xlv. pp. 252 & 255.

Gentilhomme de haut Parage, est celui qui descend d’une famille illustre.

Gentilhomme de bas Parage, est celui qui descend d’une famille moins noble. Voyez la Roque, traité de la noblesse, chap. xj. (A)

Gentilhomme de quatre Lignes, est celui qui est en état de prouver sa noblesse par les quatre lignes paternelles & autant de lignes du côté maternel ; ce qui fait huit quartiers. Il en est parlé dans le traité de la noblesse par de la Roque, ch. x. (A)

Gentilhomme de Sang ou de Ligne, est la même chose que noble d’extraction. Les statuts de l’ordre de la jarretiere, faits par Edoüard III. roi d’Angleterre en 1347, portent que nul ne sera élû compagnon dudit ordre s’il n’est gentilhomme de sang ou de ligne. (A)

Gentilshommes de la Chambre, (Hist. de France.) ils sont au nombre de quatre, & servent par année. Les deux premieres charges de gentilshommes ordinaires de la chambre furent instituées par François I. qui supprima en 1545 la charge de chambrier. Louis XIII. a créé les deux autres charges de gentilshommes de la chambre, ce qui a continué jusqu’à présent.

Les quatre premiers gentilshommes de la chambre existans sont,

M. le duc de Gesvres, depuis 1717.

M. le duc d’Aumont, depuis 1723.

M. le duc de Fleury, depuis 1741.

M. le maréchal-duc de Richelieu, depuis 1744, qui a pour survivancier depuis 1756, M. le duc de Fronsac son fils.

Les premiers gentilshommes de la chambre prêtent serment de fidélité au Roi : ils font tout ce que fait le grand-chambellan ; en son absence ils servent le Roi toutes les fois qu’il mange dans sa chambre ; ils donnent la chemise à Sa Majesté, quand il ne se trouve pas quelques fils de France, princes du sang, princes légitimés, ou le grand-chambellan. Ils reçoivent les sermens de fidélité de tous les officiers de la chambre, leur donnent les certificats de service : ils donnent l’ordre à l’huissier, par rapport aux personnes qu’il doit laisser entrer.

Les quatre premiers gentilshommes de la chambre, chacun dans son année, sont les seuls ordonnateurs de toute la dépense ordinaire & extraordinaire employée sur les états de l’argenterie pour la personne du Roi, ou hors la personne du Roi ; comme aussi sur l’état des menus plaisirs & affaires de la chambre. Ils ont sous eux les intendans & les thrésoriers généraux des menus, & les autres officiers de la chambre.

C’est aux premiers gentilshommes de la chambre à faire faire pour le Roi les premiers habits de deuil, tous les habits de masques, ballets & comédies, les théatres, & les habits pour les divertissemens de Sa Majesté.

Gentilhommes ordinaires de la Maison du Roi, (Hist. de France.) ou simplement gentilshommes ordinaires. Quoiqu’ils soient réduits présentement à vingt-six, on sait qu’Henri III. les avoit créés au nombre de quarante-cinq : mais, comme M. de Voltaire le remarque, il ne faut pas les confondre avec les gentilshommes nommés les quarante-cinq, qui assassinerent le duc de Guise ; ceux-ci étoient une compagnie nouvelle formée par le duc d’Epernon, & payée au thrésor-royal sur les billets de ce duc. Encore moins faut-il dire avec le P. Maimbourg, que Lognac chef des assassins du duc de Guise, fut premier gentilhomme de la chambre du roi ; le maréchal de Rets & le duc de Villequier étoient seuls premiers gentilshommes de la chambre, parce que dans ce tems-là il n’y en avoit que deux ; Louis XIII. en créa deux autres. Voyez ci-devant Gentilshommes de la Chambre. (D. J.)

Les gentilshommes ordinaires servent par semestre ; ceux de service doivent se trouver au lever & au coucher du Roi tous les jours ; l’accompagner dans tous les lieux, afin d’être à portée de recevoir ses commandemens. C’est au Roi seul qu’ils rendent réponse les ordres qu’ils ont exécutés de sa part : ils sont à cet effet introduits dans son cabinet Leurs fonctions sont uniquement renfermées dans le service & dans la personne du Roi. S’il y a quelques affaires à négocier dans les pays étrangers, Sa Majesté quelquefois les y envoye avec le titre & la qualité de ministre ou d’envoyé extraordinaire. Elle s’en sert aussi s’il faut conduire des troupes à l’armée, ou les établir dans des quartiers d’hyver ; pour porter ses ordres dans les provinces, dans les parlemens & dans les cours souveraines.

Le Roi se sert de ses gentilshommes ordinaires pour notifier aux cours étrangeres la naissance du dauphin & celle des princes de la famille royale, & lorsqu’il desire témoigner aux rois, aux princes souverains, qu’il prend part & s’intéresse aux motifs de leur joie ou de leur affliction.

Ce sont les gentilshommes ordinaires qui invitent de la part du Roi, les princes & les princesses de se trouver aux nôces du dauphin, & d’assister au banquet royal & aux différentes fêtes qui les suivent. Le roi les charge d’aller sur la frontiere recevoir les rois ou princes souverains, pour les accompagner & les conduire tout le tems de leur séjour en France.

C’est un gentilhomme ordinaire qui va recevoir sur la frontiere les ambassadeurs extraordinaires, ou de Perse, ou du grand-seigneur ; il est chargé aux dépens du Roi, de toutes les choses qui regardent le traitement, entretien, & les autres soins qui lui sont ordonnés pour lesdits ambassadeurs ; & il les accompagne dans leurs visites, aux spectacles, promenades, soit dans Paris ou à la campagne, même jusqu’à leur embarquement pour le départ.

Lorsque Sa Majesté va à l’armée, quatre gentilshommes ordinaires de chaque semestre ont l’honneur d’être ses aides-de-camp, & de le suivre toutes les fois qu’il monte à cheval.

Le Roi régnant ayant jugé à-propos de donner un ceinturon & une fort belle épée de guerre à ceux qui l’ont suivi dans ses glorieuses campagnes ; cette faveur de distinction fut précédée & annoncée par une lettre de M. le comte d’Argenson, ministre & secrétaire d’état de la guerre, écrite à chacun en particulier, & conçûe en ces termes :

A Alost, le 5 Août 1745.

« Je vous donne avis, Monsieur, par ordre du Roi, que Sa Majesté a ordonné au sieur Antoine son porte-arquebuse, de vous délivrer une épée de guerre ; & Elle m’a chargé en même tems de vous marquer la satisfaction qu’Elle a des services que vous lui avez rendus pendant cette campagne ». Je suis très-parfaitement, Monsieur, &c.

Il y a eu dans ce corps des personnes illustres par leur naissance, leurs grades militaires, ou d’un mérite distingué : tels que le connétable de Luynes, MM. de Toiras & de Marillac, maréchaux de France & chevaliers des ordres du roi ; MM. Malherbe, Racine, de Voltaire. Article de M. de Margency, Gentilhomme ordinaire.

Gentilshommes servans, (Hist. de France.) Ces gentilshommes, fixés au nombre de trente-six, font journellement à la table du Roi les fonctions que font aux grandes cérémonies le grand-pannetier de France, représenté par douze de ces gentilshommes ; le grand-échanson & le grand-écuyer-tranchant, représentés aussi chacun par douze de ces gentilshommes servans : cependant ils sont indépendans de ces trois grands-officiers ; car lorsqu’il arrive à ces grands-officiers d’exercer leurs charges, comme à la cene, les gentilshommes servans servent conjointement avec eux, & font alternativement leurs fonctions ordinaires : il y en a neuf par quartier, trois de chaque espece.

Ils sont nommés gentilshommes servans le Roi, parce qu’ils ne servent que Sa Majesté, les têtes couronnées, ou les princes du sang & les souverains, quand le Roi les traite, le premier maître d’hôtel ou les maîtres d’hôtel de quartier y servant alors avec le bâton de cérémonie.

Le jour de la cene ils servent conjointement avec les fils de France, les princes du sang & les seigneurs de la cour, qui présentent au Roi les plats que Sa Majesté sert aux treize enfans de la cene. Ils ont rang aux grandes cérémonies ; ils servent toûjours l’épée au côté, & ont séance immédiatement après les maîtres d’hôtel. Ils prêtent serment de fidélité au Roi entre les mains du grand-maître, ainsi que les douze maîtres-d’hôtel. Etat de la France.