L’Encyclopédie/1re édition/APANAGE

Texte établi par D’Alembert, Diderot (Tome 1p. 521-522).
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APANAGE, s. m. (Hist. mod.) ou comme on disoit autrefois, APPENNAGE, terres que les Souverains donnent à leurs puînés pour leur partage, lesquelles sont reversibles à la couronne, faute d’enfans mâles dans la branche à laquelle ces terres ont été données. Ducange dit que dans la basse latinité on disoit apanare, apanamentum, & apanagium, pour designer une pension ou un revenu annuel qu’on donne aux cadets, au lieu de la part qu’ils devroient avoir dans une seigneurie, qui ne doit point, suivant les lois & coûtumes, se partager, mais rester indivise à l’aîné. Hoffman & Monet dérivent ce mot du Celtique ou Allemand, & disent qu’il signifie exclurre & forclorre de quelque droit ; ce qui arrive à ceux qui ont des apanages, puisqu’ils sont exclus de la succession paternelle. Antoine Loysel, cité par Ménage, croit que le mot apanager vouloit dire autrefois donner des pennes ou plumes, & des moyens aux jeunes seigneurs qu’on chassoit de la maison de leurs peres, pour aller chercher fortune ailleurs, soit par la guerre, soit par le mariage.

Nicod & Ménage dérivent ce mot du Latin panis, pain, qui souvent comprend aussi tout l’accessoire de la subsistance.

Quelques-uns pensent que les apanages, dans leur premiere institution, ont été seulement des pensions ou des payemens annuels d’une certaine somme d’argent.

Les puînés d’Angleterre n’ont point d’apanage déterminé comme en France, mais seulement ce qu’il plaît au roi de leur donner. Voyez Prince, &c.

En France même, sous les rois de la premiere & ceux de la seconde race, le droit de primogéniture ou d’aînesse, & celui d’apanage, étoient inconnus ; les domaines étoient à peu près également partagés entre tous les enfans. Voyez Primogéniture & Ainesse.

Mais comme il en naissoit de grands inconvéniens, on jugea dans la suite qu’il valoit mieux donner aux cadets ou puînés des comtés, des duchés, ou d’autres départemens, à condition de foi & hommage, & de réversion à la couronne à défaut d’héritiers mâles, comme il est arrivé à la premiere & à la seconde branche des ducs de Bourgogne. A présent même les princes apanagistes n’ont plus leurs apanages en souveraineté : ils n’en ont que la joüissance utile & le revenu annuel. Le duché d’Orléans est l’apanage ordinaire des seconds fils de France, à moins qu’il ne soit déjà possédé, comme il l’est actuellement, par un ancien apanagiste.

On ne laisse pas d’appeller aussi improprement apanage, le domaine même de l’héritier présomptif de la couronne ; tel qu’est en France le Dauphiné ; en Angleterre la principauté de Galles ; en Espagne celle des Asturies ; en Portugal celle du Bresil, &c.

On appelle aussi apanage, en quelques coûtumes, la portion qui est donnée à un des enfans pour lui tenir lieu de tout ce qu’il pourroit prétendre à la succession.

Paul Emile a remarqué que les apanages sont une invention que les rois ont rapportée des voyages d’outre mer. (G-H)