Les Mystères du confessionnal/Texte entier

Imprimerie E.-J. Carlier (p. 4-162).


Écrasons L’Infâme
Voltaire

Des mensonges sacrés le commerce sordide
Partout du sacerdoce a grossi le trésor ;
Partout le sacerdoce a bu le sang et l’or.
Souvenez-vous des Juifs que massacra Moïse ;
Contemplez les bûchers que Rome canonise ;
Tout prêtre est un bourreau, patenté par la foi.
Calomnier le sage, égorger l’incrédule,
Rançonner l’ignorant, trafiquer de la loi,
S’enrichir d’un remords, d’un doute, d’un scrupule,
Se créer un empire aux portes des enfers,
Peupler le ciel de sots et la terre d’esclaves ;
Voilà les prêtres grecs, romains et scandinaves,
Ceux du Nil, ceux du Gange, et ceux de l’univers.


L’abbé CERUTTI,
ex-membre de la Compagnie de Jésus



LE CHRIST AU VATICAN
Aux prêtres catholiques… Race de vipères


Vous vendez le baptême au jour de la naissance ;
Vous vendez au pécheur l’inutile indulgence ;
Vous vendez aux amants le droit de s’épouser ;
Vous vendez aux mourants le droit d’agoniser ;
Vous vendez aux défunts la messe funéraire ;
Vous vendez aux parents l’office anniversaire ;
Vous vendez oraisons, messes, communions ;
Vous vendez chapelets, croix, bénédictions ;
Rien n’est sacré pour vous, tout vous est marchandise,
Et l’on ne saurait faire un pas dans votre église
Sans payer pour entrer, sans payer pour s’asseoir,
Sans payer pour prier. L’autel est un comptoir ;
La papauté du monde est la grande usurière ;
Ma maison, ici-bas, est maison de prière,
Et vous en avez fait repaire de voleurs !
De la Vierge on y vend les banales faveurs,
Comme en un mauvais lieu l’on vend l’amour des femmes.
Tout reflète chez vous la laideur de vos âmes.
Les scribes, vos aïeux, étaient moins pervertis,
Vous n’êtes même pas des sépulcres blanchis !…


Victor Hugo



PROLOGUE




Luxurieux point ne seras
De Corps ni de consentement

L’œuvre de Chair ne désireras
Qu’en Mariage seulement




Le Manuel des Confesseurs devient, sous le nom de Diaconales ou de Dissertation sur le sixième commandement, le livre classique des jeunes lévites du sanctuaire, quand, par le vœu d’un célibat perpétuel, ils ont consommé, comme Diacres, leur rupture avec le siècle.

Ce livre est l’œuvre d’un prince de l’Église, d’un évêque, d’un savant théologien qui, après de longues études et plusieurs années de professorat dans les grands séminaires, parvenu au siége du Mans, a fait enseigner à ses diacres, son ouvrage imprimé.

Revêtu de sa signature et du sceau de ses armes épiscopales, ce manuel a reçu l’approbation générale des prélats, a valu à son auteur de hautes distinctions honorifiques accordées par le souverain pontife Pie IX, celles de comte romain et de membre de la congrégation de l’Index.

L’ouvrage tiré à plus de deux cent mille exemplaires, arrivé à sa vingtième édition, est mis, sous le nom de Diaconales, dans les mains des diacres, quelque temps avant leur élévation à la prêtrise.

Ils doivent l’étudier, le méditer, le réciter mot à mot devant leurs condisciples attentifs, en présence d’un professeur chargé de le commenter.

Nous avons dû pâlir nous-même sur ce livre, durant plusieurs mois, en écouter tout ému les explications, sur les bancs de l’école.

Écrit en latin, c’est la première fois qu’il se publie traduit en français.

Par respect pour le lecteur et pour les bonnes mœurs, longtemps nous avons reculé devant la vulgarisation de l’ouvrage le plus froidement obscène que nous connaissions.

Quel code d’immoralités ! Quel recueil de turpitudes dans cette élucubration épiscopale !

Quelle boue infecte remuée dans tous les sens, et comme à plaisir, par un vieux ribaud, un satyre mitré ! Rien n’est oublié dans cette œuvre, depuis l’origine d’une pensée sensuelle jusqu’à l’action la plus dégradante ; depuis un simple désir jusqu’au plus mauvais acte de bestialité, accompli avec l’animal le plus vil, ou sur une femme déjà morte, ou avec un démon de l’un ou de l’autre sexe ayant pris une forme sensible.

Les abominations étalées dans ce livre, dépassent les obscénités des soupers de la régence sous le duc d’Orléans, les turpitudes du Parc-aux-cerfs de Louis XV, et sont de nature à faire rougir les plus éhontées messalines, à faire bouillir le sang du plus austère des anachorètes.

« On a entendu quelquefois parler, dit le journal la République française, sous le manteau de la cheminée, des doctes élucubrations de Sanchez et de Liguori, sur les basses régions de l’animalité humaine. On se plaisait seulement à penser que leurs curieux et odieux bouquins, relégués dans les endroits honteux des bibliothèques, dormaient d’un sommeil, à peine troublé par quelque historien hardi ou par quelque amateur de haute gresse. Il n’en est rien. Ces catholiques inventeurs du cas de conscience, qui, pour le salut des âmes, ont reculé les limites de l’imagination lubrique, ont engendré toute une famille de pornographes sacrés. Ils règnent encore, et ils s’ingénient, et ils s’évertuent dans le demi-jour du confessionnal. Rien de plus naturel pour peu qu’on veuille y réfléchir un moment. La religion entend s’immiscer dans tous les actes, propres et sales, de ceux qui la pratiquent ; elle s’est donné la tâche de laver dans les eaux de la pénitence, et de la tête aux pieds, hommes et femmes, filles et garçons de tout âge, et jusqu’aux êtres qui ne sont d’aucun sexe ; il s’ensuit que toutes les parties de l’âme et du corps ont droit à son attention, à ses secours spirituels, à ses plus minutieux conseils. L’intention purifiante sanctifie donc les sujets les plus immondes ; l’on résume, l’on analyse, et l’on commente les casuistes anciens et modernes, Augustin, Thomas d’Aquin, Sanchez, Liguori, Gury, Billuard, Solter, Bouvier, Rousselot, Busembaum, le cardinal Gousset, sans compter les papes et les conciles. »

L’ouvrage de Monseigneur Bouvier, où se trouvent énumérées, étalées, en latin spécial — de sacristie, — toutes les obscénités inimaginables et drolatiques, élaborées par des célibataires échauffés, est écrit pour l’édification de jeunes prêtres voués à la chasteté et appelés à juger des ignominies, dont l’ignorance absolue est leur devoir le plus sacré. Cet ouvrage infâme se divise en deux parties que nous osons à peine indiquer ici, en latin, bien que le latin, « dans les mots brave l’honnêteté. »

I. Dissertatio in sextum decalogi præceptum ;

II. Supplementum ad tractatum de matrimonio.

La première partie comprend cinq chapitres :

1o De luxuriā in genere ;

2o De speciebus luxuriæ naturalis consummatæ ;

3o De speciebus luxuriæ contra naturam consummatæ ;

4o De peccatis luxuriæ non consummatæ ;

5o De causis, effectibus et remediis lururiæ.

La seconde partie de ce livre comprend deux divisions principales :

1o De impedimento impotentiæ ;

2o De debito conjugali.

Traduction littérale, en notre langue si chaste et si délicate :

I. Dissertation sur le sixième commandement ;


« Luxurieux point ne seras,
« De Corps ni de consentemnt. »


II. Supplément au traité du mariage.

Dans la première partie, il est question :

1o De la luxure en général ;

2o Des différentes espèces de luxure naturelle consommée ;

3o Des différentes espèces de luxure consommée contre nature ;

4o Des péchés de luxure non consommée ;

5o Des causes et des effets de la luxure et de ses remèdes.

Dans la seconde partie, supplément au traité du mariage, toutes les questions relatives à ce sujet peuvent se réduire à deux principales :

1o Des empêchements pour cause d’impuissance ;

2o Du devoir conjugal.

Telles sont les principales divisions de ce livre étrange, de ce manuel des confesseurs.

Quant aux détails, on en jugera : ils répondent à ces titres graveleux et obscènes. Après avoir expliqué dans le premier chapitre ce qui est du ressort de la luxure en général, le prélat traite, dans le deuxième, en praticien consommé, de la fornication, du concubinage, de la prostitution, du stupre, du rapt, de l’adultère, de l’inceste et des sacrilèges. « Plusieurs théologiens affirment, dit le docte évêque, que les relations charnelles d’un confesseur avec sa pénitente sont incestueuses ; que le coït d’un fils avec sa mère ou d’un père avec sa fille, constitue un inceste particulier qu’il faut accuser en confession, comme circonstance aggravante. »

Au chapitre troisième, tableau des différentes espèces de pollutions volontaires ou involontaires, diurnes ou noctunes, à l’état de sommeil ou à l’état de veille !

Descriptions de la sodomie et de la bestialité !

« Plusieurs théologiens, d’après Sa Grandeur, décident que le pénitent doit avouer, si dans l’acte sodomique il a été agent ou patient, parce que la pollution volontaire est plus coupable que la participation à celle d’autrui ; et une femme qui agit est bien plus criminelle que l’homme qui supporte son action. Tous les théologiens, ajoute le prélat, nous parlent du coït avec le démon ayant pris, soit réellement, soit dans l’imagination, la forme d’un homme, d’une femme ou d’une bête. Ce péché doit être avoué dans toutes ses circonstances, à cause de sa gravité, provenant surtout d’un pacte avec l’enfer. Le crime serait encore plus grave s’il était entaché de sodomie ou d’inceste avec le démon. »

Ces énormités se trouvent dans la première partie du Manuel des confesseurs.

Vient ensuite le traité du mariage. L’auteur n’omet aucun détail sur cette matière : Tous les cas possibles sont prévus et jugés. D’après Monseigneur Bouvier : Pour être agréable à Dieu, il faut accomplir le devoir conjugal en pleurant et priant ; un mari véritablement chaste ne doit ni passer sa main dans le corsage de sa femme, pendant le jour, ni lever sa chemise au lit.

Il faut se résoudre à vivre comme frère et sœur, si le mari ou la femme se trouve impuissant ;

Une femme doit, même au péril de sa vie, refuser l’acte conjugal, si le mari ne l’accomplit pas selon toutes les règles ;

Une femme condamnée à mort par les médecins dans le cas où elle donnerait le jour à un enfant, doit ou s’abstenir de l’acte conjugal ou bien l’accomplir dans toutes ses prescriptions, c’est-à-dire ne jamais permettre à son conjoint de répandre la semence dans le vide, à l’exemple du personnage biblique Onan.

Ce code d’immoralité a pour couronnement un abrégé — français — d’embryologie donnant la solution de quelques difficultés, touchant le baptême des enfants nés avant terme ou qui ne peuvent naître naturellement. Le prélat crossé et mitré termine son élucubration par un traité de l’opération césarienne, opération généralement prescrite par les théologiens aux jeunes prêtres, malgré les défenses et les textes du code pénal, cette opération étant expressément du domaine chirurgical.

Ainsi, dans certain cas, sous prétexte du salut de l’âme d’un enfant, un jeune prêtre doit ouvrir le ventre d’une femme pour en extraire le fœtus et le baptiser. Horreur !…

Tel est ce livre dont nous publions la traduction en langue vulgaire, malgré nos répugnances. Nos lecteurs pourront suivre attentivement dans leur amphithéâtre ces professeurs sacrés, qui se flattent de posséder le monopole de l’enseignement moral. Ils pourront se convaincre que les prêtres catholiques, malgré leur vœu de célibat, surpassent en science de lubricité les plus éhontés libertins.

Pour prévenir tout reproche d’inexactitude dans la traduction, nous avons placé le latin au bas de chaque page, afin que le lecteur puisse vérifier les textes. L’ouvrage de Monseigneur Bouvier a été reproduit fidèlement, depuis le premier mot jusqu’au dernier, sans y rien ajouter, sans en rien retrancher.

Maintenant, si les curés crient au scandale ! nous répondrons : Malheur à celui par qui le scandale arrive ! Ne sont-ils pas les seuls coupables ? Ce code d’immoralité n’est-il pas l’œuvre d’un prélat, signalé même par les princes de l’Église, comme l’un des plus savants parmi les prélats et l’un des plus recommandables parmi les docteurs ?

N’est-ce pas un évêque qui a saturé son esprit de turpitudes sans nom, qui les a écrites, qui les a fait imprimer, qui les a répandues dans les séminaires, dans les couvents, dans les sanctuaires, enfin qui en a rempli le monde catholique ?

La responsabilité du scandale et du mal fait aux âmes doit retomber de tout son poids sur le clergé.

« Cet ouvrage est écrit en latin, répondrez-vous, prêtres hypocrites, et il est rigoureusement recommandé de ne le vendre qu’aux ministres des autels. »

Mais, ce manuel des confesseurs, véritable arsenal d’obscénités, considéré par vous comme si dangereux pour les gens du monde, est-il sans péril pour les jeunes lévites du sacerdoce ?

Si quelqu’un doit être tenu en dehors de telles abominations, n’est-ce pas le prêtre, à cause de ses fonctions sacrées ?

C’est pourtant un prélat qui vient initier les séminaristes à des mystères de libertinage qui sont exclusivement du domaine des lupanars.

Dans les grands séminaires, vantés comme des écoles de haute sagesse, on affecte de préconiser la chasteté comme la vertu inhérente au sacerdoce ; et en même temps, par une étrange contradiction, on jette en pâture à la jeune imagination des élèves, l’abominable livre de l’évêque du Mans, l’initiateur à la science du mal.

« Cette science, ajoutez-vous, prêtres imposteurs, est nécessaire, indispensable au tribunal de la pénitence pour la guérison des âmes. »

Mensonge ! car, d’après vos maximes « il est défendu d’opérer le mal, même en vue d’un bien. »

Hypocrites ! vous ajoutez que la fin justifie les moyens, et que, pour le salut des âmes, les curés ne doivent rien ignorer en matière de lubricité.

Sophisme et tromperie ! avec vos théories jésuitiques, vous ne donnerez pas le change aux esprits clairvoyants.

Vous savez bien que les gens crédules, les hommes simples, les femmes et les jeunes filles surtout, qui ajoutent foi aux dogmes catholiques et qui vont s’agenouiller dans le confessionnal, s’attendent à y trouver le représentant de Dieu, un ange plutôt qu’un homme, une pure émanation de la divinité. Mais la vérité ne tarde pas à leur apparaître : devant vos premières questions, le voile tombe, le prêtre se montre tel que l’a fait l’étude du livre de Monseigneur Bouvier ; l’ange se transforme en démon tentateur ; le confessionnal s’emplit de senteurs acres et nauséabondes ; le bouc est en rut ! Votre science est funeste : elle a corrompu le prêtre, et la contagion a envahi les plus purs, les plus chastes parmi les imprudents, les femmes ou les jeunes filles. Vous avez infecté du venin tous ceux qui étaient venus à vous comme à une fontaine purifiante.

Sachez donc, prêtres ignorants ! vous qui n’avez pas l’intelligence de votre temps, que si le système d’interrogations a pu avoir, comme vous l’affirmez, sa raison d’être, à une époque de foi, de barbarie, féconde en forfaits, comme le moyen âge, il n’est plus admissible dans un siècle de lumière, de civilisation et de progrès. Au moyen âge le confesseur et la pénitente avaient la foi au dogme, foi aveugle. L’Église était aux terreurs, aux miracles, aux démons, à l’enfer. Entre le confesseur et les pénitents venaient se placer le glaive de l’archange et les épouvantes du jugement dernier. Aujourd’hui, la barrière de feu a disparu ; la foi a déserté les sanctuaires ; les prêtres et les fidèles ont perdu la croyance. La confession n’est plus qu’une affaire de mode, de coquetterie, de curiosité de la part de certaines femmes, et de libertinage. Autrefois le confesseur savait et la pénitente ignorait. Lors même que le prêtre était jeune, il était le père, sa pénitente était l’enfant. À notre époque, où le clergé se recrute, en grande majorité, dans les campagnes les plus réfractaires à la civilisation, les prêtres se ressentent de l’éducation qu’ils ont reçue au village, ils sont ignorants, grossiers, incultes ; instincts honteux, passions ignobles ; ils ont en apanage tous les vices. Les ouvriers des villes ont parfois plus d’expérience que les curés de nos campagnes et que beaucoup de prêtres des villes, et plus d’instruction réelle. Le contraste entre le confesseur et la pénitente est bien plus grand, lorsque le confessionnal se trouve occupé par un prêtre inexpérimenté, qui vient de quitter le séminaire, et quand la pécheresse qui se met à ses genoux est une femme du monde, la femme de quarante ans, passionnée, une de ces courtisanes de la noblesse ou de la bourgeoisie, qui a passé sa vie dans les intrigues, qui a bu à toutes les coupes, qui a épuisé tous les genres de voluptés… Chaque mot qui sort des lèvres d’une telle femme est pour le jeune prêtre sujet d’étonnement, d’effroi même. On lui parle une langue qu’il ne comprend pas. À la stupéfaction succède une ivresse, celle des sens. Ici l’ignorance est aux prises avec la science. Il y a lutte entre le confesseur et la pénitente. La chute suivra bientôt, c’est dans la logique. Le jeune prêtre est perdu sans retour ; il deviendra l’amant de la syrène, qui le façonnera à sa guise. Il se sera corrompu au contact de la matrone émérite ; et il ne tardera pas à pervertir les vierges qui succèderont à la grande pécheresse dans son confessionnal.

Si nous abordons les instruments d’enquête et la routine des confesseurs dans la pratique, nous y trouvons de nouveaux sujets d’étonnement. L’Église ordonne à ses ministres de suivre dans leurs investigations les procédés qui étaient en usage, il y a deux siècles et plus. On agit comme si l’humanité n’avait pas progressé. On met dans les mains des confesseurs des manuels surannés, qui s’appuient sur les casuistes que l’immortel Pascal a enterrés et qui sont des outrages à nos mœurs plus raffinées.

Prêtres corrompus, adultères, incestueux ! vous faites litière de la raison humaine, de la pudeur des filles et des femmes, de l’innocence des jeunes garçons ! Vous avez l’audace de poser à vos pénitentes des questions d’une immoralité révoltante ; vous leur parlez la langue d’Escobar et de Sanchez, comme si les mots dont se servaient ces casuistes odieux pouvaient encore être entendus à une époque de civilisation.

Vous osez interroger de pures jeunes filles et des adolescents sur des crimes contre nature, qui ont pu être commis par les bandes armées que recrutait le Catholicisme dans les temps de barbarie et des guerres de religion, et qui dépassent en horreur tout ce que raconte votre Bible des habitants de Sodome et de Gomorrhe, la copulation avec les animaux, la pollution et le stupre sur les cadavres de femmes. Ces attentats sont oubliés, ils ne se sont pas renouvelés, et leurs noms mêmes ne devraient plus être prononcés. Vous êtes coupables, vous êtes criminels d’en réveiller le souvenir.

Vous osez prétendre, hommes pervers ! que la confession doit être entière et complète sans réticence ni omission.

Nous vous répondrons avec les théologiens que la confession elle-même n’est pas indispensable ; qu’un seul point est essentiel : La contrition. Dans les cas de paralysie complète, les fidèles sont dispensés de l’aveu des fautes, tandis que jamais ils ne seraient absous sans le repentir. Pourquoi donc ne pas user d’une extrême réserve quand il s’agit du vice que vous appelez, en argot de sacristie, le contraire de la sainte vertu ? Pourquoi ne vous contentez-vous pas d’écouter les aveux des pénitents sans provoquer les confidences par des interrogatoires abominables ?

Vous préférez descendre dans les dernières profondeurs de l’âme et torturer les esprits faibles, les femmes et les jeunes filles ingénues, pour la satisfaction de vos passions ignobles.

Le confessionnal est devenu une espèce de table d’autopsie sur laquelle le médecin de l’âme, d’après l’expression consacrée, étudie son sujet. Pour lui point de secrets. Sous prétexte d’intégrité des aveux, il faut que des effets il remonte aux causes ; pour guérir il doit connaître le siége du mal. Le pénitent, la pénitente, lui appartient, et il s’arroge le droit de promener son scalpel investigateur sur toutes les parties de son corps.

La jeune femme qui exige de son mari une réserve absolue, qui veut être possédée, mais que la moindre indiscrétion sur les mystères amoureux révolterait, désaffectionnerait, ouvre tout grands, au prêtre libertin, les rideaux de son lit nuptial. Elle déroule les secrets de ses nuits de volupté à l’homme en soutane qui lui demande compte de ses agissements et précise ses questions. Où ? Comment ? Combien de fois ? La jeune pénitente doit tout raconter dans le confessionnal à ce satyre noir et velu. Ainsi l’exige la loi de l’Église. Abomination !

La jeune épouse doit énumérer ses sensations, revenir sur chacun des baisers reçus ou donnés, dépeindre ses transports, ses enlacements, donner le compte de ses soupirs, brûlantes étincelles de deux natures en fusion ; car le prêtre revendique le droit de demander à la pénitente ce que l’épouse se croit le devoir de cacher à son mari, ce qu’elle ose à peine s’avouer à elle-même.

La jeune fille, à peine nubile, est soumise à de pareilles flétrissures ; le curé ne respecte ni l’adolescence, ni la jeune enfance. La vierge, fleur à peine éclose, qui s’ouvre à la lumière, à la vie, à l’amour, ne pourra plus renfermer dans son cœur ses rêveries, ses extases, ses étonnements. Le corrupteur est à ses côtés, le prêtre indiscret, curieux, libertin, l’interroge comme directeur, se délecte de ses aveux naïfs, des tressaillements de son âme candide.

Le beau rêve que caresse la charmante enfant, qui la suit partout, qui subitement suspend sa marche à la promenade, ou sa main agile, dans son travail, qui fait pencher sa tête sur son sein agité ; ce rêve qui, le soir, vient voltiger à son chevet et berce doucement son sommeil, ce rêve aux ailes dorées et frémissantes n’appartient pas à elle seule ; le confesseur en soutane ou en froc en exige la confidence.

De par l’ordre du prêtre, et au nom de Dieu, la belle innocente doit analyser avec soin toutes ses sensations, chercher à définir ce charme sous lequel tout son être est plongé ; elle doit compter les battements plus précipités de son cœur ; elle doit garder le souvenir des mouvements tumultueux de ses sens.

L’homme noir a dit à sa pénitente que l’émotion est une faute, le désir un péché.

Bien plus, s’il arrive que la douce enfant, après une enivrante soirée passée sous l’œil maternel, auprès de l’ami de son cœur, dans la nuit, quand sa paupière est close, s’abandonne au charme d’une voluptueuse vision, elle devra donner un corps au songe et raconter au curé la surprise imposée par la nature à sa virginité.

Combien ces aveux doivent coûter à la jeune épouse, à la jeune fille !

Quels combats ont à soutenir les infortunées contre le confesseur infâme qui veut arracher le voile qui couvre les aspirations de la jeune fille et les voluptés de l’épouse !

Mais la victoire est assurée au prêtre ; il parle au nom de Dieu, il commande, il exige la soumission ; la vierge est déflorée moralement, la jeune femme profanée. Après la corruption de l’âme vient fatalement la prise de possession des corps ; le prêtre remplacera l’amant et l’époux.

Si nous abordons un autre ordre d’idées, la tranquillité de l’esprit, la paix de l’âme sur les questions religieuses, nous voyons encore l’homme à soutane s’écarter du but et apporter le trouble dans les consciences.

Les prêtres se jouent de la crédulité humaine, ils jettent les esprits dans un doute énervant, et les cœurs dans des perplexités cruelles, parfois dans le désespoir qui tue.

Il n’y a chez eux qu’ignorance et ténèbres. Autant de confesseurs, autant de jugements. Du soir au lendemain le directeur change d’opinion, pour le même cas et la même personne. Il y a une théologie pour les grands et une autre pour les petits. Heureux les riches, malheureux les pauvres ! Dans l’Église catholique on trouve deux poids et deux mesures !

Que de variations ! Quelles tortures pour les âmes, précipitées dans le doute par des directeurs indécis sur les plus importantes matières !

Peut-il en être autrement, quand leurs maîtres, au lieu d’être savants, ne sont que des douteurs à l’exemple de l’évêque du Mans dans son Manuel des confesseurs ?

À chaque page ce sont des probabilités, et nulle question n’est résolue.

Les théologiens que l’Église ose nous présenter comme très-instruits et des plus honorables se sont évertués à faire une anatomie dégoûtante, à remuer la matière sans aboutir à d’autre résultat qu’à celui de la démoralisation. Monseigneur Bouvier n’est ni le premier, ni le seul qui ait écrit sur la luxure. Il a mis en corps d’ouvrage les détails accumulés dans les œuvres de Sanchez, de Suarez, de Molina, de Billuart, de Liguori et de la tourbe des théologiens.

Le succès du Manuel de l’évêque du Mans a excité les convoitises sacerdotales ; dans ce genre plusieurs ont écrit en latin traditionnel d’autres ouvrages. Ces publications de haut goût ont été rapidement enlevées par les curés auxquels tout particulièrement elles sont destinées. Spéculation excellente !

L’Évêque ultramontain de Poitiers, Monseigneur Pie, en 1870, a approuvé un manuel nouveau destiné principalement aux jeunes confesseurs, — neo-confessarius. Voici le titre de cet opuscule compacte, servant de complément au manuel qui nous occupe : De rebus venereis ad usum confessariorum auctore D. Cresson, olim superiore majoris seminarii ac vicario generali diocœsis valentiniensis. Parisiis, Poussielgue, fratres bibliopolœ-editores, viâ dictâ cassette 27. 1870.

On lit au verso du faux titre : Imprimatur, Pictavu die 11 junii 1870. A. de Bechillon V.-G. — Vicaire général.

Cela est donc imprimé à Poitiers, approuvé par l’évêque et vendu à Paris et dans toutes les librairies spéciales des pays catholiques.

En tête du livre, une préface courte et instructive avertit que ce manuel est surtout destiné aux jeunes confesseurs, et que les solutions préférées tiennent le milieu entre le rigorisme janséniste et l’indulgence jésuitique.

Cette élucubration, où sont énumérées en bas latin les cas probables, assez probables, moins probables, etc., est divisée en trois édifiantes dissertations : 1o De castitate et peccatis ipsis oppositis ! 2o De quibusdam minus pudicis ad matrimonium spectantibus ; 3o De quibusdam questionibus maximi momenti quæ fœtum et partum mulierum concernunt.

Les titres des chapitres ne peuvent guère se transcrire, même en latin. Le lecteur comprend qu’il s’agit du fœtus dans le troisième chapitre.

Deux autres ouvrages méritent une mention particulière.

1o Abrégé de théologie morale à l’usage des candidats en théologie, extrait des divers auteurs, notamment du B. Liguori par J. P. Moullet, autrefois professeur de théologie morale, avec permission de ses supérieurs. À Fribourg, en Suisse, chez Antoine Labastron, libraire, 1834, 2 volumes in-8o.

2o Commentaires extraits de la théologie morale universelle, de Jean Gaspard Sœltler, sur le sixième précepte du décalogue, touchant les obligations des époux et certains sujets relatifs au mariage, par J. Rousselot, professeur de théologie au séminaire de Grenoble, chez Auguste Carus, libraire éditeur, rue Brocherie, no 6 — 1840, in-8o de 192 pages.

Ce fameux théologien Rousselot a eu l’insigne honneur de faire accepter par le catholicisme, en qualité de vicaire général de Grenoble, cette grande supercherie, connue sous le nom d’apparition de N. D. de la Salette.

Quel est donc le but que se propose l’Église en remettant aux mains des diacres ces manuels infâmes ? Régner sur les peuples par la corruption ; livrer aux confesseurs les âmes et les corps des pénitentes ; autant de confesseurs, autant de suborneurs de femmes, de corrupteurs de filles.

Hélas ! il n’est que trop avéré que la plupart des personnes qui vont à confesse, les enfants, les jeunes filles, les époux, y apprennent ce qu’ils ignoraient et perdent bientôt, avec l’innocence, toute pudeur. Sous le spécieux prétexte de ramener à la vertu, les curés démoralisent la génération.

Nous signalerons le mal à notre siècle. Dans l’intérêt des familles et de la société, nous révélerons les honteuses pratiques du clergé romain.

Les pères, les mères, ceux qui ont charge d’âmes doivent pouvoir reconnaître le loup caché sous la peau de l’agneau.

Traduit aujourd’hui en français et bientôt publié dans toutes les langues vivantes, notre livre deviendra un contre-poison. La Mythologie nous apprend que la lance d’Achille possédait une double vertu, blesser et guérir ; la hampe guérissait par le contact la blessure que le fer avait faite. Ainsi en sera-t-il du Manuel des Confesseurs. Nous dévoilerons les ignominies du sanctuaire et nous mettrons le monde civilisé en garde contre les dangers que courent les enfants dans le confessionnal.

Notre publication est destinée et même dédiée aux pères de famille, aux hommes et aux femmes d’un âge mûr, aux chefs des maisons d’éducation, par un prêtre qui, revenu de ses égarements, s’efforce de réparer le mal qu’il a pu faire en confession. Actuellement ramené à la saine pratique de la philosophie, nous voulons signaler à la vindicte publique cette institution, d’autant plus dangereuse qu’elle se cache sous le manteau de la vertu comme le serpent sous la fleur. Nous faisons donc cette déclaration solennelle : la confession est le fléau des individus, des familles, de la société, de tout le genre humain.

Maintenant nous allons mettre les pieds dans la fange catholique. C’est le moment pour les délicats, les pudibonds, les timorés, de fermer le livre ou de le jeter aux flammes.

Que les intrépides, les vaillants, les libres penseurs nous accompagnent dans la carrière ; nous tenons en mains le flambeau pour les guider.

Écrasons l’infâme ! L’infâme, c’est l’Église catholique signalée par Luther, par Calvin, par Voltaire, par Jean-Jacques Rousseau, par P. J. Proudhon, par Eugène Suë, par Karl Marx, par J. Michelet, par tous les philosophes des siècles passés et du siècle présent, aux amis du progrès, de l’humanité.

Que le flambeau de la vérité devienne torche, et que la torche, aux jours de révolution, serve à mettre le feu, en pleine cathédrale, à ces réduits infects, à ces boîtes immondes qu’on appelle confessionnaux.




AVERTISSEMENT


Dans ce livre, destiné uniquement aux prêtres et aux diacres, nous avons essayé de recueillir ce que les prêtres ne peuvent ignorer, sans danger, au confessional et ce qui ne peut être ni développé dans les cours publics des séminaires, ni confié décemment et indistinctement aux jeunes élèves. Ce traité roule sur le sixième commandement et sur les devoirs des époux ; il agite une foule de questions d’une pratique journalière qui laissent dans l’embarras les confesseurs les plus savants et les plus expérimentés.

Ils ne les trouvent point facilement ailleurs exposées et résolues avec ordre et clarté ; les auteurs de théologie morale qu’ils ont pu consulter jusqu’à ce jour se trouvant trop rigides ou trop peu explicites. Aussi avons-nous cru rendre service aux diacres et aux jeunes prêtres, en leur offrant un traité spécial des péchés opposés à la chasteté et des devoirs mutuels des époux.

Après avoir lu un grand nombre de livres de théologie sur cette matière, nous avons pris un juste milieu entre le relâchement et la sévérité. Nous n’avons pas arbitrairement agi, mais nous avons pris pour base les raisonnements des meilleurs auteurs. Quiconque, donc, ne partagerait pas notre manière de voir pourra consulter les ouvrages que nous indiquons, peser les diverses opinions et adopter, avec connaissance de cause, la décision qui lui paraîtra la plus probable. Il est certain que nos intentions sont droites ; nos lecteurs en jugeront. Nous les prions instamment de ne pas nous accuser de faiblesse, de ne pas abuser de nos principes, de nos décisions et de nos exceptions, pour se livrer à un relâchement fatal aux mœurs. Qu’ils procèdent avec précaution et qu’avant de juger, toujours guidés par la prudence qui est l’œil des autres vertus, ils pèsent mûrement et nos raisons et les circonstances dans lesquelles ils se trouvent. Du reste, nous les supplions, au nom de la vérité, de vouloir bien nous faire connaître nos erreurs s’ils en reconnaissent.

On nous a souvent demandé de mettre cet opuscule dans nos œuvres complètes intitulées : Institutions théologiques, mais la raison fondamentale qui, dès le principe, nous en a détourné existe toujours et toujours exige qu’il soit isolé d’une œuvre qui est mise sous les yeux de tous les séminaristes indistinctement ; nous persistons dans cette manière de voir.




DISSERTATION
SUR LE SIXIÈME COMMANDEMENT


Cette lubrique matière étant toujours dangereuse, à cause de notre fragilité, on ne doit l’étudier que par nécessité, avec prudence, pour une fin louable et après avoir invoqué l’assistance divine. Quiconque présumant trop de ses propres forces s’y livrerait en téméraire et sans discernement, s’exposerait à des chutes presqu’inévitables, d’après la sentence des livres saints (Eccl. 3.27) : Celui qui aime le danger y périra. Il faut invoquer fréquemment le secours de la très Sainte-Vierge, surtout au commencement des tentations qui peuvent surgir. Il faut recourir à une prière comme la suivante :

Ô Vierge très-pure, par votre très-sainte virginité et votre conception immaculée, purifiez mon cœur et ma chair.

Le sixième et le neuvième précepte du décalogue qui se trouvent renfermés au chapitre 20 de l’exode v. 14 et 17, ayant évidemment le même objectif, nous avons cru devoir les traiter dans un seul titre.


VIe PRÉCEPTE

Luxurieux point ne seras
De corps ni de consentement.


IXe PRÉCEPTE

L’œuvre de chair ne désireras
Qu’en mariage seulement.


De même qu’en prohibant le vol on défend toute usurpation du bien d’autrui, de même, en prohibant l’adultère on réprouve tout acte opposé à la chasteté.

La chasteté, qui tire son nom du mot châtier parce qu’elle réfrène les concupiscences, dit Saint-Thomas 22, 9, 151, art. 1, est une vertu morale qui met les plaisirs vénériens sous l’empire de la raison.

C’est une vertu spéciale, car elle a un but distinct ; elle a pour annexe la pudeur qui, par respect pour les hommes, couvre d’un voile discret même les choses permises.

On peut considérer la chasteté à un triple point de vue la chasteté conjugale, celle des veufs et celle des vierges. La chasteté conjugale subordonne à la raison l’usage du mariage. Celle des veufs consiste dans l’abstention de tout plaisir vénérien après la dissolution du mariage. La chasteté virginale ajoute à cette parfaite abstinence l’intégrité de la chair. La virginité peut donc être considérée comme un état ou comme une vertu. Comme état, elle consiste dans l’intégrité de la chair, c’est-à-dire dans l’abstinence de tout acte vénérien consommé ; comme vertu, c’est la parfaite abstinence de toute action volontaire ou de tout plaisir opposé à la chasteté avec la résolution de rester toujours dans cette abstinence.

L’état de virginité est donc très-distinct de la vertu de ce nom.

Il peut être détruit par des actes involontaires comme le viol, et, une fois perdu, il ne peut se recouvrer, car on ne saurait rétablir l’intégrité de la chair. Aussi, ceux et celles qui ont été mariés ou les gens qui ont accompli l’œuvre de chair hors du mariage ne peuvent être appelés vierges, seraient-ils devenus saints par le repentir.

La vertu virginale, au contraire, lésée par le péché qui lui est opposé, mais qui n’a pas été consommé, ou par un projet de mariage, se rétablit par la remise du péché, ou par le retour à la résolution de rester chaste à l’avenir. Et, comme la vertu ne consiste pas dans une disposition du corps, mais bien de l’âme, elle se conserve malgré des actes involontaires qui font disparaître l’état de vierge. D’où il suit que l’auréole de gloire préparée, dans le ciel, pour les vierges, ne sera jamais décernée à ceux ou à celles qui, bien que saints, auront été mariés ou qui auront accompli volontairement l’œuvre de chair hors du mariage ; mais elle sera le partage de ceux et de celles qui auront conservé cette vertu ou qui l’auront recouvrée. Ce n’est donc nullement par un fait involontaire et par suite de violences que les vierges ont repoussées de toutes leurs forces, qu’elles perdent leurs droits à cette auréole.

La luxure, qui aurait pu être consommée bien qu’elle ne l’ait pas été, qu’elle soit naturelle ou non, est, en général, contraire à la chasteté. C’est pourquoi nous traiterons :

1o De la luxure en général ;

2o Des différentes espèces de luxure consommée ;

3o Des différentes espèces de luxure consommée contre nature ;

4o Des péchés de luxure non consommée ;

5o Des causes et effets de la luxure, de ses remèdes.



CHAPITRE I

DE LA LUXURE EN GÉNÉRAL


La luxure, qui tire son nom du mot luxer, est ainsi appelée parce que le propre de ce vice est de relâcher, de détruire les forces de l’âme et du corps aussi l’appelle-t-on quelquefois dissolution ; et on dit de ceux qui s’y livrent par trop, qu’ils sont dissolus. On la définit très-bien l’appétit désordonné des plaisirs vénériens.

Ces plaisirs sont appelés vénériens parce qu’ils ont pour but la génération à laquelle les païens faisaient présider la déesse Vénus.


Proposition. — La luxure est de sa nature un péché mortel.


Cette proposition se prouve par l’écriture sainte, par l’avis unanime des pères de l’Église et des théologiens et par la raison.

1o Par l’écriture sainte : Épît. aux Gal. 5, 19 et 21 : Je vous déclare en vérité, comme je l’ai déjà fait, que ceux qui pratiquent l’œuvre de la chair, qui consiste dans la fornication, l’impureté, l’impudicité, la luxure…… et autres choses semblables, n’entreront pas dans le royaume de Dieu.

2o Les pères de l’Église et les théologiens sont unanimes pour enseigner que, de sa nature, le péché de luxure est mortel.

3o Par la raison : Les plaisirs vénériens, dans l’intention du Créateur, sont uniquement destinés à la propagation du genre humain : Tout ce qui va à l’encontre de ce but constituant en soi un grave désordre, est donc un péché mortel.

On demande si la luxure est un péché, à ce point, mortel de sa nature qu’il ne supporte pas légèreté de matière, c’est-à-dire s’il n’est jamais véniel à défaut de matière.

R. 1o Les différentes espèces de luxure consommée, naturelle ou non, dont nous parlerons plus loin, ne comportent pas de légèreté de matière. Ne répugne-t-il pas manifestement à la raison de supposer qu’on peut se livrer à une fornication ou pollution volontaires qui, en soi, ne fourniraient que la matière d’une faute légère ?

R. 2o Le plaisir purement organique, c’est-à-dire qui nous est naturellement procuré par nos organes, tel que celui de voir une beauté, d’entendre une mélodie, de toucher un objet doux et moelleux, etc., se distingue du plaisir vénérien et peut laisser admettre la légèreté de matière. Car un semblable plaisir n’est pas naturellement mauvais, puisque Dieu lui-même, dans un but légitime, en a fait la faculté de nos sens ; il ne peut donc pas constituer un péché mortel, si ce n’est en raison du danger qui pourrait en résulter ; or il peut arriver que chez certaines personnes le danger ne soit pas grave. Il en est ainsi des baisers donnés sans mauvaise intention, à cause du plaisir qu’en éprouvent les organes. Ainsi pensent : Saint-Antoine, Sanchez, Henno Comitolus, Sylvius, Boudart, Billuart, Collet, contre Cajetan, Diana, l’école de Salamanque et S. Ligori, l. 3, no 416, etc.

Donc, est exempt de péché mortel celui qui prend plaisir à voir une jolie femme ou à toucher le velouté de sa main, sans pousser plus loin ses désirs, sans éprouver d’autres sensations et sans risquer de tomber ensuite dans un grave danger. Rarement, cependant, il est exempt de tout péché, et il est ordinairement dangereux de s’arrêter à un tel plaisir, surtout lorsqu’il résulte du toucher. Ainsi, celui qui s’arrête dans cette jouissance ne peut ordinairement être excusé d’un grave péché, à moins qu’il ne s’y soit arrêté par inadvertance ou sans consentement. Il y en a beaucoup qui sont ainsi constitués que le moindre plaisir organique volontaire suffit pour les mettre dans un grave danger de péché.

R. 3o Le plaisir vénérien peut être provoqué directement ou bien indirectement, en soi ou dans sa cause, comme si l’on accomplit une action de laquelle, involontairement, résulte ce plaisir. Les théologiens sont en général d’avis qu’il n’y a que le plaisir indirectement produit qui comporte la légèreté de matière : Ex. : Si quelqu’un fait une chose véniellement mauvaise ou même licite qu’il prévoie devoir lui occasionner des mouvements charnels involontaires d’ailleurs, sans qu’il ait assez de force pour les réprimer, il ne pèche pas mortellement. Dans ce cas, d’après quelques théologiens, le péché est véniel, non par défaut de matière, mais par défaut de consentement.

R. 4o Le plaisir vénérien directement voulu peut être étudié chez les personnes mariées ou chez celles qui ne le sont pas ; il est permis aux époux, pourvu qu’il se rapporte à l’acte conjugal. Autrement, d’après l’opinion générale, c’est un simple péché véniel, s’il est pris par un seul des époux, en dehors de l’acte conjugal, lorsqu’il se rapporte au conjoint et sans grave danger d’incontinence, parce qu’il tend à un acte licite. Nous développerons ailleurs cette question. Elle se réduit donc à savoir si le plaisir vénérien directement voulu en dehors du mariage comporte légèreté de matière.

L’ensemble des auteurs soutient contre Caramuel et quelques autres casuistes qu’un tel plaisir n’est jamais péché véniel faute de matière et s’efforce de le prouver de la manière suivante : 1o Alexandre VII, en 1664, condamna la proposition suivante : Il est probable qu’un baiser donné en vue du plaisir charnel et sensible qu’il procure, en dehors de tout danger d’un consentement ultérieur et de pollution, est seulement véniel. Cette proposition fut condamnée parce qu’on entend ordinairement, par plaisir charnel, le plaisir vénérien. Il n’est donc pas probable que ce plaisir, si petit soit-il, constitue un péché uniquement véniel.

2o La raison nous dit que, par notre nature dégradée, nous sommes tellement portés au vice de la luxure que la moindre étincelle peut souvent produire un grand incendie. En conséquence, dans l’hypothèse d’un consentement direct au plaisir vénérien, on court toujours le danger prochain d’un consentement ultérieur ou de la pollution : Il n’en est pas ainsi des autres vices. Aussi, le père Aquaviva, supérieur général de la société des jésuites, défendait-il, sous peine d’excommunication, à tous ses religieux, de s’écarter, dans leur enseignement, de la décision qui repousse la légèreté de matière dans le plaisir vénérien.

Donc on pèche mortellement en prenant plaisir, librement, aux mouvements de la chair, même quand le hasard les a provoqués.




CHAPITRE II

DES DIFFÉRENTES ESPÈCES DE LUXURE NATURELLE CONSOMMÉE


La luxure est naturelle lorsqu’elle n’est pas en opposition avec la propagation du genre humain. L’union des deux sexes en dehors du mariage est donc un acte purement charnel à la condition d’être pratiqué d’une manière propre à la génération. Cet acte est accompli par le fait de l’écoulement de la matière séminale de l’homme dans l’intérieur des parties sexuelles de la femme.

On compte six espèces de luxure : la fornication, le stupre, le rapt, l’adultère, l’inceste et le sacrilège. Nous allons traiter ci-après, de chacune de ces espèces en particulier.


ARTICLE I

DE LA FORNICATION


La fornication est l’union intime et d’un consentement mutuel, d’un homme libre et d’une femme libre ayant déjà perdu sa virginité.

Nous disons : 1o d’un homme libre, c’est-à-dire qui ne soit empêché de commettre la faute par aucun lien spécial de mariage, de parenté, d’affinité, d’ordre sacré ou de vœu, mais seulement par le précepte de chasteté.

2o D’une femme libre ayant déjà perdu sa virginité, comme fornication simple, elle se distingue du stupre dont nous aurons bientôt occasion de parler.

3o D’un consentement mutuel, par ces mots, la fornication se distingue du rapt.

Il y a trois sortes de fornication : la fornication simple, le concubinage et la prostitution ; nous allons en traiter dans un triple paragraphe.


§ I. — De la fornication simple


La fornication simple est celle qui résulte d’un commerce passager avec une ou plusieurs femmes.

Les Nicolaïtes et les Gnostiques, hérétiques impurs des premiers siècles, s’appuyant sur des raisons diverses, ont prétendu que la fornication simple était licite. Durand, s’appuyant sur le droit naturel, la regardait comme un péché seulement véniel, qui ne devenait mortel qu’en présence du droit positif. Caramuel, venu après lui, disait qu’intrinsèquement elle n’était pas une action mauvaise, mais défendue seulement par le droit positif.


Proposition. — La fornication simple est intrinsèquement une action mauvaise et constitue un péché mortel.


Preuve. Cette proposition, admise par tous les moralistes chrétiens, se prouve par l’écriture sainte, par le témoignage des pères de l’Église, par l’autorité des conciles et des pontifes et par la raison.

1o Par l’écriture sainte : Parmi les textes nombreux que nous pourrions rapporter, choisissons-en seulement quelques-uns : I. aux Corinth. 6. 9 et 10 : Ni les fornicateurs, ni ceux qui s’adonnent au culte des idoles, ni les adultères ne posséderont le royaume de Dieu : aux Gal. 5. 19 et 21 : comme dessus aux Eph. 55 : sachez que ni les fornicateurs ni les impurs n’auront de place dans le royaume du Christ et de Dieu. Le B. Jean, dans l’Apocalypse, 21. 81. place les fornicateurs, dans la vie future, dans un étang de feu et de souffre.

Il est certain, d’après ces textes, que la fornication, l’impureté, l’adultère et le culte des idoles, sont, intrinsèquement, des actions mauvaises, et constituent des péchés mortels.

2o Par le témoignage des pères : Saint-Fulgent, Épît. 1, chap. 4 : La fornication ne peut jamais exister sans un grave péché. Saint-Chrisost. Homélie 22. II. aux Corinth. Autant de fois tu auras fréquenté les femmes de mauvaise vie, autant de fois tu auras prononcé ta propre condamnation.

3o Par l’autorité des conciles et des souverains pontifes. Concile de Vienne, Clément, l. 5. t. 3. ch. 3, condamne cette proposition des Béguins : le baiser d’une femme, lorsque la nature n’y porte pas, est un péché mortel, mais l’acte charnel n’est pas un péché lorsque la nature commande, et surtout lorsque la tentation porte à s’y livrer. Le concile de Trente, sess. 24, ch. 8 de la réf. matr. déclare que le concubinage est un péché grave.

Innocent XI, en 1679, a condamné la proposition suivante de Caramuel : Il est de la plus haute évidence que la fornication ne porte, en soi, aucune malice, et qu’elle est seulement mauvaise, parce qu’elle est interdite, afin que toute opinion contraire paraisse tout à fait opposée à la raison.

4o Par la raison : L’union charnelle ne peut être permise que dans le but de la production de l’espèce ; c’est à cette seule fin qu’elle a été instituée ; or, il ne suffit pas de donner le jour à des enfants, il faut encore les nourrir, les soigner, les élever, les instruire ; de là, pour les parents, l’obligation naturelle de remplir des devoirs nombreux qui exigent, du reste, une longue cohabitation. Or, la simple fornication est évidemment contraire à ces devoirs, puisque, de sa nature, elle est un acte passager, et qu’un accouplement pareil n’oblige, par aucun lien, à la cohabitation. Donc, elle est intrinsèquement mauvaise.

En outre, le bonheur de la société dépend de l’honnête institution des familles ; or, l’honnête institution des familles suppose le mariage ; donc, la simple fornication qui détruit les droits, les devoirs et les avantages du mariage est très-mauvaise de sa nature.

De plus la fornication avec un infidèle ou un hérétique constitue un péché bien plus grave à cause de l’outrage fait ainsi à la véritable religion.

Mais, direz-vous : 1o Dieu ordonna à Osæ, c. 1. v. 2, de prendre pour épouse une femme débauchée ; et, d’après les actes des apôtres 15. 29. la fornication est défendue comme l’usage de la chair des victimes, des animaux étouffés et du sang ; donc la fornication n’est une action mauvaise que d’après le droit positif.

R. Je nie la conséquence. En effet : 1o Dieu ordonna à Osæ, non pas de forniquer, mais de prendre pour épouse une femme débauchée, ce qui est bien différent : 2o La fornication est expressément prohibée par les apôtres, parce que les gentils prétendaient qu’elle était licite ; et il n’est pas dit, dans les actes, qu’elle n’est pas défendue par le droit divin et naturel ; l’ancienne loi l’avait déjà plusieurs fois interdite 1o par le sixième précepte du décalogue ; 2o la jeune fille qui se laissait enlever sa virginité était lapidée, parce qu’elle avait commis une infamie dans Israël. (Deut. 22. 21.) ; 3o Dieu avait dit à Moïse que les fils d’Israël ne se livrent pas à la débauche (Deut. 23. 17.) ;

2o Ceux qui, me direz-vous, se livrent volontairement à la fornication ne font injure à personne, donc ils ne font pas une chose mauvaise de sa nature.

R. Je nie la conséquence, car la fornication est mauvaise, non parce qu’elle fait tort à quelqu’un, mais parce qu’elle viole un ordre divin.

Vous objecterez qu’il est préférable de créer des enfants par la fornication que de les laisser dans le néant et qu’ainsi on ne viole pas les ordres divins.

R. Je nie la conséquence. Nous avons déjà vu qu’il ne suffit pas d’avoir l’intention de créer des enfants ; d’un autre côté, cette allégation tendrait à prouver que l’adultère est permis, puisqu’il serait mieux d’avoir des enfants par l’adultère que de ne pas en avoir du tout.

La prostitution et le concubinage se rattachant à la fornication, nous en parlerons en peu de mots.


§ II. — Du Concubinage


Le concubinage est le commerce d’un homme libre avec une femme libre, et qui demeurant, soit dans la même maison, soit dans des maisons séparées, vivent ensemble, comme s’ils étaient mariés.

Il est certain que le concubinage ainsi compris étant un péché beaucoup plus grave que la fornication simple, à cause de la disposition au péché dans laquelle l’esprit se trouve habituellement, cette circonstance doit être dévoilée dans la confession.

Le Concile de Trente, sess. 24, c. 14 de la réf., a décrété des peines très-graves contre ceux qui vivent en concubinage, et dans la sess. 25, c. 14 de la réf., contre les clercs qui se livrent honteusement à ce vice. Mais ces peines doivent être prononcées par une sentence, et plusieurs d’entre elles n’ont jamais été admises en France, telles que l’expulsion hors de la ville ou hors du diocèse des personnes vivant en concubinage, le secours du bras séculier invoqué au besoin. Et pourtant, ce mal n’a pas été jugé moins grave chez nous que chez les étrangers.

On demande si celui qui vit en concubinage peut être absous avant d’avoir renvoyé sa concubine.

R. 1o Si le concubinage a été public, ni l’une ni l’autre des personnes qui vivent dans cet état ne peut régulièrement être absoute, bien qu’elle paraisse avoir le repentir, avant qu’une séparation publique ait eu lieu, car outre la séparation, il est nécessaire de donner une satisfaction proportionnée au scandale et, ordinairement, cette satisfaction ne peut être obtenue que par la séparation.

De là, plusieurs auteurs ont conclu que celui qui est réputé vivre en concubinage, bien qu’il soit accusé à tort, ou que les rapports intimes aient cessé depuis longtemps, n’en est pas moins tenu, à cause du scandale, de chasser ou d’abandonner la femme sur laquelle pèse une si abominable réputation. Voy. Billuart, t. 13, p. 351.

C’est d’autant plus vrai lorsqu’il s’agit de clercs qui doivent soigneusement conserver leur réputation, car lorsqu’elle est une fois atteinte, ils ne peuvent la recouvrer qu’en rompant aussitôt toute relation avec la femme suspecte.

J’ai dit régulièrement parce que, si celui qui vit en concubinage se trouvant à toute extrémité ne peut renvoyer sa compagne ou s’il est tellement délaissé qu’après l’avoir renvoyée il ne trouve personne qui veuille lui faire le nécessaire, alors il doit être absous et muni des derniers sacrements, pourvu qu’il soit jugé véritablement repentant et que, devant les assistants, il promette que, rendu à la santé, il chassera cette même femme, et n’aura plus aucune relation avec elle ; dans une pareille nécessité, le scandale se répare comme il peut l’être, car à l’impossible nul n’est tenu.

À plus forte raison les sacrements de l’Église doivent être administrés à la concubine qui se repent de sa vie passée avec un ferme propos de ne plus pécher à l’avenir, si elle ne peut sortir de la maison de celui avec lequel elle vit en concubinage, ou que ses douleurs soient trop violentes, ou qu’elle se trouve dans un danger imminent de mort ou qu’elle soit privée de tout refuge.

Mais, ces cas exceptés, la séparation doit être exigée même in extremis et la confession du moribond ne doit être entendue que lorsqu’il a été donné satisfaction à Dieu et aux hommes par le renvoi de la femme ou par son départ volontaire.

R. 2o Mais si le concubinage est secret, que le commerce ait déjà cessé ou non, on doit d’abord fortement conseiller la séparation parce qu’il est moralement impossible qu’une pareille cohabitation n’amène pas quelque danger de rechute. Cependant, nous sommes d’avis qu’elle ne doit pas être exigée sous peine de refus de l’absolution, surtout si on prévoit qu’il doive en résulter un scandale, le déshonneur ou autre grave danger.

Nous supposons qu’on juge sincère la résolution de ne plus pécher et qu’on a espoir dans la persévérance. Ainsi pensent Navarrus, Billuart, St Ligori et plusieurs autres.

Si, nonobstant cette résolution, il survient des rechutes, l’absolution doit être différée et, ordinairement, la séparation doit être prescrite, car alors la persévérance est, avec raison, jugée improbable. Mais si le commerce illicite n’a pas volontairement cessé, que doit-on faire ?

R. 1o Si le pénitent est à toute extrémité et déteste ses péchés, il doit être absous et muni des autres sacrements aux conditions déjà énoncées dans l’explication du mot régulièrement, sans toutefois être tenu à la promesse devant témoins.

R. 2o Mais si la mort n’est pas imminente, le pénitent qui vit secrètement en concubinage ne doit pas, ordinairement, être absous avant que la séparation ait eu lieu, parce qu’il se trouve dans l’occasion prochaine de pécher : Dieu et la nature, du reste, nous imposent l’obligation formelle de fuir l’occasion prochaine de pécher. Aussi, Alexandre VII a-t-il condamné la proposition suivante : Celui qui vit en concubinage n’est pas obligé de renvoyer sa concubine si elle est par trop utile au charme de sa vie, vulgairement régal ; si elle venant à lui manquer, il doit tomber dans un trop grand chagrin ; si des mets préparés par d’autres doivent lui être insupportables et s’il lui est trop difficile de trouver une autre servante. Ici, on suppose la résolution de ne pas tomber dans le péché, et, cependant cette proposition est déclarée fausse.

J’ai dit ordinairement : car il y a des cas dans lesquels l’absolution doit être donnée sous la seule promesse de séparation, et même sur la seule résolution de ne plus pécher par la suite ; à savoir : 1o Si, à différents indices on reconnaît que le pénitent est véritablement repentant, et qu’au premier ou second avertissement il promette de cesser le commerce ;

2o Si du refus de l’absolution il doit résulter déshonneur ou scandale grave, si une jeune fille devait être soupçonnée de mener une mauvaise vie parce qu’elle n’approcherait pas de la sainte table, ou si un prêtre devait scandaliser le public en ne célébrant pas la messe de paroisse.

On suppose la vraie contrition.

3o On ne doit pas exiger la séparation quand elle est impossible, comme lorsque c’est une fille ou un fils de famille qui commettent le péché avec un domestique ou une servante de la maison paternelle. On éprouve d’abord ceux qui sont dans ce cas, en différant l’absolution, et s’ils éloignent l’occasion d’une faute prochaine et qu’on juge qu’ils ont le repentir sincère du péché, on devra leur donner l’absolution.

4o Lorsque deux personnes vivant secrètement en concubinage, ou seulement soupçonnées d’impudicité, ne peuvent se séparer sans grave danger de déshonneur ou de scandale, il faut faire de grands efforts pour les corriger, d’abord en refusant, ensuite en donnant l’absolution s’ils persévèrent dans leur résolution. Billuart, t. 13. p. 352, dit que, dans ce cas, il ne voudrait condamner ni le pénitent, ni le confesseur. Je ne serai pas plus rigoureux que lui.


§ III. — De la prostitution


La prostitution est un métier ou un acte comme métier, c’est la condition d’une femme prête à recevoir le premier venu et ordinairement pour de l’argent ; comme fait, c’est l’union charnelle d’un homme avec une telle femme, ou d’une telle femme avec l’homme qui se présente.

Il est certain que la femme qui se livre à la prostitution commet un plus grave péché que celle qui se livre à la simple fornication, ou même que la concubine, à cause de sa disposition d’esprit, du scandale et du préjudice causé à la propagation de l’espèce. Aussi, les courtisanes ont-elles toujours été regardées comme la lie et l’opprobre du genre humain. Il ne suffit donc pas qu’une courtisane déclare en confession le nombre de ses fornications, elle doit déclarer son état de courtisane.

Cependant, Sylvius, Billuart, Dens et d’autres théologiens enseignent comme très-probable que l’homme qui a forniqué avec une courtisane n’est pas tenu de déclarer cette circonstance, parce que toutes choses égales d’ailleurs, cette fornication, à leurs yeux, ne constitue pas une faute plus grave.

Il n’est pas inutile de rapporter ici les dispositions du code pénal contre les corrupteurs :


« Quiconque aura attenté aux mœurs, en excitant, favorisant ou facilitant habituellement la débauche ou la corruption de la jeunesse de l’un ou de l’autre sexe au dessous de l’âge de vingt-un ans, sera puni d’un emprisonnement de six mois à deux ans, et d’une amende de cinquante fr à cinq cents fr.

« Si la prostitution ou corruption a été excitée, favorisée ou facilitée par leurs pères, mères, tuteurs ou autres personnes chargées de leur surveillance, la peine sera de deux ans à cinq ans d’emprisonnement, et de trois cents francs à mille francs d’amende. Code pénal, art. 334. »

En outre, le tuteur sera privé de la tutelle, pour un temps déterminé, et du droit de faire partie des conseils de famille ; s’il s’agit du père ou de la mère, ils seront privés des droits énumérés dans le l. 1, Tit 9 du code civil (C. P. 335.)


On demande s’il convient de tolérer les femmes publiques.

R. Les théologiens expriment à ce sujet une double opinion.

Beaucoup disent, en effet, que la chose est permise, afin d’éviter des péchés bien plus grands, à savoir : la sodomie, la bestialité, les mouvements voluptueux et la séduction des femmes honnêtes : Faites disparaître les courtisanes, vous mettrez le trouble partout par la débauche, dit St Augustin, De l’Ordre, L. 2, chap. 4, no  12, (T. 1, p. 335). S. Thomas, Opusc. 20, L. 4, c. 24, et des auteurs nombreux se rangent à cette opinion.

Beaucoup d’autres, au contraire, soutiennent la doctrine opposée, affirmant d’après l’expérience que la tolérance de la prostitution est une occasion de ruine pour beaucoup de jeunes gens, en excitant les flammes de la passion, et qu’ainsi les péchés de luxure se multiplient au lieu de diminuer. Voy. Concina, T. 15, p. 238, et St Ligori, L. 3, no  434.

Quoique cette dernière doctrine nous paraisse la plus probable, nous sommes cependant d’avis qu’on doit absoudre les magistrats qui affirment de bonne foi se trouver dans l’impossibilité de faire disparaître cette calamité. Dans le doute, en effet, ce n’est pas au confesseur à décider de la conduite qu’ont à tenir ceux qui ont les plus difficiles missions, comme les juges, les magistrats, les généraux d’armée, les rois, les ministres, etc.

Nous traiterons la question de savoir s’il est permis de louer une maison à des courtisanes, au mot Location, dans le traité des contrats, T. 6, p. 316.


ARTICLE II

DU STUPRE


On appelle généralement stupre toute union charnelle illicite : Ainsi, dans le Lévit. 21, 9 et dans les Nomb. 5, 13, l’union charnelle de la fille d’un prêtre — à l’époque dont il est question, les prêtres se mariaient et avaient une famille, — et l’adultère sont qualifiés de la même manière. Si quelqu’un accomplit l’acte charnel en employant la violence, il tombe — pour notre diocèse — dans un cas réservé, comme le porte l’Enchiridion, p. 7, et la justice civile prononce contre lui la peine de la réclusion.


Quiconque aura commis le crime de viol ou sera coupable de tout autre attentat à la pudeur, consommé ou tenté avec violence, contre des individus de l’un ou de l’autre sexe, sera puni de la réclusion, Code pénal, art. 332.

Si le crime a été commis sur la personne d’un enfant au-dessous de l’âge de quinze ans accomplis, le coupable subira la peine des travaux forcés à temps, ibid., art. 332.

La peine sera celle des travaux forcés à perpétuité, si les coupables sont de la classe de ceux qui ont autorité sur la personne envers laquelle ils ont commis l’attentat, s’ils sont ses instituteurs ou ses serviteurs à gages, ou s’ils sont fonctionnaires publics, ou ministres d’un culte, ou si le coupable, quel qu’il soit, a été aidé dans son crime par une ou plusieurs personnes. Ibid., art. 353.


Le stupre, cependant, en tant que crime d’une nature particulière, est qualifié par beaucoup de théologiens, violence, et mieux, par d’autres, défloration illicite d’une vierge.

Par le mot vierge, on n’entend pas ici une personne qui n’a jamais péché contre la chasteté, mais celle qui a conservé l’intégrité de la chair, ou mieux ce qu’on appelle — le sceau de la virginité — et qui est aux yeux du monde d’un prix inestimable.

Il est certain que la défloration violente d’une vierge, outre l’offense à la chasteté, revêtant une grave malice et une grande injustice, il est nécessaire de préciser le cas dans la confession. Quelle est, en effet, la jeune fille honnête qui ne préférerait perdre une somme d’argent que d’être ainsi déflorée ?

S’il arrivait qu’un homme fût entraîné, par violence, dans le crime, par des femmes perdues de mœurs, ce serait un stupre ou quelque chose de semblable qu’il faudrait certainement déclarer en confession. Mais, le cas étant à peine possible, nous parlerons seulement du stupre de la jeune fille.

Par le mot violence, on entend non-seulement la violence physique, mais encore la violence morale, telle que la crainte, la fraude, les prières importunes, les grandes promesses, les caresses, les attouchements et tout ce qu’un homme rusé sait mettre en œuvre pour déterminer une jeune fille inexpérimentée à commettre le péché.

Les théologiens, cependant, ne sont pas d’accord sur le point de savoir si le stupre d’une fille vierge consentant librement à sa défloration, est un péché spécial de luxure différent de la fornication simple : D. Soto, Sanchez, Lessius, S. Ligori et plusieurs autres disent non ; ils avouent, cependant, que cette fornication est un péché d’une nature spéciale, à cause du déshonneur qui en résulte, du chagrin des parents, des rixes qu’elle peut entraîner, et de l’odieux et du scandale qui en résulte.

Le plus grand nombre des théologiens, et en particulier S. Thomas, S. Bonaventure, Sylvius, Collet, Billuart, Dens, disent qu’à leur avis elle a une malice spéciale opposée à la chasteté et ils appuyent leur décision par les raisons suivantes :

1o Elle outrage les parents de la jeune fille sous la sauvegarde desquels avait été placée cette intégrité ;

2o En commettant cette faute, la jeune fille s’expose au danger évident de ne pas trouver à se marier, et ainsi elle pèche contre la prudence ;

3o Elle entre dans la voie de la prostitution d’où la détournait la crainte de perdre le sceau de sa virginité ; ce sont les paroles de saint Thomas, 2. 2, q. 154, art. 6 ;

4o Les péchés se spécifient par opposition à la vertu contraire : Or, la virginité est une vertu spéciale, et l’intégrité de la chair est un bien spécialement attaché à cette vertu.

Ces dernières raisons ne sont détruites ni par le consentement de la jeune fille ni par celui des parents ce qui réduit à néant la raison fondamentale des défenseurs de l’autre système et qui est basée sur cet axiome partout admis : On ne saurait faire tort à celui qui sait et qui consent. En effet, il est nécessaire que celui qui sait et qui consent ait la faculté de céder son droit ; or, dans l’ordre, la jeune fille n’a pas le droit de commettre une faute contraire à la virginité. D’ailleurs, le péché dont il s’agit ne forme pas une espèce à part, à cause du déshonneur ou de l’injustice qui en résulte, mais à cause d’un désordre spécial, parce qu’il est en opposition avec une vertu particulière.

Donc le stupre, même volontaire, est un péché spécial de luxure et, comme le Concile de Trente, Sess. 14, Can. 7, a posé en principe qu’il est nécessaire d’après le droit divin, de déclarer en confession les circonstances qui changent l’espèce du péché, il se présente cette autre question qui ressort d’une pratique continuelle, à savoir, si ceux qui sont volontairement coupables de stupre, soit de fait, soit par désirs, soit par délectation, sont tenus de déclarer la circonstance de virginité. Les théologiens se prononcent, en général, pour l’affirmative, et regardent cette nécessité comme une conséquence du principe admis.

Comme cependant, dit Sylvius, T. 13, p. 835, la décision contraire ne manque pas de probabilité, nous ne croyons pas damnés ceux qui ne s’informent pas d’une jeune fille qui se confesse sur ces matières, si elle est vierge ou déjà flétrie.

Billuart, et avec lui T. 13, p. 357, Wiggers, Boudart et Daelman, soutiennent que la circonstance de virginité, dans le stupre volontaire, n’ajoute pas de malice à la simple fornication, mais seulement une faute vénielle ; que, par conséquent, il n’est pas nécessaire de la déclarer en confession. En effet, si cette malice était mortelle de sa nature, à plus forte raison aurait-elle ce caractère parce que, comme dit saint Thomas, la jeune fille, par la rupture du sceau de la virginité, serait jetée dans la voie de la prostitution, ou parce qu’il en résulterait, pour ses parents, un grave déshonneur. Mais la jeune fille ne paraît pas, par ce fait, être mise dans le danger immédiat de se prostituer et si elle se prête librement au stupre, du consentement de ses parents ou à leur insu, il n’en résulte pour eux aucune injure grave.

En outre, si la malice du stupre volontaire était toujours mortelle, la jeune fille, s’accusant de jouissances vénériennes, serait tenue de déclarer si elle est vierge ou non, en sorte qu’à l’occasion d’une faute purement intérieure et peut-être douteuse, elle devrait, en quelque sorte, faire une confession générale ; de même, l’homme qui aurait désiré posséder une femme serait obligé de déclarer s’il l’avait crue vierge ou déflorée. Si le pénitent ou la pénitente ne s’expliquaient pas sur le point dont il s’agit, l’obligation de les interroger incomberait au confesseur : Or, la chose deviendrait intolérable, et le commun des pénitents et des confesseurs répugne à cette pratique.

De plus, les auteurs enseignent généralement que le fait de la virginité, chez l’homme se livrant volontairement au péché, n’ajoute pas une malice mortelle à la simple fornication. Or, la différence entre la perte de la virginité chez l’homme ou chez la jeune fille ne paraît pas si grande, que le stupre soit mortel dans un cas et non pas dans l’autre. Billuart, T. 13, p. 360, déclare qu’avant de se ranger à cette opinion, il s’était créé et avait occasionné aux autres de graves ennuis, en se livrant à ces interrogatoires, et que, rarement, il en avait obtenu un résultat satisfaisant. J’avoue, moi aussi, que cela m’est arrivé plus d’une fois, dans les premières années de mon sacerdoce. C’est pourquoi je m’abstiens prudemment de ces questions honteuses, toutes les fois qu’elles me paraissent indiscrètes, en me basant sur les raisons suivantes :

1o La probabilité de l’opinion déjà exposée ;

2o La difficulté de se ranger à une autre opinion ;

3o Le danger de scandaliser les pénitents et de leur donner de l’aversion pour le tribunal sacré ;

4o La bonne foi dans laquelle sont, ordinairement, les fidèles vis-à-vis de l’obligation de déclarer une pareille circonstance.

D’ailleurs, l’intégrité de la confession n’oblige pas à s’exposer à de pareils inconvénients.


ARTICLE III

DU RAPT


Le rapt, de sa nature, est une violence faite à toute personne, ou à ses parents, dans le but d’assouvir la passion. Cette définition s’applique également au rapt par violence et au rapt par séduction, et elle est conforme aux définitions que nous avons données, de l’un et de l’autre, dans notre traité du mariage.

Nous disons : 1o Violence, supprimant la circonstance d’amener d’un lieu dans un autre que les théologiens exigent ordinairement, parce qu’il peut arriver, en effet, que la violence soit faite à la femme dans le lieu où elle se trouve. Or, la violence peut être physique, ce qui est facilement compris par tout le monde, ou morale, lorsqu’elle est faite à une mineure, par crainte grave d’une manière absolue ou relative, par prières importunes, par caresses ou autres amorces à la concupiscence.

La fornication avec une fille mineure consentante, à l’insu de ses parents, et sans qu’elle soit amenée d’un lieu dans un autre, ne constitue pas, à proprement parler un rapt, parce qu’il n’est exercé aucune violence ; mais il en résulte une véritable injure pour les parents qui avaient la garde de la chasteté de leur fille.

Nous avons dit : 2o à toute personne, parce que toute personne, qu’elle soit vierge ou débauchée, libre ou mariée, laïque ou consacrée à Dieu, mâle ou femelle, peut être l’objet d’un rapt.

De même celui qui ferait violence à sa fiancée ou qui l’entraînerait contre le gré de ses parents, si elle était encore mineure, commettrait un véritable rapt, car les fiançailles ne confèrent pas le droit de faire de telles choses.

Nous avons dit : 3o ou à ses parents : Par ces paroles on entend le rapt par séduction, ainsi que nous l’avons exposé dans le traité du mariage. Nous avons dit : 4o dans le but d’assouvir la passion, et non dans le but d’arriver au mariage, car nous avons traité ailleurs du rapt considéré à ce point de vue.

Le rapt ainsi défini forme une espèce, à part, de luxure qu’on doit déclarer en confession : car ce péché, outre qu’il est contraire à la chasteté, constitue une grave injustice envers la personne qui est l’objet de la violence.

Il diffère aussi de l’adultère, parce que l’adultère viole la justice d’une autre manière que le rapt. De même le viol d’une jeune fille endormie ou ivre constitue un grave péché contre la justice ; ce n’est pas un rapt, mais une tromperie ; il en est de même de la corruption, sans violence, d’une personne qui n’a pas l’usage de la raison ou qui ignore ce genre de péché.

Le rapt revêt donc une malice spéciale qui en fait un péché spécial contre la chasteté.

L’excommunication prononcée par le concile de Trente, Sess. 24, Ch. 6, de la ref. matr., contre les ravisseurs et ceux qui leur prêtent la main, est encourue par le seul fait de rapt par violence, mais non pas de rapt par séduction. Cette excommunication est appliquée en France.

De plus, le ravisseur est naturellement tenu de conduire la jeune fille dans un lieu sûr, si elle l’exige, ou de la doter, outre une satisfaction convenable qu’il doit lui offrir, de même qu’à ses parents.

À défaut du ravisseur, ceux qui ont efficacement coopéré au rapt sont tenus, soit envers la jeune fille, soit envers les parents, et, autant que faire se peut, à l’entière réparation de l’injustice causée.

On demande ce que doit faire une femme prise de force afin de ne pas être coupable devant Dieu.

R. 1o Elle doit intérieurement repousser toute participation au plaisir, quelle que soit d’ailleurs la violence extérieure qui lui est faite, sans quoi elle pècherait mortellement ;

2o Elle doit se défendre de toutes ses forces, avec ses mains, ses pieds, ses ongles, ses dents et tous autres instruments, mais de manière à ne pas tuer ou gravement mutiler l’agresseur. Beaucoup de théologiens pensent que la vie et les principaux membres sont plus précieux que l’honneur qu’ils supposent ici n’être que matériellement atteint. Beaucoup d’autres, cependant, soutiennent l’opinion contraire, par des raisons puisées dans notre théologie morale, T. 5, p. 392, 4e édit.

3o Si elle espère qu’il puisse lui être porté secours, elle doit crier et invoquer l’assistance d’autrui ; car si elle n’oppose pas les résistances qui paraissent en son pouvoir elle semble consentir.

Or il vaudrait mille fois mieux mourir que de céder à un pareil danger. Aussi une jeune fille qui se trouve dans cette extrémité, craignant, avec raison, de consentir aux sensations vénériennes, cst-elle tenue de crier même au péril évident de sa vie, et alors elle est martyre de la chasteté. C’est ce que décident, généralement, les auteurs contre un petit nombre de probabilistes. Mais, le danger prochain de consentement écarté, il est généralement admis que la jeune fille n’est pas tenue de crier au péril de sa vie et de sa réputation, parce que la vie et la réputation sont des biens de l’ordre le plus élevé. Mais il est presqu’impossible, comme le dit Billuart, T. 13, p. 368, que le danger n’existe pas.


ARTICLE IV

DE L’ADULTÈRE


L’adultère, comme son nom l’indique, dit St Thomas, 22, q. 154, art. 8, consiste à entrer dans le lit d’autrui. Il peut être commis de trois manières :

1o Entre un homme marié et une femme libre ;

2o Entre un homme libre et une femme mariée ;

3o Entre un homme marié et la femme d’un autre.

L’adultère, dans ce triple cas, est un péché de luxure d’une nature spéciale et certainement très-grave, ainsi que l’enseignent l’écriture sainte, les SS. Pères, la pratique de l’Église, le consentement des peuples et la raison.

1o L’Écriture sainte, Deut. 22, 22 : Si un homme a dormi avec la femme d’un autre, que l’homme et la femme adultères soient mis à mort et vous ferez disparaître un scandale dans Israël. Dans les versets précédents, une semblable punition n’est pas appliquée à la fornication, qui est cependant déclarée une action mauvaise. Dans beaucoup d’autres passages, l’Écriture distingue les fornicateurs des adultères et nous les montre comme dignes des peines les plus graves. Ex. 1 Aux Corinth. 6, 9 : Ne vous y trompez pas ; ni les fornicateurs…… ni les adultères ne posséderont le royaume de Dieu.

2o Les Saints Pères sont unanimes pour enseigner que l’adultère est un grave péché et diffèrent des autres modes de fornication.

3o L’Église, en décrétant les peines canoniques, a décidé qu’il devait en être appliqué de bien plus graves aux adultères qu’aux simples fornicateurs.

4o Le consentement des peuples : On voit, par l’histoire de toutes les nations, que l’adultère a toujours été regardé comme une grave faute et distincte de la simple fornication.

Ainsi l’ont décidé les plus célèbres législateurs, comme Solon chez les Grecs, Romulus à Rome, et les auteurs de notre code pénal qui ont écrit dans l’art. 337 : La femme convaincue d’adultère subira la peine de l’emprisonnement pendant trois mois au moins et deux ans au plus. Le complice de la femme est passible de la même peine, et, de plus, d’une amende de 100 à 200 francs.


Le meurtre commis par l’époux sur l’épouse, ou par celle-ci sur son époux, n’est pas excusable, si la vie de l’époux ou de l’épouse qui a commis le meurtre, n’a pas été mise en péril dans le moment même où le meurtre a eu lieu. Néanmoins, dans le cas d’adultère, le meurtre commis par l’époux sur son épouse, ainsi que sur le complice, à l’instant où il les surprend en flagrant délit dans la maison conjugale, est excusable. Code pénal, art. 324.

L’article 326 prononce cependant, contre le meurtrier, la peine de 1 à 5 ans d’emprisonnement.


5o Enfin, par la raison : car outre la malice qu’il ajoute à la fornication, l’adultère a pour graves conséquences la rupture de la foi conjugale et le trouble des familles, d’où il résulte une grave injustice.

Il suit de là que les relations (littéralement faire la chose) entre un homme marié et une femme libre, constituent un péché de luxure d’une gravité spéciale ; mais beaucoup plus grave, si elles ont lieu entre un homme libre et une femme mariée, à cause du danger d’introduire des étrangers dans une famille. Il est surtout beaucoup plus grave si les relations ont lieu entre deux personnes mariées, parce qu’il en résulte un double adultère. Ces circonstances doivent donc être dévoilées dans la confession.

On demande si la femme qui se livre à un autre, du consentement de son mari, commet un adultère.

R. Quelques probabilistes se sont prononcés pour la négative ; ils ont au moins prétendu que, dans ce cas, il n’était pas nécessaire de déclarer, en confession, la circonstance d’adultère. Mais Innocent XI a condamné la proposition suivante : L’union charnelle avec une femme mariée, du consentement du mari, ne constitue pas un adultère ; il suffit donc de dire, en confession, que l’on a forniqué.

Cette décision du souverain pontife est basée sur une raison évidente : En effet le mari, par la force même du contrat et de la raison qui a présidé à l’institution du mariage, a le droit de se servir de sa femme selon l’ordre de propagation de l’espèce, mais il ne peut ni la céder, ni la prêter, ni la louer à un autre, sous peine de pécher contre l’essence du mariage ; son consentement ne peut donc rien enlever à la malice de l’adultère. Le cas est semblable à celui d’un clerc qui ne peut valablement renoncer au privilége de la loi canonique qui prononce l’excommunication contre celui qui le frapperait injustement, parce que ce privilége est attaché à la cléricature elle-même.

Mais le mari, dans ce cas, est censé avoir renoncé à l’indemnité qui lui serait due, de même qu’à la réparation de l’injure qu’il a subie.

Le commerce charnel avec une personne fiancée à un autre ou de la personne fiancée avec une personne libre n’est pas, à proprement parler, un adultère, parce qu’il ne consiste pas à entrer dans le lit d’un autre ; c’est cependant un péché d’injustice d’une nature spéciale que l’on doit déclarer en confession, à cause du lien que les fiançailles ont commencé d’établir.


ARTICLE V

DE L’INCESTE


L’inceste est l’union charnelle entre parents, par consanguinité ou par alliance, aux degrés prohibés.

On doit certes, naturellement, le respect à ses parents, et par conséquent à ceux qui leur sont unis par des liens rapprochés du sang ou de l’affinité. C’est pourquoi l’union illicite avec eux revêt une double malice dont l’une est opposée à la chasteté et l’autre au respect que l’on doit à ses parents, soit par consanguinité, soit par alliance. Aussi ce péché a-t-il toujours été regardé comme une espèce particulière de luxure et d’ailleurs très-grave. Dans le Lévitique, 20, il est puni de la peine de mort. Paul, I aux Corinth. 5, 1, nous dit : On entend dire qu’il y a parmi vous des fornicateurs comme il ne s’en trouve pas chez les Gentils : Il y en a qui ne respectent pas la femme de leur père. Voilà pour quoi ce genre d’unions inspire plus d’horreur que la simple fornication.

Les théologiens ne sont pas d’accord sur le point de savoir s’il y a une seule ou plusieurs espèces d’incestes. Un grand nombre prétendent qu’ils sont de différentes espèces, parce qu’il y a une malice spéciale dans l’union charnelle entre parents par consanguinité qu’on ne trouve pas lorsqu’elle a lieu entre parents par alliance. Lorsqu’il s’agit du coït d’un fils avec sa mère ou d’un père avec sa fille, l’inceste est encore différent de l’inceste entre parents d’un degré plus éloigné de consanguinité ou d’affinité. C’est ainsi que pense Concina, qui dit, t. 15, p. 282, que cette opinion est la plus ordinaire et la plus probable.

Cependant, l’opinion contraire nous paraît beaucoup plus probable et plus ordinaire ; tous les incestes, en effet, sont contraires à la même vertu : le respect dû à ses parents. Ils diffèrent donc par leur plus ou moins de gravité, mais non par une malice particulière ; ils sont de la même espèce.

Quoiqu’il en soit de cette controverse, au point de vue spéculatif, il est certain que l’obligation existe de déclarer, en confession, si l’inceste a eu lieu entre parents par alliance ou par consanguinité, en ligne directe ou collatérale, et à quel degré sans cela, la malice de cet acte ne serait pas suffisamment dévoilée. À qui persuaderait-on, en effet, que l’union charnelle d’un fils avec sa mère, d’un frère avec sa sœur, etc., est suffisamment déclarée sous la dénomination générale d’inceste ? On doit donc déclarer les divers degrés auxquels le mariage est prohibé.

Néanmoins, plusieurs théologiens pensent, avec raison, que le pénitent ne doit pas être poussé à déclarer les degrés éloignés de la ligne collatérale, attendu que cette circonstance n’est pas mortellement aggravante, lorsqu’il s’agit par exemple des troisième et quatrième degrés de consanguinité ou d’affinité.

Il y a encore les incestes aux degrés prohibés de parenté spirituelle ou légale. Non-seulement ils sont entre eux de différente nature, mais ils se distinguent, en outre, de l’inceste entre parents par consanguinité ou par affinité ; car il est évident qu’ils sont d’une gravité différente. L’inceste dans la parenté spirituelle constitue, en effet, une irrévérence envers les sacrements de baptême ou de confirmation, tandis que l’inceste dans la parenté légale n’a qu’une certaine ressemblance avec l’irrévérence à l’égard des parents, que l’on trouve dans l’inceste aux degrés prohibés de consanguinité ou d’affinité.

L’union charnelle entre personnes qui ne peuvent contracter mariage pour cause d’empêchement d’honnêteté publique, se rapporte à l’inceste.

Certains veulent même que le péché de la chair, entre un confesseur et sa pénitente, se rapporte à l’inceste ; d’autres sont d’une opinion contraire. Mais, quelle que soit l’opinion à laquelle on se range, il est certain, cependant, que cette circonstance est très-aggravante et qu’il est, pour cela, nécessaire de la déclarer en confession, surtout si c’est à l’occasion du sacrement que le confesseur a séduit une jeune fille (ou un jeune homme), parce qu’il a commis un horrible péché contre son propre et saint ministère.

Il commettrait un péché encore bien plus grand et plus contraire à la justice, s’il induisait dans le crime une paroissienne dont il sait que le salut éternel lui a été confié. Une telle action est quelque chose de monstrueux dans l’ordre moral, qui peut être comparé au seul parricide et qui le surpasse.

De même, un tuteur qui corromprait sa pupille, commettrait une espèce d’inceste et serait tenu de dévoiler cette circonstance en confession.

Enfin, les actes vénériens accomplis entre personnes du même sexe, liées entre elles par l’affinité, la consanguinité, ou de toute autre manière, participent de la nature de l’inceste, et les circonstances d’une pareille union doivent être dévoilées.

Il convient de faire observer, ici, que l’inceste entre parents du premier ou du second degré de consanguinité ou d’affinité, constitue, pour notre diocèse, un cas réservé, ainsi que le porte l’Enchiridion, p. 7. De plus, il produit l’affinité.


ARTICLE VI

DU SACRILÉGE


Le sacrilége, en tant que péché de luxure, est la profanation d’une chose sacrée par l’acte charnel. Il constitue, indubitablement, une espèce de luxure à part, car, outre le péché contre la chasteté, il renferme évidemment quelque chose de contraire au respect dû à Dieu.

Par chose sacrée on entend : une personne consacrée à Dieu, un lieu destiné au culte, et autres objets spécialement consacrés.

1o Une personne est consacrée à Dieu par un vœu solennellement fait, de profession religieuse, par les ordres sacrés et par le vœu simple de chasteté. Celui donc qui est ainsi consacré à Dieu est coupable de sacrilége lorsqu’il commet, extérieurement ou intérieurement, un péché contre la chasteté. Il en est de même de celui qui pèche avec une telle personne ou qui désire la posséder. Si les deux personnes sont consacrées à Dieu, il en résulte un double sacrilége parce que l’obligation religieuse est doublement violée.

Les théologiens ne sont pas d’accord sur le point de savoir si le religieux qui a fait profession solennelle, c’est-à-dire le prêtre, commet un double sacrilége lorsqu’il manque à la chasteté. Un grand nombre se prononcent pour la négative, prétendant qu’un tel religieux viole à la vérité deux vœux, mais tous deux prononcés à la même fin, d’où il suit qu’il pèche contre la même vertu. D’autres, au contraire, non moins nombreux, affirment qu’en raison de ces vœux, le prêtre est tenu à la chasteté, à cause du vœu solennel et des prescriptions de l’Église ; par conséquent, s’il blesse cette vertu par un péché, il viole une double obligation et commet un double péché. Chacune de ces opinions ayant sa probabilité, on doit, dans la pratique, se ranger à la plus sûre.

Celui qui a réitéré son vœu de chasteté, ou qui a ajouté un vœu simple à un vœu solennel, ne commet pas pour cela, en le violant, un double péché, car il n’y a qu’une seule obligation. Cependant, celui qui a prononcé un vœu solennel ne s’accuserait pas suffisamment en disant qu’il a fait vœu de chasteté ; car si la circonstance de solennité dans le vœu ne change pas l’espèce, elle aggrave du moins notablement le péché. C’est l’opinion probable d’un grand nombre de théologiens.

Celui qui, par conseils, persuasion, discours déshonnêtes ou mauvais exemples, induit une personne consacrée à Dieu dans le péché contre la chasteté, est coupable de sacrilége, bien qu’il ne commette pas lui-même avec elle le péché de luxure ; car alors, suivant Dens, t. 4, p. 418, la violation du vœu d’autrui doit lui être imputée comme l’ayant causée par le scandale.

Si cependant une personne consacrée à Dieu était la cause d’un péché de luxure commis par une personne libre, elle serait coupable de scandale, mais non pas de sacrilége, attendu que c’est sa chasteté et non celle d’autrui qu’elle a fait vœu de garder. C’est l’opinion de Billuart, Dens, etc.

2o Un lieu consacré au culte ou lieu sacré : On entend par lieu sacré celui que l’autorité publique a destiné à la célébration des offices divins ou à la sépulture des fidèles ; tels sont les églises et les cimetières bénits.

Sous cette dénomination on comprend tout l’intérieur des églises, comme chapelles, confessionnaux, tribunes, etc., mais non les parties extérieures comme les murs, le toit, les degrés qui précèdent les portes, les clochers qui ne tiennent ni à l’Église ni au cimetière, les chœurs des moines séparés de l’Église. On en excepte ordinairement les sacristies, quoique quelques théologiens soient d’une opinion contraire.

Les théologiens diffèrent d’opinion sur le point de savoir si les oratoires doivent ou non être rangés parmi les lieux sacrés. Si les oratoires sont publiquement destinés à la célébration des offices divins et si les fidèles peuvent indistinctement s’y rendre au son des cloches ou par tout autre mode d’appel, ou s’ils ne sont pas l’objet d’une propriété privée, le cas ne fait pas l’objet de difficultés ; ils doivent être réputés sacrés. C’est ainsi que pensent généralement les auteurs que nous avons lus. On enseigne, d’un autre côté, que les oratoires privés ne doivent pas être rangés parmi les lieux sacrés :

1o Parce qu’ils ne sont pas compris sous la dénomination d’Église ;

2o Parce qu’ils ne jouissent pas des priviléges attachés aux églises ;

3o Et que, par la seule volonté de leurs propriétaires, ils peuvent être ramenés à un usage profane.

On ne conçoit cependant pas facilement que l’acte vénérien, accompli dans un tel lieu, ne revête pas une malice spéciale, et nous sommes d’avis avec Concina, t. 15, p. 287, qu’une telle circonstance doit être dévoilée.

On ne doit pas considérer comme lieux sacrés, relativement au sacrilége dont nous traitons ici, d’autres lieux bénits mais non destinés à la célébration de la messe et à la sépulture des fidèles, tels que maisons, monastères, certains oratoires, etc.

Tout acte vénérien accompli volontairement, même d’une manière cachée, dans un lieu sacré, entraîne la malice du sacrilége, attendu, suivant l’opinion générale, que c’est une irrévérence envers le lieu saint et envers Dieu.

Le lieu saint se trouverait souillé par la publicité de cet acte et par l’écoulement de la matière séminale, quoiqu’elle ne fût pas répandue sur le pavé ; Décrét., tit. 68, c. 3, et de la Consécr., tit. 1, c. 20. Ce n’est cependant pas par la publicité que le lieu est souillé, mais c’est par elle que la profanation est connue, et l’usage en est interdit jusqu’à la purification. Billuart, t. 13, p. 404.

Il y a beaucoup d’auteurs qui prétendent que les regards, les baisers, les discours déshonnêtes et les attouchements impurs dans le lieu sacré, même sans danger prochain de pollution, entraînent la malice du sacrilége, tant à cause du respect dû à Dieu qu’à cause du danger de pollution qui en est inséparable. D’autres appuient l’opinion contraire sur l’axiome suivant : Il ne faut pas aggraver ce qui a un caractère odieux. Et d’ailleurs, c’est seulement par l’écoulement de la matière séminale que le lieu sacré se trouve souillé. Il résulte de cette diversité même d’opinion entre les savants, que la circonstance du lieu sacré doit être dévoilée, surtout si l’acte est par trop honteux comme de regarder ou de toucher les parties vénériennes.

De plus, presque tous les théologiens affirment que de tels actes revêtent la malice du sacrilége s’ils sont de nature à exposer au danger prochain de pollution, attendu que les lois de l’Église prohibant la pollution, dans le lieu sacré, défendent, par cela même, de s’exposer au danger prochain d’une pareille infamie ; or des actes honteux et volontaires exposent évidemment à un pareil danger.

Les auteurs s’accordent au contraire, généralement, à reconnaître que les péchés intérieurs contre la chasteté n’entraînent pas de malice spéciale par la circonstance du lieu sacré, à moins que l’on n’ait l’intention de les accomplir dans ce lieu ; attendu qu’en dehors de cette intention, il ne peut en résulter d’insulte au lieu sacré. Dens, t. 4, p. 261.

L’union charnelle, même légitime, entre époux, accomplie sans nécessité dans le lieu sacré, entraîne la malice du sacrilége ; les auteurs s’accordent généralement sur ce point d’après le tit. 68, c. 3. Si cependant cet acte est accompli dans le lieu sacré par pure nécessité comme lorsque deux époux y sont détenus en temps de guerre, et qu’ils sont en danger prochain d’incontinence s’ils ne pratiquent pas le coït, le lieu n’est pas souillé et les époux ne pèchent pas, disent un grand nombre de théologiens, car l’Église n’est pas sensée prohiber un acte en soi licite dans une pareille circonstance.

Mais l’opinion la plus ordinaire, et nous la partageons, est que l’union charnelle entre époux est, dans ce cas, illicite et sacrilége, parce qu’il est impossible que la nécessité soit telle que l’Église fléchisse sur la sévérité d’une loi qui a eu pour but le respect dû à Dieu. Chacun d’ailleurs, par la prière, le jeune et autres moyens, peut calmer les aiguillons de la chair, comme il serait tenu de le faire si sa moitié était absente, malade ou décédée. C’est cette seule opinion qu’il faut admettre dans la pratique. Voy. Billuart, t. 13, p. 406 et S. Ligori, l. 3, no  458.

3o Par choses sacrées on entend tous les objets, autres que personnes et lieux, qui sont consacrés au culte divin, comme les ornements et les vases sacrés. Il est certain que c’est un horrible sacrilége d’abuser de ces choses pour commettre des actes honteux, comme de se servir superstitieusement de l’eau bénite, des saintes huiles ou de l’Eucharistie dans un but de luxure.

Certains théologiens ont avancé que le prêtre, qui porte sur lui l’Eucharistie, ne commet pas un sacrilége, s’il pèche intérieurement ou extérieurement contre la chasteté sans qu’il y ait mépris du sacrement. Mais d’autres, plus nombreux, disent qu’il est coupable de sacrilége, car on doit traiter saintement les choses saintes : Or, dans ce cas, le prêtre traite le saint des saints non pas saintement, mais d’une manière horrible.

Ainsi encore le prêtre qui, en administrant les sacrements, en célébrant la messe, ou revêtu des ornements sacrés pour la célébrer, ou même en descendant de l’autel, se livre volontairement à la pollution, ou se délecte dans les plaisirs vénériens, ne peut être excusé d’un double sacrilége. S. Ligori, l. 3, no  463.

Concina va plus loin et affirme contre beaucoup d’autres théologiens que celui qui porte sur soi des reliques de saints est coupable de sacrilége s’il pèche intérieurement ou extérieurement contre la chasteté ; car, dit-il, la raison est la même pour les reliques que pour la sainte Eucharistie, avec cette différence qu’un sacrilége est plus grave que l’autre.

Plusieurs veulent aussi que le péché de la chair revête la malice du sacrilége par la circonstance du dimanche ou d’un jour férié. Mais beaucoup d’autres prétendent que le cas n’est pas mortel et que, par conséquent, il n’est pas nécessaire de le déclarer, attendu que le précepte de la sanctification du dimanche n’est pas enfreint par des actes de cette nature.


APPENDICE.

DES CLERCS QUI EXCITENT À DES ACTIONS HONTEUSES


Tous ceux qui sont animés de l’amour de Dieu et qui ont souci de l’honneur de l’Église, devraient être saisis de douleur en entendant dire qu’il se trouve des clercs, et qui plus est, des prêtres voués au service de l’autel, qui se vautrent d’une façon indigne ; qui célèbrent les redoutables mystères et tiennent dans leurs mains l’agneau immaculé, pendant qu’ils brûlent de flammes impures et se souillent de honte et d’infamie ; qui portent la mort dans les âmes dont le salut leur est confié, en faisant tourner à leur ruine le divin ministère dont ils sont revêtus. Quel est celui qui, voyant une pareille abomination dans le lieu saint, résistera à l’horreur qu’elle inspire et n’essayera pas de l’en extirper par tous les moyens ?

Plusieurs souverains pontifes ont ordonné aux pénitents, que leurs confesseurs porteraient à des actions déshonnêtes, de les dénoncer au tribunal de l’Inquisition ou aux évêques du lieu : nous citerons Paul IV, avril 1561, Pie IV, 6 avril 1564, Clément VIII, 3 décembre 1592, et Paul V, 1608, pour le royaume d’Espagne, du Portugal, etc……

Par sa constitution du 30 août 1622, Grégoire XV étendit cette obligation à tous les fidèles : Il ordonna, en effet, de dénoncer les prêtres qui, soit en confession, soit dans le lieu qui lui est destiné, en entendant la confession ou feignant de l’entendre, exciteraient leurs pénitents à des actions honteuses, ou leur tiendraient des discours déshonnêtes, etc. Il ordonna en outre, aux confesseurs, d’avertir leurs pénitents de l’obligation de faire cette dénonce.

Alexandre VII décida, le 8 juillet 1660, que le pénitent était tenu de faire la dénonce sans avoir, au préalable, employé les réprimandes fraternelles ni autres avertissements, et le 24 septembre 1665, il condamna deux propositions qui admettaient la doctrine opposée.

En 1707 et 1727, la congrégation du Saint-office répondit dans le même sens.

Enfin, Benoît XIV, par sa constitution, le Sacrement de pénitence du 1er juin 1741, ordonna :

1o De dénoncer et de punir, selon les circonstances, tous ceux qui, en confession ou à l’occasion de la confession, par paroles, signes, mouvements, attouchements, écrits à lire pendant ou après la confession, auraient excité à des actions honteuses ou tenu des propos déshonnêtes.

2o D’avertir les prêtres chargés d’entendre les confessions, qu’ils sont tenus d’exiger de leurs pénitents la dénonciation de ceux qui, de quelque façon que ce soit, les auraient excités à des actions honteuses.

3o Il défendit de dénoncer, comme coupables, les confesseurs innocents ou de les faire dénoncer par d’autres, et se réserva, pour lui et ses successeurs, le cas d’une si exécrable turpitude à moins que le coupable ne fût à l’article de la mort.

4o Il déclara que les prêtres qui se seraient souillés d’un crime aussi infâme ne pourraient jamais absoudre leurs complices, même en temps de jubilé, à moins que ce ne fût à l’article de la mort et à défaut d’autre prêtre, et prononça l’excommunication majeure réservée au Saint-Siége, contre celui qui oserait le faire.

Ces diverses constitutions pontificales n’ont jamais été publiées en France, c’est pourquoi elles n’obligent pas strictement, à moins de statuts diocésains spéciaux.

Dans notre diocèse, tout prêtre complice d’un péché commis publiquement contre la chasteté ou bien d’union charnelle, d’attouchements impudiques ou de baisers voluptueux, ne peut jamais absoudre son complice de ces péchés, si ce n’est à l’article de la mort et lorsqu’un autre prêtre approuvé ne peut pas moralement être appelé ; celui qui entreprendrait de donner l’absolution, malgré cette défense, resterait suspens par le seul fait et l’absolution donnée serait nulle.

S’il avait seulement commis un péché intérieur ou que le pénitent n’eût pas consenti à la tentation, il n’aurait pas pour cela perdu sa juridiction, quoiqu’il fût beaucoup mieux pour lui de ne plus l’entendre, dans la suite, afin de fuir le danger. Mais il ne pourrait pas l’absoudre d’un péché de luxure qu’il aurait commis avec lui avant d’être revêtu du sacerdoce.

Cet énorme péché n’est pas réservé à l’égard des autres confesseurs approuvés pour entendre indistinctement les confessions ; ceux-là peuvent donc absoudre tant le prêtre complice que le sacrilége bien disposés.

On demande si l’on est dans l’obligation naturelle de dénoncer et le corrupteur et le prêtre qui s’est laissé corrompre.

R. Il faut bien se garder d’ajouter témérairement foi aux femmes qui accusent un prêtre au tribunal même de la pénitence : On en a souvent vu atrocement calomnier des clercs quoiqu’innocents, par envie, haine, jalousie ou tout autre motif pervers. C’est pourquoi l’on doit d’abord mûrement peser et examiner toutes les circonstances de personnes, d’accusations et de crime prétendu et défendre au complice de s’adresser à ce même confesseur.

Mais, si toutes choses pesées à la balance du sanctuaire, le prêtre est reconnu coupable, on doit examiner s’il ne s’agit pas de fautes déjà passées, une fois ou plusieurs fois commises et expiées, ou, au contraire, s’il s’agit de l’habitude de se livrer à ce péché ou d’exciter à le commettre ou de tout autre péché indiquant un homme perdu de mœurs. Dans le premier cas, on ne doit pas prescrire la dénonciation, supposant et présumant avec raison que le mal a cessé et ne se reproduira pas et qu’il n’y a pas raison suffisante pour nuire à la réputation d’un prêtre.

La seule difficulté est donc de savoir si, dans le second cas, il y a obligation naturelle de dénoncer


Proposition. — Celui qui sait qu’un prêtre ou un clerc commet des actions honteuses ou excite à les commettre, est tenu, par la loi naturelle, de le dénoncer à l’évêque ou au vicaire général.


Preuve. Tous les théologiens enseignent, en traitant de la correction fraternelle, que le crime secret doit être dénoncé, soit dans le but de corriger le coupable, soit dans celui d’éloigner le mal qui menace le public et les particuliers ; ainsi on doit dénoncer, sans avertissement préalable, les hérétiques qui propagent l’erreur, les voleurs, les maraudeurs, les traitres à la patrie, les empoisonneurs, les pharmaciens qui vendent des substances vénéneuses, les faux monnayeurs, les corrupteurs de garçons et de filles, ceux qui trament la mort contre quelqu’un, etc. Or, il est indubitable que la conduite d’un clerc qui s’adonne aux actions honteuses prépare sa ruine et est une source très pernicieuse de déshonneur pour les âmes et pour la religion.

Aussi l’Église, avant l’ordination, annonce-t-elle aux assistants, par la voix du pontife, que si quelqu’un a des griefs contre les ordinands, il doit, de par Dieu et pour Dieu, se montrer et le dire en toute assurance (Pontifical Romain). C’est pour cela que dans plusieurs diocèses les noms des jeunes gens qui doivent être ordonnés sont publiés à la messe, comme les bans de mariage, afin que ceux qui connaissent quelqu’empêchement à l’ordination les révèle. Donc, à plus forte raison, ceux qui savent qu’un prêtre ou un clerc commet des actions honteuses ou excite à la débauche, doivent le faire connaître. Cette doctrine est expressément enseignée par S. Thomas lorsqu’il dit dans la Sent. IV, tit. 19, q. 2, art. 3 : Mais si ce péché déteint sur les autres, il faut le signaler au prélat afin qu’il mette en garde son troupeau.

Pontas, au mot dénoncer, cas 5, enseigne la même doctrine quoiqu’au mot confesseur, cas 17, il ne donne pas la même solution dans un cas identique.

On peut objecter : 1o que les supérieurs ecclésiastiques ne peuvent pas, ordinairement, retirer le ministère sacré à un prêtre ainsi dénoncé ; 2o Qu’une telle dénonciation rend la confession odieuse ; 3o Qu’elle expose les complices au déshonneur et aux reproches ; 4o Qu’il doit tellement répugner à un complice de faire une pareille révélation, qu’il préfère souvent s’éloigner des sacrements de l’Église ; que, par conséquent, il n’est pas prudent de prescrire une pareille dénonciation.

R. À la 1re objection : Je nie la conséquence ; quoique le prêtre ainsi dénoncé ne puisse pas être aussitôt interdit, en raison des murmures, du scandale et des autres désagréments qui pourraient s’ensuivre, une telle dénonce n’est cependant pas inutile. Les supérieurs étant prévenus surveillent le prêtre ou le font surveiller ; ils le font appeler, le réprimandent, l’exhortent, lui ordonnent de fuir l’occasion du péché et d’éloigner l’objet du scandale. Ils le mettent dans un autre poste, et ne lui donnent pas l’avancement qui lui était destiné. S’il s’endurcit dans sa dépravation, ils prennent de nouveaux renseignements et, enfin, le rejettent ignominieusement du sanctuaire comme une peste.

2e Objection : Je nie l’antécédent ; en effet, celui qui réfléchira attentivement à ce qu’on doit penser, devant Dieu, d’un prêtre corrompu et corrupteur, jugera aussitôt que c’est plutôt un ministre du démon que du Christ, et qu’il est établi pour la ruine des âmes et non pour leur sanctification ; il reconnaîtra facilement qu’il est dans l’obligation naturelle de le dénoncer comme il dénoncerait un voleur ou un maraudeur, afin de rendre service à son prochain. L’obligation de dénoncer un prêtre dépravé ne rend pas la confession plus odieuse que l’obligation de dénoncer les voleurs et les maraudeurs.

3e Objection : Je nie l’antécédent. La révélation peut, en effet, être faite avec tant de prudence que le complice ne soit pas connu. C’est ordinairement ainsi qu’elle doit être faite : Si le pénitent sait écrire, il doit mettre, sur une feuille de papier, le nom seulement de celui qu’il dénonce et remettre le papier soigneusement cacheté à son confesseur ; celui-ci le transmet à l’évêque ou au vicaire général avec une lettre dans laquelle il expose le fait et donne son opinion sur la sincérité de la personne qui a fait la dénonce ; il doit avoir bien soin de ne pas faire connaître cette dernière au supérieur et lui-même ne doit pas s’enquérir du nom du prêtre corrompu.

Mais, si la personne qui a l’intention de faire la dénonce ne sait pas écrire, on doit, après lui avoir remis une lettre attestant sa sincérité, l’engager à se rendre auprès des supérieurs et à leur découvrir la vérité, sans se faire connaître, si elle désire rester inconnue.

Lorsqu’elle trouve que cette manière de dénoncer est trop pénible, elle peut désigner le prêtre impudique à son confesseur en le laissant libre de le dénoncer. Il y a encore une autre manière de dénoncer le coupable aux supérieurs : Le complice qui ne sait pas écrire peut, sous un prétexte quelconque, faire écrire le nom d’un tel prêtre en disant, par exemple, que cela lui est demandé par quelqu’un. Alors, il remettra à son confesseur le papier cacheté.

Le coupable, blâmé par son supérieur, reprochera fortement à son complice ou à sa complice de l’avoir dénoncé, mais ce désagrément peut-il être comparé au mal que peut faire un prêtre corrompu ?

4e Objection : Je nie l’antécédent ; il y a beaucoup de personnes que l’on amène à révéler les turpitudes d’un prêtre par les raisons qu’on leur fait valoir, par les prières et les exhortations, et en leur faisant entrevoir l’intérêt de la religion et le salut des âmes. D’ailleurs, si l’objection présentée avait quelque valeur, il s’ensuivrait que tant de pontifes qui ont ordonné de faire cette dénonciation ont été insensés.

Aussi, le confesseur bien pénétré des devoirs que lui impose sa charge, doit-il, dans ces cas déplorables, faire tous ses efforts pour amener prudemment la dénonciation en suspendant, ou même en refusant l’absolution. Si cependant il se rencontre un pénitent qui ne se laisse persuader, par aucune raison, qu’il est tenu de faire la dénonce, nous pensons qu’il faut finalement l’absoudre, lorsqu’on juge prudemment qu’il est dans la bonne foi : car si, dans ce cas, on n’absolvait pas le pénitent, on le priverait des sacrements et on n’obtiendrait pas la dénonciation du corrupteur. Il est donc beaucoup plus prudent que le confesseur, tout en engageant fortement le pénitent à faire la dénonce, ne lui dise pas qu’il y est tenu sous peine de péché mortel.

Sont dans la même obligation de faire connaître un prêtre corrompu, les femmes et les jeunes gens qu’il aurait excités à la débauche, ainsi que tous ceux qui auraient eu connaissance de pareilles infamies par d’autres voies que par celle de la confession.

Il est certain, par les mêmes raisons, qu’il faut dénoncer un prêtre ou autre clerc qui, par des fautes inconnues de ses supérieurs, causerait ou pourrait causer un grave préjudice à la religion et au salut des âmes.



CHAPITRE III

DES DIFFÉRENTES ESPÈCES DE LUXURE, CONSOMMÉE, CONTRE NATURE


La luxure consommée, contre nature, consiste dans l’effusion de la matière séminale d’une façon contraire à la génération, soit en dehors de l’union charnelle, soit dans cette union. On en compte trois espèces différentes : Les plaisirs voluptueux ou pollution, la sodomie et la bestialité.


ARTICLE I

DE LA POLLUTION


La pollution, qu’on appelle aussi plaisirs voluptueux ou incontinence secrète, consiste dans l’effusion de la semence en dehors de toute union charnelle.

La semence est une humeur gluante que le Créateur lui-même a destinée à la génération et à la conservation de l’espèce : elle diffère donc essentiellement de l’urine, qui est formée par la sécrétion des aliments et que la nature, pour se soulager, rejette comme les excréments.

Il y a trois sortes de pollution : 1o La pollution simple et qualifiée ;

2o La pollution volontaire ou involontaire ;

3o La pollution volontaire en soi ou dans sa cause.

La pollution est simple quand il ne vient pas s’y ajouter une malice étrangère, comme lorsque quelqu’un, dégagé de tout lien personnel, trouve son plaisir dans la masturbation.

On la dit qualifiée lorsqu’à sa propre malice vient s’en ajouter une autre, soit de la part de l’objet auquel on pense, soit de la part de celui sur lequel on pratique ou de celui qui pratique la pollution.

1o La pollution revêt la malice de l’adultère, de l’inceste, du stupre, du sacrilége, de la bestialité ou de la sodomie selon que celui qui s’y adonne pense à une femme mariée, à sa parente, etc. ; ainsi, commettrait un horrible sacrilége celui qui porterait des désirs de concupiscence sur la bienheureuse Vierge en se livrant à la pollution devant sa statue.

2o De la part de celui sur lequel on pratique la pollution, s’il est marié ou consacré à Dieu par un vœu ou par les ordres sacrés.

3o De la part de celui qui pratique la pollution, si, par exemple, c’est un religieux ou un prêtre.

Toutes ces circonstances doivent nécessairement être dévoilées en confession, parce qu’elles changent l’espèce du péché.

La pollution volontaire est celle qu’on pratique directement ou dont on recherche volontairement la cause. Elle est involontaire lorsqu’elle se produit sans la coopération de la volonté, soit à l’état de veille, soit pendant le sommeil.

Comme la pollution tout à fait involontaire ne peut être un péché, nous n’en parlerons pas ici, en tant que péché.

C’est pourquoi nous traiterons :

1o De la pollution volontaire en soi ;

2o De la pollution volontaire dans sa cause ;

3o De la pollution nocturne ;

4o Des mouvements désordonnés ;

5o de la conduite des confesseurs à l’égard de ceux qui sont dans l’habitude de se livrer à la pollution.


§ I. — De la pollution volontaire en soi


Plusieurs probabilistes ont prétendu, avec Caramuel, que la pollution n’était pas défendue par la loi naturelle ; que l’éjection de la semence pouvait être comparée à un excès de sang, de lait, d’urine et de sueur et que, par conséquent, si ce n’étaient les prohibitions de la loi positive, il serait permis de la provoquer et que même ce serait une nécessité toutes les fois que la nature le demanderait. En cela ils sont contraires à l’opinion de tous les théologiens.


Proposition. — La pollution considérée en elle-même est un grave péché contre nature


Cette proposition est conforme à l’Écriture sainte, à l’autorité d’Innocent XI, à l’opinion unanime des théologiens et à la raison.

1o On lit dans la 1re ép. aux Corinth., 6, 9 : Sachez que ni les fornicateurs, ni les idolâtres, ni les adultères, ni ceux qui se livrent aux plaisirs voluptueux, ni les sodomites n’entreront dans le royaume de Dieu. Et dans l’ép. aux Gal., 5, 19 : Il est certain, comme je l’ai déjà dit, que ceux qui pratiquent l’œuvre de la chair, comme la fornication, l’impureté, l’impudicité et autres choses semblables, ne posséderont pas le royaume de Dieu. Par ceux qui se livrent aux plaisirs voluptueux, tout le monde entend ceux qui se masturbent ou qui se font masturber par d’autres. Cette action infâme doit certainement être mise au rang des impuretés et des impudicités ; or, l’apôtre déclarant que ces péchés excluent du royaume céleste, ne les donne pas comme transgressant le droit positif, mais comme défigurant la nature.

2o Innocent XI a condamné le 2 mars 1679, la proposition suivante de Caramuel : Les plaisirs voluptueux ne sont pas défendus par le droit naturel, et si Dieu ne les avait pas interdits, ils seraient souvent bons et même obligatoires.

3o Les théologiens sont unanimes pour enseigner, contre quelques probabilistes, que la pollution est un péché contre nature.

4o Par la raison : Il a été certainement, dans l’esprit du Créateur, d’affecter la semence humaine et l’acte vénérien tout entier, à la procréation et à la perpétuité de l’espèce ; s’il était permis de se livrer une fois à la pollution, il n’y aurait pas de raison pour ne pas recommencer, et c’est ce qu’on ne peut admettre. De plus, on est exposé par le plaisir qui est inséparable de la pollution volontaire, au danger d’en contracter l’habitude ; et nous établirons plus loin que c’est une grave faute de se livrer à une pareille habitude, à cause des fâcheux résultats qu’elle entraîne. La pollution, en dehors de l’union naturelle, est donc évidemment un acte contre nature, et les païens eux-mêmes l’ont reconnu par ces vers de Martial, Epig. 42 :


Crois-moi, la nature elle-même t’apprend la vérité :
Ce que tu rejettes à l’aide de tes doigts, Pontice, c’est un homme.


D’où on doit conclure qu’il n’est jamais permis d’exciter directement la pollution, même quand il s’agit de conserver la santé ou la vie, car, pratiquée même dans ce but, la fornication est un acte illicite ; et la comparaison faite par Caramuel de la semence humaine avec le sang, le lait, l’urine et la sueur n’a pas de valeur, puisque la destination de l’une est tout à fait différente de celle des autres. On ne doit pas non plus se baser sur ce qu’il est quelquefois permis de pratiquer la saignée, ou d’amputer un membre et même les vases spermatiques (sic), car le sang et les membres sont subordonnés à la santé de l’individu, et peuvent être enlevés dans le but de la conserver. La semence, au contraire, n’a pas été créée en faveur de l’individu, mais bien pour la conservation de l’espèce. Du reste, une saignée ou une amputation ne peuvent entraîner aucun danger, et on ne saurait en dire autant de la pollution.


§ II. — De la pollution volontaire dans sa cause


On distingue ordinairement deux causes de pollution : une prochaine et une éloignée. Les causes prochaines tendent par elles-mêmes à la pollution, comme les attouchements des parties génitales sur soi ou sur autrui, les regards que l’on porte sur elles, les paroles obscènes ou amoureuses et les pensées honteuses.

Les causes éloignées influent d’une manière moins directe sur la pollution ; ce sont les excès dans le boire et le manger, l’étude des questions vénériennes, la confession, etc.

Ces causes peuvent être licites, véniellement ou mortellement mauvaises ; aussi peuvent-elles, de près ou de loin, influer sur la pollution.

Il est certain : 1o que celui qui, volontairement, même pour un instant, sans intention et pour une cause accidentelle, se complaît à la pollution, pèche mortellement. C’est ce que personne ne niera.

2o Il en est de même de celui qui fait une action influant directement sur la pollution, en touchant ou regardant amoureusement sur soi ou sur autrui les parties qui doivent rester voilées et qui paraît désirer la pollution qui peut en résulter, ne chercherait-il pas à la provoquer. C’est de toute évidence.

Examinons maintenant si la pollution produite par une cause licite ou véniellement mauvaise constitue un péché, et quelle espèce de péché.

1o C’est pécher mortellement que de faire, sans nécessité ou utilité, une action licite en soi, mais que l’on prévoit devoir entraîner la pollution, parce que l’on coopère d’une manière efficace à un résultat mortel, sans excuse légitime.

2o Pèche mortellement, s’il s’expose à donner son consentement au danger prochain, celui qui, pour son propre avantage ou celui d’autrui, fait une action, en soi licite, qui, en raison de ses dispositions, aurait une influence prochaine sur la pollution. Tout le monde reconnaît qu’on pèche mortellement en s’exposant à un semblable danger, à moins de graves nécessités.

3o En cas de grave nécessité, l’action qui tend à un but légitime ne fournit pas matière à péché ; car, dans un cas grave, on peut faire un acte qui produise un double résultat : un bon et un mauvais, à la condition de se proposer le bon et d’éloigner tout consentement au mauvais. Ainsi, ne pèche pas le chirurgien qui, pour guérir une infirmité ou faire un accouchement, touche ou regarde les parties pudiques d’une femme et qui, à cette occasion, éprouve les effets de la pollution, pourvu cependant qu’il n’y consente pas, s’exposerait-il même au danger du consentement. Mais il serait dans l’obligation de renoncer à son art s’il tombait fréquemment dans ce danger, car la nécessité de son propre salut l’emporte sur toutes les autres.

4o Ne pèche pas celui qui, pour son utilité ou celle d’autrui, fait une action qu’il prévoit devoir amener la pollution, mais qui ne se met pas dans le danger prochain de consentement, car on doit supposer qu’il a la volonté d’éloigner tout résultat mauvais qu’il ne poursuit ni n’approuve. Ainsi pensent Saint Thomas et les théologiens en général.

Aussi est-il permis d’étudier, dans un but honnête, les choses vénériennes, d’entendre les confessions de femmes, de converser avec elles d’une manière utile et honnête, de leur rendre visite et de les embrasser à la manière des parents, de monter à cheval, d’user modérément d’une potion échauffante prescrite pour la santé, de donner des soins aux infirmes et de les mettre dans un bain, d’exercer la chirurgie, etc., bien qu’on prévoie que la pollution doive s’ensuivre, à la condition de ne pas viser à ce résultat, d’avoir la ferme résolution de ne pas y consentir, et l’espoir de persévérer.

Si cependant, sans motifs ou sous de légers prétextes d’utilité, on se portait à des actes influant ainsi sur la pollution, on devrait s’en abstenir sous peine de pécher véniellement ou mortellement, selon qu’ils influeraient sur la pollution d’une manière légère ou grave ; si, par exemple, le café, l’eau-de-vie, le vin pur, etc., sans être utiles à la santé, comme c’est l’ordinaire, vous excite à la pollution, vous êtes dans l’obligation de vous en abstenir sous peine de péché véniel si son influence est seulement probable, et sous peine de péché mortel si, pour des raisons à vous personnelles, cette influence est prochaine, et que l’effet en soit comme moralement certain.

5o On pèche mortellement en faisant une action véniellement mauvaise, si elle influe sur la pollution d’une manière prochaine ; cela résulte de ce qui vient d’être dit. Aussi, celui qui est assez faible pour éprouver d’habitude la pollution en regardant amoureusement les parties honnêtes d’une femme, en touchant ses mains ou tourmentant ses doigts, en causant avec elle ou l’embrassant d’une manière honnête, mais sans motif, en assistant à des bals, etc., doit-il s’abstenir de ces actions sous peine de péché mortel.

6o Mais si des péchés véniels en matière de luxure, et à plus forte raison en d’autres matières, influent sur la pollution d’une manière seulement éloignée, par exemple, si elle ne se produit que rarement, dans les cas dont il s’agit, la chasteté ne se trouve que véniellement blessée ; quant à savoir si elle serait mortellement blessée soit dans la pollution elle-même, soit dans sa cause, on peut répondre par une double négation : non d’abord, lorsqu’il est à supposer qu’il y a absence de consentement actuel, non, ensuite dans l’hypothèse, si d’ailleurs la cause est légère et influe sur l’acte d’une manière seulement légère. C’est ainsi que, contre un petit nombre, pensent généralement les théologiens avec Saint Thomas.

7o Un péché mortel, autre qu’un péché de luxure, la colère et l’ivrognerie, par exemple, qui influent sur la pollution d’une manière éloignée, n’est regardé que comme péché véniel de luxure. La raison seule peut faire la part de l’influence ; or, dans ce cas, on la suppose légère. C’est l’opinion de S. Ligori, l. 3, no  484, et beaucoup de théologiens pensent comme lui. On devrait évidemment adopter l’opinion contraire dans le cas où l’on jugerait que le péché, par sa fréquence, influe sur la pollution d’une manière prochaine.


§ III. — De la pollution nocturne


Par pollution nocturne, on entend celle qui se produit pendant le sommeil. Si le sommeil est imparfait, la pollution peut être semi-volontaire, et le péché, par conséquent, véniel. La pollution n’étant nullement volontaire dans le sommeil parfait, ne peut entraîner de péché ; car, dans ce cas, elle ne peut être mauvaise que dans sa cause.

Il est certain que celui qui établit une cause, dans l’intention de faire arriver la pollution pendant le sommeil, en prenant certaines positions dans son lit, en se couvrant, en se touchant, etc., pèche mortellement.

Ce cas excepté, on doit examiner quelle est la cause de la pollution nocturne et de quelle manière elle influe sur la pollution.

St Thomas, 22, q. 154, art. 5, et d’autres théologiens en distinguent trois : une corporelle, l’autre spirituelle intrinsèque et la troisième spirituelle extrinsèque.

I. Par cause corporelle, on entend :

1o L’excès de matière séminale dont la nature se dégage par l’écoulement, lorsqu’elle en est surchargée.

2o Les fantômes imprimés sur l’imagination par l’excès même de la matière, ou par toute autre disposition du corps.

3o L’excès dans le boire ou le manger, ou les propriétés trop échauffantes des mets et de la boisson.

4o Les causes diverses qui préparent le flux de la matière, telles que l’équitation, la vue ou le toucher des parties honteuses.

5o Certaines âcretés d’humeurs, un sang trop échauffé, l’irritabilité des nerfs, les attouchements pendant les rêves, la souplesse du lit, etc.

6o La faiblesse des organes qui peut provenir soit d’une constitution défectueuse ou débile, soit de l’habitude qu’on a contractée de se polluer, faiblesse qui occasionne des écoulements assez fréquents pour nuire gravement à la santé.

II. La cause spirituelle intrinsèque, appelée par St Thomas animale parce qu’elle réside dans l’âme, est la pensée, avant le sommeil, d’une chose honteuse : Par là, on entend les désirs, la délectation morose, les mauvaises conversations, la fréquentation des femmes, l’assistance aux spectacles et aux bals, la lecture des livres obscènes, etc.

III. D’après St Thomas et tous les autres docteurs, la cause spirituelle extrinsèque est une opération par laquelle le démon provoque la pollution en frappant l’imagination et en mettant en mouvement les esprits génitaux. Ces dernières pollutions ne peuvent, en aucune manière, être imputées à péché à ceux qui les éprouvent, s’il n’y a pas de consentement actuel, puisqu’elles procèdent d’une cause étrangère à la volonté.

Il n’y a pas non plus de péché dans les pollutions provenant d’un excès d’humeurs spermatiques, de la faiblesse des organes génitaux, d’un état nerveux accidentel, et même d’une habitude suffisamment rétractée, car, dans l’hypothèse, ces pollutions n’ont pas leur source dans une volonté libre et sont privées de tout consentement.

Mais, pour les autres pollutions, il faut étudier soigneusement si leur cause est licite, véniellement ou mortellement mauvaise, prochaine ou éloignée : ainsi on jugera prudemment s’il y a péché et quelle en est la gravité. Pour excuser une action même licite qui porte, d’une manière prochaine, à la pollution, il ne suffit pas qu’elle soit utile, il faut qu’elle soit nécessaire ; mais s’il s’agit d’un danger éloigné, un motif raisonnable suffit.

On demande : 1o Ce que doit faire celui qui, en s’éveillant, s’aperçoit qu’il éprouve la pollution ?

R. Il doit élever son esprit vers Dieu, l’invoquer, faire le signe de la croix, s’abstenir de provoquer l’écoulement de la semence, renoncer au plaisir voluptueux ; pourvu qu’il agisse ainsi, il peut se considérer comme exempt de péché et il n’est pas tenu de contenir l’impétuosité de la nature ; car déjà la sécrétion des humeurs s’est faite dans les vases spermatiques ; il est donc nécessaire que l’écoulement ait lieu immédiatement ou plus tard, sans quoi la semence venue des reins se corromprait au détriment de la santé.

On demande : 2o S’il est permis de se réjouir de la pollution lorsqu’elle se produit dégagée de tout péché, en tant qu’elle décharge la nature, ou de la désirer à ce point de vue.

R. Les auteurs enseignent généralement qu’il est permis de se réjouir des bons effets de la pollution involontaire qui se produit, soit pendant le sommeil, soit pendant la veille. Car, sous ce rapport, elle opère un bon résultat.

Ils affirment plus généralement et d’une manière plus probable, et par les mêmes motifs, qu’il est permis de se réjouir des bons résultats que produira la pollution.

Mais est-il permis de prendre plaisir à la pollution que l’on éprouve ou que l’on éprouvera, en dehors de toute participation de la volonté, et en la considérant comme soulagement de la nature ?

Un grand nombre de théologiens se prononcent pour l’affirmative, par la raison qu’à ce point de vue elle n’est défendue par aucune loi.

Ainsi dit St Thomas, 4e Sent., tit. 9, q. 1, art. I : On ne croit pas qu’elle soit un péché, si elle est agréable (la pollution), parce qu’elle décharge ou qu’elle soulage la nature. Remarquez qu’il ne dit pas si l’effet de la pollution est agréable, mais si la pollution elle-même est agréable. Cette opinion, qui nous semble théoriquement très-probable, ne peut être adoptée, car elle est très-dangereuse en pratique.

On demande : 3o Ce qu’on doit penser de la distillation.

R. La distillation est l’écoulement comme goutte à goutte, et sans graves mouvements de concupiscence, d’une semence imparfaite ou autre humeur muqueuse. Si elle se produit sans plaisir vénérien, comme il arrive quelquefois, à cause de la faiblesse des organes ou des chatouillements provenant d’un prurit insupportable, il ne faut pas, disent Cajétan et les théologiens en général, s’en occuper plus que de la sueur. Mais elle constitue un péché mortel à cause du danger prochain de pollution lorsque, par la volonté, elle se produit en grande quantité ou avec de notables mouvements des esprits génitaux. C’est l’opinion de Sanchez, de St Ligori, etc.

Mais si elle se produit par petites quantités, sans qu’il en résulte plaisir ou notable mouvement des esprits, lorsque sa cause réside dans la raison et l’utilité, elle est exempte de péché ou tout au plus il en résulte un péché véniel. C’est conforme à ce que nous avons dit sur la pollution indirectement voulue.

On demande : 4o Si, au moyen de substances prescrites par les médecins, il est permis de dissoudre et de chasser la semence morbide déjà tombée des reins et d’où résulte un vrai danger de pollution.

R. Les docteurs se prononcent généralement pour l’affirmative, pourvu qu’on se propose seulement un but de santé, que la pollution ne soit pas directement excitée et qu’on ne la désire pas, qu’on n’y consente pas lorsqu’elle se produit en dehors du désir et que la semence soit positivement corrompue.

Voy. Sanchez, Leyman, Billuart, St Ligori, etc. ; et, pour l’opinion contraire, Concina, Bonacina, La Croix, de Lugo et plusieurs autres.


§ IV. — Des mouvements désordonnés


Ces mouvements consistent en certaines commotions des parties génitales, qui disposent plus ou moins à la pollution ; ils peuvent être graves ou légers ; graves, lorsqu’ils sont accompagnés d’un danger prochain de pollution, légers dans le cas contraire.

C’est un péché mortel de se complaire dans ces mouvements, même quand ils n’ont pas été provoqués et qu’ils sont légers : car alors il y a délectation vénérienne qui, probablement, ne supporte pas légèreté de matière et qu’il y a grave danger de rechute.

À plus forte raison serait-ce un péché mortel de les exciter volontairement.

Ils sont exempts de tout péché quand ils se trouvent indépendants de la volonté, en soi ou dans leur cause, comme il arrive souvent, et qu’on ne leur accorde aucun consentement.

Mais lorsque leur cause a été librement posée, on doit les mettre au rang de la pollution indirectement voulue, avec cette différence que la pollution est toujours une chose grave, tandis que les mouvements peuvent être tellement légers et si éloignés de tout danger de pollution, qu’on doit les regarder comme de légers péchés et qu’il faut souvent peu s’occuper de leur cause, pourvu qu’elle soit honnête.

Mais il s’agit principalement de savoir ce qu’il est utile de faire lorsque des mouvements de cette nature surviennent malgré soi.

Il est certain, comme nous l’avons déjà dit, qu’on ne peut, sans pécher mortellement, leur donner un consentement volontaire. Cependant, il ne convient pas toujours de leur opposer une résistance opiniâtre, car alors la retenue enflamme l’imagination, et, par sympathie, n’en excite que davantage les esprits génitaux ; il est donc beaucoup plus sûr d’invoquer Dieu avec calme, de prier la bienheureuse vierge, l’ange gardien, son patron et les autres saints ; de fuir les objets dangereux, de détourner tranquillement l’esprit des images obscènes, de le porter sur d’autres objets et de s’appliquer sérieusement à ses diverses affaires, et principalement à celles du dehors.

On demande : Si celui qui reste indifférent aux mouvements voluptueux qui se produisent en dehors de sa volonté, qui ne les approuve ni ne les désapprouve, commet un péché et quelle en est sa gravité.

R. 1o Tout le monde est d’accord, pour reconnaître qu’une pareille indifférence est un péché véniel, car l’esprit est tenu d’éprouver de la répugnance pour les mouvements voluptueux désordonnés.

2o Sanchez, St. Ligori, l. 5, no 6, et beaucoup d’autres sont d’avis que ce péché est seulement véniel lorsque le danger de pollution est éloigné ; car, disent-ils, les mouvements désordonnés doivent être repoussés parce qu’il est à craindre qu’il n’en résulte la pollution où le consentement volontaire au plaisir vénérien ; or, si ce danger n’existe pas, ou qu’il soit éloigné, il n’y a que légère obligation de l’éviter. Mais ils affirment qu’on est, sous peine de péché mortel, dans l’obligation de leur opposer une résistance positive, au moins par un acte de dégoût, s’il y a danger prochain de tomber dans la pollution ou de consentir au plaisir vénérien.

D’autres, plus ordinairement, enseignent que l’indifférence jointe à une attention entière, aux mouvements désordonnés, même légers, constitue un péché mortel, tant à cause de leur propre désordre que du danger d’y consentir. Voy. Valentia, Lessius, Vasquez, Concina, Billuart, et, dans la pratique, Habert, Collet, le P. Antoine, Dens, etc.

Dans la pratique, on s’éloignerait avec danger de cette opinion, quoiqu’au point de vue spéculatif, l’avis contraire ne manque pas de probabilité. Il est donc indispensable d’éprouver un dégoût positif ou, tout au moins, virtuel, pour les mouvements désordonnés qui se produisent sans la participation de la volonté. Ce dégoût est regardé comme suffisant lorsque, volontairement et par une ferme détermination, on résiste au plaisir vénérien, qu’on dédaigne les mouvements voluptueux et qu’on en détourne l’esprit.

Que des gens scrupuleux trop portés à tourmenter leur propre conscience, et qui, pendant qu’ils s’inquiètent de savoir s’ils ont ou non consenti, éprouvent, presque sans cesse, les plus violents aiguillons de la chair, ne prennent d’ailleurs pas pour eux ce que nous venons de dire : qu’ils s’arment de la ferme résolution de rester toujours chastes, dédaignent les mouvements désordonnés et laissent de côté les méthodes en usage dans l’examen de conscience et dans la confession ; l’expérience prouve que c’est le moyen le plus sûr et le plus court d’y mettre un terme.


§ V. — De la conduite des confesseurs à l’égard de ceux qui se livrent à la pollution


Il n’y a pas de vice plus nuisible, sous tous les rapports, aux jeunes gens et aux jeunes filles, et surtout aux jeunes gens que l’habitude de se livrer à la pollution. En effet, ceux qui ont pris cette mauvaise habitude tombent dans l’endurcissement, l’hébètement, le dégoût de la vertu et le mépris de la religion ; leur caractère devient triste, incapable d’énergie et de résolution ; ils perdent les forces du corps, contractent de graves infirmités, tombent dans une caducité précoce et meurent souvent d’une façon ignominieuse.

Buchan, t. 4, p. 567, traduit ainsi, dans notre langue, la description que fait Hippocrate des terribles effets de la masturbation :

Cette maladie naît de la moëlle épinière : elle attaque les jeunes mariés et les libidineux ; ils n’ont point de fièvre, et quoiqu’ils mangent bien, ils maigrissent et se consument ; ils croient sentir des fourmis qui descendent de la tête le long de l’épine. Toutes les fois qu’ils vont à la selle, ou qu’ils urinent, ils perdent en abondance une liqueur séminale très-liquide : ils sont inhabiles à la génération : ils sont souvent occupés de l’acte vénérien dans leurs songes : les promenades, surtout dans les routes pénibles, les échauffent, les affaiblissent, leur procurent des pesanteurs de tête et des bruits dans les oreilles ; enfin une fièvre aiguë termine leurs jours.

Arétin, médecin grec, qui vivaint au temps de Trajan, dit, l. 2, c. 1 :

Les jeunes gens (adonnés à ce vice) prennent les maladies et les infirmités des vieillards ; ils deviennent pâles, efféminés, engourdis, lâches, paresseux, stupides, et même imbéciles ; leur corps se courbe ; leurs jambes ne peuvent plus les porter ; ils ont un dégoût général ; ils sont inhabiles à tout, et plusieurs tombent dans la paralysie.

Ces principes généraux, établis par les médecins de l’antiquité, sont admis par tous les médecins modernes qui les appuyent de faits innombrables dont nous rapporterons seulement quelques-uns.

Hoffman, célèbre professeur de médecine allemande à l’université de H………, rapporte, dans son traité intitulé : Des maladies occasionnées par l’abus des plaisirs de l’amour :

Qu’un jeune homme de dix-huit ans, qui s’était abandonné à une servante, tomba tout à coup en faiblesse, avec un tremblement général de tous ses membres : il avait le visage rouge et le pouls très-faible. On le tira de cet état au bout d’une heure ; mais il resta dans une langueur générale.

Tissot, de l’Onanisme, p. 33, décrit ainsi l’état d’un jeune homme auprès duquel il fut appelé :

Je fus effrayé moi-même la première fois que je vis cet infortuné.

Je sentis alors, plus que je n’avais fait encore, la nécessité de montrer aux jeunes gens toutes les horreurs du précipice dans lequel ils se jettent volontairement, en se livrant à ce vice honteux.

L. D***, horloger, avait été sage et avait joui d’une bonne santé jusqu’à l’âge de dix-sept ans. À cette époque il se livra à la masturbation, qu’il réitérait jusqu’à trois fois ; et l’éjaculation était toujours précédée et accompagnée d’une légère perte de connaissance et d’un mouvement convulsif dans les muscles extenseurs de la tête, qui la tiraient fortement en arrière, pendant que son cou se gonflait extraordinairement.

Il ne s’était pas écoulé un an qu’il commença à sentir une grande faiblesse après chaque acte : son âme, déjà toute livrée à ces ordures, n’était plus capable d’autres idées, et les réitérations de son crime devinrent tous les jours plus fréquentes, jusqu’à ce qu’il se trouvât dans un état qui fit craindre la mort.

Sage trop tard, le mal avait fait tant de progrès, qu’il ne pouvait être guéri, et les parties génitales étaient devenues si irritables et si faibles, qu’il n’était plus besoin d’un nouvel acte de la part de cet infortuné, pour faire épancher la semence. L’irritation la plus légère procurait sur-le-champ une érection parfaite, qui était immédiatement suivie d’une évacuation de cette liqueur, ce qui augmentait journellement sa faiblesse.

Ce spasme, qu’il n’éprouvait, auparavant, que dans le temps de la consommation de l’acte, et qui cessait en même temps, était devenu habituel, et l’attaquait souvent sans aucune cause apparente, et d’une façon si violente, que pendant tout le temps de l’accès, qui durait quelquefois quinze heures et jamais moins de huit, il éprouvait dans toute la partie postérieure du cou des douleurs si violentes, qu’il poussait ordinairement, non pas des cris, mais des hurlements ; et il lui était impossible, pendant tout ce temps-là, d’avaler rien de liquide ou de solide.

Sa voix était devenue enrouée ; la respiration était gênée ; il perdit totalement ses forces.

Obligé de renoncer à sa profession, incapable de tout, accablé de misère, il languit presque sans secours pendant quelques mois, d’autant plus à plaindre, qu’un reste de mémoire, qui ne tarda pas à s’évanouir, ne servait qu’à lui rappeler sans cesse les causes de son malheur, et à l’augmenter de toute l’horreur des remords.

Ayant appris son état, je me rendis chez lui ; je trouvai moins un être vivant qu’un cadavre gisant sur la paille, maigre, pâle, sale, répandant une odeur infecte, presque incapable d’aucun mouvement : il perdait souvent par le nez un sang pâle et aqueux ; une bave lui sortait continuellement de la bouche. Attaqué de la diarrhée, il rendait ses excréments dans son lit sans s’en apercevoir. Le flux de la semence était continuel ; ses yeux chassieux, troublés et éteints, n’avaient plus la faculté de se mouvoir le pouls était extrêmement petit, vite et fréquent ; la respiration très-gênée, la maigreur extrême, excepté aux pieds, qui commençaient à être œdémateux.

Le désordre de l’esprit n’était pas moindre : sans idées, sans mémoire, incapable de lier deux phrases, sans réflexion, sans inquiétude sur son sort, sans autre sentiment que celui de la douleur, qui revenait avec tous les accès au moins tous les trois jours. Être bien au-dessous de la brute, spectacle dont on ne peut concevoir l’horreur : on avait peine à reconnaître qu’il avait autrefois appartenu à l’espèce humaine………… Il mourut au bout de quelques semaines, œdémateux de tout le corps, en juin 1757.

La plupart des jeunes gens livrés aux femmes et au vice honteux de la masturbation, dit Buchan, t. 2, p. 202, n’y renoncent communément que lorsque leurs forces ne leur permettent plus de s’y adonner, et alors la maladie est devenue incurable. J’en ai vu un exemple frappant dans un jeune homme de 22 ans, à qui les conseils les plus sages, et même donnés par des personnes qui semblaient devoir exercer le plus d’empire sur son esprit, ne purent jamais faire perdre cette habitude. Il s’y livrait dans le temps même que par le régime et les remèdes on travaillait à le guérir de cette maladie. Il périt misérablement sans qu’on eût pu lui procurer aucun soulagement.

Les confesseurs doivent donc apporter toute leur sollicitude à prémunir contre de si grands maux et à arracher à cette infâme habitude ceux qu’ils croiraient en être atteints ou l’avoir contractée. Ils doivent surtout prendre garde, en interrogeant les jeunes gens, et particulièrement les jeunes filles, de ne pas blesser imprudemment leur imagination et de les faire tomber ainsi dans des actions honteuses, comme cela arrive souvent. Il serait de beaucoup préférable de s’exposer au danger de ne pas obtenir une confession entière que de corrompre les âmes ou de les blesser au détriment de la religion.

Voici le moyen de découvrir sans danger si la pollution existe : d’abord, interroger le pénitent sur les pensées, les paroles déshonnêtes, les nudités devant d’autres personnes, et les attouchements sur soi ou sur d’autres ou qu’il a permis à d’autres de lui faire. S’il n’est pas encore arrivé à l’âge de puberté, il ne doit pas être interrogé sur la pollution, car il n’est pas probable qu’il l’ait pratiquée, à moins qu’il ne paraisse très corrompu. Mais s’il est pubère, qu’il ait pratiqué des attouchements impudiques avec d’autres personnes, et surtout qu’il ait couché avec des enfants plus âgés que lui, il est moralement certain qu’il y a eu écoulement de la semence, et il est suffisamment clair que la pollution a eu lieu.

Le confesseur peut cependant dire avec prudence : Avez-vous ressenti des mouvements dans le corps (ou dans la chair) ? Avez-vous éprouvé dans les parties secrètes une agréable délectation après laquelle les mouvements se sont calmés ? Si le pénitent répond affirmativement il est raisonnable de penser que la pollution a eu lieu, car les mouvements violents suivis d’un plaisir semblable indiquent d’une manière certaine que l’écoulement a eu lieu, qu’il s’agisse de l’un ou de l’autre sexe.

L’écoulement est toujours extérieur chez les mâles ; mais la pollution ne se produit pas de la même manière chez les femmes, puisqu’il est probable aujourd’hui que les femmes n’ont pas de semence. Cependant, dans les mouvements désordonnés, il y a souvent l’écoulement intérieur, et rarement extérieur, d’une espèce d’humeur muqueuse qui se laisse facilement comprendre par l’aveu de sensations extrêmement agréables. Les femmes qui provoquent cet écoulement ou des mouvements vénériens ou s’y complaisent librement commettent un péché mortel. Mais le confesseur doit s’abstenir prudemment de questions contraires à la pudeur lorsqu’il est discrètement arrivé à connaître les attouchements ou les mouvements voluptueux.

S’il s’agit d’hommes qui ont fait des actions honteuses avec d’autres hommes plus avancés en âge, comme il est probable qu’ils les ont vus répandre la semence, il convient de leur demander s’ils n’ont pas éprouvé quelque chose de semblable.

À la pollution positivement reconnue, il faut opposer des remèdes convenables : les uns sont physiques et les autres moraux. Les remèdes physiques peuvent servir à la guérison de la pollution volontaire ou involontaire : ils consistent dans une grande sobriété, un genre de vie bien réglé, l’abstinence d’aliments échauffants, de liqueurs spiritueuses, l’usage de l’eau et du lait, peu de sommeil, un lit peu moëlleux, des bains froids et dans quelques autres moyens que les médecins seulement doivent indiquer, mais qui sont rarement efficaces.

Les remèdes moraux sont surtout la fuite des objets qui ont coutume de donner de mauvaises idées, la vigilance sur soi-même, la garde des sens, la mortification de la chair, la méditation sur les maux qu’engendre l’habitude de la pollution, la pensée de la mort, du jugement de Dieu, de l’enfer et de l’éternité, la fuite de l’oisiveté, le silence, la vie solitaire, la prière, la confession fréquente, etc.

Les confesseurs conseilleront parfois, prudemment, aux jeunes gens très corrompus, la lecture des livres écrits par les médecins sur cette matière, par exemple, l’Onanisme de Tissot, et, encore mieux, le livre de Doussin-Dubreuil, intitulé Danger de l’onanisme. Ce dernier ouvrage peut être, sans inconvénient, indiqué comme remède aux jeunes dissolus.

L’exécrable habitude de la masturbation, quand elle est invétérée, jette les confesseurs dans une espèce de désespoir. Il est très difficile de juger prudemment si l’on peut, si l’on doit admettre aux sacrements de pénitence et d’Eucharistie, les pénitents livrés à ce vice. Il est à craindre qu’ils s’éloignent de la confession et deviennent plus mauvais si on les traite sévèrement ; si on les accueille avec trop d’indulgence, ils s’endormiront dans la fange du vice.

Il faut donc user d’une très grande prudence et d’un grand zèle, afin que ces malheureux pénitents s’approchent souvent du sacré tribunal de la pénitence, par exemple toutes les semaines, se repentent de leurs fautes et renouvellent fréquemment le bon propos de ne plus pécher.

Il faut examiner attentivement si les rechutes proviennent de la malice, de l’indolence ou du défaut de bon propos, ou bien de la faiblesse de la chair et de la violence de la tentation. Dans le premier cas, on doit différer l’absolution jusqu’à un amendement réel ; mais, dans le second, il faut aller au secours des malheureux pénitents qui luttent contre une passion tyrannique et ont la contrition ; on doit leur accorder l’absolution et la sainte Eucharistie. Par là, on diminue peu à peu les rechutes et on finit par faire disparaître l’habitude ; tandis que, au contraire, une trop grande sévérité éloignant les pénitents des sacrements, les jetterait dans le gouffre de la corruption, et ravirait presque tout espoir d’amendement.

En conséquence, ce serait une mesure excessive et dangereuse de remettre à deux mois sans nouvelles rechutes comme le veulent Juenin, Collet et beaucoup d’autres, cette catégorie de pénitents. St Ligori, t. 6, no  463, et plusieurs autres avec lui, pensent que le délai, même d’un mois, est trop long, et que, dans ces cas, l’absolution ne doit pas être différée de plus de huit ou dix, ou quinze jours, pourvu qu’il y ait des signes de vraie contrition.

Mais, en règle générale, on ne saurait déterminer le délai : Il dépend de la prudence du confesseur qui le prorogera ou l’abrégera, selon qu’il le croira utile à l’amendement du pénitent. Remarquez bien que les pauvres pécheurs qui désirent sincèrement leur salut ne doivent pas être confondus avec les endurcis ni jetés dans le désespoir par une sévérité hors de saison. Les confesseurs doivent y bien prendre garde et user de la plus grande prudence.

Parfois il faut conseiller le mariage, à ceux qui peuvent le contracter, comme le remède unique, ou au moins le plus efficace ; on doit user d’une grande circonspection lorsqu’il s’agit de jeunes gens qui doivent faire vœu de continence perpétuelle. Ceux qui sont atteints d’un tel vice et se livrent souvent à des pollutions, seraient ordinairement disposés au vœu téméraire et imprudent de chasteté ; ils doivent donc être éloignés de la profession religieuse et, à plus forte raison, de l’état ecclésiastique, à moins qu’ils ne donnent des signes extraordinaires de conversion et que, par une longue épreuve de plusieurs années, ils ne témoignent de la fermeté de leur résolution et de leur persévérance.


ARTICLE II

DE LA SODOMIE


St Thomas, 2. 2, q. 154, art. 11, définit ainsi cette monstrueuse corruption qui tire son nom des habitants de Sodome : Accouplement entre deux personnes du même sexe, par exemple d’un homme avec un homme, ou d’une femme avec une femme.

Ce crime est d’une énormité évidente :

1o Par l’horreur qu’il excite chez tout le monde ;

2o Par sa difformité naturelle et manifeste ;

3o Par les châtiments inouïs que Dieu infligea aux cinq villes qui en étaient souillées (Gen., ch. 19) ;

4o D’après l’épître de St Paul aux Rom. 1, 18 et suiv., où il est dit, qu’en punition de leur orgueil, les Gentils ont été livrés à d’ignobles passions, faisant ce qui ne convient pas et brûlant dans leurs propres désirs, les femmes pour les femmes, les måles pour les mâles ;

5o Par les graves peines décrétées dans le droit canon et dans la bulle de Pie V, Horrendum illud scelus, contre les eleres qui pratiquent la sodomie ;

6o Suivant tous les pères de l’Église qui ont attaqué ce grand crime avec une extrême violence : St Chrys. 14e Homél., dans l’épît. aux Rom., foudroie les sodomites de son éloquence, et leur reproche d’être plus infâmes que les chiens.

Peu importe le vase dans lequel pratiquent le coït, les mâles entre eux ou les femmes entre elles, que ce soit dans celui de devant ou dans celui de derrière ou sur une autre partie du corps, puisque la malice de la sodomie consiste dans l’affection pour le sexe interdit, et que, dans son genre, elle est complète, par l’application en manière d’union charnelle, des parties génitales sur une partie du corps d’une personne du même sexe. Il n’y a cependant pas sodomie, parce qu’il n’y a pas union charnelle, lorsqu’on applique seulement les mains, les pieds ou la bouche sur les parties génitales d’un autre, la pollution se produirait-elle des deux côtés.

La sodomie revêt la malice de l’adultère, de l’inceste ou du sacrilége, selon que les personnes qui s’y livrent sont mariées, parentes par consanguinité ou par alliance, ou consacrées à Dieu.

Des théologiens nombreux disent que le pénitent est tenu de déclarer si, dans l’acte sodomique, il a été agent ou patient, parce qu’autre chose est se laisser volontairement polluer et autre chose, participer à la pollution d’autrui, et que d’ailleurs les rôles naturels sont gravement intervertis lorsque la femme devient agent et l’homme patient. Beaucoup d’auteurs, cependant, avec plus de probabilité, rejettent cette nécessité, prétendant que la nature du péché est suffisamment exprimée par la déclaration du fait c’est l’opinion du P. Concina lui-même, très peu suspect de relâchement.

Comme en cette matière il convient d’éviter les questions superflues, nous nous abstenons toujours d’interrogations de cette nature.

Il y a une autre espèce de sodomie qui consiste dans l’union charnelle entre personnes de différents sexes, mais hors du vase naturel dans la partie de derrière, dans la bouche, entre les seins, entre les jambes ou les cuisses, etc. Quoique ce genre d’infamie ne tombe pas sous les peines portées contre la sodomie proprement dite, il n’en est pas moins certain que cet acte contre nature constitue un crime énorme. Aussi, dans notre diocèse, cette sodomie, comme l’autre, forme un cas réservé, n’eussent-elles été consommées ni l’une ni l’autre, mais tentées par un acte qui pouvait y amener.


ARTICLE III

DE LA BESTIALITÉ


La bestialité résulte de l’accomplissement des actes vénériens avec des êtres appartenant à l’animalité. Voy. St. Thomas, 2. 2, q. 154, art. 11.

Le Lévitique, 20, 15 et 16, nous montre la bestialité comme un très grand péché lorsqu’il dit : que celui qui aura pratiqué le coït avec une bête soit puni de mort : vous tuerez aussi la bête. Si une femme s’est prostituée à une bête, qu’elle meure avec la bête. Que leur sang retombe sur eux.

Cet horrible crime étant plus opposé aux règles de la raison que tous les autres péchés contre la chasteté, il est regardé comme beaucoup plus grave et inspire de l’horreur à tout le monde. La loi civile condamnait autrefois à mourir dans les flammes, avec la bête elle-même, celui qui n’avait pas reculé devant l’accomplissement d’une pareille infamie. Aujourd’hui, celui qui se rendrait coupable de ce crime en public, ou d’un autre du même genre, serait puni de la prison et d’une amende.

Quelle que soit l’espèce à laquelle appartienne l’animal, le péché ne change pas de nature, et la différence des sexes ne l’aggrave pas beaucoup, parce que sa malice vient de ce qu’il est contre nature. Il n’est donc pas nécessaire de faire connaître en confession l’espèce, le sexe et les autres qualités des bêtes, mais il faut dire si le péché a été accompli par l’écoulement de la semence ou s’il y a eu seulement essai. Dans notre diocèse, l’un et l’autre de ces cas est réservé.

Tous les théologiens parlent du commerce avec le démon sous la forme d’un homme, d’une femme ou d’une bête, ou seulement présent dans l’imagination ; ils disent qu’un tel péché doit être mis au rang de la bestialité, et qu’il a une malice spéciale qu’il faut déclarer en confession, à savoir : un sacrilége consistant dans le pacte avec le démon. On trouve nécessairement, dans ce crime, une double malice : une contre la chasteté et une autre contre la religion. Il est certain que l’acte sodomique accompli avec le démon sous la forme d’un homme, est une troisième espèce de péché. Si le démon se présente sous l’apparence d’une parente ou d’une femme mariée, il y a inceste ou adultère, et bestialité si c’est sous la forme d’une bête.

L’horreur qu’on éprouve du fait incroyable du coït pratiqué sur une femme morte nous oblige à nous demander dans quelle catégorie on doit ranger cet acte. Certains veulent que ce soit la bestialité, d’autres la fornication, et d’autres la pollution. Ce crime est si horrible que, la question spéculative mise de côté, il nous semble évident que la circonstance d’une femme morte doit nécessairement être déclarée, comme aussi la qualité qu’elle avait, étant vivante, de parente par consanguinité ou par alliance, de femme mariée ou de religieuse.



CHAPITRE IV

DES PÉCHÉS DE LUXURE NON CONSOMMÉE


La luxure non consommée est celle qui n’arrive pas jusqu’à l’écoulement de la semence. À cette espèce se rapportent : la délectation morose ou contemplative, les baisers, les attouchements et regards impudiques, la parure des femmes, les peintures et sculptures indécentes, les paroles déshonnêtes, les livres obscènes, les danses, bals et spectacles Nous traiterons rapidement ces divers sujets au point de vue pratique.


ARTICLE I

DE LA DÉLECTATION MOROSE


Sous ce titre sont comprises toutes les pensées mauvaises en fait de luxure, à savoir le désir, le plaisir et la délectation morose ou contemplative.

Le désir est un acte de la volonté qui a pour objet une action mauvaise comme la fornication, ou qui a pour but d’arriver à l’accomplissement de cette action le désir, dans ce cas, est dit efficace. Il est inefficace lorsqu’on désire arriver à l’exécution, si la chose est possible, en se disant, par exemple : je voudrais bien me livrer à la fornication avec telle personne, sachant que la chose n’est pas possible ; les désirs se rapportent donc à l’avenir.

Le plaisir, au contraire, se rapporte au passé : C’est la délectation dans le souvenir d’une mauvaise action, comme, par exemple, quand on évoque le | souvenir d’un acte charnel déjà accompli, ou de mauvais propos qui ont été tenus : dans cette espèce se classe le dépit de ne pas avoir, dans une occasion donnée, fait une action mauvaise ; par exemple, de ne pas avoir séduit une jeune fille, quand on vient à s’apercevoir que la chose eût été facile.

La délectation morose ou contemplative consiste simplement à se complaire dans une action mauvaise que l’imagination nous représente comme réelle, mais sans désir de l’accomplir ; par exemple, lorsqu’on s’imagine qu’on se livre à la fornication, et que, sans chercher à accomplir cet acte, on se complaît, d’un libre consentement, dans l’idée qu’on s’en est faite.

Ce n’est pas la durée de cette disposition de l’esprit qui a fait donner à la délectation dont nous parlons le nom de morose, puisqu’un seul instant suffit pour l’accomplissement d’un péché intérieur, mais bien la persistance dans cette délectation après qu’on s’est aperçu qu’on était en état de péché.

Il est certain, d’après ce qui vient d’être dit :

1o Que le désir d’une chose mauvaise est un péché de la même nature et de la même espèce que la chose désirée, parce que le siége du péché est dans la volonté ; or, la volonté est complète, lorsqu’il y a vrai désir d’arriver à une chose mauvaise.

Il suit de là que ce péché se qualifie par son objet. Les qualités et les particularités de l’objet désiré changeant l’espèce du péché ou augmentant sa gravité sans en changer l’espèce, on doit les déclarer en confession ; celui, par exemple, qui a porté ses désirs sur une parente par consanguinité ou par alliance, doit déclarer cette circonstance, de même que le degré de consanguinité ou d’alliance, aurait-il seulement désiré l’acte charnel faisant, dans son esprit, abstraction de tout lien de consanguinité ou d’alliance, car la malice de l’inceste est inséparable de l’objet, même en faisant abstraction de ce dernier ; il en serait autrement si on ignorait complètement cette circonstance.

Il ne suffit donc pas que le pénitent dise, d’une manière générale, qu’il a eu de mauvais désirs ou qu’il a désiré commettre des actes impurs ; il doit spécifier l’objet de ses désirs : l’union charnelle, ou seulement des attouchements ou des regards, avec une personne en général et de quel sexe, ou avec une personne déterminée, libre ou liée par un engagement quelconque, etc.

2o Il n’est pas moins certain que le fait d’arrêter sa pensée sur un acte de luxure passé, de s’y complaire librement, peut être assimilé, comme malice, à l’acte lui-même : car la volonté embrasse l’objet tout entier revêtu de toutes ses particularités ; elle revêt donc de nouveau toute sa malice. Il en est évidemment de même lorsqu’on regrette de ne pas avoir fait le mal dans une occasion passée.

3o Il est encore certain que la libre délectation de l’esprit, dans un objet vénérien que l’imagination nous montre comme présent, constitue un péché mortel ; car, dans l’hypothèse, l’objet lui-même est mortellement mauvais ; or, celui qui donne son libre consentement à une chose mauvaise, par exemple à la fornication à laquelle il suppose se livrer, fait une action contraire à la loi de Dieu.

On lit dans le Livre de sagesse, 1. 3 : Les mauvaises pensées nous éloignent de Dieu ; et dans Les Proverbes, 4. 23 : Mets tous tes soins à conserver ton cœur.

Des auteurs nombreux enseignent que la délectation morose ou contemplative se spécifie non par les objets extérieurs, mais par la représentation qu’on se fait de ces objets, et que c’est en cela qu’elle diffère des désirs. La raison de cette différence vient de ce que le désir aspire à l’objet autant qu’il est au pouvoir de celui qui l’éprouve, et par là entraîne nécessairement toutes ses malices connues, quelles que soient les abstractions qu’on peut avoir faites. (de qualités ou circonstances), tandis que la simple délectation repose dans l’image de l’objet.

D’où il suit que celui qui se délecte dans l’idée qu’il se fait de l’acte charnel pratiqué avec une femme mariée, parente par consanguinité ou par alliance, ou avec une religieuse, mais considérée uniquement comme femme, commet un péché qui n’est probablement pas revêtu de la malice de l’adultère, de l’inceste ou du sacrilége. Voy. de Lugo, Bonacina, Layman et nombre d’autres cités par St Ligori, l. 5, no  15, qui donne cette opinion comme probable.

Beaucoup d’autres, cependant, tiennent l’opinion contraire comme la plus probable, parce qu’ils ne regardent pas comme fondée cette prétendue différence entre le désir et la simple délectation : La délectation, disent-ils, embrasse comme le plaisir, tout l’objet connu nonobstant les abstractions. Voy. St Antoine, Cajetan, Lessius, Sanchez, Suarez, Sylvius, le P. Antoine, Collet, Dens, etc.

Les deux opinions sont probables ; la dernière est la plus sûre ; mais il est souvent difficile d’obtenir que les pénitents fassent connaître l’objet de leurs pensées ; dans ce cas, un confesseur prudent, se basant sur la première opinion, s’abstient de questions importunes.

4o Celui qui s’aperçoit qu’il prend plaisir à un objet vénérien qui n’est présent que dans son imagination et qui y reste indifférent, commet probablement un péché mortel, n’éprouverait-il même pas de mouvements désordonnés, car il donne son consentement à une chose mauvaise, ou, du moins, s’expose au grave danger d’y consentir. C’est, dans la pratique, l’opinion de presque tous les théologiens.

5o Il est à remarquer qu’il y a une grande différence entre penser à une chose mauvaise et se délecter dans une chose mauvaise. Nous allons l’expliquer par une comparaison : Celui qui se complaît volontairement dans la pensée d’un homicide qu’il se représente comme s’accomplissant, commet certainement un péché mortel ; mais celui qui pense à un homicide qu’un autre a commis ou doit commettre, ou qui en parle, ne pèche pas pour cela. Il en est de même des actions honteuses : La simple pensée de ces actions ou du plaisir qu’elles procurent n’est pas en soi un péché, et on n’en commet pas davantage en y pensant, en se les rappelant ou en les prévoyant ; autrement les médecins, les théologiens, les confesseurs, les prédicateurs, qui étudient et écrivent sur ces matières, qui les traitent ou en parlent, pècheraient nécessairement, et c’est ce que personne ne saurait affirmer.

Il y a cependant cette différence entre la pensée d’un homicide ou d’une autre chose mauvaise et la pensée d’une chose honteuse, que cette dernière est toujours dangereuse à cause de notre concupiscence naturelle ; il n’en est pas ainsi de la première, car un tel penchant n’est pas dans notre nature. Par conséquent, on pèche véniellement ou mortellement, selon le danger qui en résulte, en se formant volontairement des images d’objets honteux, à moins que ce ne soit par nécessité.

Il est à remarquer que le sentiment de la délectation se distingue du consentement à la délectation : L’un, en effet, est souvent nécessaire et pour cela, exempt de péché, tandis que l’autre dépend toujours de la volonté. Autre chose est sentir, autre chose consentir.

Beaucoup de personnes tombent dans une grande confusion d’idées et sont tourmentées de scrupules parce qu’elles confondent sentir et consentir, penser à une chose mauvaise et se délecter dans cette chose : elles doivent faire des études afin de sortir triomphantes de ces ténèbres et de ces anxiétés.

Ceux qui aiment sincèrement la chasteté peuvent demeurer certains qu’ils n’ont pas consenti aux mouvements de concupiscence, toutes les fois qu’il est resté, dans leur esprit, confusion ou incertitude ; car s’ils avaient consenti ils auraient remarqué le changement survenu dans leurs résolutions, et ils en auraient gardé le souvenir.

Ceux, au contraire, qui ont la pernicieuse habitude de se livrer aux plaisirs des sens doivent, lorsqu’ils ne sont pas sûrs de s’être prêtés aux mouvements de concupiscence, décider qu’ils y ont consenti, car s’ils avaient résisté à leur penchant, ils n’auraient pas perdu le souvenir de leurs efforts : et comme les péchés de luxure se multiplient en peu de temps, outre mesure, ils peuvent, avec raison, dire avec le prophète pénitent : Mes iniquités se sont emparées de moi…… elles sont plus nombreuses que les cheveux de ma tête. Ps. 39, 13.

On demande s’il est permis aux personnes mariées et veuves de prendre plaisir à la pensée de l’acte charnel à venir ou passé.

R. 1o Les fiancés et les veufs ne pèchent pas en pensant que le plaisir est attaché à ces actes, ni en prévoyant qu’ils éprouveront ce plaisir ou en se souvenant qu’ils l’ont éprouvé : car il est évident que cette notion n’est pas le plaisir dans l’acte vénérien.

Si donc il y a quelque péché, c’est certainement dans le danger d’en commettre plus tard : Or, ce danger étant grand, petit ou même nul, il en est de même du péché.

R. 2o Pèchent mortellement les personnes fiancées, ou les personnes veuves, qui donnent leur consentement à la délectation charnelle que produit en elles la prévision de l’acte futur ou le souvenir de l’acte passé ; car elles se figurent l’acte charnel comme s’accomplissant actuellement et elles y prennent volontairement plaisir. Or, l’acte charnel s’accomplissant actuellement, est, à leur égard, une fornication puisqu’elles ne sont pas mariées.

R. 3o L’époux qui, en l’absence de son épouse, prend plaisir à l’acte charnel comme s’accomplissant actuellement, commet probablement un péché mortel, surtout si les esprits génitaux en sont gravement agités, non pas précisément parce qu’il consent à une chose qui lui est défendue, mais parce qu’il s’expose ordinairement à un grave danger de pollution. Beaucoup de théologiens prétendent qu’il ne pèche que véniellement lorsqu’il se complaît librement dans la pensée de l’acte vénérien futur ou passé, pourvu cependant qu’il ne soit pas en danger de pollution. Voy., dans ce sens, Sanchez, Bonacina, Lessius, Cajetan, La Croix, Suarez, St Ligori, etc.

Beaucoup d’autres affirment que, moralement parlant, il y a toujours, dans ce cas, péché mortel, tant à cause du danger qu’à cause de l’agitation désordonnée des esprits génitaux qui ne sauraient être justifiés par une fin légitime. Voy. Navarrus, Azor, Vasquez, Layman, Henno, Le P. Antoine, Collet, etc.

On doit donc blâmer les personnes mariées qui se livrent à de semblables plaisirs et les exhorter à adopter le parti le plus sûr. On ne doit cependant pas les traiter avec trop de sévérité, ni les irriter par des questions qui leur sont odieuses.


ARTICLE II

DES BAISERS, DES ATTOUCHEMENTS, DES REGARDS IMPUDIQUES ET DE LA PARURE DES FEMMES


Nous ferons observer qu’il ne s’agit pas ici des baisers, attouchements, etc., entre personnes mariées, mais entre personnes libres : nous parlerons ailleurs des personnes mariées.


§ I. — Des baisers


I. Les baisers sur les parties honnêtes, comme la main et la joue, ne sont pas mauvais de leur nature, même entre personnes de différents sexes : Cela est conforme à l’opinion générale et à la pratique partout admise dans le monde.

D’où il suit : 1o Qu’on ne trouve aucune espèce de mal dans les baisers que les enfants incapables de passions sont dans l’habitude d’échanger.

2o Qu’il n’y a pas de péché dans les baisers que donnent, aux enfants qui leur sont confiés, les mères, les nourrices, etc. ;

3o Ni, ordinairement du moins, dans ceux que d’autres personnes, hommes ou femmes, donnent aux enfants en bas âge de l’un ou de l’autre sexe.

II. Les baisers même honnêtes, motivés par la passion, donnés ou reçus, entre personnes du même sexe ou de sexes différents, sont des péchés mortels. Mais les baisers sur les parties inusitées du corps, par exemple sur la poitrine, sur les seins, ou à la mode des colombes en introduisant la langue dans la bouche d’une autre personne, sont présumés avoir la passion pour mobile, ou du moins mettent dans un grave danger d’y succomber et, pour cette raison, ne peuvent être excusés de péché mortel.

III. Il est certain qu’on doit regarder comme péchés mortels les baisers, même honnêtes, qui mettent dans le danger prochain de pollution ou de mouvements de violente passion, à moins que, par hasard, il n’y ait de graves raisons de les donner ou de les permettre, car c’est pécher mortellement que de s’exposer au danger sans nécessité.

IV. Il est certain, au contraire, qu’il n’y a nul péché à donner ou recevoir des baisers, selon l’usage, sans qu’il y ait moralement danger de passion, et en signe d’urbanité, de bienveillance et d’amitié, comme avant le départ et au retour d’un voyage : tout le monde le comprend ainsi partout.

Cela ne concerne pas les religieux et les moines ni les prêtres séculiers, qui ne peuvent ordinairement ainsi embrasser des personnes d’un autre sexe sans qu’il en résulte naturellement une certaine indécence, du scandale et du mépris pour la religion.

V. Les baisers en soi honnêtes, faits selon l’usage, mais par légèreté ou en jouant et sans grave danger de passion, n’excèdent pas la gravité d’un péché véniel : du moment qu’on les suppose honnêtes, ils ne peuvent être mauvais si ce n’est en raison du danger ; et, d’un autre côté, le danger est supposé léger.

Il en résulte : 1o qu’on ne doit pas accuser de péché mortel celui qui, recherchant une jeune fille en mariage, l’embrasse honnêtement chaque fois qu’il arrive ou qu’il la quitte sans se mettre en danger de mouvements passionnés, ou du moins sans qu’il y ait danger d’y consentir ; à plus forte raison ne pèchera-t-il pas s’il y a motif de faire cet acte de politesse, sans lequel il aurait à craindre de passer pour scrupuleux ou original et d’être la risée et le jouet des autres personnes.

2o Par la même raison, il faut excuser une jeune fille qui ne peut refuser les baisers honnêtes sans se faire moquer d’elle ou sans risquer de déplaire au jeune homme qui la recherche en mariage.

3o On ne doit pas trop facilement accuser d’un grave péché les jeunes gens de l’un et de l’autre sexe qui, dans certains jeux, s’embrassent d’une manière décente et sans mauvaises intentions. On doit les détourner prudemment de cette manière de jouer, à cause du danger qui en est inséparable ; mais il importe beaucoup, pour leur salut, de ne pas les regarder, à la légère, comme coupables de péché mortel.


§ II. — Des attouchements impudiques


1o Je suppose des attouchements faits sur soi ou sur d’autres sans intentions lubriques ; car, alors ce seraient des péchés mortels.

2o Si ces attouchements sont faits par pure nécessité comme pour soigner des infirmités, ce ne sont nullement des péchés, mettraient-ils en mouvement les esprits génitaux et exciteraient-ils la pollution, pourvu qu’il n’y ait pas consentement ; cela résulte de ce que nous avons dit plus haut en parlant de la pollution.

3o On ne saurait excuser de péché mortel ceux qui sans cause légitime se livrent à des attouchements honteux sur des personnes de l’un ou de l’autre sexe, à cause du danger évident de la commotion des esprits et de la pollution. On doit regarder comme tels, les attouchements sur les parties vénériennes ou sur celles qui les avoisinent : se rend coupable du même péché celui qui porte avec complaisance morose les mains sur les seins d’une femme alors qu’ils sont couverts, car la sympathie donne naissance au grave danger de mouvement des esprits et de la pollution. Le péché ne nous paraîtrait pas mortel si on se contentait de toucher légèrement les vêtements d’une femme parce que cet acte n’est pas de nature à porter, d’une manière prochaine, aux actes vénériens.

La Croix, l. 3, no  902, regarde comme probable que les servantes ne commettent pas un péché mortel quand elles touchent les parties pudiques des enfants en les habillant, à moins qu’elles ne se complaisent ou se délectent dans ces attouchements. Je les regarde comme coupables de péché mortel si elles le font sans nécessité, à cause du danger qu’elles courent et font courir aux enfants de l’un et de l’autre sexe, surtout s’ils commencent à devenir grands. Les parents doivent avoir une extrême méfiance au sujet des servantes perdues de mœurs qui souvent enseignent le mal aux enfants en bas âge.

4o Une femme pècherait mortellement si même, sans être dominée par la passion, elle permettait des attouchements sur ses parties pudiques ou sur celles qui les avoisinent, ou bien sur les seins ; car alors elle s’exposerait évidemment au danger vénérien et participerait, en plus, à la passion d’autrui ; elle devrait repousser aussitôt l’agresseur, le réprimander, le frapper, repousser violemment la main, le fuir ou crier si elle pouvait compter sur du secours. Billuart, t. 13, p. 478.

5o Celui qui se complaît sans motif dans les attouchements des parties vénériennes, commet un péché véniel ou mortel, suivant le danger qu’il court de ne pas s’arrêter là. En effet, le danger n’est pas le même pour tout le monde ; chez beaucoup de personnes, les sens sont ébranlés par les moindres attouchements qui les mettent dans le danger prochain de pollution ; d’autres ont l’insensibilité du bois et de la pierre. Ces derniers, donc, ne sont point tenus à une aussi grande vigilance que ceux qui sont plus portés aux actes vénériens.

J’ai dit sans motif, car il n’y a pas de péché dans ces attouchements lorsqu’ils sont faits dans un but raisonnable et sans mauvaise intention, par exemple, pour se laver ou pour calmer le prurit.

Bien plus, il est permis, après avoir éloigné tout danger de consentement, de se faire des attouchements, même en prévision de mouvements voluptueux et de la pollution d’ailleurs involontaires, lorsqu’on a de graves motifs, tels que de guérir une infirmité, ou, suivant l’opinion d’un grand nombre, de calmer un prurit insupportable, comme cela arrive souvent chez les femmes. Ligori, l. 3, no  419.

6o On ne doit pas regarder comme constituant des péchés mortels, les attouchements faits, en jouant ou par légèreté, sur les parties honnêtes d’une autre personne, soit du même sexe, soit de sexe différent, lorsqu’il n’y a pas grave danger d’exciter les passions. Toute leur malice, en effet, réside dans le danger ; or, dans ce cas, nous supposons que ce danger est léger.

Ainsi, il n’y a pas de péché mortel à tenir la main d’une femme, palper et presser ses doigts, toucher légèrement son cou ou ses épaules, poser le pied sur son pied, à moins qu’en raison de sa propre faiblesse ou de celle de la femme, il n’y ait danger grave d’exciter les passions.

Mais au contraire, le jeune homme qui attire une jeune fille sur ses genoux, l’y retient assise ou l’étreint en l’embrassant, commet, du moins ordinairement, un péché mortel, et on ne peut pas davantage excuser d’un semblable péché, la femme qui s’y prête volontiers.

L’expérience ne prouve que trop que des actes de ce genre entre personnes du même sexe font souvent naître le danger de tomber dans des actions honteuses. On doit donc les fuir ou les éviter avec soin, et on ne doit pas facilement les excuser de péché mortel, surtout lorsqu’ils résultent d’une affection sensible.

Mais ces actes et d’autres semblables ne constituent pas des péchés mortels chez ceux qui n’ont pas atteint l’âge de puberté, car le danger de pollution n’existe pas encore chez eux. On doit cependant les détourner avec prudence de ces sortes de jeux, car ils n’apprennent jamais trop tôt les règles de la décence, et, en cette matière surtout, on doit les prémunir même contre les fautes vénielles.

7o C’est un péché mortel rentrant dans la catégorie de la bestialité, de toucher, d’une manière lascive, les parties génitales des animaux. C’est encore un péché mortel de les manier par curiosité, par plaisanterie ou légèreté, jusqu’à l’écoulement de la semence, non pas à cause de la déperdition de la semence de la bête, mais parce que cette action excite fortement les passions de celui qui s’y livre. Voy. St Ligori, l. 3, no  420, Collet, Billuart et beaucoup d’autres. Sont d’une opinion contraire, Diana et Sanchez qui a cependant plus tard modifié son opinion. Enfin, selon La Croix, Sanchez et St Ligori, ce ne serait pas un péché mortel de les toucher sans intention lascive, pourvu qu’on n’arrivât pas jusqu’à l’écoulement de la semence. Concina, Collet, Billuart, enseignent la doctrine contraire, prétendant que cette action est dangereuse.

Celui donc qui aime la chasteté doit s’abstenir avec soin de pareils actes, et cependant les confesseurs doivent être prudents à l’égard de ceux qui en font l’aveu, de peur de tomber dans le danger de les troubler en pure perte.

Il est reconnu par tout le monde que ceux qui, par nécessité, aident dans le coït les animaux domestiques, tels que chevaux, taureaux et porcs, ne commettent pas de péché, éprouveraient-ils des mouvements lascifs, pourvu qu’ils n’y consentent pas.


§ III. — Des regards impudiques


L’expérience prouve que les regards influent moins sur l’acte vénérien que les attouchements ; il est certain cependant que ce sont très souvent des péchés mortels ou véniels, suivant l’intention, le consentement ou le danger qui en résulte.

I. Il est évident que certains regards, honnêtes en soi, deviennent des péchés mortels, quand il existe une intention perverse.

II. Le péché est, sans aucun doute, mortel si les regards impudiques excitent des mouvements de concupiscence suivis de consentement.

III. On pèche mortellement, sauf le cas de nécessité ou de grave utilité, en portant, même sans intentions lubriques, des regards prémédités sur les parties vénériennes d’une grande personne de l’autre sexe, ou sur les parties qui les avoisinent ; car il est moralement sûr que ces regards excitent des mouvements lubriques, et même la pollution.

J’ai dit 1o prémédités, parce qu’il n’y a pas de péché à porter les yeux à la légère, par hasard et sans intention mauvaise, sur les parties pudiques d’une personne de l’autre sexe.

J’ai dit 2o d’une grande personne, car ces regards sur des enfants n’excitant pas les passions à ce point ne constituent pas des péchés mortels. Donc les servantes et les nourrices ne pèchent pas mortellement en regardant ainsi les enfants dont elles ont la garde, à moins qu’elles ne le fassent avec complaisance (littéralement : qu’elles ne le fassent morosement — morose —), avec plaisir ou danger pour elles.

Ne pèchent peut-être pas mortellement, même ceux ou celles qui se regardent entre eux à l’état de nudité et qui n’ont pas atteint l’âge de puberté, parce que de pareilles passions n’existent pas encore chez eux : On devrait autrement décider s’ils couraient un grave danger.

IV. Pèche mortellement celui qui se complaît à regarder ses propres parties pudiques, car il est presque impossible que ces regards ne fassent pas naître chez lui des mouvements lubriques. Il en serait autrement s’il les regardait par pure curiosité, et surtout s’il y avait lieu de présumer qu’il n’a pas couru un grave danger. Il n’y aurait pas de péché si, tout danger de lubricité écarté d’ailleurs, ces regards étaient nécessaires ou utiles.

C’est un péché mortel de regarder complaisamment — morose — les seins nus d’une belle femme, à cause du danger inséparable de ces regards. Ne pèchent cependant pas ainsi, lorsqu’il n’y a pas un danger particulier, ceux qui regardent des mères ou des nourrices allaiter des enfants. Ces femmes doivent cependant avoir la prudence de se cacher, de peur d’être un sujet de scandale pour les autres, et surtout pour les jeunes gens.

V. C’est souvent un grave péché de regarder fixement une belle personne d’un autre sexe, car une pareille attention est remplie de dangers ; cependant, si, tout bien examiné, il n’y a ni danger grave ni intentions lubriques, le péché est seulement véniel. Il n’est pas nécessaire pour cela de marcher les yeux baissés et sans regarder personne ; il faut naturellement, et sans effort, savoir rester dans un juste milieu.

VI. Ne pèche pas mortellement celui qui, sans affection lubrique et attention morose, tout danger particulier étant écarté d’ailleurs, regarde certaines parties nues, mais honnêtes, du corps d’une femme, par exemple ses pieds, ses jambes, ses bras, son cou, ses épaules ; ordinairement, en effet, de semblables regards n’excitent pas gravement les passions vénériennes, surtout s’il est d’usage que ces parties soient laissées nues, comme cela arrive chez les personnes de l’un et de l’autre sexe qui, pendant l’été, travaillent ensemble dans les champs. Voy. Sylvius, Biliuart, St Ligori, etc.

VII. Ceux qui, par curiosité ou à la légère, jettent les yeux sur les parties pudiques d’une personne du même sexe, comme cela arrive entre hommes, lorsqu’ils se baignent et nagent, ou entre femmes qui se baignent ensemble, ne paraissent pas coupables de péché mortel, à moins qu’il n’y ait intentions lubriques ou un danger particulier, car de semblables regards n’excitent pas les sens d’une manière grave.

Il en serait certes autrement s’ils se complaisaient dans ces regards — si ces regards étaient moroses. — Ainsi pensent les auteurs déjà cités.

Les personnes qui se baignent doivent bien prendre garde de se montrer nues, au mépris de la pudeur chrétienne, devant d’autres personnes, et principalement devant des personnes d’un sexe différent. Qu’elles se baignent seules dans des endroits écartés ou que du moins elles couvrent modestement leurs parties pudiques.

VIII. Ce n’est pas un péché mortel de regarder, par simple curiosité, les parties génitales des animaux et d’assister à leur coït, car il n’en résulte pas, d’ordinaire, un grave danger.

IX. On doit en dire autant de ceux qui regardent des peintures et des sculptures peu décentes qui ne troublent pas gravement les esprits ; telles sont les images et les sculptures exposées dans beaucoup de temples chrétiens et qui représentent des anges ou des enfants nus ou presque nus. Mais les docteurs se refusent à excuser de péché mortel ceux qui regardent avec complaisance, morosé, des tableaux ou des statues représentant, tout à fait à nu, les parties pudiques de grandes personnes d’un autre sexe, à moins qu’ils ne soient à l’abri de tout danger à cause de leur jeunesse, de leur vieillesse ou de la froideur de leur complexion. St Ligori, l. 3, no  324, etc.

Il est à remarquer que les baisers et les attouchements se spécifient par leur objet, d’où il résulte que lorsqu’ils constituent des péchés mortels, il est nécessaire de déclarer les circonstances de personnes. Les auteurs n’en disent pas autant des regards ; il y en a cependant beaucoup qui les rangent dans la catégorie de leur objet ; il est donc plus sûr de découvrir ces circonstances.

Qui oserait affirmer, par exemple, que le fils qui aurait porté ou désiré porter des regards voluptueux sur les parties pudiques de sa mère ne serait pas tenu de faire l’aveu d’une pareille circonstance ?


§IV. — De la parure des femmes


St. Thomas, 22, q. 169, art. 2, Sylvius, t. 3, p. 871, Pontas, Collet, Billuart, etc., donnent un traité spécial sur la parure des femmes.

Les soins du corps peuvent être étudiés sous un quadruple point de vue :

1o Le protéger contre les injures de l’air ;

2o Couvrir les parties pudiques ;

3o Conserver, selon la mode, la décence qui convient à son état ;

4o Augmenter sa beauté et plaire à autrui.

Les premier et deuxième aspects de la question sont nécessaires ; le troisième est convenable et licite, car il est conforme à la raison que chacun conserve, selon la mode, la décence qui convient à son état. Nous parlerons donc de la parure considérée au quatrième point de vue, et spécialement de la parure des femmes, parce que les femmes sont plus particulièrement portées à ce genre de fautes et parce que, attirant les regards des hommes par leur mise, elles sont souvent, pour eux, une occasion de ruine spirituelle. En conséquence :

1o Une femme mariée peut se vêtir convenablement, dans l’intention de plaire à son mari, comme le prouvent les paroles suivantes de St Paul, I. aux Corinth., 7. 34 : Celle qui est mariée s’occupe des choses mondaines, des moyens de plaire à son mari ; I. à Timothée, 2. 9. Les femmes doivent relever une belle parure par la pudeur et la réserve. Donc, elles peuvent se parer convenablement, selon leur condition, en vue de plaire à leur mari.

2o Une jeune fille ou une veuve qui s’habille convenablement selon sa condition, pour plaire aux hommes, sans blesser sa chasteté et afin de trouver à se marier, est exempte de péché car il lui est permis de se marier ; elle peut donc employer les moyens nécessaires pour atteindre son but.

3o Les femmes, au contraire, qui n’ont pas de mari, qui n’en veulent pas ou qui ne sont pas dans une condition à en avoir, pèchent mortellement, dit St Thomas, si elles s’habillent avec l’intention de se faire aimer des hommes ; car, dans l’hypothèse, cet amour est nécessairement impur, puisqu’il ne doit pas aboutir au mariage.

À plus forte raison, les femmes mariées qui se pareraient dans l’intention de plaire à d’autres qu’à leurs maris pècheraient mortellement.

On pense communément que le péché est simplement véniel, quand elles se parent uniquement par légèreté ou par vanité ou forfanterie. Telle est l’opinion de St Thomas, de Sylvius et autres théologiens.

4o Selon St Thomas, St François de Sales, Sylvius, St Ligori, etc., ce n’est point un péché de se farder pour cacher un défaut naturel, pour plaire à son mari, à un fiancé ou à un jeune homme à qui une jeune fille est destinée. C’est un péché mortel de le faire pour plaire aux hommes sans un but légitime de mariage ; telle est la décision des SS. Pères. Ce serait un péché véniel en soi, si on le faisait par pure vanité ; telle est l’opinion de St Thomas, 2. 2, q. 169, art. 2, quoiqu’en disent son continuateur Tournely, t. 6, p. 304, et autres théologiens.

J’ai dit en soi, car il peut devenir mortel à cause du danger, du scandale ou d’une autre circonstance.

5o Ce n’est point un péché, dit Sylvius, de se parer des cheveux d’autrui comme on se sert de la laine, du lin et des peaux d’animaux ; ou bien il est seulement véniel si, en raison de sa condition, cette parure est superflue ou portée par vanité.

Pour le même motif, ce n’est pas commettre un péché, ou bien c’est commettre un simple péché véniel, que d’aller tête nue et d’avoir les cheveux tressés selon la mode. Il en serait autrement si on introduisait cette mode ou si on s’y conformait dans de mauvaises intentions : et c’est dans ce sens qu’il faut entendre ces paroles de St Paul, à Tim., 2. 9 : Point de cheveux tressés ou d’or ou de perles ou de riches vêtements, et celles de St Pierre, I. épît. 3. 3.

6o C’est évidemment un péché mortel de prendre les vêtements d’un autre sexe avec des intentions ou grave danger de lubricité, ou lorsqu’il en résulte un grand scandale. Il n’y a point de péché lorsqu’on les prend par nécessité, par exemple, pour se cacher ou parce qu’on n’en a pas d’autres, pourvu qu’il n’en résulte ni scandale ni danger.

Le péché est seulement véniel si on le met pour s’amuser ou par légèreté, sans scandale et sans danger. Telle est l’opinion de Sylvius expliquant St Thomas et disant que le précepte suivant du Deutéronome 22. 5 : La femme ne prendra pas les vêtements de l’homme ni l’homme ceux de la femme, car de tels actes sont abominables aux yeux de Dieu, est en partie positif, et pour cette raison était obligatoire pour les juifs sous peine de péché mortel, mais se trouve abrogé par la nouvelle loi ; en partie naturel, et sous ce rapport obligatoire sous peine de péché mortel ou véniel selon les circonstances.

7o Il faut, par la même raison, décider que ceux qui se masquent ne pèchent pas toujours mortellement, par exemple lorsqu’ils le font pour s’amuser ou par légèreté, et sans qu’il y ait scandale ou danger, surtout quand ils ne prennent pas les vêtements de l’autre sexe, mais ceux d’une personne d’une condition autre que la leur : le domestique les vêtements du maître, la femme de chambre la parure de sa maîtresse. Cette décision est opposée à celle de Pontas et de Collet.

Ceux qui, dans les réunions publiques, portent des vêtements étrangers et bizarres et des masques, peuvent rarement être excusés de péché mortel à cause de l’inconvenance, du danger et du scandale qui en résultent. Sont également coupables de péché mortel ceux qui confectionnent ou vendent ces vêtements ou ces masques pour servir uniquement à un pareil usage. Il n’en est pas ainsi de ceux qui regardent les personnes masquées et s’en amusent, à moins que sous un autre rapport, comme clercs par exemple, ils ne donnent matière à scandale.

8o C’est un péché mortel, pour une femme, de se découvrir les seins ou de les laisser voir sous une étoffe trop transparente, car c’est là une grave provocation à la lubricité, dit Sylvius, t. 3, p. 872. Par contre, ce n’est pas un péché mortel de découvrir un peu la gorge en se conformant à la mode, lorsque c’est sans mauvaises intentions et qu’il n’en résulte aucun danger ; c’est la décision de St Antoine, de Sylvius, de St Ligori, l. 2, no  55, etc.

À plus forte raison, ce n’est pas un péché mortel de sa nature, de mettre à nu ou de ne couvrir que légèrement les bras, le cou et les épaules, en se conformant à la mode ; mais les auteurs déjà cités regardent comme coupables de péché mortel, ceux et celles qui introduisent ces modes.


ARTICLE III

DES DISCOURS DÉSHONNÊTES, DES LIVRES OBSCÈNES, DES DANSES OU DES BALS ET DES SPECTACLES


§ I. — Des discours déshonnêtes


1o Les discours déshonnêtes de leur nature ne sont pas mauvais en soi comme le prouve l’exemple des médecins, des théologiens, des confesseurs, etc., qui, sans pécher, peuvent traiter les sujets honteux.

2o Il y a péché mortel, au contraire, dans toute parole obscène et dans de simples équivoques lancées dans un but de lubricité ou de délectation charnelle volontaire, ou bien faisant courir à soi-même ou aux autres un grave danger de consentement. Bien plus, ces péchés s’aggravent en raison du nombre de personnes qui écoutent et auxquelles ils sont nuisibles. Cela est de toute évidence d’après ce que nous venons de dire.

Ce serait, par conséquent, un péché mortel de parler d’une manière gravement obscène, de prononcer le nom des parties pudiques de l’autre sexe, de parler du coït et des modes du coït, le ferait-on sans délectation, par légèreté, pour exciter le rire ; car ces propos sont de nature à provoquer des mouvements lubriques, surtout chez les personnes non mariées et encore jeunes, selon ces paroles de St Paul aux Corinth., I, Épît. 15. 33 : Les mauvais discours corrompent les bonnes mœurs.

J’ai dit, surtout non mariées, car il est certain que ceux qui le sont, ne se laissent pas facilement troubler par ces propos, habitués qu’ils sont aux actes vénériens. Il est très rare que ceux qui tiennent des discours très obscènes devant des personnes mariées, mais qui ne le sont pas entre elles, ne se rendent pas coupables de péché mortel.

3o Ce n’est pas un péché mortel de tenir des discours légèrement obscènes et équivoques sous le frivole prétexte du besoin de parler, ou de les tenir en plaisantant, à moins que ceux qui les entendent ne soient assez faibles pour en être scandalisés.

Par conséquent, les mots piquants et peu décents que les moissonneurs, les vendangeurs, les meuniers et autres ouvriers, sont dans l’habitude de lancer, ne sont pas des péchés mortels, car ceux qui les prononcent et ceux qui les écoutent en sont ordinairement peu émus. Voy. St Antoine, Sanchez, Lessius, Bonacina, Sylvius, Billuart, St Ligori, etc. Il en serait autrement s’il en résultait un grave danger ou scandale.

4o Ceux qui entendent des discours déshonnêtes ont de l’autorité sur ceux qui les prononcent, ou bien ils n’en ont pas : s’ils en ont, ils doivent les empêcher autant que faire se peut ; dans le cas contraire, ils sont dans l’obligation de les avertir, ou du moins ils doivent garder le silence ; les femmes surtout doivent prendre les plus grandes précautions pour ne pas paraître donner une approbation qui, d’habitude, enflamme la lubricité des hommes.

Il ne faut cependant pas décider que le fait d’avoir accueilli en riant des paroles indécentes qui constituent un péché mortel pour celui qui les prononce, mette en ce même état de péché mortel la personne qui les a entendues et qui en a ri ; car il peut arriver que son hilarité soit plutôt provoquée par la manière de dire que par le sujet lui-même : or, dans ce cas, il n’y a pas de péché mortel, à moins qu’il n’en résulte un scandale. Mais les religieux, les clercs et les personnes connues par leurs vertus chrétiennes deviendraient facilement un sujet de scandale en riant de paroles obscènes.

5o Ce que nous avons dit des discours honteux s’applique également aux chansons déshonnêtes. C’est un péché mortel de composer, de chanter ou d’écouter, en y prenant plaisir, des poésies obscènes : il en est de même lorsqu’un scandale grave se produit, par exemple lorsqu’un clerc compose des vers ayant un sens équivoque ou lorsqu’il les chante devant d’autres personnes : le péché est encore plus grave s’il les chante devant des laïcs.

6o Ceux qui ont autorité sur les autres, et surtout les pasteurs et les confesseurs, doivent veiller avec sollicitude à ce que leurs inférieurs ou ceux dont ils ont la direction ne contractent pas l’habitude de parler ou de chanter d’une manière indécente ; ils ne doivent pas oublier ces paroles de St Paul : Qu’on n’entende jamais parmi vous parler de fornication ni d’aucune espèce d’impureté ; soyez réservés comme des saints et ne mêlez pas à votre conversation des turpitudes, des sottises ou bouffonneries grossières qui ne conviennent pas. (Éph., 5.)

7o Les entretiens sur des sujets voluptueux, dans des lieux écartés, entre des personnes de sexe différent, surtout s’ils se prolongent et se répètent souvent, sont très dangereux et le signe du naufrage prochain de la chasteté ; on doit donc les éviter avec soin quoiqu’on ne puisse pas toujours les considérer comme des péchés mortels.

8o Les jeunes confesseurs doivent éviter, avec le plus grand soin, d’exciter une trop vive sensibilité chez les jeunes filles ou les femmes et de s’en faire aimer, car cela tourne fréquemment à la ruine des âmes et au détriment de la religion ; qu’ils ne craignent pas, lorsqu’ils s’aperçoivent de ces affections désordonnées, de les repousser par de dures paroles, et si cela ne suffit pas, qu’ils renvoyent leurs pénitentes immédiatement à d’autres confesseurs ; sans cela, ils les perdront par leur imprudence, et ils périront avec elles.

Par la gloire éternelle de Dieu et au nom de leur salut, nous adjurons tous les clercs, conformément aux statuts des conciles, de ne jamais retenir les jeunes femmes auprès d’eux, de ne pas les visiter, de ne pas parler familièrement avec elles, et, à plus forte raison, de ne pas les embrasser et de ne pas les introduire dans leur chambre. Hélas ! que de maux l’oubli de ces préceptes a causés, et quels opprobres en sont résultés pour la religion !


§ II. — Des livres obscènes


Nous ne parlerons pas ici des livres hérétiques et impies, mais seulement de ceux qui sont contraires aux bonnes mœurs, et particulièrement des romans ordinairement remplis de récits d’amours illicites ou d’histoires scandaleuses très propres à exciter les passions désordonnées.

1o Ceux qui composent des livres gravement obscènes pèchent mortellement : car ils sont une occasion de ruine spirituelle pour un grand nombre de personnes, et ils ne peuvent invoquer aucun motif d’excuse légitime.

2o Il est également impossible de trouver une raison suffisante pour excuser ceux qui font profession de vendre de tels livres : Pèchent donc mortellement les libraires qui les tiennent dans leur magasin, les y étalent et les vendent au public.

3o Régulièrement, c’est un péché mortel de prendre plaisir à la lecture des livres de cette espèce, et même de les lire par légèreté, curiosité ou même dans un but de récréation ; car il est dans leur nature de troubler les sens, d’exciter l’imagination et d’allumer des feux impurs dans le cœur.

Je dis régulièrement ; car je ne veux pas donner comme certain que tous ceux qui lisent de tels livres, par pure curiosité, tombent dans le péché mortel, si, par leur âge avancé, la froideur de leur complexion ou l’habitude qu’ils ont de traiter des questions vénériennes, ils sont mis hors de danger.

4o Il y a des livres racontant des amours licites ou illicites qui n’excitent pas gravement les passions, ne troublent pas les sens et n’exposent pas à un notable danger ; telles sont beaucoup de tragédies, de comédies et d’autres poëmes. Ne pèchent pas mortellement ceux qui, sans danger pour eux et sans scandale pour autrui, lisent des livres de ce genre par pure curiosité ; et ils ne pèchent nullement s’ils le font dans un but légitime, celui par exemple de s’instruire, d’acquérir ou de perfectionner l’éloquence, en supposant qu’ils n’omettent ni ne négligent les devoirs que leur impose leur état. Les clercs peuvent, rarement sans péché, se livrer à ce genre de lectures, car ordinairement ou ils négligeraient leurs devoirs, ou ils seraient un sujet de scandale. L’expérience prouve tout au moins que ces lectures produisent, chez eux, le dégoût de la piété, le relâchement dans le travail, l’anéantissement de l’esprit d’onction et de ferveur, etc. Aussi remarque-t-on avec raison que ces livres sont souvent beaucoup plus nuisibles aux fidèles que s’ils étaient profondément obscènes, car alors ils exciteraient l’horreur ; on doit donc détourner les pénitents de cette lecture.

Ceux qui composent les livres dont nous venons de parler, ne seraient-ils même pas gravement obscènes, pèchent souvent mortellement, parce que, sans raisons suffisantes, ils sont une occasion de ruine pour beaucoup de personnes. Ceux qui les vendent ne nous paraissent pas commettre un aussi grave péché. En effet, d’après ce que nous avons dit, beaucoup de personnes peuvent les lire sans pécher, ou du moins, sans pécher mortellement ; il en résulte qu’elles ne commettent pas de péché en les achetant, ou qu’elles commettent seulement un péché véniel. Le libraire qui les a en magasin et qui les vend à ceux qui lui en font la demande, ne doit donc pas être considéré comme en état de péché.

5o Les pères de famille, les maîtres d’école, les chefs de maison et tous ceux qui sont chargés de la direction des autres doivent, autant que possible, éloigner leurs inférieurs de la lecture des romans et les accoutumer aux lectures pieuses, saintes et sérieuses. C’est le seul moyen de faire des hommes instruits, sensés, vertueux, défenseurs de la religion et de la société, propres à diriger leur famille et toute sorte d’affaires.


§ III. — Des danses et des bals


Danses et bals sont deux mots synonymes qui expriment certains modes d’amusement ou de récréation connus de tout le monde. Il y a trois sortes de danses : la première, qui est certainement licite, a lieu entre personnes du même sexe, soit hommes, soit femmes, sans actions, gestes ou paroles impudiques. La seconde, entre personnes du même sexe ou de sexe différent, exécutée d’une manière indécente ou avec de mauvaises intentions, doit certainement être réprouvée par tout le monde. La troisième a lieu entre hommes et femmes d’une manière décente et sans intentions mauvaises ; c’est sur cette dernière seulement que les controverses se sont élevées entre les auteurs.

Les auteurs de la théologie morale, dit Benoit XIV, inst. 75, no 3, sont unanimes pour reconnaître que ceux qui se livrent à la danse ne commettent aucune espèce de péché…… Les Pères de l’Église, au contraire, s’élèvent contre les danses qu’ils montrent comme propres à entraîner dans le crime les personnes qui s’y livrent.

Les auteurs dont nous venons de parler et les SS. PP. ne sont cependant pas en contradiction, car les premiers parlent des danses considérées comme amusement licite, et les seconds les envisagent plutôt au point de vue de leurs dangers et de leurs conséquences. C’est ainsi que le P. Segneri et St Ligori, 1. 3, no  429, apprécient l’opinion de Benoit XIV. On se trouve donc en face d’une double décision, savoir :

1o Celle qui veut que les danses ne soient pas, par elles-mêmes, illicites ;

2o Celle qui veut que les genres de danses auxquelles on se livre d’habitude, soient entourées de toute espèce de dangers.

Cela posé, il est important d’établir des règles pratiques d’une grande importance pour la direction des âmes.

1o C’est un péché mortel d’assister à des bals gravement déshonnêtes à cause des nudités, de la manière de danser, des paroles et gestes : Aussi la danse allemande, vulgairement appelée valse, ne peut jamais être permise non plus que les danses avec des masques ou habits laissant à découvert les parties déshonnêtes.

2o Ceux qui, à cause de leur faiblesse personnelle, sont mis dans un grave danger de lubricité par la danse, doivent s’en abstenir sous peine de péché mortel, à moins que, ce qui n’est pas probable, il n’y ait nécessité pour eux de se livrer à ce plaisir, et qu’ils ne soient pas en danger de consentement : c’est pourquoi l’absolution doit leur être refusée jusqu’à ce qu’ils se soient amendés et aient promis de s’en abstenir par la suite.

3o Il est évident que ceux qui sont, en dansant, un sujet de scandale, pèchent mortellement, excepté en cas de nécessité, si l’on peut réellement admettre qu’il y ait une nécessité pour eux de se livrer à la danse. Mais les moines, les religieux, les prêtres et les clercs d’un rang inférieur, eux-mêmes, ne peuvent être excusés de péché mortel, lorsqu’ils dansent dans les bals publics, le feraient-ils d’une manière honnête. C’est ainsi que semblent le décider plusieurs théologiens et, parmi eux, Benoit XIV qui, par l’Inst. 76 déjà citée, interdit les danses aux prêtres et aux clercs d’une manière formelle et appuie cette défense de raisons et de témoignages.

Si cependant les clercs et les religieux dansent entre eux, hors la présence des laïques, dans un but de récréation ou par légèreté, ils commettent bien un péché, mais non pas cependant mortel, dit le même pontife, d’après St Thomas.

4o On ne commet pas de péché en dansant d’une manière modeste ou en assistant à des bals honnêtes, si c’est pour certaines raisons de nécessité ou de convenance et de condition, et lorsqu’il n’y a pas danger probable d’exciter les passions. En effet, dans ce cas, s’il pouvait y avoir quelque péché, ce serait surtout parce qu’on fournirait à d’autres personnes l’occasion de pécher et qu’on participerait à leurs péchés ; or, dans l’hypothèse, il y a des raisons suffisantes pour passer sur des choses qui se produisent indépendamment de la volonté.

Une femme belle et bien vêtue n’est pas dans l’obligation de s’abstenir de paraître à l’église et dans les promenades publiques par la raison qu’elle est pour beaucoup de personnes une occasion de péché. Il en est de même des bals honnêtes qui ne présentent aucun danger pour elle, si elle a des raisons suffisantes pour y aller, ce que les circonstances seules peuvent déterminer ; une jeune fille destinée au mariage, par exemple, doit assister aux bals qui se donnent d’une manière honnête, dans la maison paternelle, chez des voisins ou des parents, et elle ne peut refuser l’offre qui lui est faite de danser, sans se faire tourner en ridicule et sans déplaire au jeune homme qui la recherche en mariage ou à ses parents ; elle ne commet alors aucun péché en dansant d’une manière décente et avec des intentions pures. Aussi lit-on dans St François de Sales (introduction à la vie dévote, 3e partie, ch. 23) :

Je vous dis des danses, Philothée, comme les médecins disent des potirons et des champignons : les meilleurs n’en valent rien, disent-ils ; et je vous dis que les meilleurs bals ne sont guères bons ; si néanmoins il faut manger des potirons, prenez garde qu’ils soient bien apprestez. Si par quelque occasion, de laquelle vous ne puissiez pas vous bien excuser, il faut aller au bal, prenez garde que votre danse soit bien apprestée. Mais comment faut-il qu’elle soit accommodée ? de modestie, de dignité et de bonne intention. Mangez-en peu et peu souvent (disent les médecins, parlant des champignons) : car pour bien apprestez qu’ils soient, la quantité leur sert de venin. Dansez et peu et peu souvent, Philothée ; car faisant autrement, vous vous mettez en danger de vous y affectionner.

Il n’est pas hors de propos de faire observer que le pieux évêque veut qu’on danse modestement avec des intentions pures et rarement : de plus, comme les mœurs étaient alors plus simples qu’aujourd’hui, ce genre d’amusement était peut-être moins dangereux qu’à notre époque.

5o C’est un péché seulement véniel d’assister à des bals honnêtes sans qu’il y ait grave danger ou scandale notable, et d’y danser sans raisons suffisantes que ce soit un péché, c’est ce dont personne ne saurait douter ; qu’il soit seulement véniel, c’est ce qui résulte de l’hypothèse elle-même. Des théologiens trop rigoureux ne veulent pas admettre l’hypothèse et affirment que, dans toutes les danses entre hommes et femmes, il y a toujours grave danger de lubricité. Ils prétendent qu’on ne doit pas ajouter foi à la parole de ceux qui disent n’éprouver, dans les danses, ni mouvements désordonnés ni délectation. Ce n’est cependant pas sur des présomptions qu’on doit juger les pénitents, et quand on les a interrogés avec prudence, il ne faut pas les croire plus coupables qu’ils ne le paraissent par leurs aveux, à moins qu’il ne reste évident qu’ils se font illusion ou qu’ils veulent tromper. Si, après avoir procédé avec une attention suffisante, le confesseur est trompé et donne l’absolution à un pénitent indigne, il sera innocent devant Dieu ; il commettrait au contraire une grande injustice si, sur une simple présomption, il refusait les sacrements à un pénitent bien disposé. Il ne faut donc pas, témérairement, regarder comme indignes d’absolution des hommes et des femmes qui ont dansé ou assisté à des bals, et il serait souvent imprudent d’exiger d’eux, sous peine de refus de l’absolution, la promesse de ne plus danser ni assister à des bals.

6o Cependant les danses, telles qu’on les pratique ordinairement, sont toujours dangereuses ; c’est pourquoi les confesseurs doivent, autant qu’il est en leur pouvoir, en éloigner leurs paroissiens et tous ceux dont les âmes leur sont confiées, que ce soient des jeunes gens de l’un ou de l’autre sexe : s’ils ne peuvent complètement empêcher les bals, ils doivent, autant que possible, diminuer les dangers qui en sont inséparables en défendant, par exemple, de danser aux jours d’abstinence, pendant le temps des offices divins, dans les cabarets où se rendent les dissolus des deux sexes, et en recommandant de ne pas continuer les danses pendant la nuit.

Les prêtres ne peuvent jamais approuver d’une manière positive ce genre de divertissements ni s’y livrer ou y assister ; ils doivent, au contraire, toujours les désapprouver comme dangereux ou, du moins, comme très peu en rapport avec les vertus chrétiennes. Mais s’il est convenable de les désapprouver, il serait mal à propos de refuser indistinctement les sacrements de l’Église à ceux qui s’y livrent.

7o Celui qui, en toute prudence, estime qu’en usant d’une grande sévérité il abolira complètement les bals dans sa paroisse, peut différer et même refuser l’absolution à tous ceux qui dansent ou prêtent leur concours dans les bals. Car s’il y en a qui ne pèchent pas mortellement en dansant, ils tendent des embûches à autrui en introduisant les danses ou en empêchant de les abolir et, sous ce rapport, on ne peut pas facilement les excuser de péché mortel.

8o Mais dans le cas où, comme cela arrive souvent, on n’aurait pas espoir de faire disparaître les bals du pays dans lequel on se trouve, une trop grande sévérité serait nuisible au salut des âmes. Il y a, en effet, beaucoup de personnes qui, persuadées que ces amusements sont permis ou du moins qu’ils ne sont pas gravement illicites, refusent absolument de s’en abstenir : elles désertent la confession, l’Eucharistie et les saints exercices. N’étant plus retenues par aucun frein, elles se livrent aux plus infâmes débauches. Livrées tout à la fois à l’ignorance, à la corruption, à la fréquentation d’hommes perdus de mœurs et à la prévention contre la religion et ses ministres, elles s’endurcissent dans la perversité et ne se corrigent point ; le plus souvent, elles se conduisent dans le mariage d’une manière indigne, scandalisent leurs domestiques, élèvent mal leurs enfants, et ainsi l’impiété fait des progrès et la corruption de leurs mœurs augmentant de plus en plus, ne leur laisse presque aucun moyen de faire quelque chose de bon.

On doit, au contraire, traiter avec douceur les pénitentes et les pénitents qui fréquentent les bals, les détourner de ces sortes de dangers par la persuasion et les prières, leur donner de salutaires conseils pour éviter le péril ; s’ils ont commis une faute, on doit leur faire paternellement des reproches, différer l’absolution, et enfin les reconnaissant repentants de leurs péchés, quoiqu’ils ne soient pas exempts de toute faute, on doit leur donner l’absolution et les admettre à la communion, du moins à Pâques ; en agissant ainsi, on prépare très efficacement leur salut et on est utile au bien de la religion.

Des principes que nous venons de poser découlent quelques conséquences qu’il est utile de consigner ici, savoir :

1o On ne doit pas proscrire publiquement les danses là où elles sont en usage et regardées comme licites ou indifférentes ; il sera permis de prêcher contre les péchés qui s’y commettent d’habitude, en termes chastes et de manière à ne pas offenser les oreilles pudiques. Il conviendra de parler avec précaution des personnes qui fréquentent les réunions de ce genre ou qui les tiennent chez elles ; elles ne doivent pas être notées d’infamie, et il ne serait pas prudent de déclarer que ceux qui auraient dansé ou assisté à des bals, ne seraient pas, pour cette raison, admis par la suite à la communion pascale.

2o Le confesseur ne peut donc pas repousser indistinctement ceux qui refusent de renoncer à des danses d’ailleurs honnêtes ; il ne peut pas non plus absoudre tous les pénitents indifféremment. C’est pourquoi il doit examiner avec soin les circonstances de la danse, de l’endroit où elle a eu lieu, de l’époque de l’année, des personnes qui y assistaient, du danger que le pénitent a couru, etc.

3o On ne peut pas absoudre ceux qui tiennent chez eux des bals publics où ils attirent, sans distinction, les jeunes gens des deux sexes, comme beaucoup de cabaretiers et d’aubergistes des villes ou des villages ; car l’expérience prouve que ces réunions où se rencontrent toute sorte de gens doivent être regardées comme des écoles de vices et de corruption.

Par la même raison, on ne doit pas admettre, si ce n’est sous promesse qu’ils abandonneront cette profession, les joueurs d’instruments qui président aux danses dans ces sortes de bals.

4o Il ne faudrait pas traiter avec la même sévérité ceux qui, pour des réjouissances publiques, données par l’autorité, prêteraient leur maison, procureraient des musiciens ou feraient eux-mêmes danser en jouant de divers instruments. Car s’il en résulte quelque danger, il y a des raisons suffisantes pour le tolérer, et qui excusent, sinon d’un péché véniel, au moins d’un péché mortel. Du reste, les curés et les confesseurs doivent, dans ce cas, prudemment passer sous silence ce qu’ils ne sauraient empêcher.

5o Je ne regarderais pas comme coupables de péché mortel ceux qui, quelquefois seulement dans l’année, à l’époque de la moisson par exemple ou les jours de fête, sont dans l’habitude de donner un bal à leurs parents, à leurs voisins ou à leurs ouvriers. Je les blâmerais, mais je leur donnerais l’absolution à Pâques. J’en ferais de même pour les musiciens, et, à plus forte raison pour ceux qui, sans un danger particulier, dansent dans ces occasions.

6o Bien plus, je ne voudrais pas refuser rigoureusement l’absolution à tous ceux qui dansent quelquefois, dans les réunions publiques — vulgairement assemblées ; — les confesseurs peuvent avoir certaines raisons d’excuser, sinon de tout péché, au moins d’un si grand, c’est-à-dire mortel : c’est le cas d’un jeune homme qui se ferait tourner en ridicule par ses camarades, et d’une jeune fille qui s’attirerait le mépris de celui qui la recherche en mariage, s’ils refusaient de danser. Mais, au contraire, je n’admettrais pas d’excuse pour les musiciens qui font profession de jouer dans les réunions, car, sans des raisons suffisantes, ils sont pour beaucoup de personnes une occasion de péché.

7o Je ne pense pas qu’on puisse absoudre, même à Pâques, ceux qui s’obstinent à fréquenter nuit et jour les bals publics, car ils s’exposent à un danger manifeste, et l’expérience prouve qu’ils sont presque tous corrompus.

Il n’est pas hors de propos de rapporter textuellement la décision que le sage et savant Tronson, consulté au sujet des bals par un Évêque, rendit, le 29 mai 1684, relativement aux jeunes filles qui s’obstinent à danser. Elle est conçue en ces termes :

1o Les confesseurs doivent détourner, autant qu’ils le peuvent, leurs pénitentes de la danse, surtout s’il s’y trouve des garçons. 2o Ils doivent leur refuser l’absolution, si la danse est pour elles une occasion de péché, soit par mauvaises pensées ou autrement, et qu’elles ne veuillent pas promettre de s’en abstenir. 3o Si elle n’est pas pour elles une occasion de péché, et s’il ne s’y passe rien de scandaleux, j’aurais peine à condamner les confesseurs qui leur donneraient l’absolution, supposé que l’évêque ne l’ait pas défendu. 4o Comme très souvent il y a du péril dans la danse, et qu’il arrive souvent que celles mêmes à qui elle n’est pas une occasion de péché, s’y attachent trop, les confesseurs peuvent leur donner pour pénitence de s’en abstenir pour plus ou moins de temps, selon qu’ils les trouvent disposées, et qu’ils jugent que cela leur est nécessaire, et leur refuser l’absolution si elles ne veulent pas le promettre.

Je crois que la prudence est bien nécessaire dans ces occasions.

Le pieux docteur dit encore, au même évêque, que lorsqu’il rencontrait des difficultés de ce genre, il avait l’habitude de suivre le conseil que St Augustin, Épît. 22, t. 2, p. 28, donnait à l’évêque Aurélius, tout en déplorant l’usage établi en Afrique, sous un prétexte religieux, lequel consistait à se livrer, dans les cimetières, aux excès du manger et du boire, en l’honneur des Martyrs : Ce n’est pas, autant que je puisse en juger, par la sévérité et la dureté, pas même par des moyens impérieux, qu’on peut mettre un terme à ces choses-là ; c’est plutôt en instruisant qu’en ordonnant, plutôt par les conseils que par les menaces. C’est ainsi, en effet, qu’on doit en agir avec le grand nombre et ce n’est qu’avec un petit nombre de pécheurs qu’il faut employer la sévérité.

Cajétan et Azor enseignaient que les bals ne sont pas défendus les dimanches et jours de fêtes, non-seulement parce qu’ils sont un signe de joie, mais encore parce que, ayant lieu en public, ils n’entraînent pas un grand danger de mal ; en outre parce qu’ils sont l’occasion de propositions de mariage ; et encore parce que, privés de cette distraction, les habitants de la campagne courraient un plus grand danger en se livrant à l’oisiveté, aux entretiens en tête à tête, où à de mauvais projets.

Sylvius, cependant, juge plus sainement, t. 3, p. 801, qu’on ne doit pas interdire les bals aux habitants des campagnes comme s’ils devaient pécher mortellement par cela même qu’ils danseraient ; qu’on doit cependant les en éloigner par de bons avis et par la persuasion, car il se commet souvent beaucoup de péchés dans les bals, même lorsqu’ils ont lieu en public ; et qu’il n’est pas facile d’éviter ces péchés en les autorisant. C’est là l’abrégé de notre doctrine.

Ce que nous avons dit des bals s’applique, toute proportion gardée, aux réunions de nuit vulgairement appelées veillées : celles-ci, cependant, n’offrent pas ordinairement d’aussi grands dangers que les bals. Du reste, on doit, afin de juger sainement des uns et des autres, peser avec soin toutes les circonstances : si les réunions de ce genre ont lieu entre parents, voisins ou amis, ou entre personnes de mœurs éprouvées, elles présentent beaucoup moins de dangers ; sachons, par conséquent, garder un juste milieu entre le relâchement et une trop grande sévérité.


§ IV. — Des spectacles


Il est reconnu par tout le monde que les spectacles n’ont en soi rien de mauvais. Aussi a-t-on autrefois représenté des tragédies même dans des collèges très religieux ; et si les pièces de théâtre n’étaient pas obscènes et de nature à exciter les passions, il serait permis de les représenter, et, à plus forte raison, d’assister à leurs représentations.

Mais, comme elles sont ordinairement dangereuses, par elles-mèmes, par leurs conséquences, il convient d’établir des règles dictées par la pratique.

I. Ceux qui composent ou qui représentent des comédies notablement obscènes ne peuvent, en aucune manière, être excusés d’un grave péché, en raison du scandale qu’ils ont causé, quoiqu’ils ne l’aient pas eu pour but : C’est l’opinion de théologiens peu suspects de sévérité, comme St Antoine, Sylvestre, Angelus, Sanchez et St Ligori, etc., et ce n’est certes pas le gain considérable qu’elles procurent qui peut être opposé comme excuse, car on ne verrait pas alors pourquoi on n’excuserait pas la prostitution elle-même.

II. C’est encore un péché mortel de contribuer par de l’argent ou d’encourager par des applaudissements les représentations de ces comédies obscènes, car c’est coopérer d’une manière effective à des actions extrêmement mauvaises. C’est ainsi que pense, contre quelques théologiens, St Ligori, l. 3, no  427, qui affirme qu’il a changé d’opinion après avoir été d’un avis contraire.

III. On ne peut cependant pas ordinairement excuser de péché mortel ceux qui composent ou représentent sur le théâtre des comédies ou des tragédies même peu obscènes, parce que le danger est inséparable de ce genre de divertissement et qu’il en résulte le scandale pour autrui. C’est pour cette raison que le concile d’Arles, tenu en 314, par son canon 5, prononce l’excommunication contre les acteurs et les actrices qui ont été jusqu’ici, au moins en France, regardés comme des êtres infâmes : aussi les sacrements de l’Église ne leur sont pas administrés, même à l’article de la mort, à moins qu’ils ne fassent la promesse de renoncer à leur profession.

Je dis, au moins en France, car en Italie, en Allemagne, en Pologne et dans plusieurs autres pays, les hommes et les femmes ne sont pas exclus des sacrements de l’Église par la raison qu’ils ont participé à la représentation de scènes théâtrales, mais les confesseurs sont libres de les admettre aux sacrements ou de les leur refuser selon la représentation à laquelle ils ont concouru.

IV. C’est certainement un péché mortel, à cause de la délectation qu’ils procurent, d’assister à des spectacles notablement obscènes ; certains théologiens pensent que le péché est seulement véniel lorsqu’on y va par curiosité ou par un motif de vaine curiosité et sans danger de consentement aux plaisirs vénériens. Mais cette décision est trop relâchée et le péché doit être regardé comme mortel, tant à cause du danger que du scandale, et de la coopération apportée à un acte mortellement mauvais.

V. Mais ce n’est pas un péché mortel d’assister à des scènes théâtrales lorsqu’elles ne sont pas notablement obscènes ni représentées d’une manière obscène, et qu’il n’y a ni danger spécial ni scandale. Le fait d’assister à des représentations de cette nature ne peut être un péché mortel qu’autant qu’il constituerait une coopération à la profession d’acteur ; or l’assistance au spectacle, tout scandale spécial mis de côté, n’est pas une grave coopération à la profession d’acteur. Voy. Sanchez, St Ligori et les théologiens en général, mais étrangers.

Ne pècherait en aucune façon celui qui, par nécessité, utilité ou convenances, assisterait à des spectacles honnêtes et sans graves dangers pour lui ; car, dans ce cas, il y aurait des motifs d’excuse suffisants d’avoir coopéré de loin aux péchés d’autrui et de s’être exposé à certains dangers. D’où il résulte qu’à de pareils spectacles peuvent assister sans péché :

1o Les femmes mariées, pour ne pas déplaire à leurs maris lorsqu’ils l’exigent ;

2o Les domestiques et les servantes, pour servir leurs maîtres ;

3o Les fils et les filles de famille, lorsque leurs parents l’ordonnent ;

4o Les militaires et les magistrats chargés du maintien de l’ordre ;

5o Les rois et les princes qui veulent s’attirer l’affection de leurs sujets ;

6o Les courtisans qui sont dans l’obligation d’accompagner les princes, etc., pourvu qu’ils soient animés de bonnes intentions et qu’ils ne donnent pas leur consentement à la délectation charnelle si, par hasard, elle se produit.

Le prince de Conti, Nicole, Bossuet, Desprez-de-Boissy ont écrit en maîtres contre les spectacles ; l’auteur de l’ouvrage, appelé comte de Valmont, Fromageau, Pontas et presque tous nos théologiens les ont condamnés ; J. J. Rousseau lui-même, dans une longue et éloquente lettre à d’Alembert, les a fortement désapprouvés.

On pourrait en citer beaucoup d’autres, comme Racine, Bayle, La Mothe, Gresset, Ricobini, qui avaient éprouvé les dangers du théâtre et qui, pour cette raison, ressentaient le regret d’y avoir succombé et désiraient qu’ils pussent être supprimés.

Nous n’avons certainement pas la prétention de combattre tant d’hommes illustres, et nous ne prétendons en aucune manière qu’ils se soient trompés ou qu’ils aient été trop rigoureux en condamnant le théâtre. Nous dirons volontiers avec le P. Alexandre (t. 10, in-8o, p. 358) : La fréquentation du théâtre et des comédies est dangereuse pour la chasteté et, de beaucoup de manières, funeste à l’âme : un chrétien peut à peine y assister sans péché.

De ce que les spectacles sont dangereux, il suit certainement qu’on doit mettre tous ses soins à en éloigner les chrétiens, mais il n’en résulte pas que tous ceux qui y assistent pèchent mortellement et soient indignes d’absolution. Ceux qui, par leurs paroles et leurs écrits, veulent défendre les mœurs et prendre soin de leur intégrité, examinent seulement ce qui est licite ou illicite dans les représentations théâtrales ; ils exposent longuement les circonstances dans lesquelles leurs résultats sont pernicieux et s’appuient sur de nombreux témoignages des PP. de l’Église, des conciles et des docteurs, qui confirment cette vérité. Aussi, nous avons établi des règles pour les confesseurs nous devons donc, autant que possible, discerner le péché mortel du péché véniel, car la direction d’une personne coupable de péché mortel est bien différente de celle d’une personne qui a péché véniellement.

C’est pourquoi je n’accorderais pas l’absolution :

1o Aux acteurs et actrices, même à l’article de la mort, à moins qu’ils ne promissent de renoncer à leur profession.

2o Aux poètes qui composent des pièces remplies d’amours illicites et destinées à être représentées sur le théâtre.

3o À ceux qui prêtent un concours direct aux représentations théâtrales, comme les servantes qui habillent les actrices, ceux qui font profession de vendre des costumes destinés à cet usage, qui les louent ou les confectionnent.

4o À ceux qui occasionnent un grave scandale en assistant à des représentations théâtrales, à un chrétien qui s’est fait remarquer par ses vertus, par exemple, à moins qu’ils n’y fussent tenus par une grave nécessité.

5o À ceux qui, en raison de circonstances personnelles, tombent dans un grave danger de lubricité.

6o Ni à ceux qui, sans excuse raisonnable, assistent fréquemment à ces sortes de divertissements, n’encourraient-ils pas un grave danger, et ne seraient-ils pas un sujet de scandale ; car une pareille habitude est inconciliable avec la vie chrétienne.

Mais j’absoudrais et j’admettrais à la communion pascale :

1o Ceux qu’un motif suffisant excuse de péché ;

2o Ceux qui, quelquefois seulement ou dans certaines circonstances, assistent à des spectacles qui ne sont pas notablement obscènes et qui n’offrent ni danger ni scandale.

3o Ceux qui prêteraient leur concours aux représentations théâtrales, non pas d’une manière directe, mais par certains accessoires, par exemple en nettoyant le rideau, en restaurant l’édifice, etc.

Du reste, dans beaucoup de pays étrangers, les confesseurs ne refusent pas l’absolution aux pénitents qui, par simple curiosité, pour donner du repos à l’esprit, et sans grave danger, assistent aux représentations théâtrales qui se donnent habituellement ; ni à ceux qui prêtent à des représentations honnêtes un concours direct ou indirect.

St François de Sales, tout en avouant que les spectacles présentent le même danger que les bals, excuse de tout péché ceux qui y assistent sans intentions mauvaises.

Les jeux, les bals, les festins, les pompes, les comédies en leur substance ne sont nullement choses mauvaises, ains indifférentes, pouvant estre bien et mal exercées, toujours néanmoins ces choses-là sont dangereuses : et de s’y affectionner, cela est encore plus dangereux. Je dis doncques, Philothée, qu’encore qu’il soit loisible de jouer, danser, se parer, ouyr des honestes comédies, banqueter, si est-ce que d’avoir de l’affection à cela, c’est chose contraire à la dévotion, et extrêmement nuisible et périlleuse. Ce n’est pas mal de le faire, mais ouy bien de s’y affectionner. (Introduction à la vie dévote, 1re partie, ch 23).

Par conséquent, nous ne nous éloignerons pas, dans notre doctrine au sujet des bals et des spectacles, des principes posés par un grand maître en piété.

On demande ce qu’il faut penser de la profession de comédien et de ceux qui assistent à leurs représentations.

R. St Thomas, 2. 2 ; q. 168, art. 3e, dit, au sujet des comédiens et des représentations qu’ils donnent : Parmi les choses utiles à la vie sociale peuvent être rangées certaines professions licites. C’est pourquoi celle de comédien elle-mime n’a en soi rien d’illicite lorsqu’elle sert à procurer aux hommes quelque délassement ; et les acteurs ne sont pas en état de péché, pourvu qu’ils mettent de la modération dans leur jeu, c’est-à-dire qu’ils s’abstiennent de paroles et de gestes illicites, et qu’ils n’emploient pas leur talent à des choses et dans des circonstances défendues… D’où il suit que ceux qui leur prêtent un concours modéré ne pèchent pas, mais agissent équitablement en récompensant leur travail. Mais ceux qui dépensent follement leur bien pour cela, ou même viennent au secours des comédiens qui représentent des pièces illicites, pèchent mortellement, car ils les encouragent dans le péché.

Les autres théologiens se rangent généralement à cette opinion de St Thomas. Or, si la profession de comédien n’est pas illicite en soi, à plus forte raison n’y a-t-il pas de péché, ou du moins n’est-il pas mortel, à assister, par pure curiosité, à des représentations honnêtes et dont il ne peut pas résulter de préjudice. Il n’y a pas non plus de péché à assister à des scènes où paraissent certains animaux, des chevaux, par exemple. Il faut cependant prendre garde de ne pas occasionner de scandale, ce qui arriverait ordinairement si un religieux, un moine ou un clerc séculier assistait à de tels spectacles, surtout en présence des laïques, s’il se produisait des faits encore moins honnêtes, ou si les acteurs couraient le danger de mort, ce qui arrive souvent dans les exercices avec des chevaux.




CHAPITRE V

DES CAUSES, EFFETS ET REMÈDES À LA LUXURE


§ I. — Des causes de la luxure


Les causes principales et les plus fréquentes des péchés de luxure sont les suivantes :

1o L’intempérance dans le manger et surtout dans le boire : Le vin pousse à la luxure et l’ivrognerie est turbulente : celui qui y prend plaisir ne conservera pas la sagesse (Prov. 20. 1) ; ne vous enivrez pas avec du vin, car il engendre la luxure. (Aux Éph.5. 13). Le libertinage et la luxure sont les accessoires de l’intempérance. (Tertull., L. du Jeûne). L’expérience confirme cette doctrine.

2o L’oisiveté qui enseigne la malice (Eccl. 33, 29), un sommeil prolongé, la mollesse ou la chaleur du lit, les jeux, les agréments et les délices de la vie.

3o La familiarité entre personnes de différent sexe, même sous prétexte de mariage, les regards, les attouchements, les embrassements, les entretiens voluptueux, suivant ces paroles de l’Ecclésiaste, 9, 11 : Beaucoup sont réprouvés pour s’être épris de la beauté de la femme d’autrui, car sa parole est brûlante comme le feu.

4o Les bals, les comédies et autres spectacles profanes, la lecture des livres obscènes et des romans, les discours déshonnêtes, les chansons amoureuses, les vêtements immodestes ou superflus, la fréquentation des cabarets, toutes ces choses, dit Tertullien, indiquent la perte de la chasteté.


§ II. — Des effets de la luxure


St Thomas, après St Grégoire, 2. 2. quest 153, art. 5, donne huit filles à la luxure :

Dans le domaine de l’intelligence :

1o L’aveuglement, dont Salomon lui-même nous a donné un exemple terrible ;

2o La précipitation, qui fait qu’un homme, sans délibérer et sans réfléchir, se laisse aller à des actions inconvenantes ;

3o Le défaut de réflexion, qui fait mal juger de la fin qu’on se propose et des moyens pour y arriver ;

4o L’inconstance : celui qui est adonné à la luxure veut et ne veut pas comme s’il était dans l’engourdissement (Prov. 13. 4.) et il ne persiste pas dans sa résolution de mener une vie meilleure.

Les quatre filles que St Thomas donne à la luxure, comme produites par la volonté, sont les suivantes :

1o L’amour démesuré de soi-même : celui qui se livre à la débauche place sa fin dernière dans les plaisirs de la chair et il applique toutes ses pensées aux moyens de s’y livrer.

2o La haine envers Dieu, qui proscrit les péchés contraires à la chasteté et les punit de peines graves ;

3o L’amour du siècle présent, dans lequel le débauché trouve les plaisirs dont il désire faire sa principale occupation ;

4o L’horreur de l’autre monde, où il sait qu’à la place des plaisirs obscènes, il trouvera pour son partage des supplices atroces. Cette horreur le fait désespérer de la félicité éternelle, parce qu’il lui semble impossible d’abandonner les plaisirs de ce monde. Ceux qui arrivent à ce désespoir se jettent dans toutes sortes d’obscénités ; c’est ce qui a fait dire au B. Paul, Épît. aux Eph., 4. 19 : Les désespérés se sont livrés eux-mêmes à l’impureté et à toute sorte d’obscénités, et à David, Ps. 9. 26 : À ses yeux, Dieu n’existe pas : ses voies sont souillées en tout temps. C’est comme s’il disait, écrit Sylvius, t. 3, p. 821, une fois qu’il a mis de côté le respect et la crainte de Dieu, il mène la vie la plus impure.

Outre ces effets moraux, il en est d’autres physiques que nous avons indiqués dans nos articles précédents, sans compter les horribles maladies vénériennes, ainsi nommées parce qu’elles sont la conséquence de l’abus des plaisirs vénériens.


§ III. — Des remèdes aux péchés de luxure


Il est d’abord nécessaire de faire disparaître les causes, que nous avons déjà énumérées, des péchés de luxure.

En outre, il convient de prescrire les moyens suivants :

1o La prière fréquente et fervente : Voyant que je ne pouvais rester dans la continence sans le secours de Dieu…… je suis allé vers lui et je l’ai prié (L. de Sag., 8. 21) ;

2o La lecture des livres de piété, les méditations sur la passion du Christ et sur les supplices réservés aux débauchés dans l’autre monde : Dans toutes tes actions, souviens-toi de ta fin dernière et tu ne pècheras pas pour l’éternité. (Eccl., 9. 40.) ;

3o S’abstenir d’une nourriture délicate et abondante : Les iniquités de Sodome furent le résultat de l’orgueil, de l’abondance et de l’oisiveté (Ézéch.)

4o La garde des sens, surtout de celui de la vue : Vous ne regarderez pas une jeune fille de peur que sa beauté vous scandalise. (Eccl., 9. 4) ;

5o Fuir l’oisiveté et éviter avec soin les occasions : Celui qui aime le danger y périra. (Eccl., 3. 27) : Que les parents se gardent donc bien de permettre à des enfants de différent sexe, même frères et sœurs, de coucher dans le même lit ; car l’expérience prouve que cet usage est très pernicieux pour la chasteté.

6o Les macérations de la chair et les jeûnes, car les contraires se guérissent par les contraires. Or, on ne chasse cette espèce (de démons) que par la prière et par le jeune. (Math., 17. 20) ;

7o Les aumônes et autres œuvres de charité qui nous obtiennent de Dieu des grâces abondantes ;

8o L’approche fréquente des sacrements de pénitence et d’Eucharistie ;

9o L’assiduité à se mettre en la présence de Dieu et à se rappeler l’éternité ;

10o La résistance aux premiers mouvements de la volupté, ayant soin de diriger son attention vers un autre objet, surtout vers un objet saint : Résistez au démon et il s’en ira d’auprès de vous. (Jac., 4. 7) ;

11o Les conseils d’un confesseur prudent et, autant que faire se peut, de son confesseur ordinaire ; car il suggérera au pénitent des remèdes proportionnés à ses faiblesses et très-propres à surmonter la tentation.




SUPPLÉMENT
AU TRAITÉ DU MARIAGE


Il existe des questions nombreuses d’une grave importance et sur lesquelles on est appelé à se prononcer chaque jour, concernant le traité du mariage, et que la prudence ne permet pas d’exposer dans un cours public de théologie. Les prêtres qui sont à la veille d’être revêtus des redoutables fonctions de directeur des âmes ne devant pas ignorer ces questions, nous avons l’habitude de les exposer et de les développer devant nos diacres. On peut ramener ces questions à deux principales, savoir :

1o De l’empêchement par impuissance,

2o Du devoir conjugal.


PREMIÈRE QUESTION

DE L’EMPÊCHEMENT PAR IMPUISSANCE


Cette matière est obscène, contraire à la pudeur et souvent dangereuse. Ce que nous avons à en dire, par nécessité, ne doit jamais être lu qu’avec une grande pureté d’intentions, et dans un but honnête, pour distinguer une lèpre d’une autre lèpre, appliquer au mal un remède convenable, donner de bons conseils, et pour retirer ou détourner les âmes de la fange du vice honteux. Cette étude offre presque toujours du danger ; mais ceux qui s’y livrent par nécessité peuvent avoir confiance dans les secours du ciel qui font triompher de la tentation. Chacun doit donc fréquemment se rappeler qu’il est en la présence de Dieu qui connaît toutes nos pensées et adresser à la bienheureuse Vierge une courte et fervente prière, comme nous l’avons recommandé au commencement de cet opuscule.


Notions préliminaires


L’essence du mariage est l’acte charnel consommé et accompli. Le mariage est consommé par l’écoulement de la semence de l’homme dans le vase naturel de la femme ou par l’accouplement de l’homme et de la femme, de telle manière qu’ils ne forment qu’une seule et même chair, selon ces paroles de la Genèse : Et ils seront deux dans une même chair.

Toutes les fois que le membre viril ayant pénétré, l’écoulement de la semence de l’homme a eu lieu, le mariage est réputé consommé, que la femme ait eu son écoulement ou non, chose que d’ailleurs on ne peut pas reconnaître d’une manière positive et qui, d’après beaucoup de personnes, n’est absolument nécessaire ni à la conception ni à l’accomplissement de l’acte conjugal. L’impuissance n’est donc pas autre chose que l’impossibilité de consommer le mariage dans les conditions plus haut exposées.

Par conséquent, ceux qui n’ont qu’un testicule ne sont pas impuissants, car ils peuvent introduire leur membre et répandre la semence prolifique. On ne doit pas non plus regarder comme impuissants les vieillards même décrépits. On a vu, en effet, des centenaires avoir des enfants de leur commerce avec de très jeunes filles.

Les femmes stériles ne sont pas, pour ce motif, impuissantes, car il peut arriver que l’introduction du membre viril ait lieu et qu’elles reçoivent la semence de l’homme sans la retenir ou que toute autre cause les empêche de concevoir. Lorsque l’écoulement de la semence a lieu dans le vase naturel, l’acte conjugal est accompli et l’impuissance n’existe pas, quoique, par suite de circonstances accidentelles, la conception n’ait pas lieu. Sont au contraire réellement impuissants les vieillards trop faibles pour introduire leur membre, ou tellement décrépits que l’écoulement de la semence ne peut pas avoir lieu. Il en est de même de ceux auxquels manquent les deux testicules ou qui les ont broyés, parce qu’ils ne peuvent produire la semence prolifique.

On distingue plusieurs espèces d’impuissance : L’impuissance naturelle ou accidentelle ; l’impuissance absolue ou respective, perpétuelle ou temporaire, antérieure ou subséquente.

L’impuissance naturelle est celle qui provient d’une cause naturelle et intrinsèque ; chez l’homme, par exemple, une froideur invincible qui s’oppose à une érection suffisante, une trop grande surexcitation qui occasionne l’écoulement de la semence avant que l’acte charnel ait pu s’accomplir, ou bien l’absence de la verge ou des testicules ; chez la femme, le rétrécissement des parties génitales qui s’oppose à l’introduction du membre viril, ce qui n’est pas rare.

L’impuissance accidentelle est celle qui provient d’une cause extrinsèque, d’un maléfice du démon, par exemple, sur l’homme ou sur la femme. L’effet s’en fait sentir chez l’homme lorsque le démon engourdit ses nerfs au moment où il veut se livrer à l’acte conjugal ; et chez la femme, quand le démon rétrécit ses parties génitales ou trouble son imagination au point qu’elle ne peut supporter l’approche de son mari et que subitement elle ressent pour lui une haine violente.

L’impuissance absolue est celle qui rend une personne impuissante à l’égard de toute autre ; c’est le cas d’un homme privé de ses deux testicules ou qui est d’un tempérament absolument froid.

L’impuissance relative diffère de l’impuissance absolue en ce qu’elle se rapporte à telle ou telle personne et non à la généralité ; une femme, par exemple, peut être trop étroite pour un homme et non pour un autre ; un homme peut être sous l’influence d’un maléfice ou éprouver de la froideur pour une jeune fille et non pour une autre.

L’impuissance perpétuelle est celle dont on ne guérit pas avec le temps, pour laquelle se trouvent sans effet les remèdes naturels et licites et les prières ordinaires de l’Église, ou qui, selon le langage de quelques personnes, ne peut disparaître qu’à la condition de pécher, ou avec danger de mort ou par un miracle. L’impuissance, au contraire, est temporaire si on peut y mettre fin avec le temps, par des remèdes naturels et licites ou par les prières ordinaires de l’Église.

On dit que l’impuissance est antérieure lorsqu’elle précède le mariage et subséquente lorsqu’elle se produit après que le mariage a été contracté.

Ces principes posés, il faut examiner si l’impuissance est un empêchement dirimant du mariage et quelle espèce d’impuissance forme cet empêchement.


PROPOSITION.Toute impuissance antérieure et perpétuelle seulement, qu’elle soit absolue ou respective, est un empêchement dirimant du mariage.


PREUVE. Par parties : I. Toute impuissance antérieure et perpétuelle. Un contrat est nul comme étant sans objet, lorsqu’on ne peut remplir les engagements qu’on a contractés ; celui qui est atteint d’une impuissance antérieure et perpétuelle ne peut donner ce qu’il a promis ; car il a promis l’union charnelle naturelle que le mariage a pour but. Or l’union charnelle naturelle ne peut avoir lieu, dans l’hypothèse ; donc, etc.

Cette preuve résulte encore du droit ecclésiastique et se trouve développée dans le titre qu’elle remplit en entier : De frigidis et maleficiatis (Decretal, l. 4, tit. 15), et de la bulle de Sixte Quint, Cum frequenter, de l’année 1587.

Cet empêchement étant de droit naturel, il n’y a pas d’autorité qui puisse en dispenser.

II. L’impuissance antérieure perpétuelle seulement, qu’elle soit absolue ou respective, est un empêchement dirimant du mariage : Le mariage ne peut être détruit ni par l’impuissance subséquente ni par l’impuissance temporaire.

1o Il ne peut l’être par l’impuissance subséquente, puisqu’il résulte d’une manière certaine, de l’institution du mariage, qu’il est indissoluble lorsqu’il a été contracté d’une manière valide ;

2o Il ne peut l’être par l’impuissance temporaire, car l’essence du mariage ne repose pas sur l’usage actuel des droits qu’il confère ; et les époux, en se promettant la foi conjugale, ne déterminent pas l’époque à laquelle le mariage doit être consommé. Il suffit donc qu’il soit possible de le consommer dans l’avenir, à moins que, par hasard, le consentement de l’un des époux ne fût subordonné à la possibilité d’un coït immédiat.

C’est pour cela que les infirmes et les moribonds eux-mêmes peuvent contracter un mariage valide, quoiqu’ils soient dans l’impossibilité actuelle de pratiquer le coït. Il en est de même de ceux qui, à cause d’un tempérament ardent à l’excès, répandent toujours leur semence avant que le membre viril ait pénétré ; dans ce cas, suivant l’observation de Cabassut, l. 3. chap. 15, no  2, ils peuvent espérer que leurs efforts pour pratiquer le coït ne resteront pas toujours infructueux.

J’ai dit, soit absolue, soit respective, parce que le mariage se contracte avec une personne déterminée, et le mariage est nul s’il ne peut être consommé avec cette personne.

Quoique le code civil ne prévoie pas maintenant ce cas d’empêchement, les tribunaux, sans aucun doute, prononceraient la nullité du mariage s’il s’agissait de l’impuissance antérieure et perpétuelle. C’est ainsi qu’on a toujours jugé au for civil et au for ecclésiastique. Delvincourt, t. 1, p. 405, se range formellement à cette doctrine et donne une approbation complète à un arrêt rendu dans ce sens par la cour de Trèves, le 27 juin 1808. Toullier, t. 1, no  525, prétend que cet arrêt est en opposition avec l’esprit du code : il déclare cependant qu’une femme peut faire prononcer la nullité de son mariage par les tribunaux pour cause d’impuissance accidentelle et manifeste de son mari, dans le cas, par exemple, où il est démontré qu’il était eunuque avant le mariage, et il appuie son opinion des dispositions de l’article 312 du code civil, qui permet au mari de désavouer l’enfant de sa femme s’il prouve qu’il a été absent à l’époque de la conception ou que, pour tout autre motif, il a été dans l’impossibilité d’avoir des rapports charnels avec elle et de pratiquer le coït à l’époque de la gestation.

Quant à nous, nous devons nous occuper spécialement des questions qui se rattachent au for intérieur : Considérée à ce point de vue, cette matière présente un grand nombre de difficultés que nous envisagerons successivement et que nous essayerons de résoudre dans la mesure de nos forces.

On demande : 1o Si un homme et une femme, bien instruits de leur commune impuissance ou de celle de l’un d’eux, peuvent contracter mariage avec l’intention de se prêter un mutuel secours et de rester toujours dans la chasteté.

R. Sanchez, l. 7, disp. 97, no  13, et beaucoup d’autres théologiens qu’il cite, affirment que le mariage est licite dans ce cas, et ils appuient leur opinion des preuves suivantes : Ceux qui ont contracté mariage, quoiqu’atteints d’une pareille infirmité, peuvent habiter ensemble comme frère et sœur, en évitant le danger de tomber dans le péché si donc ils pensent raisonnablement que ce danger n’est pas à craindre, ils peuvent s’épouser en vue de s’aider mutuellement, malgré la connaissance qu’ils ont de leur impuissance. C’est ainsi que la bienheureuse Vierge et St Joseph contractèrent un vrai mariage avec l’intention formelle de se conserver chastes et de ne pas user du coït.

Mais l’opinion la plus ordinaire des autres docteurs est qu’un tel mariage n’est pas licite, car, disent-ils, un tel mariage serait nul s’il n’y avait pas espoir d’arriver à le consommer : Ce serait une véritable imposture, une profanation des cérémonies religieuses et, par conséquent, un sacrilége que de contracter volontairement un mariage nul ; on ne doit donc jamais autoriser de semblables unions. Quant à l’exemple rapporté plus haut, ils nient qu’il soit applicable dans ce cas, car le mariage de la bienheureuse Marie et de St Joseph était valide.

On demande : 2o Quelle est la conduite à tenir lorsqu’on n’est pas sûr que l’impuissance ait précédé ou suivi le mariage.

R. Comme nous n’avons ici à traiter la question qu’au point de vue du for intérieur, c’est la déclaration du pénitent qui doit baser la décision : Le mariage doit être déclaré nul, si le pénitent déclare formellement qu’il est et qu’il a toujours été dans l’impossibilité réelle d’accomplir le devoir conjugal.

On demande : 3o Si les époux ont la faculté d’user du mariage lorsqu’il est positif que l’un d’eux est impuissant. Au for extérieur on présume toujours, jusqu’à preuve contraire, que l’impuissance accidentelle est arrivée après le mariage.

R. Les époux n’ont nullement la faculté d’user de l’acte conjugal : car l’impuissance est ou antérieure ou subséquente ; si elle est antérieure, le mariage est nul ; par conséquent, tout acte vénérien est interdit : si au contraire l’impuissance est subséquente, l’acte conjugal ne pouvant pas être accompli, les époux ne doivent pas se livrer à des actes qui ne sauraient atteindre ce but, et, comme nous le dirons ci-après à propos des attouchements entre époux, ils pècheraient mortellement ou véniellement en usant du mariage.

On demande : 4o Ce que doit faire une femme qui sait positivement que son mari est impuissant et qui a eu un enfant des œuvres d’un autre homme, lorsque son mari, qui se croit le père de cet enfant, veut user de ses droits conjugaux.

R. Il faut prendre garde que sa femme ne regarde pas comme certaine une impuissance qui est tout au plus douteuse ; mais en supposant que l’impuissance soit certaine, elle ne doit autoriser aucune licence, devrait-elle s’exposer à de grands désagréments en repoussant son mari, car elle ferait des actes intrinsèquement mauvais ; dans cette fâcheuse hypothèse, elle doit s’y prendre de son mieux pour persuader à son mari qu’il doit, dorénavant, vivre dans la continence sous prétexte, par exemple, qu’il est vieux ou qu’un seul enfant suffit à leur bonheur, qu’elle-même a horreur de l’acte conjugal, etc. ; et si un jour le mari vient à partager cette manière de voir, elle pourra lui parler en ces termes : Afin de ne pas succomber à la tentation et de ne pas être détournés de notre résolution, faisons ensemble, je t’en prie, vœu de continence perpétuelle. Ce vœu une fois fait, la femme pourra se considérer comme étant en sûreté : elle pourra toujours repousser son mari lorsque celui-ci voudra user des licences conjugales et, sans donner lieu à aucun soupçon de sa part, en prétextant ce double vœu. La femme ne doit pas oublier qu’elle est tenue de réparer le préjudice qu’elle a causé à son mari ou à ses héritiers, en introduisant un bâtard dans la famille, ainsi que nous l’avons dit dans le traité de la restitution.

On demande : 5o Quelle est la conduite à tenir lorsqu’on ne sait pas d’une manière positive si l’impuissance est temporaire ou si elle est perpétuelle.

R. Il s’agit de l’impuissance naturelle et intrinsèque ou bien de l’impuissance par maléfices. Dans le premier cas, à moins qu’il ne s’agisse du manque de quelque partie essentielle, il appartient uniquement aux médecins de se prononcer sur la nature et la durée de cette impuissance, dont les signes principaux sont chez l’homme :

1o La difformité des parties génitales, par exemple, leur volume trop grand ou trop petit ;

2o Une insensibilité insurmontable empêchant l’écoulement de la semence prolifique ;

3o Une aversion naturelle pour tout commerce charnel et tout acte vénérien ;

4o Une mauvaise conformation des testicules.

Cette impuissance se reconnaît chez la femme :

1o Lorsque l’utérus est trop étroit ou complètement fermé ;

2o Lorsqu’il est mal placé ou que la matrice se trouve dans une mauvaise position.

Les canonistes, et surtout les évêques, ont à se prononcer sur l’impuissance qui provient de maléfices et qu’on reconnaît à certains indices :

1o Lorsque la femme, qui d’ailleurs aime son mari, ne peut supporter son approche croyant qu’il ne pourra pas se livrer avec elle à l’acte conjugal ;

2o Lorsque deux époux, au moment de se livrer au coït, sont subitement pris d’une haine violente l’un pour l’autre, quoiqu’ils s’aiment d’ailleurs ;

3o Lorsqu’un mari, qui n’est pas impuissant avec les autres femmes, ne peut accomplir le coït avec la sienne, quoiqu’elle n’ait pas le vagin trop étroit et qu’elle n’oppose pas de résistance.

Quoiqu’en disent certaines personnes dont l’opinion, — dit St Thomas, Suppl., q. 58, art. 2, — a sa source dans l’infidélité ou l’incrédulité, il est certain que l’impuissance peut provenir d’un maléfice. C’est ce que supposent de nombreux conciles et presque tous les rituels et c’est ce que reconnaissent tous les théologiens. Le droit canonique prescrit les règles à suivre dans ce cas, Décrét., cause 33, q. 1, c. 4, et Décrét., l. 4, t. 15, c. 6 et 7. Plusieurs auteurs ecclésiastiques ont traité cette question avec autorité et ont prouvé cette vérité par de solides raisonnements, notamment Thiers, dans son livre intitulé Traité des superstitions. Les encyclopédistes seuls et les écrivains de cette école, combattent cette doctrine et la tournent en ridicule. Aussi, le confesseur, qui reconnaît les traces de l’opération du démon, doit consulter l’évêque ou ses vicaires généraux ; il devra éviter de prendre les effets de l’imagination pour des opérations démoniaques.

On demande : 6o Ce qu’il convient de faire lorsqu’après examen le doute reste encore sur le point de savoir si l’impuissance est perpétuelle.

R. Tous les théologiens et tous les canonistes s’accordent à reconnaître que l’Église, dans ce cas, accorde trois ans aux époux pour tenter d’accomplir l’acte conjugal.

Cela résulte des Décrétales, l. 4, tit. 15, c. 5, et de la pratique constante des tribunaux ecclésiastiques, du moins depuis le pape Célestin III. Au for intérieur, cette règle est également applicable.

Les canonistes ne sont pas d’accord sur l’époque à laquelle doit commencer l’épreuve de trois ans :

Les uns pensent qu’on doit faire remonter le commencement de l’épreuve au jour de la célébration du mariage, les autres prétendent qu’elle doit commencer du jour de la sentence des juges seulement. La première de ces deux opinions est la plus généralement admise : C’est celle que suit la Rote, et il est assez évident que c’est la seule admissible.

D’après l’opinion la plus accréditée, s’il arrive que pendant le temps accordé pour l’épreuve il se passe un intervalle notable au cours duquel les époux ne peuvent pas se livrer aux actes vénériens — littéralement aux choses de la luxure — à cause d’une longue maladie ou d’une absence prolongée, il doit être suppléé au temps perdu par une prolongation de délai, car l’Église accorde pour l’épreuve une période de trois ans et, dans ce cas, la période de trois ans n’est pas complète ; il en serait autrement s’il y avait eu une interruption d’une ou de deux semaines seulement, car ce court espace de temps ne doit pas être pris en considération lorsqu’il s’agit d’un délai de trois ans.

Mais si les époux ont contracté mariage aussitôt après que l’un d’eux est entré dans l’âge de puberté, et qu’ils ne puissent pas accomplir l’acte conjugal, le temps d’épreuve ne doit pas compter du jour où le mariage a été contracté, mais du jour où la puberté a atteint sa plénitude ; car avant la plénitude de la puberté il est difficile de décider si l’impuissance tient à une cause permanente ou plutôt au défaut de forces. C’est l’opinion de Sanchez, l. 7, disp. 110, no  10, de Collator, d’Andeg., Pontas, Collet, etc. La femme atteint la plénitude de la puberté à 14 ans et l’homme à 18 ans.

Du reste, si avant l’expiration des trois ans d’épreuve les parties remarquent que l’impuissance est évidemment permanente, ils doivent en conclure que le mariage est nul et ils sont dans l’obligation de s’abstenir aussitôt de tout acte vénérien.

Il n’est accordé nul délai d’épreuve à ceux auxquels il manque une partie essentielle, car alors la nullité du mariage n’est pas douteuse.

On demande : 7o Quelles sont les précautions dont le confesseur doit user à l’égard des époux et quels sont les conseils qu’il doit leur donner pendant le temps de l’épreuve.

R. L’impuissance provient d’une cause naturelle ou d’un maléfice : dans chacun des deux cas, le confesseur doit user de précautions et donner des conseils.

I. Il doit examiner avec une extrême attention si l’impuissance, qu’on attribue à une cause naturelle, ne provient pas d’un excès de passion ou d’autres causes dont on peut prévenir les effets, car alors il faudrait revenir aux remèdes naturels ; les médecins, en effet, indiquent et prescrivent certains remèdes pour cet objet. Il existe plusieurs causes naturelles qui éloignent l’homme du coït et qu’on peut faire disparaître avec ou sans le secours des médecins, par exemple la difformité de la femme, son haleine puante, la négligence dans ses vêtements et sa toilette, le dégoût, le mépris, etc. : En effet, la beauté et les autres qualités qui rendent une femme aimable sont des excitants très puissants pour l’accomplissement de l’acte conjugal. Dans ce cas, lorsqu’il s’agit d’une chose si importante, et de laquelle dépend le salut éternel de chacun des deux époux, un confesseur prudent doit surtout leur conseiller d’agir, pendant tout le temps de l’épreuve, avec bonne foi et des intentions pures, sans passions désordonnées, sans haine, sans tiédeur, sans inimitié et sans dégoût ; de se prêter réciproquement aux positions les plus propices pour accomplir l’acte charnel ; il doit conseiller à la femme de prendre plus de soin de sa toilette, de se montrer plus aimable pour son mari, par ses caresses et par des parures licites, de chercher enfin, selon les paroles de l’apôtre lui-même, comment elle pourra plaire à son mari.

II. Mais si l’impuissance provient d’un maléfice, il y a encore certaines précautions à prendre, différents conseils à donner.

Le confesseur doit se tenir, pour ces choses, dans une grande réserve :

1o Ne pas attribuer légèrement à un maléfice ce qui provient souvent de la réserve, de la pudeur, d’un trop grand amour, ou de l’irritation et de la haine qu’éprouve une femme contre son mari lorsque ce dernier l’a épousée malgré elle. Ce sont les paroles du savant médecin Zachie rapportées par Collat, du Mariage, t. 2, p. 237.

2o Il doit examiner si l’imagination n’est pas sous l’influence des préjugés ou d’une fausse crainte, car il se trouve dans les campagnes des personnes que la seule idée d’une nudité nécessaire effarouche et empêche de pratiquer le coït.

3o Le confesseur ne doit cependant pas refuser obstinément d’attribuer l’impuissance à un maléfice, car il serait à craindre qu’on n’attribue son obstination à une racine d’incrédulité.

Dans ces circonstances, le confesseur doit conseiller aux époux qui se trouvent dans cette position :

1o De faire à Dieu et au prêtre, avec un cœur contrit et humilié, l’aveu complet de leurs fautes ;

2o De s’efforcer de satisfaire à la justice divine par les larmes, les aumônes, les prières et les jeûnes ;

3o Si, par ces moyens, on ne parvient pas à faire disparaître une impuissance qui résulte, certainement ou, selon toutes les probabilités, d’un maléfice, il faudra recourir aux exorcismes, mais seulement après en avoir référé à l’Évêque et sur son autorisation formelle. Les prières prescrites pour ces sortes d’exorcismes ne se trouvent pas dans notre nouveau rituel. Mais si l’évêque jugeait à propos d’employer ce remède, il déléguerait un prêtre et lui adresserait les formules nécessaires.

On demande : 8o Si une femme, qui est impuissante parce qu’elle a le vagin trop étroit, est tenue de consentir à ce qu’on fasse une incision à la matrice, lorsque les médecins déclarent que cette opération la mettra en état de se livrer à l’acte conjugal.

R. 1o Tous les théologiens déclarent que la femme n’est pas obligée de se soumettre à cette opération, lorsqu’il doit en résulter un grave danger pour sa vie, car l’empêchement, dans ce cas, est regardé comme permanent ; d’où il suit que, dans le cas où l’impuissance viendrait à disparaître par suite d’une opération faite nonobstant le danger, le mariage n’en serait pas moins nul. Il faudrait procéder à une nouvelle cérémonie nuptiale pour que les époux pussent se livrer au coït sans péché.

R. 2o En supposant que l’impuissance dût disparaître à la suite d’une incision qui ne présenterait pas de danger, le mariage serait valide sans un nouveau consentement, et les époux auraient toute faculté d’user des licences conjugales ; car, d’après les Décrétales, 1. 4, tit. 15, c. 6, l’impuissance dont on peut guérir sans miracle ou par des moyens qui ne mettent pas la vie en danger n’est pas permanente et ne constitue pas un empêchement dirimant.

Mais il s’élève une grave controverse entre les théologiens, sur le point de savoir si une femme est tenue de supporter une opération de cette nature, lorsqu’il est reconnu qu’elle est nécessaire et qu’elle ne présente aucun danger.

Plusieurs théologiens prétendent qu’elle est tenue de supporter l’incision s’il n’y a qu’une faible douleur à supporter ou une légère maladie à craindre ; mais ils assurent qu’elle n’y est pas tenue s’il y a danger de grave maladie ou si elle doit en éprouver une trop violente douleur, car, disent-ils, elle a, il est vrai, promis son corps pour l’accomplissement de l’acte conjugal, mais elle l’a promis dans l’état où il se trouvait, et elle n’est pas censée avoir voulu se soumettre à de pareilles incommodités. Ainsi, quoique le mariage soit valide parce que l’empêchement peut absolument disparaître par des moyens naturels et licites, la femme est suffisamment dispensée de rendre le devoir conjugal.

D’autres, au contraire, affirment que la femme est obligée de subir l’incision, même lorsqu’elle doit en éprouver une douleur violente ou qu’il doit en résulter une grave maladie, pourvu que ce ne soit pas au péril de la vie, et ils appuient leur opinion du raisonnement suivant : Le mariage, dans ce cas, est valide, ainsi qu’il résulte du chapitre des Décrétales déjà cité ; le mari ne pouvant pas prendre une autre femme serait donc condamné à une continence perpétuelle ; or, la femme doit supporter les plus graves incommodités pour épargner à son mari un aussi fâcheux inconvénient.

La première de ces décisions est la plus ordinairement suivie, et c’est à celle-là que se sont rangés Sanchez, Collet, Billuart, Dens, etc. Collet et quelques autres avaient décidé qu’un motif de pudeur était suffisant pour dispenser la femme même d’une incision qui ne présenterait pas de danger ; il a plus tard changé d’opinion, comme il le déclare lui-même, en se basant sur les raisons qu’une femme, sur laquelle le mari a plusieurs fois tenté d’accomplir l’acte vénérien, n’est déjà plus vierge dans toute l’acception du mot, qu’elle doit éprouver une grande affliction de paraître méprisable aux yeux de son mari, et qu’aujourd’hui les médecins s’occupent presque partout des accouchements.

Ordinairement, cependant, on ne prescrit pas l’incision sous peine de refus de l’absolution, et nous ne trouvons nulle part qu’elle ait été prescrite par l’Église quoique les empêchements de ce genre se soient souvent présentés. Aussi, pour un cas de cette nature, je conseille à la femme de se faire accompagner de son mari pour consulter un chirurgien ou un médecin pieux et savant, de lui découvrir franchement son état et de le prier d’appliquer le remède convenable. Lorsque le médecin ou le chirurgien déclare que l’incision est nécessaire et sans danger, j’exhorte la femme à s’y soumettre ; lorsque je remarque que mes exhortations n’auront pas de résultat, je m’abstiens d’aller plus loin. Mais le délai de trois ans accordé pour l’épreuve écoulé, on doit, dans toute hypothèse, défendre formellement à la femme de permettre à son mari la moindre liberté contraire à la chasteté.

Certaines onctions suffisent quelquefois pour dilater le vagin de la femme ; c’est du moins ce qui est heureusement arrivé une fois, ainsi que j’en ai la preuve, par des témoignages dignes de foi.

On demande : 9o Si le mariage est valide lorsque la femme, affligée d’un rétrécissement, a été, par son commerce avec un autre homme, rendue capable de se livrer à l’acte conjugal.

R. L’opinion la plus ordinaire est que le mariage est valide, car on doit juger alors que l’impuissance n’était pas permanente ; cependant, si la femme avait le vagin tellement étroit à l’égard de son mari que ce dernier n’eût jamais pu la connaître en usant des moyens naturels et licites, l’impuissance devrait, dans ce cas, être considérée comme respectivement permanente ; dans cette hypothèse, le mariage serait nul : or, il est évident que la femme ne peut, par son commerce avec un autre homme, faire disparaître ce cas de nullité ; mais les époux peuvent contracter, devant l’Église, un nouveau mariage d’un consentement mutuel.

On demande : 10o Ce qu’il faut penser et quelle est la conduite à tenir lorsque l’un des époux, impuissant par maléfice, devient puissant par un nouveau maléfice ou autre remède interdit.

R. Le mariage est nul, dans ce cas, en supposant que l’empêchement n’eût pas pu disparaître par d’autres moyens, car, d’après le chap. 6, tit. 15, liv. 4, des Décrétales, l’empêchement qu’on ne peut faire disparaître qu’en commettant un péché est réputé permanent ; citons un exemple : Pierre a épousé Pauline dont il se sépare pour cause d’empêchement provenant d’un maléfice ; il contracte un nouveau mariage avec Gertrude et, le maléfice persistant, il ne peut se livrer à l’acte conjugal avec sa nouvelle épouse. Si la période de trois ans écoulée, cet empêchement persiste et qu’il vienne à être détruit par un nouveau maléfice, le second mariage sera nul comme le premier, et, sans qu’il puisse en résulter de scandale, il pourra les abandonner toutes deux ou prendre l’une ou l’autre, à son choix. Pontas, sous le titre Empêchement d’impuissance, cas 15, décide, contrairement à l’opinion qui précède, que Paul doit rester avec Gertrude et qu’il ne lui est pas permis de retourner auprès de Pauline. Dans l’un et l’autre cas, le consentement doit être réitéré et on doit procéder à une nouvelle célébration du mariage.

Du reste, comme aujourd’hui un empêchement de cette nature ne donne pas lieu à une séparation civile, il est inutile de soulever, sur cette matière, d’autres questions agitées autrefois par les docteurs.

On demande : 11o Ce qu’il faut décider lorsque l’impuissance persévère après l’écoulement de la période triennale.

R. Autrefois, au for extérieur, les parties étaient de nouveau appelées et entendues ; on prescrivait la visite de leurs corps par des personnes compétentes si elle n’avait pas déjà eu lieu, et si on décidait que l’impuissance était permanente, le mariage était aussitôt déclaré nul ; dans le cas où le doute continuait d’exister, on prononçait néanmoins la dissolution du mariage afin de ne pas mettre celui qui avait à souffrir de l’impuissance dans le cas d’attendre trop longtemps et peut-être toujours. Voy. Sanchez, l. 7, disp. 94, no  12, et les théologiens dont il rapporte les décisions. C’est que l’Église, alors même que l’impuissance n’était pas permanente, rompait le mariage de sa propre autorité, faisant d’un tel cas un empêchement dirimant.

Dans les deux hypothèses, on autorisait celui des deux époux qui n’était pas impuissant à contracter un nouveau mariage, mais on défendait à celui qui était frappé d’impuissance, de prendre de nouveau un conjoint, à moins qu’il ne fut constaté que son impuissance n’était pas absolue de sa nature.

Mais aujourd’hui que nous n’avons à nous occuper que du for intérieur, dès qu’il est établi que l’impuissance est permanente, il faut exiger que les époux vivent comme frère et sœur, qu’ils couchent dans des lits séparés et qu’ils s’abstiennent de toutes les libertés qui sont interdites aux personnes non mariées : Ainsi l’ordonnent les Décrétales, chap. 5, tit. 15, liv. 4. Et si les époux ne peuvent pas vivre de cette manière sans qu’il en résulte danger prochain de péché, ils doivent cesser de vivre en société, de fait sinon de droit, malgré les inconvénients que la séparation peut avoir pour eux et le scandale qui peut en résulter, après avoir toutefois essayé inutilement des moyens de rester chastes.

On demande : 12o Si on peut abandonner à leur bonne foi des époux atteints d’une impuissance permanente, qui ignorent la nullité de leur mariage et qui, après trois ans passés, tentent encore d’arriver à l’acte conjugal.

R. S’il était établi qu’ils sont dans la bonne foi et qu’un avertissement resterait sans effet, il serait peut-être convenable de les laisser dans l’ignorance, car dans ce cas on tolérerait un moindre mal, c’est-à-dire un péché matériel pour en éviter un plus grand, c’est-à-dire un péché formel. Il paraît peu probable que deux époux croient toujours de bonne foi qu’il leur est permis de tenter un acte qu’ils n’accomplissent jamais et qu’ils ne peuvent pas accomplir. Mais il peut arriver que l’ignorance dans laquelle ils sont à cet égard devienne une excuse, sinon de tout péché, du moins du péché mortel. C’est pourquoi nous pensons qu’on doit les avertir et les détourner du péché ; mais il est ordinairement plus prudent de leur laisser ignorer la gravité du péché.

On demande : 13o Ce qu’on doit faire après la dissolution d’un mariage pour cause d’impuissance, lorsqu’on reconnaît que l’époux, qui avait été déclaré impuissant, est apte à pratiquer le coït.

R. Lorsque l’impuissance a disparu par des moyens illicites, surnaturels ou gravement dangereux, l’empêchement est considéré comme permanent, par conséquent c’est à bon droit que la dissolution du mariage a été prononcée.

Mais les canonistes sont partagés d’opinion lorsqu’il s’agit d’une impuissance qu’on a guérie par des moyens naturels ; la première de ces opinions est celle des Gallicans qui prétendent que la partie, qui a obtenu la séparation pour cause d’impuissance de l’autre partie, n’est jamais tenue de revenir avec celle dont elle est séparée, celle-ci viendrait-elle à prouver qu’elle n’est pas impuissante :

1o Parce que s’il s’agit de l’homme, comme c’est l’ordinaire, il est difficile de prouver qu’il n’est plus impuissant, car il peut arriver qu’il ne soit pas le père des enfants qu’il croit lui appartenir ;

2o Parce que l’Église gallicane a pu établir qu’une semblable impuissance, quoiqu’elle ne fût pas permanente, dirimerait le mariage ;

3o Parce qu’on présume que l’impuissance a été seulement relative.

La seconde opinion, et la plus générale, est celle des théologiens étrangers qui enseignent, d’après St Thomas, suppl., q. 58, art. 1, que l’époux ou l’épouse, séparé par l’autorité de l’officialité ou de l’évêque et qui a déjà contracté un nouveau mariage, est tenu de revenir à son premier conjoint, lorsque l’impuissance de ce dernier a disparu. C’est la décision des papes Innocent III et Honorius III, rapportée par les Décrétales, 1. 4, tit. 15, chap. 5 et 6. Si un cas semblable se présentait dans la pratique, ce qui est aujourd’hui presque impossible chez nous, on devrait en référer à l’évêque.

On demande : 14o Ce qu’il faut penser du mariage des personnes qui n’ont pas atteint l’âge de puberté.

R. Les mariages des impubères sont nuls, d’après le droit ecclésiastique, et ne sont valables que comme fiançailles. Décrét., 1. 4, tit. 2, chap. 14. Cette règle a été sagement établie pour prévenir, dans un grand nombre de cas, le défaut d’une mère réflexion requise pour contracter des engagements d’une aussi grande importance.

On excepte cependant trois cas dans lesquels les mariages des impubères seraient réputés valides :

1o Lorsque la malice vient suppléer à l’âge ; c’est le cas d’un enfant qui, par des actes souvent répétés, devient capable de consommer l’acte conjugal avant d’avoir atteint l’âge de puberté, ce qui peut arriver, comme l’atteste St Jérôme, par l’exemple du roi Achaz qui, à l’âge de onze ans, engendra Ézechias, fait rapporté dans le quatrième livre des Rois, c. 16. 2, et c. 18. 2. C’est encore le cas d’une fille qui serait devenue enceinte avant l’âge de douze ans.

2o Lorsque les époux qui se sont mariés avant l’âge de puberté continuent de se livrer à l’acte conjugal après être devenus pubères, ils ne peuvent plus être séparés, car on suppose de leur part un consentement nouveau. Décrét., 1. 4, tit. 2, chap. 10, et tit. 19, chap. 4.

3o Les princes et les princesses peuvent, dans l’intérêt de la paix entre les États, contracter un mariage valide avant d’avoir atteint l’âge de puberté, néanmoins, les docteurs regardent comme nécessaire une dispense du souverain pontife, ou tout au moins de l’Évêque diocésain. Navarrus, Coll. Andeg., Collet, etc., regardent la dispense donnée par l’évêque comme suffisante.

Voyez ce que nous avons dit dans notre traité au sujet de l’âge requis pour contracter mariage.

On demande : 15o Ce qu’il faut penser du mariage des hermaphrodites.

R. Les hermaphrodites sont ainsi appelés de deux mots grecs HERMÈS (Mercure) et APHRODITE (Vénus), parce qu’Hermaphrodite, fils de Mercure et de Vénus, était des deux sexes. On les appelle aussi Androgynes, c’est-à-dire homme et femme tout à la fois. Si on ajoute foi aux savants qui ont traité la matière dans l’histoire naturelle, il n’a jamais existé des hermaphrodites proprement dits, car ils auraient dû avoir en même temps les organes des deux sexes, pouvoir engendrer comme hommes et concevoir comme femmes. Ce ne sont ordinairement que des monstres qui ne sont capables ni d’engendrer, ni de concevoir, ni de consommer l’acte conjugal. Il est évident, dans ce cas, qu’ils ne peuvent contracter un mariage valide, et le curé qui est certain de leur incapacité est tenu de s’opposer à de semblables unions. Mais, si l’un des deux sexes prévaut chez eux, à ce point qu’ils puissent consommer l’acte conjugal, on peut les autoriser à contracter mariage à la seule condition de promettre qu’ils useront seulement du sexe qui domine.

Il est à remarquer que les hermaphrodites ne peuvent ni recevoir les ordres sacrés ni embrasser la profession religieuse tant que leur sexe reste dans le doute. Sanchez et les nombreux théologiens qu’il cite, l. 7, disp. 106, no  10, sont très explicites sur cette question.




SECONDE QUESTION

DU DEVOIR CONJUGAL


Nous divisons cette seconde question en trois chapitres : Le premier traitera du devoir conjugal demandé et rendu ;

Le deuxième de l’usage du mariage ;

Le troisième de la conduite des confesseurs à l’égard des personnes mariées.


CHAPITRE I. — DU DEVOIR CONJUGAL DEMANDÉ ET RENDU


Il est certain que les époux sont dans la stricte obligation de se garder mutuellement la foi conjugale ; ils en font la promesse solennelle devant le prêtre, lorsqu’il les interroge et les bénit au nom de Dieu dont il est le ministre. D’ailleurs, d’après l’institution du mariage elle-même, l’homme et la femme sont deux dans une seule chair ; l’un des époux ne peut donc pas avoir de commerce avec une autre chair sans faire une grave injure à son époux. D’où il suit que tout acte vénérien accompli avec une autre personne ou à son propos, l’acte charnel, par exemple, les attouchements, les baisers, les désirs d’accomplir ces actes ou la complaisance dans ces actes ; toutes ces choses revêtent une double malice qu’il est nécessaire de déclarer en confession, une contre la chasteté et l’autre contre la justice.

Il en est de même des mouvements voluptueux qui sont, à leur manière, contraires à la foi jurée, comme par exemple l’abus que l’un des époux ferait de son corps dont l’autre époux a acquis la propriété pour l’accomplissement des actes vénériens.

Ces préliminaires posés, nous diviserons le présent chapitre en trois articles :

Dans le premier nous traiterons de l’acte conjugal considéré en soi ;

Dans le second, du devoir conjugal demandé ;

Et dans le troisième, du devoir conjugal rendu.


Article I. — De l’acte conjugal considéré en soi


Nous avons prouvé, dans le traité du mariage, contre plusieurs hérétiques, que le mariage considéré en soi était bon et honnête : il est donc certain que l’acte conjugal n’a, par lui-même, rien de mauvais et peut devenir méritoire s’il est dicté par un motif surnaturel, par exemple, pour conserver à son époux la foi promise en présence de Dieu, dans un but de religion, pour avoir des enfants qui servent Dieu fidèlement, ou en représentation de l’union du Christ avec l’Église.

Donc, si on rencontre quelque difficulté dans la matière, c’est au sujet du coït pratiqué uniquement par passion ou pour prévenir l’incontinence.


§ I. — Du coït pratiqué uniquement par passion


C’est un péché de se livrer à l’acte conjugal dans le seul but de se procurer du plaisir, mais le péché est seulement véniel. La preuve que le coït entre époux constitue un péché résulte : 1o De l’autorité d’Innocent XI, qui condamna, en 1679, la proposition suivante, qui avait pour objet de le déclarer licite : L’acte conjugal pratiqué pour le seul plaisir qu’il procure est exempt de tout péché, même véniel.

2o La raison nous dit que le plaisir attaché à l’acte conjugal est le moyen d’obtenir le but de cet acte, c’est-à-dire la procréation des enfants : ce plaisir pris en dehors de ce but est donc illicite, à plus forte raison l’acte est-il illicite si, le détournant de son but, on le fait servir uniquement au plaisir. On prouve de la manière suivante que le péché est seulement véniel : Le plaisir qu’on prend dans un acte bon n’est pas mauvais en soi, mais il est mauvais lorsqu’il ne se rapporte pas à une fin légitime ; tel est le plaisir qu’on prend à manger : tout le monde s’accorde à reconnaître que dans certains cas particuliers, l’absence de raison légitime, ce qui arrive lorsqu’on mange pour le seul plaisir de manger, constitue un péché véniel seulement. C’est l’opinion des théologiens en général, conforme, en cela, à celle de St Augustin, de St Ambroise, de St Thomas et de St Bonaventure ; d’autres prétendent que le péché est mortel, et il y en a beaucoup qui veulent, avec Sanchez, l. 9, disp. 11, no  1, qu’il n’y ait aucune espèce de péché.


§ II. — De l’acte conjugal pratiqué dans le but de prévenir l’incontinence


On demande si c’est un péché de demander le devoir conjugal dans le seul but de prévenir l’incontinence et quelle espèce de péché a été commis. Les théologiens sont très divisés sur cette question ; leurs opinions se résument à deux principales que Sanchez, liv. 9, disp. 9, et le P. Antoine, nouv. édit., q. 5, des obligations des époux, t. 4, p. 296, exposent d’une manière assez claire.

I. Beaucoup de théologiens prétendent qu’il n’y a pas de péché dans le coït entre époux, et ils appuient leur opinion des preuves suivantes :

1o Ex. I aux Corinth. 7. 2 : Que chacun de vous ait sa femme et que chaque femme ait son mari, afin de ne pas se livrer à la fornication. L’Apôtre ajoute, verset 5 : Ne vous imposez pas l’un à l’autre des privations, si ce n’est d’un consentement mutuel et pour le temps de la prière, et revenu aussitôt en vous-même de peur que Satan ne mette votre continence à l’épreuve ; je vous dis cela par indulgence et non comme prétexte ; car je veux que vous soyiez tous comme moi-même. St Paul allègue ici l’incontinence, seulement pour autoriser l’acte conjugal : or, on ne peut pas dire que l’Apôtre donne la faculté de faire un acte entaché de péché.

2o Par l’autorité du catéchisme du concile de Trente qui, dans sa seconde partie, chap. 14, § III, formule de la manière suivante la troisième raison qui a fait établir le mariage après la chute de nos premiers parents : que celui qui connaît sa faiblesse et qui ne veut pas avoir à combattre les mouvements de la chair, use du mariage pour éviter les péchés de luxure. C’est de lui que l’Apôtre a écrit : Pour éviter la fornication, etc.

3o L’Église bénit chaque jour les mariages de vieillards qui ne sont certainement pas en état d’avoir des enfants ; on ne dit cependant pas qu’ils ne doivent pas user du mariage et l’Église ne les détourne, en aucune manière, de l’acte conjugal ; elle pense donc qu’ils doivent pratiquer le coït pour calmer la concupiscence.

4o Un acte en soi honnête et qui tend à une fin honnête ne peut pas être mauvais. Or, l’acte conjugal est honnête en soi : et c’est une fin honnête que de calmer la concupiscence en évitant l’incontinence. Voyez, dans ce sens, St Antoine, Paludanus, Soto, Sylvestre, St Ligori, l. 6, no  882, et beaucoup d’autres dont l’autorité est citée tant par ce dernier que par Sanchez, l. 9, disp. 9, no  3.

II. Mais beaucoup d’autres prétendent que c’est un péché véniel de se livrer à l’acte conjugal pour éviter l’incontinence ; car, disent-ils :

1o L’acte qui ne se rapporte pas à un but légitime est entaché de péché ; or, le but de l’acte conjugal est de procréer des enfants ; donc cet acte est mauvais lorsqu’il est pratiqué dans un autre but, celui d’éviter l’incontinence, par exemple ;

2o C’est un péché, seulement véniel, de céder aux mouvements voluptueux sans excuse suffisante, et il est évident que celui qui use du mariage, uniquement pour éviter l’incontinence, cède aux mouvements voluptueux, et n’a pas un motif suffisant d’excuse ; car il a d’autres moyens de calmer les aiguillons de la chair, savoir : l’élévation de l’esprit vers Dieu, les prières, les jeûnes et autres œuvres de mortification chrétienne.

3o L’incontinence serait certainement un grave péché, mais il n’est pas permis, pour cela, de céder à la passion sous un autre rapport. Une comparaison fera mieux comprendre cela : un moine auquel la règle défend de manger hors du monastère sans l’autorisation de son supérieur, satisfait un peu sa gourmandise dans le monastère de peur de céder à la tentation quand il sera dehors, et de pécher ainsi contre la règle et contre l’obéissance due à son supérieur ; n’est-il pas vrai qu’il commet un péché véniel ? De même, celui qui se livre à l’acte conjugal pour éviter l’incontinence, cède à la passion, en matière légère, afin que la passion ne le précipite pas dans de graves péchés. C’est l’opinion de St Augustin, St Grégoire le Grand, St Fulgent, St Thomas, St Bonaventure, Sylvius, Natalis Alexandre, Collet, Billuart, Dens, etc.

On répond aux raisons alléguées par les partisans de la décision contraire :

1o Que St Paul n’exclut pas le but propre du mariage, c’est-à-dire la procréation des enfants, mais qu’au contraire il le suppose, et que ses paroles doivent être prises dans ce sens, qu’il faut éviter l’incontinence par l’usage du mariage pratiqué dans l’ordre de la reproduction de l’espèce ;

2o Que le catéchisme du concile de Trente doit être pris dans le même sens ;

3o Que l’Église ne détourne pas les vieillards du mariage parce qu’il pourrait peut-être en résulter des maux beaucoup plus grands, les fornications et autres incontinences.

D’où il résulte que l’institution du mariage n’a eu pour but que l’acte conjugal pratiqué pour la reproduction de l’espèce et pour rendre le devoir, et que ce n’est que d’une manière secondaire que cet acte est un remède à la concupiscence ; c’est pourquoi il n’est pas permis de demander le devoir conjugal à une femme stérile, avancée en âge ou enceinte ; et elle-même ne pourrait jamais le demander dans ce cas.

Cependant, les défenseurs de cette opinion disent que, dans les deux cas, le péché est seulement véniel ; car l’acte conjugal est bon en soi, et il n’est entaché de péché que parce qu’il ne tend pas à un but légitime ; or, ce défaut de but ne fournit pas matière à péché mortel. C’est pourquoi ils ne regardent pas comme répréhensibles les époux qui se livrent à l’acte conjugal d’une façon régulière, mais sans le faire dans le but de procréer des enfants, pourvu que ce but ne soit pas exclu. Ils disent encore qu’on doit craindre, qu’en voulant leur éviter des péchés véniels, on ne les précipite dans des péchés plus graves.

Cette controverse est donc de peu d’importance pour ce qui regarde les confesseurs, mais elle est de nature à éloigner du mariage des hommes timorés : on comprend facilement, en effet, que l’apôtre ait dit des personnes mariées : Ils seront soumis aux tribulations de la chair (1re aux Corinth., 7, 28) et au v. 8 du même chapitre : Je dis qu’il est bon d’être célibataire ou veuf, si on peut rester ainsi, comme je le fais moi-même.

De plus, les théologiens enseignent comme très probable que c’est encore un péché véniel de pratiquer l’acte conjugal, en partie dans le but de la reproduction de l’espèce, en partie pour le plaisir qui en est inséparable, puisque cet acte sort alors à satisfaire la passion. Voy., dans ce sens, Sylvius, t. 4, p. 663, Billuart, Dens, etc. De plus, Sylvius prétend que c’est un péché véniel de se livrer au plaisir qui résulte de l’acte pratiqué en vue de la génération, et de donner son consentement à ce plaisir ; car ce plaisir-là ayant sa source dans la corruption, est une chose honteuse et propre à obscurcir la raison. Cependant, Dominique Soto, Sanchez et d’autres enseignent comme très probable qu’il n’y a pas de péché dans ce cas, car c’est dans le but de la conservation de l’espèce que la nature a attaché le plaisir à l’acte charnel, comme elle l’a attaché au boire et au manger en vue de la conservation de l’individu, afin que ces actes essentiellement nécessaires ne fussent pas négligés.

On demande : S’il est permis d’user du mariage par motif de santé.

R. Il est certain qu’il n’est permis ni de contracter mariage ni d’en user uniquement dans le but de conserver ou de recouvrer la santé ; car une semblable fin est étrangère au mariage : on commettrait donc un péché véniel en pratiquant l’acte conjugal pour cette raison-là, car il serait dépourvu d’un but légitime : C’est l’opinion de St Thomas, Suppl., q. 94, art. 5, sur la 4e, et celle des théologiens en général. Mais il n’y a pas de péché à contracter mariage et à user de l’acte conjugal en se proposant le soulagement de la nature et la conservation de la santé comme but secondaire et accidentel, lorsqu’on s’est proposé la reproduction comme but principal : car dans ce cas, tout se passe dans l’ordre.


Article II. — De la demande du devoir


Les époux ne sont pas tenus de demander le devoir conjugal pour eux-mêmes ; car personne n’est tenu d’user de son droit. Ils y sont cependant quelquefois tenus d’une manière accidentelle, savoir :

1o Lorsqu’il est nécessaire d’avoir des enfants pour prévenir de graves préjudices que pourraient en éprouver la religion ou la république c’est de toute évidence.

2o Si l’un des époux, l’épouse principalement, fait connaître à certains signes le désir d’user du remède que la pudeur l’empêche de demander, l’autre époux doit prévenir le désir, et c’est plutôt, dans ce cas, rendre le devoir implicitement demandé que le demander réellement.

Mais il existe des cas nombreux dans lesquels il n’est pas permis de demander le devoir, sous peine de péché mortel ou véniel : nous allons traiter cette matière dans un double paragraphe.


§ I. — De ceux qui pèchent mortellement en exigeant le devoir conjugal


L’époux pèche mortellement en exigeant le devoir conjugal dans les cas suivants :

I. S’il a fait vœu de chasteté avant ou après le mariage car il est tenu, par la force même de son vœu, de s’abstenir de tout acte vénérien qui ne lui est pas commandé par un juste motif, et c’est ainsi établi par les Décrétales, 1. 3, tit. 32, c. 12 : Mais il est tenu de rendre le devoir lorsque son époux le demande ; en effet, ou il a fait son vœu après avoir contracté mariage et alors il n’a pu aliéner les droits de son époux ; ou le vœu est antérieur au mariage, et il a commis un grave péché en se mariant, mais il n’a pas moins donné à son conjoint ce qu’il avait promis à Dieu, et l’époux qui n’avait pas connaissance de ce vœu a acquis ses droits conjugaux ; il peut donc user de ces droits sans que l’autre époux puisse opposer des refus. C’est l’opinion de tous les théologiens.

J’ai dit, qui n’avait pas connaissance de ce vœu, car si l’un des époux avait eu connaissance du vœu de l’autre, avant le mariage, il serait censé avoir consenti à l’observer, et il ne pourrait pas, en conséquence, demander le devoir d’une manière licite sans avoir obtenu une dispense.

Il en serait de même si, pendant le mariage, un des époux faisait vœu de chasteté du consentement de l’autre, à plus forte raison s’ils avaient tous deux fait vœu d’un consentement mutuel ; dans ce cas, ni l’un ni l’autre ne pourrait demander le devoir.

Dens, t. 7, p. 196, décide avec raison qu’il n’est pas convenable que les époux, principalement lorsqu’ils sont jeunes, fassent des vœux perpétuels de chasteté, car l’amour conjugal en est affaibli, les liens spirituels se relâchent, et les aiguillons de la chair se font cruellement sentir. C’est pourquoi un confesseur ne doit ni conseiller ni autoriser ces sortes de vœux. Il existe donc, lorsque le mariage est consommé, des raisons suffisantes pour demander la dispense de ces sortes de vœux, afin d’éviter que des époux habitant ensemble ne succombent à la tentation et ne pèchent ainsi contre l’obligation qu’ils se sont imposée.

Notez que la dispense du vœu prononcée par l’un des époux à l’insu de l’autre n’est pas réservée au souverain pontife : car, en principe, les choses odieuses doivent être restreintes. Le vœu de chasteté seul est réservé : Or, dans le cas qui nous occupe, on n’a pas fait vœu d’une chasteté parfaite, puisqu’il reste l’obligation de rendre le devoir conjugal. Le vœu prononcé avant le mariage n’est pas non plus réservé ; car le mariage subséquent ne fait que le rendre imparfait de parfait qu’il était. Il est donc certain que l’évêque peut dispenser de ces sortes de vœux : mais il est évident qu’il en serait autrement si le vœu avait été prononcé par les deux époux ou par l’un d’eux, du consentement de l’autre.

Le vœu de ne pas se marier ou d’entrer dans les ordres sacrés fait après le mariage, et le vœu d’embrasser l’état religieux fait lorsque le mariage a été consommé, n’empêche ni de rendre ni de demander le devoir conjugal ; il n’est donc pas besoin de dispense dans ce cas, car ces vœux n’obligent qu’après la dissolution du mariage.

Il faut encore noter que si le vœu de chasteté perpétuelle fait avant ou après le mariage n’empêche pas de rendre le devoir conjugal, ce vœu devient parfait par la mort de l’autre époux, et qu’on ne peut en être délié que par le souverain pontife, si l’on veut contracter un nouveau mariage.

Celui qui a contracté mariage, après avoir fait vœu de ne pas se marier, a commis un péché mortel, et cependant il peut, sans dispense, rendre et demander le devoir conjugal : mais il ne pourrait, après la dissolution du mariage, en contracter un nouveau sans avoir obtenu des dispenses.

II. L’époux qui aurait un commerce charnel, naturel et complet avec une personne parente de son conjoint, par consanguinité, au premier ou au second degré, perdrait le droit de demander le devoir conjugal et commettrait un péché mortel en l’exigeant ; car il aurait établi l’affinité entre lui et son conjoint ; on appelle cette affinité empêchement survenant à un mariage contracté d’une manière valide.

L’évêque peut en dispenser par lui-même ou par ses vicaires généraux ou donner aux confesseurs le droit d’en dispenser.

Dans notre diocèse, les curés primaires peuvent, en vertu d’une autorisation spéciale encore en vigueur de Mgr de Pidoll, lever cet empêchement pour tout diocésain, mais seulement au for de la pénitence, qu’ils donnent ou ne donnent pas l’absolution sacramentelle. (Enchiridion, p. 9.)

Comme cet empêchement, survenant au mariage, a été établi comme punition, il ne lie pas la partie innocente ; celle-ci peut donc demander le devoir conjugal que l’autre partie ne peut pas refuser. Cependant un grand nombre de théologiens prétendent qu’elle aurait perdu le droit de demander le devoir conjugal si l’inceste avait eu lieu avec son consentement, quoique d’autres nient le cas en se basant sur ce que cette peine n’est pas formellement prononcée par le droit canonique.

Il est certain que cet empêchement n’est pas applicable à la femme prise de force, ni à l’homme qui se livre à l’acte charnel avec une femme qu’il ignore être parente par consanguinité de son épouse, car, dans le premier cas, il n’y a pas faute, et dans le second, l’inceste n’est pas formel, puisque, d’après les Décrétales, l. 4. tit. 13, chap. 1, il est nécessaire de savoir. On conclut des termes de ce même chapitre que l’ignorance dans laquelle on se trouve des prohibitions de l’Église exclut l’empêchement, car on ne sait pas réellement ; il est cependant plus sûr, d’après Collet, de demander la dispense à l’évêque.

III. Celui qui, pendant le mariage, baptise ou tient sur les fonds baptismaux, soit son propre enfant ou celui de son conjoint, se met dans un cas d’empêchement de parenté spirituelle et perd le droit de demander le devoir conjugal. C’est ainsi décidé par le décret cause 30, q. 1re, can. ad. limina, et par les Décrétales, l. 4, tit. 11, chap. 2. Il est tenu, néanmoins, de rendre le devoir lorsque son conjoint le demande, mais celui-ci aurait lui-même perdu son droit si, par des conseils, il avait été cause que le premier aurait baptisé ou tenu l’enfant.

L’empêchement n’existerait pas si l’époux avait baptisé son enfant ou celui de son conjoint dans un cas de nécessité ou par suite d’une ignorance complète ; c’est ce qui résulte du chapitre déjà cité, liv. 4 des Décrétales. La nécessité est censée exister à l’égard du père, disent Pontas, Collator Andeg., Collet, etc., lorsqu’il ne se trouve pas de prêtre, quoiqu’il y ait d’autres laïques ; car les choses odieuses doivent être restreintes, et le droit ecclésiastique ne s’explique pas d’une manière claire sur l’absence du prêtre. Beaucoup d’autres, au contraire, prétendent que le père ne se trouve pas dans le cas de véritable nécessité, lorsqu’il y a près de lui une autre personne, clerc ou laïque et même une femme, sachant baptiser ; c’est ce que semble indiquer le mot nécessité, et le rituel Romain porte ce qui suit : Le père ni la mère ne doivent pas baptiser leur propre enfant, si ce n’est à l’article de la mort, et lorsqu’il ne se trouve plus personne qui sache baptiser. Il faut donc choisir le parti le plus sûr, et dans ce cas, il faudrait demander la dispense comme dans celui que nous avons déjà rapporté, le curé primaire peut dans ce cas, au for de la pénitence, accorder sa dispense à un diocésain.

Celui qui ignore que l’enfant qu’il baptise ou qu’il tient sur les fonds baptismaux est son enfant ou ce lui de son conjoint ne perd pas le droit de demander le devoir, parce qu’il n’est coupable d’aucune faute et il est encore très probable qu’il n’encourt pas de peine si, sachant que l’enfant est à lui ou à son conjoint, il ignore les prohibitions de l’Église. Cette opinion paraît être celle de Dens, t. 7, p. 262, et de St Ligori, l. 6, no  152. Il serait cependant plus sûr, dans ce cas, d’obtenir la dispense.

Il ne suit pas de là que le père qui, soit par ignorance, soit par nécessité, baptise ou tient sur les fonts baptismaux l’enfant légitime ou naturel, qu’il soit de lui ou d’un autre, de la femme avec laquelle il n’est pas marié, n’établisse pas entre cette femme et lui un empêchement tel qu’il ait besoin d’une dispense pour se marier avec elle : La raison vient de ce que la parenté spirituelle, établie hors du mariage, n’a pas été établie comme punition.

IV. Celui qui sait d’une manière certaine que son mariage est nul, pour cause d’un empêchement d’affinité provenant d’un commerce illicite, par exemple, ne peut demander ni rendre le devoir pour quelque raison que ce soit, car il commettrait positivement un péché de fornication : La raison l’indique clairement, et les Décrétales, l. 5, tit. 39, chap. 44, sont très explicites sur ce point.

Mais s’il a contracté mariage en doutant de sa validité, ou si, l’ayant contracté, il doute de cette même validité, il doit rejeter ces doutes comme des scrupules, et il peut demander le devoir conjugal, s’il vient à s’apercevoir que ces doutes ne sont fondés sur aucune raison ; si au contraire il s’aperçoit qu’ils reposent sur des raisons qui ont quelque fondement, il doit, pour ne pas se mettre en danger de fornication, s’abstenir de demander le devoir conjugal jusqu’à ce qu’il ait acquis la certitude de la validité du mariage. Mais il est tenu de rendre le devoir à son époux qui n’est pas dans le doute, parce que, de deux maux qu’on ne peut éviter à la fois, il faut choisir le moindre : Or il y a moins de mal à s’exposer au danger d’une fornication matérielle qu’au danger d’une injustice envers l’autre époux. Ces décisions se trouvent dans le livre et au chapitre que nous avons cité plus haut.

On suppose ici qu’il n’existe pas des raisons légitimes pour refuser le devoir conjugal ou pour s’y soustraire, car, dans le cas où ces raisons existeraient, on ne serait pas tenu de rendre le devoir, puisqu’il n’y aurait plus danger d’injustice. De même, dans le cas où les arguments pour la nullité du mariage seraient beaucoup plus concluants que les arguments contraires, il ne serait pas permis de rendre le devoir, car on commettrait très certainement un péché de fornication. Voy. Dens, t. 7.

Il résulte de ce que nous venons de dire que si les deux époux doutaient de la validité du mariage, ils ne pourraient, ni l’un ni l’autre, ni demander ni rendre le devoir conjugal.


§. II. — De ceux qui pèchent véniellement en exigeant le devoir conjugal


I. Quelques théologiens, dont St Ligori, l. 6, no  915, cite l’autorité, prétendent, après St Thomas, que c’est un péché mortel de pratiquer le coït avec sa femme pendant le temps des menstrues, c’est-à-dire de l’écoulement du sang qui se produit ordinairement chaque mois chez les femmes capables de devenir enceintes, à cause du préjudice causé à l’espèce, et de la défense divine portée dans le Lévitique, 20, 18 ; mais d’autres enseignent plus ordinairement que c’est bien là un péché à cause de l’indécence qui en résulte, ils accordent qu’il n’est que véniel, car le coït pratiqué à l’époque des menstrues ne nuit nullement ou du moins nuit bien peu à la propagation de l’espèce ; d’ailleurs la défense portée dans le Lévitique a été, comme pratique, abrogée par la loi nouvelle. C’est l’opinion de St Antoine, Navarrus, Concina, Pontius, Bonacina, Paludanus, Cajetan, Sylvius, Billuart, Dens, etc. Il n’y a nul péché à demander le devoir lorsque cette demande est justifiée par une cause raisonnable, une grave tentation, par exemple, ou la nécessité de prévenir l’incontinence.

Voy., dans ce sens, Navarrus, Paludanus, Sanchez, l’école de Salamanque, St Ligori.

C’est pour cela que si l’écoulement, qui ne dure pas ordinairement au delà de deux ou trois jours, était de trop longue durée et presque continuel, comme cela arrive quelquefois, le mari pourrait, sans péché, demander le devoir, car il serait très-grave pour lui de toujours s’abstenir.

Selon l’opinion générale, la femme qui rend le devoir pendant le temps du flux ordinaire ne commet pas de péché ; bien plus, elle est tenue de le rendre si son mari n’adhère pas à des observations faites avec douceur, à moins qu’il ne dût en résulter un grave préjudice, comme cela arrive d’ordinaire lorsque le flux est abondant.

Ce qui vient d’être dit du temps des menstrues s’applique également au temps de la grossesse et du flux de l’enfantement. Voy. St Ligori, l. 6.

II. Ce n’est pas un péché mortel de demander le devoir conjugal pendant le temps de la grossesse, pourvu qu’il n’y ait pas danger d’avortement ; c’est l’opinion très ordinaire des théologiens, et c’est la conséquence de ce que nous avons dit au sujet de la demande du devoir ayant pour but d’éviter l’incontinence. Comme le fœtus humain se trouve tellement enveloppé dans la matrice que la semence de l’homme ne peut le toucher, on ne peut pas facilement présumer le danger d’avortement, et on ne doit pas tracasser les pénitents sur ce point par des interrogations importunes.

Sanchez, l. 9, disp. 22, no  6, et beaucoup de théologiens dont il cite l’autorité, enseignent qu’il n’y a même pas de péché véniel à demander le devoir pendant le temps de la grossesse, car autrement on devrait s’abstenir presque toujours de l’acte conjugal, et le mariage institué comme remède à la concupiscence serait plutôt propre à enflammer qu’à calmer les passions, et ne serait qu’un véritable piége. Cependant, St Ligori, l. 6, no  924, avec beaucoup d’autres, ont limité cette faculté au seul cas où il y a danger d’incontinence.

D’autres théologiens, en assez grand nombre, pensent que, même dans ce cas, la demande du devoir n’est pas exempte de péché véniel ; car, disent-ils, l’acte conjugal, quoique pratiqué pour éviter l’incontinence, est dépourvu de son but légitime : c’est l’opinion des pères et des Docteurs cités plus haut.

Quant à nous, nous ne tenterons pas de trancher le différend. Et, nous apitoyant sur le sort des personnes mariées, nous nous contenterons de dire qu’il faut les laisser dans leur bonne foi et ne pas les détourner de leurs habitudes, de crainte qu’ils ne retombent dans des fautes plus graves.

III. St Charles conseille aux personnes mariées de s’abstenir, d’un consentement mutuel, de l’acte conjugal, les jours de fêtes solennelles, les jours de dimanche, les jours de jeûne et les jours où ils ont reçu ou doivent recevoir la sainte Eucharistie : c’est conforme aux statuts de plusieurs rituels et, en particulier, de celui du Mans, p. 140. Plusieurs théologiens, cités par Sanchez et St Ligori, pensent que la demande du devoir pendant les jours dont nous venons de parler, et principalement celui où on doit recevoir la sainte Eucharistie, n’est pas exempte de péché mortel, à moins qu’elle ne soit excusée par des motifs raisonnables comme une tentation grave ; car le plaisir charnel distrait notablement l’âme des choses spirituelles dont on doit s’occuper dans ces jours-là. Cependant Benoît XIV, dans le synode diocésain, l. 5, chap. 1, no  8, dit que c’est seulement à titre de conseil, quoique autrefois l’Église l’eût prescrit sous les peines les plus graves.

Tous les théologiens disent avec St François de Sales, — introduction à la vie dévote, 2e partie, chap. 20, que la femme qui, le jour où elle a reçu ou doit recevoir la sainte Eucharistie, rend le devoir que demande son mari, ne commet pas de péché ; bien plus, qu’elle est tenue de le rendre si son époux ne veut pas céder à ses prières.

À cette occasion, les théologiens se demandent si celui qui a éprouvé la pollution pendant le sommeil peut recevoir la sainte Eucharistie. Ils répondent avec saint Grégoire le Grand, dans sa lettre au sublime Augustin, apôtre de la Grande-Bretagne, rapportée dans le Décret, part. 1re, dist. 6, chap. 1, en faisant la distinction suivante : Ou cette pollution provient d’un excès de force ou de la faiblesse, et, dans ce cas, il n’y a pas le moindre péché ; ou bien elle provient de certains excès dans l’usage des aliments, et c’est alors un péché véniel ; elle peut encore être le résultat des pensées qui l’ont précédée et elle peut, dans ce cas, constituer un péché morte. Dans le premier cas, on ne doit éprouver aucun scrupule ; dans le second, elle n’empêche pas de recevoir le sacrement ou de célébrer les saints mystères si on y est engagé par quelque motif d’excuse, comme la circonstance d’un jour de fête ou de dimanche ; mais dans le troisième, nous dit saint Augustin, on doit s’abstenir de participer ce jour-là au saint Mystère à cause d’une telle pollution. Cependant, si la pollution n’avait pas été mortelle dans sa cause, ou si le prêtre réellement repentant avait reçu l’absolution, il pourrait célébrer les saints Mystères s’il avait quelque raison pour le faire.

Tous les théologiens s’accordent à dire que celui qui, en se livrant à l’acte conjugal, désire qu’il ne naisse pas d’enfant de ses œuvres, commet un péché ; mais ce péché est seulement véniel, car suivant l’adage latin : Finis præcepti non cadit sub præcepto ; — la fin du précepte ne tombe pas sous le précepte. C’est l’opinion de Sanchez, 1. 9, disp. 8, no  10, et de beaucoup d’autres contre un petit nombre qui veulent que le péché soit mortel. Mais si on portait volontairement un obstacle quelconque à la conception, le péché serait mortel.


Article III. — De l’obligation de rendre le devoir conjugal.


Nous avons à parler :

1o De l’obligation de rendre le devoir conjugal ;

2o Des raisons qui dispensent de le rendre ;

3o De ceux qui pèchent mortellement en le rendant ;

4o De ceux qui commettent le péché d’Onan ;

5o De ceux qui pèchent véniellement en rendant le devoir.


§ I. — De l’obligation de rendre le devoir.


L’Écriture sainte et la raison imposent à chacun des époux la stricte obligation de rendre le devoir à l’autre lorsque la demande lui en est faite d’une manière expresse ou tacite :

1o L’Écriture sainte : 1re aux Corinth., 7. 3 : L’homme rendra le devoir à sa femme et la femme à son mari. Ne vous imposez pas l’un à l’autre des privations, à moins que ce ne soit d’un consentement mutuel, pour le temps de la prière. L’obligation de rendre le devoir résulte clairement de ces paroles.

2o La raison : Tout contrat implique l’obligation naturelle de se tenir dans les termes de la convention ; or, le but principal du mariage consiste dans l’abandon mutuel du corps, pour l’accomplissement, selon les règles, de l’acte conjugal ; donc, celui qui, sans motif légitime, refuserait de rendre le devoir conjugal, manquerait gravement à une convention solennellement faite, et confirmée par serment, et, par conséquent, il pècherait mortellement. C’est l’opinion de tous les théologiens.

D’où il résulte : 1o que c’est un péché mortel de refuser, même une fois, sans motif légitime, de rendre le devoir à l’époux qui le demande avec raison et instance : Mais si celui qui le demande acceptait facilement les motifs de refus et qu’il n’en résultat point de danger d’incontinence, il n’y aurait nul péché, ou, du moins, le péché ne serait pas mortel, à refuser une fois et même deux fois de se prêter aux désirs de son conjoint.

2o L’un des époux ne peut pas, lorsque l’autre s’y oppose, faire une longue absence, à moins d’absolue nécessité, car une pareille absence équivaudrait au refus de rendre le devoir et la justice en serait gravement blessée.


§ II. — Des raisons qui dispensent de rendre le devoir


De même qu’un motif légitime dispense quelquefois de la restitution, une raison légitime dispense aussi de rendre le devoir conjugal. On compte plusieurs de ces raisons savoir :

I. Si l’époux qui demande le devoir n’est pas en possession de lui-même, si, par exemple, il est dans la démence ou s’il est ivre, il n’y a pas d’obligation pour le conjoint de lui rendre le devoir, car ce serait céder à la demande d’une brute. Cependant si l’homme qui demande, étant dans cet état, est capable de consommer l’acte conjugal, la femme doit se rendre à ses désirs ; bien plus, elle est tenue de le faire si elle a des raisons de craindre qu’ayant repoussé son mari, celui-ci ne tombe dans l’incontinence, ne se livre à d’autres femmes, ou ne profère des blasphèmes ou des paroles déshonnêtes devant ses domestiques et ses enfants. Sanchez, l. 9, disp. 23, no  9, St Ligori, l. 6, no  948, etc., pensent ainsi lorsqu’ils disent que la femme, qui est dans un état de démence ou de fureur, ne peut ni demander ni rendre le devoir conjugal à cause du danger d’avortement.

II. Celui qui ne peut rendre le devoir sans grave danger pour sa santé en est dispensé ; car il est préférable d’exister et d’être bien portant que de rendre le devoir. Il faut en dire de même lorsqu’il y a grave danger de nuire à la propagation de l’espèce.

Par conséquent : 1o Il n’y a pas d’obligation de rendre le devoir à un mari atteint d’une maladie contagieuse comme une maladie vénérienne, la peste, la lèpre, etc. Cependant, Alexandre III dit qu’il faut rendre le devoir à un lépreux, mais Sanchez, l. 9, disp. 24, no  17, St Ligori, l. 6, no  930, et beaucoup d’autres qu’ils citent, enseignent que cela s’entend ainsi pour le cas où, en rendant le devoir, on ne se mettrait pas dans le danger de contracter la lèpre ; car il répugne qu’un époux soit tenu de s’exposer à un pareil danger. Mais les mêmes auteurs exceptent le cas où la lèpre aurait précédé le mariage et aurait été connue de l’autre époux cependant il faut supposer qu’il n’y a pas un danger trop grave, celui de la mort, par exemple.

Par conséquent, 2o l’époux malade, qui ne peut rendre le devoir sans grave préjudice, en est dispensé tant que dure la maladie : mais il n’est pas permis de le refuser à cause des inconvénients de la grossesse ou de l’éducation des enfants ou des difficultés ordinaires de l’enfantement, car ce sont là des accessoires du mariage.

III. L’époux n’est pas tenu de rendre le devoir à celui qui a perdu le droit de le demander en commettant un adultère ; car on ne doit plus fidélité à celui qui a violé ses promesses, mais s’il était lui-même coupable d’adultère, il ne pourrait pas refuser le devoir, car les injures se trouveraient compensées. Cela est vrai pour la femme à l’égard de son mari, mais à un degré moindre pour l’homme à l’égard de sa femme, car la femme adultère a commis un péché plus grave que l’homme, à cause du danger d’introduire des étrangers dans la famille ; le mari est donc plus autorisé que la femme à refuser le devoir conjugal pour le cas d’adultère.

Du reste, celui qui a pardonné l’adultère en rendant le devoir après qu’il a eu connaissance de l’infidélité de son conjoint, ne peut déjà plus refuser le devoir. Néanmoins l’adultère peut demander comme une faveur le devoir à son époux qui n’ignore pas l’infidélité commise, et s’il l’ignore il n’y a pas obligation de la lui faire connaître, car personne n’est tenu de s’infliger une grave punition.

IV. On n’est pas tenu de rendre le devoir à celui qui le demande trop fréquemment, plusieurs fois dans la même nuit, par exemple, car c’est contraire à la raison et cela pourrait devenir très dangereux. La femme doit cependant, autant que la chose est en son pouvoir, dit Sanchez, l. 9, disp. 2, no  12, se prêter aux besoins libidineux de son mari lorsqu’il éprouve de violents aiguillons de la chair : la charité l’oblige en effet à éloigner de lui, autant que possible, le danger d’incontinence.

V. La femme n’est pas tenue de rendre le devoir pendant le flux de ses menstrues ou celui qui accompagne ses couches, à moins qu’elle n’ait quelque motif de craindre que son mari tombe dans l’incontinence ; si cependant elle ne peut, par ses prières, le détourner de l’acte conjugal, elle doit rendre le devoir ; car il y a toujours à craindre le danger d’incontinence, les disputes ou autres désagréments. C’est l’opinion de St Bonaventure et de beaucoup d’autres que cite Sanchez, l. 9, disp. 21, no  16.

Les théologiens enseignent généralement qu’il est permis de demander et de rendre le devoir conjugal pendant le temps que la femme allaite, car l’expérience prouve que le lait est rarement corrompu par suite de cet acte. Sanchez, l. 9, disp. 22, no  14, et St Ligori, l. 6, no  911.

VI. Il n’est pas permis de refuser le devoir conjugal dans la crainte d’avoir un trop grand nombre d’enfants : les époux chrétiens doivent se confier à Dieu qui donne la nourriture aux animaux et à leurs petits lorsqu’ils l’invoquent (Ps. 146, 9) ; en bénissant la fécondité, il bénit souvent aussi les biens temporels et spirituels en permettant que, parmi les enfants, il en naisse un qui apporte dans la maison des dots importantes et qui fasse le bonheur de toute la famille.

Cependant, pour le cas où les parents n’auraient pas les moyens de nourrir selon leur condition une famille trop nombreuse, Sanchez, l. 19, disp. 25, no  3, et plusieurs autres théologiens pensent qu’il serait permis de refuser le devoir, pourvu qu’il n’y eût pas danger d’incontinence : mais comme l’époux qui refuse le devoir ne peut presque jamais savoir si celui qui le demande n’est pas en danger d’incontinence, le confesseur doit rarement permettre de le refuser sous ce prétexte-là. Il doit toujours exiger que la continence résulte d’un consentement mutuel, et, nonobstant la résolution de rester dans une parfaite continence, chacun des époux doit être prêt à rendre le devoir à celui qui le demande.

VII. La femme qui, du consentement de son mari, prend un enfant étranger à nourrir, est dispensée de rendre le devoir pendant le temps qu’elle nourrit, car si le lait d’une femme enceinte ne nuit pas ordinairement à son propre enfant, il n’en est pas de même pour l’enfant d’un autre. Ceux qui donnent des enfants à nourrir se montrent souvent contrariés de l’événement, si la nourrice devient enceinte pendant l’allaitement du nourrisson.


§ III. ― De ceux qui pèchent mortellement en rendant le devoir conjugal


I. Si l’époux qui réclame de son conjoint le devoir commettait un péché mortel en le demandant au milieu de circonstances extraordinaires tenant à l’acte lui-même, par exemple, en le demandant dans un lieu public ou sacré, ou avec grave danger d’avortement, ou au détriment de sa propre santé ou de celle de son époux, ou au risque évident de répandre la semence hors du vase naturel, alors qu’il aurait pu pratiquer le coït d’une autre manière, il est certain que celui qui rendrait le devoir dans ces circonstances pècherait aussi mortellement ; car il participerait à ce crime et en revêtirait la malice.

II. Si l’homme était tellement décrépit ou débile qu’il ne pût pas accomplir l’acte charnel et qu’il n’eût pas espoir de l’accomplir, il pècherait mortellement en exigeant le devoir conjugal, car il ferait un acte contraire à la nature, et par la même raison, la femme pècherait mortellement en le demandant. Mais si l’homme accomplissait de temps en temps l’acte charnel, quoiqu’il lui arrivât souvent de ne pas pouvoir l’accomplir, la femme pourrait rendre le devoir et même serait tenue de le rendre, car dans le doute d’un bon résultat le mari ne pourrait pas se priver de son droit : le mari lui-même, dans ce cas, fait un acte licite en demandant le devoir lorsqu’il a quelque raison d’espérer qu’il arrivera à consommer l’acte charnel ; et s’il répand la semence hors du vase naturel, cet accident ne peut pas lui être imputé à péché. Mais il doit certainement s’abstenir lorsqu’il n’y a pas espoir d’arriver à l’accomplissement de cet acte. Voy. Sanchez, l. 19, disp. 17. no  24, St Ligori, l. 6, no  954, d. 2, et beaucoup d’autres théologiens dont ils rapportent l’autorité.

III. Les théologiens se demandent s’il est permis de rendre le devoir lorsque celui qui le réclame de son conjoint commet, par une circonstance à lui personnelle, un péché mortel en faisant sa demande, par exemple, s’il avait fait vœu de chasteté ou s’il voulait pratiquer l’acte charnel avec de mauvais desseins. Certains théologiens pensent que c’est un péché mortel de rendre le devoir conjugal dans un cas semblable, à moins de graves motifs d’excuse, soit parce que celui qui demande n’a, dans ce cas, aucun droit sur le corps de l’autre époux, soit parce qu’en raison du vœu qu’il a prononcé ou du but pervers qu’il s’est proposé, il ferait un acte mauvais en se livrant au coït ; l’autre époux ne peut donc pas participer à cet acte.

Beaucoup d’autres, au contraire, prétendent que l’autre époux, non-seulement peut, mais encore est tenu de rendre le devoir, parce que celui qui le demande n’a pas perdu son droit par le vœu ; il demande une chose illicite mais non pas injuste. Auriez-vous le droit de refuser à votre créancier le paiement d’une somme que vous lui devez parce qu’il aurait promis de ne pas vous la demander et qu’il l’exige contre sa promesse ? Non, certainement ; l’époux ne peut pas davantage, disent-ils, malgré le vœu prononcé par son conjoint et le péché mortel que commet celui-ci, refuser le devoir lorsqu’il le demande. Sanchez, l. 9 disp. 9, no  4, St Ligori, etc.

Il me paraît cependant hors de doute que l’époux auquel le devoir est demandé, doit avertir charitablement celui qui le demande et le détourner du péché, pourvu, dit St Ligori, qu’il puisse donner cet avertissement sans crainte de provoquer de graves querelles, une grande irritation, ou l’incontinence, car ces inconvénients sont très souvent à craindre : le précepte de la correction fraternelle n’oblige pas, en effet, lorsqu’il n’y a pas espoir d’amendement.

Tous les théologiens s’accordent à dire que l’époux, qui n’est pas lié par un vœu, peut demander le devoir, et il y en a un grand nombre qui lui conseillent de le demander quand il prévoit que son époux est dans l’intention de se livrer au coït afin de lui éviter ainsi de commettre un péché.

IV. Il résulte de ce que nous avons dit que l’époux, qui a eu un commerce incestueux avec une personne parente de son conjoint au premier ou au second degré de consanguinité, a perdu son droit de demander le devoir conjugal. Si malgré cela il vient à le demander, son époux est-il tenu de le rendre ?

Il est certain que la partie innocente peut demander et que l’autre est tenu de rendre le devoir : aussi plusieurs théologiens, dans ce cas comme dans le précédent, conseillent à celui qui est innocent de faire la demande du coït afin d’éviter à son conjoint de tomber dans le péché.

Beaucoup de théologiens, dont Sanchez rapporte les décisions, l. 9, disp. 6, no  11, assurent que celui qui est innocent pèche mortellement s’il rend le devoir à celui qui le demande, car il se rend à une demande mortellement mauvaise, et il en revêt toute la malice. Cependant, Sanchez, St Ligori et nombre d’autres théologiens enseignent plus généralement, et d’une manière plus probable, qu’il n’y a pas de péché à rendre le devoir lorsqu’il est imprudent de détourner du péché celui qui demande ; car en se livrant à l’acte conjugal, l’époux innocent fait une chose bonne en soi, à laquelle il a droit, et dont le crime d’un autre ne saurait le priver ; ainsi, qu’il demande ou qu’il rende le devoir, il ne fait qu’user de son droit ; il ne commet donc pas de péché, surtout s’il devait résulter quelque désagrément de son refus sans pouvoir empêcher un autre de commettre le péché.


§ IV. — De ceux qui commettent le péché d’Onan


Ce péché a lieu lorsque l’homme retire son membre après l’avoir fait pénétrer dans la matrice afin de répandre sa semence hors du vase naturel de la femme dans le but d’empêcher la génération. Il tire son nom d’Onan, second fils du patriarche Judas, qui fut forcé d’épouser Thamar, veuve de son frère Her, mort sans postérité, afin de perpétuer la race de son frère : Onan sachant que les enfants qui naîtraient de la femme de son frère ne seraient pas considérés comme étant les siens, répandait la semence par terre pour ne pas donner naissance à des enfants qui porteraient le nom de son frère. (Gen. 38, 9). Rien n’est aujourd’hui plus fréquent que cette détestable coutume entre les jeunes mariés qui, n’étant pas retenus par la crainte de Dieu, foulent aux pieds ce précepte de l’apôtre : Union honorable entre toutes, et couche immaculée (Hebr., 13, 4) et vivent comme des chevaux et des mulets qui n’ont pas d’intelligence (Ps. 31, 9). Recherchant uniquement les plaisirs dans le mariage, ils en évitent les charges, ne veulent pas avoir d’enfants ou les avoir en nombre déterminé, et cependant se livrent à la passion honteusement et sans frein, appliquant leur adresse à éviter les effets du coït.

Il est certain 1o que l’homme qui agit ainsi, quelle que soit la raison de sa conduite, pèche mortellement, à moins que sa bonne foi ne l’excuse ; il ne peut être absous à moins qu’il ne se repente de sa faute et qu’il ne prenne la ferme résolution de ne plus tomber dans le péché : car il est évident qu’il a commis une énormité contre le but du mariage ; c’est pourquoi Dieu l’a frappé (Onan) parce qu’il avait commis une action détestable.

Il est certain 2o par la même raison, que la femme qui engage le mari à agir ainsi ou qui consent à cette action détestable, ou, à plus forte raison, qui se retire contre le gré de son mari avant que l’écoulement de la semence ait eu lieu, commet un péché mortel et est tout à fait indigne de l’absolution. Les femmes, très souvent, empêchent l’homme d’accomplir l’acte conjugal ou du moins consentent librement à cette mauvaise action.

Il est certain 3o que la femme, ordinairement du moins, est tenue d’avertir son mari, et de le détourner, selon son pouvoir, de cette action perverse ; la charité l’y oblige.

Il est certain 4° que la femme peut et doit rendre le devoir si, averti par elle, le mari promet d’accomplir l’acte et qu’il l’accomplisse quelquefois au moins ; car sur le doute de l’abus qu’il peut faire de son droit, elle ne peut pas le lui refuser mais elle doit désapprouver son mari lorsqu’il retire son membre viril, sans quoi elle commettrait un péché mortel.

La difficulté consiste donc maintenant à savoir si, en sûreté de conscience, elle peut rendre le devoir lorsqu’elle sait, d’une manière certaine, que son mari se retirera et que, par ses prières, elle ne peut pas le détourner de sa résolution.

Beaucoup de théologiens prétendent que, dans ce cas, la femme doit se refuser à rendre le devoir, même pour éviter la mort dont elle serait menacée :

1o Parce que le mari, en retirant son membre, commet une action essentiellement mauvaise, et que la femme participerait à sa malice en se rendant à sa demande ;

2o Parce que l’homme, dans l’hypothèse, ne demande pas l’acte conjugal, mais seulement la faculté d’introduire le membre viril dans les parties sexuelles de la femme pour s’exciter à la pollution ;

3o Parce que si le mari exigeait que sa femme participe à l’acte sodomique, celle-ci ne pourrait y consentir pour aucun motif, même pour éviter la mort : or, dans le cas supposé, la demande du mari se réduit à l’acte sodomique puisque le parfait accomplissement de l’acte conjugal en est exclu. Voy. Habert, t. 7, p. 745, Collator, de Paris, t. 4, p. 348, plusieurs docteurs de la sorbonne cités par Collet, t. 16, p. 244 ; Collator Andeg., sur les États, t. 3, dernière partie, Bailly, etc.

Beaucoup d’autres enseignent que la femme qui acquiesce à la demande de son mari et qui se prête à l’acte conjugal dans la position ordinaire est exempte de tout péché, si elle désapprouve entièrement la conduite de son mari, car elle fait une chose licite et use d’un droit qui lui appartient et dont la malice de son mari ne peut nullement la priver : car elle ne fait rien qu’elle ne puisse faire d’une manière licite comme femme mariée : Le mari qui l’approche et qui introduit son membre dans ses parties sexuelles ne pèche pas en cela, mais bien en le retirant et en répandant sa semence au dehors ; donc, si la femme désapprouve entièrement cette dernière partie de l’acte de son mari, elle ne participe nullement à son péché, Voy. Sanchez, 1. 9, disp. 17, no  3, Pontius, l. 10, chap. 11, no  3, Tamburinus, l. 7, chap. 3, § 5, no  4, Sporer, p. 356, no  490, Pontas, mot Devoir conjugal, cas 55, St Ligori, l. 6, no  947.

Roncaglius et Elbel, que cite St Ligori, id., permettent même à l’épouse de rendre le devoir à son mari lorsqu’il a manifesté l’intention de retirer son membre avant le parfait accomplissement de l’acte charnel, pourvu qu’elle ne participe pas à son péché en y donnant son consentement, mais ils exigent, pour l’excuser, qu’elle ait agi pour de graves motifs.

Cette décision nous paraît la seule admissible ; car nous sommes fermement convaincu que la conduite de la femme n’est nullement répréhensible, dans ce cas ; par conséquent nous croyons que la décision d’Habert et des autres théologiens qui pensent comme lui est trop sévère et n’est nullement fondée. La femme peut donc, lorsqu’elle a des raisons suffisantes, se prêter passivement aux désirs de son mari ; mais la raison d’excuse doit être en rapport avec la malice du péché et l’efficacité de la coopération ; car on ne saurait nier que la femme, dans ce cas, coopère directement au péché de son mari ; c’est pour cela qu’on exige un grave motif d’excuse. C’est aujourd’hui le sentiment ordinaire des confesseurs doctes et pieux, sentiment qui a été partagé par la sacrée congrégation de la Pénitence lorsqu’elle a été interrogée de la manière suivante :

Une épouse pieuse peut-elle permettre à son mari de l’approcher lorsque l’expérience lui a prouvé qu’il pratique le coït suivant l’abominable coutume d’Onan… particulièrement si, en refusant de pratiquer le coït, elle s’expose à des violences de la part du mari ou si elle a à craindre que celui-ci s’adresse à des courtisanes ? La congrégation de la Pénitence a répondu le 23 avril 1822 :

Comme dans le cas proposé la femme ne fait, de son côté, rien de contraire à la nature, qu’elle se prête à un acte licite, que tout ce qu’il y a d’irrégulier dans cet acte doit être attribué à la malice du mari, qui, au lieu de consommer l’acte conjugal, retire le membre et répand sa semence hors des parties sexuelles de sa femme, celle-ci peut sans pécher, comme l’enseignent des théologiens très estimés se prêter passivement aux désirs de son mari, si les avertissements qu’elle est dans l’obligation de lui donner sont demeurés sans résultat, si le mari insiste et menace sa femme de coups, de la mort, ou d’autres violences graves, car dans ces circonstances elle tolère simplement le péché de son mari, et elle a, pour agir ainsi, de graves motifs d’excuse, puisque la charité qui lui commande de s’opposer à une pareille conduite de la part de son mari ne l’oblige pas en présence de pareils inconvénients.

Donc la femme ne pèche pas, dans ces circonstances, en rendant le devoir, pourvu qu’elle soit excusée par de graves raisons : or les raisons sont réputées graves ;

1o Lorsqu’elle a à craindre la mort, des coups ou des injures graves : la réponse de la sacrée congrégation de la Pénitence, et la raison indiquent clairement qu’il doit en être ainsi.

2o Lorsque la femme a lieu de craindre que son mari n’introduise une concubine sous le toit conjugal et ne vive maritalement avec elle, car il n’y a pas de femme sensée qui ne préfère supporter les coups que d’assister, dans sa propre maison, à un commerce aussi injurieux pour elle.

3o Le mari n’entretiendrait-il pas sa concubine sous le toit conjugal, s’il était à craindre qu’il n’entretint ailleurs des relations avec elle, ou qu’il ne fréquentât des courtisanes, il nous paraît que la femme aurait des motifs d’excuse légitime, quoique la sacrée congrégation de la Pénitence n’ait pas répondu sur ce point ; car une pareille conduite de la part du mari lui occasionnerait de graves désagréments tels que disputes, dissensions, dissipation du bien commun, scandale, etc.

4o Il faut remarquer, cependant, que la gravité de ces désagréments se juge selon les circonstances de personnes.

Ce qui est réputé léger à l’égard de l’un peut être très grave à l’égard de l’autre : ainsi les rixes passagères, les dissensions, et même certains coups, ont peu d’importance chez les paysans, mais ils seraient intolérables pour une femme timide, possédant une instruction soignée et accoutumée aux bonnes manières.

Or, la crainte de graves disputes serait, dans ces circonstances, un motif suffisant de rendre le devoir, de pratiquer le coït.

5o La femme peut également rendre le devoir conjugal quand elle sait, d’une manière certaine, que son mari, irrité par son refus, blasphèmera contre Dieu et contre la religion, qu’il proférera des injures contre son confesseur et les prêtres en général, et qu’il prononcera des paroles scandaleuses devant ses domestiques et ses enfants ; car en voulant prévenir un péché elle serait cause qu’il en serait commis d’autres aussi graves ou même plus graves : elle n’aboutirait donc à aucun résultat favorable, par sa résistance, et elle s’attirerait inutilement de graves désagréments.

6o La crainte du divorce, de la séparation, de la honte ou d’un scandale grave serait, à plus forte raison, une raison suffisante.

7o Il n’est pas nécessaire que la femme persiste dans son refus de se prêter au coït jusqu’à ce qu’elle ait éprouvé les violences, les injures et les autres désagréments dont nous avons parlé plus haut ; car il lui arriverait souvent, dans ce cas, de ne pas parvenir à détourner le mal déjà fait, en rendant ou offrant le devoir conjugal, et, d’ailleurs, elle n’est pas tenue de subir ces mauvais traitements pour empêcher son mari de commettre un péché il suffit donc que les craintes ne soient pas dépourvues de fondement.

8o La femme n’est pas davantage tenue d’avertir son mari chaque fois qu’il demande le devoir avec l’intention de retirer son membre avant l’accomplissement de l’acte charnel, lorsqu’elle sait par expérience qu’elle n’obtientra pas satisfaction. Elle doit cependant, du moins quelquefois, montrer qu’elle ne donne pas son consentement au crime de son mari. Elle doit, du reste, prendre soigneusement garde de ne pas y donner un consentement tacite, par crainte d’avoir des enfants, ou pour tout autre motif. Elle doit être dans la disposition de mourir plutôt que de s’opposer à la génération lorsque c’est de sa volonté que dépend le fait de l’éjaculation.

Dans tous ces cas, il est permis à la femme tout ce qui lui serait permis si le mari accomplissait l’acte conjugal selon les règles.

Nos principes exposés plus haut sont maintenant admis d’une manière générale. Néanmoins il y a encore beaucoup de questions inquiétantes que nous avons exposées au souverain Pontife, dans l’année qui vient de s’écouler, de la manière suivante :


Bienheureux Père,

L’évêque du Mans, prosterné aux pieds de Votre Sainteté, vous expose humblement ce qui suit :

On ne trouve presque pas de jeunes époux qui veuillent avoir une trop nombreuse famille, et ils ne peuvent cependant pas, raisonnablement, s’abstenir de l’acte conjugal.

Ils se sentent ordinairement très offensés lorsque leurs confesseurs les interrogent sur la manière dont ils usent des droits matrimoniaux ; on n’obtient pas, par les avertissements, qu’ils se modèrent dans l’exercice de l’acte conjugal, et ils ne peuvent se déterminer à trop augmenter le nombre de leurs enfants.

Aux murmures de leurs confesseurs, ils opposent l’abandon des sacrements de pénitence et de l’Eucharistie, donnant ainsi de mauvais exemples à leurs enfants, à leurs domestiques et aux autres chrétiens ; la religion en éprouve un préjudice considérable.

Le nombre des personnes qui s’approchent du tribunal diminue d’année en année, dans beaucoup d’endroits, et c’est surtout pour cette raison-là, de l’aveu d’un grand nombre de curés qui se distinguent par leur piété, leur science et leur expérience.

Quelle était donc la conduite des confesseurs d’autrefois ? disent beaucoup de personnes. Chaque mariage ne produisait pas, généralement, un plus grand nombre d’enfants qu’il n’en produit aujourd’hui. Les époux n’étaient pas plus chastes et néanmoins ils ne manquaient pas au précepte de la confession pascale.

Tout le monde reconnaît que l’infidélité d’un époux à l’égard de l’autre et les projets d’avortement sont de très graves péchés. Or c’est à peine si on peut persuader à quelques personnes qu’elles sont tenues, sous peine de péché mortel, de rester parfaitement chastes dans le mariage, ou de courir le risque d’engendrer un grand nombre d’enfants.

Le susdit évêque du Mans, prévoyant les grands maux qui peuvent résulter d’une semblable manière d’agir, sollicite, dans sa douleur, de votre Béatitude, une réponse aux questions suivantes :

1o Les époux qui usent du mariage de manière à empêcher la conception commettent-ils un acte en soi mortel ?

2o Cet acte étant considéré comme mortel en soi, peut-on considérer les époux qui ne s’en accusent pas comme étant dans une bonne foi qui les excuse d’une grave faute ?

3o Doit-on approuver la conduite des confesseurs qui, pour ne pas blesser les personnes mariées, s’abstiennent de les interroger sur la manière dont ils usent du mariage ?


RÉPONSE


La sacrée congrégation de la Pénitence, après avoir mûrement examiné les questions qui lui sont posées, répond à la première :

Lorsque tout ce qu’il y a de contraire aux règles, dans l’acte conjugal, provient de la malice du mari qui, au lieu de consommer cet acte, retire son membre et répand sa semence hors du vase naturel, la femme peut, si après les avertissements qu’elle est tenue de donner et qui demeurent sans résultat, son mari insiste en la menaçant de coups et de la mort, se prêter passivement et sans pécher (comme l’enseignent les théologiens dont les décisions font autorité) à la condition que, dans ces circonstances, elle permettra simplement le péché de son mari, et cela par un grave motif d’excuse, car la charité qui lui commande de s’opposer à la conduite de son mari, n’oblige pas lorsqu’il doit en résulter de semblables inconvénients.

La sacrée congrégation répond à la 2me et à la 3me question que le susdit confesseur se rappelle cet adage : — On doit traiter saintement les choses saintes — qu’il pèse bien ce que dit St Alphonse de Ligori, cet homme savant et très expert dans la matière, dans sa pratique des confesseurs, § 4, no  7 :

Le confesseur n’est pas tenu, ordinairement, de parler des péchés que les époux commettent relativement au devoir conjugal, et il n’est pas convenable de poser des questions sur cette matière, si ce n’est à la femme, pour lui demander, le plus modérément possible, si elle a rendu le devoir……… Il doit garder le silence sur tout le reste, à moins qu’on ne lui pose des questions ; — qu’il ne manque d’ailleurs pas de consulter les autres auteurs approuvés.

Donné à Rome, le 8 Juin 1842.

On trouve les paroles de St Ligori ci-dessus rapportées à la onzième édition in-4o, au § indiqué, mais sous le no 41.

Il faut remarquer que la sacrée congrégation de la Pénitence, 1osuppose que l’action du mari qui abuse du mariage est mortellement mauvaise ; 2o reconnaît que la pratique que conseille St Alphonse de Ligori est très prudente, et que les confesseurs peuvent la suivre en toute sûreté.

Les confesseurs, les jeunes prêtres surtout, doivent prudemment s’abstenir de questions indiscrètes qui mettent les personnes mariées dans de grands embarras ; ils doivent agir et parler avec une extrême précaution, sans cependant blesser la vérité dans leurs réponses, et s’abstenir de donner à tort l’absolution, lorsqu’ils sont persuadés que leurs pénitents sont dans le cas de péché mortel ; mais il ne faut pas qu’ils décident sans réflexion qu’il manque à leurs pénitents cette bonne foi qui excuse de péché mortel. Néanmoins, on doit s’appliquer à amener les époux à vivre saintement dans le mariage.

L’épouse doit, par tous les moyens en son pouvoir, les caresses, toute espèce de marques d’amour, les prières et les exhortations, amener son mari à accomplir l’acte conjugal selon les règles, ou le décider à s’en abstenir complètement et à vivre d’une manière chrétienne : l’expérience prouve que plusieurs femmes sont parvenues à vaincre la résistance de leurs maris en s’attachant ainsi à gagner leurs bonnes grâces.

On demande : 1o Si l’épouse peut demander le devoir à son mari lorsqu’elle sait qu’il en abusera.

R. Plusieurs théologiens affirment que la femme peut demander le devoir conjugal et ne fait qu’user de son droit. C’est l’opinion de Pontius, de Tamburinus, de Sporer, etc. Mais d’autres, avec plus de raison, comme cela résulte de ce que nous avons dit, exigent une raison qui lui permette de demander le devoir d’une manière licite, car sans cela elle donnerait à son mari une occasion prochaine de péché ; mais c’est à peine si cette raison peut se présenter, alors qu’elle peut trouver d’autres moyens de surmonter les tentations. Mais étant posée une cause grave de fait, par exemple, la difficulté de surmonter la tentation, elle ne pècherait nullement ; car il est permis de demander, avec des intentions droites et pour de graves raisons, une chose bonne en soi, à celui qui peut l’accorder sans commettre de péché, quoique l’abus qu’il en fait l’empêche de le faire sans péché ; c’est ainsi que pour des motifs graves, pour des raisons suffisantes, on peut demander à un prêtre indigne l’administration d’un sacrement, de l’argent à un usurier, le serment à un païen, etc.

On demande : 2o Si le mari peut répandre la semence hors du vase de la femme, lorsque les médecins ont déclaré que la femme ne peut pas enfanter sans un danger de mort évident.

Nous répondons négativement avec tous les théologiens, parce que l’éjaculation hors des parties sexuelles de la femme est une action contre nature et détestable. Il faut accomplir l’acte, si le danger de mort n’est pas très probable, ou il faut s’en abstenir complètement, si le danger est moralement certain. Dans ce cas, les époux n’ont pas d’autre moyen de salut que la continence. Leur condition est déplorable, mais on ne saurait la changer. Alors, ces malheureux époux doivent s’abstenir de coucher dans le même lit, afin de rester plus facilement dans la continence et de vivre saintement.

Il est à remarquer que les fornicateurs et les adultères ne peuvent pas s’opposer à la génération en répandant la semence hors du vase naturel, parce que cette circonstance est contre nature : il est donc nécessaire de la déclarer en confession.


§ V. — De ceux qui pèchent véniellement en rendant le devoir


1o Lorsque celui des époux qui a demandé le devoir commet un péché véniel en se livrant à l’acte conjugal, par exemple, lorsqu’il l’a demandé en vue seulement du plaisir vénérien, il paraît y avoir certain péché à le rendre, pour le conjoint, lorsqu’il n’existe pas de motif d’excuse, car on fournit ainsi matière à péché véniel. Mais lorsque la demande est formelle, celui qui rend le devoir est suffisamment excusé ; car il doit craindre, en refusant, d’exciter des rixes, des haines, des scandales et de donner naissance au danger de plus graves péchés.

2o Mais si l’acte conjugal est véniellement mauvais comme acte, par exemple, lorsque celui qui le demande, quoique voulant l’accomplir dans le vase naturel, commet un péché véniel parce qu’il veut le faire d’une manière obscène et dans une position insolite ou à l’époque des menstrues ou de la grossesse ; le devoir, dans ce cas, ne doit pas être rendu sans motifs, à cause de l’indécence qui en résulterait. Mais si le refus faisait craindre quelque désagrément, ce serait une raison suffisante pour le rendre. Voy. Sanchez, l. 9, disp. 6, no  6, St  Ligori, l. 6, no  946, et les nombreux théologiens dont ils rapportent les décisions, en cela contraires à un certain nombre d’autres qui contestent que l’indécence d’un acte véniellement mauvais puisse disparaître devant une raison quelconque : La nécessité, par exemple, disent-ils, ne peut rendre le mensonge licite. Mais les deux cas sont différents : Le mensonge est mauvais de sa nature, et il n’en est pas ainsi de la demande du devoir, dans le cas supposé ; les circonstances du fait ne peuvent changer sa nature ; donc celui qui rend le devoir ne commet pas une action mauvaise. Aussi, il me paraît très probable que celui qui rend le devoir, dans ces circonstances, est exempt de toute faute.

On demande : 1o Si une femme qui n’a encore mis au monde que des enfants morts peut, néanmoins, demander ou rendre le devoir.

R. Sanchez, l. 7, disp. 102, no  8, St Ligori, l. 6, no  953, et beaucoup d’autres disent que cette femme ne pèche ni en rendant ni en demandant le devoir ; car : 1o elle fait une chose en soi licite et à laquelle elle a droit, tandis que la mort du fœtus est le résultat d’un accident et ne peut lui être imputée ; 2o il est préférable de faire naître un homme avec un péché originel que de le laisser dans le néant, comme Sanchez s’efforce de le prouver longuement dans ses savantes dissertations ; 3o il arrive quelquefois qu’une femme accouche heureusement après un grand nombre d’avortements.

Mais Sylvius, t. 4, p. 718, Billuart, t. 19, p. 396, Bailly, etc., prétendent que la femme ne peut ni demander ni rendre le devoir, lorsqu’il est moralement certain que l’enfant ne peut pas naître vivant ; car, dans ce cas, on ne peut arriver au but légitime et proprement dit du mariage ; cette opinion, ainsi restreinte, nous paraît la plus probable et la seule admissible. Cependant, les auteurs que nous venons de citer ne disent pas que le péché soit mortel, dans ce cas, et nous n’osons pas l’affirmer.

On demande : 2o Si la femme qui, de l’avis des médecins, ne peut pas accoucher sans un danger de mort évident, est tenue de rendre le devoir à son mari lorsqu’il le demande avec instance.

R. Nous avons déjà prouvé que le mari, dans ce cas, ne peut demander le devoir pour quelque motif que ce soit ; la femme ne peut donc pas davantage le rendre, car elle ne peut pas disposer de sa vie. Mais le péché n’est mortel que si le danger est manifeste.


CHAPITRE II. — De l’usage du mariage


Nous examinerons dans ce chapitre :

1o Quand les époux tombent dans le péché en usant du mariage ;

2o Ce qu’il faut décider des attouchements voluptueux et réciproques.


Article premier. — Quand les époux pèchent en usant du mariage


I. Les époux commettent un péché mortel, non-seulement lorsque leur union charnelle a lieu hors du vase naturel, ou que, par des moyens adroits, ils répandent la semence hors de ce vase, mais encore lorsqu’ils préludent à l’acte vénérien dans le vase qui ne lui est pas destiné, par exemple, en introduisant le priape, c’est-à-dire le membre viril dans l’anus, avec l’intention de terminer la jouissance dans la matrice ; car ils prennent ainsi un moyen qui s’écarte des voies naturelles, et comme cet acte tend, par lui-même, à faire répandre la semence hors du vagin, cette pratique n’est pas autre chose qu’une véritable sodomie. Voy. Sanchez, l. 9, disp. 17, no  4, St Ligori, l. 6, no  916, et beaucoup d’autres dont ils rapportent les décisions.

II. D’après l’opinion générale, c’est un péché mortel, tant de demander que de rendre le devoir conjugal lorsqu’on ne doit pas l’accomplir dans la position naturelle, mais en se plaçant de côté pour la copulation, parce qu’il y a danger de répandre la semence hors du vase : la raison en est évidente. Mais si ce danger n’est pas à craindre, c’est seulement un péché véniel de demander ou de rendre le devoir conjugal de cette manière, qui ne s’écarte que légèrement de la position naturelle, car une pareille inversion n’est pas essentiellement contre nature, étant admis qu’elle ne s’oppose pas à la génération. On doit cependant la blâmer sévèrement, surtout si l’homme, pour augmenter ses jouissances, prend sa femme par derrière, à la mode des animaux, ou s’il se place sous elle, en intervertissant les rôles : cette inversion est souvent le signe de concupiscences mortellement mauvaises chez celui qui ne sait pas se contenter des moyens ordinaires de pratiquer le coït.

Mais lorsqu’il y a nécessité d’en agir ainsi, à l’époque de la grossesse, par exemple, ou parce qu’on ne peut supporter d’autres positions, il n’y a nul péché à prendre ces diverses postures, pourvu qu’il n’y ait pas danger de répandre la semence hors du vase.

III. Pèchent mortellement les époux qui se livrent à des actes obscènes et qui répugnent à la pudeur naturelle, et surtout ceux qui pratiquent l’union charnelle dans un vase autre que celui qui est destiné à cet acte ; c’est ce qui arrive lorsque la femme prend dans sa bouche le priape de son mari, c’est-à-dire le membre viril, ou le place entre ses seins, ou l’introduit dans son anus, etc… etc. ; on ne peut jamais s’appuyer sur les licences du mariage pour excuser de pareilles lubricités.

IV. Pèchent mortellement les personnes mariées qui pratiquent l’acte conjugal d’une manière qui s’oppose à la génération, par exemple si l’homme répand sa semence hors du vase, comme nous l’avons dit, s’il s’oppose à l’écoulement complet de la semence, si la femme rejette le sperme ou fait des efforts pour le rejeter, si elle reste passive afin d’empêcher la conception, etc. St Antoine, Sanchez et beaucoup d’autres cités par St Ligori, l. 6, no  918, prétendent qu’il n’y a pas de péché lorsque le mari, du consentement de sa femme, retire son membre de la matrice, avant l’écoulement de la semence, afin de ne pas donner naissance à des enfants, à la condition, cependant, que ni le mari ni la femme ne tomberont dans le danger de pollution. Cependant, Navarrus, Sylvestre, Ledesma, Azor et beaucoup d’autres pensent avec raison que, dans ce cas, le péché est mortel, tant à cause du danger de pollution dans lequel se trouve toujours le mari, qu’en raison de l’injure grave faite à la nature en laissant l’acte conjugal imparfait. C’est cette dernière opinion seulement qu’on doit suivre dans la pratique.

V. Les personnes mariées pèchent mortellement en demandant ou en rendant le devoir conjugal, lorsqu’il peut résulter de l’accomplissement de l’acte charnel un grave danger d’avortement, quoique le fœtus ne soit pas encore vivant, ou lorsque cet acte doit être notablement préjudiciable à la santé de l’enfant ; cela résulte de ce qui a été déjà dit ; car l’acte pratiqué de manière à produire de semblables résultats est tout à fait contre nature.

VI. Les époux pèchent encore mortellement lorsque, dans l’accomplissement de l’acte conjugal, ils ont des désirs adultères, c’est-à-dire s’ils se figurent que c’est une autre personne qui est présente et s’ils prennent volontairement plaisir en pensant que c’est avec cette personne que le commerce a lieu. Il en est de même lorsqu’ils accomplissent l’acte conjugal dans un but mortellement mauvais, par exemple, si l’homme demande ou rend le devoir conjugal avec le désir que sa femme meure dans les douleurs de l’enfantement.

VII. L’acte charnel est un péché mortel lorsqu’il se fait dans le lieu saint, même en temps de guerre, à cause du respect dû à ce lieu et de la défense faite par l’Église de pratiquer le coït dans le lieu saint ; les personnes mariées, en effet, peuvent parer à cette nécessité par d’autres moyens.

VIII. Pèchent encore mortellement les époux qui pratiquent l’acte conjugal devant d’autres personnes, à cause du grave scandale qui en résulte : Ils doivent donc éviter, avec soin, de faire coucher d’autres personnes dans leur chambre. Les gens pauvres et les habitants des campagnes qui n’ont souvent qu’une seule chambre pour eux, leurs enfants et leurs domestiques, doivent s’observer nuit et jour avec soin, de crainte qu’en usant de leurs droits ils ne soient pour les autres une occasion de ruine. Hélas ! que de servantes, que d’enfants en bas-âge sont déjà perdus de mœurs et doivent leur dépravation au défaut de précaution de personnes mariées !


Article II. — Des attouchements entre époux


I. Les attouchements qui ont pour but de parvenir à l’acte charnel légitime sont, sans aucun doute, licites à la condition de ne pas entraîner le danger de pollution ; ils sont, en effet, comme les accessoires de cet acte : ils ne peuvent donc être défendus puisque cet acte est licite. Si cependant ils avaient pour but d’obtenir une plus grande jouissance, il en résulterait un péché véniel, quoique tendant à l’acte charnel, car ce but serait véniellement mauvais. Mais le péché serait mortel si ces attouchements, quoique faits en vue de l’acte charnel, répugnaient gravement à la droite raison, comme d’appliquer les parties génitales à un vase autre que le vase naturel, — par exemple, si les époux s’appliquaient réciproquement la bouche aux parties sexuelles, pour les lécher à la manière des chiens. — Les époux chrétiens, en effet, doivent se conduire autrement que les chevaux et les mulets qui sont privés de raison. (Ps. 31. 11) : Mais que chacun de vous sache qu’il a un vase pour sa sanctification et son honneur et non pas pour la satisfaction de ses désirs et de ses passions, comme cela se pratique chez les peuples qui ne connaissent pas Dieu. (I. aux Thess. 4.4.)

II. Les attouchements entre époux sont des péchés mortels lorsqu’il en résulte un danger de pollution car la pollution n’est pas plus permise aux personnes mariées qu’à celles qui ne le sont pas ; on ne peut donc pas davantage les excuser de se mettre volontairement dans le danger de pollution. Mais les embrassements et les autres attouchements honnêtes que les personnes mariées ont l’habitude de se faire pour entretenir un amour mutuel ne sont pas des péchés lorsqu’ils ne mettent pas dans le danger de pollution ; ils sont permis, pour de justes raisons, entre personnes non mariées, même lorsqu’il y a danger de pollution ; à plus forte raison le sont-ils entre époux : car lorsqu’ils ont pour but d’entretenir l’amour mutuel, le motif est suffisant pour excuser un léger danger, si le danger existe.

III. Les docteurs ne s’accordent pas sur le point de savoir si les attouchements obscènes faits entre époux, sans qu’il y ait danger de pollution, sont des péchés mortels ou véniels.

St Antoine, Sylvestre, Comitolus et beaucoup d’autres cités par Sanchez, l. 9, disp. 44, affirment que les attouchements et les regards de cette nature constituent autant de péchés mortels s’ils n’ont pas l’acte conjugal pour but ; alors, en effet, ils ne tendent pas à cet acte qui exclut le péché, mais à la pollution qui est essentiellement mauvaise.

Sanchez, l. 9, disp. 44, no  11 et 12, St  Ligori, l. 6, no  932, et les autres théologiens en général, prétendent que les attouchements et les regards de cette nature, n’excèdent pas le péché véniel, lorsque, comme il a été dit ci-dessus, il n’y a pas danger prochain de pollution, même quand ils ne se rapportent pas à l’acte conjugal : car de tels actes, entre époux, ne sont pas péchés de leur nature puisqu’ils peuvent être faits d’une manière licite pour parvenir à l’acte conjugal ; si donc ils ne tendent pas à cet acte, ils n’ont pas de but légitime et sont, par conséquent, des péchés véniels ; mais ils n’excèdent pas la gravité du péché véniel parce qu’il n’y a pas grave danger de pollution.

Cette dernière opinion nous paraît la plus probable : en général, cependant on doit, dans la pratique, sévèrement blâmer les époux qui agissent ainsi, surtout lorsque ces actes font éprouver de graves commotions aux esprits génitaux, car il est rare, dans ce cas, qu’il n’y ait pas danger de pollution. C’est ce que pensent le P. Antoine et Collet.

On ne doit pas les regarder comme coupables de péché mortel lorsqu’ils affirment, de bonne foi, que leurs sens ne sont pas ébranlés ou qu’il n’y a pas danger probable de pollution, ce qui est assez ordinaire pour les personnes mariées depuis longtemps accoutumées aux actes vénériens. Nous ne saurions blâmer en aucune façon une épouse pieuse qui, par timidité, ou par crainte d’irriter son mari, ou dans le but de conserver la paix dans le ménage, permettrait des attouchements libidineux, affirmant d’ailleurs qu’ils ne produisent chez elle aucun mouvement désordonné ou que, du moins, ces mouvements sont légers.

Les discours obscènes entre mari et femme ne sont pas des péchés mortels, à moins qu’ils n’entraînent un grave danger de pollution, ce qui est rare : les confesseurs doivent peu s’en occuper.

IV. Sanchez, l. 9, disp. 44, no  15, et plusieurs autres avec lui, disent que l’époux qui, en l’absence de son conjoint, prend plaisir à se toucher ou à se regarder, mais sans qu’il y ait danger de pollution, commet seulement un péché véniel, parce qu’il fait des actes secondaires qui tendent à l’acte principal licite en soi, c’est-à-dire l’union charnelle, mais qui, dans ce cas, sont sans nécessité. Ils sont d’avis qu’il faut en dire autant de la délectation continuelle dans l’acte conjugal qu’on se représente comme accomplissant actuellement.

D’autres, au contraire, plus ordinairement, comme Layman, Diana, Sporer, Vasquez, St Ligori, etc., peu suspects d’une trop grande sévérité, donnent comme probable que c’est un péché mortel, tant parce que l’époux n’a le droit de disposer de son corps qu’accidentellement et, selon l’ordre, pour accomplir l’acte charnel, qu’en raison de la tendance de ces attouchements à la pollution et du danger prochain qui en est inséparable, lorsqu’on s’y arrête et qu’ils produisent une commotion dans les esprits.

On doit donc les interdire comme mortels lorsqu’ils produisent de notables commotions ; dans le cas contraire, ils nous paraissent seulement véniels.

Comme la délectation dans l’acte conjugal auquel on s’est livré ou que l’on se propose d’accomplir, a une moindre influence sur la commotion des esprits, nous pensons qu’on doit souvent l’excuser de péché mortel La délectation dans un acte licite ne peut être gravement mauvaise. Or, l’acte charnel est permis aux personnes mariées ; donc la délectation dans cet acte fait ou à faire, ou qu’on se représente comme s’accomplissant, ne peut constituer un péché mortel lorsqu’il n’y a pas danger prochain de pollution, Aussi lit-on dans St Thomas, Traité des actions mauvaises, q. 12, art. 2 : L’union charnelle n’étant pas un péché mortel pour les personnes mariées, le consentement à la délectation ne peut être un péché plus grave que le consentement à l’acte lui-même. C’est-à-dire que si c’est seulement un péché véniel de pratiquer l’acte conjugal pour l’unique plaisir qui en résulte, le péché n’est pas plus grave lorsqu’on prend plaisir à se représenter cet acte. Le péché ne peut donc être mortel, si ce n’est en raison du danger qui en résulte, danger dont on doit supposer la présence, si la délectation est accompagnée non-seulement de la commotion des esprits, mais encore de chatouillements ou plaisirs vénériens, dit St Ligori, 1. 6, no  937.

Tels sont les principaux péchés qui souillent d’habitude la sainteté du mariage : Dieu les punit souvent, même dans cette vie, par l’extinction des familles, le défaut de soumission des enfants, la mort subite et autres calamités. Les personnes mariées sont donc gravement dans l’erreur, lorsqu’elles pensent que tout leur est permis dans le mariage : elles commettent d’innombrables péchés en soi mortels, qu’elles ne découvrent pas en confession et dans lesquels pourrissent les pécheurs. Aussi l’auguste Dauphin, père de Louis XVI, de Louis XVIII et de Charles X, disait avec raison que la chasteté conjugale était plus difficile que la parfaite continence.


CHAPITRE III. ― DE LA CONDUITE DES CONFESSEURS À L’ÉGARD DES PERSONNES MARIÉES


Tout confesseur, principalement un curé, doit bien se pénétrer de la science dont il a besoin pour discerner les choses licites des choses illicites, de la pureté qu’il faut avoir pour ne pas se souiller en écoutant les turpitudes d’autrui, et de la prudence dont il doit s’entourer pour n’interroger que lorsqu’il le faut et de la manière qui convient, de peur qu’en voulant éloigner les pénitents des choses défendues il ne les mette sur la voie du mal qu’ils avaient heureusement ignoré jusque-là. Deux écueils sont également à éviter l’imprudence, qui tient à la curiosité et à l’indiscrétion, et la timidité, qui fait qu’on ne dit rien de crainte de dire trop. Le confesseur doit parfois garder un silence prudent si, d’ailleurs, le pénitent est dans la bonne foi et qu’on prévoie que les avertissements ne produiront pas d’amendement. Mais sur beaucoup de points, la bonne foi qui excuse le péché ne se présume pas, par exemple, lorsqu’il s’agit de la sodomie, des attouchements obscènes et autres lubricités qui répugnent complètement à la saine raison.

I. Les confesseurs doivent, avant le mariage, avertir les époux des obligations qu’impose l’état qu’ils embrassent, en leur disant, par exemple : beaucoup de personnes mariées croient à tort que tout leur est permis pour l’acte charnel ; elles agissent comme les chevaux et les mulets ; elles commettent des péchés nombreux ; elles attirent dans cette vie, sur elles et sur leur famille, de graves fléaux, et se perdent misérablement pour toujours : prenez donc garde d’en agir ainsi et de souiller la sainteté de ce divin sacrement. Sachez que cela seul est permis aux personnes mariées, qui est nécessaire pour avoir des enfants. Je ne veux pas vous en dire plus long en ce moment ; s’il vous survient des doutes sur certaines questions, ne manquez pas de vous en ouvrir soit à moi, soit à un autre confesseur prudent.

Ces préceptes généraux donnés avant que le mariage soit consommé, nous paraissent être suffisants ; car si le confesseur en disait d’avantage, il scandaliserait peut-être de jeunes époux qui ont vécu dans la chasteté ; il troublerait leur imagination et exciterait chez eux de violents aiguillons de la chair.

Le confesseur doit avoir soin de les faire revenir au tribunal sacré peu de temps après que le mariage aura été contracté, et alors il développera, d’une manière plus convenable, les règles exposées plus haut sur l’obligation de rendre le devoir, sur l’époque à laquelle il faut le rendre et le demander, sur la manière dont le coït doit être pratiqué pendant les menstrues, la grossesse, etc. ; mais il devra toujours expliquer ces choses avec précaution, d’une manière chaste et en peu de mots ; il est même souvent beaucoup plus sûr de ne rien dire et de répondre simplement aux questions posées par le pénitent.

II. L’expérience prouve que beaucoup de personnes mariées ne déclarent pas les péchés commis dans le mariage, à moins qu’elles ne soient interrogées là-dessus. Or le confesseur peut les interroger de la manière suivante sur les choses permises entre époux : Avez-vous quelque chose à avouer qui répugne à votre conscience ? Si elles répondent négativement et qu’elles paraissent suffisamment instruites et d’ailleurs timorées, il ne sera pas nécessaire d’aller plus loin. Mais si elles paraissent ignorantes et que leur sincérité soit suspecte, le confesseur devra insister. Il demandera au pénitent s’il a refusé à son conjoint de lui rendre le devoir : Si le pénitent ne comprend pas cette manière de parler, le confesseur peut lui demander : Avez-vous refusé l’acte que l’on fait pour avoir des enfants, le coït ? S’il répond qu’il a refusé, il faut savoir pour quelle raison, et on jugera à ses réponses si le péché est mortel ou véniel ou s’il n’y a pas de péché.

III. Le confesseur doit généralement s’enquérir auprès du pénitent s’il s’est livré à des actes déshonnêtes contre la sainteté du mariage. Si le pénitent répond affirmativement, il convient de lui faire dire en quoi consistent ses infractions, de peur de lui enseigner ce qu’il ignore ; et on ne devra pas d’abord l’accuser à la légère de péché mortel. Ce que nous venons de dire sur cette lubrique matière doit être suffisant.

Les curés et confesseurs doivent proclamer la chasteté, l’honnêteté et la sainteté des devoirs matrimoniaux ; ils doivent souvent dire avec le B. Paul : Que chacun de vous sache qu’il possède son vase pour sa sanctification et son honneur et non pour satisfaire ses désirs passionnés, comme le font les peuples qui n’ont pas la connaissance de Dieu. À ces paroles, les auditeurs comprendront facilement par où ils ont péché et de quoi ils doivent s’abstenir afin d’accomplir le devoir conjugal — le coït — d’une manière chaste et sainte, selon la doctrine de l’apôtre.

Concina nous dit, t. 21, p. 248, que les curés acquerront plus de science pour l’instruction des personnes mariées, en suivant les doctrines de St Paul qu’en gravant dans leur mémoire tous les raisonnements imaginés par Sanchez, Diana, Gobatius et autres.

Rien ne nous paraît plus vrai ; c’est pourquoi nous supplions les jeunes confesseurs d’être prudents, graves et retenus en interrogeant les personnes mariées, car ils les choqueraient facilement et se mettraient eux-mêmes dans le danger.



ABRÉGÉ D’EMBRYOLOGIE

OU
Solution de quelques difficultés touchant le baptême des enfants nés avant le Terme ou qui ne peuvent naître naturellement




La foi nous enseigne que nul ne peut entrer dans le ciel, s’il n’est régénéré par le sacrement de Baptême, et que l’âme d’un enfant à peine formé est aussi précieuse aux yeux de Dieu que l’âme d’un adulte. De là naissent plusieurs graves difficultés concernant les moyens d’assurer le salut éternel des enfants, dans certaines circonstances où ils peuvent se trouver après leur conception. Nous allons les exposer brièvement, et tracer les règles que l’on doit suivre.


1re QUESTION

À QUEL ÂGE L’ENFANT EST-IL ANIMÉ ?


1o Innocent XI condamna, le 2 mars 1679, une proposition qui donnait comme probable que nul enfant n’était animé tant qu’il était dans le sein de sa mère, et que l’âme n’était unie au corps qu’au moment de la naissance. Aristote, St Thomas qui le cite, sur les Sentences, distinct. 3e, q. 4e, art. 2, et, après lui, une foule de théologiens enseignent qu’un garçon est animé au bout de 40 jours, et une fille vers 80 ou 90 jours. La Pénitencerie de Rome suit cette opinion, sans l’examiner ni la garantir, quand il s’agit de l’irrégularité portée contre les homicides.

2o Un grand nombre de faits récents prouvent que cette distinction entre les deux sexes n’a point de fondement, et que le fœtus est animé bien plus tôt qu’on ne le pensait communément. L’auteur de l’Embryologie sacrée[1] dit en avoir vu un qui n’avait que 16 jours, et qui donnait des marques très-sensibles de vie : il cite beaucoup d’exemples circonstanciés du même genre.

3o Ne pouvant assigner le moment où l’âme humaine est créée et unie au corps, nous devons regarder comme probable que c’est dès l’instant de la conception, ou au moins dès que le fœtus prend la forme d’un corps humain. Comme on doit toujours prendre le parti le plus sûr, lorsqu’il s’agit d’un moyen nécessaire au salut, le doute suffit pour qu’on doive administrer le baptême sous condition. Il s’ensuit : 1o qu’on doit baptiser tout fœtus provenant de la femme, si on n’y découvre pas des marques certaines de mort (d’après Cangiamila, on en a vu qui n’étaient que de la grosseur d’une abeille et qui vivaient) ; 2o qu’une femme qui fait une fausse couche, ou chez laquelle se produit un accident qu’elle a lieu de regarder comme une fausse couche, doit veiller à ce qu’on ne jette pas inconsidérément ce qu’elle a rendu : il faut s’assurer s’il y a un ou plusieurs fœtus, et s’ils sont dans le cas d’être baptisés ; 3o qu’il est utile d’avertir une femme nouvellement mariée de prendre, en cas d’une fausse couche, les précautions dont nous venons de parler. Cet avertissement ne peut guère se donner qu’au confessionnal ; encore faut-il y mettre beaucoup de discrétion, pour ne pas choquer ni scandaliser.


IIe QUESTION

COMMENT DOIT-ON BAPTISER LES AVORTONS ?


1o Ou l’avorton est manifestement vivant, et dans ce cas on le baptise sans condition ; ou sa vie est douteuse, quoiqu’il ait bien clairement la forme humaine, et on se sert de la forme conditionnelle : Si tu vivis, ego te baptizo, etc., ou si l’on doute de sa forme et de sa vie, alors on dit : Si tu es homo et vivis, etc.

2o Si le fœtus est enveloppé dans sa membrane, comme il paraît que cela arrive souvent, on doit le baptiser sur la membrane, en disant : Si tu es capax ou si tu es homo et capax, etc., de peur que le contact de l’air ne le tue. On ouvre ensuite la membrane et on le baptise de nouveau sous la condition : Si tu ’'non es baptizatus, etc., parce qu’il est douteux que le baptême donné sur l’enveloppe soit valide, puisque l’eau n’a pas touché immédiatement le corps de l’enfant il n’est pas non plus certain qu’il soit nul, parce qu’on peut regarder cette enveloppe, à laquelle l’enfant tient, comme faisant un tout avec lui.

3o Il serait possible que l’avorton fût assez faible pour que l’eau froide le tuât en le touchant, avant même que le baptême fût accompli : pour éviter cet inconvénient, il faut se servir d’eau tiède, si on en a, ou si on peut en avoir promptement ; car s’il fallait attendre pendant un temps notable, il vaudrait mieux se servir d’eau froide : de deux inconvénients inévitables à la fois, on doit choisir le moindre.

4o Lorsque l’enfant est si petit qu’on ne peut le baptiser à la manière accoutumée, on met l’eau dans un plat et on le baptise par immersion, ayant soin de le retirer promptement, pour ne pas le noyer. Car quoiqu’on ait la certitude qu’il ne peut vivre longtemps, il n’est pas permis de le tuer, et celui qui le ferait volontairement serait homicide et irrégulier ; mais, s’il cause sa mort en le baptisant avec les précautions que nous recommandons, il n’est ni irrégulier, ni coupable d’aucun péché.


IIIe QUESTION

QUELLES SONT LES CAUSES DES AVORTEMENTS ?


1o Nous ne devons point parler ici des moyens criminels dont se servent trop souvent des filles qui, ayant prévariqué, craignent de perdre leur honneur, et des femmes mariées qui ne voudraient point avoir d’enfants elles ne nous demandent point conseil sur l’exécution de leurs affreux desseins, et si elles nous interrogeaient, nous ne serions point embarrassés pour leur répondre.

2o Il est certain qu’une femme enceinte ne peut, sans se rendre très-coupable, s’exposer témérairement au danger d’avoir une fausse couche ou de faire périr son fruit dans son sein : ce danger se trouve, d’après l’expérience, dans des courses ou des marches forcées, dans des voyages sur des voitures non suspendues, dans des travaux pénibles, dans des efforts pour soulever ou porter des fardeaux, dans l’intempérance et dans un jeûne excessif, dans des danses et autres mouvements violents du corps, dans l’abus du café, du vin et de toutes liqueurs fortes, dans les actes de toute passion immodérée, comme la colère, la tristesse, la joie ; dans des cris violents, quelquefois dans des éclats de rire. Quoique l’avortement puisse avoir lieu dans tout le cours de la grossesse, il arrive néanmoins plus souvent, au rapport des médecins, dans le second et le troisième mois. Il est bon que les curés et les confesseurs connaissent ces sortes de dangers, afin de donner les avis nécessaires aux femmes et filles enceintes, quand la prudence le leur permet.

3o Ceux qui, en maltraitant injustement une femme enceinte, en l’outrageant ou en l’effrayant, sont cause qu’elle accouche avant le terme, sont coupables d’un homicide indirect, et ils ne pourraient être excusés de péché mortel et d’irrégularité, supposé que l’enfant eût l’âge requis, que par l’ignorance ou par l’inadvertance.

4o Mais rien au monde ne peut excuser ni aux yeux de la religion, ni aux yeux de la raison, ceux qui donnent ou indiquent sciemment des remèdes pour procurer l’avortement. Leur péché, aussi bien que celui des femmes qui ont recours à ces moyens ou à tout autre dans le dessein de se faire avorter, est au nombre des cas réservés dans ce diocèse. Un médecin anglais, Buchan, ne craint pas de dire, t. 4, page 167, que ces femmes commettent le crime le plus atroce qui puisse être commis contre la nature : on ne peut l’envisager, dit-il, sans horreur, même de la part de la femme la plus abandonnée ; à plus forte raison, n’est-il jamais excusable chez celle qui veut passer pour honnête. Les infâmes qui prêtent leurs secours à de telles femmes, méritent les châtiments les plus sévères.


IVe QUESTION

QUAND L’ACCOUCHEMENT EST LABORIEUX OU PARAÎT IMPOSSIBLE, FAUT-IL BAPTISER L’ENFANT DANS LE SEIN DE SA MÈRE ?


1o Il est certain que dans ces cas difficiles, la vie de l’enfant est manifestement en danger. S’il présente un membre au-dehors, la sage-femme ou le chirurgien ne doit pas hésiter à le baptiser sur ce membre ; tout le monde en convient, et si c’est la tête, St Thomas, St Charles Borromée, le Rituel romain et Benoît XIV, disent que le baptême ne doit point être réitéré, parce qu’il n’y a pas lieu de douter de sa validité, pourvu qu’il ait été bien administré. Mais s’il avait été administré sur un pied ou sur une main, il faudrait le réitérer, sous condition, si l’enfant naissait vivant ; parce que ces membres n’étant point essentiels à la vie, il est douteux que le baptême, administré de la sorte, soit valide.

2o Si l’on n’aperçoit aucun membre à l’extérieur, et si cependant l’accouchement s’annonce comme très difficile ou impossible, Benoît XIV[2] est d’avis qu’on essaie de baptiser l’enfant dans le sein de sa mère. Tournely est du même sentiment. On introduit de l’eau tiède avec la main, une seringue ou un siphon, de manière qu’elle touche l’enfant ou au moins son enveloppe, n’importe en quel endroit, et on prononce en même temps les paroles de la forme. Si l’enfant vient à naître vivant, on doit le rebaptiser sous condition : c’est la décision expresse de Benoît XIV.


Ve QUESTION

UNE FEMME EST-ELLE TENUE DE SUBIR L’OPÉRATION CÉSARIENNE, LORSQUE L’ACCOUCHEMENT EST DÉCLARÉ NATURELLEMENT IMPOSSIBLE ?


1o L’opération césarienne faite sur une femme vivante n’est pas mortelle de sa nature. Des faits attestés par les Mémoires de l’Académie royale de Chirurgie, t. I, et par l’Encyclopédie des Sciences, art. Césarienne, en font foi. On lit que Jules-César, Scipion-l’Africain, Manlius, et Édouard VI, roi d’Angleterre, sont nés par ce moyen. Cette opération est très-dangereuse ; il est rare que les chirurgiens veuillent l’entreprendre, et peut-être plus rare que les femmes consentent à la souffrir, ou que ceux qui les entourent permettent qu’on la fasse.

2o Si la femme était si affaiblie par les souffrances qu’elle fût incapable de supporter cette cruelle opération, il ne serait pas permis de l’entreprendre par intérêt pour l’enfant, parce que ce serait tuer la mère, et on ne doit jamais faire un mal pour obtenir un bien. Par la même raison, si l’on n’a pas la certitude que l’enfant soit mort, ce serait un crime de le briser dans le sein de la mère et de l’arracher par morceaux, comme on dit que cela se pratique souvent ; car l’enfant a droit à sa vie comme s’il était né, et une mère ne peut consentir à cette atrocité pour se délivrer du danger qu’elle court.

3o Mais si un habile chirurgien, voyant l’impossibilité de l’accouchement naturel, était disposé à faire l’opération, et avait l’espoir de réussir, un confesseur devrait engager la femme à s’y soumettre, et se servir pour cela des motifs les plus capables de l’y déterminer. Nous ne pensons pas néanmoins qu’il dût l’y obliger sous peine de lui refuser l’absolution ; car nous ne sommes pas tenus à faire des choses extraordinaires pour conserver notre vie la femme peut espérer que son enfant lui survivra, qu’on pourra, après sa mort, l’extraire de son sein et le baptiser. D’ailleurs, en supposant qu’elle fût obligée par la loi naturelle de se soumettre à cette rigueur pour le salut corporel et spirituel de son enfant, on peut supposer que la bonne foi l’excuse, ou qu’au moins il y a du doute, et dès lors il ne faut pas la laisser mourir sans sacrements.


VIe QUESTION

EST-IL CERTAIN QUE L’ENFANT NE MEURE PAS NÉCESSAIREMENT AVEC LA MÈRE ?


1o Il n’y a plus maintenant aucun doute là-dessus : des exemples innombrables prouvent de la manière la plus évidente la possibilité de retirer un enfant vivant du sein d’une femme morte. Cangiamila en cite beaucoup qui sont bien circonstanciés : dans le petit abrégé de son ouvrage qui fut imprimé à Caen, en 1817, on en cite plusieurs autres qui ne sont pas moins détaillés. Nous-mêmes nous en pourrions citer dont nous garantirions l’authenticité ; entre autres, un qui est arrivé dans la ville du Mans. Par suite de ce que nous avions enseigné là-dessus, deux vicaires forcèrent, en quelque sorte, une femme, au refus d’un chirurgien, d’ouvrir le cadavre d’une femme enceinte qui venait de mourir. L’opération se fit en présence de plusieurs autres femmes : on en tira un enfant plein de vie et de mouvement, et on appela avec joie les vicaires, qui se tenaient dans une maison voisine, pour qu’ils vinssent baptiser cet enfant, qui vécut encore plusieurs heures après.

2o On croyait dans un temps que, pour empêcher l’enfant d’être étouffé, il fallait tenir ouverte la bouche de la femme morte, en y mettant une cuiller ou tout autre objet propre à desserrer les dents : mais il est reconnu que ce moyen est inutile, et que la seule chose nécessaire est de préserver l’enfant des froideurs de la mort, en tenant toujours chaude la région qu’il habite. Pour cela, il faut faire chauffer des linges ou des étoffes, et les appliquer sur le ventre de la mère, en attendant qu’on puisse l’ouvrir.

3o Il arrive quelquefois que les convulsions de la mort font accoucher la femme enceinte au moment où elle expire : les personnes qui l’assistent doivent y faire attention.


VIIe QUESTION

Y A-T’IL OBLIGATION DE FAIRE L’OPÉRATION CÉSARIENNE SUR UNE FEMME MORTE ?


1o On ne peut plus contester cette obligation, puisqu’il est certain que le plus souvent on réussit à donner le baptême à l’enfant. Un pasteur doit donc instruire ses paroissiens de cette obligation, selon que la prudence le permet, en montrant, d’une part, la nécessité du baptême pour le salut des enfants, et en faisant voir de l’autre combien on serait condamnable, en laissant périr ceux qu’on peut si facilement sauver. Quand on ne réussirait que rarement, on ne devrait négliger aucune occasion ; car, lorsqu’il s’agit d’un sacrement nécessaire au salut, il faut toujours prendre le parti le plus sûr, s’il est possible. Combien cette obligation n’est-elle pas plus grande, s’il est vrai, comme il est impossible de le nier, que le plus souvent on trouve les enfants vivants ?

2o C’est aux femmes enceintes, surtout aux sages-femmes, aux chirurgiens et généralement à ceux qui président aux accouchements, que les curés et les confesseurs doivent montrer la nécessité et l’obligation grave de faire l’opération césarienne sur le cadavre d’une femme morte, et cela le plus tôt possible. Il ne faudrait cependant pas l’omettre, parce qu’elle aurait été différée longtemps et sans nulles précautions : on a tiré des enfants vivants du sein de leur mère 24 heures, et d’autres 48 heures après qu’elles étaient mortes.

3o Il faut quelquefois démontrer cette même obligation, par l’exposé des motifs sur lesquels elle est fondée, à des parents déraisonnables, qui, absorbés dans leur douleur, ne veulent pas permettre qu’on ouvre la femme morte.

4o Si, malgré tout ce qu’on peut dire, les parents s’obstinent à ne pas vouloir qu’on fasse l’opération, nous n’avons point de voie de coaction pour agir contre leur volonté, toute injuste qu’elle est : il ne nous reste, dans ce cas, qu’à abandonner l’enfant aux soins de la Providence. Si toutefois on pouvait persuader aux personnes qui doivent garder ou ensevelir la défunte d’en faire secrètement l’ouverture, pour essayer de sauver l’enfant, ce moyen pourrait être tenté, mais il demanderait les plus grandes précautions.


VIIIe QUESTION

QUI DOIT FAIRE L’OPÉRATION CÉSARIENNE SUR UNE FEMME MORTE ?


Il ne faut rien négliger pour obtenir que ce soit un homme de l’art qui la fasse. À son défaut, ce doit être une sage-femme, ou bien une autre femme, ou un homme marié, ou enfin, dans la nécessité, une personne quelconque, mais jamais un prêtre, surtout s’il est jeune : le respect dû à son caractère et la crainte des propos qu’on pourrait tenir, lui prescrivent cette réserve.

Par les mêmes motifs, il ne doit pas être témoin de l’opération ; s’il est sur les lieux, qu’il se tienne à l’écart et vienne seulement, lorsque la femme sera décemment couverte, baptiser l’enfant, au cas qu’il y ait raison de le faire.

2o Souvent il est difficile d’acquérir la certitude que la femme soit réellement morte. La première chose à faire est donc de s’assurer du fait et de bien constater la mort.

Depuis quelques années, le ministère public a plusieurs fois poursuivi et fait condamner à l’amende des personnes qui avaient fait cette opération avec de grandes précautions, sous prétexte qu’elles avaient indument pratiqué un acte de chirurgie.

Note du rédacteur. « Généralement les théologiens établissent comme précepte, pour tous les prêtres, jeunes ou vieux, l’obligation de pratiquer eux-mêmes l’opération césarienne, en l’absence d’un homme de l’art ou d’une personne compétente, sur les femmes enceintes mortes avant d’être délivrées, pour retirer le fœtus des entrailles et le baptiser. Cette opinion prédomine dans une foule de pays et diocèses catholiques.

« Ainsi, le clergé ne s’arrête ni devant la mort, ni devant le crime, sous prétexte de sauver une âme qui existe à l’état problématique ; et, bien que la science se déclare impuissante à reconnaître par des indices certains la mort réelle d’un individu, sauf par un commencement de putréfaction du cadavre, un tonsuré, jeune ou vieux, n’ayant aucune connaissance en médecine, devra décider — sur de simples apparences — qu’une femme a cessé d’exister ; et, de par l’autorité dont il est investi par son évêque, il commandera à une personne quelconque, suivant les prescriptions de Monseigneur Bouvier, d’éventrer la femme !

« Dans certains diocèses, hors de la juridiction de l’auteur du Manuel des Confesseurs, le prêtre, se conformant au précepte formulé par la plupart des théologiens, devra procéder lui-même à l’opération césarienne, s’armer d’un rasoir ou d’un couteau, et le plonger dans les entrailles de la morte… ou de la victime ! Le prêtre sera devenu assassin, pour obéir à son évêque et aux prescriptions de l’infâme religion catholique, si la femme n’était réellement pas morte, comme le cas s’est présenté plusieurs fois et dans différents pays ! Monseigneur Bouvier a prévu cette éventualité, et, à la Question IXeme, il indique les précautions qu’on doit prendre dans l’éventrement, si par hasard la femme vivait encore !!! Horreur, abomination !

« L’évêque se pose en professeur de chirurgie, sans avoir les notions les plus élémentaires de cette science, et il pousse l’audace jusqu’à faire un cours de pathologie chirurgicale à l’usage des curés et vicaires aussi ignorants que lui en cette matière. »


IXe QUESTION

COMMENT DOIT SE FAIRE L’OPÉRATION CÉSARIENNE ?


1o Les hommes de l’art veulent qu’on fasse l’incision sur le côté qui paraît le plus éminent, en long et non en travers, parce qu’on arrive plus directement à la situation de l’enfant, et parce que, si par hasard la femme vivait encore, la plaie se refermerait plus aisément.

2o L’incision doit avoir six ou sept pouces de long : il faut couper les chairs, ranger les entrailles, si on les rencontre, arriver à la matrice et l’ouvrir doucement, de peur de blesser l’enfant. Lorsque la matrice est suffisamment ouverte, il faut baptiser l’enfant avec de l’eau tiède avant de l’en tirer, de peur que le contact de l’air ne le tue puis on le tire, on déchire ses enveloppes avec les mains, et s’il ne présente pas des signes évidents de mort, il faut le baptiser de nouveau sous condition.

3o Les chirurgiens ont des instruments propres à ces sortes d’opérations : les autres personnes n’en ayant pas, doivent se servir de tout objet tranchant qu’elles auront sous la main et qui leur paraîtra le plus propre à cet effet ; ordinairement, c’est le rasoir qui convient le mieux.

4o Si l’enfant était évidemment mort lorsqu’on l’a tiré du sein de sa mère, il ne pourrait être enseveli avec elle, ni mis en terre sainte : il devrait être inhumé dans le lieu destiné aux enfants morts sans baptême. S’il n’avait pas été extrait du sein de sa mère, il faudrait l’inhumer avec elle, sans crainte de profaner le cimetière, parce qu’il est censé, cet état, n’être qu’une partie d’elle-même. Toutes les fois, au contraire, qu’on a cru avoir des raisons suffisantes pour lui donner le baptême conditionnellement, il doit être enterré en terre sainte, soit avec la mère, sans cérémonies particulières, soit séparément, en suivant le rite prescrit pour la sépulture des enfants baptisés. À plus forte raison, doit-on agir ainsi lorsqu’il paraît assez vivant pour qu’on lui donne le baptême sans condition, quelque petit qu’il soit.


Xe QUESTION

SI UN PRÊTRE, APPELÉ AUPRÈS D’UNE FILLE EN DANGER DE MORT, DÉCOUVRE PAR LA CONFESSION QU’ELLE EST ENCEINTE, QUE DOIT-IL EXIGER D’ELLE POUR ASSURER LE SALUT DE SON ENFANT ?


1o Nul doute que cette fille ne soit tenue de prendre les moyens, autant qu’il est en elle, de pourvoir au salut de son enfant ; mais en même temps il lui est permis de chercher à conserver son honneur. Si elle sait écrire, il suffit qu’elle fasse une lettre close, qu’elle la remette à une personne de confiance, avec ordre de la décacheter aussitôt après sa mort, et de la lui remettre cachetée, si elle ne meurt pas. Dans cette lettre, elle déclare sa grossesse, et demande qu’on ouvre son corps aussitôt qu’elle sera morte, pour procurer le baptême à son enfant.

2o Si elle était trop faible pour écrire ce détail, elle pourrait faire écrire la lettre par son confesseur, la signer et la donner elle-même à la personne de confiance. Nous ne verrions même pas grand inconvénient à ce que la lettre ne fût point signée par la malade, pourvu que ce fût elle-même qui la remit.

3o Dans le cas où les circonstances ne permettraient pas de prendre ce moyen, il faudrait exiger de la fille qu’elle déclarât son état à une personne digne de sa confiance, autre que le confesseur, parce que si le confesseur prenait des moyens pour faire ouvrir le corps de cette fille après sa mort, il pourrait être soupçonné d’agir en vertu de la confession. La fille malade ne doit pas même s’en rapporter à sa mère ou à sa sœur, à moins qu’elle ne soit sûre de leurs principes religieux.

4o Si elle n’est point en danger de mort, elle n’est tenue à aucune de ces précautions ; le confesseur ne doit pas les exiger : il suffit qu’elle promette à son confesseur de ne rien faire qui puisse compromettre la vie spirituelle et corporelle de son enfant.

5o Autrefois les édits des rois de France prescrivaient aux filles enceintes d’aller faire leur déclaration au curé ou au magistrat du lieu les nouvelles lois qui nous régissent, quoiqu’elles punissent rigoureusement l’infanticide volontaire, ne font aucune mention de cette déclaration. Le confesseur ne doit donc pas la prescrire.




ÉPILOGUE


Origine de la Confession


La confession proprement dite, sacramenttelle, auriculaire, obligatoire, ne remonte pas au delà du XIIIe siècle ; elle fut imposée aux fidèles catholiques par le concile de Latran, en 1215, sous Innocent III, et érigée en dogme par le concile de Trente.

Cette pratique n’était pas une invention du christianisme ; la confession était en vigueur chez les races antiques de l’Inde, treize mille ans avant notre ère. « Boudha institua la confession pour les religieux et même pour les fidèles. Deux fois par mois, à la nouvelle et à la pleine lune, les religieux confessaient leurs fautes en présence de Boudha et devant l’assemblée des fidèles, à haute voix. Ce n’était que par le repentir et par la honte, dans le for intérieur et devant les autres, — comme au temps de la primitive Église — qu’on pouvait obtenir le pardon de ses fautes. Des rois puissants confessèrent au Boudha des crimes qu’ils avaient commis, et ce fut au prix de ces pénibles aveux que les coupables obtinrent leur pardon. » Barthélémy St-Hilaire. Boudha et sa religion.

« Dans l’ancienne religion de Zoroastre on trouve des préceptes et des pratiques relatifs à la confession, parfaitement identiques avec ce qui s’est observé à différentes époques dans la religion chrétienne. Ainsi on y reconnaît l’aveu et le pardon public des péchés, la confession auriculaire faite aux prêtres, la pénitence qu’ils imposent et l’absolution qu’ils donnent aux pécheurs ; enfin, on y trouve une espèce de pape auquel Dieu est censé avoir donné les clés du ciel. » Anquetil-Duperron. Zend-Avesta.

« Chez les Indiens sectateurs du Brahmanisme, les Gourous, qui sont les directeurs des consciences, peuvent remettre tous les péchés. Les formules qu’ils emploient rappellent celles du Rituel romain et ont dû servir de modèles aux prêtres catholiques. L. Jacolliot. Les fils de Dieu.

« Environ sept mille ans avant le Christ, la confession est introduite en Égypte par le législateur indien Manou, qui prend en Afrique le nom de Manès. » L’abbé Dubois. Mœurs et institutions des peuples de l’Inde.

« Chez les Grecs et chez les Romains il y avait un simulacre de confession, mais cette pratique revêtait le caractère de confidence ; c’était le déversoir des peines de l’âme. On n’attribuait pas aux prêtres le pouvoir de remettre les fautes. Plutarque raconte qu’un hiérophante, — prêtre — de Lacédémone, s’étant approché d’un guerrier mourant pour le confesser, celui-ci l’avait interpellé ainsi : À qui dois-je faire l’aveu de mes fautes ? — À Dieu, avait répliqué l’hiérophante. Alors, avait riposté le Spartiate, retire-toi donc, ô homme, tu n’es pas la divinité. » Lasteyrie. Histoire de la confession

L’Évangile ne contient aucune prescription de la pratique de la confession, pas même un indice ; les docteurs protestants ont démontré qu’il n’en a jamais été fait usage dans les premiers siècles de l’Église.

On voit poindre cette institution au VIe siècle, mais sous les modes suivants :

1o Elle avait lieu, selon une formule générale faite par chacun des fidèles ou par le prêtre au nom de l’assemblée ;

2o Ou par l’aveu des fidèles fait à celui ou à celle à qui un préjudice avait été occasionné, en vue d’une réconciliation ou de la réparation du tort éprouvé ;

3o Ou par une simple confidence faite par un coupable qui éprouvait des remords et avait besoin des conseils d’un pasteur ou d’un ami expérimenté ;

4o Ou par l’aveu public que l’Église imposait aux pécheurs pour des fautes dont ils désiraient obtenir le pardon. La confession devait être faite dans le temple même et devant l’assemblée des fidèles.

Dans le cours du VIe siècle, on crée à Constantinople la charge de pénitencier ; mais un seul prêtre en remplit les fonctions.

Ce personnage avait pour mission d’écouter les confessions faites publiquement, d’admonester les coupables et de les réconcilier avec les personnes qu’ils avaient offensées. Saint Jean Chrysostôme, dans son homélie, De incomprehensibili dei naturā, apporte son témoignage contre l’usage de la confession : « Je vous exhorte, je vous prie et vous supplie de vous confesser à Dieu ; ce n’est pas moi qui vous condamnerai à révéler vos péchés aux hommes. Il vous suffit de déployer votre conscience devant Dieu. Montrez-lui les plaies de votre âme et demandez-lui en la guérison. Montrez-les à celui qui ne réprimande point, mais qui guérit. Vous n’avez même pas besoin de parler puisqu’il connaît les choses les plus secrètes. »

Saint Augustin réprouve toute espèce de confession faite aux hommes :

« Qu’ai-je besoin que les hommes entendent ma confession, comme s’ils pouvaient porter remède à toutes mes fautes ? » Confessions, Livre X, Chapitre III.

Saint Jérôme n’est pas moins explicite que Chrysostôme et Augustin : « Il est bon de confesser ses péchés, non aux hommes, mais à Dieu seul qui peut nous guérir. » Édition de Martigny, 1699.

Au VIIe siècle, à la suite des invasions des moines bénédictins sortis du Mont-Cassin, en Italie, et répandus en Occident, un abbé imagina d’imposer à ses religieux l’obligation de faire l’aveu de leurs fautes au supérieur, chaque jour ; on appela cette coutume la coulpe. C’était un moyen de surveillance et d’espionnage que beaucoup de chefs de monastères apprécièrent et adoptèrent dans leurs moustiers. Les abbesses introduisirent la coulpe dans les couvents de femmes et confessèrent les religieuses.

La coutume s’étendit de proche en proche ; des monastères elle gagna le monde des fidèles ; le système d’espionnage, par la confession, était favorable au clergé catholique ; les prêtres, d’accord avec les moines et les religieux de tous les ordres, s’occupèrent de réglementer l’institution. Ce fut le travail lent, mais incessant, de plusieurs siècles.

En 1215, sous le pontificat d’Innocent III, le IVe concile de Latran, le XIIe concile œcuménique, rendit obligatoire la confession auriculaire. Il fut décidé que les curés seraient tenus de promulguer en chaire, à l’office du quatrième dimanche du carême : « Que tout fidèle de l’un et de l’autre sexe, parvenu à l’âge de discrétion, devait confesser seul tous ses péchés exactement, au moins une fois l’an, à son propre pasteur ; qu’il devrait accomplir la pénitence qui lui serait imposée et recevoir avec respect, au moins à Pâques, le sacrement de l’Eucharistie, sinon que l’entrée de l’Église lui serait interdite pendant sa vie ; et, à sa mort, il devait être privé de la sépulture des chrétiens. » Conc. L., sess. XXIII, c. 7.


LE CONFESSIONNAL ORDINAIRE
ET
LE CONFESSIONNAL PARTICULIÈREMENT SECRET


L’église est le théâtre où se jouent les drames et les farces catholiques ; il y a du sang et des rires dans les cérémonies religieuses, l’horrible s’y allie au grotesque ; le brûlement des hérétiques s’y marie avec la bénédiction des ânes et des mulets.

L’homme noir se pose, à l’autel, comme le représentant de Dieu. La foule est à ses pieds, agenouillée, le front contre terre ; il est debout, dans tout l’orgueil du triomphe, il étend le bras, bénit les gens simples et crédules, les ouailles, les ignorants, les dévotes, les fanatiques, les victimes de l’exploitation cléricale. Le clergé catholique excelle dans la mise en scène, dans les fantasmagories religieuses ; des milliers de cierges jettent des flots de lumière autour de l’immense basilique, des nuages de fumée se dégagent des encensoirs agités par les jeunes lévites, l’orgue fait entendre ses gémissements puissants et harmonieux. Le prêtre, l’homme-dieu apparaît alors à la foule émue et frémissante, l’idole est revêtue de somptueux ornements, elle pénètre dans le sanctuaire, monte les degrés du maître-autel et domine l’assistance. Le prêtre officiant s’est transfiguré ; pour les vrais croyants, pour les femmes catholiques, ce n’est plus un homme, c’est Dieu.

Bientôt, cet être immatériel, ce Jéhovah descendra des hauteurs où il était apparu à la foule de ses adorateurs, de ses dévotes, et il se dirigera vers une des chapelles où se trouve le réduit mystérieux qu’on appelle le confessionnal, pour y recevoir les aveux des belles pénitentes. Le Dieu se fait agneau, il se prête aux doux épanchements à ces heures de la dernière partie du jour favorables aux orages du cœur, aux agitations des sens, surtout aux époques où le soleil darde ses rayons plus chauds dans nos contrées d’Europe. Tout semble convier le prêtre et la pécheresse aux confidences amoureuses. Le temple est rentré dans le calme, une demi-clarté a succédé aux flots de lumière et ne projette plus dans les chapelles que des ombres vaporeuses ; seule la grande rosace du portail flamboie au soleil couchant. Le confessionnal est placé au fond des sanctuaires, aux recoins obscures où l’œil a peine à distinguer pénitentes et confesseur. La guérite sacrée est divisée en deux ou trois compartiments séparés par une légère cloison ; dans le compartiment du milieu siége le prêtre, c’est là qu’il interroge, juge, bénit, absout ou condamne. Au-dessus de la porte une inscription en lettres capitales, le nom du satyre : le révérend père K… — carme, dominicain ou capucin — ou Mr le chanoine N…, ou le révérend père P… — jésuite, ou Mr l’abbé Q… ou Mr le curé X…

Chaque église, dans nos grandes villes, tient en réserve pour les dévotes hystériques une variété de boucs sacrés ; il y en a de toute couleur et pour tous les goûts, depuis l’abbé pimpant, frisé et musqué, jusqu’au capucín sale et puant. À droite et à gauche du compère en soutane ou en froc, deux loges où les pénitentes langoureuses vont se placer, s’agenouiller, ayant à hauteur du visage une ouverture de 30 à 40 centimètres garnie d’un treillis ; parfois ce treillis est mobile et s’ouvre du côté du prêtre ; nul obstacle aux baisers, aux attouchements entre confesseurs et pénitentes ; parfois aussi la cloison entière est disposée de manière à glisser sur des gonds discrets, ce qui permet les conjonctions impures ; tous les actes peuvent alors être consommés avec filles ou garçonnets. Le prêtre peut en effet se clore hermétiquement dans son armoire et s’isoler du pénitent qui est agenouillé dans le compartiment voisin, grâce à un petit volet qu’il pousse sur le treillis et qu’il ferme au verrou ; la porte du milieu est en bois plein ou à claire-voie, mais garnie de rideaux ; l’intérieur reste impénétrable aux regards profanes. Dans certaines églises les curés ont la précaution d’envelopper avec des rideaux les compartiments destinés aux fidèles ; tout y est savamment combiné pour le mystère. C’est là, dans cet antre, dans cette armoire à secrets, que le confesseur et une femme ou une belle jeune fille vont causer ensemble, si rapprochés l’un de l’autre que leur souffle se confond, qu’ils peuvent compter les battements de leurs cœurs : c’est là qu’ils vont parler de l’amour divin et de l’amour humain, et s’étendre complaisamment sur des sujets que des époux, dans la plus grande intimité, n’oseraient pas aborder ; c’est là qu’ils vont discuter, commenter et développer le texte du sixième commandement !… Luxurieux point ne seras, de corps ni de consentement.

Il existe encore dans les églises un autre confessionnal, désigné sous le nom de confessionnal particulièrement secret ; il est à deux compartiments, un pour le tonsuré, l’autre pour le pénitent. Cette armoire est destinée aux personnes atteintes de surdité ; on la relègue, d’ordinaire, au fond de la sacristie ou dans une pièce isolée. Les paroles échangées entre le prêtre et son client, devant être prononcées à haute voix, nul témoin ne peut assister à la confession. Le curé tire le verrou à l’intérieur de la sacristie ou de la chambre réservée, et demeure seul avec son pénitent ou sa pénitente. C’est là qu’il attire sous un prétexte quelconque les femmes et les filles, même les jolis garçons, dont il veut user et abuser.

Voilà le confessionnal, le meuble, l’outil, l’instrument à l’aide duquel s’accomplissent doux péchés d’amour, délits contre la morale, captations d’héritages, viols et stupres, crimes et forfaits.

C’est là que fonctionne la noire araignée, tissant, tramant, aux aguets, attendant la proie, pour l’étreindre, la sucer, la dévorer.

Pères, maris, veillez sur vos femmes, sur vos filles ! Séduire, corrompre, c’est la mission du confesseur ; flétrir les âmes, polluer les corps, c’est le rôle des curés. Tout prêtre est un bourreau patenté par la foi.



LE CONFESSIONNAL, FLÉAU DE L’ENFANCE, DE L’ADOLESCENCE
de la femme mariée, de la famille


« La confession, dit le cardinal Gousset dans sa Théologie morale, t. II p. 252, est obligatoire pour le fidèle qui a atteint l’âge de discrétion : Post quam ad annos discretionis pervenerit. » D’après le docte prélat, on doit attirer les enfants au tribunal de la pénitence, dès qu’ils savent discerner le bien d’avec le mal, ne serait-ce que pour leur apprendre à se confesser et leur faire contracter de bonne heure l’habitude de la confession. » Monseigneur Gousset, dans un autre passage du même ouvrage, ajoute ce commentaire : « C’est un abus que l’usage introduit en plusieurs endroits, d’attendre jusqu’à la première communion, pour absoudre des enfants qui ont commis certaines fautes plus ou moins graves. Selon ces principes, l’enfant, dès la septième année, communément regardée comme l’époque de l’éclosion de la raison, doit être envoyé au tribunal de la pénitence. Malgré la répulsion naturelle qu’inspire à l’enfant cet acte humiliant, il doit obéir à ses parents et aller au confessionnal s’agenouiller aux pieds du curé auquel il fera machinalement l’aveu de ses fautes. Après quoi il écoute son directeur et répond à ses interrogations. Mais qu’advient-il de cette pratique ? Le confesseur, même le plus expérimenté, ayant l’esprit faussé par l’étude des Diaconales, pose à son jeune pénitent des questions obscènes qui font naître en lui des idées qu’il n’aurait eues que bien plus tard et lui apprennent des choses qu’il eut ignorées peut-être toujours. Une longue expérience nous permet d’affirmer que, sur cent enfants envoyés au confessionnal, quatre-vingt-dix sont initiés à la science du mal et aux turpitudes par les directeurs spirituels.

La confession est funeste pour les adolescents, garçons ou filles, surtout pour les jeunes filles arrivées à l’âge de puberté. Dans ce moment de transition de l’enfance à l’adolescence, les parents redoublent de vigilance pour écarter de leur fille certains dangers : mais, cédant à de fatals préjugés, ils croient devoir confier la direction de cette jeune âme à un prêtre qu’ils supposent capable de la maintenir dans la bonne voie. Hélas ! ils conduisent leur fille à l’un de ces hommes en soutane ou à froc qui tient dans ses mains une puissance redoutable dont il va user pour séduire, pour corrompre. Le contact, le souffle même des hommes noirs est mortel pour la fleur délicate élevée à la ville, et pour le beau lys de nos vallées. Séduction ou corruption, l’œuvre infernale s’accomplira. La confession, fatale aux jeunes filles, n’a pas de meilleures conséquences pour les garçons ; indépendamment des habitudes honteuses d’onanisme dont elle est la cause déterminante, elle dégrade les caractères, elle habitue aux délations. C’est parmi les habitués du confessionnal que se recrutent toutes les polices. La bondieuserie engendre l’espionnage politique.

Pour la femme mariée, la fréquentation du tribunal de la pénitence a des effets désastreux. Michelet a tracé de main de maître le rôle du confesseur dans son livre « Du prêtre, de la femme et de la famille. » Il montre celui-ci arrivant par un travail incessant, une volonté ferme et la force de l’habitude, à faire de sa pénitente un être qui ne sent, ne pense, ne veut, ne vit et n’agit que pour lui.

« Le confesseur patient et rusé, qui, jour par jour, ôtant de la femme un peu du mari, substituant un peu de lui, a doucement subtilisé l’un, mis sa personnalité en son lieu. Les molles et faibles natures de femmes, presque aussi fluides que celle de l’enfant, se prêtent bien aisément à la transfusion. La même qui voit toujours le même prend, sans le savoir, son tour d’esprit, son accent, son langage, quelque chose de son allure et de sa physionomie. Il parle et elle parle ainsi ; il marche et ainsi elle marche. À la voir seulement passer, qui saurait voir, verrait qu’elle est lui. Mais ces conformités extérieures ne sont que de faibles signes du changement profond qui s’est fait au dedans. Ce qui s’est transformé c’est l’intime, et le plus intime. Un grand mystère s’est fait, ce que Dante appelle transhumanation, lorsqu’une personne humaine, fondant à son insu, a pris substance pour substance, une autre humanité : lorsque le supérieur, remplaçant l’inférieur, l’agent le patient, n’a plus même à le diriger, mais devient son être. Lui, il est, l’autre n’est pas, sinon comme un accident, une qualité de cet être, un pur phénomène, une ombre vaine, un rien…

On ne peut appeler cet état influence, domination, royauté ; c’est bien autre chose que royauté ; c’est divinité. C’est être le dieu d’un autre.

Le mariage est à deux, non pas à trois. Or, le confesseur y introduit la trinité. Il y est plus puissant que le mari. Par l’âme qu’il tient, il opère un mariage spirituel. On a tout quand on possède l’esprit. Permettre à sa femme de fréquenter le tribunal de la pénitence, c’est abdiquer, se donner un rival ou plutôt un maître, c’est surtout livrer la famille au clergé. Le directeur d’une femme sera, quand il le voudra, le chef du foyer domestique.

Le confesseur règne et gouverne. Guidé par un sentiment de curiosité, par un secret penchant pour la femme, par le désir d’être utile à l’Église ou de servir ses intérêts, en résumé poussé par l’ambition, la cupidité ou l’amour, peut-être par ces trois mobiles réunis, le prêtre s’est dit qu’il doit pénétrer sous le toit de la femme qui est à ses genoux au confessionnal. Comment procédera-t-il pour arriver à son but ? Aura-t-il même besoin de manifester ouvertement son désir ? Une simple insinuation suffira ; la pénitente comprend ses intentions et saisira le premier prétexte qui s’offrira à elle pour ouvrir la porte de la maison à deux battants devant le prêtre. Ce sera, par exemple, à l’occasion d’une quête, d’une œuvre de charité. D’ailleurs, « ce que femme veut, Dieu le veut ; » surtout quand la femme est doublée d’un confesseur.

Le jour de la visite est arrivé. Le prêtre se présente. Le terrain a été préparé. Sans l’avoir peut-être jamais vu, le maître de la maison connaît déjà le ministre des autels, et ne le connaît que par l’énumération qui lui a été faite de ses bonnes qualités. Un bourgeois ordinaire se trouve honoré dans une certaine mesure de la visite du curé. Si son éducation a été libérale ou s’il est homme du monde, par convenance il accueille avec bienveillance l’homme qui représente dans l’opinion publique un principe assez respecté. D’ailleurs le prêtre sait se donner des airs d’humilité qui flattent l’amour-propre du chef de la famille et le portent à se dire à part lui : « C’est un excellent homme fort simple. » Toutefois le confesseur parle assez bien pour qu’on ait de sa valeur et de son influence personnelles une haute idée.

Aussi la première entrevue lui est généralement favorable ; et, grâce à la femme, qui ne se possède pas de joie au moment où le confesseur se retire, Monsieur l’invite à revenir prochainement. Le premier pas est fait ; il n’y a plus qu’à consommer la prise de possession. Alors le prêtre agit envers le mari comme il a procédé à l’égard de la femme, mais en se livrant à d’autres manœuvres. Si d’un côté il a fait vibrer la corde sentimentale, de l’autre il met en mouvement celle de l’ambition ou de l’intérêt, dans ses visites sagement espacées. Finalement on l’invite à dîner. Il aborde dans la conversation les sujets qui plaisent à l’amphitryon. Celui-ci fait alors des demi-confidences, exprime son espoir ou ses craintes ; et, sans précisément demander un avis, tacitement il permet un conseil.

Directement ou indirectement le prêtre connaît les habitants de sa paroisse. Il peut donc être utile et ne manque pas d’offrir ses services.

Comment refuser une offre quand l’intérêt est en jeu, et surtout quand elle est faite avec bonhomie ? Les avances du tonsuré sont donc acceptées avec empressement. Le service est rendu : mais le mari s’est placé sous la dépendance du confesseur de sa femme. Il est son obligé, et même il a pu se convaincre que les relations du prêtre sont nombreuses, que partout on l’a reçu avec déférence, qu’il y a parlé avec autorité ; c’est donc un homme puissant et d’un commerce précieux. Il faut ménager l’oint du Seigneur et on le ménagera.

Telle est la stratégie ordinaire pour la prise de possession d’un ménage. Nous avons choisi les cas les plus défavorables : il aurait pu être question d’un emprunt à réaliser, d’une poursuite à éviter, d’un délai à obtenir devant les tribunaux, d’une affaire à étouffer. Alors un double lien se forme ; celui qui résulte de l’obligation morale contractée et celui qui provient de la crainte de se voir compromis. Dans ces hypothèses, le prêtre devient indispensable. Y a-t-il un nouvel embarras, une nouvelle affaire ? Le mari pense au curé. Mais craignant d’être indiscret, il fait agir sa femme. En allant à l’église, au confessionnal, tu lui diras un mot de l’affaire. » La femme accepte le rôle, et obtient ce qu’on est heureux de lui accorder. Mais la prise de possession du foyer domestique est désormais un fait accompli. Le prêtre y vient à son jour et à son heure : on ne se gêne plus avec le mari ; le confesseur est maître de la place. Maintenant le curé donne toujours son avis, reprend et morigène au besoin. Il affecte à l’égard du chef de la maison un air de protection, toléré à cause des services rendus. Bientôt, s’il a affaire à un esprit vulgaire et faible, il le domine absolument. Si au contraire, il se trouve en présence d’une nature intelligente et douée d’une certaine énergie, il l’assouplit peu à peu. Il ne s’occupe d’abord que des choses futiles ou indifférentes en apparence, pour passer ensuite à l’éducation des enfants qu’il impose, à la tenue de la maison, à la dépense, pour en venir à tout réglementer, à tout maîtriser.

Majestueusement assis à la première place de la table du festin, il préside aux fêtes de famille ; mêlé aux scènes les plus intimes de la vie privée, il se fait l’arbitre des différends qui s’élèvent entre les époux. Insensiblement le mari s’habitue à cette ingérence, à cette domination, et s’aveugle à ce point qu’il croit à son autorité quand son abdication est complète. Ici le prêtre déploie une habileté digne de la femme la plus rusée. Plus le chef de la famille s’efface, moins son maître paraît vouloir user de son omnipotence. Pourquoi heurter la susceptibilité du mari ? À quoi bon, d’ailleurs, courir les risques d’un conflit ? N’a-t-il pas une amie dans la place, dont l’action est incessante ? La femme, devenue son miroir, son esclave, à la suite d’un pacte tacite, né de la force elle-même des choses, reçoit communication de ses volontés. Ils combinent ensemble, au confessionnal, les moyens de les faire aboutir. Elle s’en charge. Guidée par le prêtre, elle attend son heure, profitant du moindre incident favorable pour glisser une insinuation, revenant sur ses pas si le mari est rebelle, pressant la conclusion s’il est bien disposé. Ce qu’elle déploie d’astuce, de prudence, de chatterie dans cette stratégie est inimaginable ; elle puise dans la confiance aveugle que lui inspire le prêtre et dans la certitude qu’elle a de bien faire, une souplesse d’allure, une force de persuasion dont la femme seule est capable. Elle calcule si exactement, l’occasion est si bien ménagée, elle sait donner à tout ce qu’elle fait, et la nuit et le jour, une couleur si séduisante, qu’au moment où la combinaison réussit, le mari se figure qu’il en a tout le mérite. Ô mari ! ô femme ! ô prêtre ! quelle trinité !

Le moment solennel et décisif est arrivé. Il s’agit de frapper un grand coup pour devenir maître absolu et perpétuel. Il faut y arriver par un fait qu’on fera naître s’il ne vient pas autrement. Il deviendra pour le prêtre un levier irrésistible : ce sera un de ces services rendus qu’on n’oublie jamais, comme par exemple un prêt qui sauve une situation commerciale ; le déshonneur épargné à toute une famille. Quand le prêtre possède un secret de famille qui, divulgué, pourrait amener la ruine ou la honte, il est seul maître au foyer domestique. Tel est son but, il ne l’atteint que trop souvent. Surpris en flagrant délit d’adultère, Tartuffe se redresse comme un serpent qu’on écrase du pied et répond à Orgon courroucé qui le chasse : « La maison est à moi ! »

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Voilà donc le confesseur amant de la femme et maître absolu de la famille ; il règne et gouverne.



CONFESSEURS
ET
Congréganistes devant la Justice


Outrages aux mœurs, attentats à la pudeur
adultères, viole, actes de sodomie et de pédérastie, etc…
à la charge des prêtres catholiques


En date du 18 janvier 1556, Sa Sainteté Paul IV adressa aux inquisiteurs de Grenade le bref suivant :

« Nous avons appris qu’un certain nombre de confesseurs abusaient de leur ministère au point de solliciter les femmes, les filles et les jeunes garçons, au péché de luxure dans le tribunal de la pénitence. En conséquence nous ordonnons aux inquisiteurs de poursuivre les prêtres que la voix publique accuse d’un aussi grand crime et de ne faire grâce à personne. »

Les inquisiteurs ayant communiqué la lettre de Paul IV à l’archevêque de Grenade, celui-ci leur écrivit que, dans les circonstances où l’on se trouvait, la publication de la bulle pourrait avoir des inconvénients, si elle était faite dans les formes ordinaires, et qu’il convenait d’agir avec prudence. L’archevêque convoqua, en conséquence, les curés et autres ecclésiastiques, tandis que l’inquisition en agissait de même pour les chefs des différents monastères ; et il fut enjoint aux uns et aux autres de notifier le bref du pape à tous les confesseurs et de leur recommander de se conduire avec une grande prudence à l’avenir et de ne donner au peuple aucune connaissance de la bulle du pape, de crainte que beaucoup de personnes ne renonçassent à la confession. On informa, en même temps, contre les prêtres et les moines qui s’étaient rendus suspects par leur conduite, et l’on découvrit un grand nombre de coupables dans le clergé régulier et séculier, que l’on se contenta de punir secrètement, ne donnant aucune raison des mesures de rigueur dont ils étaient l’objet, afin d’éviter le scandale.

« Les découvertes qui eurent lieu prouvèrent au pape que l’abus en question n’était pas particulier au royaume de Grenade, et qu’il était urgent de soumettre à la même loi toutes les autres provinces du royaume. Il adressa, en conséquence, le 16 avril 1561, au grand inquisiteur Valdès, une bulle par laquelle il l’autorisait à procéder contre tous les confesseurs du royaume et des domaines de Philippe II, qui auraient commis le crime de séduction, comme s’ils étaient coupables d’hérésie. Les mesures prises à ce sujet ne paraissant pas sans doute suffisantes pour remédier au mal, Pie IV envoya une nouvelle bulle en 1564, qui fut suivie successivement de plusieurs autres, pour extirper un mal qui avait jeté de profondes racines, non-seulement en Espagne, mais aussi dans toute la chrétienté, puisqu’une de ces bulles porte : « Dans ces provinces lointaines espagnoles et dans toutes les régions du globe où s’étend la foi de Jésus-Christ. »

« Un édit publié à Séville, en 1563, donna lieu à un si grand nombre de dénonciations, que les greffiers du Saint-Office ne suffisaient plus à les recevoir, ce qui obligea d’assigner un terme de trente jours à chaque femme dénonciatrice pour se présenter une seconde fois. Comme ce renvoi fut suivi de plusieurs autres, il ne fallut pas moins de 120 jours pour recevoir toutes les dénonciations. Mais les inquisiteurs, effrayés de ce grand nombre de coupables et du scandale qui en résultait, prirent le parti d’abandonner leur entreprise et renoncèrent à poursuivre les délinquants. En effet, il y avait, parmi ce grand nombre de femmes, séduites ou violées, des personnes très-respectables et d’une naissance illustre.

« Rougissant de tout ce qui s’était passé, elles se déguisaient et se couvraient la tête pour se rendre auprès des inquisiteurs qui occupaient le château de Triana, dans la crainte d’être rencontrées et aperçues de leurs maris. Malgré ces précautions, plusieurs de ceux-ci furent instruits de ce qui se passait, et cette affaire pensa donner lieu à de grands désordres dans Séville.

« Les mesures prises pour faire cesser les attentats des confesseurs à la pudeur des femmes, des filles et des jeunes garçons, n’ayant produit aucun effet, le Conseil du Saint-Office donna de nouveaux ordres en 1576, pour provoquer les dénonciations.

« Les papes publièrent successivement, pendant les années 1614, 1622, etc., des bulles et des décrets dont le dernier était ainsi conçu : « Vous déclarerez si vous savez que quelque confesseur, prêtre ou religieux, n’importe le rang, dans l’acte de la confession, soit immédiatement, avant ou après, soit à propos ou sous prétexte de la confession, dans le confessionnal ou dans tout autre lieu, a sollicité ou essayé de solliciter des femmes ou des enfants en les engageant ou les provoquant à des actions honteuses ou déshonnêtes, soit avec lui-même, soit avec d’autres personnes, ou s’il a eu avec elles des entretiens illicites et scandaleux ; et nous exhortons les confesseurs et leur ordonnons d’avertir toutes celles de leurs pénitentes qui auraient été sollicitées en cette manière, de l’obligation qui leur est imposée de dénoncer lesdits suborneurs au Saint-Office à qui appartient expressément la connaissance de cette espèce de délits. »

« On voit, d’après l’ordre donné aux femmes de déclarer les sollicitations qui leur auraient été faites par les confesseurs, de commettre des actions honteuses et déshonnêtes, non-seulement avec eux, mais aussi avec d’autres personnes, qu’il se trouvait des prêtres assez vils pour servir d’entremetteurs et corrompre des femmes et les enfants pour le compte de personnes desquelles ils attendaient un salaire ou un avantage quelconque.

« Le pape Pie IV publia une bulle, en date du 16 avril 1561, par laquelle il autorisa l’Inquisition à rechercher et à punir les prêtres ou les moines qui, dans la confession, subornaient les personnes du sexe ou les enfants, et cherchaient à les rendre complices de leur lubricité. Il paraît que ce crime était assez fréquent en Espagne, puisque ce pape dit, dans sa bulle, qu’il a appris depuis peu qu’il se trouve, en Espagne, plusieurs prêtres, chargés du soin des âmes, qui abusaient du sacrement de la pénitence dans la confession, en invitant ou en provoquant par des paroles séduisantes, ou en cherchant à séduire et à provoquer à des actes déshonnêtes des femmes et des enfants qui se confessent à eux.

« Les prisons de l’Inquisition ne purent faire cesser le mal. Clément VIII fut obligé de suivre l’exemple de son prédécesseur et d’ordonner à l’Inquisition de procéder contre les prêtres séculiers ou réguliers, qui solliciteraient les femmes et les enfants. Mais l’autorité de deux papes n’ayant point obtenu de meilleurs résultats que celle des conciles, ou que les rigueurs de l’Inquisition, un troisième pape, Grégoire XV, écrit, en 1612, une constitution plus détaillée et plus précise, pour mettre fin à ce genre d’immoralité.

Non-seulement il confirme la bulle de Pie IV, mais il ordonne qu’elle soit observée invariablement dans tout l’univers chrétien, et il charge l’Inquisition de punir très-sévèrement tout prêtre qui, par des moyens quelconques ou dans quelque lieu que se fit la confession, solliciterait, provoquerait ou ferait des tentatives pour engager les femmes ou toutes autres personnes, c’est-à-dire les jeunes filles et les petits garçons, à commettre des actions contre la pudeur, stupres, viols, sodomie, pédérastie.

Llorente, dans son histoire de l’Inquisition, donne un aperçu des crimes et des mœurs dissolues qui régnaient parmi le clergé, et des turpitudes qui se commettaient dans le silence des couvents et autres retraites religieuses de l’Espagne. Nous reproduisons ses récits.

« Un capucin était le confesseur de toutes les religieuses réunies dans une communauté de la ville de Carthagène, au nombre de dix-sept ; il avait su leur inspirer une si grande confiance, qu’elles le regardaient comme un saint homme et comme un oracle du ciel. Lorsque le dévot personnage vit que sa réputation était suffisamment établie, il profita de ces fréquentes entrevues au confessionnal pour insinuer sa doctrine aux jeunes béguines. Voici le discours qu’il tint à chacune d’elles :

» Notre Seigneur Jésus-Christ a eu la bonté de se laisser voir à moi dans l’hostie consacrée au moment de l’élévation ; et il m’a dit : Presque toutes les âmes que tu diriges dans ce béguinage, me sont agréables, parce qu’elles ont un véritable amour pour la vertu, et qu’elles s’efforcent de marcher vers la perfection, mais surtout une telle — ici le directeur nommait celle à qui il parlait ; son âme est si parfaite qu’elle a déjà vaincu toutes ses affections terrestres, à l’exception d’une seule, la luxure, qui la tourmente beaucoup, parce que l’ennemi de la chair est très puissant sur elle à cause de sa jeunesse, de sa force et des grâces naturelles qui l’excitent vivement aux actes vénériens ; c’est pourquoi, afin de récompenser sa vertu, et pour qu’elle s’unisse parfaitement à mon amour et me serve avec une tranquillité dont elle ne jouit pas et qu’elle mérite cependant par ses vertus, je te charge de lui accorder en mon nom la dispense dont elle a besoin pour son repos, en lui disant qu’elle peut satisfaire ses appétits luxurieux, pourvu que ce soit expressément avec toi. Afin d’éviter tout scandale, elle gardera sur ce point le secret le plus rigoureux avec tout le monde sans en parler à personne, pas même à un autre confesseur, parce qu’elle ne péchera point avec la dispense du précepte que je lui accorde à cette condition ; elle pourra donc pratiquer le coït de toute façon, avec toi, pour la sainte fin de voir cesser toutes ses inquiétudes, et pour qu’elle fasse tous les jours de nouveaux progrès dans les voies de la sainteté. »

« Une de ces religieuses, âgée de vingt-cinq ans, étant tombée dangereusement malade, demanda un autre confesseur, et après lui avoir fait une révélation entière de ce qui s’était passé, elle s’engagea à tout déclarer au Saint-Office, excitée par la jalousie et soupçonnant que pareille chose était arrivée aux autres femmes de la communauté. Ayant ensuite recouvré la santé, elle alla se dénoncer à l’Inquisition, et raconta qu’elle avait eu pendant trois ans un commerce criminel avec son confesseur ; qu’elle n’avait jamais pu croire en son âme et conscience que la révélation qu’il lui avait faite fut véritable ; mais qu’elle avait fait semblant d’ajouter foi à ses discours, afin de pouvoir se livrer à ses désirs et satisfaire sa lubricité.

» L’Inquisition s’assura que ce commerce avait eu lieu avec douze autres béates de la même communauté. Il n’y avait que quatre de ces religieuses, l’une fort laide et trois d’un âge respectable qui n’eussent pas été déflorées par le confesseur de la sainte maison.

» On répartit toutes ces béguines dans plusieurs couvents ; mais on craignit de commettre une imprudence en faisant arrêter le confesseur et en le transférant dans les prisons secrètes.

» On en écrivit au conseil de la Suprême, et on obtint que le coupable serait envoyé à Madrid. Trois audiences ordinaires d’admonitions lui furent accordées : il répondit que sa conscience ne lui reprochait aucun crime sur ce qui regardait l’Inquisition, et qu’il était extrêmement surpris de se voir prisonnier.

» On lui fit sentir qu’il était incroyable que Jésus-Christ lui eût apparu dans l’hostie pour le dispenser d’un des premiers préceptes négatifs du Décalogue, qui oblige toujours et pour toujours. Il répondit qu’il en était aussi de même du cinquième, et que Dieu en avait cependant dispensé le patriarche Abraham, lorsqu’un ange lui commanda d’ôter la vie à son fils ; qu’il fallait en dire autant du septième, puisque Dieu avait permis aux Hébreux de dérober les effets les plus précieux des Égyptiens. On lui fit remarquer que, dans ces deux cas, il s’agissait de mystères favorables à la religion ; et il répliqua que, dans ce qui s’était passé entre lui et ses pénitentes, Dieu avait eu aussi le même dessein, c’est-à-dire, celui de tranquilliser la conscience de treize âmes vertueuses, et de les conduire à la parfaite union avec son essence divine. Un des interrogateurs lui ayant objecté qu’il était bien singulier qu’une aussi grande vertu se fût trouvée dans treize femmes jeunes et belles, et nullement dans les trois vieilles religieuses ni dans celle qui était laide ; il répondit encore, sans se déconcerter, par ce passage de l’Écriture Sainte : le Saint-Esprit souffle où il veut.

» Il ne restait plus au moine qu’une seule audience avant d’être condamné, et il persista d’abord dans ses premières déclarations. Cependant, comme il ne s’agissait de rien moins que d’être brûlé vif, il sollicita une nouvelle entrevue avec les inquisiteurs, et déclara d’abord qu’il était coupable de s’être aveuglé au point de regarder comme certaine l’apparition de Jésus-Christ dans l’Eucharistie, qui n’avait été qu’une illusion ; mais s’apercevant que les inquisiteurs n’étaient point ses dupes, et qu’ils étaient disposés à le sauver de la relaxation, s’il convenait de son hypocrisie et de ses crimes, il avoua tout et se soumit à toutes les pénitences qu’on lui imposerait.

» Les inquisiteurs firent prendre à cette affaire une tournure favorable à l’accusé, et le capucin, qui avait encouru la peine de mort comme sacrilège, hypocrite, luxurieux, séducteur et parjure, fut condamné seulement à faire abjuration de levi et à subir un emprisonnement de cinq années dans un couvent de son ordre.

— « Molinos, prêtre espagnol, qu’il ne faut pas confondre avec le jésuite Molina, avait formé en Espagne un certain nombre de disciples qui y répandirent sa doctrine. Les apparences d’une perfection spirituelle, associées à un système qui laissait un libre essor aux désordres de l’âme, séduisirent beaucoup de personnes qui n’auraient jamais embrassé aucune hérésie sans le prestige dont Molinos avait entouré ses erreurs.

» Elle se répandit promptement dans les couvents, où il se passait des choses si scandaleuses et si horribles dans les communautés des religieuses, entre elles et leurs directeurs, qu’on ne pourrait les rapporter sans faire frémir. Le libertinage le plus effréné, les avortements forcés et les infanticides y étaient si fréquents, que chaque couvent en fournissait un grand nombre d’exemples ; mais ce qu’il y a de plus remarquable, c’est que ces horreurs s’y commettaient avec une sorte de bonne foi apparente, qui ne pouvait être expliquée que par le fanatisme. Les esprits faibles s’imaginaient que tout ce qui était autorisé par les confesseurs, pouvait être fait sans crime : ainsi, dans le couvent de Corella, en Navarre, une supérieure qui avait déjà eu plusieurs enfants d’un provincial de carmes déchaussés, tenait elle-même les jambes de sa nièce écartées pendant que ce même provincial accomplissait le premier outrage à la pudeur de cette jeune personne, pour que cette œuvre fût plus méritoire aux yeux de Dieu. Des religieuses et des moines assistaient sans honte aux accouchements des autres religieuses, dont les enfants étaient aussitôt étranglés. Tout cela se faisait avec accompagnement de jeunes et tous les signes extérieurs de dévotion ! »

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

En France, on compte 40 000 prêtres et 10 000 congréganistes, jésuites, carmes, dominicains, etc… En totalité, cinquante mille confesseurs.

Sur ce nombre, un pour cent demeure fidèle au vœu de célibat, quatre-vingt-dix-neuf sur cent se livrent à la paillardise ; c’est le pape lui-même qui a fixé la proportion des chastes et des impurs.

Donc 49 500 confesseurs vivent dans l’incontinence. Chacun d’eux connaît charnellement une femme par mois, douze pour l’année ; nous parlons de la première année d’exercice du sacerdoce, quand le jeune prêtre jette sa gourme ; nous admettons pour chacune des années suivantes une seule odalisque à ajouter à la liste de ses amours, pendant une période de dix ans. Nous comptons en moyenne, pour chaque curé, dans le cours de sa vie entière, vingt à vingt-deux maîtresses en titre ou de passade, femmes mariées ou filles. Le clergé français apporte déshonneur, dans un million de familles ! Cocuage des maris et défloration des vierges. Avis aux pères et aux époux. Sentinelles, prenez garde à vous !

Produisons les exemples de l’incontinence des tonsurés et de la fréquence des accidents en cette lubrique matière.

Aujourd’hui, les choses se passent exactement comme aux époques où les papes rendaient témoignage des désordres, de la corruption, des ignominies du confessionnal. Mêmes causes, mêmes effets. Avec la confession, les femmes et les filles sont subornées, les jeunes garçons initiés à toutes les turpitudes. Adultères, viols, stupres, actes de sodomie.

Trop d’exemples nous sont fournis de l’immoralité du clergé catholique, chaque jour et en tous pays, avec la sanction judiciaire ; pour un seul curé pris en flagrant délit d’outrage aux mœurs, mille et plus échappent à la vindicte des lois. Nous mentionnerons seulement quelques-uns des attentats qui ont eu un certain retentissement dans notre pays et ailleurs.

À Toulouse, en 1847, une enfant de 14 ans, fort belle, fille d’un relieur de la ville, entre un certain soir, vers cinq heures, dans la maison professe des frères de la doctrine chrétienne, pour y apporter des livres reliés destinés à la communauté ; elle est saisie par la bande noire ; ils sont là neuf frères, ils la violent à tour de rôle ou pratiquent sur elle l’acte de sodomie. L’infortunée expire au milieu des stupres ; ils continuent de profaner la victime, après quoi ils jettent le cadavre par-dessus le mur de leur jardin.

Lors du jugement qui eut lieu à l’occasion de ce crime, le magistrat chargé de l’instruction de l’affaire eut la pensée de faire examiner par des médecins la chemise sanglante et maculée de la victime ; et ceux-ci, au moyen d’opérations chimiques, indiquées par la science, purent constater que les stygmates de sperme existants dans le linge appartenaient à neuf individus. Le supérieur de la maison de Toulouse, le frère Léotade, et ses complices furent traduits devant la cour d’assises ; le FRÈRE LÉOTADE FUT CONDAMNÉ AUX TRAVAUX FORCÉS A PERPÉTUITÉ.

À Montauban (Tarn et Garonne), en 1868, se produisit un grand scandale judiciaire. Un de ces hommes à soutane vomi par les enfers fut jugé et condamné pour des faits d’une immoralité révoltante accomplis sur de jeunes garçons. Le monstre emmiellait son priape, c’est-à-dire le membre viril, et le donnait à sucer aux garçonnets de 8 et de 10 ans que des parents imprudents lui confiaient pour les instruire et les moraliser ! Horreur et abomination !

En 1868, à Gand, (Belgique), une grave affaire de pédérastie est intentée contre un jésuite d’Alost, le père Huyghens, et un jeune tambour de l’armée belge. L’un et l’autre étaient poursuivis pour outrage public à la pudeur commis dans les terrains avoisinant la station de Termonde.

En 1868, un prêtre de la vallée de Passeier, dans le Tyrol, a comparu devant le tribunal de Botzen, sous l’inculpation d’attentat aux mœurs commis sur quatorze jeunes garçons.

En 1868, le tribunal de Bruxelles a condamné pour attentat aux mœurs de la plus ignoble nature, un ecclésiastique déjà flétri par la justice d’Anvers, en 1852, pour des faits analogues, l’abbé Jean Blereau, curé de Vilvorde. Agent et patient avec un cocher âgé de 25 ans ; actes de sodomie et de pédérastie.

En 1868, la Cour d’assises de Bruxelles a condamné à dix ans de réclusion un autre tonsuré, Lafourcade, curé de Biarotte, reconnu coupable de nombreux outrages à la pudeur commis sur des enfants de l’un et l’autre sexe au tribunal de la pénitence.

En 1868, la Cour d’assises de la Charente (France), dans son audience du 3 mai, a jugé Vincent-Auguste Arnal, curé de Saint-Laurent-des-Trubes, pour attentat à la pudeur sur un jeune garçon âgé de moins de quinze ans. Arnal a été condamné aux travaux forcés à perpétuité.

À Versailles (Seine et Oise), au 3 août 1868, fut prononcé un sévère jugement contre l’abbé Hue, curé de Limès, dans une affaire d’outrage à la morale et d’attentats aux mœurs sur des petites filles âgées de 10 à 12 ans, sur lesquelles il accomplit des obscénités qui étaient inconnues à Sodome et à Gomorrhe. Nous nous bornons à reproduire le résumé de l’affaire par le président de la cour d’assises, sans entrer dans les détails, sans faire de réflexions ni de commentaires sur le crime sacerdotal.

« Dans le courant de l’année 1867, quatre jeunes filles, qui allaient faire leur première communion, se présentèrent au confessionnal de l’abbé Hue, curé de Limès, arrondissement de Mantes. Ce prêtre tint successivement à toutes les quatre les propos les plus obscènes. Tout ce que peut inventer l’esprit le plus dévergondé, il l’a dit et il l’a fait.

Cette affaire comporte un grave enseignement ; elle nous révèle ce qu’on peut appeler les Mystères du Confessionnal.

L’abbé Hue, au lieu de veiller sur la pureté des enfants qui lui étaient confiés, déflorait leurs âmes, comme à plaisir ; il appelait leur attention sur les choses ignorées ; et, sous le prétexte de confession, leur enseignait le vice. Il prétend qu’il ne faisait que suivre scrupuleusement le formulaire d’un livre que tous les prêtres ont entre les mains, la science du confesseur. Le Manuel des Confesseurs. »

Le jury de Seine et Oise, qui avait à se prononcer sur cette grave affaire, rendit un verdict affirmatif sur trois questions et négatif sur une seule, sans admission de circonstances atténuantes. La cour faisant application de la loi, a condamné l’abbé Hue à dix années de travaux forcés.

Au mois de juillet 1872, une jeune fille, Anna Dunzinger, comparaissait devant la cour d’assises de Linz, en Autriche, pour être interrogée sur les faits qui avaient été racontés par un journal, le Tagespost, sous le titre de : Épisode d’un mouchoir chloroformé. La jeune fille donna les explications suivantes : Le révérend père Gabriel, de l’ordre des Carmes, mon confesseur, m’avait fait maintes fois des déclarations d’amour, mais j’avais refusé de me rendre à ses désirs. Un jour il me fit passer dans la sacristie pour m’entendre au tribunal de la pénitence ; là se trouvait un confessionnal particulièrement secret. À peine m’y trouvai-je installée que le père Carme enleva le treillis, passa le bras par l’ouverture et tint près de mon visage un mouchoir empreint d’une odeur extrêmement pénétrante. Je me sentis comme étourdie et, presqu’immédiatement, je perdis connaissance. J’ignore tout à fait ce qui a pu se passer entre ce moment et celui où reprenant mes sens, je pus me relever, rajuster mes vêtements et quitter le confessionnal……

Voilà ce qui avait eu lieu : le Carme avait ouvert une cloison mobile qui séparait les deux compartiments du confessionnal ; il avait abusé de ce corps rendu inerte et avait accompli un viol odieux. La jeune fille allait être mère sans même savoir qu’elle avait eu des rapports avec un homme.

Ce sont les Conciles, les Synodes provinciaux, les papes, les chefs d’Ordres, les grands dignitaires ecclésiastiques, d’accord avec les tribunaux séculiers qui signalent les prêtres, les moines, les frères de la doctrine chrétienne, enfin tous les congréganistes, comme suborneurs de filles, corrupteurs de femmes, entachés du vice de Sodome, abusant des fillettes et des garçonnets au tribunal de la pénitence et se rendant coupables de toute sorte d’abominations, de crimes et d’attentats envers leurs pénitentes !

On peut donc affirmer, d’après toutes ces autorités, que le clergé catholique a été et se trouve dans un état permanent de putréfaction morale.




ABBESSES CONFESSEUSES
LES COLOMBES DE LESBOS


À l’origine du christianisme, les fidèles élisaient des prêtres et des prêtresses. L’Église a maintenu les femmes dans l’exercice des fonctions sacerdotales durant plusieurs siècles ; elles célébraient la pâque, elles enseignaient, elles dogmatisaient. Beaucoup ont mérité d’être signalées comme doctoresses du plus grand mérite. Elles confessaient les fidèles au même titre que les prêtres, et particulièrement les autres femmes ; mais la confession n’avait pas alors le caractère de sacrement. Les chrétiens qui avaient des doutes sur certains points de religion ou qui éprouvaient des hésitations sur une opinion à adopter, ou qui craignaient d’avoir contrevenu aux commandements de Dieu, s’adressaient aux prêtres pour en obtenir des conseils, des enseignements, des consolations ; ces rapports n’avaient pas un caractère défini ou obligatoire.

On était libre de faire les confidences aux prêtresses, comme aux prêtres, et même à des personnes qui n’étaient pas engagées dans les ordres sacrés. Les laïques avaient, aussi bien que les ecclésiastiques et les prêtresses ou les abbesses, le droit d’imposer les mains, de donner la bénédiction ou l’absolution à ceux et à celles qui avaient commis des péchés, leur en faisaient l’aveu, et se repentaient. La contrition était même la seule condition qui fût indispensable pour être réconcilié avec Dieu ; les chevaliers, au moyen âge, blessés sur un champ de bataille, piquaient leur épée en terre, s’agenouillaient devant la poignée qui avait la forme d’une croix et se confessaient à leur épée. Confession valable, suivant l’Église, s’il y avait contrition, repentance.

Le sire de Joinville, dans ses Mémoires, qui sont du XIIIe siècle, raconte que le connétable de Chypre, lors de l’expédition de Palestine, se confessa à lui et qu’il lui donna l’absolution, comme il en avait le droit. Le bon sire de Joinville, ami et confident du roi Louis IX, était un homme d’armes et n’appartenait à aucun ordre religieux.

Saint Thomas dit en termes formels, dans la Somme (IIIe partie, p. 255) : Confessio ex defectu sacerdotis, laïco facta, sacramentalis est quodam modo. La confession faite à un laïque, à défaut d’un prêtre, est en quelque sorte sacramentelle.

Mabillon, dans la vie qu’il a écrite de Saint-Burgandofare (chap. VIII et XIII), dit que, de son temps, les religieuses se confessaient à leur abbesse, et qu’elles ne leur celaient aucuns de leurs péchés, si graves qu’ils fussent. La règle d’un inconnu, qui fait autorité dans le monde catholique, reproduit la même affirmation.

La règle de Saint Donat (chap. XXIII) enjoint aux religieuses de faire trois fois par jour l’aveu de leurs fautes à leur supérieure.

Cette coutume avait donné lieu, sans nul doute, à de grands abus, puisque, du temps de Charlemagne, on songeait à enlever le droit de confession aux abbesses. On lit dans les Capitulaires (1-76) qu’on doit défendre aux abbesses de donner la bénédiction et d’imposer les mains, c’est-à-dire absoudre.

Ce droit de confession a été tour à tour reconnu, contesté, dénié ou toléré, suivant les temps et les pays dans la religion catholique.

Un patriarche d’Alexandrie, le célèbre Marc, écrit à Balzamon une lettre qui nous a été conservée, dans laquelle il lui demande si on doit autoriser les abbesses à entendre leurs religieuses en confession ; le canoniste grec se prononce pour la négative et répond au patriarche que ce droit ne peut leur être accordé sans transgresser la loi de l’Église.

Innocent III, le pape qui a fait de la confession un sacrement, une obligation, de volontaire et facultative qu’elle était avant lui, s’est également prononcé contre le droit des abbesses à recevoir les confessions. Il enjoint aux évêques de Valence et de Burgos, villes d’Espagne, de défendre aux abbesses des couvents de leurs diocèses, de bénir, de confesser leurs religieuses et de prêcher publiquement dans les églises ou les chapelles des couvents. Le pontife justifie sa défense en rappelant que Notre Seigneur Jésus-Christ a confié les clés du royaume des cieux à l’un de ses apôtres, et non à la bienheureuse vierge Marie, sa mère, quoiqu’elle fût supérieure en dignité et en mérite à saint Pierre et à tous les apôtres.

Saint Basile est d’avis tout opposé à celui du saint père sur la question de la confession entre femmes. On lit dans les règles de l’ordre du saint (tome II, p. 453), que les abbesses ont toute autorité pour confesser leurs religieuses conjointement avec un prêtre.

Le père Martène, dans les Rites de l’Église (t. II, p. 39), dit expressément que les abbesses furent en possession du droit de confesser leurs nonnes pendant des siècles, mais que beaucoup d’entre elles se montrèrent si curieuses dans l’exercice de ces fonctions, qu’on fût obligé de leur enlever ce droit. Le bon père ne s’explique pas autrement sur le compte des abbesses confesseuses ; il se contente d’arguer d’une extrême curiosité dont elles étaient possédées, pour justifier le retrait de la faculté attachée à leur dignité, celle d’entendre les nonnes au tribunal de la pénitence, de les bénir, de les absoudre de leurs péchés.

Mais d’autres écrivains, moins circonspects que le père Martène ou mieux instruits sur la véritable cause de cette réforme, ont donné le motif de cette importante mesure, et ce motif qu’il est aisé de pressentir, c’est la profonde dépravation de beaucoup d’abbesses, dépravation amenée par l’habitude de la confession. Par suite de cette corruption dans les mœurs, un grand nombre de couvents de femmes étaient devenus de véritables harems où trônait une sorte de sultan femelle, en béguin, au milieu de ses odalisques. Abomination de la désolation ! ni prêtres, ni moines, ni évêques ne pouvaient pénétrer dans les enceintes sacrées où règnaient ces abbesses, jalouses jusqu’à la fureur du joli troupeau qu’elles avaient en garde et dont elles usaient de la plus étrange manière. La pratique de la confession avait conduit les abbesses à de honteuses habitudes, avait perverti, démoralisé les prêtresses comme elle avait corrompu les prêtres. Confesseurs et confesseuses, « sépulcres blanchis au dehors et pleins de pourriture au dedans. »

Les écrivains du temps passé s’accordent, dans leurs relations, pour blâmer les désordres qui existaient dans les couvents de femmes ; ils flétrissent des épithètes les plus dures les religieuses et les abbesses de cette époque, ils les chargent de malédictions pour la grande corruption dont elles faisaient montre, ils les nomment paillardes et ribaudes, tribades et lesbiennes, nymphes et bacchantes, ils les accusent de pratiquer entre elles toute sorte de débauches.

De telles affirmations corroborées par des enquêtes, par des preuves irrécusables, démontrent que la confession pratiquée par les hommes ou par les femmes est mauvaise en soi, détestable dans ses conséquences et qu’elle a justement encouru la réprobation des libres penseurs, des hommes de progrès, de ceux et de celles que n’aveuglent pas les préjugés religieux.

La confession, exercée par les curés, les moines, les jésuites, le clergé régulier ou séculier, a enfanté des monstres et semé le monde de crimes horribles ; la confession, exercée par les abbesses, a changé l’ordre de la nature, créé les tribades, poussé des femmes à des passions insensées, à des débauches sans nom, à des saturnales où elles figuraient sans le secours de l’autre sexe !…

Le culte de Lesbos était en honneur dans les monastères de femmes et dans presque tous les moustiers ; les religieuses brûlaient de feux impurs, s’aimaient entre elles, s’abandonnaient à toute sorte d’impudicités…… Jetons un voile discret sur toutes les pratiques monacales, sur ces turpitudes.

Les mœurs des couvents de femmes se sont-elles améliorées depuis le moyen âge ?

Voici notre réponse : Si l’état actuel de la civilisation ne comporte pas les scandales, les débordements du bon vieux temps, il n’en est pas moins vrai que les mêmes causes doivent produire les mêmes effets. Or, dans beaucoup de couvents de femmes des pays catholiques, en France, en Espagne, en Italie, en Belgique, en Autriche et ailleurs, la supérieure, l’abbesse, exerce encore les fonctions sacerdotales, elle bénit, elle confesse ses religieuses, elle les punit ou les récompense, selon son bon plaisir, elle les reçoit dans son oratoire, dans sa cellule, de jour ou de nuit, elle y demeure renfermée avec elles, et nul œil indiscret, nulle oreille curieuse, ne peut voir ou entendre ce que font ou disent les belles pécheresses et la mère abbesse. Mais, nous pouvons dire et affirmer, nous qui avons reçu les aveux et les confidences des religieuses au tribunal de la pénitence, qu’il n’existe pas ou presque pas de couvent de femmes où il n’y ait des colombes de Lesbos, abbesses confesseuses et amoureuses de jeunes nonnains, tribades et ménades, nymphes, bacchantes et hamadryades. La confession doit être retirée aux femmes de même qu’aux hommes ; elle doit être supprimée, abolie sous toutes les formes.

« En Toscane, l’abus dont il s’agit, le péché de luxure entre religieuses, a été signalé dans de nombreux documents recueillis sous le gouvernement du grand-duc Léopold, et qui, se trouvant entre les mains de la famille de Ricci, ont été communiqués par elle à un écrivain belge, De Potter, qui les a reproduits dans l’ouvrage intitulé : Vie de Scipion de Ricci, évêque de Pistoie et de Prato (Bruxelles, 1825, 3 vol. in-8o). » Le libertinage monacal, introduit dans les couvents de filles, en Toscane, au moyen de la confession, remontait à une époque bien antérieure au règne de Léopold. Il y avait alors plus d’un siècle et demi que le relâchement des Dominicains avait excité le blâme et les murmures publics. La direction spirituelle que les moines avaient à l’égard des religieuses, était une source de scandales qu’entretenaient et que fomentaient l’intérêt, la dissipation et le libertinage. On trouve, sous la date de 1642, une pétition adressée au grand-duc, signée par le gonfalonnier et plusieurs autres personnes notables de Pistoie, au nombre de 194. On y demandait au souverain d’apporter un prompt remède à l’indécente conduite que tenaient les moines confesseurs dans le couvent de Sainte-Catherine et de Sainte-Lucie. On étouffa cette affaire, sans en laisser aucune trace, pour ne pas compromettre les premières familles de la noblesse, auxquelles appartenaient les religieuses signalées dans la pétition.

« Ce genre de désordre, parvenu à l’excès sous Léopold, fut reconnu au moyen des enquêtes ordonnées par ce prince, d’après la dénonciation de deux religieuses du couvent de Sainte-Catherine de Pistoie qui le priaient de les soustraire aux exécrables principes professés par ces moines, leurs directeurs.

« On apprit ainsi que les moines mangeaient et buvaient avec les religieuses qu’ils choisissaient pour leurs maîtresses, qu’ils dormaient avec elles dans leurs cellules privées. La plupart des filles se privaient de tout leur argent et de tous leurs effets, et se dépouillaient même de ce qui leur était nécessaire à la vie, pour enrichir leurs amants. Je n’avance rien, dit Ricci, dont je n’aie des preuves.

« Il fait encore observer que les moines étaient dans l’usage de coucher dans le dortoir des religieuses, et que cette pratique était observée depuis longtemps par les prieurs et les confesseurs des nonnes.

« L’enquête ordonnée par Léopold dut rendre le scandale public, en forçant plusieurs personnes à révéler les plus infâmes iniquités, autorisées par les confesseurs et les supérieurs des Dominicains. Léopold fit interroger toutes les religieuses par le lieutenant de police, et défendit aux moines, sous peine de prison, d’approcher des monastères, à cause de la conduite dépravée de tous ceux qui remplissaient les emplois de prieurs et de confesseurs. On découvrit que la corruption avait été propagée par les moines dans les couvents de Florence, de Prato, de Pise, de Sienne, de Faenza, etc.

« Cette enquête révéla des faits d’une immoralité monstrueuse et dans lesquels la dévotion servait à autoriser tous les genres de débauche. Ainsi, une religieuse déclara que la sœur Buonamici lui avait dit, pour la séduire, et sous prétexte de la mettre dans la perfection, qu’elle avait eu commerce avec Jésus-Christ comme homme, qu’elle avait bu du lait de la sainte Vierge, et qu’elle avait joui du plaisir du Paradis dans les bras de plusieurs de leurs compagnes, novices de la communauté.

« La mère Dragoni déclara qu’elle avait été sollicitée à commettre des actions indécentes par les sœurs Buonamici et Spieghi ; qu’elles entraient par surprise dans sa cellule, se livraient devant elles, entièrement nues, à tous les genres de lubricité, et qu’elles la firent tomber plusieurs fois en péché de luxure. Elle déclara encore que la sœur Buonamici s’était présentée devant elle pour la prier de lui procurer les moyens de s’unir avec Dieu, et lui avait déclaré en même temps que ces moyens étaient · la copulation charnelle, et qu’elle lui avait indiqué, comme étant propre à l’assister dans cet acte, le confesseur qui était le P. Gamberani, parce que la chose devait se faire avec un prêtre.

« La sœur Buonamici avoua qu’elle enseignait aux religieuses que les actes impudiques auxquels elle les dressait, à la manière des femmes de Lesbos, étaient vertueux et propres à faire avancer dans les voies de la perfection. Toutes ces nonnes abusaient de leur sexe entre elles ; tribades effrénées se livrant à toutes les voluptés et obscénités ; embrassements impurs ; enlacements de femmes nues.


L’AUMÔNIER DU COUVENT

Le Loup dans la Bergerie
Dialogue entre Sœur Rose & Sœur Marguerite


Sœur Rose. Quel nuage de tristesse sur ton beau front, ma chère Marguerite ! Quoi donc a pu changer de cette façon ta folle gaieté ?

Sœur Marguerite. Rien, ma chère Rose, je suis aujourd’hui comme hier, mon humeur est la même. Elle s’efforce de sourire en répondant à son amie.

Sœur Rose. Tu ne réussiras pas à tromper mon amitié ; ton visage porte l’empreinte d’un violent chagrin ; et, de ce chagrin, je veux connaître la cause.

Sœur Marguerite. Non, non, ton amitié s’alarme à tort à mon sujet ; je n’ai aucun motif de tristesse. — La pauvrette cherche de nouveau à sourire devant sa compagne ; enfin, ne pouvant retenir plus longtemps ses pleurs, elle éclate en sanglots.

Sœur Rose. Allons ! chère belle, je vois que j’avais deviné juste ; ouvre ton cœur, confie-moi le sujet de ta douleur. — Elle l’embrasse avec effusion.

Sœur Marguerite. Tu dois te rappeler, qu’il y a peu de jours, nous nous faisions de mutuelles confidences sur nos regrets d’avoir quitté nos familles pour entrer dans ce couvent.

Sœur Rose. Nous parlions de nos illusions perdues ; nous maudissions ce jour néfaste où, sous l’influence de notre confesseur, celui-là même qui est attaché à cette maison comme aumônier, nous avions prononcé des vœux imprudents.

Sœur Marguerite. Eh bien ! c’est précisément ce prêtre, directeur de nos consciences, qui est la cause du désespoir dans lequel tu me vois plongée.

Sœur Rose. Raconte-moi donc ce qui a pu t’émouvoir à ce point et faire couler tes larmes.

Sœur Marguerite. — La pauvre enfant essuie ses pleurs qu’elle a peine à retenir et s’arrête de sangloter. Ce matin, j’ai été mandée au confessionnal, par ordre de Mr l’aumônier, quoi qu’il m’eût déjà entendue la veille au tribunal de la pénitence. Il m’a fait subir un interrogatoire des plus minutieux sur une matière que je n’ose t’indiquer, mais tu dois me comprendre… Quand il a jugé à propos de mettre fin à la confession, il m’a congédiée, en me recommandant de me rendre, aussitôt ma prière de contrition terminée, à son oratoire particulier, pour y recevoir un livre de piété, lequel devait me faire avancer, disait-il, dans la voie du salut. Un peu par frayeur, par crainte de l’irriter et de m’exposer aux suites de sa vengeance, un peu par obéissance, je vins le trouver à son oratoire. Il m’engagea à m’asseoir sur un fauteuil d’une forme singulière, puis il feignit de chercher un livre sur un rayon de sa bibliothèque. Pendant ce manège, il passa derrière le fauteuil, qu’il toucha brusquement ; un ressort partit et je me trouvai enserrée des bras et des jambes. Des liens rigides me tenaient captive. Il se jeta sur moi, appuya un mouchoir sur ma bouche pour étouffer mes cris, et ........ Dispense-moi, chère Rose, de t’en dire davantage.

Sœur Rose. — Le monstre !… Accomplir un tel forfait dans une maison consacrée à Dieu, dans son oratoire, au milieu des emblèmes de la religion !

Pauvre chère sœur, complète ton récit ; que s’est-il passé après le crime ?…

Sœur Marguerite. — Il m’a parlé de son amour, de sa passion qui l’avait poussé à des moyens qu’il réprouvait lui-même ; il m’a promis sa protection si je consentais à revenir dans son oratoire quand il m’y appellerait ; et comme je repoussais avec indignation ses protestations d’amour, ses offres de protection, il a changé tout à coup de langage, il s’est emporté contre moi en menaces effroyables, il a juré que je serais la plus misérable des créatures si j’osais dire un mot sur tout ce qui s’était accompli. Ensuite, il a fait jouer de nouveau le mécanisme du fauteuil infernal, et, me soulevant du siége, il m’a ordonné de sortir, renouvelant ses menaces si j’osais faire une révélation. Telle est la douloureuse histoire dont tu m’as arraché l’aveu. Hélas ! que me reste-t-il à faire pour conjurer les malheurs que je prévois. La vengeance de cet homme est à redouter, et je frémis en songeant que je suis absolument en son pouvoir. La supérieure de la communauté est à son entière dévotion, elle obéira s’il lui commande de me faire renfermer dans une de ces terribles cellules souterraines destinées aux religieuses coupables. Malheur sur moi ! je suis perdue si tu ne viens à mon secours. Mais que faire, mon Dieu ! pour me soustraire au sort que je redoute ?

Sœur Rose. Ayons prudence et patience, chère belle ; j’ai déjà songé, en t’écoutant, à un moyen pour te soustraire à la lubricité de ce prêtre ; il est d’une exécution facile, c’est la fuite ; nous quitterons ensemble ce couvent odieux. Mais, d’abord, laisse-moi te dire que j’ai été également sollicitée, pressée par notre aumônier pour venir le trouver dans son oratoire, après des interrogations les plus étranges dans le confessionnal. Seulement, plus avisée que toi, ma chère Marguerite, j’avais deviné le piége. Du reste, j’avais été mise en éveil contre cet homme, par des demi-confidences de la sœur Augustine, celle qu’on nomme sa favorite. Il l’avait chargée de me préparer à écouter ses propositions ; j’avais feint alors de ne pas comprendre ce qu’on voulait de moi, mais je me gardai bien de me rendre à son oratoire.

Sœur Marguerite. Maintenant, je comprends tout…… trop tard pour mon malheur…… ce couvent est le sérail de l’aumônier……

Ici prend fin le dialogue. Les deux amies parvinrent à franchir les grilles du couvent le même soir de ce jour où s’était accompli le viol de sœur Marguerite par l’aumônier. Celui-ci est encore resté plusieurs années dans ses fonctions, ensuite il a été promu à un siége épiscopal ; aujourd’hui il est cardinal et archevêque. Satyre mitré et crossé.



Catéchisme à l’usage des Jésuites



« En établissant des maximes de morale douces, flexibles, commodes, complaisantes aux passions, aux vices, aux péchés, le plus grand nombre des hommes et des femmes de tous les rangs, de toutes les catégories de la société, nous choisiront pour confesseurs, nous livreront la direction de leur conscience…… Or, diriger les âmes des créatures, c’est s’assurer l’empire du monde…… ad majorem Dei gloriam ! pour la plus grande gloire de Dieu ! et au profit de la compagnie de Jésus. »

Telle est la doctrine enseignée par Ignace de Loyola, fondateur de l’ordre.

En voici l’application :

Un pénitent engagé dans les ordres sacrés, curé, moine, chanoine ou évêque, se présente au confessionnal des Jésuites. Mon père, je m’accuse d’avoir quitté l’habit ecclésiastique et de m’être vêtu en laïque, bien que je connaisse la défense de mes supérieurs et les saints canons de l’Église qui interdisent, sous peine d’excommunication, de quitter l’habit religieux, ne fût-ce que pour un instant.

Le confesseur jésuite. Mon fils, distinguons : si vous avez quitté le vêtement ecclésiastique, afin de ne pas le souiller par une action honteuse, telle que d’aller filouter dans une maison de jeu, de courir les caboulots, ou pour faire une partie de débauches avec des filles publiques, vous avez obéi à un sentiment de vergogne, fort respectable, et vous n’avez pas encouru pour ce fait l’excommunication.

Un député, ami de la religion, de la famille et de la propriété, s’approche à son tour du tribunal de la pénitence. Mon père, je m’accuse d’avoir désiré la mort de ma mère et celle de mon père, afin de me trouver libéré d’une pension viagère que je leur paie en retour des biens qu’ils m’ont abandonnés, et pour entrer en possession de leurs autres richesses.

Le confesseur. Mon fils, un propriétaire peut, sans péché, désirer la mort de ceux qui ont à prélever une pension sur les revenus de ses domaines ; en cela, ce n’est pas la mort de ses créanciers qu’il souhaite, mais la libération de sa dette. Quant à la pensée parricide dont vous vous accusez, ce serait un véritable péché mortel si vous aviez eu en vue la mort de vos parents par malice ou méchanceté ; mais comme elle résulte simplement d’une impatience naturelle de vous trouver en possession de leur héritage, vous n’avez pas même péché véniellement.

Un grave magistrat se présente au sacré guichet. Mon père, je m’accuse d’hypocrisie ; je suis un homme de robe, attaché au tribunal de cette ville ; je ne crois à rien en fait de religion, ni à Dieu ni à diable, ni à la vierge Marie ni aux saints, ni à l’ancien ni au nouveau Testament ; cependant je pratique, je vais à la messe et aux vêpres, je me confesse et je communie fort régulièrement aux grandes fêtes de l’année. En me posant en parfait chrétien, en affichant des sentiments, des croyances qui ne sont pas dans mon cœur, je compte attirer la considération des autres hommes sur moi et préparer les voies à mon élévation.

Le confesseur. Mon fils, l’hypocrisie est un hommage rendu à la vertu, l’hypocrisie n’est donc pas chose mauvaise en soi, mais elle peut être répréhensible suivant l’usage qu’on en fait et le but qu’on se propose. Or, pour le cas actuel que je suis appelé à juger, je déclare qu’il rentre tout à fait dans une heureuse application. En effet, votre hypocrisie sert la religion, en même temps que votre intérêt personnel. Vous seriez réellement coupable si, mettant à découvert votre incrédulité et le mépris que vous faites de nos saints mystères, vous cherchiez à établir votre réputation et à fonder votre influence sur les esprits par l’étalage de vos opinions hostiles à la religion. Comme vous agissez autrement, je ne puis blâmer votre hypocrisie ; bien plus, je dois vous encourager à y persévérer, et je crois pouvoir vous affirmer que Dieu vous tiendra compte du bien qui en résulte pour la sainte cause et contribuera à réaliser les rêves de votre ambition.

Un grand laquais, en livrée, s’avance humblement, s’agenouille, et commence sa confession. Mon père, je suis valet de grande maison, je m’accuse de deux gros péchés : j’ai servi d’entremetteur à mon maître dans ses amours, et, à plusieurs reprises, j’ai commis des larcins en argent, en bijoux, et en toute sorte d’objets.

Le confesseur. Mon fils, en aidant votre maître dans ses intrigues, en portant ses lettres à des maîtresses, en faisant le guet à leur porte pour veiller à ce qu’il ne soit pas surpris par un mari ou un père ou un frère ou un autre galant, vous n’avez fait qu’obéir à la volonté d’un autre ; vous n’avez pas péché. Quant aux vols dont vous vous accusez, il convient d’examiner s’ils n’ont pas eu pour conséquence la réparation du préjudice que vous aurait causé votre maître, en vous attribuant des gages trop minimes que vous avez été contraint d’accepter ; dans ce cas, les larcins étaient licites et il n’y a pas lieu de vous en blâmer.

Un autre pénitent remplace le laquais au confessionnal ; c’est un solide gaillard, d’une tenue irréprochable, à bottes vernies, à moustaches en crocs et cirées, un chevalier de la légion d’honneur. Mon père, je suis homme de lettres et, de plus, spadassin, duelliste ; on me nomme le roi des drôles ; d’aucuns s’imaginent qu’ils m’outragent en m’appelant « le drôle des rois » parce que je me bats en duel pour ceux qui me paient, roi constitutionnel ou empereur absolu. Je m’accuse d’avoir couché sur le terrain plusieurs de mes adversaires, les uns tués, les autres fort éclopés.

Le confesseur. Mon fils, si vous avez cédé, en vous battant, non pas à une pensée homicide, mais au besoin légitime de venger l’honneur de ceux qui vous payaient ou pour soutenir votre honneur personnel, vous n’avez pas péché, ou, tout au plus, auriez-vous péché véniellement.

Un vieux diplomate au tribunal de la pénitence. Mon père, je m’accuse d’avoir fait tuer traitreusement plusieurs de mes ennemis, n’osant pas les attaquer en face ; j’ai été homicide et lâche.

Le confesseur. Mon fils, distinguons : si vous avez fait commettre des homicides non en vue du meurtre, mais pour vous débarrasser de vos ennemis et pour échapper au danger qu’ils vous auraient fait courir, vous n’avez pas péché, car — dans ce cas — il est licite de faire tuer ou de tuer ses ennemis en guet-apens ou autrement.

Un juge succède au diplomate dans le confessionnal. Mon père, je suis un misérable pécheur, un juge prévaricateur ; j’ai vendu la justice, j’ai accepté une grosse somme d’argent pour rendre un arrêt en faveur d’un homme riche qui avait intenté un procès injuste à une honnête famille.

Le confesseur. Mon fils, la sentence que vous avez rendue avait pour objet le lucre qu’elle devait vous procurer et non point l’iniquité ; s’il y a péché, il est véniel et je vous en absous.

Un banquier, usurier, maltôtier, un de ces manieurs d’argent qu’on appelle « sangsues publiques. » Mon père, je m’accuse d’avoir prêté, maintes fois, des sommes d’argent à de gros intérêts, et d’avoir ainsi contribué à la ruine de beaucoup de gens.

Le confesseur. Mon fils, les textes des livres saints corroborés par les Pères de l’Église interdisent le prêt à usure. Mais ils ne défendent pas aux riches d’acheter à bas prix les héritages des familles, les terres, les maisons, les denrées, les marchandises des gens qui se trouvent dans la gêne, ni de les revendre avec un honnête profit, au prix le plus élevé possible, ni de louer avantageusement les immeubles. Ils ne considèrent pas comme péché le bénéfice résultant d’un commerce ni le don accordé par le prêteur à la personne qui lui a rendu service. Donc, si quelqu’un vous demande une somme à titre de prêt, répondez que vous n’avez pas d’argent à prêter, mais à placer à bénéfice en quelque marchandise que ce soit ; qu’en conséquence, si on veut vous garantir le remboursement de la somme et en plus un bénéfice certain, vous consentirez à confier votre argent. » Vous serez alors en repos avec votre conscience, car vous n’aurez point fait, à proprement parler, un prêt, mais une opération mercantile. Enfin, si — à vos yeux — l’intérêt que vous avez perçu pour de véritables prêts, quelqu’élevé qu’il soit, a été une marque de gratitude de la part de l’emprunteur, il n’y a pas eu péché.

Un négociant banqueroutier et millionnaire. Mon père, je m’accuse d’avoir conservé de grosses sommes soustraites à mes créanciers, dans les différentes faillites que j’ai faites, et d’avoir édifié ma fortune sur le bien d’autrui.

Le confesseur. Mon fils, il y aurait péché si vous aviez agi ainsi par cupidité, mais si vous avez voulu simplement conserver à vous et à votre famille une certaine aisance et même le luxe auquel vous étiez habitué, il n’y a pas même à vous adresser un blâme.

Une femme, dite du monde, pénètre dans l’armoire à secrets. Mon père, je m’accuse d’être tombée un grand nombre de fois dans le péché d’adultère, et d’avoir spéculé sur l’amour des hommes. La fortune que je possède aujourd’hui provient presqu’uniquement des générosités de mes amants. Puis-je conserver les richesses acquises dans le péché en toute sûreté de conscience ?

Le confesseur. Les biens que vous possédez et qui ont été le prix de la prostitution et de l’adultère ont une source illégitime, mais aucune loi divine ou humaine n’en contrarie la possession ; vous pouvez donc conserver et user de vos richesses sans péché ni trouble de conscience.

Un ancien ministre de la monarchie, concussionnaire, voleur, prévaricateur. Mon père, je m’accuse d’avoir puisé dans les caisses de l’État dont j’étais constitué le gardien et d’y avoir pris des sommes considérables.

Le confesseur. Mon fils, c’est un grave péché que le vol, à moins qu’on n’y soit amené par une extrême nécessité, ou pour des motifs importants, par exemple, pour aider à l’établissement de ses enfants, au mariage de ses filles, ou même pour maintenir une grande position dans le monde. Suivant ces différents cas, le péché perd de sa gravité et devient excusable.

Un propriétaire immensément riche et aussi égoïste que riche. Mon père, je ne pratique point la charité, je ne donne rien aux pauvres ; tous mes revenus servent à mes jouissances personnelles, sont employés à soutenir mon luxe qui est devenu un besoin pour moi et dont je ne saurais rien retrancher.

Le confesseur. Mon fils, la charité est un devoir chrétien ; cependant, si le superflu et le luxe vous sont devenus nécessaires, vous n’êtes point tenu à vous priver d’aucune des choses que vous regardez comme indispensables au bonheur de votre existence, et vous ne péchez pas contre la charité en ne donnant rien aux infortunés.

Un dignitaire de la Cour du souverain d’un état monarchique. Mon père, je m’accuse d’homicide ; j’ai versé jour par jour quelques gouttes d’un breuvage empoisonné à différents membres de ma famille ; j’ai tué de cette manière ceux dont je convoitais l’héritage. Actuellement, cédant au poids des remords, je viens vous demander si je ne devrais pas faire l’abandon des biens obtenus par le crime.

Le confesseur. Mon fils, la possession de richesses acquises par voies honteuses, criminelles, est absolument légitime, et l’assassin n’est point tenu à faire l’abandon de la fortune dont il a hérité après la mort de ses proches qu’il a provoquée ou avancée.

Un préfet à tous crins et à poigne, de ceux qu’on nomme conservateurs. Mon père, je m’accuse d’avoir prêté et trahi plusieurs serments aux gouvernements qui se sont succédé dans mon pays.

Le confesseur. Mon fils, distinguons : lorsque vous avez prêté les serments, vous avez probablement, certainement, fait une restriction mentale. Par exemple, en jurant fidélité à l’Empire, vous avez dit, à part vous — je promets de servir fidèlement le souverain, tant qu’il sera en possession du trône ; — en acceptant des fonctions sous la République, vous avez pris l’engagement de soutenir le gouvernement républicain — aussi longtemps que cela vous conviendrait, ou pour tout le temps que la République serait plus forte que les autres partis. — Vous avez donc pu vous lier par des promesses, par des serments, à la monarchie, à la République, à l’empire et passer d’un camp à l’autre sans commettre de péché.

Un notaire président d’une confrérie religieuse. Mon père, je suis dépositaire de valeurs importantes dont la restitution m’est aujourd’hui réclamée ; ma conscience me conseille de rendre le dépôt, mon intérêt me commande de le garder, et on m’a déféré le serment. Or, le parjure est réprouvé dans notre sainte religion, et je me trouve fort embarrassé pour prendre un parti qui concilie mes scrupules et mon intérêt privé. Je vous soumets le cas de conscience.

Le confesseur. La difficulté n’est pas aussi grande que vous le supposez, mon fils, et vous pouvez affirmer par serment que vous n’avez pas reçu le dépôt, sans commettre de parjure. Vous direz tout haut, devant le tribunal, en levant la main droite : Je jure devant Dieu et devant les hommes que je n’ai reçu aucun dépôt des mains de mon client…… Et vous ajouterez, par restriction mentale…… la veille du jour où il est venu m’apporter les valeurs. Peut-être, mon fils, aviez-vous promis aussi par serment de restituer le dépôt dès qu’il vous serait demandé ? Mais, probablement, certainement, avec cette restriction mentale…… si je ne puis m’en dispenser, ou si je n’ai pas changé de résolution à l’égard de cette promesse de restitution.

Il n’y a, dans votre cas, ni simple ni double parjure ; vous pouvez adopter le parti qui vous semblera le meilleur pour sauvegarder vos intérêts privés. Allez en paix ; continuez à servir notre sainte religion.

Une jeune femme à la mode, à corsage échancré jusqu’au dessous des seins, entre délibérément dans l’antre du Jésuite. Mon père, je m’accuse d’avoir contrevenu au VIme et au IXme commandement :


Luxurieux point ne seras de corps ni de…
L’œuvre de chair ne désireras qu’en mariage


J’avoue avoir pris des amants par caprice, par intérêt, par vanité ; mes intrigues, mes aventures galantes ont eu un tel retentissement qu’on m’a donné le surnom de Bride-abattue. Mes parents s’en montrent fort attristés et courroucés. Suis-je tenue, de par les préceptes religieux, à changer de conduite et à réfréner la fougue de mes passions ?

Le confesseur. Ma chère fille, une personne de votre âge et de votre tournure est fort excusable de tomber dans le péché d’impureté ; néanmoins j’ai besoin d’examiner votre cas plus minutieusement, j’y penserai aujourd’hui, et ce soir…… entre chien et loup… vous viendrez me trouver dans la sacristie, au confessionnal particulièrement secret où je vous attendrai…… pour vous donner des conseils et…… si vous vous montrez docile…… pour vous initier aux joies du Paradis.

Une vieille comtesse. Mon père, je suis joueuse forcenée, et, afin de satisfaire ma passion pour le jeu, je vole mon mari ; je m’en accuse humblement.

Le confesseur. Tout doit être commun entre mari et femme ; vous n’avez pas péché en puisant dans la bourse de votre mari, à son insu.

Une duchesse, femme d’un maréchal de France, très lubrique et fervente catholique. Mon père, j’aime la parure, les fêtes, les soupers où l’on sable le vin de champagne, les bals où se nouent les intrigues ; j’ai des amants…… mais j’ai des aveux plus pénibles à vous faire…… Je m’accuse d’avoir contrevenu aux prescriptions de la décence, d’avoir manqué gravement à la chasteté avec des amies intimes…… J’ai des maîtresses comme j’ai des amants…… Entre femmes nous échangeons des baisers lascifs et des caresses passionnées……

Le confesseur. La sincérité de vos aveux est déjà un acte méritoire devant Dieu, ma chère fille ; mais il faut rendre votre confession complète pour qu’elle soit parfaite ; vous devez me narrer dans les plus petits détails tout ce qui s’accomplit entre vous et vos belles amies, me dire en quelles parties du corps se donnent et se reçoivent les baisers, s’échangent les caresses passionnées… où ? comment ? combien de fois ? Le médecin de l’âme ne doit rien ignorer. Bien plus, ma chère fille, vous devez me mettre à même de juger de visu, c’est-à-dire moi présent, de ce qui se passe entre ces pécheresses, pour mon édification particulière, afin qu’ayant vu et étudié le mal, il me soit plus facile d’y appliquer le remède qui convient……… ad majorem Dei gloriam ! pour la plus grande gloire de Dieu !

La pénitente. Votre désir sera satisfait, mon père ; dimanche prochain, vous pouvez vous présenter à mon hôtel, le soir, sous vos habits laïques ; une camériste vous introduira dans ma chambre à coucher ; vous vous tiendrez caché derrière les rideaux de mousseline et……… vous verrez tout ce que vous souhaitez d’apprendre…… pour votre sanctification et la plus grande gloire de Dieu……, comme vous le dites, mon père. La camériste, ma confidente, fille discrète, qui connaît ces choses, restera à vos côtés pour vous renseigner à voix basse sur tout ce qu’il vous conviendra de lui demander ; elle est jeune et jolie et se tiendra prête à vous servir…… en tout ce qu’il vous plaira lui commander.

Le confesseur. J’adhère à ces arrangements : à dimanche donc, ma chère fille ; je viendrai à votre hôtel après avoir assisté à nos saints offices du soir. Maintenant continuez votre confession sur les péchés mignons commis entre femmes ; vous devez tout me raconter, vous devez entrer dans les moindres détails ; je vous répéterai ce que je vous ai déjà dit, que le médecin de l’âme doit être tenu au courant des plus petites particularités qui touchent à cette délicate matière……

Après d’assez longues explications où se croisent les demandes et les réponses, le Jésuite singulièrement ému, les yeux émérillonnés, continue de donner ses conseils……… Ma chère fille, tous les goûts sont dans la nature ; plusieurs de nos rois pratiquaient la sodomie ; des papes, des cardinaux du temps passé avaient des favoris, des mignons ; de grands dignitaires de l’Église aujourd’hui même suivent les exemples de leurs devanciers ; les uns et les autres n’en sont pas moins honorés comme de pieux personnages. La reine de France, Marie-Antoinette, était tribade, elle avait ses favorites, ses mignonnes ; nous en avons fait presqu’une sainte. Vous êtes tout à fait excusable d’aimer les fêtes, les bals, les soupers fins ; vos intrigues avec des amants, vos liaisons amoureuses avec d’autres femmes sont les indices d’un tempérament ardent ; c’est la passion qui préside à tous ces actes et non l’intention de faire le mal. Où il n’y a pas intention mauvaise, le péché n’existe pas ou, tout au plus, existe-t-il à l’état véniel. Du reste, nous savons que Dieu tient en réserve des trésors de clémence et de miséricorde pour ceux et celles qui le servent ; il a permis à Loth d’engrosser ses deux filles, comme nous l’enseigne la Bible ; il a béni le mariage incestueux d’Abraham et de Sara qui était sa nièce ; il a comblé de gloire le grand roi Salomon qui avait mille odalisques dans son harem ; je puis donc vous donner l’absolution de vos péchés. Demain, ma chère fille, vous viendrez recevoir la sainte communion à notre chapelle.

Un général, un soudard de l’Empire. Mon père, je m’accuse d’avoir suborné la femme de mon meilleur ami et de l’avoir engrossée. Fornication et trahison ; adultère avec circonstance aggravante.

Le confesseur. Il ne faut pas envisager le cas sous cet aspect fâcheux, mon cher fils. Si vous avez trahi l’amitié et suborné la femme, parce qu’elle était l’épouse de votre ami, il y a péché, mais si vous en avez fait votre maîtresse, comme vous eussiez fait de toute autre, parce que la personne vous agréait, il n’y a pas outrage à l’amitié, le cas de trahison est écarté ; il n’y a eu que le désir bien naturel de posséder une femme charmante, désir auquel vous avez cédé. Péché véniel, légèrement véniel. Quant au fait d’avoir engrossé la dame, c’est là une circonstance atténuante, bien loin d’être aggravante, comme vous le supposiez à tort. Monseigneur Bouvier, dans le Manuel des confesseurs, déclare que c’est un très gros péché que l’éjaculation hors du vase naturel de la femme, dans la conjonction entre deux personnes de sexe différent. L’introduction d’un enfant étranger dans la famille de votre ami ne change pas la nature de l’acte dont vous vous accusez ; l’éjaculation aboutit naturellement à l’accouchement. Dieu vous déliera dans le ciel comme je vous délie sur la terre. Amen !

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Les Jésuites absolvent donc tout ce que la morale humaine et les Pères de l’Église condamnent ; ils érigent en principe une complaisance abominable pour les vices, les turpitudes, les infamies, les crimes des hommes et des femmes qui accourent à leur confessionnal. Leur but, en agissant ainsi, est de s’assurer la domination sur les âmes et sur les corps, de s’emparer de l’éducation des enfants, de la direction des parents, de pétrir les générations à leur gré. Ils prennent les hommes au berceau et les conduisent jusqu’à la tombe, en demeurant toujours maîtres de leurs actions ; ils les façonnent à leur guise, les transforment en automates obéissants, ils en font des instruments, des esclaves. L’homme doit être dans les mains des Jésuites — perinde ac cadaver — comme un cadavre !

Quiconque, laïque ou ecclésiastique, pauvre ou riche, femme ou homme, grand ou petit, abandonnera aveuglément son âme à la direction de la compagnie de Jésus, sera toujours et partout, contre qui ou contre quoique ce soit, soutenu, protégé, favorisé, défendu, innocenté par la Compagnie et ses adhérents. Les pénitents et les pénitentes d’un Jésuite verront s’ouvrir devant eux des horizons splendides ; le chemin des honneurs, des richesses s’aplanira sous leurs pas ; un manteau tutélaire couvrira leurs fautes, leurs égarements, leurs crimes. Les ennemis des fidèles deviendront ceux de la Compagnie ; elle les poursuivra comme les siens propres, les traquera jusqu’à ce qu’elle ait pu les atteindre, les frappera dans leur fortune, dans leur réputation, dans leurs affections, par tous les moyens licites et illicites. Les pénitents d’un Jésuite pourront prétendre à tout, et ce sera quelque chose d’effrayant que d’avoir encouru leur ressentiment.

Voilà quelles sont les règles de la Compagnie de Jésus, dans la confession, voilà quels sont les principes qui attirent aux enfants d’Ignace de Loyola une si grande affluence de pénitents de l’un et de l’autre sexe, et leur procurent d’immenses richesses.

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Pour leur usage personnel, les bons pères ont aussi leur morale et leur pratique, l’une et l’autre extrêmement relâchée ; mais il leur est recommandé de couvrir leurs fautes et d’user de grands ménagements. La Société punit ses membres, non pour des infractions à la règle, si graves qu’elles soient, mais pour le scandale qu’elles ont occasionné, si un Jésuite s’est laissé surprendre au moment où il commettait l’adultère ou accomplissait quelque péché de luxure avec filles ou garçonnets.

En 1872, le jésuite Dufour, supérieur de la maison professe de Rochefort, est trouvé en conversation criminelle dans un wagon de chemin de fer, en compartiment réservé de première classe, avec une de ses pénitentes, la vicomtesse de B***, âgée de 23 ans. Le gros père tenait la pécheresse entre ses genoux, fortement serrée contre sa poitrine. Les jambes de la jeune femme étaient à découvert, l’une de ci l’autre de là, les deux enfourchures du Jésuite et de la pénitente se joignant…… soutane et robe retroussées…… visage contre visage…… pour entendre de plus près les aveux de ses faiblesses……

C’est du moins l’explication que donna le Jésuite aux juges du tribunal de police correctionnelle où il fut traduit ensuite d’un procès-verbal rédigé par le chef de train qui avait surpris le groupe. L’affaire eut un grand retentissement ; le père Dufour perdit son titre de provincial et fut expulsé de la Compagnie de Jésus.

On peut affirmer, en toute sûreté de conscience, que tous les membres de la société, et non pas un, ne suivent ni le VIe ni le IXe commandement ; femmes, filles et garçonnets pourraient en rendre témoignage ; mais les Jésuites sont rusés, habiles, et leur inimitié est à craindre ; ils se laissent rarement surprendre ; même quand ils sont découverts en grave péché, les témoins n’osent pas dénoncer les coupables ; s’ils sont dénoncés, les magistrats refusent souvent d’instruire ; si la cause a été instruite, les juges ne veulent pas condamner. La robe du Jésuite couvre tous les crimes, rend celui qui la porte inviolable et sacré.

Le tribunal de police correctionnelle de Rochefort a absous le jésuite Dufour ; les juges ont décidé que le délit d’outrage public aux mœurs devait être écarté, attendu qu’un wagon de chemin de fer réservé devait être assimilé à un lieu privé. Par contre, le chef de train, si délicat à l’endroit des mœurs, si peu respectueux pour la Compagnie de Jésus, qui avait eu l’audace de verbaliser contre un de ses membres, a été révoqué de ses fonctions, cassé aux gages par l’administration de la Compagnie du chemin de fer de l’Ouest.

Honte sur les juges qui ont acquitté le Jésuite ; honte sur les dévots administrateurs du chemin de fer qui ont eu l’indignité de punir un bon employé qui avait rempli son devoir en dressant le procès-verbal du fait immoral qui s’était produit sous ses yeux.

Appelons de tous nos vœux le jour où les peuples, mieux éclairés qu’ils ne le sont aujourd’hui sur les crimes des Jésuites, feront justice de ces hommes abominables, détruiront leurs repaires et ne laisseront pas pierre sur pierre de leurs maisons professes, de leurs chapelles, de leurs églises !



GUIDE DES ÂMES

Taxe de la Chancellerie romaine pour tous les péchés


Le confessionnal, foyer de corruption, centre d’intrigues amoureuses, de cabales politiques, est également un comptoir où se débattent les questions d’intérêt. Le curé ou le cureton, c’est-à-dire le chef d’une paroisse ou son vicaire qui confesse, ne néglige jamais les intérêts de l’Église et les siens propres ; l’argent est au fond de toutes les controverses qui s’agitent au tribunal de la pénitence entre le prêtre et son client. Suborner une femme, débaucher une jeune fille, cupidonner avec les garçonnets, commettre des actes de sodomie et de pédérastie, sont joyeusetés et passetemps pour les soutaniers et les frocards ; mais l’affaire principale, la grande question, c’est l’argent à faire passer de la maison des fidèles à la cure et à l’évêché ou dans le gouffre béant qu’on nomme le trésor de l’Église.

Pour se convaincre de la vérité de notre assertion, on n’a qu’à jeter un coup d’œil sur un livre qui a pour titre « Guide des âmes. » Cet opuscule porte en sous-titre : Taxe de la Chancellerie romaine pour tous les péchés. L’objet et le but du livret se trouvent suffisamment expliqués par les deux titres ; il s’agit de guider les âmes dans la voie du salut, en faisant connaître aux fidèles combien ils ont à payer pour chaque péché. Conséquence : faire affluer dans les caisses de l’Église la plus grosse part de richesses qu’il sera possible d’arracher à la bêtise humaine.

Nous relevons certains articles de ce livre curieux, ne pouvant le reproduire en entier. L’ouvrage a été fait à Rome ; il porte le sceau et les armes de la grande chancellerie, il est revêtu de l’approbation du cardinal président la consulte. Plusieurs conciles et synodes en ont recommandé la propagation dans tous les pays catholiques, et les papes ont ordonné aux chefs de diocèses d’en suivre les prescriptions.

L’absolution pour celui qui connaît charnellement sa mère, sa sœur, ou quelque autre personne ou alliée, ou sa commère de baptême ; elle est taxée à vingt livres tournois et cinq carlins.

L’absolution pour celui qui dépucelle une jeune fille ; elle est taxée à dix livres tournois, cinq ducats et six carlins.

L’absolution pour celui qui révèle la confession de quelque pénitent ; elle est taxée à sept livres tournois.

L’absolution pour celui qui a tué son père, sa mère, son frère, sa sœur, sa femme ou quelque parent ou allié, laïque ; elle est taxée à trente livres tournois et cinq carlins ; mais si le mort était ecclésiastique, l’homicide serait obligé, outre l’amende, de visiter les saints lieux.

L’absolution pour un acte de paillardise quelqu’il soit, commis par un clerc, fût-ce avec une religieuse dans le cloitre ou dehors, ou avec ses parentes ou alliées, ou avec sa fille spirituelle, sa filleule ou avec toute autre femme ; elle coûte trente-six livres tournois, trois ducats.

L’absolution pour un prêtre qui tient une concubine dans sa cure et qui l’a engrossée ; elle coûte vingt et une livre tournois, cinq ducats, six carlins.

L’absolution pour toute sorte de péchés de la chair commis par un laïque ; elle se donne au for de la conscience, pour six livres tournois, deux ducats.

L’absolution pour crime d’adultère, commis par un laïque donnée au for de la conscience, coûte quatre livres tournois, et s’il y a adultère et inceste, il faut payer par tête six livres tournois. Si, outre ces crimes, on demande l’absolution du péché contre nature ou de la bestialité, il faut payer quatre-vingt-dix livres tournois, douze ducats et six carlins ; mais si on demande seulement l’absolution du crime contre nature ou de la bestialité, il n’en coûtera que trente-six livres tournois et neuf ducats.

La femme qui aura pris un breuvage pour se faire avorter, ou le père qui le lui aura fait prendre, paiera quatre livres tournois, un ducat et huit carlins ; et si c’est un étranger qui ait donné le breuvage pour la faire avorter, il paiera quatre livres tournois, un ducat et cinq carlins.

Un père ou une mère ou quelque autre parent qui aura étouffé un enfant, paiera quatre livres tournois, un ducat, huit carlins et si le mari et la femme l’ont tué ensemble, ils paieront six livres tournois et deux ducats……

L’absolution d’un apostat et d’un vagabond qui veut revenir dans le giron de l’église coûte douze livres tournois, trois ducats et six carlins.

L’absolution et la réhabilitation de celui qui est coupable de sacrilége, de vol, d’incendie, de rapine, de parjure et de semblables péchés, crimes ou délits est taxée à trente-six livres tournois, deux ducats.

Comme complément de cette exploitation, la cour de Rome avait promulgué une bulle dite de Composition qui se vendait par l’entremise de moines et de prêtres ; les porteurs de bulles avaient dû préalablement verser au trésor pontifical une somme plus ou moins forte, suivant l’étendue et la richesse des contrées où ils devaient en faire le trafic. Eux-mêmes cédaient tout ou partie de leurs droits à d’autres ecclésiastiques ; les bulles étaient l’objet de spéculations honteuses de la part des frocards et des tonsurés. La vente s’en faisait en France, en Italie, en Espagne, en Allemagne, partout où se trouvaient des catholiques. La bulle de Composition permettait aux heureux cessionnaires de transiger avec les pécheurs sur le prix fixé dans le tarif ; les usuriers, les voleurs, les pires brigands pouvaient obtenir l’absolution et, par suite, l’impunité de leurs méfaits et de leurs crimes au rabais. Les moines prêcheurs et quêteurs préconisaient la bulle de Composition dans leurs sermons. Il nous a été permis de copier dans un vieux livre de l’époque, un de ces discours grotesques et cyniques, et nous en donnons l’exorde comme specimen de l’éloquence sacrée au XIIIe siècle.

« Venez à nous, tireurs de laine, gens de sac et de corde, drôles et scélérats ; nous avons pouvoir de vous rendre blancs comme colombes, innocents comme agneaux. N’est-il pas gracieux à nous de vous blanchir, de vous innocenter pour peu de chose ? Profitez de nos offres, accourez au saint tribunal de la pénitence ; vous n’aurez à nous donner que le dixième et même quelque chose de moins sur tout ce que vous avez soutiré aux autres, volé ou pillé. Ce que vous aurez donné à l’Église ne sera pas perdu pour vous ; Dieu vous fera retrouver ailleurs cent fois plus et vous protégera dans vos entreprises…… »

Plus tard, le progrès des lumières, le schisme de Luther et de Calvin durent obliger l’Église à renoncer au trafic des indulgences et de la taxe de la Chancellerie romaine, sous cette forme grossière ; mais si le Guide des âmes a été modifié, dans les termes, il n’en est pas moins demeuré au fond ce qu’il était au XIIIe siècle, la mine d’or qui fournit au clergé des richesses incalculables.

Le prêtre au confessionnal est comme la pieuvre dans son antre ; il attend la proie, il la happe, l’enveloppe, l’enserre dans ses membranes gluantes, suce tout son sang et la rejette cadavre inerte.

Le confesseur prend de toutes mains et spécule sur tout ce qui est du domaine sacré ; dons et offrandes, honoraires de messes, restitutions, sacrements, baptêmes, communions, mariages et enterrements, quêtes pour les vivants et pour les morts, pour le culte, pour le denier de Saint Pierre, captation d’héritages et le reste…… Les confesseurs s’attribuent presque toujours les restitutions que des pénitents repentants les chargent d’opérer, en réparation d’un dommage causé à une famille ou d’une soustraction demeurée secrète. C’est l’opinion exprimée par un ancien curé de Rome, Louis Desanctis. Dans un livre qu’il a écrit sur la confession, il dit que les restitutions faites par les prêtres sont rares et insignifiantes et qu’elles n’équivalent pas à la millième partie des sommes qui sont en réalité confiées aux confesseurs pour être remises aux victimes des larcins. » Le docte curé, qui est en grande considération dans le monde catholique, fait un autre aveu que nous relevons : « Il existe à Rome des prêtres — et nous pourrions les nommer — qui, entrés pauvres et misérables dans le sacerdoce, sont aujourd’hui très riches et habitent les palais de leurs pénitents décédés, tandis que les parents de ceux-ci, c’est-à-dire les héritiers légitimes, en sont réduits à vivre d’aumônes; d’autres gens se sont jetés dans le Tibre, par désespoir, ayant été frustrés dans leur espérance d’hériter de leurs proches. Tels sont les conséquences de la cupidité sacerdotale. Ce qui se passe à Rome existe un peu plus ou un peu moins dans tous les pays catholiques où la confession est en vigueur……

À Rome, les voleurs de profession qui, chaque année, sont condamnés aux galères ou à la prison, sont ceux qui se montrent le plus assidus au tribunal de la pénitence ; or il ne sort jamais de ce côté la moindre restitution, bien que l’on n’ignore pas que les objets volés soient cachés en quelqu’endroit. Ces gens-là se confessent néanmoins et sont admis à la communion. Voleurs et confesseurs partagent en frères les produits des larcins.

Il n’y a pas lieu, du reste, d’être étonné de ces agissements, puisqu’un pape, Pie VII, a accordé aux confesseurs qui exercent dans la maison pénitentiaire appelée « La maison du Pont rompu, » l’autorisation de donner l’absolution à leurs pénitents, en dehors de l’obligation de restitution. Un autre pontife, Léon X, dans la bulle Post quam ad apostolatus, permet d’absondre les ravisseurs du bien d’autrui, et même autorise les voleurs et les usuriers à retenir en toute sûreté de conscience les fruits de l’usure, des rapines et des vols, sous la condition qu’ils en abandonneront une partie à l’Église !……

Le chanoine Mouls, du diocèse de Bordeaux, n’est pas moins explicite que le savant curé Desanctis, sur la part du confessionnal pour l’enrichissement du clergé catholique. Voici en quels termes il s’exprime dans un de ses opuscules :

« Le confessionnal ! voilà le grand balancier pour battre monnaie ; voilà la poule aux œufs d’or ! Avez-vous commis des crimes ? Faites pénitence ; mais, surtout, rachetez vos péchés par des offrandes, des dons au curé.

» Un de vos proches, de vos amis est-il parti pour le monde des Esprits ? Le prêtre vous aborde d’un air béat, les yeux levés vers le ciel et vous dit : Cette chère âme expie peut-être, dans les flammes du purgatoire, ses fautes et ses faiblesses. Priez pour elle ; et surtout faites offrir pour elle le divin sacrifice. Ce qui signifie : payez des honoraires de messe ; payez grassement nos oraisons.

» S’agit-il d’un paroissien enrichi par des spéculations véreuses qui vient à tomber malade ? Le curé l’engage à faire construire, de ses deniers, un presbytère, un couvent, une chapelle ou une église. — « Il est encore temps, mon fils, dit-il au malade, d’assurer votre salut ; personne ne sait s’il trouvera grâce devant la miséricorde de Dieu ; faites-vous des amis dans le ciel en donnant à l’Église. Le salut de l’âme, c’est la grande affaire ; la famille doit passer après Dieu, faites la part des œuvres pies dans votre testament et n’oubliez pas votre curé. »

Le confessionnal est un gouffre béant ; Affer ! affer ! apporte, apporte, bon catholique, femme crédule, vieille fille dévote. »

Partout le sacerdoce a bu le sang et l’or.




LE
SCEAU DE LA CONFESSION



Le secret des confessions est-il bien gardé par les prêtres qui entendent les fidèles au tribunal de la pénitence ? Le sceau de la confession est-il inviolable ? Question grosse de scandales !

L’Église et ses docteurs se sont efforcés de rassurer le monde catholique au sujet de la discrétion absolue imposée à ses ministres pour les aveux faits en confession ; mais sur la matière, il y a des réserves, commandées pour le bien de la religion, pour le service du prince ; en outre il y a, dans la pratique, des infractions certaines, multiples, provenant de causes diverses, amenées par l’adresse de gouvernantes ou des maîtresses des curés, ou provoquées par l’ivresse dans les réunions joyeuses de prêtres, ou par des confidences soutirées adroitement par des amis du confesseur ayant intérêt à connaître les secrets d’une femme, ou même quand la cupidité et l’ambition du curé sont en jeu et qu’il attend un avancement ou un gros prix de la trahison. Tous ces cas se présentent journellement, et l’on peut dire en toute certitude qu’il n’y a presqu’aucun des prêtres qui confesse filles ou femmes qui ait su garder intact le sceau de la confession depuis qu’il exerce son ministère.

Différents théologiens et certains orateurs sacrés, désirant inspirer aux fidèles une confiance absolue dans le confesseur, affirment que les Conciles et le Vatican ont édicté les peines les plus sévères contre les prêtres qui briseraient le sceau de la confession. La tactique de ces docteurs s’explique naturellement ; il s’agit pour eux de maintenir cette institution, source de leurs richesses, de conserver cet instrument formidable de domination.

Au secret pénitentiel est attaché l’honneur des femmes, des filles, le repos des familles, la paix de la société et des États. Si les confessions peuvent être révélées, que de scandales, que de troubles, que de malheurs publics et privés !

Il y a peu de femmes, parmi celles qui affichent le plus de dévotion, parmi celles que le monde cite comme de hautes vertus, qui n’aient eu leurs jours de faiblesse, et qui n’aient à confesser leurs chutes. Il est essentiel de rassurer ces belles pénitentes, reines ou bourgeoises, impératrices, grandes dames ou grisettes ; c’est pour calmer leurs craintes que l’Église proclame solennellement le sceau de la confession, — obligatoire, inviolable, sacré. — Le moindre doute sur ce sujet délicat suffirait pour éloigner toutes les colombes du sacrement de la pénitence.

Les saints canons renferment donc des prescriptions spéciales contre les prêtres qui se rendraient coupables d’abus de confiance ; ils prononcent l’interdit, la révocation et la peine des galères perpétuelles. Mais ces menaces suspendues sur la tête des délinquants sont plus fictives que réelles, aucun code pénal n’édicte les galères perpétuelles pour des indiscrétions, et aucun gouvernement, même dans les pays catholiques, ne ratifierait les jugements prononcés par l’autorité diocésaine.

Les curés ne s’inquiètent nullement des saints canons pour le règlement de leur conduite en matière de confession ; les menaces inscrites dans les décrétales sont donc sans efficacité pour retenir les intempérances de leur langue, s’ils sont bavards et indiscrets.

Notre grand écrivain J. Michelet exprime une opinion tout à fait défavorable au clergé régulier et séculier sur la question du secret des confessions, notamment en ce qui concerne le Jésuite confesseur. « Le Jésuite n’est pas seulement confesseur, il est directeur et, comme tel, consulté sur tout : mais, comme tel il ne se croit nullement engagé au secret ; en sorte que vingt confesseurs, qui vivent ensemble, peuvent mettre en commun, examiner et combiner les milliers d’âmes qui leur sont ouvertes et qu’ils voient de part en part. Mariages, testaments, tous les actes de leurs pénitents et pénitentes peuvent être discutés, préparés dans ces conciliabules. »

Autre témoignage à produire, d’autant plus concluant qu’il émane d’un prêtre investi d’une dignité ecclésiastique, le chanoine Mouls, qui s’est trouvé en rapports, pendant vingt années ou plus d’exercice du sacerdoce, avec un grand nombre de prêtres, de moines, de chefs d’ordres et des plus hauts dignitaires de l’Église, vivant dans l’intimité des évêques, archevêques et cardinaux.

« Nous prêtres, nous savons de science certaine que souvent les membres du clergé, dans les réunions intimes, après les délices d’un festin, quand le nectar des Dieux a exalté les têtes et délié la langue, ne se font pas faute de porter atteinte indirectement et même directement et de toutes manières au secret du confessionnal.

« Les profanes sont écartés ; les convives peuvent parler en toute liberté. De grands éclats de rire accueillent les révélations que fait un des curés sur les confidences qu’il a reçues en confession de quelque dame connue de l’assistance. On glose et l’on commente les péchés mignons de la belle pénitente ; elle est bafouée et tournée en ridicule. La moquerie s’ajoute à l’indiscrétion. »

Lois de l’Église sur le sceau de la confession, pourriez-vous être respectées par des prêtres en goguette, lorsque des pontifes en font eux-mêmes mépris et commandent aux confesseurs de révéler les secrets du tribunal de la pénitence ?

Pie VII, Léon XII, Grégoire XVI, Pie IX, ont lancé des bulles enjoignant aux confesseurs l’ordre de révéler tout ce qu’ils apprendraient au confessionnal sur la Franc-maçonnerie et sur ses adeptes, sur les sociétés politiques et sur leurs membres, même sur les personnes qui seraient soupçonnées d’en faire partie.

De ces divers témoignages, de ces preuves authentiques, ne doit-on pas conclure que le sceau de la confession est un de ces mensonges sacrés destinés à tromper la foule crédule ?

Époux imprudents, femmes légères, inconsidérées, sachez bien qu’en continuant à fréquenter le tribunal de la pénitence, en envoyant vos enfants à confesse, vous mettez votre honneur, votre repos, celui de vos familles, à la merci d’un homme qui peut abuser et qui, probablement, abusera de la connaissance de vos secrets, ou qui, tout au moins, les fera servir aux amusements d’une société de curés ivres ou qui les livrera aux quolibets des courtisanes de l’Église à ses heures de débauche.

Si nos déclarations et nos affirmations ne suffisent pas pour convaincre les ferventes catholiques sur la divulgation certaine, permanente, par la plupart des confesseurs, des secrets qui leur sont confiés au tribunal de la pénitence, nous les engageons à soumettre leurs doutes au criterium du bon sens, de la logique.

Est-il vrai que les tribunaux français et étrangers enregistrent fréquemment des condamnations contre des curés convaincus d’outrages aux mœurs, de profanations, de sacrilége, d’adultères, de viols, pour attentats odieux commis sur de jeunes enfants, filles ou garçons, au confessionnal, dans l’église, dans les sacristies ou ailleurs ?

Est-il vrai que les tribunaux français et étrangers aient condamné à mort ou aux travaux forcés à perpétuité des curés pour avoir tué, étranglé ou coupé en morceaux des filles et des femmes, leurs pénitentes, dont ils avaient fait leurs maîtresses ; le curé Maingrat, le curé Contrafatto, l’abbé Delacolonge et tant d’autres ?

Est-il vrai que les évêques et les conseils diocésains interdisent presque journellement des curés convaincus d’entretenir des relations intimes avec des filles ou des femmes de leur paroisse ? Est-il vrai qu’ils interdisent a divinis, qu’ils enlèvent l’autorisation de confesser ou même de vêtir l’habit ecclésiastique à des prêtres ivrognes et libertins, objet de scandale pour les fidèles ?

Est-il vrai que ces condamnations et interdictions sont fréquentes et non pas rares ; qu’elles atteignent non quelques sujets, mais un nombre considérable de prêtres, à ce point que — dans la seule ville de Paris — on compte quatre mille prêtres interdits ou ayant jeté la soutane aux orties, et plus de deux mille moines défroqués ?

Est-il vrai que la statistique judiciaire ait constaté pour la France seulement et par année, pour la période écoulée depuis 1830 jusqu’à nos jours, douze cents condamnations infligées à des curés, ou à des Jésuites, ou à des frères de la doctrine chrétienne, pour viols, outrages aux mœurs, attentats à la pudeur commis sur de jeunes enfants, filles et garçons, confiés à leurs soins, ou sur des femmes et des filles, leurs pénitentes ?

Si toutes ces choses sont réelles, constatées, indéniables ; si toutes ces abominations ont eu lieu, si les preuves à l’appui ont été fournies ; si les décisions des évêques les confirment ; si tant de prêtres, de Jésuites, de moines, de religieux de toute robe ont encouru et mérité les flétrissures du pouvoir séculier et les censures de leurs supérieurs ecclésiastiques, que doit-on en conclure ?

Voici les réponses que fournit une logique inflexible à de telles questions :

Les prêtres qui se sont rendus coupables de si grands crimes ou dont la conduite a mérité de tels châtiments n’ont pas plus respecté le sceau de la confession qu’ils n’ont gardé la continence, qu’ils n’ont suivi le précepte de sobriété. Le curé ou le moine qui abuse d’une fille ou d’une femme dans l’église ne s’arrêtera pas devant la violation du sceau pénitentiel. Le prêtre qui s’enivre en société avec d’autres ecclésiastiques n’a pas plus de mesure dans ses paroles que dans ses actes, il dévoilera les secrets de ses pénitentes. In vino veritas ; la vérité dans le vin ; c’est pour les confesseurs ivrognes que le proverbe a été fait.

Poursuivons le raisonnement et voyons ce qui doit se produire dans la pratique, eu égard à l’état actuel de démoralisation du clergé.

On doit étendre la probabilité de la violation du sceau pénitentiel à tous les prêtres condamnés par la justice séculière, à ceux qui sont frappés par l’autorité ecclésiastique, et à ceux qui — ayant pu échapper aux condamnations et à l’interdit — s’écartent de la loi de continence. Or, ceux-là sont dans une proportion telle que le pape Pie IX a dû déclarer que, dans le clergé romain, un seul prêtre sur cent gardait le vœu de célibat. Les clergés des autres pays ne sont ni plus saints ni plus fidèles observateurs de la loi de l’Église que le clergé de Rome ; et nous pouvons affirmer qu’en France, en Espagne, en Belgique et ailleurs, d’après le pontife, il n’y a pas un prêtre sur cent qui s’abstienne de l’œuvre de chair et qui garde le sceau de la confession.




LES DRAMES DU CONFESSIONNAL
LA SIGNORA VIRGINIE DE LEYVA


Quel drame que l’histoire de la signora Virginie de Leyva qui date du commencement du XVIIe siècle ! Rien de plus émouvant, de plus terrible, de plus pathétique que le récit relevé dans les pièces authentiques que nous allons reproduire textuellement, même avec leurs imperfections de style. C’est le comte Tullius Dandolo qui a découvert le manuscrit original de ce procès curieux, qui l’a publié à la fois dans son texte latin et en italien.

Philalète Chasles, membre de l’institut, à Paris, s’est emparé de ce dramatique récit et en a fait une étude littéraire sous ce titre : Virginie de Leyva, ou l’intérieur d’un couvent de femmes en Italie au commencement du dix-septième siècle, d’après les documents originaux.

Un autre écrivain, A. Renzi, a publié le procès de la signora Virginie de Leyva en entier, dans le courant de l’année 1862, en y joignant le texte du procès-verbal relatif à la découverte du document original.

Voici le résumé de cette affaire, tel qu’il fut envoyé à Rome, en 1609, par le Vicaire Général de l’archevêché de Milan :

Enquête succincte de tout ce qui est arrivé dans les causes de Jean-Paul Osio de Monza et des sœurs Virginie-Marie, Octavie, Benoite, Candide et Silvie, religieuses-professes, dans le monastère de Sainte-Marguerite de Monza, de l’ordre de Saint-Benoit, humiliées.

« Il y a douze ans ou onze, Jean-Paul Osio, de son jardin contigu au monastère de Sainte-Marguerite de Monza, commença de remarquer sœur Virginie-Marie. Elle se laissait voir souvent, et regardait Osio d’une fenêtre du monastère qui donnait sur le jardin. Les sœurs Octavie et Benoite étaient instruites de ce manége.

« Osio et Virginie s’écrivirent ensuite des lettres d’amour et s’envoyèrent des cadeaux ; ils en vinrent à se parler la nuit dans le parloir, elle étant dedans et lui dehors, avec l’assistance et la garde des religieuses Octavie et Benoite.

« Quelque temps après, les trois religieuses, Virginie, Octavie et Benoite, introduisirent Osio dans le jardin du couvent avec de fausses clés, par la porte intérieure du monastère ; il y fit tomber en péché Virginie plusieurs fois. Plus tard les religieuses attirèrent Osio dans l’intérieur même de la sainte maison pour y passer la nuit avec la sœur Virginie deux et trois fois par semaine, tantôt plus, tantôt moins, suivant ses caprices.

« Cette vilaine pratique durait depuis environ trois ans lorsqu’on fit entrer dans ce monastère les sœurs Candide Brancolini et Silvie Casati, lesquelles, ayant été instruites de toute chose, vinrent en aide aux autres pour introduire Osio dans le monastère, afin qu’il se trouvât avec Virginie qui, pendant ce temps, devint enceinte plusieurs fois, fit des fausses couches et mit au monde une fille, qui vit présentement, étant âgée d’environ cinq ans.

« Mais cette intrigue ne put rester entièrement secrète ; une certaine Catherine de Meda, qui n’était pas encore professe dans le monastère, en conçut de forts soupçons. Catherine, indignée de la conduite des autres religieuses, leur déclara qu’elle était décidée à tout révéler à Monseigneur le Vicaire Général, qui, à cette époque, devait se rendre dans ledit monastère à cause de ses fonctions. Aussi toutes les religieuses sus-nommées, sachant parfaitement tout ce que Catherine pouvait dire et raconter sur elles au Vicaire, tinrent conseil toutes ensemble, firent une sorte de convention, et décidèrent de tuer Catherine, et pour mettre à effet leur très mauvaise détermination, elles firent entrer, la nuit qui précéda la fête de Saint-Nazaire de l’année 1606, dans le monastère, Osio, auquel elles racontèrent le tout. Ils allèrent tous ensemble dans la chambre où était enfermée Catherine, à cause de quelques légèretés, par ordre de la mère abbesse. Osio entra par la fenêtre, les religieuses en firent autant, et pendant qu’elles adressaient quelques mots à Catherine, qui était couchée sur une paillasse, Osio la frappa sur la tête de trois coups avec un pied de tabouret, doublé d’une lame de fer. Lorsqu’elle fut morte, ils la cachèrent dans le poulailler du monastère, et ils firent un trou dans le mur, pour laisser croire qu’elle s’était sauvée par là. La nuit suivante, Osio étant entré de nouveau dans le monastère, lui et les religieuses sus-nommées mirent le cadavre dans un sac et le portèrent dans la maison du même Osio, où ils l’ensevelirent.

« Dans le mois de décembre 1607, pour les raisons susdites, d’ordre de Rome, Virginie fut transportée dans un monastère de Milan ; les officiers du tribunal criminel de l’archevêché prirent des informations sur tous ces méfaits et crimes énormes. Les sœurs Benoîte et Octavie craignant, si leur complicité était découverte, d’être châtiées sévèrement, rompirent pendant la nuit avant la fête de Saint-André, de la même année 1607, le mur du jardin, avec l’aide de Osio, et prirent la fuite. Octavie, à peu de distance de Monza, fut jetée par Osio dans la rivière Lambro ; elle reçut quatorze blessures sur la tête, et quelques-unes sur les mains. Le matin suivant, elle fut trouvée vivante, en très-manvais état, sur le bord de la rivière. Sœur Benoite continua son voyage avec Osio, lequel, la nuit suivante, la jeta dans un puits profond de trente-deux brasses, mais sec, à six milles de Monza ; dans sa chute, elle se brisa une cuisse et deux côtes. Après avoir demeuré dans le puits deux jours et deux nuits, elle en fut retirée vivante. Elle a été interrogée comme les autres religieuses susdites . Elles ont avoué librement, et sans avoir besoin d’être mises à la question, tous les susdits crimes et excès, pour lesquels Osio a été condamné, par le Sénat, à la peine de mort, à être tenaillé, à avoir la main droite coupée et à la confiscation de tous ses biens. On a fait raser sa maison a fundamentis, et l’emplacement a été converti en place publique, sur laquelle on a fait ériger une colonne en marbre, avec une inscription infamante.

« Et à cause de ces crimes atroces, les susdites religieuses, excepté Octavie, qui mourut le jour de Saint-Etienne suivant, furent enfermées provisoirement dans quelques chambres comme lieu de prison, où elles sont entrées jusqu’à ce que leur cause ait pu être examinée par la justice, puis les susdites sœurs Virginie, Benoîte, Silvie et Candide ont été murées séparément, chacune dans une prison qu’on a assignée à chacune d’elles, à perpétuité, pour leur peine, avec d’autres pénitences salutaires. On n’a rien objecté de la part de sœur Virginie, contre la sentence ; mais on dit que les parents des autres veulent interjeter appel ; cependant, comme sur ce sujet elles ne sont pas et ne seront jamais écoutées, car le cas mérite cette expiation, on doute qu’elles en appelleront coram honestis viris, pour extorquer de Rome, avec mille mensonges et subreptions, quelque ordre ou révision de cause. Mais ici on exécutera, sans attendre, la sentence déjà prononcée, et déjà on a commencé à l’heure qu’il est de la mettre à effet ; on s’en occupe et on poursuivra les choses jusqu’à ce que le tout soit exactement exécuté, car le cas est très-laid et les crimes énormes et très-atroces ; et c’est pour cela qu’elles ne méritent aucune compassion.

« Déjà la sentence susdite a été exécutée et lesdites religieuses ont été murées séparément, chacune dans une prison, ainsi qu’on l’a dit plus haut, en y laissant de petites fenêtres qui laissent pénétrer l’air et par où l’on fait passer la nourriture, ainsi qu’il convient de faire dans de semblables circonstances. Ce jour, 4 août 1609, le présent résumé, dressé sur les pièces de la procédure, a été expédié par l’Ordinaire à Rome, par Monseigneur le Vicaire Général, en l’adressant à Monseigneur Trivulzio. »

Ce résumé laisse tout à fait à l’écart le promoteur de ces crimes, celui qui a ourdi les intrigues, qui a été la cause première de tous ces malheurs.

En réalité, toute la responsabilité des actes abominables accomplis doit retomber sur un prêtre, ami et confesseur de l’amoureux Osio, un curé ayant charge d’âmes, un moraliste auquel l’évêque du diocèse avait confié la mission de conduire les nonnes dans la voie du salut ; ce prêtre — aumônier du couvent — se nommait Arrighone.

Voici la sentence rendue contre le criminel agent qui avait joué le principal rôle dans la lugubre tragédie. Cette pièce témoigne contre le clergé et fournit de nouveaux arguments contre le catholicisme en faveur de la suppression du confessionnal.

« Ayant invoqué les noms de Jésus-Christ et de la vierge Marie sa mère, etc., etc.

« Nous, Mamurius Lancillottus, etc., séant sur notre tribunal, n’ayant que Dieu devant nos yeux, après avoir entendu nos conseils et obtenu l’assentiment des savants jurisconsultes, sur ce qui regarde la cause qui a été agitée en première instance devant nous, entre l’avocat du tribunal criminel, procureur fiscal, d’un côté, et le sieur Paul Arrighone, curé de St-Maurilio de Monza de l’autre côté, arrêté et poursuivi comme fortement inculpé, vigoureusement suspecté et respectivement, comme ayant fait des aveux et convaincu de crimes énormes, atroces, de méfaits, d’excès et péchés suivants :

« Premièrement ; d’avoir fait au nom de Osio, à sœur Virginie, des lettres d’amour en soutenant qu’il n’y avait pas péché à se livrer à un homme, et que celui qui pénétrait dans le cloitre n’encourait pas l’excommunication.

« Deuxièmement ; que ledit Arrighone baptisa — autrement dit, magnétisa — un aimant qu’il remit Osio, et celui-ci à Virginie.

« Troisièmement ; que le même Arrighone fut la cause principale et immédiate de la perpétration des méfaits exécrables suivants :

« 1o Que Osio eut pendant plusieurs années l’entrée libre dans le Monastère ; qu’il y tint une intrigue criminelle, très-vive, avec sœur Virginie ; qu’il la rendit mère de deux enfants, et qu’il la fit sortir du couvent en la conduisant dans sa maison ;

« 2o Que Osio, craignant la révélation de cette intrigue par une certaine Catherine de Meda, il la tua dans le monastère de Sainte-Marguerite, pendant la nuit, et qu’il emporta son cadavre enveloppé d’un sac, dans sa propre maison ;

« 3o Que le même Osio, par crainte que les sœurs Octavie et Benoite, instruites de cette intrigue et de l’homicide de Catherine, ne le dénonçassent, il les enleva pendant la nuit du monastère, jeta Octavie dans la rivière Lambro, après lui avoir fait des blessures graves avec la crosse de son fusil, et précipita Benoîte dans un puits de Velate ; c’est pourquoi Osio fut condamné par le Sénat à la peine de mort et sa maison fut rasée ;

« 4o Que ledit Arrighone provoqua Virginie par des lettres d’amour, par des vers et par des discours au parloir, afin d’arriver au but pervers pour son propre compte ;

« 5o Qu’enfin il entretint des relations criminelles avec plusieurs religieuses et notamment avec la sœur Candide ;

« Ayant présentes à notre esprit toutes ces choses et d’autres,

« Vu les actes, etc., etc., les dépositions des témoins, les charges, les indices très clairs et les fortes conjectures, etc., qui pèsent comme circonstances aggravantes sur le prêtre Arrighone et aussi ses aveux ;

« Considérant la défense que Arrighone a produite, ainsi que les allégations du seigneur fiscal, et aussi l’assignation par laquelle Arrighone a été sommé de se présenter les jours et heures fixés pour entendre prononcer sa sentence.

« Vu ce qu’il y avait à voir et considéré ce qu’il y avait à considérer, et après en avoir instruit le très illustre et révérend seigneur, le cardinal Borromée, archevêque ;

« Après avoir répété et invoqué les noms de Jésus et de Marie ;

« Nous disons, prononçons, déclarons et jugeons par sentence définitive que ledit Arrighone, convaincu coupable et, par conséquent, punissable suivant les lois, soit condamné à la peine de la galère pendant deux ans seulement, et cela, eu égard au long emprisonnement qu’il a subi déjà, et aussi par d’autres considérations qui ont eu de l’efficacité sur notre cœur ; — la crainte d’un plus grand scandale pour la religion.

« Il doit être conduit sans délai à subir sa peine, et nous prescrivons que là il doit effectivement ramer pendant tout le temps que nous avons prescrit.

« Ce temps passé, nous condamnons, dès ce moment, ledit Arrighone au bannissement perpétuel de Monza, et de quinze milles à la ronde, sous peine de la dégradation des ordres sacrés, de la perte du bénéfice de curé et de trois autres années de galère, s’il osait rompre son ban ; c’est-à-dire s’il se rendait à Monza ou dans son voisinage, dans la périphérie de quinze milles.

« C’est ainsi que j’ai jugé définitivement, moi, Mamorius Lancillottus, Vic. Crim. »

Les pièces du procès démontrent que c’était Arrighone qui avait poussé Osio à séduire la sœur Virginie. Osio, en effet, s’était précédemment rendu coupable d’un meurtre et redoutait que sœur Virginie de Leyva, cousine des princes d’Ascoli et maîtresse féodale de tout le district de Monza, n’attirât sur sa tête un terrible châtiment. Il fit part de ses appréhensions à Arrighone au tribunal de la pénitence.

« Vous voilà embarrassé pour peu de chose, répondit le prêtre confesseur à son pénitent. En vérité, je vous trouve naïf. Eh ! quoi, vous êtes jeune, vous êtes beau, riche, vous savez votre monde, et un si petit obstacle vous arrête ? Faites-vous donc aimer de sœur Virginie : ce sera désarmer l’ennemi. »

Osio se montre alors dans son jardin à sœur Virginie, vêtu de ses plus riches habits. La nonne le contemple et exprime à l’une de ses compagnes le ravissement où la jette l’aspect de ce beau cavalier. La religieuse, confidente de sœur Virginie, est la maîtresse et la pénitente du curé Arrighone. Celle-ci raconte la chose en confession, et le prêtre, ami de Osio, s’empresse de révéler le secret qui lui a été confié. Infraction au secret pénitentiel ! L’amoureux se trouvant encouragé par la confidence du prêtre, risque une déclaration brûlante et jette sa lettre dans le jardin du couvent. Virginie se montre d’abord scandalisée du procédé et renvoie l’épître à son auteur. Sœur Virginie fit les aveux suivants sur tout ce qui a trait à l’affaire : « Jean-Paul Osio était très lié d’amitié avec le prêtre Paul Arrighone ; il lui faisait des cadeaux et lui donnait de l’argent ; il le consulta, au tribunal de la pénitence, sur la conduite qu’il devait tenir pour me ramener à de meilleurs sentiments à son égard.

Le prêtre lui dit que le moyen qu’il avait employé n’était pas habile et qu’il ne réussirait pas dans son dessein, mais qu’il devait me tromper et m’écrire une lettre dans laquelle il ferait montre de respect et de sentiments religieux.

Alors Jean-Paul m’écrivit une autre lettre par laquelle il me demandait pardon de l’impolitesse qu’il avait commise envers moi, et ajoutait qu’il se garderait bien de m’offenser à l’avenir. Il promettait, dans sa lettre, de faire dorénavant tout ce qui pourrait m’être agréable. »

Le procès constate en effet que Osio demanda à Arrighone des conseils sur les moyens d’obtenir les bonnes grâces de la sœur Virginie et que celui-ci, pour mieux le servir, consentit — moyennant paiement et force cadeaux — à écrire plusieurs lettres d’amour à la religieuse au nom de Osio. Le rusé prêtre disait, dans ces lettres, qu’il n’y avait pas de péché dans un commerce amoureux entre un homme et une femme, qu’elle fût du monde ou entrée en religion, et — à l’appui de son opinion, — il citait des textes qu’il attribuait à Saint Augustin.

La stratégie machiavélique du prêtre confesseur réussit à merveille ; Virginie consentit à écouter les doux propos de Osio à travers les grilles du parloir.

Elle ne se rendit pas immédiatement aux désirs de son amant, elle résista même longtemps à toutes les séductions. Mais le prêtre Arrighone intervint encore ; il vendit à beaux deniers comptant à l’amoureux, son pénitent, un talisman qui avait, prétendait-il, la vertu de faire céder les plus rebelles et de les mettre à la merci de celui qui en était porteur.

Le véritable talisman du prêtre était la puissance qu’il exerçait directement et indirectement sur la sœur Virginie par le confessionnal.

« Je me sentais comme poussée par une force vraiment démoniaque vers Osio, — déclara la pauvre religieuse dans l’interrogatoire qu’elle eût à subir. — Pour tout l’or et le trône des Espagnes, je n’aurais pas voulu céder à ses instances. J’allai en pèlerinage ; je me châtiai moi-même : mon sang coula sous la discipline ; mais je luttai en vain contre cet amour ; il envahissait tout mon être. L’image de cet homme fatal était dans mon cœur, son souvenir le remplissait. Osio m’apparaissait en songe, et je croyais encore le voir devant moi à mon réveil. Un jour, il me supplia de déposer un baiser sur une bague et de toucher de la langue, — colla lingua — un bijou en or entouré de diamants, qu’il porta ensuite à ses lèvres. C’était une amulette que Arrighone lui avait fournie, et qui avait été trempée dans l’eau bénite. À partir de ce moment je cessai de lui résister. Il me donna aussi un livre de la Bibliothèque de ce même Arrighone où il était dit qu’un laïque peut entrer sans péché dans la cellule d’une religieuse et que tout le péché consiste pour elle à en sortir. J’étais sous une impression de terreur et de désespoir ; je voulais en finir avec la vie. »

Le procès relate, en effet, que le curé avait magnétisé, — ou baptisé, comme on disait alors, — ces objets et les avait remis à Osio. Or, celui-ci était venu au parloir des religieuses pendant la nuit, accompagné par Arrighone, qui resta au dehors pour faire le guet pendant l’entrevue des amants. Osio avait baisé et touché légèrement de la langue les bijoux, puis les avait remis à sœur Virginie afin qu’elle les baisât à son tour, comme elle le fit.

Mais l’audace du curé Arrighone ne s’arrête pas là. Par un singulier jeu des passions, après avoir jeté la nonne dans les bras de son ami Osio, il en devint, à son tour, éperdûment amoureux, et il voulut la posséder. C’est elle-même qui dénonce le fait dans l’interrogatoire.

« Arrighone me dit un jour que c’était lui qui avait conseillé à Osio de m’écrire comme il l’avait fait, pour excuser sa conduite ; mais que si la lettre avait été écrite au nom de Osio, l’amoureux c’était lui Arrighone, et il me fit sa déclaration. Je reçus fort mal ses protestations. Je suis informée, homme infâme et méprisable, lui répliquai-je avec indignation, que ton effronterie est arrivée à ce point que tu as mis en œuvre tes machinations habituelles contre mon honneur. Ce qui m’étonne, c’est que la justice de Dieu ne fasse pas étinceler le feu du ciel devant toi, et ne te fasse pas entraîner par cent couples de diables quand tu montes à l’autel. Sache pourtant, et je le jure par le très saint baptême que j’ai reçu et par le rang que je tiens dans le monde, que je veux apprendre à ceux qui sont dupes de ton hypocrisie, combien tu es acharné contre moi. Je te ferai connaître pour l’homme pervers et sacrilége que tu es, car tu es arrivé à commettre toutes les insolences, jusqu’à la présomption de tenter même ici les épouses de Jésus-Christ, pour déshonorer notre monastère. Je garde soigneusement les lettres que tu as eu l’audace d’écrire comme preuves de ce qui se passe. »

Virginie faisait allusion aux relations du curé Arrighone avec sœur Candide et aux lettres qu’il avait écrites à cette religieuse. L’acte d’accusation relaté au procès contient en effet les passages suivants conformes à la déposition de la religieuse :

« 4o… Que ledit Arrighone demanda à sœur Virginie d’entretenir avec elle, pour son propre compte, un commerce amoureux, en lui envoyant des lettres et des vers, en la provoquant par ses discours au parloir, et en essayant toutes les voies pour atteindre ce but pervers ;

5o Que ledit Arrighone, pour son propre compte, depuis quatre ans — 1603 — entretient des relations criminelles avec la sœur Candide Colombe, religieuse professe dans Ste Marguerite ; qu’il lui écrivait beaucoup de lettres d’amour, qu’il en recevait des réponses et, ce qui est pire et plus détestable…… »

Qu’était donc ce pire et détestable ? Virginie nous le fait connaître dans son interrogatoire.

« Arrighone, après m’avoir persécutée par des lettres que je déchirai un jour en sa présence, commença à se lier avec plusieurs de nos sœurs ; il continua ses relations sacriléges avec la sœur Candide ; il persuada aux unes et aux autres d’aller la nuit au parloir pour causer avec lui. » Au moment où la sœur Virginie fut informée de la correspondance qui existait entre le prêtre Arrighone et les autres religieuses, elle fit des reproches au jardinier du monastère, Dominique, qui remettait les lettres, et le fit congédier. « Arrighone en fut courroucé au dernier point et me voua depuis une haine mortelle. »

Les manœuvres du curé Arrighone eurent le fatal dénouement que révèle le procès ecclésiastique ; la sœur Virginie était devenue la maîtresse d’un jeune seigneur Italien, Osio ; une autre religieuse entretenait des relations criminelles avec le curé confesseur ; trois nonnes complaisantes ou complices des débordements du prêtre avaient aidé à un meurtre abominable sur l’une de leurs compagnes ; puis deux tentatives d’assassinat sur les religieuses fugitives par Osio, et pour dernière scène de ce long drame, l’exécution de l’amant de la sœur Virginie.

Débauches dans un lieu réputé saint, chez les catholiques, dans un couvent ; scandales, avortements, trafic sacrilége, fornications sur les marches de l’autel, le sang humain versé ; une nonne étranglée et assommée, une autre jetée à la rivière, une autre précipitée dans un puits ; quatre religieuses murées dans leurs cellules, c’est-à-dire enfermées vivantes dans leurs sépulcres ; un jeune et beau cavalier torturé et subissant le dernier supplice. Œuvres d’un prêtre, conséquences de la confession !


LE CONFESSIONNAL, FLÉAU DU PRÊTRE CHASTE
RARA AVIS !
OISEAU RARE, TRÈS-RARE DANS NOS CAMPAGNES ET INCONNU DANS LES VILLES


« On est toujours puni par où l’on a péché, » dit le proverbe des nations. Le prêtre trouve son châtiment dans ce confessionnal même où il exerce une autorité si pernicieuse pour le monde catholique ; il en est la première victime.

Quelle est son attitude au tribunal de la pénitence ? Celle d’un misérable cloué sur place, contraint d’entendre le récit des joies et des félicités des autres sans qu’il lui soit permis d’en prendre sa part, — du moins ouvertement.

Le prêtre est le paria de la société ; c’est Priape remplissant les fonctions de l’eunuque dans le harem du Sultan et gardant les odalisques avec lesquelles il ne peut forniquer. Le rôle de l’eunuque est de vivre au milieu des femmes du harem ; il peut les contempler nues, frémissantes dans les bras du maître, ou se livrant entre elles à des jeux lascifs ou échangeant des caresses passionnées ; l’eunuque est privé des attributs de la virilité, et son impuissance rend le supplice qu’il endure à peu près supportable ; mais, supposez à sa place le dieu Priape avec son phallus, en état d’érection perpétuelle, comme le représente la Mythologie, et vous comprendrez la violence des tortures qui lui seraient infligées. Le martyre du prêtre catholique, du confesseur, est absolument du même genre ; une existence plantureuse et oisive le prédispose aux actes vénériens, aux doux combats de l’Amour, et il doit s’en abstenir ; nous voulons parler du prêtre chaste, rara avis, oiseau rare qui ne se trouve guère dans nos campagnes et encore moins dans les villes.

Le jeune prêtre a étudié et commenté l’œuvre étrange de Monseigneur Bouvier ; il est tout ému des révélations du Manuel des Confesseurs ; son imagination fortement échauffée peuple ses nuits et ses jours de fantômes charmants ; il est dans l’effervescence de l’âge et des passions, doué d’un tempérament ardent ; il s’efforce inutilement de repousser les pensées lubriques qui l’assiégent ; la nature est plus forte que sa volonté, il se trouve dans un état d’éréthisme presque continuel. Et c’est dans de semblables dispositions, que ce martyr du célibat va entendre au confessionnal une belle jeune fille qui aura à lui raconter ses rêves d’amour, ou une jeune femme qui lui dévoilera les mystères de la couche nuptiale, ou quelque matrone qui aura à s’expliquer dans une confession générale sur toute espèce de lubricités. Aussi ne doit-on pas s’étonner que, pendant tout le temps que demeurent agenouillées aux pieds du prêtre ces belles pénitentes, son engin se maintienne rigide… la brute est en rut… Pères et maris imprudents, écoutez la sentinelle vigilante : Prenez garde à vous !

Paul Louis Courrier, le vigneron philosophe, a tracé en quelques lignes éloquentes le tableau de cette triste condition à laquelle sont réduits les prêtres par le vœu imprudent de célibat qu’ils ont fait et par la loi de l’Église.

« Quelle vie, quelle condition que celle de nos prêtres ! on leur défend l’amour, et le mariage surtout ; on leur livre les femmes. Ils n’en peuvent avoir une et vivent avec toutes familièrement ; c’est peu ; mais dans la confidence, l’intimité, le secret de leurs actions cachées, de toutes leurs pensées. L’innocente fillette, sous l’aile de sa mère, entend le prêtre d’abord, qui bientôt l’appelant, l’entretient seul à seule ; qui, le premier, avant qu’elle puisse faillir, lui nomme le péché. Instruite, il la marie ; mariée, la confesse encore et la gouverne. Dans ses affections il précède l’époux, et s’y maintient toujours. Ce qu’elle n’oserait confier à sa mère, avouer à son mari, lui prêtre le doit savoir, le demande, le sait, et ne sera point son amant. En effet, le moyen ? N’est-il pas tonsuré ? Il s’entend déclarer à l’oreille, tout bas, par une jeune femme, ses fautes, ses passions, ses désirs, ses faiblesses, recueille ses soupirs sans se sentir ému, et il a vingt-cinq ans.

« Confesser une femme ! imaginez ce que c’est. Tout au fond de l’église, une espèce d’armoire, de guérite, est dressée contre le mur exprès, où ce prêtre, non Maingrat, le prêtre meurtrier, mais quelque homme de bien, je le veux, sage, pieux, comme il n’en existe guère, homme pourtant et jeune — ils le sont presque tous, — attend le soir après vêpres sa jeune pénitente qu’il aime ; elle le sait l’amour ne se cache point à la personne aimée. Vous m’arrêterez là : son caractère de prêtre, son éducation, son vœu…… Je vous réponds qu’il n’y a vœu qui tienne ; que tout curé de village, sortant du séminaire, sain, robuste et dispos, aime sans aucun doute une de ses paroissiennes. Cela ne peut être autrement ; et si vous contestez, je vous dirai bien plus, c’est qu’il les aime toutes, celles du moins de son âge ; mais il en préfère une, qui lui semble, sinon plus belle que les autres, plus modeste et plus sage, et qu’il épouserait ; il en ferait une femme vertueuse, pieuse, n’était le pape. Il la voit chaque jour, la rencontre à l’église ou ailleurs, et, devant elle assis aux veillées de l’hiver, il s’abreuve, imprudent ! du poison de ses yeux.

« Or, je vous prie, celle-là, lorsqu’il l’entend venir le lendemain, approcher de ce confessionnal, qu’il reconnaît ses pas et qu’il peut dire : C’est elle ; que se passe-t-il dans l’âme du pauvre confesseur ? Honnêteté, devoir, sages résolutions, ici servent de peu, sans une grâce du ciel toute particulière. Je le suppose un saint ; ne pouvant fuir, il gémit apparemment, soupire, se recommande à Dieu ; mais si ce n’est qu’un homme, il frémit, il désire, et déjà malgré lui, sans le savoir peut-être, il espère. Elle arrive, se met à ses genoux, à genoux devant lui, dont le cœur saute et palpite. Vous êtes jeune, ou vous l’avez été ; que vous semble, entre nous, d’une telle situation ? Seuls la plupart du temps, et n’ayant pour témoins que ces murs, que ces voûtes, ils causent ; de quoi ? hélas ! de tout ce qui n’est pas innocent. Ils parlent, ou plutôt murmurent à voix basse, et leurs bouches se rapprochent, leur souffle se confond. Cela dure une heure ou plus, et se renouvelle souvent. Ne pensez pas que j’invente. Cette scène a lieu, telle que je vous la dépeins, et dans toute la France ; chaque jour se renouvelle par quarante mille jeunes prêtres, avec autant de jeunes filles qu’ils aiment parce qu’ils sont hommes, confessent de la sorte, entretiennent tête à tête, visitent parce qu’ils sont prêtres, et n’épousent point parce que le pape s’y oppose. Le pape leur pardonne tout, excepté le mariage, voulant plutôt un prêtre adultère, impudique, débauché, assassin, comme Maingrat, que marié. Maingrat tue ses maîtresses ; on le défend en chaire : ici on prêche pour lui ; là on le canonise. S’il en épousait une, quel monstre ! il ne trouverait d’asile nulle part. Justice en serait faite bonne et prompte, comme du maire qui les aurait mariés. Mais quel maire oserait !

« Réfléchissez maintenant, et voyez s’il était possible de réunir jamais en une même personne deux choses plus contraires que l’emploi de confesseur et le vœu de chasteté ; quel doit être le sort de ces pauvres jeunes gens, entre la défense de posséder ce que nature les force d’aimer, et l’obligation de converser intimement, confidemment avec ces objets de leur amour ; si enfin ce n’est pas assez de cette monstrueuse combinaison pour rendre les uns forcenés, les autres je ne dis pas coupables, car les vrais coupables sont ceux qui, étant magistrats, souffrent que de jeunes hommes confessent de jeunes filles, mais criminels, et tous extrêmement malheureux ? Je sais là-dessus leur secret. »

Crimes envers la société, attentats sur les autres ou sur lui-même, sacrilége envers l’Église, telles sont les alternatives qui restent au prêtre.

Qu’elle soit maudite cette institution de la confession si fatale à ceux-là même qui l’érigent en dogme !

En outre de l’abolition de la pratique de la confession, la morale réclame impérieusement la suppression du célibat forcé pour les prêtres et les congréganistes. Dans la primitive église, les ministres des autels étaient mariés, non-seulement les simples prêtres, mais encore les hauts dignitaires, les évêques, les patriarches, même les papes, Prêtraille et mitraille forniquait avec évêchesses et prêtresses, les maris engrossaient leurs femmes, procréaient, engendraient ; la confession n’était pas encore inventée, les fidèles ne se plaignaient que médiocrement de la paillardise cléricale. Les choses ont empiré depuis. Par la vertu du confessionnal les maris des ferventes catholiques sont tous cornards ou presque tous, avec l’aide des frocards et des soutaniers, et leurs filles sont dépucelées par les curés et leurs vicaires…… ad majorem Dei gloriam ! pour la plus grande gloire de Dieu. C’est le pape lui-même, Pie IX, surnommé l’Infaillible par les dévots chrétiens, qui a proclamé cette vérité ébouriffante du cocuage universel des bons catholiques par les confesseurs de leurs femmes, dans une allocution à de pieux pèlerins qui étaient venus offrir à Sa Sainteté une somme ronde provenant du denier de saint Pierre. Le diable, qui était présent et qui écoutait le colloque, se tordait de rire et répétait après le pape : « Oui, vous êtes tous cocus, bons catholiques ! Mais il y a des grâces d’état particulières pour les croyants et les fidèles ; nul, parmi les assistants, ne comprenait la malice du pontife gouailleur et n’entendait les moqueries de Satan.

Que nos amis, plus clairvoyants, profitent de la leçon et des aveux : époux sages et prudents, signifiez à vos femmes d’avoir à choisir entre le mari et la soutane. À bas la confession ! Pères et mères qui avez souci de l’innocence de vos filles, de la moralité de vos garçons, opposez-vous énergiquement à ce que vos enfants aillent trouver les hommes crapuleux qui siégent dans les immondes confessionnaux. À bas la confession !

Le mariage doit être rétabli pour les membres du clergé catholique, comme il existe pour les ministres protestants et anglicans, pour les rabbins juifs, pour les popes du rite grec, pour les muftis de la religion mahométane, pour les brahmanes de l’Inde, les bonzes chinois et les prêtres de mille autres cultes qui existent sur la terre.

Lorsque nous préconisons le mariage dans la famille religieuse comme dans la société civile, nous entendons désigner une forme d’union établie sur les principes de justice et d’égalité entre les sexes, et non cet accouplement dit légitime entre l’homme et la femme où, le plus souvent et suivant les coutumes des pays, celle-ci est l’objet d’un marché ou la victime des préjugés, des convenances sociales et de la lubricité d’un maître.

Le mariage doit revêtir les conditions d’un contrat civil, d’un acte de société entre mari et femme ; il doit être subordonné pour sa durée aux convenances réciproques, chacun des conjoints demeurant toujours libre de mettre un terme à la société, à quelque moment que ce soit. L’individu libre dans la famille. De même la famille libre dans la Commune, la société se chargeant de l’éducation des enfants, — éducation commune, gratuite, obligatoire, professionnelle et laïque ; — la société devant, en outre, pourvoir d’instruments de travail tous et toutes, garçons et filles, suivant les forces et les aptitudes respectives et selon les besoins de la communauté. Telle sera la loi de l’avenir.

Les droits des individus seront ainsi sauvegardés, et de même les droits des familles, ceux des communes, des États et des nations ; le prêtre sera rentré alors dans le sein de la grande famille humanitaire.



LE SYLLABUS

Doctrine religieuse enseignée dans le Confessionnal


D’après la doctrine ecclésiastique, la puissance séculière et l’autorité religieuse émanent du pape, seul maître et souverain arbitre des nations. La loi de l’Église, loi suprême, la seule que doivent suivre peuples et rois.

La sainte Église catholique, apostolique et romaine a tous pouvoirs sur les corps et sur les âmes, sur les biens de la terre, sur le domaine céleste.

Elle exerce le despotisme le plus effrayant qui se puisse imaginer ; le pape prétend au pouvoir théocratique, il règne au nom de Dieu et il tient sa place sur le globe. L’idole est au Vatican.

Encyclique de Grégoire XVI — 1832 — reproduisant les prétentions du saint siége à l’omnipotence sur les peuples de la terre ; le pontife anathématise la liberté de la presse et la liberté des cultes qu’il qualifie « de pernicieuses extravagances. »

Encyclique et syllabus de Pie IX — 8 décembre 1864 — le Syllabus confirmant le droit du pape à gouverner le monde entier ; c’est le fameux Syllabus, objet de controverses sans fin et dont la publication a été interdite au clergé français.

Nous reproduisons la traduction de ces deux pièces importantes, faite par le chanoine Mouls :


SYLLABUS
OU
RÉSUMÉ RENFERMANT LES PRINCIPALES ERREURS DE NOTRE TEMPS
QUI SONT SIGNALÉES

Dans les allocutions consistoriales, encycliques & autres lettres apostoliques
de N. T. S. P. le Pape Pie IX


§1

PANTHÉISME, NATURALISME ET RATIONALISME ABSOLU


Anathème à celui qui dirait :

I. Il n’existe aucun Être divin, suprême, parfait dans sa sagesse et sa providence, qui soit distinct de l’universalité des choses ; et Dieu est identique à la nature des choses, et par conséquent assujetti aux changements ; Dieu, par cela même, se fait dans l’homme et dans le monde ; et tous les êtres sont Dieu et ont la propre substance de Dieu. Dieu est ainsi une seule et même chose avec le monde, et par conséquent l’esprit avec la matière, la nécessité avec la liberté, le vrai avec le faux, le bien avec le mal, et le juste avec l’injuste.


Anathème à celui qui dirait :

II. On doit nier toute action de Dieu sur les hommes et sur le monde.


Anathème à celui qui dirait :

III. La raison humaine, considérée sans aucun rapport à Dieu, est l’unique arbitre du vrai et du faux, du bien et du mal ; elle est en elle-même sa loi, elle suffit par ses forces naturelles pour procurer le bien des hommes et des peuples.


Anathème à celui qui dirait :

IV. Toutes les vérités de la religion découlent de la force native de la raison humaine ; d’où il suit que la raison est la règle souveraine d’après laquelle l’homme peut acquérir la connaissance de toutes les vérités de toute espèce.


Anathème à celui qui dirait :

V. La révélation divine est imparfaite, et par conséquent sujette à un progrès continuel et indéfini, qui réponde au développement de la raison humaine.


Anathème à celui qui dirait :

VI. La foi du Christ est en opposition avec la raison humaine, et la révélation divine non-seulement ne sert de rien, mais elle nuit à la perfection de l’homme.


Anathème à celui qui dirait :

VII. Les prophéties et les miracles exposés et racontés dans les Saintes-Écritures sont des fictions poétiques, et les mystères de la foi chrétienne sont le résumé d’investigations philosophiques ; dans les livres des deux Testaments sont contenues des inventions mythiques, et Jésus lui-même est un mythe.


§ II

RATIONALISME MODÉRÉ


Anathème à celui qui dirait :

VIII. Comme la raison humaine est égale à la religion elle-même, les sciences théologiques doivent être traitées comme les sciences philosophiques.


Anathème à celui qui dirait :

IX. Tous les dogmes de la religion chrétienne sans distinction sont l’objet de la science naturelle ou philosophique ; et la raison humaine n’ayant qu’une culture historique, peut, d’après ses principes et ses forces naturelles, parvenir à une vraie connaissance de tous les dogmes, même les plus cachés, pourvu que ces dogmes aient été proposés à la raison comme objet.


Anathème à celui qui dirait :

X. Comme autre chose est le philosophe et autre chose la philosophie, celui-là a le droit et le devoir de se soumettre à une autorité qu’il a reconnue lui-même être vraie ; mais la philosophie ne peut ni ne doit se soumettre à aucune autorité.


Anathème à celui qui dirait :

XI. L’Église non-seulement ne doit, dans aucun cas, sévir contre la philosophie, mais elle doit tolérer les erreurs de la philosophie et lui abandonner le soin de se corriger elle-même.


Anathème à celui qui dirait :

XII. Les décrets du siége apostolique et des congrégations romaines empêchent le libre progrès de la science.


Anathème à celui qui dirait :

XIII. La méthode et les principes d’après lesquels les anciens docteurs scolastiques ont cultivé la théologie, ne conviennent plus aux nécessités de notre temps et au progrès des sciences.


Anathème à celui qui dirait :

XIV. On doit s’occuper de philosophie sans tenir aucun compte de la révélation surnaturelle.


§ III

INDIFFÉRENTISME, TOLÉRANCE


Anathème à celui qui dirait :

XV. Il est libre à chaque homme d’embrasser et de professer la religion qu’il aura réputée vraie d’après la lumière de la raison.


Anathème à celui qui dirait :

XVI. Les hommes peuvent trouver le chemin du salut et se sauver dans le culte de n’importe quelle religion.


Anathème à celui qui dirait :

XVII. Au moins doit-on bien espérer du salut éternel de tous ceux qui ne sont nullement en communauté avec la véritable Église du Christ.


Anathème à celui qui dirait :

XVIII. Le protestantisme n’est pas autre chose qu’une forme diverse de la même vraie religion chrétienne, forme dans laquelle on peut être agréable à Dieu aussi bien que dans l’Église catholique.


§ IV

SOCIALISME, COMMUNISME, SOCIÉTÉS SECRÈTES, SOCIÉTÉS BIBLIQUES, SOCIÉTÉS CLÉRICO-LIBÉRALES


Ces sortes de pestes sont souvent frappées de sentences formulées dans les termes les plus graves dans l’Encyclique Qui pluribus, du 9 novembre 1846, dans l’Allocution Quibus quantisque, du 20 avril 1849, dans l’Encyclique Noscitis et nobiscum, du 8 décembre 1849, dans l’Allocution Singulari quadam, du 9 décembre 1854, dans l’Encyclique Quanto conficiamur mœrore, du 10 août 1862.


§ V

ERREURS RELATIVES À L’ÉGLISE ET À SES DROITS


Anathème à celui qui dirait :

XIX. L’Église n’est pas une vraie et parfaite société pleinement libre ; elle ne jouit pas de ses droits propres et constants que lui a conférés son divin Fondateur ; mais il appartient au pouvoir civil de définir quels sont les droits de l’Église et les limites dans lesquelles elle peut les exercer.


Anathème à celui qui dirait :

XX. La puissance ecclésiastique ne doit pas exercer son autorité sans la permission et l’assentiment du gouvernement civil.


Anathème à celui qui dirait :

XXI. L’Église n’a pas le pouvoir de définir dogmatiquement que la religion de l’Église catholique est l’unique vraie religion.


Anathème à celui qui dirait :

XXII. L’obligation qui lie les maîtres et les écrivains catholiques se borne aux choses qui ont été définies par le jugement infaillible de l’Église comme dogmes de foi qui doivent être crus par tous.


Anathème à celui qui dirait :

XXIII. Les Souverains Pontifes et les Conciles œcuméniques se sont écartés des limites de leur pouvoir ; ils ont usurpé les droits des princes et ils ont même erré dans les définitions relatives à la morale.


Anathème à celui qui dirait :

XXIV. L’Église n’a pas le droit d’employer la force ; elle n’a aucun pouvoir temporel direct ou indirect.


Anathème à celui qui dirait :

XXV. En dehors du pouvoir inhérent à l’épiscopat, il y a un pouvoir temporel qui lui a été concédé ou expressément ou tacitement par l’autorité civile, révocable par conséquent à volonté par cette même autorité civile.


Anathème à celui qui dirait :

XXVI. L’Église n’a pas le droit naturel et légitime d’acquérir et de posséder.


Anathème à celui qui dirait :

XXVII. Les ministres sacrés de l’Église et le Pontife romain doivent être exclus de toute gestion et autorité sur les choses temporelles.


Anathème à celui qui dirait :

XXVIII. Il n’est pas permis aux Évêques de publier même les Lettres apostoliques sans la permission du Gouvernement.


Anathème à celui qui dirait :

XXIX. Les grâces accordées par le Pontife romain doivent être regardées comme nulles, si elles n’ont pas été demandées par l’entremise du Gouvernement.


Anathème à celui qui dirait :

XXX. L’immunité de l’Église et des personnes ecclésiastiques tire son origine du droit civil.


Anathème à celui qui dirait ;

XXXI. Le for ecclésiastique pour les procès temporels des clercs, soit au civil, soit au criminel, doit absolument être aboli, même sans consulter le Siége apostolique et sans tenir compte de ses réclamations.


Anathème à celui qui dirait :

XXXII. L’immunité personnelle, en vertu de laquelle les clercs sont exempts de la milice, peut être abrogée sans aucune violation de l’équité et du droit naturel. Le progrès civil demande cette abrogation, surtout dans une société constituée d’après une législation libérale.


Anathème à celui qui dirait.

XXXIII. Il n’appartient pas uniquement de droit propre et naturel à la juridiction ecclésiastique de diriger l’enseignement des choses théologiques.


Anathème à celui qui dirait :

XXXIV. La doctrine de ceux qui comparent le Pontife romain à un prince libre et exerçant son pouvoir dans l’Église universelle, est une doctrine qui a prévalu au moyen âge.


Anathème à celui qui dirait :

XXXV. Rien n’empêche que par décret d’un Concile général ou par le fait de tous les peuples le souverain pontificat soit transféré de l’Évêque romain et de la ville de Rome à un autre évêque et à une autre ville.


Anathème à celui qui dirait :

XXXVI. La définition d’un Concile national n’admet pas d’autre discussion, et l’administration civile peut exiger qu’on traite dans ces limites.


Anathème à celui qui dirait :

XXXVII. On peut instituer des Églises nationales soustraites à l’autorité du Pontife romain et pleinement séparées de lui.


Anathème à celui qui dirait :

XXXVIII. Trop d’actes arbitraires de la part des Pontifes romains ont poussé à la division de l’Église orientale et occidentale.


§ VI

ERREURS RELATIVES À LA SOCIÉTÉ CIVILE, CONSIDÉRÉE SOIT EN ELLE-MÊME, SOIT DANS SES RAPPORTS AVEC L’ÉGLISE.


Anathème à celui qui dirait :

XXXIX. L’État, comme étant l’origine et la source de tous les droits, jouit d’un droit qui n’est circonscrit par aucune limite.


Anathème à celui qui dirait :

XL. La doctrine de l’Église catholique est opposée au bien et aux intérêts de la société humaine. Anathème à celui qui dirait :

XLI. La puissance civile, même quand elle est exercée par un prince infidèle, possède un pouvoir indirect négatif sur les choses sacrées. Elle a par conséquent non-seulement le droit qu’on appelle d’exequatur, mais encore le droit qu’on nomme d’appel comme d’abus.


Anathème à celui qui dirait :

XLII. En cas de conflit légal entre les deux pouvoirs, le droit civil prévaut.


Anathème à celui qui dirait :

XLIII. La puissance laïque a le pouvoir de casser, de déclarer et rendre nulles les conventions solennelles (concordats) conclues avec le Siége apostolique, relativement à l’usage des droits qui appartiennent à l’immunité ecclésiastique, sans le consentement de ce Siége et malgré ses réclamations.


Anathème à celui qui dirait :

XLIV. L’autorité civile peut s’immiscer dans les choses qui regardent la religion, les mœurs et le régime spirituel. D’où il suit qu’elle peut juger des instructions que les pasteurs de l’Église publient, d’après leur charge, pour la règle des consciences ; elle peut même décider sur l’administration des sacrements et les dispositions nécessaires pour les recevoir.


Anathème à celui qui dirait :

XLV. Toute la direction des écoles publiques dans lesquelles la jeunesse d’un État chrétien est élevée, si l’on en excepte, dans une certaine mesure, les séminaires épiscopaux, peut et doit être attribuée à l’autorité civile, et cela de telle manière qu’il ne soit reconnu à aucune autre autorité le droit de s’immiscer dans la discipline des écoles, dans le régime des études, dans la collation des grades, dans le choix ou l’approbation des maîtres.


Anathème à celui qui dirait :

XLVI. Bien plus, même dans les séminaires des clercs, la méthode à suivre dans les études est soumise à l’autorité civile.


Anathème à celui qui dirait :

XLVII. La bonne constitution de la société civile demande que les écoles populaires, qui sont ouvertes à tous les enfants de chaque classe du peuple, et en général, que les institutions publiques destinées aux lettres, à une instruction supérieure et à une éducation plus élevée de la jeunesse, soient affranchies de toute autorité de l’Église, de toute influence modératrice et de toute ingérence de sa part, et qu’elles soient pleinement soumises à la volonté de l’autorité civile et politique, suivant le désir des gouvernants et le courant des opinions générales de l’époque.


Anathème à celui qui dirait :

XLVIII. Des catholiques peuvent approuver un système d’éducation en dehors de la foi catholique et de l’autorité de l’Église, et qui n’ait pour but, ou du moins pour but principal, que la connaissance des choses purement naturelles et la vie sociale sur cette terre.


Anathème à celui qui dirait :

XLIX. L’autorité séculière peut empêcher les évêques et les fidèles de communiquer librement entre eux et avec le Pontife romain. Anathème à celui qui dirait :

L. L’autorité séculière a par elle-même le droit de présenter les évêques, et peut exiger d’eux qu’ils prennent en main l’administration de leurs diocèses avant qu’ils aient reçu du Saint-Siége l’institution canonique et les lettres apostoliques.


Anathème à celui qui dirait :

LI. Bien plus, la puissance séculière a le droit d’interdire aux évêques l’exercice du ministère pastoral, et elle n’est pas tenue d’obéir au Pontife romain en ce qui concerne l’institution des évêchés et des évêques.


Anathème à celui qui dirait :

LII. Le gouvernement peut, de son propre droit, changer l’âge prescrit pour la profession religieuse, tant des femmes que des hommes, et enjoindre aux communautés religieuses de n’admettre personne aux vœux solennels sans son autorisation. Anathème à celui qui dirait :

LIII. On doit abroger les lois qui protégent l’existence des familles religieuses, leurs droits et leurs fonctions ; bien plus, la puissance civile peut donner son appui à tous ceux qui voudraient quitter l’état religieux qu’ils avaient embrassé et enfreindre leurs vœux solennels ; de même elle peut supprimer complètement ces mêmes communautés religieuses, aussi bien que les églises collégiales et les bénéfices simples même le droit de patronage, attribuer et soumettre leurs biens et revenus à l’administration et à la volonté de l’autorité civile.


Anathème à celui qui dirait :

LIV. Les rois et les princes, non-seulement sont exempts de la juridiction de l’Église, mais même ils sont supérieurs à l’Église quand il s’agit de trancher les questions de juridiction.


Anathème à celui qui dirait :

LV. L’Église doit être séparée de l’État, et l’État séparé de l’Église.


§ VII

ERREURS CONCERNANT LA MORALE NATURELLE ET CHRÉTIENNE


Anathème à celui qui dirait :

LVI. Les lois de la morale n’ont pas besoin de la sanction divine, et il n’est pas du tout nécessaire que les lois humaines se conforment au droit naturel ou reçoivent de Dieu le pouvoir d’obliger. Anathème à celui qui dirait :

LVII. La science des choses philosophiques et morales de même que les lois civiles, peuvent et doivent être soustraites à l’autorité divine et ecclésiastique.


Anathème à celui qui dirait :

LVIII. Il ne faut reconnaître d’autres forces que celles qui résident dans la matière, et tout système de morale, toute honnêteté doit consister à accumuler et augmenter ses richesses de toute manière, et à se livrer aux plaisirs.


Anathème à celui qui dirait :

LIX. Le droit consiste dans le fait matériel ; tous les devoirs des hommes sont un mot vide de sens, et tous les faits humains ont force de droit.


Anathème à celui qui dirait :

LX. L’autorité n’est autre chose que la somme du nombre et des forces matérielles.


Anathème à celui qui dirait :

LXI. Une injustice de fait, couronnée de succès, ne préjudicie nullement à la sainteté du droit.


Anathème à celui qui dirait :

LXII. On doit proclamer et observer le principe dit de non-intervention.


Anathème à celui qui dirait :

LXIII. Il est permis de refuser l’obéissance aux princes légitimes et même de se révolter contre eux.


Anathème à celui qui dirait :

LXIV. La violation d’un serment, quelque saint qu’il soit, et toute action criminelle et honteuse opposée à la loi éternelle, non-seulement ne doit pas être blâmée, mais elle est tout à fait licite et digne des plus grands éloges quand elle est inspirée par l’amour de la patrie.


§ VIII

ERREURS CONCERNANT LE MARIAGE CHRÉTIEN


Anathème à celui qui dirait :

LXV. On ne peut établir par aucune raison, que le Christ ait élevé le mariage à la dignité de sacrement.


Anathème à celui qui dirait :

LXVI. Le sacrement de mariage n’est qu’un accessoire du contrat et peut en être séparé, et le sacrement lui-même ne consiste que dans la simple bénédiction nuptiale.


Anathème à celui qui dirait :

LXVII. De droit naturel, le lien du mariage n’est pas indissoluble, et dans différents cas, le divorce proprement dit peut être sanctionné par l’autorité civile.


Anathème à celui qui dirait :

LXVIII. L’Église n’a pas le pouvoir d’apporter des empêchements dirimants au mariage ; mais ce pouvoir appartient à l’autorité séculière, par laquelle les empêchements existants peuvent être levés.


Anathème à celui qui dirait :

LXIX. L’Église, dans le cours des siècles, a commencé à introduire les empêchements dirimants, non par son droit propre, mais en usant du droit qu’elle avait emprunté au pouvoir civil.


Anathème à celui qui dirait :

LXX. Les canons du Concile de Trente, qui prononcent l’anathème contre ceux qui osent nier le pouvoir qu’a l’Église d’opposer des empêchements dirimants, ne sont pas dogmatiques ou doivent s’entendre de ce pouvoir emprunté.


Anathème à celui qui dirait :

LXXI. La formule prescrite par le Concile de Trente n’oblige pas, sous peine de nullité, quand la loi civile établit une autre forme à suivre et veut qu’au moyen de cette forme le mariage soit valide.


Anathème à celui qui dirait :

LXXII. Boniface VIII a le premier déclaré que le vœu de chasteté prononcé dans l’ordination rend le mariage nul.


Anathème à celui qui dirait :

LXXIII. Par la force du contrat purement civil, un vrai mariage peut exister entre chrétiens ; et il est faux, ou que le contrat de mariage entre chrétiens soit toujours un sacrement, ou que ce contrat soit nul en dehors du sacrement.


Anathème à celui qui dirait :

LXXIV. Les causes matrimoniales et les fiançailles, par leur nature propre, appartiennent à la juridiction civile.

N. B. Ici peuvent se placer deux autres erreurs : l’abolition du célibat ecclésiastique et la préférence due à l’état de mariage sur l’état de virginité.


§ IX

ERREURS SUR LE PRINCIPAT CIVIL DU PONTIFE ROMAIN


Anathème à celui qui dirait :

LXXV. Les fils de l’Église chrétienne et catholique disputent entre eux sur la compatibilité de la royauté temporelle avec le pouvoir spirituel.


Anathème à celui qui dirait :

LXXVI. L’abrogation de la souveraineté civile dont le Saint-Siége est en possession, servirait même beaucoup à la liberté et au bonheur de l’Église.

N. B. Outre ces erreurs explicitement notées, plusieurs autres erreurs sont implicitement condamnées par la doctrine qui a été exposée et soutenue sur le principat civil du Pontife romain, que tous les catholiques doivent fermement professer.


§ X

ERREURS QUI SE RAPPORTENT AU LIBÉRALISME MODERNE


Anathème à celui qui dirait :

LXXVII. À notre époque, il n’est plus utile que la religion catholique soit considérée comme l’unique religion de l’État, à l’exclusion de tous les autres cultes.


Anathème à celui qui dirait :

LXXVIII. Aussi, c’est avec raison que, dans quelques pays catholiques, la loi a pourvu à ce que les étrangers qui s’y rendent y jouissent de l’exercice public de leurs cultes particuliers.


Anathème à celui qui dirait :

LXXIX. Il est faux que la liberté civile de tous les cultes, et que le plein pouvoir laissé à tous de manifester ouvertement et publiquement toutes leurs pensées et toutes leurs opinions, jettent plus facilement les peuples dans la corruption des mœurs et de l’esprit, et propagent la peste de l’indifférentisme.


Anathème à celui qui dirait :

LXXX. Le Pontife romain peut et doit se réconcilier et transiger avec le progrès, le libéralisme et la civilisation moderne.



ENCYCLIQUE

Une Encyclique (du grec εγκυκλιος, circulaire) est une lettre-circulaire adressée par le pape aux évêques de toute la chrétienté sur un point de dogme et de discipline


À tous nos vénérables frères les patriarches, les primats, les archevêques et évêques en grâce et en communion avec le Siége apostolique,


PIE IX, PAPE
Vénérables Frères,
Salut et bénédiction apostolique.

Vénérables frères, vous savez et vous voyez, comme tout le monde et mieux que personne, avec quelle sollicitude et quelle vigilance pastorale les Pontifes romains, nos prédécesseurs, ont rempli la charge qui leur a été confiée par Jésus-Christ lui-même dans la personne du Bienheureux Pierre, prince des apôtres, de paître les agneaux et les brebis, devoir qu’ils ont rempli fidèlement, en nourrissant toujours des paroles de la foi et de la doctrine du salut, tout le troupeau du Seigneur et en le détournant des pâturages empoisonnés.

Et, en effet, gardiens et vengeurs de l’auguste religion catholique, de la vérité et de la justice, pleins de sollicitude pour le salut des âmes, nos mêmes prédécesseurs n’ont rien négligé pour découvrir et condamner par leurs lettres et constitutions, chefs-d’œuvre de sagesse, toutes les hérésies et toutes les erreurs qui, contraires à notre foi divine, à la doctrine de l’Église catholique, à l’honnêteté des mœurs et au salut éternel des hommes, excitèrent souvent de violentes tempêtes et désolèrent l’Église et la société civile.

Aussi s’opposèrent-ils constamment avec une vigueur apostolique, aux coupables machinations de ces méchants qui, écumant de rage comme les flots d’une mer courroucée, promettant la liberté et se trouvant esclaves de la corruption, travaillaient par de fausses maximes et des écrits pernicieux, à ruiner les fondements de l’ordre religieux et social, à détruire toute vertu, à dépraver toutes les âmes, à détourner de la règle des mœurs les imprudents et surtout la jeunesse inexpérimentée, à la corrompre misérablement, à la jeter dans les filets de l’erreur, et à l’arracher enfin du giron de l’Église catholique.

Comme vous le savez très-bien, vénérables frères, dès que la Providence, dans ses conseils impénétrables, daigna nous élever, malgré notre indignité, à la chaire de Pierre, le cœur navré de douleur à la vue de l’horrible tempête déchaînée par tant de doctrines perverses, à la vue des maux incalculables et souverainement déplorables attirés sur le peuple chrétien par tant d’erreurs, nous élevâmes la voix, selon le devoir de notre ministère apostolique et les illustres exemples de nos prédécesseurs ;

Et dans plusieurs encycliques, allocutions prononcées en consistoire et par d’autres lettres apostoliques nous condamnâmes les principales erreurs de notre si triste époque, nous excitâmes votre vigilance épiscopale, nous exhortâmes tous nos chers enfants de l’Église catholique à avoir en horreur et à éviter la contagion de cette peste cruelle.

C’est en particulier dans la première encyclique du 9 novembre 1846 et dans deux allocutions dont l’une du 9 décembre 1854 et l’autre du 9 juin 1862, prononcées en consistoire, que nous avons condamné les monstrueuses erreurs en vogue surtout de nos jours, au grand détriment des âmes et de la société civile elle-même ; erreurs qui, sources de presque toutes les autres, sont non-seulement la ruine de l’Église catholique, de ses doctrines salutaires et de nos droits sacrés, mais encore de l’éternelle loi naturelle gravée par Dieu lui-même dans tous les cœurs, aussi bien que de la droite raison.

Toutefois, bien que nous n’ayons pas négligé de proscrive souvent et de réprouver ces erreurs, la cause de l’Église catholique, le salut des âmes divinement confiées à nos soins, les intérêts de la société humaine, demandent impérieusement que nous excitions de nouveau votre sollicitude pastorale, à combattre d’autres opinions, nées des mêmes erreurs, comme de leurs sources.

Ces opinions fausses et perverses sont d’autant plus détestables qu’elles tendent spécialement à empêcher et à écarter cette force salutaire dont l’Église catholique, en vertu de l’institution et du commandement, son divin fondateur, doit user librement jusqu’à la fin des siècles, à l’égard des nations, comme à l’égard des individus, envers les peuples comme envers les souverains. Elles tendent aussi à détruire l’union et la concorde réciproques du sacerdoce et de l’empire, qui a toujours été si favorable et si salutaire à l’Église et à l’État.

En effet, vous savez parfaitement, vénérables frères, que beaucoup de nos contemporains appliquant à la société civile le principe absurde et impie de ce qu’ils appellent le naturalisme, osent enseigner, que la perfection des gouvernements et le » progrès civil, demandent impérieusement que la société humaine soit constituée et gouvernée comme si la religion n’existait pas, ou du moins sans établir aucune différence entre la vraie religion et celles qui sont fausses. »

De plus, contrairement à la doctrine des Saintes Écritures, de l’Église et des Saints Pères, ils ne craignent pas d’affirmer que « la meilleure condition de société est celle où l’on ne reconnaît pas à l’État, l’obligation de réprimer, par la sanction des peines, les violateurs de la religion catholique, si ce n’est lorsque la tranquillité publique le demande. »

En conséquence de cette idée absolument fausse du gouvernement social, ils n’hésitent pas à favoriser cette opinion erronée, on ne peut plus fatale à l’Église catholique et au salut des âmes, et que notre prédécesseur d’heureuse mémoire, Grégoire XVI, appelait un délire, savoir, que « la liberté de conscience et des cultes est un droit inhérent à chaque homme, que la loi doit proclamer et garantir dans toute société bien constituée ; et que les citoyens ont droit à la pleine liberté de manifester publiquement leurs opinions, quelles qu’elles soient, par la parole, par la presse ou autrement, sans que l’autorité ecclésiastique ou civile puisse la restreindre. »

Or, en soutenant ces affirmations téméraires, ils ne réfléchissent pas, ils ne considèrent pas qu’ils prêchent la liberté de perdition et que si le conflit des opinions humaines est toléré, il y aura toujours des hommes prêts à résister à la vérité, et à mettre leur confiance dans la loquacité de la sagesse humaine.

Et, comme là où la religion, la doctrine et l’autorité de la révélation se trouvent bannies de la société civile, la vraie notion de la justice et du vrai droit humain s’obscurcit et se perd, et cède le pas à la force matérielle, qui prend alors la place de la vraie justice et du vrai droit, on voit clairement pourquoi certains hommes, ne tenant aucun compte des principes les plus certains de la saine raison, osent publier que « la volonté du peuple manifestée par ce qu’ils appellent l’opinion publique ou autrement, constitue la loi suprême indépendante de tout droit divin et humain ; et que dans l’ordre politique les faits accomplis, par cela même qu’ils sont accomplis, ont la valeur du droit. » Mais qui ne voit, qui ne sent très bien qu’une société soustraite aux lois de la religion et de la vraie justice, ne peut avoir d’autre but que d’acquérir, d’accumuler des richesses, et d’autre loi, dans tous ses actes, que l’indomptable désir de satisfaire ses propres voluptés et ses intérêts ?

Voilà pourquoi ces hommes poursuivent d’une haine cruelle les ordres religieux, sans tenir compte des immenses services rendus par eux à la religion, à la société et aux lettres ; pourquoi ils invectivent contre eux, en disant qu’ils n’ont aucune raison légitime d’exister, faisant ainsi écho aux calomnies des hérétiques. En effet, comme l’enseignait très sagement Pie VI, notre prédécesseur d’heureuse mémoire, l’abolition des ordres religieux blesse l’État, qui fait profession publique de suivre les conseils évangéliques ; elle porte atteinte à une manière de vivre recommandée par l’Église, comme conforme à la doctrine des apôtres ; elle outrage, enfin, les illustres fondateurs d’ordres que nous vénérons sur nos autels, et ont établi ces ordres par l’inspiration de Dieu. Ils vont plus loin, et poussent l’impiété jusqu’à vouloir ôter, aux citoyens et à l’Église, la faculté de donner publiquement l’aumône par charité chrétienne, et « abolir la loi qui, à certains jours, défend les œuvres serviles, pour vaquer au culte divin. »

Tout cela est mis en avant sous le faux prétexte, que cette faculté et cette loi sont en opposition avec les principes de la véritable économie publique. Non contents de bannir la religion de la société, ils veulent l’exclure de la famille. Enseignant et professant la funeste erreur du communisme et du socialisme, ils affirment que la société domestique ou la famille emprunte sa raison d’être du droit purement civil ; et qu’en conséquence, de la loi civile découlent et dépendent tous les droits des parents sur les enfants, même le droit d’instruction et d’éducation.

Pour ces hommes de mensonge, le but principal de ces maximes impies et de ces machinations est de soustraire complètement à la salutaire doctrine et à l’influence de l’Église, l’instruction et l’éducation de la jeunesse, afin de souiller et de dépraver, par les erreurs les plus pernicieuses et par des vices de toute nature, l’âme tendre et flexible des jeunes gens.

Tous ceux qui ont travaillé à troubler l’Église et l’État, à renverser l’ordre régulier de la société, à anéantir tous les droits divins et humains, ont constamment, comme nous l’avons indiqué plus haut, employé tous leurs perfides desseins, tous leurs soins et toute leur activité à séduire et à dépraver la jeunesse imprévoyante, et ont placé tout leur espoir dans cette corruption des jeunes générations.

Voilà pourquoi le clergé régulier et séculier, malgré les plus illustres témoignages rendus par l’histoire à ses immenses services dans l’ordre religieux, civil et littéraire, est de leur part l’objet des persécutions les plus atroces : et voilà pourquoi ils disent que, le clergé étant l’ennemi des lumières, de la civilisation et du progrès, il faut lui ôter l’instruction et l’éducation de la jeunesse. »

D’autres, renouvelant les erreurs funestes et tant de fois condamnées des novateurs, osent, avec une insigne impudence, assujettir à l’autorité civile, la suprême autorité donnée à l’Église et à ce Siége apostolique par N. S. Jésus-Christ, et nier tous les droits de cette même Église et de ce même Siége, à l’égard de l’ordre extérieur.

En fait, ils ne rougissent pas d’affirmer que les lois de l’Église n’obligent pas en conscience, à moins qu’elles ne soient promulguées par le pouvoir civil ; que les actes et décrets des pontifes romains relatifs à la religion et à l’Église, ont besoin de la sanction et de l’approbation, ou tout au moins de l’assentiment du pouvoir civil ; que les constitutions apostoliques, portant condamnation des sociétés secrètes, soit qu’on y exige ou non le serment de garder le secret, et frappant d’anathème leurs adeptes et leurs fauteurs, n’ont aucune force dans les pays où le gouvernement civil tolère ces sortes d’agrégations ; que l’excommunication fulminée par le concile de Trente et par les Pontifes romains contre les envahisseurs et les usurpateurs des droits et des possessions de l’Église, repose sur une confusion de l’ordre spirituel et de l’ordre civil et politique, et n’a pour but que les intérêts de ce monde ; que l’Église ne doit rien décréter qui puisse lier la conscience des fidèles relativement à l’usage des biens temporels ; que l’Église n’a pas le droit de réprimer par des peines temporelles, les violateurs de ses lois ; qu’il est conforme aux principes de la théologie et du droit public de revendiquer pour le gouvernement civil et de lui attribuer la propriété des biens possédés par les Églises, par les congrégations religieuses et par les autres lieux pies ». Ils n’ont pas honte de professer hautement et publiquement les axiomes et les principes des hérétiques, sources de mille erreurs et de funestes maximes. Ils répètent, en effet, que « la puissance ecclésiastique n’est pas de droit divin, distincte et indépendante de la puissance civile, et que cette distinction et cette indépendance ne peuvent rester, sans que l’Église envahisse et usurpe les droits essentiels de la puissance civile. C’est évident. »

Impossible aussi de garder le silence sur l’audace de ceux qui, ne supportant pas la saine doctrine, prétendent que, pour les jugements du siége apostolique et pour ses décrets évidemment relatifs au bien général de l’Église, à ses droits, à sa discipline, s’il ne touchent pas aux dogmes de la foi et des mœurs, on peut sans péché se refuser de s’y conformer et de s’y soumettre, sans perdre en rien la qualité de catholique. Il n’est personne qui ne voie clairement et manifestement et qui ne comprenne que cette prétention est contraire au dogme catholique de la pleine autorité divinement donnée par Notre-Seigneur Jésus Christ lui-même au Pontife romain de paître, de régir et de gouverner l’Église universelle.

Donc, au milieu de cette perversité d’opinions dépravées, nous, pénétré du devoir de notre charge apostolique, et plein de sollicitude pour notre sainte religion, pour la sainte doctrine, pour le salut des âmes qui nous est confié, et pour le bien même de la société, nous avons cru devoir élever de nouveau notre voix apostolique.

Par conséquent, nous réprouvons, nous proscrivons, nous condamnons, par notre autorité apostolique, toutes et chacune des mauvaises opinions et doctrines signalées en détail dans les présentes lettres, et nous voulons et ordonnons que tous les enfants de l’Église catholique les tiennent pour réprouvées, proscrites et condamnées.

Vous savez très bien aussi, vénérables frères, que de nos jours les adversaires de toute vérité et de toute justice, les ennemis acharnés de notre sainte religion, à l’aide de livres empoisonnés, de brochures et de journaux répandus sur la face de la terre, trompent les peuples, mentent sciemment et sèment toute autre espèce de doctrines impies. Vous n’ignorez pas non plus que dans ce siècle, des hommes, poussés et excités par l’esprit de Satan, ont eu l’audace de nier le dominateur Jésus — Christ, Notre Seigneur, et ne craignent pas d’attaquer sa divinité avec la plus criminelle impudence. Sur cette matière nous avons à vous donner, vénérables frères, les louanges les plus grandes et les mieux méritées, pour tout le zèle que vous avez déployé en élevant votre voix épiscopale contre cette grande impiété.

Aussi, dans nos présentes lettres, nous adressons-nous encore une fois avec amour à vous qui, appelés à partager notre sollicitude, êtes pour nous, au milieu de nos grandes douleurs, un sujet de consolation, de joie et d’encouragement par votre religion, votre piété ; à vous qui, par cet amour, cette foi, ce dévouement admirables, avec lesquels vous vous efforcez d’accomplir virilement et soigneusement la charge si grave de votre ministère épiscopal, vivez en union intime et cordiale avec nous et avec le siége apostolique.

Nous attendons en effet de votre excellent siége pastoral, qu’armés du glaive de l’esprit qui est la parole de Dieu, et fortifiés dans la grâce de N. S. J.-C., vous vous attachiez chaque jour de plus en plus à obtenir par vos soins redoublés que les fidèles qui vous sont confiés s’abstiennent des mauvaises herbes que J.-C. ne cultive pas, car elles n’ont pas été semées par son père.

Ne cessez jamais d’inculquer à ces mêmes fidèles que toute vraie félicité pour les hommes, découle de notre auguste religion, de a doctrine et de sa pratique et qu’heureux est le peuple dont le Seigneur est le Dieu. Enseignez que les royaumes reposent sur le fondement de la foi catholique, et qu’il n’y a rien de si mortel et qui nous expose autant à la chute et à tous les dangers que de croire qu’il nous suffit du libre arbitre que nous avons reçu en naissant, sans avoir autre chose à demander à Dieu, ce qui revient à oublier notre auteur, à renier sa puissance pour se montrer libres.

N’oubliez pas non plus d’enseigner que la puissance royale n’est pas uniquement conférée pour le gouvernement de ce monde, mais avant tout pour la protection de l’Église. »

Il est certain, en effet, que lorsqu’il s’agit des affaires de Dieu, il est de l’intérêt des princes de subordonner, comme il l’a établi lui-même, et non de préférer leur volonté royale à celles des prêtres du Christ.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Donné à Rome, chez Saint-Pierre, le 8 décembre 1864, la dixième année depuis la définition dogmatique de l’immaculée Conception de la Vierge Marie, mère de Dieu, et la dix-neuvième de notre pontificat.

PIE IX, PAPE

Syllabus et Encyclique, deux monstruosités dans l’ordre moral ; manifestes de l’orgueil sacerdotal poussé à ses dernières limites ; appels furibonds aux plus détestables passions, au fanatisme religieux, à la cruauté. Conséquences : exaltation de la foi aveugle, c’est-à-dire de l’ignorance, de la bêtise humaine ; glorification de la béate paresse, des monastères, des ordres religieux d’hommes et de femmes.

L’humanité, la science, la raison se trouvent outragées, flétries, flagellées dans ces élucubrations d’un vieillard en proie à un délire effrayant.

C’est la guerre déclarée au progrès, à la tolérance, à la libre-pensée, et une guerre à mort, avec le formidable appareil des tortures et des bûchers, c’est le retour à l’Inquisition annoncé, proclamé brutalement : L’Église a le droit de réprimer par des peines temporelles les violateurs de ses lois. Les gouvernements ont le devoir de prêter leur concours et d’édicter des peines corporelles contre les violateurs de la religion catholique.

La liberté de conscience et des cultes est déniée par la vieille momie qui règne au Vatican ; le droit d’exprimer des opinions religieuses différentes de celles du pape, soit par la presse, soit par la parole ou autrement est repoussé et réprouvé ; la liberté des cultes est appelée par le vieux Tartuffe, la liberté de perdition, et — à ce titre — il la déclare une émanation de l’enfer et déchaîne contre ses fauteurs toutes les laines, toutes les fureurs catholiques.

Protestants, anglicans, juifs, mahométans, tous les sectateurs des religions qui existent sur le globe, autres que les dévots du Dieu romain, sont condamnés à être torturés, écartelés, égorgés ou brûlés ! Ces immenses hécatombes de victimes ne suffisent pas à la rage sanguinaire de Pie IX ; les catholiques tièdes, indifférents, tolérants, doivent aller rejoindre dans la géhenne les pervers et les hérétiques ; ils sont également condamnés aux flammes du bûcher sur cette terre, au feu inextinguible des enfers dans l’autre monde, de par l’épileptique sacré qui rugit sur la prétendue chaire de saint Pierre.

Ce vieux pourceau de l’Église a l’audace d’élever son groin coiffé du trirègne au-dessus des têtes couronnées des ménageries royales ! Celui qui reçoit l’onction est au-dessous de celui qui la donne ; les rois, les reines et les empereurs par la grâce de Dieu, sont déclarés les sujets du pape ! Ils doivent subordonner leurs volontés royales à celles des ministres de Dieu. La puissance royale n’est pas conférée uniquement pour le gouvernement de ce monde, mais avant tout pour la protection de l’Église.

Pie IX anathématise aussi le droit moderne qui prétend substituer la volonté des peuples dans les constitutions des sociétés civiles, à la religion, à la doctrine, à l’autorité de la révélation. L’évêque de Rome convie toutes les nations catholiques à une guerre d’extermination contre les libres penseurs, contre les infidèles, les hérétiques, les idolâtres, c’est-à-dire contre l’immense majorité de la population du globe. La croisade noire est ouverte.

Le chef de l’Église a prononcé, l’univers n’a plus qu’à se soumettre ; Pie IX, dans son infaillibilité, a plus de science que tous les humains ; ce vieillard cacochyme, baveux, hideux, est la loi vivante ; le polichinel du Vatican tient la place de Dieu sur la terre, c’est la Divinité des fidèles catholiques.

Ses ordres sont transmis aux évêques du monde entier, pour être distribués aux prêtres et aux chefs de monastères et de congrégations, puis le confessionnal fonctionne. C’est dans ce laboratoire mystérieux que l’on instruit les simples, les ignorants, les femmes crédules, les enfants, de ce qu’ils doivent approuver ou rejeter en éducation, en politique, en science, dans la conduite de la vie privée ou publique.

Le confessionnal est l’instrument formidable de la croisade noire. Rome a parlé, la cause est jugée.

Le prêtre dicte aux fidèles, dans le tribunal de la pénitence, tout ce qu’ils doivent croire, dire ou faire ; il dirige les votes dans les élections, il décide quelles lois doivent être promulguées dans les assemblées législatives, il désigne les fonctionnaires qui doivent être promus au gouvernement des affaires de l’État. Le confesseur jongle avec ses pénitents et ses pénitentes ; ce sont des boules, des objets inertes dont il fait ce qu’il veut ; les bons catholiques ne doivent pas avoir d’autre pensée que celle du curé, ni rien faire que d’après son ordre. Le vrai chrétien fait abandon de toute volonté ; il ne lui est pas permis d’avoir d’autre opinion sur toutes les questions que celle de son confesseur ; et celui-ci recevant le mot d’ordre transmis par le Vatican, c’est l’opinion du pape qui se réflétera dans tous les esprits, qui sera admise dans toutes les parties du monde catholique. Telle est la puissance du confessionnal qu’elle enraye depuis des siècles la marche de l’humanité, qu’elle menace d’un cataclysme la société moderne !

Nous savons par l’histoire des temps passés comment procèdent les catholiques lorsqu’ils ont déclaré la guerre à des institutions rivales ou à des peuples réfractaires à leurs enseignements ; ils opèrent par le fer et par le feu ; ils ont renversé, détruit de fond en comble tous les temples de l’antiquité païenne, mutilé les œuvres de l’art les plus précieuses, incendié les colléges de prêtres, massacré les habitants des villes et des campagnes, violé les femmes, égorgé les enfants…… Ces horreurs, ces atrocités apparaissent et se renouvellent presqu’à chaque siècle depuis l’origine du Christianisme.

Que les libres-penseurs, les protestants, les anglicans, les hérétiques, les infidèles de tous pays se tiennent donc pour avertis ; qu’ils sachent bien quel sort leur est réservé si le pape de Satan vient à triompher. Devant le péril commun, qu’ils se réunissent, qu’ils se forment en légions et qu’ils attaquent le monstre. Au glaive il faut opposer le glaive ; à l’incendie il faut répondre par l’incendie. Les forteresses de la superstition, du fanatisme, s’appellent couvents, monastères, séminaires, grands et petits, presbytères, chapelles, sanctuaires, églises, cathédrales. Tous ces antres de la théocratie doivent disparaître ; les catholiques n’ont pas laissé debout un seul des temples de l’antiquité païenne ; nous ne devons pas souffrir davantage, nous, les ennemis du Catholicisme, qu’une seule de ses basiliques se dresse sur la terre pour menacer nos croyances philosophiques. Appliquons la loi du talion aux monuments, non aux individus ; brûlons les repaires du fanatisme et tous les emblèmes de l’idolâtrie romaine, confessionnaux, croix et bannières, statues et images, missels, scapulaires, amulettes et reliquaires ; détruisons de fond en comble couvents, monastères, séminaires, presbytères, chapelles, sanctuaires, églises et cathédrales. Quant à leurs défenseurs, contentons-nous de les disperser, de les mettre dans l’impuissance de nuire ; plus tard ils reviendront de leurs égarements et rentreront dans le sein de la grande famille humaine régénérés, repentants. Alors commencera pour les peuples le règne de Dieu sur la terre, l’ère de la Liberté, de l’Égalité, de la Fraternité.

Liberté pour les peuples ; Commune et Fédération. — Égalité des droits civils et politiques de l’homme et de la femme. — Fraternité ; Chacun pour tous ; Tous pour chacun. À chacun suivant ses besoins ; De Chacun selon ses forces. Ni riches ni pauvres ; le bien-être universel.

RÉPUBLIQUE FÉDÉRALE,
DÉMOCRATIQUE, SOCIALE, UNIVERSELLE
AVEC LA ROUGE BANNIÈRE


DERNIERS CONSEILS


En raison de sa nature, cet ouvrage ne doit pas être remis en toutes mains ;
LA MÈRE N’EN PERMETTRA PAS LA LECTURE À SA FILLE


Le MANUEL DES CONFESSEURS a été dédié au clergé catholique par Monseigneur Bouvier.

Puissent les réflexions que suggérera aux prêtres ayant le cœur droit et le jugement sain, la lecture des commentaires contenus dans le prologue et l’épilogue du livre, les amener à reconnaître les conséquences funestes du célibat pour eux-mêmes et les dangers de la pratique de la confession pour les fidèles. Puissent nos raisonnements et nos exhortations les déterminer à se séparer de la communion romaine et à rentrer dans le sein de la grande famille humaine !

De glorieux exemples les convient à rompre avec le Vatican ; Jérôme de Prague, Savonarole, Luther, Calvin, le vénérable évêque Grégoire, l’abbé Châtel, Lamennais, le père Hyacinthe, et tant d’autres.

Ce livre étrange, extraordinaire, original, sans analogue parmi toutes les publications sur le Catholicisme, est recommandé aux pères et aux mères de famille, aux hommes et aux femmes d’un âge mûr, comme le meilleur préservatif et le plus puissant spécifique contre la peste noire. Nul, parmi ceux et celles qui auront bien voulu lire les « Mystères du Confessionnal » et méditer sur les graves sujets qui y sont traités, ne consentira jamais à venir se prosterner aux pieds d’un prêtre dans le tribunal de la pénitence, ni à envoyer à confesse les êtres qu’il a charge d’élever et de garantir de tout mal.

Les églises deviendront désertes, les hiboux y bâtiront leurs nids, ce sont du reste les compagnons qui conviennent le mieux aux hommes en soutane ou à froc ; les uns et les autres recherchent les ténèbres.


Conclusion naturelle à tirer des enseignements exposés dans l’ouvrage : Abolition de la Confession ; Suppression du clergé ; Liberté absolue de conscience, c’est-à-dire le droit reconnu pour chaque individu, homme ou femme, d’adopter telle croyance religieuse ou philosophique qui lui paraîtra préférable, ou même de n’en admettre aucune. Mais, comme l’immense majorité des humains demande et réclame une religion, nous croyons devoir préconiser le retour à la religion naturelle qui admet comme bases de la doctrine : l’existence de Dieu, l’immortalité de l’âme, le libre arbitre de l’homme, la distribution des peines et des récompenses dans une autre vie, selon le mérite ou le démérite des actions. La damnation éternelle est écartée à l’égard des coupables, quelqu’énormes qu’aient été leurs crimes, mais avec obligation d’expier les fautes commises et de réparer le mal accompli avant d’être admis dans la demeure du Père céleste. Pour cet objet : réincarnations successives sur cette terre ou dans les autres mondes ou missions et épreuves à subir à l’état d’esprits.

Cette religion proclame les principes de Liberté, d’Égalité, de Fraternité. Elle a deux préceptes : Aimer Dieu par dessus tout ; Aimer son prochain comme soi-même. Ses admirables enseignements se trouvent particulièrement exposés et développés dans les ouvrages d’Allan Kardec et forment un corps de doctrine complet. Ces ouvrages ont pour titres : Le Livre des Esprits, Le Livre des Médiums, l’Évangile, Ciel et Enfer, La Genèse. Ces indications suffiront aux esprits clairvoyants, à ceux et à celles qui veulent s’instruire dans les choses qui touchent au monde visible et invisible. Notre tâche est actuellement remplie. Nous avons signalé les poisons, nous donnons les contre-poisons, afin que chacun puisse en faire usage selon ses convenances.


Notre livre a été mis à l’index par la sacrée consulte du Vatican ; par suite, tous ceux qui l’auront lu, tous les libraires qui le vendront, les imprimeurs, brocheurs et autres ouvriers qui concourront d’une manière quelconque à sa fabrication ou à la propagande, seront, pour ce fait seul, anathématisés, mis hors de l’Église et destinés à brûler éternellement dans les enfers.

Excommunications et foudres ridicules ! Personne, aujourd’hui, ne fait cas des anathèmes de l’évêque de Rome. Mais, ce qui nous intéresse davantage, c’est la prohibition dont l’ouvrage peut être l’objet dans les pays où domine le clergé catholique ; or, c’est précisément dans ces contrées qu’il est important de faire pénétrer la lumière. Nous avons dû chercher alors quelles combinaisons pouvaient être adoptées pour faire passer les frontières à ce livre, formidable non par son étendue, mais par l’importance des matières qu’il traite ; et nous pensons avoir réussi à conjurer tous les risques de saisies et de surprises. Du reste, nous préparons une édition diamant des MYSTÈRES DU CONFESSIONNAL. Sous le format minuscule, notre livre pourra se dissimuler dans la main, dans une poche, dans le plus mince compartiment d’une malle ou d’une valise, et entrera en tous pays avec les voyageurs qui en auront fait l’acquisition.

Les prohibitions, les douanes, les interdictions, les persécutions des gouvernements théocratiques doivent avoir pour effet de rendre notre opuscule plus désirable — l’attrait du fruit défendu — et de multiplier les moyens à l’aide desquels il pourra être introduit dans toutes les contrées en déjouant la surveillance des argus de la Sainte Église.


Table des Matières



Article I. — De la fornication 
 18
§ I. — De la fornication simple 
 18
§ II. — Du concubinage 
 20
§ III. — De la prostitution 
 22
Article II. — Du stupre 
 23
Article III. — Du rapt 
 25
Article IV. — De l’adultère 
 27
Article V. — De l’inceste 
 28
Article VI. — Du sacrilége 
 30
Appendice. — Des clercs qui excitent, à des actions honteuses 
 33
Article I. — De la pollution 
 37
§ I. — De la pollution volontaire en soi 
 38
§ II. — De la pollution volontaire dans sa cause 
 39
§ III. — De la pollution nocturne 
 41
§ IV. — Des mouvements désordonnés 
 43
§ V. — De la conduite des confesseurs à l’égard de ceux qui se livrent à la pollution 
 44
Article II. — De la sodomie 
 48
Article III. — De la bestialité 
 49
Article I. — De la délectation morose 
 50
Article II. — Des baisers, des attouchements, des regards impudiques et de la parure des femmes 
 54
§ I. — Des baisers 
 54
§ II. — Des attouchements impudiques 
 55
§ III. — Des regards impudiques 
 57
§ IV. — De la parure des femmes 
 58
Article III. — Des discours déshonnêtes, des livres obscènes, des danses ou des bals et des spectacles 
 60
§ I. — Des discours déshonnêtes 
 60
§ II. — Des livres obscènes 
 62
§ III. — Des danses et des bals 
 63
§ IV. — Des spectacles 
 68
§ I. — Des causes de la luxure 
 72
§ II. — Des effets de la luxure 
 72
§ III. — Des remèdes aux péchés de luxure 
 73
Article I. — De l’acte conjugal considéré en soi 
 88
§ I. — Du coït pratiqué uniquement par passion 
 88
§ II. — De l’acte conjugal pratiqué dans le but de prévenir l’incontinence 
 88
Article II. — De la demande du devoir conjugal 
 91
§ I. — De ceux qui pèchent mortellement en exigeant le devoir conjugal 
 91
§ II. — De ceux qui pèchent véniellement en exigeant le devoir conjugal 
 94
Article III. — De l’obligation de rendre le devoir conjugal 
 96
§ I. — De l’obligation de rendre le devoir 
 96
§ II. — Des raisons qui dispensent de rendre le devoir conjugal 
 97
§ III. — De ceux qui pèchent mortellement en rendant le devoir conjugal 
 98
§ IV. — De ceux qui commettent le péché d’Onan 
 100
§ V. — De ceux qui pèchent véniellement en rendant le devoir 
 105
Article I. — Quand les époux pèchent en usent du mariage 
 106
Article II. — Des attouchements entre époux 
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LE MANUEL DES CONFESSEURS, par Monseigneur Bouvier, Évêque du Mans, le livre classique du clergé catholique, tenu secret jusqu’à ce jour, vient prendre place à côté des MONITOIRES SECRETS DES JÉSUITES dévoilés par J. Michelet et des INSTITUTS DE LA SAINTE INQUISITION révélés par le chanoine Llorente, secrétaire du Saint-Office en Espagne. Cet opuscule est, en quelque sorte, le vestibule du temple ; les lecteurs qui auront parcouru les pages de ce livre ne devront pas s’arrêter à la porte du sanctuaire, ils voudront certainement pénétrer dans le monument pour y voir à l’œuvre les marionnettes sacrées, pour y surprendre les secrets, les machinations de ceux qui s’intitulent les représentants de Dieu sur la terre, Papes, Cardinaux, Archevêques, Évêques, Curés, Moines, Congréganistes de l’un et de l’autre sexe, tonsurés et frocards, tous exploiteurs du genre humain.

LES MYSTÈRES DU CONFESSIONNAL servent d’introduction à une œuvre capitale qui embrasse l’histoire de l’Église depuis son origine jusqu’à nos jours, la vie des pontifes romains, les scandales du Vatican, les turpitudes, les abominations des couvents, les atrocités commises par l’Inquisition, les infamies des Jésuites, les crimes des Rois, Reines & Empereurs, enfin la longue série des attentats qui sont à la charge du trône et de l’autel. Cet ouvrage magistral a pour titre :

HISTOIRE DES PAPES
Mystères d’iniquités de la Cour de Rome
MEURTRES, EMPOISONNEMENTS, PARRICIDES, ADULTÈRES, INCESTES, DÉBAUCHES ET TURPITUDES DES PONTIFES ROMAINS
DEPUIS SAINT PIERRE JUSQU’À NOS JOURS
LES MONSTRES DANS L’HUMANITÉ
ROIS, REINES, EMPEREURS
SPLENDIDE ÉDIT. À 2 COL., FORMAT GRAND IN-4o, IMPRIMÉE SUR PAPIER VÉLIN GLACÉ
Illustrée d’environ 600 gr., chefs-d’œuvre de l’art moderne, représentant les scènes les plus émouvantes de l’ouvrage et les vues des principales villes d’Italie
L’OUVRAGE PARAÎT PAR LIV. DE 8 PAGES de texte ILL. DE 2 G., 2 LIV. PAR SEMAINE
Prix de la livraison : 10 centimes. Chaque série, composée de 5 livraisons, coûte 50 centimes. Chaque partie brochée, composée de 30 livraisons, coûte 3 francs
OUVRAGE COMPLET EN NEUF PARTIES BROCHÉES À TROIS FRANCS
LA PUBLICATION EST ACTUELLEMENT TERMINÉE ; HUIT PARTIES ONT ÉTÉ IMPRIMÉES À PARIS
LA NEUVIÈME PARTIE, COMPOSÉE DE 32 LIVRAISONS, A PARU À BRUXELLES
LES MYSTÈRES DU CONFESSIONNAL PEUVENT ÊTRE CONSIDÉRÉS COMME UNE DIXIÈME PARTIE DE L’OUVRAGE

On peut s’abonner à l’HISTOIRE DES PAPES avec ou sans l’addition des MYSTÈRES DU CONFESSIONNAL ; on peut également acquérir les MYSTÈRES DU CONFESSIONNAL, sans y joindre L’HISTOIRE DES PAPES. Les Mystères du Confessionnal se composent de 20 livraisons et coûtent 3 fr.

Toute demande d’exemplaires de l’un ou de l’autre ouvrage doit être adressée à l’éditeur, E.-J. CARLIER, rue de l’Escalier, 14, BRUXELLES. — On expédie les volumes aux libraires par nombres, en caisses, par les chemins de fer, 4 pour 3 — 14 pour 10 — 30 pour 20 — 64 pour 40 — 100 pour 60.

LES MYSTÈRES DU CONFESSIONNAL sont adressés, aux personnes qui en font la demande, sous bandes discrètes, par la poste et par unités, au prix de 3 francs, avec addition des frais de poste pour les pays étrangers.


EN PRÉPARATION :
Collection de Gravures coloriées, Satyriques, Érotiques & Drolatiques
POUR SERVIR À L’ILLUSTRATION DES MYSTÈRES DU CONFESSIONNAL

PRIX : 2 FRANCS
PAGES
UN SATYRE CROSSÉ ET MITRÉ PRÊCHANT AU SÉMINAIRE,
 
sur la pratique de la confession et enseignant aux renards et renardeaux, curés et curetons, les moyens de happer et croquer poules et poulettes, dindes, oies, oisons et oisillons 
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LE VIe COMMANDEMENT
 
Luxurieux point ne seras, de corps et de consentement
 
Les tentations de la chair. Les nymphes du Paradis 
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LA MÉNAGERIE DE SODOME ET GOMORRHE
 
Sarabande d’animaux venimeux et malfaisants, singes mitrés, scorpions en soutane, serpents et crapauds sous le froc, congréganistes androgynes, moines et moinillons, curés et enfants de chœur, carmes, dominicains, jésuites, capucins, frères de la doctrine chrétienne, curaille, moinaille et mitraille. 
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LA MÉNAGERIE DE SODOME ET GOMORRHE
 
Tonsurés et Frocards confessant chevrettes et chevrotins 
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POURCEAUX ET POURCETTES DE L’ÉGLISE
 
Nos bons curés de campagne en goguette. Ivrognes, gloutons, fainéants, libertins, coureurs de caboulots et de lupanars 
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LES COLOMBES DE LESBOS
 
Jeux innocents entre nonnes. La religieuse en chemise. 
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LE LOUP DANS LA BERGERIE
 
L’aumônier du Couvent. La brebis sur le fauteuil à ressorts. 
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ORFRAIES, HIBOUX ET CHATS HUANS SACRÉS :
 
Brûlement et flambloiement des confessionnaux, des croix et bannières, reliques et reliquaires, missels, chapelets et scapulaires, images et statues, et autres bibelots catholiques.
 
Démolition et destruction des chapelles, sanctuaires et basiliques, presbytères, monastères et couvents, séminaires, capucinières et autres forteresses du fanatisme. 
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AVIS ESSENTIEL


Toute demande de cet ouvrage doit être accompagnée d’une autorisation de Monsieur le Supérieur du Grand Séminaire du diocèse, ou d’un Vicaire Général ; Sans cette formalité indispensable, il n’en sera délivré aucun exemplaire.




Cette note singulière, placée en tête du « Manuel des Confesseurs » et sur la couverture du volume, témoigne du soin qu’apportent les évêques à soustraire cet opuscule à l’examen des profanes ; l’étude en est interdite aux personnes étrangères au sacerdoce ; les prêtres, les diacres, les séminaristes doivent seuls connaître la théorie de la confession.

Les précautions extraordinaires prises par les fakirs mitrés pour la garde du secret, sont déjà des indices qui font pressentir les turpitudes et les mystères honteux renfermés dans les Diaconales.

Par une étrange contradiction, le livre de Monseigneur Bouvier est jugé bon et salutaire pour cent mille jeunes prêtres, moines et religieux de toute robe auxquels il est remis pour leur édification ad majorem Dei gloriam, pour la plus grande gloire de Dieu, et ce même livre est déclaré par les évêques, funeste, dangereux pour toute personne laïque, même d’un âge respectable ! Ni un père ni une mère ni un époux ne doivent le connaître, le lire, le posséder !

C’est donc un acte de suprême audace que la publication du « Manuel des Confesseurs » en opposition avec les défenses des princes de l’Église. L’ouvrage est couvert, il est vrai, par la loi civile qui proclame la liberté de la presse en Belgique, mais notre personne demeure, sans bouclier, exposée aux violences individuelles et aux persécutions du clergé.

Quoi qu’il doive advenir, le devoir commande, notre résolution est prise, nous avons résolu de signaler au monde étonné le fameux Manuel des Confesseurs ; la perspective du Calvaire ne troublera pas la sérénité de notre esprit ; nous savons que le champ du progrès doit être fécondé par les larmes et le sang des martyrs, nous savons que chaque vérité a valu à ceux qui l’ont révélée, persécutions, l’exil, la prison, les tortures et souvent la mort. Nous sommes prêt pour le sacrifice. L’existence du livre de Mgr. Bouvier, évêque du Mans, est un danger pour la société, un outrage aux mœurs ; c’est le foyer de la peste noire. Il est urgent de prendre des mesures énergiques pour arrêter le mal ; nous n’en avons pas trouvé de plus efficaces que la traduction et la vulgarisation de l’ouvrage. Similia similibus curantur. Les semblables sont guéris par les semblables. C’est un axiome de la médecine homœopathique. Il fallait pouvoir dire et démontrer, preuves en mains, que les prêtres, les religieux, les dignitaires de l’Église, rouges, violets, noirs et de toute couleur, étaient des sépulcres blanchis au dehors et pleins de pourriture au dedans ; il fallait établir sur des témoignages irrécusables que la confession et la chasteté s’excluaient l’une l’autre, qu’il n’y avait pas de prêtres observant le vœu de célibat, sauf les individus affligés d’un vice de conformation ou exsangues ou à tempérament lymphatique. Or, nulles preuves, nuls documents, nuls témoignages n’auraient pu être fournis aux fidèles, aux personnes dévotes, ayant plus de puissance pour les convaincre, que la production du livre classique du clergé catholique, qui est le guide des curés, leur règle ; dont ils commentent le texte, dont ils étudient les dissertations lubriques, et qui est toute leur théorie.

C’est précisément en remettant ce même livre, traduit en langue vulgaire, entre les mains des pères, des mères, des époux, que ceux-ci pourront se rendre compte de la démoralisation de ces ministres des autels, de ces confesseurs, que la foule imbécile persiste à regarder comme des purs, des saints, des émanations de la Divinité ; c’est en prenant connaissance des chapitres de cet opuscule obscène, qu’ils comprendront combien il est aisé aux hommes à soutane et à froc, de passer de la théorie à la pratique, de débaucher filles et femmes, de corrompre les garçonnets qui fréquentent le tribunal de la pénitence. Nous le déclarons à la face du ciel et de la terre : par la confession, par la lecture et l’étude des diaconales, le clergé catholique se trouve dans un état permanent de putréfaction morale. C’est aux citoyens, aux pères de famille, aux gouvernements d’aviser ; notre ouvrage porte en lui son enseignement ; le cri d’alarme est jeté : Sentinelles, prenez garde à vous !

Le curé X***.
  1. L’Embryologie sacrée est un grand ouvrage sur les précautions à prendre pour le salut des enfants qui sont dans le sein de leur mère, donné d’abord en italien, puis en latin, 1 vol. in-fol., par Cangiamila, chanoine de Palerme, mort en 1763. Cet ouvrage est estimé et a été loué en particulier par Benoît XIV (De Synodo diœcesana, l. XI, ch. 7, no  13). Il en existe un abrégé en français par Dinouari, chanoine de Paris, 1 vol. in-12, et un abrégé plus petit qui fut imprimé à Caen, en 1817.
  2. De Synodo Diœcesana, l. 4, ch. 7, no C.