Les Mystères du confessionnal/Abrégé d’embryologie sacrée

Imprimerie E.-J. Carlier (p. 112-116).


ABRÉGÉ D’EMBRYOLOGIE

OU
Solution de quelques difficultés touchant le baptême des enfants nés avant le Terme ou qui ne peuvent naître naturellement




La foi nous enseigne que nul ne peut entrer dans le ciel, s’il n’est régénéré par le sacrement de Baptême, et que l’âme d’un enfant à peine formé est aussi précieuse aux yeux de Dieu que l’âme d’un adulte. De là naissent plusieurs graves difficultés concernant les moyens d’assurer le salut éternel des enfants, dans certaines circonstances où ils peuvent se trouver après leur conception. Nous allons les exposer brièvement, et tracer les règles que l’on doit suivre.


1re QUESTION

À QUEL ÂGE L’ENFANT EST-IL ANIMÉ ?


1o Innocent XI condamna, le 2 mars 1679, une proposition qui donnait comme probable que nul enfant n’était animé tant qu’il était dans le sein de sa mère, et que l’âme n’était unie au corps qu’au moment de la naissance. Aristote, St Thomas qui le cite, sur les Sentences, distinct. 3e, q. 4e, art. 2, et, après lui, une foule de théologiens enseignent qu’un garçon est animé au bout de 40 jours, et une fille vers 80 ou 90 jours. La Pénitencerie de Rome suit cette opinion, sans l’examiner ni la garantir, quand il s’agit de l’irrégularité portée contre les homicides.

2o Un grand nombre de faits récents prouvent que cette distinction entre les deux sexes n’a point de fondement, et que le fœtus est animé bien plus tôt qu’on ne le pensait communément. L’auteur de l’Embryologie sacrée[1] dit en avoir vu un qui n’avait que 16 jours, et qui donnait des marques très-sensibles de vie : il cite beaucoup d’exemples circonstanciés du même genre.

3o Ne pouvant assigner le moment où l’âme humaine est créée et unie au corps, nous devons regarder comme probable que c’est dès l’instant de la conception, ou au moins dès que le fœtus prend la forme d’un corps humain. Comme on doit toujours prendre le parti le plus sûr, lorsqu’il s’agit d’un moyen nécessaire au salut, le doute suffit pour qu’on doive administrer le baptême sous condition. Il s’ensuit : 1o qu’on doit baptiser tout fœtus provenant de la femme, si on n’y découvre pas des marques certaines de mort (d’après Cangiamila, on en a vu qui n’étaient que de la grosseur d’une abeille et qui vivaient) ; 2o qu’une femme qui fait une fausse couche, ou chez laquelle se produit un accident qu’elle a lieu de regarder comme une fausse couche, doit veiller à ce qu’on ne jette pas inconsidérément ce qu’elle a rendu : il faut s’assurer s’il y a un ou plusieurs fœtus, et s’ils sont dans le cas d’être baptisés ; 3o qu’il est utile d’avertir une femme nouvellement mariée de prendre, en cas d’une fausse couche, les précautions dont nous venons de parler. Cet avertissement ne peut guère se donner qu’au confessionnal ; encore faut-il y mettre beaucoup de discrétion, pour ne pas choquer ni scandaliser.


IIe QUESTION

COMMENT DOIT-ON BAPTISER LES AVORTONS ?


1o Ou l’avorton est manifestement vivant, et dans ce cas on le baptise sans condition ; ou sa vie est douteuse, quoiqu’il ait bien clairement la forme humaine, et on se sert de la forme conditionnelle : Si tu vivis, ego te baptizo, etc., ou si l’on doute de sa forme et de sa vie, alors on dit : Si tu es homo et vivis, etc.

2o Si le fœtus est enveloppé dans sa membrane, comme il paraît que cela arrive souvent, on doit le baptiser sur la membrane, en disant : Si tu es capax ou si tu es homo et capax, etc., de peur que le contact de l’air ne le tue. On ouvre ensuite la membrane et on le baptise de nouveau sous la condition : Si tu ’'non es baptizatus, etc., parce qu’il est douteux que le baptême donné sur l’enveloppe soit valide, puisque l’eau n’a pas touché immédiatement le corps de l’enfant il n’est pas non plus certain qu’il soit nul, parce qu’on peut regarder cette enveloppe, à laquelle l’enfant tient, comme faisant un tout avec lui.

3o Il serait possible que l’avorton fût assez faible pour que l’eau froide le tuât en le touchant, avant même que le baptême fût accompli : pour éviter cet inconvénient, il faut se servir d’eau tiède, si on en a, ou si on peut en avoir promptement ; car s’il fallait attendre pendant un temps notable, il vaudrait mieux se servir d’eau froide : de deux inconvénients inévitables à la fois, on doit choisir le moindre.

4o Lorsque l’enfant est si petit qu’on ne peut le baptiser à la manière accoutumée, on met l’eau dans un plat et on le baptise par immersion, ayant soin de le retirer promptement, pour ne pas le noyer. Car quoiqu’on ait la certitude qu’il ne peut vivre longtemps, il n’est pas permis de le tuer, et celui qui le ferait volontairement serait homicide et irrégulier ; mais, s’il cause sa mort en le baptisant avec les précautions que nous recommandons, il n’est ni irrégulier, ni coupable d’aucun péché.


IIIe QUESTION

QUELLES SONT LES CAUSES DES AVORTEMENTS ?


1o Nous ne devons point parler ici des moyens criminels dont se servent trop souvent des filles qui, ayant prévariqué, craignent de perdre leur honneur, et des femmes mariées qui ne voudraient point avoir d’enfants elles ne nous demandent point conseil sur l’exécution de leurs affreux desseins, et si elles nous interrogeaient, nous ne serions point embarrassés pour leur répondre.

2o Il est certain qu’une femme enceinte ne peut, sans se rendre très-coupable, s’exposer témérairement au danger d’avoir une fausse couche ou de faire périr son fruit dans son sein : ce danger se trouve, d’après l’expérience, dans des courses ou des marches forcées, dans des voyages sur des voitures non suspendues, dans des travaux pénibles, dans des efforts pour soulever ou porter des fardeaux, dans l’intempérance et dans un jeûne excessif, dans des danses et autres mouvements violents du corps, dans l’abus du café, du vin et de toutes liqueurs fortes, dans les actes de toute passion immodérée, comme la colère, la tristesse, la joie ; dans des cris violents, quelquefois dans des éclats de rire. Quoique l’avortement puisse avoir lieu dans tout le cours de la grossesse, il arrive néanmoins plus souvent, au rapport des médecins, dans le second et le troisième mois. Il est bon que les curés et les confesseurs connaissent ces sortes de dangers, afin de donner les avis nécessaires aux femmes et filles enceintes, quand la prudence le leur permet.

3o Ceux qui, en maltraitant injustement une femme enceinte, en l’outrageant ou en l’effrayant, sont cause qu’elle accouche avant le terme, sont coupables d’un homicide indirect, et ils ne pourraient être excusés de péché mortel et d’irrégularité, supposé que l’enfant eût l’âge requis, que par l’ignorance ou par l’inadvertance.

4o Mais rien au monde ne peut excuser ni aux yeux de la religion, ni aux yeux de la raison, ceux qui donnent ou indiquent sciemment des remèdes pour procurer l’avortement. Leur péché, aussi bien que celui des femmes qui ont recours à ces moyens ou à tout autre dans le dessein de se faire avorter, est au nombre des cas réservés dans ce diocèse. Un médecin anglais, Buchan, ne craint pas de dire, t. 4, page 167, que ces femmes commettent le crime le plus atroce qui puisse être commis contre la nature : on ne peut l’envisager, dit-il, sans horreur, même de la part de la femme la plus abandonnée ; à plus forte raison, n’est-il jamais excusable chez celle qui veut passer pour honnête. Les infâmes qui prêtent leurs secours à de telles femmes, méritent les châtiments les plus sévères.


IVe QUESTION

QUAND L’ACCOUCHEMENT EST LABORIEUX OU PARAÎT IMPOSSIBLE, FAUT-IL BAPTISER L’ENFANT DANS LE SEIN DE SA MÈRE ?


1o Il est certain que dans ces cas difficiles, la vie de l’enfant est manifestement en danger. S’il présente un membre au-dehors, la sage-femme ou le chirurgien ne doit pas hésiter à le baptiser sur ce membre ; tout le monde en convient, et si c’est la tête, St Thomas, St Charles Borromée, le Rituel romain et Benoît XIV, disent que le baptême ne doit point être réitéré, parce qu’il n’y a pas lieu de douter de sa validité, pourvu qu’il ait été bien administré. Mais s’il avait été administré sur un pied ou sur une main, il faudrait le réitérer, sous condition, si l’enfant naissait vivant ; parce que ces membres n’étant point essentiels à la vie, il est douteux que le baptême, administré de la sorte, soit valide.

2o Si l’on n’aperçoit aucun membre à l’extérieur, et si cependant l’accouchement s’annonce comme très difficile ou impossible, Benoît XIV[2] est d’avis qu’on essaie de baptiser l’enfant dans le sein de sa mère. Tournely est du même sentiment. On introduit de l’eau tiède avec la main, une seringue ou un siphon, de manière qu’elle touche l’enfant ou au moins son enveloppe, n’importe en quel endroit, et on prononce en même temps les paroles de la forme. Si l’enfant vient à naître vivant, on doit le rebaptiser sous condition : c’est la décision expresse de Benoît XIV.


Ve QUESTION

UNE FEMME EST-ELLE TENUE DE SUBIR L’OPÉRATION CÉSARIENNE, LORSQUE L’ACCOUCHEMENT EST DÉCLARÉ NATURELLEMENT IMPOSSIBLE ?


1o L’opération césarienne faite sur une femme vivante n’est pas mortelle de sa nature. Des faits attestés par les Mémoires de l’Académie royale de Chirurgie, t. I, et par l’Encyclopédie des Sciences, art. Césarienne, en font foi. On lit que Jules-César, Scipion-l’Africain, Manlius, et Édouard VI, roi d’Angleterre, sont nés par ce moyen. Cette opération est très-dangereuse ; il est rare que les chirurgiens veuillent l’entreprendre, et peut-être plus rare que les femmes consentent à la souffrir, ou que ceux qui les entourent permettent qu’on la fasse.

2o Si la femme était si affaiblie par les souffrances qu’elle fût incapable de supporter cette cruelle opération, il ne serait pas permis de l’entreprendre par intérêt pour l’enfant, parce que ce serait tuer la mère, et on ne doit jamais faire un mal pour obtenir un bien. Par la même raison, si l’on n’a pas la certitude que l’enfant soit mort, ce serait un crime de le briser dans le sein de la mère et de l’arracher par morceaux, comme on dit que cela se pratique souvent ; car l’enfant a droit à sa vie comme s’il était né, et une mère ne peut consentir à cette atrocité pour se délivrer du danger qu’elle court.

3o Mais si un habile chirurgien, voyant l’impossibilité de l’accouchement naturel, était disposé à faire l’opération, et avait l’espoir de réussir, un confesseur devrait engager la femme à s’y soumettre, et se servir pour cela des motifs les plus capables de l’y déterminer. Nous ne pensons pas néanmoins qu’il dût l’y obliger sous peine de lui refuser l’absolution ; car nous ne sommes pas tenus à faire des choses extraordinaires pour conserver notre vie la femme peut espérer que son enfant lui survivra, qu’on pourra, après sa mort, l’extraire de son sein et le baptiser. D’ailleurs, en supposant qu’elle fût obligée par la loi naturelle de se soumettre à cette rigueur pour le salut corporel et spirituel de son enfant, on peut supposer que la bonne foi l’excuse, ou qu’au moins il y a du doute, et dès lors il ne faut pas la laisser mourir sans sacrements.


VIe QUESTION

EST-IL CERTAIN QUE L’ENFANT NE MEURE PAS NÉCESSAIREMENT AVEC LA MÈRE ?


1o Il n’y a plus maintenant aucun doute là-dessus : des exemples innombrables prouvent de la manière la plus évidente la possibilité de retirer un enfant vivant du sein d’une femme morte. Cangiamila en cite beaucoup qui sont bien circonstanciés : dans le petit abrégé de son ouvrage qui fut imprimé à Caen, en 1817, on en cite plusieurs autres qui ne sont pas moins détaillés. Nous-mêmes nous en pourrions citer dont nous garantirions l’authenticité ; entre autres, un qui est arrivé dans la ville du Mans. Par suite de ce que nous avions enseigné là-dessus, deux vicaires forcèrent, en quelque sorte, une femme, au refus d’un chirurgien, d’ouvrir le cadavre d’une femme enceinte qui venait de mourir. L’opération se fit en présence de plusieurs autres femmes : on en tira un enfant plein de vie et de mouvement, et on appela avec joie les vicaires, qui se tenaient dans une maison voisine, pour qu’ils vinssent baptiser cet enfant, qui vécut encore plusieurs heures après.

2o On croyait dans un temps que, pour empêcher l’enfant d’être étouffé, il fallait tenir ouverte la bouche de la femme morte, en y mettant une cuiller ou tout autre objet propre à desserrer les dents : mais il est reconnu que ce moyen est inutile, et que la seule chose nécessaire est de préserver l’enfant des froideurs de la mort, en tenant toujours chaude la région qu’il habite. Pour cela, il faut faire chauffer des linges ou des étoffes, et les appliquer sur le ventre de la mère, en attendant qu’on puisse l’ouvrir.

3o Il arrive quelquefois que les convulsions de la mort font accoucher la femme enceinte au moment où elle expire : les personnes qui l’assistent doivent y faire attention.


VIIe QUESTION

Y A-T’IL OBLIGATION DE FAIRE L’OPÉRATION CÉSARIENNE SUR UNE FEMME MORTE ?


1o On ne peut plus contester cette obligation, puisqu’il est certain que le plus souvent on réussit à donner le baptême à l’enfant. Un pasteur doit donc instruire ses paroissiens de cette obligation, selon que la prudence le permet, en montrant, d’une part, la nécessité du baptême pour le salut des enfants, et en faisant voir de l’autre combien on serait condamnable, en laissant périr ceux qu’on peut si facilement sauver. Quand on ne réussirait que rarement, on ne devrait négliger aucune occasion ; car, lorsqu’il s’agit d’un sacrement nécessaire au salut, il faut toujours prendre le parti le plus sûr, s’il est possible. Combien cette obligation n’est-elle pas plus grande, s’il est vrai, comme il est impossible de le nier, que le plus souvent on trouve les enfants vivants ?

2o C’est aux femmes enceintes, surtout aux sages-femmes, aux chirurgiens et généralement à ceux qui président aux accouchements, que les curés et les confesseurs doivent montrer la nécessité et l’obligation grave de faire l’opération césarienne sur le cadavre d’une femme morte, et cela le plus tôt possible. Il ne faudrait cependant pas l’omettre, parce qu’elle aurait été différée longtemps et sans nulles précautions : on a tiré des enfants vivants du sein de leur mère 24 heures, et d’autres 48 heures après qu’elles étaient mortes.

3o Il faut quelquefois démontrer cette même obligation, par l’exposé des motifs sur lesquels elle est fondée, à des parents déraisonnables, qui, absorbés dans leur douleur, ne veulent pas permettre qu’on ouvre la femme morte.

4o Si, malgré tout ce qu’on peut dire, les parents s’obstinent à ne pas vouloir qu’on fasse l’opération, nous n’avons point de voie de coaction pour agir contre leur volonté, toute injuste qu’elle est : il ne nous reste, dans ce cas, qu’à abandonner l’enfant aux soins de la Providence. Si toutefois on pouvait persuader aux personnes qui doivent garder ou ensevelir la défunte d’en faire secrètement l’ouverture, pour essayer de sauver l’enfant, ce moyen pourrait être tenté, mais il demanderait les plus grandes précautions.


VIIIe QUESTION

QUI DOIT FAIRE L’OPÉRATION CÉSARIENNE SUR UNE FEMME MORTE ?


Il ne faut rien négliger pour obtenir que ce soit un homme de l’art qui la fasse. À son défaut, ce doit être une sage-femme, ou bien une autre femme, ou un homme marié, ou enfin, dans la nécessité, une personne quelconque, mais jamais un prêtre, surtout s’il est jeune : le respect dû à son caractère et la crainte des propos qu’on pourrait tenir, lui prescrivent cette réserve.

Par les mêmes motifs, il ne doit pas être témoin de l’opération ; s’il est sur les lieux, qu’il se tienne à l’écart et vienne seulement, lorsque la femme sera décemment couverte, baptiser l’enfant, au cas qu’il y ait raison de le faire.

2o Souvent il est difficile d’acquérir la certitude que la femme soit réellement morte. La première chose à faire est donc de s’assurer du fait et de bien constater la mort.

Depuis quelques années, le ministère public a plusieurs fois poursuivi et fait condamner à l’amende des personnes qui avaient fait cette opération avec de grandes précautions, sous prétexte qu’elles avaient indument pratiqué un acte de chirurgie.

Note du rédacteur. « Généralement les théologiens établissent comme précepte, pour tous les prêtres, jeunes ou vieux, l’obligation de pratiquer eux-mêmes l’opération césarienne, en l’absence d’un homme de l’art ou d’une personne compétente, sur les femmes enceintes mortes avant d’être délivrées, pour retirer le fœtus des entrailles et le baptiser. Cette opinion prédomine dans une foule de pays et diocèses catholiques.

« Ainsi, le clergé ne s’arrête ni devant la mort, ni devant le crime, sous prétexte de sauver une âme qui existe à l’état problématique ; et, bien que la science se déclare impuissante à reconnaître par des indices certains la mort réelle d’un individu, sauf par un commencement de putréfaction du cadavre, un tonsuré, jeune ou vieux, n’ayant aucune connaissance en médecine, devra décider — sur de simples apparences — qu’une femme a cessé d’exister ; et, de par l’autorité dont il est investi par son évêque, il commandera à une personne quelconque, suivant les prescriptions de Monseigneur Bouvier, d’éventrer la femme !

« Dans certains diocèses, hors de la juridiction de l’auteur du Manuel des Confesseurs, le prêtre, se conformant au précepte formulé par la plupart des théologiens, devra procéder lui-même à l’opération césarienne, s’armer d’un rasoir ou d’un couteau, et le plonger dans les entrailles de la morte… ou de la victime ! Le prêtre sera devenu assassin, pour obéir à son évêque et aux prescriptions de l’infâme religion catholique, si la femme n’était réellement pas morte, comme le cas s’est présenté plusieurs fois et dans différents pays ! Monseigneur Bouvier a prévu cette éventualité, et, à la Question IXeme, il indique les précautions qu’on doit prendre dans l’éventrement, si par hasard la femme vivait encore !!! Horreur, abomination !

« L’évêque se pose en professeur de chirurgie, sans avoir les notions les plus élémentaires de cette science, et il pousse l’audace jusqu’à faire un cours de pathologie chirurgicale à l’usage des curés et vicaires aussi ignorants que lui en cette matière. »


IXe QUESTION

COMMENT DOIT SE FAIRE L’OPÉRATION CÉSARIENNE ?


1o Les hommes de l’art veulent qu’on fasse l’incision sur le côté qui paraît le plus éminent, en long et non en travers, parce qu’on arrive plus directement à la situation de l’enfant, et parce que, si par hasard la femme vivait encore, la plaie se refermerait plus aisément.

2o L’incision doit avoir six ou sept pouces de long : il faut couper les chairs, ranger les entrailles, si on les rencontre, arriver à la matrice et l’ouvrir doucement, de peur de blesser l’enfant. Lorsque la matrice est suffisamment ouverte, il faut baptiser l’enfant avec de l’eau tiède avant de l’en tirer, de peur que le contact de l’air ne le tue puis on le tire, on déchire ses enveloppes avec les mains, et s’il ne présente pas des signes évidents de mort, il faut le baptiser de nouveau sous condition.

3o Les chirurgiens ont des instruments propres à ces sortes d’opérations : les autres personnes n’en ayant pas, doivent se servir de tout objet tranchant qu’elles auront sous la main et qui leur paraîtra le plus propre à cet effet ; ordinairement, c’est le rasoir qui convient le mieux.

4o Si l’enfant était évidemment mort lorsqu’on l’a tiré du sein de sa mère, il ne pourrait être enseveli avec elle, ni mis en terre sainte : il devrait être inhumé dans le lieu destiné aux enfants morts sans baptême. S’il n’avait pas été extrait du sein de sa mère, il faudrait l’inhumer avec elle, sans crainte de profaner le cimetière, parce qu’il est censé, cet état, n’être qu’une partie d’elle-même. Toutes les fois, au contraire, qu’on a cru avoir des raisons suffisantes pour lui donner le baptême conditionnellement, il doit être enterré en terre sainte, soit avec la mère, sans cérémonies particulières, soit séparément, en suivant le rit prescrit pour la sépulture des enfants baptisés. À plus forte raison, doit-on agir ainsi lorsqu’il paraît assez vivant pour qu’on lui donne le baptême sans condition, quelque petit qu’il soit.


Xe QUESTION

SI UN PRÊTRE, APPELÉ AUPRÈS D’UNE FILLE EN DANGER DE MORT, DÉCOUVRE PAR LA CONFESSION QU’ELLE EST ENCEINTE, QUE DOIT-IL EXIGER D’ELLE POUR ASSURER LE SALUT DE SON ENFANT ?


1o Nul doute que cette fille ne soit tenue de prendre les moyens, autant qu’il est en elle, de pourvoir au salut de son enfant ; mais en même temps il lui est permis de chercher à conserver son honneur. Si elle sait écrire, il suffit qu’elle fasse une lettre close, qu’elle la remette à une personne de confiance, avec ordre de la décacheter aussitôt après sa mort, et de la lui remettre cachetée, si elle ne meurt pas. Dans cette lettre, elle déclare sa grossesse, et demande qu’on ouvre son corps aussitôt qu’elle sera morte, pour procurer le baptême à son enfant.

2o Si elle était trop faible pour écrire ce détail, elle pourrait faire écrire la lettre par son confesseur, la signer et la donner elle-même à la personne de confiance. Nous ne verrions même pas grand inconvénient à ce que la lettre ne fût point signée par la malade, pourvu que ce fût elle-même qui la remit.

3o Dans le cas où les circonstances ne permettraient pas de prendre ce moyen, il faudrait exiger de la fille qu’elle déclarât son état à une personne digne de sa confiance, autre que le confesseur, parce que si le confesseur prenait des moyens pour faire ouvrir le corps de cette fille après sa mort, il pourrait être soupçonné d’agir en vertu de la confession. La fille malade ne doit pas même s’en rapporter à sa mère ou à sa sœur, à moins qu’elle ne soit sûre de leurs principes religieux.

4o Si elle n’est point en danger de mort, elle n’est tenue à aucune de ces précautions ; le confesseur ne doit pas les exiger : il suffit qu’elle promette à son confesseur de ne rien faire qui puisse compromettre la vie spirituelle et corporelle de son enfant.

5o Autrefois les édits des rois de France prescrivaient aux filles enceintes d’aller faire leur déclaration au curé ou au magistrat du lieu les nouvelles lois qui nous régissent, quoiqu’elles punissent rigoureusement l’infanticide volontaire, ne font aucune mention de cette déclaration. Le confesseur ne doit donc pas la prescrire.

  1. L’Embryologie sacrée est un grand ouvrage sur les précautions à prendre pour le salut des enfants qui sont dans le sein de leur mère, donné d’abord en italien, puis en latin, 1 vol. in-fol., par Cangiamila, chanoine de Palerme, mort en 1763. Cet ouvrage est estimé et a été loué en particulier par Benoît XIV (De Synodo diœcesana, l. XI, ch. 7, no  13). Il en existe un abrégé en français par Dinouari, chanoine de Paris, 1 vol. in-12, et un abrégé plus petit qui fut imprimé à Caen, en 1817.
  2. De Synodo Diœcesana, l. 4, ch. 7, no C.