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miers, Poches, Poisson, Rabougris, Raboulieres, Recepage, Recollemens, Reserves, Riverains, Riviere, Routes, Ruisseau, Segrairies, Souchetage, Taillis, Terriers, Tiers & Danger, Tiers-lot, Triage, Vente, Visite, Usage, Usagers, & plusieurs autres termes qui ont rapport à cette matiere. (A)

Eau, (Jurispr.) suivant le droit romain, l’eau de la mer, celle des fleuves & des rivieres en général, & toute eau coulante, étoient des choses publiques dont il étoit libre à chacun de faire usage.

Il n’en est pas tout-à-fait de même parmi nous : il n’est pas permis aux particuliers de prendre de l’eau de la mer, de crainte qu’ils n’en fabriquent du sel, qui est un droit que nos rois se sont réservé.

A l’égard de l’eau des fleuves & des rivieres navigables, la propriété en appartient au roi, mais l’usage en est public.

Les petites rivieres & les eaux pluviales qui coulent le long des chemins, sont aux seigneurs hauts-justiciers : les ruisseaux appartiennent aux riverains.

Il est libre à chacun de puiser de l’eau dans les fleuves, rivieres & ruisseaux publics ; mais il n’est point permis d’en détourner le cours au préjudice du public ni d’un tiers, soit pour arroser ses prés, pour faire tourner un moulin, ou pour quelqu’autre usage, sans le consentement de ceux auxquels l’eau appartient.

Le droit actif de prise d’eau peut néanmoins s’acquérir par prescription, soit avec titre ou sans titre, comme les autres droits réels ; par une possession du nombre d’années requis par la loi du lieu.

Mais la faculté de prendre de l’eau ne se prescrit point par le non-usage, sur-tout tandis que l’écluse où l’on puisoit l’eau est détruite.

Celui qui a la source de l’eau dans son fonds, peut en disposer comme bon lui semble pour son usage ; au-lieu que celui dans le fonds duquel elle ne fait simplement que passer, peut bien arrêter l’eau pour son usage, mais il ne peut pas la détourner de son cours ordinaire. Voyez au code de aquæduct. Franç. Marc, tome I. quest. dlxxxjx & dxcvij. Henrys, tome II. liv. IV. quest. xxxv & xxxvij. Basset, tome II. liv. III. tit. vij. ch. 1 & 7. (A)

Eau bouillante, (Jurispr.) servoit autrefois d’épreuve & de supplice. Voyez ci-après Epreuve de l’Eau bouillante, & aux mots Bouillir, Peine, Supplice.

Eau chaude, voyez ci-dev. Eau bouillante.

Eau froide, voyez ci-après Epreuve de l’Eau froide. (A)

Eau, (Marine.) Faire de l’eau, en terme de marine, ou faire aiguade, c’est remplir des futailles destinées à contenir l’eau nécessaire pour les besoins de l’équipage pendant le cours du voyage. Il faut, autant qu’il est possible, ne choisir que des eaux de bonne qualité & saines, tant pour éviter les maladies que les mauvaises eaux peuvent causer, que parce qu’elles se conservent mieux, & sont moins sujettes à se corrompre.

Eau douce, on donne ce nom aux eaux de fontaine, de riviere, &c.

Eau salée, c’est l’eau de la mer.

Eau saumache, c’est de l’eau qui, sans avoir tout le sel & l’âcreté de l’eau de mer, en tient cependant un peu ; ce qui se trouve quelquefois, lorsqu’on est obligé de prendre de l’eau dans des puits que l’on creuse sur le bord de la mer : on ne s’en sert que dans un grand besoin.

Eau basse, eau haute ou haute eau, morte eau, se disent des eaux de la mer lorsqu’elle monte ou descend. Voyez Marée.

Faire eau, terme tout différent de faire de l’eau : il se dit d’un vaisseau où l’eau entre par quelqu’ou-

verture, de quelque cause qu’elle provienne, soit dans un combat par un coup de canon reçû à l’eau, c’est-à-dire dans les parties qui sont sous l’eau ; soit par quelques coutures qui s’ouvrent, ou toute autre voie par où l’eau pénetre dans la capacité du vaisseau.

Eau du vaisseau, c’est la trace que le navire laisse sur l’eau dans l’endroit où il vient de passer ; c’est ce qu’on appelle le sillage, l’oüaiche ou la seillure. Lorsqu’on suit un vaisseau de très-près, & qu’on marche dans son sillage, on dit être dans ses eaux.

Mettre un navire à l’eau, c’est le mettre à la mer, ou le pousser à l’eau de dessus le chantier, après sa construction ou son radoub. Voyez Lancer. (Z)

Eau de Nef, terme de Riviere, est la portion d’eau qui coule entre deux bateaux sur lesquels sont posées deux pieces de bois par-dessus lesquelles on décharge le vin.

Eau, (Manége.) envisagée par ses usages relativement aux chevaux.

1°. Elle en est la boisson ordinaire.

Je ne sai comment on pourroit accorder les idées d’Aristote, & de quelques écrivains obscurs qui n’ont parlé que d’après lui, avec celles que nous nous formons des effets que cet élément produit dans nos corps & dans celui des animaux. Ce philosophe, à l’étude & aux observations duquel Alexandre en soûmit une multitude de toute espece, ne me paroît point aussi supérieur dans les détails, qu’il l’a été par rapport aux vûes générales. A l’en croire, les chevaux & les chameaux boivent l’eau trouble & épaisse avec plus de plaisir que l’eau claire ; la preuve qu’il en apporte, est qu’ils la troublent eux-mêmes : il ajoûte que l’eau chargée de beaucoup de particules hétérogenes, les engraisse, parce que dès-lors leurs veines se remplissent davantage.

La seule exposition des faits allégués par ce grand homme, & des causes sur lesquelles il les appuie, suffiroit aujourd’hui pour en demontrer la fausseté ; mais peut-être des personnes pénétrées d’une estime aveugle & outrée pour les opinions des anciens, me reprocheroient de n’avoir qu’un mépris injuste pour ces mêmes opinions : ainsi je crois devoir, en opposant la raison à l’autorité, me mettre à l’abri du blâme auquel s’exposent ceux qui tombent dans l’un ou dans l’autre de ces excès.

Il est singulier que le même naturaliste, qui, pour exprimer le plaisir que le cheval ressent en se baignant, le nomme animal philolutron, philydron, soit étonné de voir qu’il batte & qu’il agite communément l’eau au moment où il y entre, & n’impute cette action de sa part qu’au dessein & à la volonté de la troubler, pour s’en abreuver avec plus de satisfaction. Il me semble qu’en attribuant ces mouvemens, que nous ne remarquons que rarement dans les chevaux accoûtumés à boire dans la riviere, au desir naturel à l’animal philolutron, de faire rejaillir par ce moyen l’eau sur lui-même, ou de s’y plonger, on ne se seroit pas si éloigné de la vraissemblance.

L’expérience est mille fois plus sûre que le raisonnement. Présentez à l’animal de l’eau trouble, mais sans odeur ou mauvais goût, & de l’eau parfaitement limpide, il s’abreuvera indifféremment de l’une ou de l’autre : conduisez-le dans une riviere, dès qu’il sera véritablement altéré, il boira sur le champ, & ne cherchera point d’abord à en troubler l’eau : permettez-lui de la battre & de l’agiter à son gré, il s’y couchera infailliblement : examinez enfin ce dont ont été témoins nombre d’écrivains qui ont enrichi le recueil curieux qui a pour titre, Scriptores rei rusticæ veteres, &c. & ce dont vous pouvez vous assûrer par vous-même, vous verrez que beaucoup de chevaux brûlant d’une soif ardente, ne sont point pressés de l’étancher, lorsqu’on ne leur offre à cet effet