L’Encyclopédie/1re édition/LANCER

LANCER, v. act. (Gramm.) c’est jetter avec force. Ce verbe a différentes acceptions. Voyez les articles suivans.

Lancer une manœuvre, (Marine.) c’est amarer une manœuvre, en la tournant autour d’un bois mis exprès pour cet usage.

Lancer, (Marine.) navire qui lance bas bord ou stribord ; cela se dit d’un vaisseau qui, au lieu d’aller droit à sa route, se jette d’un côté ou d’autre, soit que le timonnier gouverne mal, soit par quelqu’autre raison.

Lancer un vaisseau à l’eau, (Marine.) Le terrein sur lequel on construit le vaisseau, & qu’on appelle le chantier, est incliné & va en pente jusqu’à l’eau : cette inclinaison est ordinairement de six lignes sur chaque pié de longueur. On prolonge ce chantier jusques dans l’eau, en y ajoutant d’autres poutres & d’autres tins, qui forment un plan toujours également incliné, & on met au-dessus de forts madriers pour servir de chemin à la quille, retenue dans une espece de coulisse formée par de longues tringles paralleles. On place ensuite de chaque côté jusqu’à l’eau, des poutres qu’on nomme coites, & qui étant éloignées les unes des autres à-peu-près à la distance de la demi-largeur du vaisseau, répondent vers l’extrémité du plat de la maîtresse varangue. Comme elles ne peuvent être assez hautes pour parvenir jusqu’à la carene du vaisseau, quoiqu’elles soient fort avancées dessous, on attache deux autres pieces de bois appellées colombiers, qui s’appuient sur les coites, & qui peuvent glisser dessus. Ces poutres sont frottées avec du sindoux ou avec du suif ; on frotte de même la quille. On attache ensuite le vaisseau par l’avant, par les côtés & par-derriere à un des gonds du gouvernail. Des hommes tiennent les cordes des côtés & de l’avant, & la corde de derriere, qu’on appelle corde de retenue, est liée à un gros pieu qui est en terre.

Les choses ainsi disposées, on ôte, à coups de massue, les anciens coins, & on en substitue sur le champ de nouveaux, pour soutenir la quille dans le tems qu’elle coulera ; enfin on coupe les acores & les étances de devant & des côtés & la corde de retenue, & dans l’instant le vaisseau part. Il faut alors jetter de l’eau sur l’endroit où il glisse, crainte que le feu n’y prenne par le grand frottement, & mettre tout en œuvre pour accélérer la marche du vaisseau. A cette fin on engage sous la quille de longues solives par le bout pour l’ébranler & lui donner du mouvement si le vaisseau ne part pas assez vîte. Les hommes qui tiennent les cordes de l’avant, comme on l’a dit ci-dessus, les tirent alors ou les roidissent par le moyen des cabestans, & ils hâlent celles des côtés pour retenir le vaisseau dans sa chûte, ou pour diminuer la force du choc dans l’eau, qui lui seroit préjudiciable.

Cette maniere de lancer les vaisseaux à l’eau, qui est la meilleure qu’on ait imaginé, n’est pas cependant suivie par les Portugais. Ils croient qu’il vaut mieux que le vaisseau entre dans l’eau par la poupe que par la proue. Il n’est pas aisé de découvrir sur quelles raisons ils fondent une pareille manœuvre.

Dans la nord-Hollande, pour lancer les vaisseaux à l’eau, on les fait passer sur une digue qui s’éleve en talut des deux côtés, & qui est frottée de graisse. Le vaisseau est construit sur un pont à rouleaux au bas de la digue. On amare deux cordes à l’étrave en deux endroits, & autant à la quille, & on ceintre l’arriere avec d’autres cordes. Ces cordes passent par divers vindas ou cabestans, dans chacun desquels il y a deux poulies & trois rouets dans chaque poulie. Vingt à trente hommes virent ces machines, tandis que d’autres sont attentifs à roidir les cordes de l’arriere lorsque le bâtiment vient à rouler. On le monte d’abord au haut de la digue ; & quand il y est parvenu, on le met sur la pente qui conduit à l’eau, & on le suit à-peu-près de la même façon qu’on l’a suivi pour le faire monter. Cette méthode est aussi fort bonne.

Lancer la navette, (Rubannier.) voici ce que c’est : lorsqu’un ouvrier commence un ouvrage, ou même lorsqu’il remonte sur son métier, il faut toujours que sa navette commence à lever par sa main gauche, parce que sa premiere marche est marchée du pié gauche, la main devant suivre le pié du même côté. Il y a encore une autre raison de cet usage ; si c’étoit la main droite qui partit la premiere, la navette reviendroit (au dernier coup du cours de marche) dans cette même main droite : il faudroit donc que l’ouvrier changeât sa navette de main pour pouvoir tirer un autre retour ; ce qui, outre l’embarras, feroit beaucoup perdre de tems, puisque ces retours sont toujours à sa main droite.

Lancer le cerf, (Chasse.) c’est le faire partir de la reposée comme les autres bêtes fauves.

Autrefois on ne lançoit qu’avec les limiers ; à-présent on découple les chiens de meute pour lancer le cerf.

Lancer un loup, c’est le faire partir du liteau.

Lancer un lievre, c’est le faire sortir du gîte.

Lancer une bête noire, c’est la faire partir de la bauge. Voyez nos Pl. de Chasse.