L’Encyclopédie/1re édition/ROUTE

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ROUTE, VOIE, CHEMIN, (Synonymes) le mot de route enferme dans son idée quelque chose d’ordinaire & de fréquenté ; c’est pourquoi l’on dit la route de Lyon, la route de Flandre. Le mot de voie marque une conduite certaine vers le lieu dont il est question ; ainsi l’on dit que les souffrances sont la voie du ciel. Le mot de chemin signifie précisément le terrein qu’on suit, & dans lequel on marche ; & en ce sens on dit que les chemins coupés sont quelquefois les plus courts, mais que le grand chemin est toujours plus sûr.

Les routes different proprement entre elles par la diversité des places ou des pays par où l’on peut passer ; on va de Paris à Lyon par la route de Bourgogne ou par la route de Nivernois. La différence qu’il y a entre les voies semble venir de la diversité des manieres dont on peut voyager ; on va à Rouen ou par la voie de l’eau, ou par la voie de terre. Les chemins paroissent différer entre eux par la diversité de leur situation, & de leurs contours ; on suit le chemin pavé ou le chemin de terre.

Dans le sens figuré la bonne route conduit surement au but ; la bonne voie y mene avec honneur, le bon chemin y mene facilement.

On se sert aussi des mots de route & de chemin pour désigner la marche ; avec cette différence, que le premier ne regardant alors que la marche en elle-même, s’emploie dans un sens absolu & général, sans admettre aucune idée de mesure ni de quantité ; ainsi l’on dit simplement être en route & faire route ; au-lieu que le second ayant non-seulement rapport à la marche, mais encore à l’arrivée qui en est le but, s’emploie dans un sens relatif à une idée de quantité marquée par un terme exprès, ou indiquée par la valeur de celui qui lui est joint, de-sorte que l’on dit, faire peu ou beaucoup de chemin, avancer chemin. Quant au mot devoie, s’il n’est en aucune façon d’usage pour designer la marche, il l’est en revanche pour désigner la voiture ou la façon dont on fait cette marche ; ainsi l’on dit d’un voyageur, qu’il va par la voie de la poste, par la voie du coche, par la voie du messager ; mais cette idée est tout-à-fait étrangere aux deux autres, & tire par conséquent celui-ci hors du rang de leurs synonymes à cet égard ; enfin le mot de voie est consacré aux grands chemins de l’empire romain ; on dit la voie appienne, flaminienne, laurentie, ardéatine, triomphale, &c. (D. J.)

Route, via, (Histoire.) est un passage ouvert, & formé pour la commodité de la communication d’un lieu à un autre. Voyez Chemin.

Les Romains sont de tous les peuples celui qui s’est donné le plus de soins pour faire de belles routes. C’est une chose presque incroyable que les peines qu’ils ont prises & les dépenses qu’ils ont faites pour avoir des chemins vastes, droits, & commodes, depuis une extrémité de l’empire jusqu’à l’autre. Voyez l’histoire des grands-chemins de l’empire par Bergier.

Pour y parvenir ils commençoient par durcir le sol en l’enfonçant, ils y mettoient ensuite une couche de cailloux & de sable ; quelquefois ils le garnissoient d’une couche de maçonnerie composée de blocailles, de briques, de moilons pilés & unis ensemble avec du mortier.

Le pere Menestrier remarque, que dans quelques endroits du Lyonnois, il a trouvé de grands an as de cailloux cimentés & unis avec de la chaux, jusqu’à la profondeur de dix ou douze piés, & formant une masse aussi dure & aussi compacte que le marbre même ; que cette masse après avoir resisté 1600 ans aux injures du tems, cede à peine encore aujourd’hui aux plus grands efforts du marteau ou du hoyau ; & que cependant les cailloux dont elle est composée ne sont pas plus gros que des œufs.

Quelquefois les chemins étoient pavés régulierement avec de grandes pierres de taille quarrées ; telles étoient les voies appienne & flaminienne. Voyez Paver.

Les chemins pavés de pierres très-dures étoient appellées ordinairement viæ ferreæ, soit parce que les pierres ressembloient au fer, soit parce qu’elles resistoient aux fers des chevaux, au fer des roues & des chariots, &c.

Les routes sont naturelles ou artificielles, par terre ou par eau, publiques ou particulieres.

Route naturelle, est celle qui a été fréquentée durant un long espace de tems, & que sa seule disposition donne moyen de conserver avec peu de dépense.

Route artificielle, est celle qui est faite par le travail des hommes, & composée soit de terre, soit de maçonnerie, & pour laquelle il a fallu surmonter des difficultés ; telles sont la plûpart des routes qui sont sur le bord des fleuves, ou qui passent à-travers des lacs, des marais, &c.

Routes par terre ou routes terrestres, sont celles qui non-seulement sont faites sur la terre, mais qui sont formées de terre amassée ou haussée en forme de levée, soutenue par des éperons, des arcs-boutans & des contre-forts.

Les routes par eau sont aussi ou naturelles ou artificielles. Les naturelles sont les rivieres, les lacs, la mer, qu’on cotoye, qu’on parcourt ou qu’on traverse pour aller d’un lieu ou d’un pays dans un autre ; les artificielles sont les canaux creusés de main d’homme, comme ceux de Hollande, & les navilles en Italie ; en France ceux du Languedoc, de Briare, de Montargis ou de Loire.

Les routes publiques sont les grands chemins ; & l’on entend par routes particulieres, ou celles qui sont de traverse, ou celles qui aboutissent aux grands chemins, & s’étendent à droite & à gauche dans les campagnes.

Sanson & Ogilby ont fait des cartes des routes de France & d’Angleterre.

Quelques personnes se servent du mot de route, pour signifier un sentier percé à-travers un bois, & reservent le mot de chemin pour les grandes routes. Voyez Chemin.

Route publique ou grande route, est une route commune à tout le monde, soit droite ou courbée, soit militaire ou royale : route particuliere est celle qui est destinée pour la commodité de quelque maison particuliere.

Les routes militaires, ainsi appellées parmi les Romains, étoient de grandes routes destinées aux marches des armées qu’on envoyoit dans les provinces de l’Empire pour secourir les alliés. Voyez Chemin.

Doubles routes, étoient chez les Romains des routes destinées au transport des différentes matieres : elles avoient deux parties ou chemins différens ; l’une pour ceux qui alloient par un chemin, l’autre pour ceux qui revenoient par un autre : les doubles routes étoient destinées à empêcher l’embarras, le choc des voitures & la confusion.

Les deux parties de ces routes étoient séparées l’une de l’autre par une espece de parapet élevé entre deux ; ce parapet étoit pavé de briques, & servoit aux gens de pié : il avoit des especes de bords, & il étoit garni de degrés d’espace en espace, & de colonnes pour marquer les distances. Telle étoit la route de Rome à Ostie, appellée via porticensis.

Route souterraine, est une route creusée dans le roc, à coup de ciseau, & voûtée. Telle est la route de Pouzzoles près de Naples, qui a près d’une demi-lieue de long, environ 15 piés de large & autant de haut.

Strabon dit que cette route fut faite par un certain Cocceius, sous le regne de l’empereur Nerva ; mais elle a depuis été élargie par Alphonse, roi d’Arragon & de Naples, & les vicerois l’ont rendue droite. Il y a une autre route semblable dans le même royaume, entre Baies & Cumes, on l’appelle la grotte de Virgile, parce que ce poëte en parle dans le sixieme livre de l’Eneide. Voyez Grotte. (G)

Route, en terme de navigation. Voyez Navigation, Rhumb, Loxodromie, Cabotage, &c.

Route, (Marine.) c’est le chemin que tient le vaisseau ; on dit à la route, lorsqu’on commande au timonnier de gouverner à l’air de vent qu’on lui a marqué.

On dit encore, porter à route, quand on court en droiture à l’endroit où l’on doit aller sans relâcher & sans dérive.

Route fausse ou fausse route, (Marine.) on dit faire fausse route, lorsqu’on ne porte pas vers l’endroit où l’on veut aller. Il est des cas où l’on est obligé de faire fausse route ; par exemple, si un vaisseau plus foible est apperçu par un vaisseau ennemi plus fort qui le chasse pour le joindre ; s’il peut gagner la nuit, alors au lieu de suivre la route qu’il faisoit, il porte autant qu’il peut d’un autre côté, & change ainsi de route, & souvent par ce moyen évite l’ennemi & s’échappe.

Route, (Art mil.) on appelle route dans le militaire, une espece d’acte que le roi fait accorder aux régimens qui se transportent d’un lieu dans un autre, & aux officiers-qui menent des recrues, pour que l’étape leur soit fournie dans les lieux de leur passage.

Lorsque le roi trouve à propos d’accorder des routes pour des recrues ou des remontes, elle veut & entend que les majors des régimens envoyent au commencement du quartier d’hiver au secrétaire d’état de la guerre, les mémoires des routes dont chaque capitaine aura besoin, soit pour les recrues d’hommes ou les chevaux de remonte de sa compagnie, dans lesquels mémoires ils doivent marquer le nombre qui manque à chaque compagnie pour la rendre complette sur le pié de la derniere revûe. Ils doivent désigner aussi le premier lieu d’étape où la route devra commencer ; il faut que ce soit autant qu’il est possible, une ville ou un chef-lieu d’élection.

Il y a beaucoup de réglemens pour prévenir les abus qui peuvent se glisser dans les routes. Voyez le code militaire de M. Briquet. (Q)

Route, espece de brigands qui ont long-tems ravagé la France, & qui formoient un corps de troupes dont les rois se sont servis dans plusieurs occasions, mais qui furent entierement dissipés sous le regne de Charles V. Voyez Compagnies. (Q)

Route, s. f. (Décorat. d’Agricult.) c’est dans un parc, une allée d’arbres sans aire de recoupes ni sable, où les carrosses peuvent rouler. (D. J.)

Routier, s. m. (Marine.) c’est ainsi qu’on a intitulé quelques ouvrages du pilotage, qui contiennent des cartes marines, des vûes de côtes, des observations sur les diverses qualités des parages, & des instructions pour la route des vaisseaux.

Routier, (Comm.) on appelle en Hollande maîtres routiers, ceux qui sont chargés de la conduite des voitures publiques, soit par eau, soit par terre. Ils sont ainsi nommés, à cause qu’ils font toujours la même route, partant à heure marquée & arrivant de même.

C’est ce que nous appellons en France, maîtres de coches par eau ou par terre, maîtres de messageries & de carrosses. Les maîtres routiers de Hollande sont établis par des lettres des colleges de l’amirauté chacun dans son district, lesquelles doivent être renouvellées tous les deux ans ; ils jouissent de grandes franchises & d’une protection marquée des états, à cause de l’utilité publique & de l’exactitude avec laquelle il est nécessaire que ces voitures soient conduites.

On donne aussi le nom de routiers aux vaisseaux & barques, établies sur les canaux & autres eaux des Provinces-Unies, pour transporter d’un lieu à un autre les marchandises & les personnes. Dictionn. de Commerce.