L’Encyclopédie/1re édition/AIR
AIR, s. m. est un corps léger, fluide, transparent, capable de compression & de dilatation ; qui couvre le globe terrestre jusqu’à une hauteur considérable. Voyez Terre & Terrestre. Ce mot vient du grec ἀὴρ, qui signifie la même chose.
Quelques Anciens ont considéré l’air comme un élement : mais ils ne prenoient pas le mot élement dans le même sens que nous. Voyez Élement.
Il est certain que l’air, pris dans sa signification ordinaire, est très-éloigné de la simplicité d’une substance élémentaire, quoiqu’il puisse avoir des parties qui méritent cette dénomination. C’est pourquoi on peut distinguer l’air en air vulgaire ou hétérogene, & en propre ou élémentaire.
L’air vulgaire ou hétérogene est un assemblage de corpuscules de différentes sortes, qui toutes ensemble constituent une masse fluide, dans laquelle nous vivons & nous nous mouvons, & que nous inspirons & expirons alternativement. Cette masse totale est ce que nous appellons atmosphere. V. Atmosphere.
A la hauteur où finit cet air ou atmosphere, commence l’éther selon quelques Philosophes. V. Éther & Réfraction.
Les substances hétérogenes dont l’air est composé, peuvent se reduire à deux sortes ; savoir 1°. la matiere de la lumiere ou du feu, qui émane perpetuellement des corps célestes. Voyez Feu. A quoi quelques Physiciens ajoûtent les émanations magnétiques de la terre, vraies ou prétendues. Voyez Magnétisme.
2°. Ce nombre infini de particules qui s’élevent en forme de vapeurs ou d’exhalaisons seches de la terre, de l’eau, des minéraux, des végétaux, des animaux, &c. soit par la chaleur du soleil, ou par celle des feux soûterrains, ou par celle des foyers. Voyez Vapeur & Exhalaison.
L’air élémentaire, ou air proprement dit, est une matiere subtile, homogene & élastique, qui est la base, pour ainsi-dire, & l’ingrédient fondamental de tout l’air de l’atmosphere, & qui lui donne son nom.
On peut reconnoître l’air proprement dit, à une infinité de caracteres ; nous en allons ici exposer quelques-uns.
1°. Lorsqu’on renferme l’air dans quelque vaisseau de métal ou dans un verre, il y reste sans qu’il lui arrive aucun changement, & toûjours sous la forme d’air : mais il n’en est pas de même des vapeurs ; car dès qu’elles deviennent froides, elles perdent toute leur élasticité, & vont s’attacher tout autour des parois internes du verre, d’où elles dégoûtent & tombent ensuite en-bas ; de sorte que les verres & les vaisseaux, qui auparavant étoient remplis de vapeurs élastiques, se trouvent ensuite comme vuides. Il en est à peu-près de même des exhalaisons des autres corps, qui se dissipent avec le tems & se perdent en quelque maniere, lorsque leurs parties, après avoir perdu l’élasticité qu’elles avoient, viennent à se réunir & à ne faire qu’un corps. Cela paroît par plusieurs expériences qui ont été faites par M. Boyle avec l’air que l’on tire des raisins, de la pâte de farine, de la chair, & de plusieurs autres corps : cela se confirme aussi par les expériences dont M. Hales a donné la description dans son ouvrage intitulé la Statique des végétaux & l’analyse de l’air.
2°. Une autre propriété de l’air, c’est que par son moyen les corps terrestres qui sont en feu, continuent de bruler jusqu’à ce que toutes les parties qui peuvent contenir du feu, soient consumées ; au contraire les vapeurs & les exhalaisons éteignent dans l’instant le feu le plus vif, de même que l’éclat des charbons & du fer ardent. Ces mêmes vapeurs, bien loin d’être nécessaires à la respiration, comme l’air, y nuisent souvent, & quelquefois suffoquent. Témoin l’effet du soufre allumé, & celui de la grotte d’Italie, où un chien est suffoqué en un clin d’œil.
3°. Si l’air n’est pas un fluide différent des vapeurs & des exhalaisons, pourquoi reste-t-il tel qu’il étoit auparavant, après une grosse pluie mêlée d’éclairs & de tonnerre ? En effet, lorsqu’il fait des éclairs, les exhalaisons se mettent en feu, & tombent sur la terre en forme de pluie avec les vapeurs : mais après la pluie, on ne remarque pas qu’il soit arrivé aucun changement à l’air, si ce n’est qu’il se trouve purifié ; il doit donc être différent des exhalaisons terrestres. Mussch. Essai de Phys.
Quant à la nature & la substance de l’air, nous n’en savons que bien peu de chose ; ce que les Auteurs en ont dit jusqu’à présent n’étant que de pures conjectures. Il n’y a pas moyen d’examiner l’air seul & épuré de toutes les matieres qui y sont mêlées ; & par conséquent on ne peut pas dire quelle est sa nature particuliere, abstraction faite de toutes les matieres hétérogenes parmi lesquelles il est confondu.
Le Docteur Hook veut que ce ne soit rien autre chose que l’éther même, ou cette matiere fluide & active, répandue dans tout l’espace des régions célestes ; ce qui répond au medium subtile, ou milieu subtil de Newton. Voyez Éther, Milieu.
Considéré comme tel, on en fait une substance sui generis, qui ne dérive d’aucune autre, qui ne peut être engendrée, qui est incorruptible, immuable, présente en tous lieux, dans tous les corps, &c. D’autres s’attachent à son élasticité, qu’ils regardent comme son caractere essentiel & distinctif ; ils supposent qu’il peut être produit & engendré, & que ce n’est autre chose que la matiere des autres corps, devenue par les changemens qui s’y sont faits, susceptible d’une élasticité permanente. M. Boyle nous rapporte plusieurs expériences qu’il a lui-même faites sur la production de l’air : ce Philosophe appelle produire de l’air, tirer une quantité d’air sensible de corps où il ne paroissoit pas y en avoir du tout, du moins où il paroissoit y en avoir moins que ce qui en a été tiré. Il observe que parmi les différentes méthodes propres à cet effet, les meilleures sont la fermentation, la corrosion, la dissolution, la décomposition, l’ébullition de l’eau & des autres fluides, & l’action réciproque des corps, surtout des corps salins, les uns sur les autres. Hist. de l’air. Il ajoûte que les différens corps solides & minéraux, dans les parties desquels on ne soupçonneroit pas la moindre élasticité, étant plongés dans des menstrues corrosifs, qui ne soient point élastiques non plus, on aura cependant au moyen de l’atténuation des parties, causée par leur froissement, une quantité considérable d’air élastique. Voyez Ibid.
Newton est du même sentiment. Selon ce Philosophe, les particules d’une substance dense, compacte & fixe, adhérentes les unes aux autres par une puissante force attractive, ne peuvent être séparées que par une chaleur violente, & peut-être jamais sans fermentation ; & ces corps raréfiés à la fin par la chaleur ou la fermentation, se transforment en un air vraiment élastique. Voyez l’Optique de Newton. Sur ce principe, il ajoûte que la poudre à canon produit de l’air par son explosion. Ibid.
Voilà donc non-seulement des matériaux pour produire de l’air, mais aussi la méthode d’y procéder : en conséquence de quoi on divise l’air en réel ou permanent, & en apparent ou passager. Car pour se convaincre que tout ce qui paroît air ne l’est pas pour cela, il ne faut que l’exemple de l’éolipile, où l’eau étant suffisamment raréfiée par le feu, sort avec un siflement aigu, sous la forme d’une matiere parfaitement semblable à l’air ; mais bientôt après perd cette ressemblance, surtout au froid, & redevient eau par la condensation, telle qu’elle étoit originairement. On peut observer la même chose dans l’esprit de vin, & autres esprits subtils & fugitifs qu’on obtient par la distillation ; au lieu que l’air réel ne se peut réduire ni par la compression, ni par la condensation ou autre voie, en aucune autre substance que de l’air. Voyez Eolipile.
On peut donc faire prendre à l’eau pour quelque tems l’apparence de l’air : mais elle reprend bientôt la sienne. Il en est de même des autres fluides ; la plus grande subtilisation qu’on y puisse produire, est de les réduire en vapeurs, lesquelles consistent en un fluide extrèmement raréfié, & agité d’un mouvement fort vif. Car pour qu’une substance soit propre à devenir un air permanent, il faut, dit-on, qu’elle soit d’une nature fixe ; autrement elle ne sauroit subir la transmutation qu’il faudroit qui s’y fît ; mais elle s’envole & se dissipe trop vîte. Ainsi la différence entre l’air passager & l’air permanent, répond à celle qui est entre les vapeurs & les exhalaisons, qui consiste en ce que celles-ci sont seches, & celles-là humides, &c. Voyez Vapeur & Exhalaison
La plûpart des Philosophes font consister l’élasticité de l’air dans la figure de ses particules. Quelques-uns veulent que ce soit de petits floccons semblables à des touffes de laine ; d’autres les imaginent tournées en rond comme des cerceaux, ou roulées en spirale comme des fils d’archal, des copeaux de bois, ou le ressort d’une montre, & faisant effort pour se rétablir en vertu de leur contexture ; de sorte que pour produire de l’air, il faut, selon eux, produire des particules disposées de cette maniere, & qu’il n’y a de corps propres à en produire, que ceux qui sont susceptibles de cette disposition. Or c’est dequoi, ajoûtent-ils, les fluides ne sont pas susceptibles, à cause du poli, de la rondeur, & de la lubricité de leurs parties.
Mais Newton, (Opt. p. 371.) propose un système différent : il ne trouve pas cette contexture des parties suffisante pour rendre raison de l’élasticité surprenante qu’on observe dans l’air, qui peut être raréfié au point d’occuper un espace un million de fois plus grand que celui qu’il occupoit avant sa raréfaction. Or comme il prétend que tous les corps ont un pouvoir attractif & répulsif, & que ces deux qualités sont d’autant plus fortes dans les corps, qu’ils sont plus denses, plus solides, & plus compacts ; il en conclut que quand par la chaleur, ou par l’effet de quelqu’autre agent, la force attractive est surmontée, & les particules du corps écartées au point de n’être plus dans la sphere d’attraction, la force répulsive commençant à agir, les fait éloigner les unes des autres avec d’autant plus de force qu’elles étoient plus étroitement adhérentes entre elles, & ainsi il s’en forme un air permanent. C’est pourquoi, dit le même Auteur, comme les particules d’air permanent sont plus grossieres, & formées de corps plus denses que celles de l’air passager ou des vapeurs, le véritable air est plus pesant que les vapeurs, & l’atmosphere humide plus légere que l’atmosphere seche. Voyez Attraction, Répulsion, &c.
Mais, après tout, il y a encore lieu de douter si la matiere ainsi extraite des corps solides a toutes les propriétés de l’air ; si cet air n’est pas passager, ou si l’air permanent qu’on tire des corps n’y existoit pas déjà. M. Boyle prouve par une expérience faite dans la Machine pneumatique avec une meche allumée, que cette fumée subtile que le feu éleve même des corps secs, n’a pas autant de ressort que l’air, puisqu’elle ne sauroit empêcher l’expansion d’un peu d’air enfermé dans une vessie qu’elle environne. Physic. mech. Exper. Néanmoins dans quelques expériences postérieures, en dissolvant du fer dans l’huile de vitriol & de l’eau, ou dans de l’eau-forte, il a formé une grosse bulle d’air qui avoit un véritable ressort, & qui en conséquence de son ressort, empêchoit que la liqueur voisine ne prit sa place ; lorsqu’on y appliqua la main toute chaude, elle se dilata aisément comme tout autre air, & se sépara dans la liqueur même en plusieurs bulles, dont quelques-unes s’éleverent hors de la liqueur en plein air. Ibid.
Le même Physicien nous assûre avoir tiré une substance vraiment élastique de plusieurs autres corps ; comme du pain, du raisin, de la bierre, des pommes, des pois, du bœuf, &c. & de quelques corps, en les brûlant dans le vuide, & singulierement du papier, de la corne de cerf : mais cependant cette substance, à l’examiner de près, étoit si éloignée de la nature d’un air pur, que les animaux qu’on y enfermoit, non-seulement ne pouvoient respirer qu’avec peine, mais même y mouroient plus vîte que dans un vuide, où il n’y auroit point eu d’air du tout. Physic. mechan. exper.
Nous pouvons ajoûter ici une observation de l’Académie Royale des Sciences, qui est que l’élasticité est si éloignée d’être la qualité constitutive de l’air, qu’au contraire s’il se joint à l’air quelques matieres hétérogenes, il devient plus élastique qu’il ne l’étoit dans toute sa pureté. Ainsi M. de Fontenelle assûre en conséquence de quelques expériences faites à Paris par M. de la Hire, & à Boulogne par M. Stancari, que l’air rendu humide par le mélange des vapeurs est beaucoup plus élastique, & plus capable d’expansion, que quand il est pur ; & M. de la Hire le juge huit fois plus élastique que l’air sec. Hist. de l’Acad. an. 1708.)
Mais il est bon d’observer aussi que M. Jurin explique ces expériences d’une autre maniere, & prétend que la conséquence qu’on en tire, n’en est pas une suite nécessaire. Append. ad V aren. Geogr.
Tout ce que nous venons de dire, s’entend de l’air considéré en lui-même : mais, comme nous l’avons remarqué, cet air n’existe nulle part pur de tout mêlange. Or ces substances hétérogenes des propriétés & des effets desquels nous avons à traiter ici, sont selon M. Boyle, d’une nature toute différente de celle de l’air pur. Boerhaave même fait voir que c’est un cahos & un assemblage de toutes les especes de corps créés. Tout ce que le feu peut volatiliser s’éleve dans l’air : or il n’y a point de corps qui puisse résister à l’action du feu. Voyez Feu, Volatil, &c.
Par exemple, il doit s’y trouver 1°. des particules de toutes les substances qui appartiennent au regne minéral : car toutes ces substances, telles que les sels, les soufres, les pierres, les métaux, &c. peuvent être converties en fumée, & par conséquent prendre place parmi les substances aériennes. L’or même, le plus fixe de tous les corps naturels, se trouve dans les mines fortement adhérent au soufre, & peut conséquemment être élevé avec ce minéral. Voyez Or, &c.
2°. Il faut aussi qu’il y ait dans l’air des particules de toutes les substances qui appartiennent au regne animal. Car les émanations abondantes qui sortent perpétuellement des corps des animaux par la transpiration qu’opere sans cesse la chaleur vitale, portent dans l’air pendant le cours entier de la vie d’un animal plus de particules de sa substance qu’il n’en faudroit pour récomposer plusieurs corps semblables. Voyez Transpiration, Emanation, &c.
De plus, quand un animal mort reste exposé à l’air, toutes ses parties s’évaporent & se dissipent bien-tôt ; de sorte que la substance dont étoit composé un animal, un homme par exemple, un bœuf ou tout autre, se trouve presque toute convertie en air.
Voici une preuve entre mille autres, qui fait bien voir que l’air se charge d’une infinité de particules excrémenteuses ; on dit qu’à Madrid, on n’est point dans l’usage d’avoir des privés dans les maisons ; que les rues en servent la nuit : que cependant l’air enleve si promptement les particules fétides, qu’il n’en reste aucune odeur le jour.
3°. Il est également certain que l’air est aussi chargé de végétaux ; car on sait que toutes les substances végétales deviennent volatiles par la putréfaction, sans même en excepter ce qu’il y a de terreux & de vasculaire qui s’échappe à son tour. Voyez Végétal, Plante, &c.
De toutes ces émanations qui flotent dans le vaste océan de l’atmosphere, les principales sont celles qui consistent en parties salines. La plûpart des Auteurs imaginent qu’elles sont d’une espece nitreuse : mais il n’y a pas à douter qu’il n’y en ait de toutes sortes ; du vitriol, de l’alun, du sel marin, & une infinité d’autres. Voyez Sel, Nitre, &c.
M. Boyle observe même qu’il peut y avoir dans l’air quantité de sels composés qui ne sont point sur terre : formés par la rencontre fortuite & le mêlange de différens esprits salins. Ainsi l’on voit des vitrages d’anciens bâtimens, corrodés comme s’ils avoient été rongés par des vers, quoique aucun des sels que nous connoissons en particulier, ne fût capable de produire cet effet.
Les soufres sont sans doute une partie considérable de la substance aérienne, à cause du grand nombre de volcans, de grottes, de cavernes, & de soûpiraux ; d’où il sort une quantité considérable de soufres qui se répand dans l’atmosphere. Voyez Soufre, Volcan, &c.
Et l’on peut regarder les aggrégations, les séparations, les frottemens, les dissolutions & les autres opérations d’une matiere sur une autre, comme les sources d’une infinité de substances neutres & anonymes qui ne nous sont pas connues.
L’air, pris dans cette acception générale, est un des agens les plus considérables & les plus universels qu’il y ait dans la nature, tant pour la conservation de la vie des animaux, que pour la production des plus importans phénomenes qui arrivent sur la terre. Ses propriétés & ses effets-ayant été les principaux objets des recherches & des découvertes des Philosophes modernes ; ils les ont réduits à des lois & des démonstrations précises qui font partie des branches des Mathématiques qu’on appelle Pneumatique & Airométrie. Voyez Respiration, Pneumatique & Airometrie, &c.
Parmi les propriétés & les effets méchaniques de l’air, les principaux sont sa fluidité, sa pesanteur & son élasticité. 1°. Commençons par la fluidité. Cette propriété de l’air est constante par la facilité qu’ont les corps à le traverser, par la propagation des sons, des odeurs & émanations de toutes sortes qui s’échappent des corps ; car ces effets désignent un corps dont les parties cedent au plus léger effort, & en y cédant, se meuvent elles-mêmes avec beaucoup de facilité : or voilà précisément ce qui constitue le fluide. L’air ne perd jamais cette propriété, soit qu’on le garde plusieurs années dans une bouteille fermée, soit qu’on l’expose au plus grand froid naturel ou artificiel, soit qu’on le condense en le comprimant fortement. On n’a jamais remarqué dans aucun de ces cas qu’il se soit réduit en parties solides ; cela vient de sa rareté, de sa mobilité, & de la figure de ses parties. M. Formey. V. Fluide & Son, &c.
Ceux, qui suivant le sentiment de Descartes, font consister la fluidité dans un mouvement perpétuel & intestin des parties, trouveront ce caractere dans l’air. Ainsi dans une chambre obscure où les représentations des objets extérieurs ne sont introduites que par un seul rayon, on voit les corpuscules dont l’air est rempli dans une fluctuation perpétuelle ; & les meilleurs Thermometres ne sont jamais dans un parfait repos. Voyez Thermometre.
Quelques Philosophes modernes attribuent la cause de la fluidité de l’air, au feu qui y est entremêlé, sans lequel toute l’atmosphere, selon eux, se durciroit en une masse solide & impénétrable ; & en effet, plus le degré de feu y est considérable, plus elle est fluide, mobile & perméable ; & selon que les différentes positions du soleil augmentent ou diminuent ce degré de feu, l’air en reçoit toûjours une température proportionnée. Voyez Feu.
C’est-là, sans doute en grande partie, ce qui fait que sur les sommets des plus hautes montagnes, les sensations de l’oüie, de l’odorat, & les autres, se trouvent plus foibles. Voyez Montagne.
Comme l’air est un fluide, il presse dans toutes sortes de directions avec la même force, c’est-à-dire, en haut, en bas, latéralement, obliquement, ainsi que l’expérience le démontre dans tous les fluides. On prouve que la pression latérale de l’air est égale à la pression perpendiculaire par l’expérience suivante, qui est de M. Mariotte. On prend une bouteille haute, percée vers son milieu d’un petit trou ; lorsque cette bouteille est pleine d’eau, on y plonge un tuyau de verre ouvert de chaque côté, dont l’extremité inférieure descend plus bas que le petit trou fait à la bouteille. On bouche le col de la bouteille avec de la cire ou de la poix, dont on a soin de bien envelopper le tuyau, ensorte qu’il ne puisse point du tout entrer d’air entre le tuyau & le col : lors donc que le tuyau se trouve rempli d’eau & que le trou latéral de la bouteille vient à s’ouvrir, l’eau s’écoule en partie du tuyau, mais elle s’arrête proche de l’extrémité inférieure du tuyau à la hauteur du trou, & toute la bouteille reste pleine. Or si la pression perpendiculaire de l’air l’emportoit sur la pression latérale, toute l’eau devroit être poussée hors du tuyau, & ne manqueroit pas de s’écouler ; c’est pourtant ce qui n’arrive pas, parce que l’air presse latéralement avec tant de force contre le trou, que l’eau ne se peut échapper de la bouteille. Mussch. ess. de Phys.
II. La pesanteur ou la gravité. Cette propriété de l’air est peut-être une suite de ce qu’il est une substance corporelle ; la pesanteur étant ou une propriété essentielle de la matiere, ou du moins une propriété qui se rencontre dans tous les corps. Voyez Attraction, Pesanteur, Gravité
Nous avons une infinité de preuves de cette propriété par les expériences. La pesanteur de l’air paroit d’abord en ce qu’il n’abandonne point le centre de la terre. Si on pompe l’air d’un verre, & qu’on ouvre ensuite ce verre en-haut, l’air se précipitera sur le champ dans le verre par l’ouverture, & le remplira. Toutes les expériences de la machine pneumatique prouvent cette qualité de l’air. Voyez Pneumatique. Qu’on applique la main sur l’orifice d’un vaisseau vuide d’air, on sent bien-tôt le poids de l’atmosphere qui la comprime. Des vaisseaux de verre dont on a pompé l’air, sont aisément brisés par la pesanteur de l’air qui les comprime en dehors. Si l’on joint bien exactement deux moitiés d’une sphere creuse, & qu’on en pompe l’air, elles seront pressées l’une contre l’autre par le poids de l’air voisin, avec une force égale à celle d’un poids de cent livres.
Lorsqu’on pose sur un récipient de Machine pneumatique un disque mince & plat de plomb ou de verre, & qu’on pompe ensuite l’air du récipient, l’air extérieur presse alors par sa pesanteur le disque de plomb dans le récipient, ou il brise en pieces avec beaucoup de violence le verre en le poussant en dedans. Si on enveloppe un cylindre ouvert par en haut, d’une vessie de cochon bien mince, dès qu’on aura pompé l’air de ce cylindre, la vessie sera déchirée avec beaucoup de violence. Lorsqu’on pose sur la plaque de la Machine pneumatique des verres ou vases sphériques dont on pompe l’air, ils se trouvent d’abord pressés avec beaucoup de force contre cette plaque, par la pesanteur de l’air extérieur qui les comprime ; de sorte qu’on ne peut les en retirer ensuite qu’avec beaucoup de force.
Autre expérience : Prenez un tuyau fermé par un bout, emplissez-le de mercure, plongez-le par le bout ouvert dans un bassin plein du même fluide, & le tenez droit ; le mercure sera suspendu dans le tuyau à la hauteur d’environ 27 à 28 pouces, au-dessus de la surface du mercure qui est dans le bassin. La raison de cette suspension est, que le mercure du tuyau ne sauroit descendre plus bas sans faire monter celui qui est dans le bassin, lequel étant pressé par le poids de l’atmosphere qu’il supporte, ne permet pas à celui du tuyau de descendre, à moins que le poids de ce dernier n’excede celui de l’air qui presse sur le bassin. Ce qui prouve que c’est-là la cause de cette suspension, c’est que si l’on met le bassin & le tuyau sous le récipient de la Machine pneumatique, à mesure que l’on pompera l’air, le mercure du tuyau baissera ; & réciproquement à mesure que l’on laissera rentrer l’air, le mercure remontera à sa premiere hauteur. C’est-là ce qu’on appelle l’expérience de Torricelli.
C’est aussi à la pesanteur de l’air qu’on doit attribuer l’effet des pompes. Car supposons un tuyau de verre ouvert de chaque côté, & qu’on pousse dedans jusqu’en bas un piston attaché à un manche, qu’on mette ce tuyau dans un petit bassin de mercure, & qu’on tire le piston en haut, qu’en arrivera-t-il ? Comme il n’y a pas d’air & par conséquent point de résistance ni aucune cause qui agisse par la pression, entre le piston & le mercure qui est dans le petit bassin, placé à l’ouverture du tuyau, il faut que le mercure du bassin étant pressé par l’air supérieur & extérieur, monte dans le tuyau & suive le piston ; & lorsque le piston est arrivé à la hauteur de 28 pouces environ, & qu’on continue de le tirer, il faut que le mercure abandonne le piston, & qu’il reste suspendu dans le tuyau à la hauteur de 28 pouces. Car le poids de l’air extérieur n’a pas la force de l’élever d’avantage. Si on prend de l’eau au lieu du mercure, comme elle est environ 14 fois plus légere, l’air la fera aussi monter plus haut, c’est-à-dire, jusqu’à environ 32 pieds.
L’action des enfans qui tetent ne differe pas beaucoup de celle d’une pompe ; car un enfant qui tete, avale l’air qui est dans sa bouche ; il bouche les narines par derriere dans le gosier, & prend le mammelon qu’il serre tout autour avec ses levres. Il gonfle ensuite ses joues & produit de cette maniere un vuide dans sa bouche. L’air presse par sa pesanteur sur les mammelles, & pousse le lait vers le mammelon, & de-là dans la bouche.
On peut aussi expliquer l’action des ventouses par le même principe. Car la partie de la peau qui est enfermée sous la ventouse, se trouve sous un vase dont on a pompé l’air ; de sorte que les humeurs du corps sont poussées vers cette partie par l’action de l’air extérieur : ce qui fait que la peau & ses vaisseaux se gonflent & se levent sous la ventouse. Mussch.
Enfin on peut peser l’air : car si l’on met un vaisseau plein d’air commun dans une balance bien juste, on le trouvera plus pesant que si l’air en avoit été retiré ; & le poids sera encore bien plus sensible, si l’on pese ce même vaisseau rempli d’air condensé sous un récipient d’où on aura pompé l’air. Voyez Balance hydrostatique.
Quelques personnes douteront peut-être que l’air soit pesant de lui-même, & croiront que sa pesanteur peut venir des vapeurs & des exhalaisons dont il est rempli. Il n’y a aucun lieu de douter que la pesanteur de l’air ne dépende effectivement en partie des vapeurs, comme on peut l’expérimenter, en prenant une boule de verre pleine d’air, qu’on pompera ensuite fort exactement. Pour cet effet on mettra en haut sur l’ouverture par laquelle l’air devra rentrer dans la boule, un entonnoir fait exprès, qui aura une cloison percée de petits trous ; on mettra ensuite dessus de la potasse fort seche ou du sel de tartre, & on laissera entrer l’air lentement à travers ces sels dans la boule. On attendra assez long-tems afin que la boule se remplisse d’air, & qu’elle ne se trouve pas plus chaude que l’air extérieur, en cas qu’il puisse s’échauffer par quelque fermentation en passant à travers les sels. Si l’air de l’atmosphere est sec, on trouve que l’air qui avoit auparavant rempli la boule, étoit de même pesanteur que celui qui y est entré en traversant les sels ; & s’il fait un tems humide, on trouvera que l’air qui a passé à travers les sels, est plus léger que celui qui auparavant avoit rempli la boule. Mais quoique cette expérience prouve que la pesanteur de l’air dépende en partie des vapeurs qui y nagent, on ne peut s’empêcher de reconnoître que l’air est pesant de lui-même ; car autrement il ne seroit pas possible de concevoir comment les nuées qui pesent beaucoup pourroient y rester suspendues, ne faisant le plus souvent que flotter dans l’air avec lequel elles sont en équilibre. Otez cet équilibre, & vous les verrez bien-tôt se précipiter en bas. Mussch.
Le poids de l’air varie perpétuellement selon les différens degrés de chaleur & de froid. Riccioli estime que sa pesanteur est à celle de l’eau, comme 1 est à 1000. Mersene, comme 1 est à 1300, ou à 1356. Galilée, comme 1 est à 400. M. Boyle, par une expérience plus exacte, trouve ce rapport aux environs de Londres, comme 1 est à 938 ; & pense que tout bien considéré, la proportion de 1 à 1000 doit être regardée comme sa pesanteur respective moyenne ; car on n’en sauroit fixer une précise, attendu que le poids de l’air, aussi bien que celui de l’eau même, varie à chaque instant. Ajoûtez que les mêmes expériences varient en différens pays, selon la différente hauteur des lieux, & le plus ou le moins de densité de l’air, qui résulte de cette différente hauteur. Boyle, Phys. méchan. exper.
Il faut ajoûter cependant que par des expériences faites depuis en présence de la Société Royale de Londres, la proportion du poids de l’air à celui de l’eau s’est trouvée être de 1 à 840 ; dans une expérience postérieure, comme 1 est à 852 ; & dans une troisieme, comme 1 est à 860. Philos. transact. n°. 181 ; & enfin en dernier lieu, par une expérience fort simple & fort exacte faite par M. Hawksbée, comme 1 est à 885. Physiq. méchan. exper. Mais toutes ces expériences ayant été faites en été, le Docteur Jurin est d’avis qu’il faut choisir un tems entre le froid & le chaud, & qu’alors la proportion de la pesanteur de l’air à celle de l’eau sera de 1 à 800. M. Musschenbroek dit avoir quelquefois trouvé que la pesanteur de l’air étoit à celle de l’eau comme 1 à 606, lorsque l’air étoit fort pesant. Il ajoûte qu’en faisant cette expérience en différentes années & dans des saisons différentes, il a observé une différence continuelle dans cette proportion de pesanteur ; de sorte que suivant les expériences faites en divers endroits de l’Europe il croit que le rapport de la pesanteur de l’air à celle de l’eau doit être réduit à certaines bornes, qui sont comme 1 à 606, & de-là jusqu’à 1000.
L’air une fois reconnu pesant & fluide, les lois de sa gravitation & de sa pression doivent être les mêmes que celles des autres fluides ; & conséquemment sa pression doit être proportionnelle à sa hauteur perpendiculaire. Voyez Fluide.
D’ailleurs cette conséquence est confirmée par les expériences. Car si l’on porte le tube de Torricelli en un lieu plus élevé, où par conséquent la colonne d’air sera plus courte, la colonne de mercure soûtenue sera moins haute, & baissera d’un quart de pouce lorsqu’on aura porté le tube à cent piés plus haut, & ainsi de cent piés en cent piés à mesure qu’on montera.
De ce principe dépend la structure & l’usage du Barometre. Voyez Barometre.
De ce même principe il s’ensuit aussi que l’air comme tous les autres fluides presse également de toutes parts. C’est ce que nous avons déjà démontré ci-dessus ; & dont on voit encore la preuve, si l’on fait attention que les substances molles en soûtiennent la pression sans que leur forme en soit changée, & les corps fragiles sans en être brisés, quoique la pression de la colonne d’air sur ces corps soit égale à celle d’une colonne de mercure de 30 pouces, ou d’une colonne d’eau de 32 piés. Ce qui fait que la figure de ces corps n’est point altérée, c’est la pression égale de l’air qui fait qu’autant il presse d’un côté, autant il résiste du côté opposé. C’est pourquoi si l’on ôte ou si l’on diminue la pression seulement d’un côté, l’effet de la pression sur le côté opposé se sentira bien-tôt.
De la gravité & la fluidité considérées conjointement s’ensuivent plusieurs usages & plusieurs effets de l’air. 1°. Au moyen de ces deux qualités conjointes, il enveloppe la terre avec les corps qui sont dessus, les presse, & les unit avec une force considérable. Pour le prouver, nous observerons que dès qu’on connoît la pesanteur spécifique de l’air, on peut savoir d’abord combien pese un pié cube d’air ; car si un pié cube d’eau pese 64 livres, un pié cube d’air pesera environ la 800e partie de 64 livres ; delà on pourra conclurre quel est le poids d’une certaine quantité d’air. On peut aussi déterminer quelle est la force avec laquelle l’air comprime tous les corps terrestres. Car il est évident que cette pression est la même que si tout notre globe étoit couvert d’eau à la hauteur de 32 piés environ. Or un pié cube d’eau pesant 64 livres, 32 piés peseront 32 fois 64 livres, ou environ 2048 livres ; & comme la surface de la terre contient à peu près 5547800000000000 piés quarrés, il faudra prendre 2048 fois ce grand nombre, pour avoir à peu près le poids réduit en livres avec lequel l’air comprime notre globe. Or on voit aisément que l’effet d’une telle pression doit être fort considérable. Par exemple, elle empêche les vaisseaux artériels des plantes & des animaux d’être excessivement distendus par l’impétuosite des sucs qui y circulent, ou par la force élastique de l’air dont il y a une quantité considérable dans le sang. Ainsi nous ne devons plus être surpris que par l’application des ventouses, la pression de l’air étant diminuée sur une partie du corps, cette partie s’enfle ; ce qui cause nécessairement un changement à la circulation des fluides dans les vaisseaux capillaires, &c.
Cette même cause empêche les fluides de transpirer & de s’échapper à travers les pores des vaisseaux qui les contiennent. C’est ce qu’éprouvent les voyageurs à mesure qu’ils montent des montagnes élevées : ils se sentent lâches de plus en plus à mesure qu’ils avancent vers le haut ; & à la longue, il leur vient un crachement de sang ou d’autres hémorrhagies ; & cela parce que l’air ne presse pas suffisamment sur les vaisseaux des poulmons. On voit la même chose arriver aux animaux enfermés sous le récipient de la machine pneumatique : à mesure qu’on en pompe l’air, ils s’enflent, vomissent, bavent, suent, lâchent leur urine & leurs autres excrémens, &c. Voyez Vuide.
2°. C’est à ces deux mêmes qualités de l’air, la pesanteur & la fluidité, qu’est dû le mêlange des corps contigus les uns aux autres, & singulierement des fluides. Ainsi plusieurs liquides, comme les huiles & les sels qui dans l’air se mêlent promptement & d’eux-mêmes, ne se mêleront point, s’ils sont dans le vuide.
3°. En conséquence de ces deux mêmes qualités, l’air détermine l’action d’un corps sur un autre. Ainsi le feu qui brûle du bois s’éteint, & la flamme se dissipe, si l’on retire l’air ; parce qu’alors il n’y a plus rien qui puisse appliquer les corpuscules du feu contre ceux de la substance combustible, & empêcher la dissipation de la flamme. La même chose arrive à l’or en dissolution dans l’eau régale. Ce menstrue cesse d’agir sur le métal dès qu’on a retiré l’air ; & c’est en conséquence de cette faculté déterminante de l’air, que Papin a imaginé le digestoire qui porte son nom. Voyez Digestoire.
C’est aussi pour cela que sur les sommets des plus hautes montagnes, comme sur le Pic de Ténérif, les substances qui ont le plus de saveur, comme le poivre, le gingembre, le sel, l’esprit de vin, sont presque insipides ; car faute d’un agent suffisant qui applique leurs particules sur la langue & qui les fasse entrer dans ses pores, elles sont chassées & dissipées par la chaleur même de la bouche. La seule substance qui y retienne sa saveur est le vin de Canarie ; ce qui vient de sa qualité onctueuse qui le fait adhérer fortement au palais, & empêche qu’il n’en puisse être écarté aisément.
Ce même principe de gravité produit aussi en partie les vents, qui ne sont autre chose qu’un air mis en mouvement par quelque altération dans son équilibre. Voyez Vent.
III. Une autre qualité de l’air d’où résultent un grand nombre de ses effets, & dont nous avons déjà parlé, est son élasticité ; par laquelle il cede à l’impression des autres corps en rétrécissant son volume, & se rétablit ensuite dans la même forme & la même étendue en écartant ou affoiblissant la cause qui l’avoit resserré. Cette force élastique est une des propriétés distinctives de l’air ; les deux autres propriétés dont nous avons parlé plus haut, lui étant communes avec les autres fluides.
Une infinité de preuves nous convainquent que l’air a cette faculté. Si par exemple on presse avec la main une vessie soufflée, on trouve une résistance sensible dans l’air qui y est enfermé ; & si l’on cesse de la comprimer, la partie qui étoit comprimée se tend & se remplit aussitôt.
C’est de cette propriété de l’air que dépend la structure & l’usage de la Machine pneumatique. Voyez Machine pneumatique.
Chaque particule d’air fait un continuel effort pour se dilater, & ainsi lutte contre les particules voisines qui en font aussi un semblable : mais si la résistance vient à cesser ou à s’affoiblir, à l’instant la particule dégagée se raréfie prodigieusement. C’est ce qui fait que si l’on enferme sous le récipient de la Machine pneumatique de petites balles de verre minces, ou des vessies pleines d’air & bien fermées, & qu’ensuite on pompe l’air, elles y crevent par la force de l’air qu’elles contiennent. Si l’on met sous le récipient une vessie toute flasque, qui ne contienne que très-peu d’air ; lorsqu’on vient à pomper l’air, elle s’y enfle & paroît toute pleine. La même chose arrivera si l’on porte une vessie flasque sur le sommet d’une haute montagne.
Cette même expérience fait voir d’une maniere évidente, que l’élasticité des corps solides est fort différente de la vertu élastique de l’air, & que les corps solides & élastiques se dilatent tout autrement que l’air. En effet, lorsque l’air cesse d’être comprimé, non-seulement il se dilate, mais il occupe alors un plus grand espace, & reparoît sous un plus grand volume qu’auparavant ; ce qu’on ne remarque pas dans les corps solides & élastiques, qui reprennent seulement la figure qu’ils avoient avant que d’être comprimés.
L’air tel qu’il est tout proche de notre globe se raréfie de telle maniere que son volume est toûjours en raison inverse des poids qui le compriment, c’est-à-dire, que si l’air pressé par un certain poids, occupe un certain espace, ce même air pressé par un poids qui ne soit que la moitié du précédent, occupera un espace double de celui qu’il occupoit dans le premier cas. M. Boyle & M. Mariotte ont établi cette regle par des expériences. La même regle a lieu lorsqu’on comprime l’air, comme M. Mariotte l’a fait voir aussi. Cependant il ne faut pas regarder cette regle comme parfaitement exacte ; car en comprimant l’air bien fortement, & le réduisant à un volume quatre fois plus petit, l’effet ne répond plus à la regle donnée par M. Mariotte ; cet air commence alors à faire plus de résistance, & a besoin pour être comprimé davantage ; d’un poids plus grand que la regle ne l’exige. En effet pour peu qu’on y fasse attention, on verra qu’il est impossible que la regle soit exactement vraie : car lorsque l’air sera si fort comprimé que toutes ses parties se toucheront & ne formeront qu’une seule masse solide, il n’y aura plus moyen de comprimer davantage cette masse, puisque les corps sont impénétrables. Il n’est pas moins évident que l’air ne sauroit se raréfier à l’infini, & que sa raréfaction a des bornes ; d’où il s’ensuit que la regle des raréfactions en raison inverse des poids comprimans, n’est pas non plus entierement exacte : car il faudroit suivant cette regle, qu’à un degré quelconque de raréfaction de l’air, on trouvât un poids correspondant qui empêcheroit cette raréfaction d’être plus grande. Or lorsque l’air est raréfié le plus qu’il est possible, il n’est alors chargé d’aucun poids, & il occupe cependant un certain espace.
On ne sauroit assigner de bornes précises à l’élasticité de l’air, ni la détruire ou altérer aucunement. M. Boyle a fait plusieurs expériences pour voir s’il pourroit affoiblir le ressort d’un air extrèmement raréfié dans la Machine pneumatique, en le tenant long-tems comprimé par un poids dont il est étonnant qu’il soûtînt la force pendant un seul instant : & après tout ce tems il n’a point vû de diminution sensible dans son élasticité. M. de Roberval ayant laissé un fusil à vent chargé pendant 16 ans d’air condensé, cet air mis enfin en liberté, poussa une balle avec autant de force, qu’auroit pû faire un air tout récemment condensé.
Cependant M. Hawksbée a prétendu prouver par une expérience qu’il a faite depuis, que le ressort de l’air peut être tellement dérangé par une violente pression, qu’il ne puisse plus se rétablir qu’au bout de quelque tems. Il prit pour cet effet un vaisseau de cuivre bien fort, dans lequel il versa d’abord une demi-pinte d’eau ; il y comprima ensuite trois ou quatre fois plus d’air qu’il n’y en avoit eu auparavant : une heure après il ouvrit le vase & en laissa sortir l’air en y serrant avec une vis un tuyau ouvert, dont l’un des bouts étoit plongé dans l’eau : il trouva peu de tems après que l’eau s’étoit élevée d’un pié dans le tuyau, & qu’elle venoit jusqu’à la hauteur de 16 pouces. Il conclut de là, que la force élastique de l’air avoit été affoiblie pendant quelque tems ; car si elle fût restée la même qu’elle étoit auparavant, tout l’air n’eût pas manqué de s’échapper du vase après qu’il eut été ouvert : d’où il s’ensuit, selon M. Hawksbée, que cet air étant resté dans le vase, il s’y étoit ensuite raréfié, & avoit fait monter l’eau dans le tuyau. Cependant on pourroit soupçonner qu’il seroit peut-être entré une plus grande quantité d’air dans l’eau, parce que l’air qui reposoit dessus, se trouvoit trois ou quatre fois plus comprimé, & que l’air n’auroit été en état de se dégager de l’eau qu’après un certain tems ; ensorte que celui qui avoit pû s’échapper librement, seroit en effet sorti du vase, tandis que celui qui avoit pénétré l’eau en trop grande quantité, auroit eu besoin de tems pour en sortir. M. Musschenbroek ayant versé du mercure dans un tuyau de 8 piés de long, dont un des bouts étoit recourbé, & ayant de cette maniere comprimé l’air dans le bout recourbé, scella ensuite l’autre bout hermétiquement, & marqua le degré de chaleur que l’air avoit alors. Depuis ce tems il dit avoir toûjours observé que le mercure se tenoit à la même hauteur dans le tuyau, lorsque l’air avoit le même degré de chaleur qu’au commencement de l’expérience. Au contraire lorsque l’air devenoit plus chaud, le mercure montoit dans le tuyau ; d’où il paroîtroit s’ensuivre que la compression de l’air ne lui fait point perdre son élasticité. On ne sauroit cependant nier que l’air ne puisse perdre de sa force élastique, puisque M. Hales a prouvé que la chose étoit possible, en mettant le feu à du soufre dans un verre plein d’air : & peut-être y a-t il un plus grand nombre d’exhalaisons qui produisent le même effet. Mussch.
Il est visible que le poids ou la pression de l’air ne dépend pas de son élasticité, & qu’il ne seroit ni plus ni moins pesant, quand il ne seroit pas élastique. Mais de ce qu’il est élastique, il s’ensuit qu’il doit être susceptible d’une pression qui le réduise à un tel espace que son élasticité qui réagit contre le poids qui le comprime, soit égale à ce poids.
En effet, la loi de l’élasticité est qu’elle augmente à proportion de la densité de l’air, & que sa densité augmente à proportion des forces qui le compriment. Or il faut qu’il y ait une égalité entre l’action & la réaction ; c’est-à-dire, que la gravité de l’air qui opere sa compression, & l’élasticité de l’air qui le fait tendre à sa dilatation, soient égales. Voyez Densité, Réaction, &c.
Ainsi l’élasticité augmentant ou diminuant généralement à proportion que la densité de l’air augmente ou diminue, c’est-à-dire, à proportion que l’espace entre ses particules diminue ou augmente, il n’importe que l’air soit comprimé & retenu dans un certain espace par le poids de l’atmosphere, ou par quelque autre cause ; il suffit qu’il tende à se dilater avec une action égale à celle de la cause qui le comprime. C’est pourquoi si l’air voisin de la terre est enfermé dans un vaisseau, de maniere qu’il n’ait plus du tout de communication avec l’air extérieur, la pression de cet air enfermé ne laissera pas d’être égale au poids de l’atmosphere. Aussi voyons nous que l’air d’une chambre bien fermée soûtient le mercure dans le Barometre par sa force élastique à la même hauteur que feroit le poids de toute l’atmosphere. Voyez l’art. Elasticité.
Suivant ce principe, on peut par de certaines méthodes condenser l’air. Voyez Condensation.
C’est sur ce même principe qu’est fondée la structure de l’arquebuse-à-vent. Voyez Arquebuse-à-vent.
L’air peut donc être condensé : mais jusqu’à quel point le peut-il être, ou à quel volume est-il possible de le réduire en le comprimant ? Nous n’en connoissons point encore les bornes. M. Boyle a trouvé le moyen de rendre l’air treize fois plus dense en le comprimant : d’autres prétendent l’avoir vû réduit à un volume 60 fois plus petit. M. Hales l’a rendu 38 fois plus dense à l’aide d’une presse : mais en faisant geler de l’eau dans une grenade ou boulet de fer, il a réduit l’air en un volume 1838 fois plus petit, de sorte qu’il doit avoir été plus de deux fois plus pesant que l’eau ; ainsi comme l’eau ne peut être comprimée, il s’ensuit de là que les parties aëriennes doivent être d’une nature bien différente de celles de l’eau : car autrement on n’auroit pû réduire l’air qu’à un volume 800 fois plus petit ; il auroit alors été précisément aussi dense que l’eau, & il auroit résisté à toutes sortes de pressions avec une force égale à celle que l’on remarque dans l’eau. Mussch.
M. Halley assûre dans les Transactions philosophiques, en conséquence d’expériences faites à Londres, & d’autres faites à Florence dans l’Académie del Cimento, qu’on peut en toute sûreté décider qu’il n’y a pas de force capable de réduire l’air à un espace 800 fois plus petit que celui qu’il occupe naturellement sur la surface de notre terre. Et M. Amontons combattant le sentiment de M. Halley, soûtient dans les Mémoires de l’Académie Royale des Sciences, qu’on ne peut point assigner de bornes précises à la condensation de l’air ; que plus on le chargera, plus on le condensera ; qu’il n’est élastique qu’en vertu du feu qu’il contient ; & que comme il est impossible d’en tirer tout le feu qui y est, il est également impossible de le condenser à un point au-delà duquel on ne puisse plus aller.
L’expérience que nous venons de rapporter de M. Hales, prouve du moins que l’air peut être plus condensé que ne l’a prétendu M. Halley. C’est à l’élasticité de l’air qu’on doit attribuer les effets de la fontaine de Héron, & de ces petits plongeons de verre, qui étant enfermés dans un vase plein d’eau, descendent au fond, remontent ensuite, & se tiennent suspendus au milieu de l’eau, se tournent & se meuvent comme on le veut. C’est encore à cette élasticité que l’on doit l’action des pompes à feu. Voyez Fontaine & Pompe.
L’air, en vertu de sa force élastique, se dilate à un point qui est surprenant ; le feu a la propriété de le raréfier considérablement. L’air produit par cette dilatation le même effet que si sa force élastique augmentoit, d’où il arrive qu’il fait effort pour s’étendre de tous côtés. Il se condense au contraire par le froid, de sorte qu’on diroit alors qu’il a perdu une partie de sa force élastique. On éprouve la force de l’air échauffé, lorsqu’on l’enferme dans une phiole mince, scellée hermétiquement, & qu’on met ensuite sur le feu ; l’air se raréfie avec tant de force, qu’il met la phiole en pieces avec un bruit considérable. Si on tient sur le feu une vessie à demi soufflée, bien liée & bien fermée, non-seulement elle se gonflera par la raréfaction de l’air intérieur, mais même elle crevera. M. Amontons a trouvé que l’air rendu aussi chaud que l’eau bouillante, acquéroit une force qui est au poids de l’atmosphere, comme 10 à 33, ou même comme 10 à 35 ; & que la chose réussissoit également, soit qu’on employât pour cette expérience une plus grande ou une plus petite quantité d’air. M. Hawksbée a observé en Angleterre, qu’une portion d’air enfermée dans un tuyau de verre, lorsqu’il commençoit à geler, formoit un volume qui étoit à celui de la même quantité d’air dans la plus grande chaleur de l’été comme 6 à 7.
Lorsque l’air se trouve en liberté & délivré de la cause qui le comprimoit, il prend toûjours une figure sphérique dans les interstices des fluides où il se loge, & dans lesquels il vient à se dilater. Cela se voit lorsqu’on met des fluides sous un récipient dont on pompe l’air : car on voit d’abord paroître une quantité prodigieuse de bulles d’air d’une petitesse extraordinaire, & semblables à des grains de sable fort menus, lesquelles se dispersent dans toute la masse du fluide & s’élevent en-haut. Lorsqu’on tire du récipient une plus grande quantité d’air, ces bulles se dilatent davantage, & leur volume augmente à mesure qu’elles s’élevent, jusqu’à ce qu’elles sortent de la liqueur, & qu’elles s’étendent librement dans le récipient.
Mais ce qu’il y a sur-tout de remarquable, c’est que dans tout le trajet que font alors ces bulles d’air, elles paroissent toûjours sous la forme de petites spheres.
Lorsqu’on met dans la liqueur une plaque de métal, & qu’on commence à pomper, on voit la surface de cette plaque couverte de petites bulles ; ces bulles ne sont autre chose que l’air qui étoit adhérent à la surface de la plaque, & qui s’en détache peu-à-peu. Voyez Adhérence & Cohésion.
On n’a rien négligé pour découvrir jusqu’à quel point l’air peut se dilater lorsqu’il est entierement libre, & qu’il ne se trouve comprimé par aucune force extérieure. Cette recherche est sujette à de grandes difficultés, parce que notre atmosphere est composée de divers fluides élastiques, qui n’ont pas tous la même force ; par conséquent, si l’on demandoit combien l’air pur & sans aucun mêlange peut se dilater, il faudroit pour répondre à cette question, avoir premierement un air bien pur ; or c’est ce qui ne paroît pas facile. Il faut ensuite savoir dans quel vase & comment on placera cet air, pour faire ensorte que ses parties soient séparées, & qu’elles n’agissent pas les unes sur les autres. Aussi plusieurs Physiciens habiles désesperent-ils de pouvoir arriver à la solution de ce problème. On peut néanmoins conclurre, selon M. Musschenbroek, de quelques expériences assez grossieres, que l’air qui est proche de notre globe, peut se dilater jusqu’à occuper un espace 4000 fois plus grand que celui qu’il occupoit. Mussch.
M. Boyle, dans plusieurs expériences, l’a dilaté une premiere fois jusqu’à lui faire occuper un volume neuf fois plus considérable qu’auparavant ; ensuite il lui a fait occuper un espace 31 fois plus grand ; après cela il l’a dilaté 60 fois davantage ; puis 150 fois ; enfin il prétend l’avoir dilaté 8000 fois davantage, ensuite 10000 fois, & en dernier lieu 13679 fois, & cela par sa seule vertu expansive, & sans avoir recours au feu. Voyez Raréfaction.
C’est sur ce principe que se regle la construction & l’usage du Manometre. Voyez Manometre.
Il conclut de-là que l’air que nous respirons près de la surface de la terre est condensé par la compression de la colonne supérieure en un espace au moins 13679 fois plus petit que celui qu’il occuperoit dans le vuide. Mais si ce même air est condensé par art, l’espace qu’il occupera lorsqu’il le sera autant qu’il peut l’être, sera à celui qu’il occupoit dans ce premier état de condensation, comme 550000 est à 1. Voyez Dilatation.
L’on voit par ces différentes expériences, qu’Aristote se trompe lorsqu’il prétend que l’air rendu dix fois plus rare qu’auparavant, change de nature & devient feu.
M. Amontons & d’autres, comme nous l’avons déjà observé, font dépendre la raréfaction de l’air du feu qu’il contient : ainsi en augmentant le degré de chaleur, la raréfaction sera portée bien plus loin qu’elle ne pourroit l’être par une dilatation spontanée. Voyez Chaleur.
De ce principe se déduit la construction & l’usage du Thermometre. Voyez Thermometre.
M. Amontons est le premier qui ait découvert que plus l’air est dense, plus avec un même degré de chaleur il se dilatera. Voyez Densité.
En conséquence de cette découverte, cet habile Académicien a fait un discours pour prouver que « le ressort & le poids de l’air joints à un degré de chaleur moderé, peuvent suffire pour produire même des tremblemens de terre, & d’autres commotions très-violentes dans la nature ».
Suivant les expériences de cet Auteur, & celles de M. de la Hire, une colonne d’air sur la surface de la terre, de la hauteur de 36 toises, est égale au poids de trois lignes de mercure ; & des quantités égales d’air occupent des espaces proportionnels aux poids qui les compriment. Ainsi le poids de l’air qui rempliroit tout l’espace occupé par le globe terrestre, seroit égal à celui d’un cylindre de mercure, dont la base égaleroit la surface de la terre, & qui auroit en hauteur autant de fois trois lignes que toute l’atmosphere contient d’orbes égaux en poids à celui que nous avons supposé haut de 36 toises. Donc en prenant le plus dense de tous les corps, l’or par exemple, dont la gravité est environ 14630 fois plus grande que celle de l’air que nous respirons ; il est aisé de trouver par le calcul que cet air seroit réduit à la même densité que l’or, s’il étoit pressé par une colonne de mercure qui eût 14630 fois 28 pouces de haut, c’est-à-dire 409640 pouces ; puisque les densités de l’air en ce cas seroient en raison directe des poids par lesquels elles seroient pressées. Donc 409640 pouces expriment la hauteur à laquelle le barometre devroit être dans un endroit où l’air seroit aussi pesant que l’or, & lignes l’épaisseur à laquelle seroit réduite dans ce même endroit notre colonne d’air de 36 toises.
Or nous savons que 409640 pouces ou 43528 toises ne sont que la 74e partie du demi-diametre de la terre. Donc si au lieu de notre globe terrestre, on suppose un globe de même rayon, dont la partie extérieure soit de mercure à la hauteur de 43538t. & l’intérieure pleine d’air, tout le reste de la sphere dont le diametre sera de 6451538t. sera rempli d’un air dense plus lourd par degré que les corps les plus pesans que nous ayons. Conséquemment, comme il est prouvé que plus l’air est comprimé, plus le même degré de feu augmente la force de son ressort & le rend capable d’un effet d’autant plus grand ; & que, par exemple, la chaleur de l’eau bouillante augmente le ressort de notre air au-delà de sa force ordinaire d’une quantité égale au tiers du poids avec lequel il est comprimé ; nous en pouvons inférer qu’un degré de chaleur qui dans notre orbe ne produiroit qu’un effet modéré, en produiroit un beaucoup plus violent dans un orbe inférieur ; & que comme il peut y avoir dans la nature bien des degrés de chaleur au-delà de celle de l’eau bouillante, il peut y en avoir dont la violence secondée du poids de l’air intérieur soit capable de mettre en pieces tout le globe terrestre. Mém. de l’Ac. R. des Sc. an. 1703. Voyez Tremblement de terre.
La force élastique de l’air est encore une autre source très-féconde des effets de ce fluide. C’est en vertu de cette propriété qu’il s’insinue dans les pores des corps, y portant avec lui cette faculté prodigieuse qu’il a de se dilater, qui opere si facilement ; conséquemment il ne sauroit manquer de causer des oscillations perpétuelles dans les particules du corps auxquelles il se mêle. En effet le degré de chaleur, la gravité & la densité de l’air ; & conséquemment son élasticité & son expansion ne restant jamais les mêmes pendant deux minutes de suite, il faut nécessairement qu’il se fasse dans tous les corps une vibration, ou une dilatation & contraction perpétuelles. Voyez Vibration, Oscillation, &c.
On observe ce mouvement alternatif dans une infinité de corps différens, & singulierement dans les plantes dont les trachées des vaisseaux à air font l’office de poûmons : car l’air qui y est contenu se dilatant & se resserrant alternativement à mesure que la chaleur augmente ou diminue, contracte & relâche tour à tour les vaisseaux, & procure ainsi la circulation des fluides. V. Végétal, Circulation, &c.
Aussi la végétation & la germination ne se feroient-elles point dans le vuide. Il est bien vrai qu’on a vû de féves s’y gonfler un peu ; & quelques-uns ont cru qu’elles y végétoient : mais cette prétendue végétation n’étoit que l’effet de la dilatation de l’air qu’elles contenoient. Voyez Végétation, &c.
C’est par la même raison que l’air contenu en bulles dans la glace la rompt par son action continuelle ; ce qui fait que souvent les vaisseaux cassent quand la liqueur qu’ils contiennent est gelée. Quelquefois des blocs de marbre tout entiers se cassent en hyver, à cause de quelque petite bulle d’air qui y est enfermée & qui a acquis un accroissement d’élasticité.
C’est le même principe qui produit la putréfaction & la fermentation : car rien ne fermentera ni ne pourrira dans le vuide, quelque disposition qu’il ait à l’un ou à l’autre. Voyez Putréfaction & Fermentation.
L’air est le principal instrument de la nature dans toutes ses opérations sur la surface de la terre & dans son intérieur. Aucun végétal ni animal terrestre ou aquatique ne peut être produit, vivre ou croître sans air. Les œufs ne sauroient éclorre dans le vuide. L’air entre dans la composition de tous les fluides, comme le prouvent les grandes quantités d’air qui en sortent. Le chêne en fournit un tiers de son poids ; les pois autant ; le blé de Turquie, un quart ; &c. Voyez la Statique des végétaux de M. Hales.
L’air produit en particulier divers effets sur le corps humain, suivant qu’il est chargé d’exhalaisons, & qu’il est chaud, froid ou humide. En effet, comme l’usage de l’air est inévitable, il est certain qu’il agit à chaque instant sur la disposition de nos corps. C’est ce qui a été reconnu par Hippocrate, & par Sydenham l’Hippocrate moderne, qui nous a laissé des épidémies écrites sur le modele de celle du Prince de la Medecine, contenant une histoire des maladies aiguës entant qu’elles dépendent de la température de l’air. Quelques savans Medecins d’Italie & d’Allemagne ont marché sur les traces de Sydenham ; & une Société de Medecins d’Edimbourg suit actuellement le même plan. Le célebre M. Clifton nous a donné l’histoire des maladies épidémiques avec un journal de la température de l’air par rapport à la ville d’Yorck depuis 1715 jusquen 1725. A ces Ouvrages il faut joindre l’Essai sur les effets de l’air par M. Jean Arbuthnot Docteur en Medecine, & traduit de l’Anglois par M. Boyer. Par. 1740. in-12. M. Formey.
L’air rempli d’exhalaisons animales, particulierement de celles qui sont corrompues, a souvent causé des fievres pestilentielles. Les exhalaisons du corps humain sont sujettes à la corruption. L’eau où l’on s’est baigné acquiert par le séjour une odeur cadavéreuse. Il est démontré que moins de 3000 hommes placés dans l’étendue d’un arpent de terre y formeroient de leur propre transpiration dans 34 jours une atmosphere d’environ 71 piés de hauteur, laquelle n’étant point dissipée par les vents deviendroit pestilentielle en un moment. D’où l’on peut inférer que la premiere attention en bâtissant des villes est qu’elles soient bien ouvertes, les maisons point trop hautes, & les rues bien larges. Des constitutions pestilentielles de l’air ont été quelquefois précédées de grands calmes. L’air des prisons cause souvent des maladies mortelles : aussi le principal soin de ceux qui servent dans les hôpitaux doit être de donner un libre passage à l’air. Les parties corruptibles des cadavres ensevelis sous terre sont emportées quoique lentement dans l’air ; & il seroit à souhaiter qu’on s’abstînt d’ensevelir dans les églises, & que tous les cimetieres fussent hors des villes en plein air. On peut juger delà que dans les lieux où il y a beaucoup de monde assemblé, comme aux spectacles, l’air s’y remplit en peu de tems de quantité d’exhalaisons animales très dangereuses par leur prompte corruption. Au bout d’une heure on ne respire plus que des exhalaisons humaines ; on admet dans ses poûmons un air infecté sorti de mille poitrines, & rendu avec tous les corpuscules qu’il a pû entraîner de l’intérieur de toutes ces poitrines, souvent corrompues & puantes. M. Formey.
L’air extrèmement chaud peut réduire les substances animales à un état de putréfaction. Cet air est particulierement nuisible aux poûmons. Lorsque l’air extérieur est de plusieurs degrés plus chaud que la substance du poûmon, il faut nécessairement qu’il détruise & corrompe les fluides & les solides, comme l’expérience le vérifie. Dans une rafinerie de sucre où la chaleur étoit de 146 degrés, c’est-à-dire, de 54 au-delà de celle du corps humain, un moineau mourut dans deux minutes, & un chien en 28. Mais ce qu’il y eut de plus remarquable, c’est que le chien jetta une salive corrompue, rouge & puante. En général personne ne peut vivre long-tems dans un air plus chaud que son propre corps. M. Formey.
Le froid condense l’air proportionnellement à ses degrés. Il contracte les fibres animales & les fluides, aussi loin qu’il les pénetre ; ce qui est démontré par les dimensions des animaux, réellement moindres dans le froid que dans le chaud. Le froid extrème agit sur le corps en maniere d’aiguillon, produisant d’abord un picotement, & ensuite un léger degré d’inflammation causé par l’irritation & le resserrement des fibres. Ces effets sont bien plus considérables sur le poûmon, où le sang est beaucoup plus chaud & les membranes très-minces. Le contact de l’air froid entrant dans ce viscere seroit insupportable, si l’air chaud en étoit entierement chassé par l’expiration. L’air froid resserre les fibres de la peau, & refroidissant trop le sang dans les vaisseaux, arrête quelques-unes des parties grossieres de la transpiration, & empêche quantité de sels du corps de s’évaporer. Faut-il s’étonner que le froid cause tant de maladies ? Il produit le scorbut avec les plus terribles symptomes par l’irritation & l’inflammation des parties qu’il resserre. Le scorbut est la maladie des pays froids, comme on le peut voir dans les journaux de ceux qui ont passé l’hyver dans la Groenlande & dans d’autres régions froides. On lit dans les Voyages de Martens & du Capitaine Wood, que des Anglois ayant passé l’hyver en Groenlande, eurent le corps ulcéré & rempli de vessies ; que leurs montres s’arrêterent ; que les liqueurs les plus fortes se gelerent, & que tout se glaçoit même au coin du feu. M. Formey.
L’air humide produit le relâchement dans les fibres animales & végétales. L’eau qui s’insinue par les pores du corps en augmente les dimensions. C’est ce qui fait qu’une corde de violon mouillée baisse en peu de tems. L’humidité produit le même effet sur les fibres des animaux. Un nageur est plus abattu par le relâchement des fibres de son corps, que par son exercice. L’humidité facilite le passage de l’air dans les pores ; l’air passe aisément dans une vessie mouillée ; l’humidité affoiblit l’élasticité de l’air ; ce qui cause le relâchement des fibres en tems de pluie. L’air sec produit le contraire. Le relâchement des fibres dans les endroits où la circulation du sang est imparfaite, comme dans les cicatrices & dans les parties luxées ou contuses, cause de grandes douleurs. M. Formey.
Un des exemples de l’efficacité merveilleuse de l’air, c’est qu’il peut changer les deux regnes, l’animal & le végétal, l’un en l’autre. Voyez Animal, &c.
En effet il paroît que c’est de l’air que procede toute la corruption naturelle & l’altération des substances ; & les métaux, & singulierement l’or, ne sont durables & incorruptibles, que parce que l’air ne les sauroit pénétrer. C’est la raison pourquoi on a vû des noms écrits dans le sable ou dans la poussiere sur de hautes montagnes se lire encore bien distinctement au bout de quarante ans, sans avoir été aucunement défigurés ou effacés. Voyez Corruption, Altération, &c.
Quoique l’air soit un fluide fort délié, il ne pénetre pourtant pas toutes sortes de corps. Il ne pénetre pas, comme nous venons de dire, les métaux : il en est même quelques-uns qu’il ne pénetre pas, quoique leur épaisseur ne soit que de 1/24 de pouce ; il passeroit à travers le plomb, s’il n’étoit battu à coups de marteau : il ne traverse pas non plus le verre, ni les pierres dures & solides, ni la cire, ni la poix, la résine, le suif & la graisse : mais il s’insinue dans toutes sortes de bois, quelque durs qu’ils puissent être. Il passe à travers le cuir sec de brebis, de veau, le parchemin sec, la toile seche, le papier blanc, bleu, ou gris, & une vessie de cochon tournée à l’envers. Mais lorsque le cuir, le papier, le parchemin ou la vessie se trouvent pénétrés d’eau, ou imbibés d’huile ou de graisse, l’air ne passe plus alors à travers : il pénetre aussi bien plus facilement le bois sec que celui qui est encore verd ou humide. Cependant lorsque l’air est dilaté jusqu’à un certain point, il ne passe plus alors à travers les pores de toutes sortes de bois. Mussch.
Venons aux effets que les différentes substances mêlées dans l’air produisent sur les corps inanimés. L’air n’agit pas uniquement en conséquence de sa pesanteur & de son élasticité ; il a encore une infinité d’autres effets qui résultent des différens ingrédiens qui y sont confondus.
Ainsi 1°. non-seulement il dissout & atténue les corps par sa pression & son froissement, mais aussi comme étant un chaos qui contient toutes sortes de menstrues, & qui conséquemment trouve partout à dissoudre quelque sorte de corps. V. Dissolution.
On sait que le fer & le cuivre se dissolvent aisément & se rouillent à l’air, à moins qu’on ne les garantisse en les enduisant d’huile. Boerhaave assûre avoir vû des barres de fer tellement rongées par l’air, qu’on les pouvoit mettre en poudre sous les doigts. Pour le cuivre, il se convertit à l’air en une substance à peu près semblable au verd-de-gris qu’on fait avec le vinaigre. Voyez Fer, Cuivre, Verd-de-gris, Rouille , &c.
M. Boyle rapporte que dans les régions méridionales de l’Angleterre, les canons se rouillent si promptement, qu’au bout de quelques années qu’ils sont restés exposés à l’air, on en enleve une quantité considérable de crocus de Mars.
Acosta ajoûte que dans le Pérou l’air dissout le plomb, & le rend beaucoup plus lourd ; cependant l’or passe généralement pour ne pouvoir être dissous par l’air, parce qu’il ne contracte jamais de rouille, quelque long-tems qu’on l’y laisse exposé. La raison en est que le sel marin, qui est le seul menstrue capable d’agir sur l’or, étant très-difficile à volatiliser, il n’y en a qu’une très-petite quantité dans l’air à proportion des autres substances. Dans les laboratoires de Chimie, où l’on prépare l’eau régale, l’air étant imprégné d’une grande quantité de ce sel, l’or y contracte de la rouille comme les autres métaux. Voyez Or, &c.
Les pierres même subissent le sort commun aux métaux : ainsi en Angleterre on voit s’amollir & tomber en poussiere la pierre de Purbec, dont est bâtie la Cathédrale de Salisbury ; & M. Boyle dit la même chose de la pierre de Blackington. Voyez Pierre.
Il ajoûte que l’air travaille considérablement sur le vitriol, même lorsque le feu n’a plus à y mordre. Le même auteur a trouvé que les fumées d’une liqueur corrosive agissoient plus promptement & plus manifestement sur un métal exposé à l’air, que ne faisoit la liqueur elle-même sur le même métal, qui n’étoit pas en plein air.
2°. L’air volatilise les corps fixes : par exemple, si l’on calcine du sel, & qu’on le fonde ensuite, qu’on le seche & qu’on le refonde encore, & ainsi de suite plusieurs fois ; à la fin il se trouvera tout-à-fait évaporé, & il ne restera au fond du vase qu’un peu de terre. Voyez Volatil, Volatilisation, &c.
Van-Helmont fait un grand secret de Chimie de volatiliser le sel fixe de tartre : mais l’air tout seul suffit pour cela. Car si l’on expose un peu de ce sel à l’air dans un endroit rempli de vapeurs acides, le sel tire à lui tout l’acide ; & quand il s’en est soûlé, il se volatilise. Voyez Tartre, &c.
3°. L’air fixe aussi les corps volatils : ainsi quoique le nitre ou l’eau-forte s’évaporent promptement au feu, cependant s’il y a près du feu de l’urine putréfiée, l’esprit volatil se fixera & tombera au fond.
4°. Ajoûtez que l’air met en action les corps qui sont en repos, c’est-à-dire, qu’il excite leurs facultés cachées. Si donc il se répand dans l’air une vapeur acide, tous les corps dont cette vapeur est le menstrue en étant dissous, sont mis dans un état propre à l’action. Voyez Acide, &c.
En Chimie, il n’est point du tout indifférent qu’un procédé se fasse à l’air ou hors de l’air, ou même à un air ouvert, ou à un air enfermé. Ainsi le camphre brûlé dans un vaisseau fermé se met tout en sels ; au lieu que si pendant le procédé on découvre le vaisseau, & qu’on en approche une bougie, il se dissipera tout en fumée. De même pour faire du soufre inflammable, il faut un air libre. Dans une cucurbite fermée, on pourroit le sublimer jusqu’à mille fois sans qu’il prît feu. Si l’on met du soufre sous une cloche de verre avec du feu dessous, il s’y élevera un esprit de soufre : mais s’il y a la moindre fente à la cloche par où l’air enfermé puisse avoir communication avec l’air extérieur, le soufre s’enflammera aussi-tôt. Une once de charbon de bois enfermée dans un creuset bien luté, y restera sans déchet pendant quatorze ou quinze jours à la chaleur d’un fourneau toûjours au feu ; tandis que la millieme partie du feu qu’on y a consumé, l’auroit mis en cendres dans un air libre. Van-Helmont ajoûte que pendant tout ce tems-là le charbon ne perd pas même sa couleur noire ; mais que s’il s’y introduit un peu d’air, il tombe aussi-tôt en cendres blanches. Il faut dire la même chose de toutes les substances animales & végétales, qu’on ne sauroit calciner qu’à feu ouvert, & qui dans des vaisseaux fermés ne peuvent être réduits qu’en charbons noirs.
L’air peut produire une infinité de changemens dans les substances, non-seulement par rapport à ses propriétés méchaniques, sa gravité, sa densité, &c. mais aussi à cause des substances hétérogenes qui y sont mêlées. Par exemple, dans un endroit où il y a beaucoup de marcassites, l’air est imprégné d’un sel vitriolique mordicant, qui gâte tout ce qui est sur terre en cet endroit, & se voit souvent à terre en forme d’efflorescence blanchâtre. A Fahlun en Suede, ville connue par ses mines de cuivre, qui lui ont fait aussi donner le nom de Copperberg, les exhalaisons minérales affectent l’air si sensiblement, que la monnoie d’argent & de cuivre qu’on a dans la poche en change de couleur. M. Boyle apprit d’un Bourgeois qui avoit du bien dans cet endroit, qu’au dessus des veines de métaux & de minéraux qui y sont, on voyoit souvent s’élever des especes de colonnes de fumée, dont quelques-unes n’avoient point du tout d’odeur, d’autres en avoient une très-mauvaise, & quelques-unes en avoient une agréable. Dans la Carniole, & ailleurs, où il y a des mines, l’air devient de tems en tems fort mal sain, d’où il arrive de fréquentes maladies épidémiques, &c. Ajoûtons que les mines qui sont voisines du cap de Bonne-Espérance, envoyent de si horribles vapeurs d’arsénic dont il y a quantité, qu’aucun animal ne sauroit vivre dans le voisinage ; & que dès qu’on les a tenues quelque tems ouvertes, on est obligé de les refermer.
On observe la même chose dans les végétaux : ainsi lorsque les Hollandois eurent fait abbatre tous les girofliers dont l’Isle de Ternate étoit toute remplie, afin de porter plus haut le prix des clous de girofle, il en résulta un changement dans l’air qui fit bien voir combien étoient salutaires dans cette Isle les corpuscules qui s’échappoient de l’arbre & de ses fleurs : car aussi-tôt après que les girofliers eurent été coupés, on ne vit plus que maladies dans toute l’Isle. Un Medecin qui étoit sur les lieux, & qui a rapporté ce fait à M. Boyle, attribue ces maladies aux exhalaisons nuisibles d’un volcan qui est dans cette Isle, lesquelles vraissemblablement étoient corrigées par les corpuscules aromatiques que répandoient dans l’air les girofliers.
L’air contribue aussi aux changemens qui arrivent d’une saison à l’autre dans le cours de l’année. Ainsi dans l’hyver la terre n’envoye guere d’émanations au-dessus de sa surface, par la raison que ses pores sont bouchés par la gelée ou couverts de neige. Or pendant tout ce tems la chaleur soûterraine ne laisse pas d’agir au-dedans, & d’y faire un fond dont elle se décharge au printems. C’est pour cela que la même graine semée dans l’automne & dans le printems, dans un même sol & par un tems également chaud, viendra pourtant tout différemment. C’est encore pour cette raison que l’eau de la pluie ramassée dans le printems, a une vertu particuliere pour le froment, qui y ayant trempé, en produit une beaucoup plus grande quantité qu’il n’auroit fait sans cela. C’est aussi pourquoi il arrive d’ordinaire, comme on l’observe assez constamment, qu’un hyver rude est suivi d’un printems humide & d’un bon été.
De plus, depuis le solstice d’hyver jusqu’à celui d’été, les rayons du soleil donnant toûjours de plus en plus perpendiculairement, leur action sur la surface de la terre acquiert de jour en jour une nouvelle force, au moyen de laquelle ils relâchent, amollissent & putréfient de plus en plus la glebe ou le sol, jusqu’à ce que le soleil soit arrivé au tropique où avec la force d’un agent chimique, il résout les parties superficielles de la terre en leurs principes, c’est-à-dire, en eau, en huile, en sels, &c. qui s’élevent dans l’atmosphere. Voyez Chaleur.
Voilà comme se forment les météores qui ne sont que des émanations de ces corpuscules répandus dans l’air. Voyez Météore.
Ces météores ont des effets très-considérables sur l’air. Ainsi, comme on sait, le tonnerre fait fermenter les liqueurs. Voyez Tonnerre, Fermentation, &c.
En effet tout ce qui produit du changement dans le degré de chaleur de l’atmosphere, doit aussi en produire dans la matiere de l’air. M. Boyle va plus loin sur cet article, & prétend que les sels & autres substances mêlées dans l’air, sont maintenus par le chaud dans un état de fluidité, qui fait qu’étant mêlés ensemble ils agissent conjointement ; & que par le froid ils perdent leur fluidité & leur mouvement, se mettent en crystaux, & se séparent les uns des autres. Si les colonnes d’air sont plus ou moins hautes, cette différence peut causer aussi des changemens, y ayant peu d’exhalaisons qui s’élevent au-dessus des plus hautes montagnes. On en a eu la preuve par certaines maladies pestilentielles, qui ont emporté tous les habitans qui peuploient un côté d’une montagne, sans que ceux qui peuploient l’autre côté s’en soient aucunement sentis.
On ne sauroit nier non plus que la secheresse & l’humidité ne produisent de grands changemens dans l’atmosphere. En Guinée, la chaleur jointe à l’humidité cause une telle putréfaction, que les meilleures drogues perdent en peu de tems toutes leurs vertus, & que les vers s’y mettent. Dans l’isle de S. Jago, on est obligé d’exposer le jour les confitures au soleil, pour en faire exhaler l’humidité qu’elles ont contractée pendant la nuit, sans quoi elles seroient bien-tôt gâtées.
C’est sur ce principe que sont fondés la construction & l’usage de l’Hygrometre. Voyez Hygrometre.
Ces différences dans l’air ont aussi une grande influence sur les expériences des Philosophes, des Chimistes & autres.
Par exemple, il est difficile de tirer l’huile du soufre, per campanam, dans un air clair & sec, parce qu’alors il est très-facile aux particules de ce minéral de s’échapper dans l’air : mais dans un air grossier & humide, elle vient en abondance. Ainsi tous les sels se mêlent plus aisément, & étant fondus agissent avec plus de force dans un air épais & humide ; toutes les séparations de substances s’en font aussi beaucoup mieux. Si le sel de tartre est exposé dans un endroit où il y ait dans l’air quelque esprit acide flottant, il s’en impregnera, & de fixe deviendra volatil. De même les expériences faites sur des sels à Londres, où l’air est abondamment impregné du soufre qui s’exhale du charbon de terre qu’on y brûle, réussissent tout autrement que dans les autres endroits du Royaume où l’on brûle du bois, de la tourbe, ou autres matieres. C’est aussi pourquoi les ustenciles de métal se rouillent plus vîte ailleurs qu’à Londres, où il y a moins de corpuscules acides & corrosifs dans l’air & pourquoi la fermentation qui est facile à exciter dans un lieu où il n’y a point de soufre, est impraticable dans ceux qui abondent en exhalaisons sulphureuses. Si du vin tiré au clair après qu’il a bien fermenté est transporté dans un endroit où l’air soit imprégné des fumées d’un vin nouveau qui fermente actuellement, il recommencera à fermenter. Ainsi le sel de tartre s’enfle comme s’il fermentoit, si on le met dans un endroit où l’on prépare de l’esprit de nitre, du vitriol, ou du sel marin. Les Brasseurs, les Distillateurs & les Vinaigriers font une remarque qui mérite bien d’avoir place ici : c’est qu’il n’y a pas de meilleur tems pour la fermentation des sucs des plantes, que celui où ces plantes sont en fleurs. Ajoutez que les taches faites par les sucs des substances végétales ne s’enievent jamais mieux de dessus les étoffes, que quand les plantes d’où ils proviennent sont dans leur primeur. M. Boyle dit qu’on en a fait l’expérience sur des taches de jus de coing, de houblon & d’autres végétaux ; & que singulierement une qui étoit de jus de houblon, & qu’on n’avoit pas pû emporter quelque chose qu’on y fît, s’en étoit allée d’elle-même dans la saison du houblon.
Outre tout ce que nous venons de dire de l’air, quelques Naturalistes curieux & pénétrans ont encore observé d’autres effets de ce fluide, qu’on ne peut déduire d’aucune des propriétés dont nous venons de parler. C’est pour cela que M. Boyle a composé un Traité exprès, intitulé Conjectures sur quelques propriétés de l’air encore inconnues. Les phénomenes de la flamme & du feu dans le vuide portent à croire, selon cet auteur, qu’il y a dans l’air une substance vitale & singuliere, que nous ne connoissons pas, en conséquence de laquelle ce fluide est si nécessaire à la nutrition de la flamme. Mais quelle que soit cette substance, il paroît en examinant l’air qui en est dépouillé, & dans lequel conséquemment la flamme ne peut plus subsister, qu’elle y est en bien petite quantité en comparaison du volume d’air qui en est imprégné, puisqu’on ne trouve aucune altération sensible dans les propriétés de cet air. Voyez Flamme.
D’autres exemples qui servent à entretenir ces conjectures, font les sels qui paroissent & qui s’accroissent dans certains corps, qui n’en produiroient point du tout ou en produiroient beaucoup moins s’ils n’étoient pas exposés à l’air. M. Boyle parle de quelques marcassites tirées de dessous terre, qui etant gardées dans un endroit sec, se couvroient assez vîte d’une efflorescence vitriolique, & s’égrugeoient en peu de tems en une poudre qui contenoit une quantité considérable de couperose, quoique vraissemblablement elles fussent restées en terre plusieurs siécles sans se dissoudre. Ainsi la terre ou la mine d’alun & de quantité d’autres minéraux, dépouillée de ses sels, de ses métaux & autres substances, les recouvre avec le tems. On observe la même chose du fraisi dans les forges, Voyez Mine, Fer, &c.
M. Boyle ajoûte, que sur des enduits de chaux de vieilles murailles, il s’amasse avec le tems une efflorescence copieuse d’un qualité nitreuse dont on tire du salpetre. Le colcothar de vitriol n’est point naturellement corrosif, & n’a de lui-même aucun sel : mais si on le laisse quelque tems exposé à l’air, il donne du sel, & beaucoup. Voyez Colcothar.
Autre preuve qui constate ces propriétés cachées de l’air ; c’est que ce fluide, introduit dans les médicamens antimoniaux, les rend émétiques, propres à causer des foiblesses de cœur & des brûlemens d’entrailles ; & qu’il gâte & pourrit en peu de tems des arbres déracinés qui s’étoient conservés sains & entiers pendant plusieurs siecles qu’ils étoient restés sur pié. Voyez Antimoine.
Enfin les soies dans la Jamaïque se gâtent bien-tôt, si on les laisse exposées à l’air, quoiqu’elles ne perdent pas toûjours leur couleur ; au lieu que quand on ne les y expose pas, elles conservent leur force & leur teinture. Le taffetas jaune porté au Bresil y devient en peu de jours gris-de-fer, si on le laisse exposé à l’air ; au lieu que dans les boutiques il conserve sa couleur. A quelques lieues au-delà du Paraguai, les hommes blancs deviennent tannés : mais dès qu’ils quittent cette contrée, ils redeviennent blancs. Ces exemples, outre une infinité d’autres que nous ne rapportons point ici, suffisent pour nous convaincre que nonobstant toutes les découvertes qu’on a faites jusqu’ici sur l’air, il reste encore un vaste champ pour en faire de nouvelles.
Par les observations qu’on a faites sur ce qui arrive, lorsqu’après avoir été saigné dans des rhûmatismes on vient à prendre du froid, il est avéré que l’air peut s’insinuer dans le corps avec toutes ses qualités, & vicier toute la masse du sang & des autres humeurs. Voyez Sang.
Par les paralysies, les vertiges & autres affections nerveuses que causent les mines, les lieux humides & autres, il est évident que l’air chargé des qualités qu’il a dans ces lieux, peut relâcher & obstruer tout le système nerveux. Voyez Humidité, &c. Et les coliques, les fluxions, les toux & les consomptions que produit un air humide, aqueux & nitreux, font bien voir qu’un tel air est capable de gâter & de dépraver les parties nobles, &c. Voyez l’article Atmosphere.
M. Desaguliers a imaginé une machine pour changer l’air de la chambre d’une personne malade, en en chassant l’air impur, & y en introduisant du frais par le moyen d’une roue qu’il appelle roue centrifuge, sans qu’il soit besoin d’ouvrir ni porte, ni fenêtre ; expédient qui seroit d’une grande utilité dans les mines, dans les hôpitaux & autres lieux semblables, où l’air ne circule pas. On a déja pratiqué quelque chose de semblable à Londres, pour évacuer de ces lieux l’air échauffé par les lumieres & par l’haleine & la sueur d’un grand nombre de personnes, ce qui est très-incommode, surtout dans les grandes chaleurs. Voyez Transact. Philos. n°. 437. p. 41.
M. Hales a imaginé depuis peu une machine très propre à renouveller l’air. Il appelle cette machine le ventilateur. Il en a donné la description dans un ouvrage qui a été traduit en François par M. de Mours, Docteur en Medecine, & imprimé à Paris il y a peu d’années. Voyez Ventilateur.
Air inné, est une substance aërienne extrèmement subtile, que les Anatomistes supposent être enfermée dans le labyrinthe de l’oreille interne, & qui sert selon eux à transmettre les sons au sensorium commune. Voyez Labyrinthe, Son, Ouie.
Mais par les questions agitées dans ces derniers tems au sujet de l’existence de cet air inné, il commence à être fort vraissemblable que cet air n’existe pas réellement.
Machine à pomper l’air. Voyez Machine pneumatique. (O)
Air, (Théol.) L’air est souvent désigné dans l’Ecriture sous le nom de ciel ; les oiseaux du ciel pour les oiseaux de l’air. Dieu fit pleuvoir du ciel sur Sodome le soufre & le feu ; c’est-à-dire, il fit pleuvoir de l’air ; que le feu descende du ciel, c’est-à-dire de l’air. Moyse menace les Israélites des effets de la colere de Dieu, de les faire périr par un air corrompu : percutiat te Dominus aere corrupto ; ou peut-être par un vent brûlant qui cause des maladies mortelles, ou par une sécheresse qui fait périr les moissons. Battre l’air, parler en l’air, sont des manieres de parler usitées même en notre langue, pour dire parler sans jugement, sans intelligence, se fatiguer en vain. Les puissances de l’air, (Ephes. xj. 2.) sont les démons qui exercent principalement leur puissance dans l’air, en y excitant des tempêtes, des vents & des orages. Genes. xix. 24. IV. Reg. j. 10. Deut. xxij. 22. I. Cor. ix. 24. xiv. 9. Dict. de la Bibl. du P. Calmet, tom. I. A. pag. 89. (G)
* Air. Les Grecs adoroient l’air, tantôt sous le nom de Jupiter, tantôt sous celui de Junon. Jupiter régnoit dans la partie supérieure de l’atmosphere, Junon dans sa partie inférieure. L’Air est aussi quelquefois une divinité qui avoit la lune pour femme & la rosée pour fille. Il y avoit des divinations par le moyen de l’air ; elles consistoient ou à observer le vol & le cri des oiseaux, ou à tirer des conjectures des météores & des cometes, ou à lire les évenemens dans les nuées ou dans la direction du tonnerre. Ménelas dans Iphigénie atteste l’air témoin des paroles d’Agamemnon : mais Aristophane traite d’impiété ce serment d’Euripide. Plus on considere la religion des Payens, plus on la trouve favorable à la Poësie ; tout est animé, tout respire, tout est en image ; on ne peut faire un pas sans rencontrer des choses divines & des dieux, & une foule de cérémonies agréables à peindre : mais peu conformes à la raison.
* Air, Manieres, considérés grammaticalement. L’air semble être né avec nous ; il frappe à la premiere vûe. Les manieres sont d’éducation. On plaît par l’air ; on se distingue par les manieres. L’air prévient ; les manieres engagent. Tel vous déplaît & vous éloigne par son air, qui vous retient & vous charme ensuite par ses manieres. On se donne un air ; on affecte des manieres. On compose son air ; on étudie ses manieres. Voyez les Synonymes François. On ne peut être un fat sans savoir se donner un air & affecter des manieres ; pas même peut-être un bon Comédien. Si l’on ne sait composer son air & étudier ses manieres, on est un mauvais courtisan ; & l’on doit s’éloigner de tous les états où l’on est obligé de paroître différent de ce qu’on est.
Air se dit en Peinture de l’impression que fait un tableau, à la vûe duquel on semble réellement respirer l’air qui regne dans la nature suivant les différentes heures du jour : frais, si c’est un soleil levant qu’il représente ; chaud, si c’est un couchant. On dit encore qu’il y a de l’air dans un tableau, pour exprimer que la couleur du fond & des objets y est diminuée selon les divers degrés de leur éloignement : cette diminution s’appelle la perspective aërienne. On dit aussi air de tête : tel fait de beaux airs de tête. On dit encore attraper, saisir l’air d’un visage, c’est-à-dire le faire parfaitement ressembler. En ce cas l’air sembleroit moins dépendre de la configuration des parties, que de ce qu’on pourroit appeller le geste du visage. (R)
Air en Musique, est proprement le chant qu’on adapte aux paroles d’une chanson ou d’une petite piece de Poësie propre à être chantée ; & par extension on appelle air la chanson même. Dans les Opéra on donne le nom d’airs à tous les morceaux de musique mesurés, pour les distinguer du récitatif qui ne l’est pas ; & généralement on appelle air tout morceau de musique, soit vocale, soit instrumentale, qui a son commencement & sa fin. Si le sujet est divise entre deux parties, l’air s’appelle duo, si entre trois, trio, &c.
Saumaise croit que ce mot vient du Latin œra ; & M. Burette est de son opinion, quoique Menage combatte ce sentiment dans son étymologie de la langue Françoise.
Les Romains avoient leurs signes pour le rythme, ainsi que les Grecs avoient les leurs ; & ces signes, tirés aussi de leurs caracteres numériques, se nommoient non-seulement numerus, mais encore œra, c’est-à-dire nombre, ou la marque du nombre ; numeri nota, dit Nonius Marcellus. C’est en ce sens qu’il se trouve employé dans ce vers de Lucile :
Hæc est ratio ? perversa œra ? summa subducta improbè ?
Et Sextus Rusus s’en est servi de même. Or quoique ce mot œra ne se prît originairement parmi les Musiciens que pour le nombre ou la mesure du chant, dans la suite on en fit le même usage qu’on avoit fait du mot numerus ; & l’on se servoit d’œra pour désigner le chant même : d’où est venu le mot François air, & l’Italien aria pris dans le même sens.
Les Grecs avoient plusieurs sortes d’airs qu’ils appelloient nomes, qui avoient chacun leur caractere, & dont plusieurs étoient propres à quelques instrumens particuliers, à peu près comme ce que nous appellons aujourd’hui pieces ou sonates.
La musique moderne a diverses especes d’airs qui conviennent chacune à quelque espece de danse dont ils portent le nom. Voyez Menuet, Gavotte, Musette, Passepié, Chanson, &c. (S)
Air, (Jardinage.) On dit d’un arbre qu’il est planté en plein vent ou en plein air, ce qui est synonyme. Voyez Air. (K)
Air, en Fauconnerie ; on dit l’oiseau prend l’air, c’est-à-dire, qu’il s’éleve beaucoup.
* Air ou Ayr, (Géog.) ville d’Ecosse à l’embouchure de la riviere de son nom. Long. 14. 40. lat. 56. 22.