L’Encyclopédie/1re édition/HYGROMETRE
HYGROMETRE, s. m. (Physiq.) machine ou instrument qui sert à marquer les degrés de sécheresse ou d’humidité de l’air. Voyez Air, Humidité, &c. Ce mot est composé des mots grecs ὑγρος, humidus, humide, & μέτρεω, metior, je mesure.
Il y a diverses especes d’hygrometres ; car tout corps qui s’enfle ou qui se raccourcit au moyen de la sécheresse ou de l’humidité, peut servir d’hygrometre. Tels sont la plûpart des bois, sur-tout ceux de frêne, de sapin, de peuplier, &c. comme aussi les boyaux de chat, &c. Voici ceux qui sont les plus en usage.
Construction des hygrometres. Etendez une corde de chanvre, ou une corde de boyau, telle que AB (Voyez Pl. pneumatiq. fig. 7.) sur une muraille, en la faisant passer sur une roulette ou poulie B ; & attachez à son autre extrémité D un poids E, dans lequel vous ficherez un stile FG. Posez sur la même muraille une plaque de métal HI, divisée en un certain nombre de parties égales, & vous aurez un hygrometre complet.
Car c’est une chose incontestable que l’humidité raccourcit peu-à-peu les cordes, & qu’elles reprennent leur longueur ordinaire à mesure que l’humidité s’évapore. Donc, dans le cas présent, le poids ne peut manquer de monter à proportion que l’humidité de l’air augmente, & de descendre lorsqu’elle vient à diminuer.
Comme donc le stile FG montre les espaces dont le poids monte & descend, & que ces espaces sont égaux à l’allongement ou au raccourcissement de la corde ou boyau ABD, l’instrument montera si l’air est plus ou moins humide un jour qu’un autre.
Si vous voulez avoir un hygrometre plus exact & plus sensible, faites passer une corde de boyau par dessus plusieurs roulettes ou poulies A, B, C, D, E, F & G (fig. 8.), & conduisez-vous pour tout le reste comme dans l’exemple précédent. Peu importe que les diverses parties de la corde AB, BC, CD, DE, EF & FG, soient paralleles à l’horison, comme dans la présente figure, ou qu’elles soient perpendiculaires à l’horison.
Cet hygrometre a cela d’avantageux sur le précédent, que l’on a une corde beaucoup plus longue dans le même espace, & que son allongement ou son raccourcissement devient par là plus sensible.
Ou bien, attachez une corde de chanvre ou de boyau AB (fig. 9.) à un crochet de fer, & laissez tomber l’autre bout B sur le centre d’un ais ou table horisontale EF. Suspendez près de B une balle de plomb C du poids d’une livre, & attachez-y un stile CG. Enfin, du centre B décrivez un cercle, & divisez-le en plusieurs parties égales. La construction de cet hygrometre est fondée sur ce qu’on a observé, qu’une corde ou un boyau s’entortillent en s’humectant, & se détortillent de nouveau à mesure qu’ils se dessechent. M. Molyneux, secrétaire de la société de Dublin, dit qu’il s’est apperçu des changemens dont nous venons de parler, dans une corde, en soufflant dessus huit ou dix fois, & en l’approchant ensuite d’une bougie. D’où il suit qu’à mesure que l’humidité de l’air augmentera ou diminuera, l’index indiquera de combien elle se tord ou détord, & par conséquent l’augmentation ou la diminution de l’humidité ou de la sécheresse.
Ou bien, attachez l’extrémité d’une corde de chanvre ou de boyau H (fig. 10.) à un crochet H, & à son autre bout une balle d’une livre pesant. Tracez deux cercles concentriques sur la balle, & divisez-les en un égal nombre de parties égales. Fixez un stile NO sur un pied N, de façon que l’extrémité O touche presque les divisions de la balle.
La corde, en se tordant ou en se détordant comme dans le premier cas, montrera le changement d’humidité par l’application successive des différentes divisions des cercles à l’index.
Ou bien, prenez deux chassis de bois AB & CD (fig. 11.) ; pratiquez-y des rainures dans lesquelles vous enchâsserez des ais fort minces de bois de frêne AEFC & GBDH, de façon qu’ils puissent couler. Arrêtez ces ais aux extrémités A, B, C, D, des chassis avec des clous, de façon qu’il reste entre eux un espace EGHF d’environ un pouce de large. Attachez au point K une regle de cuivre dentée, & au point L une petite roue dentée, sur l’axe de laquelle vous poserez un index de l’autre côté de la machine. Enfin, du centre de l’axe du même côté décrivez un cercle, & divisez-le en un grand nombre de parties égales.
On sait, par expérience, que le bois de frêne se gonfle en attirant l’humidité de l’air, & qu’il se resserre de nouveau à mesure que cette humidité diminue : ainsi, pour peu que l’humidité de l’air augmente, les deux ais AF & BH se gonfleront & s’approcheront l’un de l’autre, & ils s’écarteront de nouveau à mesure que l’humidité diminuera.
Or, comme la distance de ces ais ne peut augmenter ni diminuer sans faire tourner la roue L, l’index marquera les divers changemens qui surviendront par rapport à l’humidité ou à la sécheresse.
On remarque que tous les hygrometres que nous venons de décrire, deviennent insensiblement moins exacts en vieillissant, & ne reçoivent à la fin aucune altération de l’humidité de l’air. Le suivant est de plus longue durée.
Prenez une balance, à laquelle vous adapterez une portion de cercle ADC (fig. 12.), telle qu’on la voit dans cette figure ; mettez à un des bras de la balance un poids, & à l’autre une éponge E ou tel autre corps qui attire aisément l’humidité. Pour préparer l’éponge, il faut commencer par la laver dans l’eau, la faire sécher, & la tremper de nouveau dans de l’eau ou du vinaigre où l’on aura fait dissoudre du sel ammoniac ou du sel de tartre, & la faire sécher ensuite. Si l’air devient humide, l’éponge devenant plus pesante, descendra, au lieu qu’elle montera s’il est sec, de sorte que l’index montrera l’augmentation ou la diminution de l’humidité de l’air.
M. Gould, dans les transactions philosophiques, dit qu’il vaut mieux se servir, au lieu d’éponge, d’huile de vitriol, qui devient plus ou moins pesante, suivant le plus ou le moins d’humidité qu’elle attire ; de sorte qu’étant une fois saoulée d’humidité dans le tems le plus humide, elle conserve ou perd dans la suite la pesanteur qu’elle a acquise suivant que l’air est plus ou moins humide. Cette altération est si considérable, qu’on s’est apperçû que sa pesanteur avoit augmenté depuis trois dragmes jusqu’à neuf dans l’espace de 57 jours, & avoit changé la position de l’index d’une balance de 30 degrés. Un seul grain pesant de cette liqueur, après son entier accroissement, a varié si sensiblement son équilibre, que l’index d’une balance qui n’avoit qu’un pouce & demi de long, a décrit un arc de quatre lignes, qui seroit même allé jusqu’à trois pouces, si l’index eût été d’un pied, malgré la petite quantité de liqueur ; d’où cet auteur conclut qu’en employant plus de liqueur, on pourroit, au moyen d’une simple balance, avoir un hygrometre beaucoup plus exact qu’aucun de ceux qu’on a inventés jusqu’aujourd’hui. Ce même auteur donne à entendre qu’on pourroit substituer à l’huile de vitriol l’huile de soufre per campanam, l’huile de tartre par défaillance, &c.
On peut faire cette balance de deux façons, ou en mettant le stile au milieu du levier auquel le poids E est attaché, & en joignant à ce stile un index d’un pied & demi de long qui marqueroit les divisions sur une lame graduée comme dans la figure 12.
Ou bien, on peut suspendre le bassin qui contient la liqueur au bout du fleau près du stile, & faire l’autre extrémité si longue qu’elle puisse décrire un arc d’une grandeur considérable sur un ais placé pour cet effet, comme dans la fig. 13.
M. Coniers conclud d’une suite d’observations hygroscopiques, dont on peut voir la description dans les Transactions philosophiques, 1o. que le bois se resserre en été & s’enfle en hiver, mais qu’il est plus sujet à ces altérations dans le printems : 2o. que ce mouvement arrive sur-tout pendant le jour, n’y ayant presque point de variations pendant la nuit : 3o. qu’il s’y fait un changement même dans les tems secs, le bois s’enflant le matin & se resserrant après-midi : 4o. que le bois se resserre de nuit comme de jour, lorsque le vent est au nord, au nord-est & à l’est en hiver & en été. Le même auteur ajoute qu’on peut connoître par le moyen de l’hygrometre les saisons de l’année ; car il se meut beaucoup plus vîte au printems qu’en hiver ; il se resserre plus dans l’autonne qu’au printems, & il a moins de mouvement en autonne qu’en été ; mais l’auteur n’a pas sans doute prétendu donner cette regle pour sure ni pour exacte. Elle est d’ailleurs tout-à-fait inutile, puisqu’on a d’autres moyens que les hygrometres de connoître les saisons. Wolf & Chambers.
Le plus simple de tous les hygrometres se fait avec une corde de dix à douze piés que l’on tend foiblement dans une situation horisontale & dans un endroit à couvert de la pluie, quoiqu’exposé à l’air libre : on attache au milieu un fil de laiton, au bout duquel on fait pendre un petit poids qui sert d’index, & qui marque, sur une échelle divisée en pouces & en lignes, les degrés d’humidité en montant, & ceux de sécheresse en descendant. Tel est l’hygrometre que l’on voit suspendu sous une des portes du vieux Louvre, mais qui est trop vieux à présent pour être bon. Assez souvent on fait des hygrometres avec un bout de corde à boyau qu’on fixe d’un côté à quelque chose de solide, & que l’on attache par l’autre perpendiculairement à une petite traverse qui se tourne à mesure que la corde se tord ou se détord ; aux extrémités de cette petite traverse on place deux petites figures, dont l’une rentre & l’autre sort d’une petite maison qui a deux portiques, lorsque le sec ou l’humide fait tourner la corde, & l’on fait porter un petit parapluie à celle des deux figures que le mouvement de la corde fait sortir, lorsque l’humidité augmente. Les hygrometres que l’on fait de cette façon ou d’une maniere équivalente, en cachant la corde pour y mettre un air de mystere, ne sont bons que pour amuser les enfans : & on ne doit pas s’attendre qu’ils apprennent quel est l’état actuel de l’atmosphere, par rapport à l’humidité ou à la sécheresse, parce qu’on les garde dans des appartemens fermés, & que la corde qui en est la piece principale est contenue comme dans un étui, où l’air ne se renouvelle que peu ou point. Enfin le meilleur de ces instrumens n’apprend presque rien autre chose sinon que la corde est mouillée ou qu’elle est seche. Car 1o. l’humidité qui l’a une fois pénétrée n’en sort que peu à peu, & selon l’exposition du lieu, le calme ou le vent qui y regne ; & bien souvent il arrive que l’atmosphere a déja perdu une grande partie de son humidité, avant que la corde en puisse donner aucun signe. 2o. Tout ce qu’on peut attendre d’un hygrometre à corde, c’est qu’il fasse connoître s’il y a plus ou moins d’humidité dans l’air par comparaison au jour précédent ; & l’on sait cela par tant d’autres signes, qu’il est assez inutile de faire une machine qui n’apprend rien de plus. Ce qu’il importeroit le plus de savoir, c’est de combien l’humidité ou la sécheresse augmente ou diminue d’un tems à l’autre, & de pouvoir rendre ces instrumens comparables. Mais il paroît bien difficile de pouvoir faire des hygrometres qui ayent cet avantage.
Le bois verd, humide, lorsqu’on l’emploie, le devient moins à mesure qu’on le garde dans la chambre, & par conséquent il se retire & ce retrécit naturellement. Les cordes, ayant leurs fils entrelacés les uns sur les autres, se lâchent & se détordent d’elles-mêmes ; devenant plus humides, elles se tordent davantage, mais non pas à proportion des vapeurs qu’elles reçoivent. La chose réussit assez bien les premiers mois, mais ce tems passé, il s’en faut bien qu’elle ait le même succès. La corde à boyau se racourcit trop lorsqu’elle n’est que peu humide, & s’allonge trop lorsqu’elle se trouve chargée de beaucoup de vapeurs. Le parchemin n’est pas assez épais pour rassembler long-tems l’humidité ; il se desseche aussi trop vîte, & n’a pas assez de mouvement. Quant au coton suspendu à une balance, pour faire un hygrometre, il est bien vrai qu’il devient plus pesant au commencement, mais il reste dans la suite trop pesant, & son poids dépend aussi de celui de l’air, & de la poussiere qui se trouve dans l’air. Pour ce qui est du tuyau d’épi de blé, dont on fait aussi un hygrometre, il tourne très-sensiblement, tandis qu’il est verd, mais cela ne dure pas long-tems. L’éponge que l’on trempe dans du vinaigre, où l’on a fait fondre auparavant du sel marin & du sel ammoniac, & que l’on suspend ensuite à une balance, après l’avoir pressée, reste bonne pendant quelques mois ; elle devient beaucoup plus pesante, lorsqu’elle est humide ; elle rassemble même autant d’humidité qu’il en découle ; mais elle perd par-là beaucoup de son sel qui devient volatil, de sorte que cet instrument ne reste jamais le même toute une année. On fait grand cas du cuir de brebis, trempé dans la liqueur précédente ; mais quand il fait un tems humide, ce cuir s’humecte & s’allonge trop ; & si l’humidité augmente extrèmement, le cuir se charge de tout côté d’une quantité prodigieuse d’humidité, de sorte qu’il en découle plusieurs gouttes, & qu’il s’accourcit au lieu de s’allonger, sans compter qu’il ne sauroit rester une demi-année au même état. Tous ces instrumens sont donc fautifs, & on doit prendre garde qu’ils ne jettent dans l’erreur. Mussch. Essai de Physiq. (O)
Hygrometre, (Méd.) les différens instrumens propres à mesurer les degrés de l’humidité de l’air, plus ou moins considérables, sont employés fort utilement par les médecins, qui ont le zéle aussi louable, que laborieux, de faire des recherches sur les influences de cet élement & de tout ce qui y a rapport, à l’égard de l’économie animale, & de recueillir des observations sur les maladies qui regnent dans les différentes saisons de l’année, selon la différente température ; parce qu’il y a des conséquences très-importantes à tirer des changemens qui se font dans l’atmosphere, en tant qu’ils peuvent beaucoup contribuer à établir des causes morbifiques, ou à faire varier les symptômes, la terminaison des maladies, qui ont d’autres principes.
C’est par cette considération qu’Hofman, dans son Hygiene (oper. tom. I. lib. II. cap. iij.) recommande fort le bon usage des hygrometres, comme celui des thermometres, des barometres, pour juger des différens dégrés de chaleur & de pesanteur de l’atmosphere ; parce qu’il y a un très-grand avantage à retirer des observations météorologiques, tant pour servir à déterminer la nature des maladies qui dominent plus dans une saison, dans un pays, que dans d’autres ; que pour acquérir des connoissances, à la faveur desquelles on peut en prévoir, pour ainsi dire, la futurition contingente, & tâcher d’en préserver par les correctifs de l’air, ou par le régime. Voyez Meteorologique Observation. L’hygrometre est la même chose que l’hygroscope.