L’Encyclopédie/1re édition/MILIEU

◄  MILICHIUS
MILIORATS  ►

MILIEU, s. m. (Méchan.) dans la Philosophie méchanique, signifie un espace matériel à-travers lequel passe un corps dans son mouvement, ou en général, un espace matériel dans lequel un corps est placé, soit qu’il se meuve ou non.

Ainsi on imagine l’éther comme un milieu dans lequel les corps célestes se meuvent. Voyez Ether.

L’air est un milieu dans lequel les corps se meuvent près de la surface de la terre. Voyez Air & Atmosphere.

L’eau est le milieu dans lequel les poissons vivent & se meuvent.

Le verre enfin est un milieu, en égard à la lumiere, parce qu’il lui permet un passage à-travers ses pores. Voyez Verre, Lumiere, Rayon.

La densité des parties du milieu, laquelle retarde le mouvement des corps, est ce qu’on appelle résistance du milieu. Voyez Résistance, &c.

Milieu éthéré. M. Newton prouve d’une maniere très-vraissemblable, qu’outre le milieu aérien particulier dans lequel nous vivons & nous respirons, il y en a un autre plus répandu & plus universel, qu’il appelle milieu éthéré. Ce milieu est beaucoup plus rare & plus subtil que l’air ; & par ce moyen il passe librement à-travers les pores & les autres interstices des autres milieux, & se répand dans tous les corps. Cet auteur pense que c’est par l’intervention de ce milieu que sont produits la plupart des grands phénomenes de la nature.

Il paroît avoir recours à ce milieu, comme au premier ressort de l’univers & à la premiere de toutes les forces. Il imagine que ses vibrations sont la cause qui répand la chaleur des corps lumineux, qui conserve & qui accroît dans les corps chauds l’intensité de la chaleur, & qui la communique des corps chauds aux corps froids. Voyez Chaleur.

Il le regarde aussi comme la cause de la réflexion, de la réfraction & de la diffraction de la lumiere ; & il lui donne des accès de facile réflexion & de facile transmission, effet qu’il attribue à l’attraction : ce philosophe paroît même insinuer que ce milieu pourroit être la source & la cause de l’attraction elle-même. Sur quoi voyez Éther, Lumiere, Réflexion, Diffraction, Attraction, Gravité, &c.

Il regarde aussi la vision comme un effet des vibrations de ce même milieu excitées au fond de l’œil par les rayons de lumiere & portées de-là au sensorium à-travers les filamens des nerfs optiques. Voyez Vision.

L’ouie dépendroit de même des vibrations de ce milieu, ou de quelques autres excitées par les vibrations de l’air dans les nerfs qui servent à cette sensation & portées au sensorium à-travers les filamens de ces nerfs, & ainsi des autres sens, &c.

M. Newton conçoit de plus que les vibrations de ce même milieu, excitées dans le cerveau au gré de la volonté & portées de-là dans les muscles à-travers les filamens des nerfs, contractent & dilatent les muscles, & peuvent par-là être la cause du mouvement musculaire. Voyez Muscle & Musculaire.

Ce milieu, ajoute M. Newton, n’est-il pas plus propre aux mouvemens célestes que celui des Cartésiens qui remplit exactement tout l’espace, & qui étant beaucoup plus dense que l’or, doit résister davantage ? Voyez Matiere subtile.

Si quelqu’un, continue-t il, demandoit comment ce milieu peut être si rare, je le prierois, de mon côté, de me dire comment dans les régions supérieures de l’athmosphere, l’air peut être plus que 100000 fois plus rare que l’or ; comment un corps électrique peut, au moyen d’une simple friction, envoyer hors de lui une matiere si rare & si subtile, & cependant si puissante, que quoique son émission n’altere point sensiblement le poids du corps, elle se répande cependant dans une sphere de deux piés de diametre, & qu’elle souleve des feuilles ou paillettes de cuivre ou d’or placées à la distance d’un pié du corps électrique ; comment les émissions de l’aimant peuvent être assez subtiles pour passer à-travers un carreau de verre, sans éprouver de résistance & sans perdre de leur force, & en même tems assez puissante pour faire tourner l’aiguille magnétique par-delà le verre ? Voyez Émanation, Électricité.

Il paroît que les cieux ne sont remplis d’aucune autre matiere que de ce milieu éthéré ; c’est une chose que les phénomenes confirment. En effet, comment expliquer autrement la durée & la régularité des mouvemens des planetes & même des cometes dans leurs cours & dans leurs directions ? Comment accorder ces deux choses avec la résistance que ce milieu dense & fluide dont les Carthésiens remplissent les cieux, doit faire sentir aux corps célestes ? Voyez Tourbillon & Matiere subtile.

La résistance des milieux-fluides provient en partie de la cohésion des particules du milieu, & en partie de la force d’inertie de la matiere. La premiere de ces causes considerée dans un corps sphérique est à peu-près en raison du diametre, toutes choses d’ailleurs égales, c’est à-dire en général, comme le produit du diametre & de la vîtesse du corps : la seconde est proportionnelle au quarré de ce produit.

La résistance qu’éprouvent les corps qui se meuvent dans un fluide ordinaire, dérive principalement de la force d’inertie. Car la partie de résistance qui proviendroit de la ténacité du milieu, peut être diminuée de plus en plus en divisant la matiere en de plus petites particules & en rendant ces particules plus polies & plus faciles à glisser ; mais l’autre qui reste toujours proportionnelle à la densité de la matiere, ne peut diminuer que par la diminution de la matiere elle-même. Voyez Résistance.

La résistance des milieux fluides est donc à peu-près proportionnelle à leur densité. Ainsi l’air que nous respirons étant environ 900000 fois moins dense que l’eau, devra par cette raison, résister 900000 fois moins que l’eau, ce que le même auteur à vérifié en effet par le moyen des pendules. Les corps qui se meuvent dans le vis-argent, dans l’eau & dans l’air, ne paroissent éprouver d’autre résistance que celle qui provient de la densité & de la tenacité de ces fluides ; ce qui doit être en effet, en supposant leurs pores remplis d’un fluide dense & subtil.

On trouve que la chaleur diminue beaucoup la tenacité des corps ; & cependant elle ne diminue pas sensiblement la résistance de l’eau. La résistance de l’eau provient donc principalement de sa force d’inertie ; & par conséquent si les cieux étoient aussi denses que l’eau & le vif-argent, ils ne résisteroient pas beaucoup moins. S’ils étoient absolument denses sans aucun vuide, quand même leurs particules seroient fort subtiles & fort fluides, ils résisteroient beaucoup plus que le vif-argent. Un globe parfaitement solide, c’est-à-dire, sans pores, perdroit dans un tel milieu, la moitié de son mouvement dans le tems qu’il lui faudroit employer pour parcourir trois fois son propre diametre ; & un corps qui ne seroit solide qu’imparfaitement, la perdroit en beaucoup moins de tems.

Il faut donc, pour que le mouvement des planetes & des cometes soit possible, que les cieux soient vuides de toute matiere, excepté peut être quelqu’émission très-subtile des atmospheres des planetes & des cometes, & quelque milieu éthéré, tel que celui que nous venons de décrire. Un fluide dense ne peut servir dans les cieux qu’à troubler les mouvemens célestes ; & dans les pores des corps il ne peut qu’arrêter les mouvemens de vibrations de leurs parties, en quoi consiste leur chaleur & leur activité. Un tel milieu doit donc être rejetté, selon M. Newton, tant qu’on n’aura point de preuve évidente de son existance ; & ce milieu étant une fois rejetté, le système qui fait consister la lumiere dans la pression d’un fluide subtil, tombe & s’anéantit de lui-même. Voyez Lumiere, Cartésianisme, &c. Chambers. (O)