L’Encyclopédie/1re édition/RÉSISTANCE
RÉSISTANCE, s. f. (Méchanique.) se dit en général d’une force ou puissance qui agit contre une autre, de sorte qu’elle détruit ou diminue son effet. Voyez Puissance. Il y a deux sortes de résistances qui viennent des différentes propriétés des corps résistans, & qui sont reglées par différentes lois ; savoir la résistance des solides & la résistance des fluides, ce qui va être expliqué dans les articles suivans.
La résistance des solides (nous ne parlerons point ici de celle qui a lieu dans la percussion. Voyez Percussion), c’est la force avec laquelle les parties des corps solides qui sont en repos s’opposent au mouvement des autres parties qui leur sont contiguës ; cela se fait de deux manieres, 1°. quand les parties résistantes & les parties résistées, c’est-à-dire les parties contre lesquelles la résistance s’exerce (qu’on nous passe ce terme à cause de sa commodité), qui sont contiguës, & ne sont point adhérentes les unes avec les autres, c’est-à-dire quand ce sont des masses ou des corps séparés. Cette résistance est celle que M. Leibnitz appelle résistance des surfaces, & que nous appellons proprement friction ou frottement ; comme il est très-important de la connoître en Méchanique, voyez les lois de cette résistance sous l’article Frottement.
Le second cas de résistance, c’est quand les parties résistantes, & les résistées, ne sont pas seulement contiguës, mais quand elles sont adhérentes entre elles, c’est-à-dire quand ce sont les parties d’une même masse ou d’un même corps. Cette résistance est celle que nous appellons proprement rénitence, & qui a été premierement remarquée par Galilée, théorie de la résistance des fibres des corps solides.
Pour avoir une idée de cette résistance ou de cette rénitence des parties, il faut supposer d’abord un corps cylindrique suspendu verticalement par une de ses bases, ensorte que son axe soit vertical, & que la base par laquelle il est attaché soit horisontale. Toutes ces parties étant pesantes tendent en-en-bas, & tâchent de séparer les deux plans contigus où le corps est le plus foible, mais toutes les parties résistent à cette séparation, par leur force de cohérence & par leur union : il y a donc deux puissances opposées, savoir le poids du cylindre qui tend à la fracture, & la force de la cohésion des parties du cylindre qui y résistent. Voyez Cohésion.
Si on augmente la base du cylindre sans augmenter sa longueur, il est évident que la résistance augmentera à raison de la base, mais le poids augmentera aussi en même raison. Si on augmente la longueur du cylindre sans augmenter la base, le poids augmentera, mais la résistance n’augmentera pas, conséquemment sa longueur le rendra plus foible. Pour trouver jusqu’à quelle longueur on peut étendre un cylindre, d’une matiere quelconque, sans qu’il se rompe, il faut prendre un cylindre de la même matiere, & y attacher le plus grand poids qu’il soit capable de porter, sans se rompre, & on verra par-là de combien il doit être alongé pour être rompu par un poids donné. Car soit A le poids donné, B celui du cylindre, L sa longueur, C le plus grand poids qu’il puisse porter, x la longueur qu’on cherche, on aura , donc . Si une des extrémités du cylindre est plantée horisontalement dans un mur, & que le reste soit suspendu, son poids & sa résistance agiront différemment ; & s’il se rompt par l’action de sa pesanteur, la fracture se fera dans la partie qui est la plus proche de la muraille. Un cercle ou un plan contigu à la muraille, & parallele à la base, & conséquemment vertical, se détachera des cercles contigus, & tendra à descendre. Tout le mouvement se fera autour de l’extrémité la plus basse du diametre, qui demeurera immobile, pendant que l’extrémité supérieure décrira un quart de cercle, jusqu’à ce que le cercle qui étoit ci-devant vertical, devienne horisontal ; c’est-à-dire jusqu’à ce que le cylindre soit entierement brisé.
Dans cette fracture du cylindre, il est visible qu’il y a deux forces qui agissent, & que l’une surmonte l’autre ; le poids du cylindre qui vient de toute sa masse, a surpassé la résistance qui vient de la largeur de sa base ; & comme les centres de gravité sont des points dans lesquels toutes les forces qui viennent des poids des différentes parties du même corps, sont unies & concentrées, on peut concevoir le poids du cylindre entier appliqué dans le centre de gravité de sa masse, c’est-à-dire dans un point du milieu de son axe ; & Galilée applique de même la résistance au centre de gravité de la base, ce qui nous fournira plus bas quelques réflexions ; mais continuons à développer la théorie, sauf à y faire ensuite les changemens convenables.
Quand le cylindre se brise par son propre poids, tout le mouvement se fait sur une extrémité immobile du diametre de la base. Cette extrémité est donc le point fixe du levier, les deux bras en sont le rayon de la base, & le demi-axe ; & conséquemment les deux forces opposées non-seulement agissent par leur force absolue, mais aussi par la force relative, qui vient de la distance où elles sont du point fixe du levier. Il s’ensuit de-là qu’un cylindre, par exemple de cuivre, qui est suspendu verticalement, ne se brisera pas par son propre poids s’il a moins de 480 perches de longueur, & qu’il se rompra étant moins long, s’il est dans une situation horisontale ; dans ce dernier cas sa longueur occasionne doublement la fracture parce qu’elle augmente le poids, & parce qu’elle est le bras du levier auquel le poids est appliqué.
Si deux cylindres de la même matiere, ayant leur base & leur longueur dans la même proportion, sont suspendus horisontalement ; il est évident que le plus grand a plus de poids que le plus petit, par rapport à sa longueur & à sa base, mais il aura moins de résistance à proportion ; car son poids multiplié par le bras du lévier est comme la quatrieme puissance d’une de ses dimensions, & sa résistance qui est comme sa base, c’est-à-dire comme le quarré d’une de ses dimensions, agit par un bras de levier, qui est comme cette même dimension, c’est-à-dire que le moment de la résistance n’est que comme le cube d’une des dimensions du cylindre, c’est pourquoi il surpassera le plus petit dans sa masse & dans son poids, plus que dans sa résistance, & conséquemment il se rompra plus aisément.
Ainsi nous voyons qu’en faisant des modeles & des machines en petit, on est bien sujet à se tromper en ce qui regarde la résistance & la force de certaines pieces horisontales, quand on vient à les exécuter en grand, & qu’on veut observer les mêmes proportions qu’en petit. La théorie de la résistance que nous venons de donner d’après Galilée, n’est donc point bornée à la simple spéculation, mais elle est applicable à l’Architecture & aux autres arts.
Le poids propre à briser un corps placé horisontalement, est toujours moins grand que le poids propre à en briser un placé verticalement ; & ce poids devant être plus ou moins fort, selon la raison des deux bras du levier, on peut réduire toute cette théorie à la question suivante, savoir quelle partie du poids absolu, le poids relatif doit être, supposant la figure d’un corps connue, parce que c’est la figure qui détermine les deux centres de gravité, ou les deux bras du levier. Car si le corps, par exemple, est un cône, son centre de gravité ne sera pas dans le milieu de l’axe comme dans le cylindre ; & si c’est un solide semi-parabolique, son centre de gravité ne sera pas dans le milieu de sa longueur ou de son axe, ni le centre de gravité de sa base, dans le milieu de l’axe de sa base ; mais en quelque lieu que soit le centre de gravité des différentes figures, c’est toujours lui qui regle les deux bras du levier ; on doit observer que si la base, par laquelle un corps est attaché dans le mur n’est pas circulaire, mais est, par exemple, parabolique, & que le sommet de la parabole soit en haut, le mouvement de fracture ne se fera pas sur un point immobile, mais sur une ligne entiere immobile, que l’on appelle l’axe de l’équilibre, & c’est par rapport à cette figure que l’on doit déterminer les distances des centres de gravité.
Un corps suspendu horisontalement, étant supposé tel que le plus petit poids ajouté le fasse rompre, il y a équilibre entre son poids & sa résistance, & conséquemment ces deux forces opposées sont l’une à l’autre réciproquement comme les deux bras du levier auquel elles sont appliquées.
M. Mariotte a fait une très-ingénieuse remarque sur ce système de Galilée, ce qui lui a donné lieu de proposer un nouveau système. Galilée suppose que quand les corps se brisent, toutes les fibres se brisent à-la-fois ; de sorte qu’un corps résiste toujours avec sa force entiere & absolue, c’est-à-dire avec la force entiere que toutes ses fibres ont dans l’endroit où il est brisé ; mais M. Mariotte trouvant que tous les corps, & le verre même, s’étendent avant que de se briser, montre que les fibres doivent être considérées comme de petits ressorts tendus qui ne deploient jamais toute leur force, à-moins qu’ils ne soient étendus jusqu’à un certain point, & qui ne se brisent jamais que quand ils sont entierement débandés ; ainsi ceux qui sont plus proches de l’axe de l’équilibre, qui est une ligne immobile, sont moins étendus que ceux qui en sont plus loin, & conséquemment ils emploient moins de force.
Cette considération a seulement lieu dans la situation horisontale d’un corps : car dans la verticale, les fibres de la base se brisent tout à la fois ; ce qui arrive quand le poids absolu du corps, excede de beaucoup la résistance unie de toutes les fibres ; il est vrai qu’il faut un plus grand poids que dans la situation horisontale, c’est-à-dire, pour surmonter leur résistance unie, que pour surmonter leurs différentes résistances agissant l’une après l’autre ; la différence entre les deux situations, vient de ce que dans la situation horisontale, il y a une ligne ou un point immobile autour duquel se fait la fracture, & qui ne se trouve pas dans la verticale.
M. Varignon montre de plus, qu’au systême de Galilée, il faut ajouter la considération du centre de percussion, & que la comparaison des centres de gravité avec les centres de percussion, jette un jour considérable sur cette théorie. Voyez Centre.
Dans ces deux systèmes, la base par laquelle le corps se rompt, se meut sur l’axe d’équilibre qui est une ligne immuable dans le plan de cette base ; mais dans le second, les fibres de cette base sont inégalement étendues en même raison qu’elles s’éloignent davantage de l’axe d’équilibre, & conséquemment elles déployent une partie plus grande de leur force.
Ces extensions inégales ont un même centre de force où elles se réunissent toutes ; & comme elles sont précisément dans la même raison que les vîtesses des différens points d’une baguette mue circulairement, le centre d’extension de la base est le même que le centre de percussion. L’hypothese de Galilée, dans laquelle les fibres s’étendent également & se baissent tout-à-la-fois, répond au cas d’une baguette qui se meut parallelement à elle-même, où le centre d’extension ou de percussion est confondu avec le centre de gravité.
La base de fracture étant une surface dont la nature particuliere détermine son centre de percussion, il est nécessaire pour le connoître tout-d’un-coup, de trouver sur quel point de l’axe vertical de cette base, le centre dont il s’agit est placé, & combien il est éloigné de l’axe d’équilibre ; nous savons en général qu’il agit toujours avec plus d’avantage quand il en est plus éloigné, parce qu’il agit par un plus long bras de levier ; ainsi cette inégale résistance est plus ou moins forte, selon que le centre de percussion est placé plus ou moins haut sur l’axe vertical de la base, & on peut exprimer cette inégale résistance par la raison de la distance qui est entre le centre de percussion & l’axe d’équilibre, & la longueur de l’axe vertical de la base.
Nous avons jusqu’ici considéré les corps comme se brisant par leur propre poids ; ce sera la même chose si nous les supposons sans poids & brisés par un poids étranger, appliqué à leurs extrémités ; il faudra seulement observer qu’un poids étranger agit par un bras de levier égal à la longueur entiere d’un corps ; au lieu que son propre poids agit seulement par un bras de levier égal à la distance du centre de gravité à l’axe d’équilibre.
Une des plus curieuses, & peut-être des plus utiles questions dans cette recherche, est de trouver quelle figure un corps doit avoir pour que sa résistance soit égale dans toutes ses parties, soit qu’on le conçoive comme chargé d’un poids étranger, ou comme chargé seulement de son propre poids ; nous allons considérer le dernier cas, par lequel on pourra aisément déterminer le premier ; pour qu’un corps suspendu horisontalement résiste également dans toutes ses parties, il est nécessaire de le concevoir comme coupé dans un plan parallele à la base de fracture du corps, le poids de la partie retranchée étant à sa résistance, en même raison que le poids du tout est à la résistance de quatre puissances agissant par leurs bras de leviers respectifs : or le poids d’un corps considéré sous ce point de vue, est son poids entier multiplié par la distance du centre de gravité du corps, à l’axe d’équilibre ; & la résistance est le plan de la base de fracture, multipliée par la distance du centre de percussion de la base au même axe : conséquemment ces deux quantités doivent toujours être proportionelles dans chaque partie d’un solide de résistance égale.
M. Varignon déduit aisément de cette proposition, la figure du solide qui résistera également dans toutes ses parties ; ce solide est en forme de trompette, & doit être fixé dans le mur par sa plus grande extrémité. Voyez les mém. de l’acad. des sciences, an. 1702. Chambers. (O)
Résistance des fluides, est la force par laquelle les corps qui se meuvent dans des milieux fluides, sont retardés dans leurs mouvemens. Voyez Fluides & Milieu.
Voici les lois de la résistance des milieux fluides les plus généralement reçues. Un corps qui se meut dans un fluide, trouve de la résistance par deux causes, la premiere est la cohésion des parties du fluide : car un corps qui dans son mouvement sépare les parties d’un liquide, doit vaincre la force avec laquelle ces parties sont cohérentes. Voyez Cohésion.
La seconde est l’inertie de la matiere du fluide, qui oblige le corps d’employer une certaine force pour déranger les particules, afin qu’elles le laissent passer. Voyez Force d’intertie.
Le retardement qui résulte de la premiere cause, est toujours le même dans le même espace, tant que ce corps demeure le même, quelle que soit sa vîtesse ; ainsi la résistance est comme l’espace parcouru dans le même tems, c’est-à-dire, comme la vîtesse.
La résistance qui naît de la seconde cause, quand le même corps se meut avec la même vîtesse, à travers différens fluides, suit la proportion de la matiere qui doit être dérangée dans le même tems, c’est-à-dire, elle est comme la densité du fluide. Voyez Densité.
Quand le même corps se meut à travers le même fluide, avec différentes vîtesses, cette résistance croît en proportion du nombre des particules frappées dans un tems égal, & ce nombre est comme l’espace parcouru pendant ce tems, c’est-à dire, comme la vîtesse ; mais de plus elle croît en proportion de la force avec laquelle le corps heurte contre chaque partie, & cette force est comme la vîtesse du corps ; par conséquent, si la vîtesse est triple, la résistance est triple, à cause d’un nombre triple de parties que le corps doit écarter ; elle est aussi triple à cause du choc trois fois plus fort dont elle frappe chaque particule ; c’est pourquoi la résistance totale est neuf fois aussi grande, c’est-à-dire, comme le quarré de la vîtesse ; ainsi un corps qui se meut dans un fluide, est retardé, partie en raison simple de la vîtesse, & partie en raison doublée de cette même vîtesse.
La résistance qui vient de la cohésion des parties dans les fluides, excepté ceux qui sont glutineux, n’est guere sensible en comparaison de l’autre résistance qui est en raison des quarrés des vîtesses, plus la vîtesse est grande, plus les deux résistances sont différentes : c’est pourquoi dans les mouvemens rapides, il ne faut considérer que la résistance qui est comme le quarré de la vîtesse.
Les retardations qui naissent de la résistance peuvent être comparées avec celles qui naissent de la pesanteur, en comparant la résistance avec la pesanteur. La résistance d’un cylindre qui se meut dans la direction de son axe, est égale à la pesanteur d’un cylindre de ce fluide, dans lequel le corps est mû, qui auroit sa base égale à la base du corps, & sa hauteur égale à la hauteur d’où il faudroit qu’un corps tombât dans le vuide, pour acquérir la vîtesse avec laquelle le cylindre se meut dans le fluide.
Un corps qui descend librement dans un fluide, est accéléré par la pesanteur relative du corps qui agit continuellement sur lui, quoique avec moins de force que dans le vuide. La résistance du fluide occasionne un retardement, c’est-à-dire une diminution d’accélération, & cette diminution est comme le quarré de la vîtesse du corps. De plus il y a une certaine vîtesse qui est la plus grande qu’un corps puisse acquérir en tombant ; car si la vîtesse est telle que la résistance qui en résulte devienne égale à la pesanteur relative du corps, son mouvement cessera d’être accéléré. En effet, le mouvement qui est engendré continuellement par la gravité relative, sera détruit par la résistance, & le corps sera forcé de se mouvoir uniformément. Un corps approche toujours de plus en plus de cette vîtesse qui est la plus grande qui soit possible, mais ne peut jamais y atteindre.
Quand les densités d’un corps fluide sont données, on peut connoître le poids respectif du corps ; & en connoissant le diametre du corps, on peut trouver de quelle hauteur un corps qui tombe dans le vuide, peut acquérir une vîtesse telle que la résistance d’un fluide sera égale à ce poids respectif ; ce sera cette vîtesse qui sera la plus grande dont nous venons de parler. Si le corps est une sphere, on sait qu’une sphere est égale à un cylindre de même diametre, dont la hauteur est les deux tiers de ce diametre ; cette hauteur doit être augmentée dans la proportion dans laquelle le poids respectif du corps excede le poids du fluide, afin d’avoir la hauteur d’un cylindre du fluide dont le poids est égal au poids respectif du corps. Cette hauteur sera celle de laquelle un corps tombant dans le vuide, acquiert une vîtesse telle qu’elle engendre une résistance égale à ce poids respectif ; & c’est par conséquent la plus grande vîtesse qu’un corps puisse acquérir en tombant d’une hauteur infinie dans un fluide. Le plomb est onze fois plus pesant que l’eau ; par conséquent son poids respectif est au poids de l’eau, comme dix sont à un : donc une boule de plomb, comme il paroît par ce qui a été dit, ne peut pas acquérir une vîtesse plus grande en tombant dans l’eau, qu’elle n’en acquerreroit en tombant dans le vuide d’une hauteur de fois son diametre.
Un corps qui est plus léger qu’un fluide, & qui monte dans ce fluide par l’action de ce fluide, se meut exactement par les mêmes lois qu’un corps plus pesant qui tomberoit dans ce fluide. Par-tout où vous placerez le corps, il est soutenu par ce fluide, & emporté avec une force égale à l’excès du poids d’une quantité du fluide de même volume que le coup, sur le poids du corps. Cette force agit continuellement, & d’une maniere uniforme sur le corps ; par-là, non-seulement l’action de la gravité du corps est détruite, mais le corps tend aussi à se mouvoir en en-haut, par un mouvement uniformément accéléré, de la même façon qu’un corps plus pesant qu’un fluide tend à descendre par sa gravité respective. Or l’uniformité d’accélération est détruite de la même maniere par la résistance, dans l’ascension d’un corps plus léger que le fluide, comme elle est détruite par la descente d’un corps plus pesant.
Quand un corps spécifiquement plus pesant qu’un fluide, y est jetté, il éprouve du retardement par deux raisons ; par rapport à la pesanteur du corps, & par rapport à la résistance du fluide : conséquemment un corps monte moins haut qu’il ne feroit dans le vuide, s’il avoit la même vîtesse. Mais les différences des hauteurs auxquelles un corps s’éleve dans un fluide, d’avec celle à laquelle un corps s’éleveroit dans le vuide avec la même vîtesse, sont entr’elles en plus grand rapport que les hauteurs elles-mêmes ; & si les hauteurs sont petites, les différences sont à-peu-près comme les quarrés des hauteurs dans le vuide.
Résistance de l’air, est la force avec laquelle le mouvement des corps, sur-tout des projectiles, est retardé par l’opposition de l’air ou atmosphere. Voyez Air & Projectile.
L’air étant un fluide, est soumis aux regles générales de la résistance des fluides ; à l’exception seulement qu’il faut avoir égard aux différens degrés de densité dans les différentes régions de l’atmosphere. Voyez Atmosphere.
Résislances différentes que le même milieu oppose à des corps de différentes figures. M. Newton fait voir que si un globe & un cylindre, de diametres égaux, sont mus suivant la direction de l’axe du cylindre, avec une vîtesse égale dans un milieu rare, composé de particules égales, disposées à égales distances, la résistance du globe sera moindre de moitié que celle du cylindre.
Solide de la moindre résistance. Le même auteur détermine, d’après la derniere proposition, quelle doit être la figure d’un solide qui aura moins de résistance qu’un autre de même base.
Voici quelle est cette figure. Supposez que DNFG (Pl. de Méch. fig. 57.), soit une courbe telle que si d’un point quelconque N, on laisse tomber la perpendiculaire NM, sur l’axe AB, & que d’un point donné G, on tire une ligne droite GR, parallele à une tangente à la figure en N, qui étant continuée coupe l’axe en R, M N est à GR, comme le cube de GR est à . Un solide décrit par la révolution de cette figure autour de son axe AB, & qui se meut dans un milieu depuis A vers E, trouve moins de résistance que tout autre solide circulaire de même base, &c.
M. Newton a donné ce théoreme sans démonstration. Plusieurs géometres ont résolu depuis ce même probleme, & ont découvert l’analyse que l’inventeur avoit tenue cachée. On en trouve une solution dans le I. volume des mém. de l’académie royale des Scienc. de l’année 1699. Elle est de M. le marquis de l’Hôpital, & elle porte le caractere de simplicité & d’élégance qui est commun à tous les ouvrages de cet habile mathématicien. MM. Bernoulli, Fatio, Herman, & plusieurs autres, en ont aussi donné des solutions ; & dans les mém. de l’académ. de 1733, M. Bouguer a résolu ce problème d’une maniere fort générale, en ne supposant point que le solide qu’on cherche soit un solide de révolution, mais un solide quelconque. Voici l’énoncé du problème tel que M. Bouguer l’a résolu. Une base exposée au choc d’un fluide étant donnée, trouver l’espece de solide dont il faut la couvrir, pour que l’impulsion soit la moindre qu’il est possible.
J’ai dit dans mon Traité des fluides, que toutes les solutions qu’on a données de ce problème depuis M. Newton inclusivement, ne répondoient pas exactement à la question ; si on excepte celles où la masse du solide est supposée donnée. Car il ne suffit pas de chercher & de trouver celui d’entre tous les solides qui ont le même axe & la même base avec le même sommet, sur lequel l’impulsion de l’eau est la moindre qu’il est possible ; il faut de plus diviser cette impulsion par la masse entiere, pour avoir l’effet qu’elle produit, & qui est proprement le minimum qu’on cherche.
Cependant les solutions que les auteurs déjà cités ont données du probleme dont il s’agit, peuvent être regardées comme exactes, pourvû qu’on suppose que la résistance du fluide soit continuellement contrebalancée par une force égale & contraire, en sorte que le solide se meuve uniformément En ce cas, il est inutile d’avoir égard à la masse du solide ; & pourvû qu’on lui donne la figure qui est déterminée par la solution, ce solide ira plus vîte que tout autre qui seroit poussé par la même force. Par exemple, un vaisseau dont la proue auroit cette figure, étant poussé par un vent d’une certaine force déterminée, ira plus vîte que tout autre vaisseau dont la proue auroit une figure différente. Ainsi la solution du problème est exacte, quant à l’application qu’on veut en faire au mouvement des vaisseaux ; mais elle ne le sera plus lorsqu’on supposera un solide entierement plongé dans un fluide, & qui s’y mouvra d’un mouvement retardé en éprouvant toujours de la résistance, sans qu’aucune force lui rende le mouvement qu’il perd à chaque instant.
La résistance d’un globe parfaitement dur, & dans un milieu dont les particules le sont aussi, est à la force avec laquelle tout le mouvement qu’il a dans le tems qu’il a décrit l’espace de quatre tiers de son diametre, peut être ou détruit ou engendré, comme la densité du milieu est à la densité du globe. M. Newton conclut aussi de-là que la résistance d’un globe est, toutes choses égales, en raison doublée de sa vîtesse ; que cette même résistance est, toutes choses égales, en raison doublée de son diametre ; ou bien, toutes choses égales, comme la densité du milieu. Enfin, que la résistance actuelle d’un globe est en raison composée de la raison doublée de sa vîtesse, de la raison doublée du diametre, & de la raison de la densité du milieu.
Dans ces propositions on suppose que le milieu n’est point continu ; si le milieu est continu comme l’eau, le mercure, &c. où le globe ne frappe pas immédiatement sur toutes les particules du fluide qui occasionne la résistance, mais seulement sur celles qui en sont proches voisines, & celles-là sur d’autres, &c. la résistance sera moindre de moitié ; & un globe placé dans un tel milieu éprouve une résistance qui est à la force avec laquelle tout le mouvement qu’il a après avoir décrit huit tiers de son diametre, doit être engendré ou détruit, comme la densité du milieu est à la densité du globe.
La résistance d’un cylindre qui se meut dans la direction de son axe, n’est point altérée par aucune augmentation ou diminution de sa longueur ; & par conséquent elle est la même que celle d’un cercle du même diametre, qui se meut avec la même vîtesse sur une ligne droite perpendiculaire à son plan.
Si un cylindre se meut dans un fluide infini & sans élasticité, la résistance résultante de la grandeur de sa section transverse, est à la force avec laquelle tout son mouvement, tandis qu’il décrit quatre fois sa longueur, peut être engendré ou anéanti, comme la densité du milieu est à celle du cylindre, du-moins à peu de chose près.
Ainsi les résistances des cylindres qui se meuvent suivant leur longueur dans des milieux continus & infinis, sont en raison composée de la raison doublée de leurs diametres, de la raison doublée de leurs vîtesses, & de la raison de la densité des milieux.
La résistance d’un globe qui est mu dans un milieu infini & sans élasticité, est à la force par laquelle tout son mouvement peut être engendré ou détruit, tandis qu’il parcourt huit tiers de son diametre, comme la densité du fluide est à la densité du globe, à très-peu près.
M. Jacques Bernoulli a démontré les théorèmes suivans.
Résistance d’un triangle. Si un triangle isocele est mû dans un fluide suivant la direction d’une ligne perpendiculaire à sa base, d’abord par sa pointe, ensuite par sa base ; la résistance dans le premier cas, sera à la résistance dans le second cas, comme le quarré de la moitié de la base est au quarré d’un des côtés.
La résistance d’un quarré mû suivant la direction de son côté, est à la résistance de ce même quarré mû suivant la direction de sa diagonale, comme le côté est à la moitié de la diagonale.
La résistance d’un demi-cercle qui se meut par sa base, est à sa résistance, lorsqu’il se meut par son sommet, comme 3 est à 2.
En général, les résistances de quelque figure plane que ce soit qui se meut par sa base, ou par son sommet, sont comme l’aire de la base à la somme de tous les cubes des dy, divisés par le quarré de l’élément de la ligne courbe. dy est supposée l’elément des ordonnées paralleles à la base.
Toutes ces regles peuvent être utiles jusqu’à un certain point dans la construction des vaisseaux. Voyez Vaisseau, &c. Chambers.
Telles sont les lois que l’on donne ordinairement dans la méchanique sur la résistance des fluides au mouvement des corps. Cependant on doit regarder ces regles comme beaucoup plus mathématiques que physiques ; & il y en a plusieurs auxquelles l’expérience n’est pas tout-à-fait conforme. En effet, rien n’est plus difficile que de donner sur ce sujet des regles précises & exactes : car non-seulement on ignore la figure des parties du fluide, & leur disposition par rapport au corps qui les frappe, on ignore encore jusqu’à quelle distance le corps agit sur le fluide, & quelle route les particules prennent lorsqu’elles ont été mises en mouvement par ce corps Tout ce que l’expérience nous apprend, c’est que les particules du fluide, après avoir été poussées, se reglissent ensuite derriere le corps, pour venir occuper l’espace qu’il laisse vuide par-derriere.
Voici donc le meilleur plan qu’il paroisse qu’on puisse se proposer dans une recherche de la nature de celle-ci : on déterminera d’abord le mouvement qu’un corps solide doit communiquer à une infinité de petites boules, dont on le supposera couvert. On peut faire voir ensuite que le mouvement perdu par ce corps dans un instant donné, sera le même, soit qu’il choque à la fois un certain nombre de couches de ces petites boules, soit qu’il ne les choque que successivement : que de plus, la résistance seroit la même quand les particules du fluide auroient une figure toute autre que la figure sphérique, & seroient disposées de quelque maniere que ce fût, pourvu que la masse totale de ces petits corps continus dans un espace donné, fût supposée la même que lorsqu’ils étoient de petites boules. Par-là on peut arriver à des formules assez générales sur la résistance, dans lesquelles il n’entre que le rapport des densités du fluide, & du corps qui s’y meut.
La méthode générale de M. Newton, & de presque tous les autres auteurs, pour déterminer la résistance qu’un fluide fait à un corps solide, consiste à supposer, qu’au lieu que le corps vient frapper le fluide, ce soit au contraire le fluide qui frappe le corps, & à déterminer par ce moyen le rapport de l’action d’un fluide sur une surface courbe à son action sur une surface plane. La difficulté principale est d’évaluer exactement l’action d’un fluide contre un plan ; aussi les plus grands géometres ne sont-ils point d’accord là-dessus. Cette action vient en grande partie de l’accéleration du fluide, qui, obligé de se détourner à la rencontre du plan, & de couler dans un canal plus étroit, doit nécessairement y couler plus vîte, &, par ce moyen, presser le plan. Mais on ignore jusqu’à quelle distance le fluide peut s’accélérer des deux côtés du plan, &, par conséquent, la quantité exacte de la pression qu’il exerce. C’est-là, ce me semble, le nœud principal de la question, & la cause du partage qu’il y a entre les géometres sur la valeur absolue de la résistance.
Lorsqu’un corps se meut dans un fluide élastique, il est bon de remarquer que ce corps agit non-seulement sur la couche de fluide qui lui est contiguë, mais encore sur plusieurs autres couches plus éloignées, jusqu’à une certaine distance, ensorte que le fluide se condense à la partie antérieure, & se dilate à la partie postérieure du corps. Le fluide se condense à la partie antérieure suivant des lignes perpendiculaires à la surface du corps, & il se dilate de même à la partie postérieure, suivant des lignes perpendiculaires à la surface postérieure du corps ; de sorte que le fluide agit par la force élastique, non-seulement sur la surface antérieure du mobile, mais encore sur la surface postérieure.
Il faut cependant remarquer, que cette derniere action n’a lieu qu’autant que le fluide a une assez grande force élastique pour pouvoir remplir tout d’un coup l’espace que le corps laisse vuide par-derriere : autrement, il ne faut avoir égard qu’à la résistance que souffre la surface antérieure.
Ceux qui voudront approfondir davantage la matiere dont il s’agit, pourront consulter le second livre des principes de M. Newton, le traité du mouvement des eaux de M. Mariotte, où on trouve plusieurs expériences sur la résistance des fluides, l’hydrodynamique de M. Daniel Bernoully, & plusieurs mémoires du même auteur, imprimés dans le recueil de l’académie de Petersbourg, &c. Voyez aussi l’article Fluide, où vous trouverez d’autres remarques très importantes sur ce sujet. (O)
Résistance des eaux, (Hydraul.) il est certain que l’eau dans son cours ne fait résistance que par quelques frottemens qui se sont contre les parois ou côtés des tuyaux qui ne sont pas bien alaisés, ou dans les coudes, jarrets, soupapes & robinets des conduites, ou dans des ajutages trop petits. Ainsi, les jets d’eau ne font de résistance sur les corps qu’ils rencontrent que vers les extrémités, ce qui regarde la résistance que leur fait la colonne d’air qui s’oppose à l’élévation de l’eau dans la sortie de l’ajutage. L’eau même en retombant empêche de s’élever celle qui veut monter, sans compter la résistance des milieux. (K)