L’Encyclopédie/1re édition/FORCE

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FORCE, s. f. (Gramm. & Littér.) ce mot a été transporté du simple au figuré.

Force se dit de toutes les parties du corps qui sont en mouvement, en action ; la force du cœur, que quelques-uns ont fait de quatre cents livres, & d’autres de trois onces ; la force des visceres, des poumons, de la voix ; à force de bras.

On dit par analogie, faire force de voiles, de rames ; rassembler ses forces ; connoître, mesurer ses forces ; aller, entreprendre au-delà de ses forces ; le travail de l’Encyclopédie est au-dessus des forces de ceux qui se sont déchaînés contre ce livre. On a long-tems appellé forces de grands ciseaux (Voyez Forces, Arts méch.) ; & c’est pourquoi dans les états de la ligue on fit une estampe de l’ambassadeur d’Espagne, cherchant avec ses lunettes ses ciseaux qui étoient à terre, avec ce jeu de mots pour inscription, j’ai perdu mes forces.

Le style très-familier admet encore, force gens, forces gibier, force fripons, force mauvais critiques. On dit, à force de travailler il s’est épuisé ; le fer s’affoiblit à force de le polir.

La métaphore qui a transporté ce mot dans la Morale, en a fait une vertu cardinale. La force en ce sens est le courage de soûtenir l’adversité, & d’entreprendre des choses vertueuses & difficiles, animi fortitudo.

La force de l’esprit est la pénétration, & la profondeur, ingenii vis. La nature la donne comme celle du corps ; le travail modéré les augmente, & le travail outré les diminue.

La force d’un raisonnement consiste dans une exposition claire, des preuves exposées dans leur jour, & une conclusion juste ; elle n’a point lieu dans les théorèmes mathématiques, parce qu’une démonstration ne peut recevoir plus ou moins d’évidence, plus ou moins de force ; elle peut seulement procéder par un chemin plus long ou plus court, plus simple ou plus compliqué. La force du raisonnement a sur-tout lieu dans les questions problématiques. La force de l’éloquence n’est pas seulement une suite de raisonnemens justes & vigoureux, qui subsisteroient avec la sécheresse ; cette force demande de l’embonpoint, des images frappantes, des termes énergiques. Ainsi on a dit que les sermons de Bourdaloue avoient plus de force, ceux de Massillon plus de graces. Des vers peuvent avoir de la force, & manquer de toutes les autres beautés. La force d’un vers dans notre langue vient principalement de l’art de dire quelque chose dans chaque hémystiche :

Et monté sur le faîte, il aspire à descendre.
L’éternel est son nom, le monde est son ouvrage.


Ces deux vers pleins de force & d’élégance, sont le meilleur modele de la Poésie.

La force dans la Peinture est l’expression des muscles, que des touches ressenties font paroître en action sous la chair qui les couvre. Il y a trop de force quand ces muscles sont trop prononcés. Les attitudes des combattans ont beaucoup de force dans les batailles de Constantin, dessinées par Raphael & par Jules romain, & dans celles d’Alexandre peintes par le Brun. La force outrée est dure dans la Peinture, empoulée dans la Poésie.

Des philosophes ont prétendu que la force est une qualité inhérente à la matiere ; que chaque particule invisible, ou plûtôt monade, est doüée d’une force active : mais il est aussi difficile de démontrer cette assertion, qu’il le seroit de prouver que la blancheur est une qualité inhérente à la matiere, comme le dit le dictionnaire de Trévoux à l’article Inhérent.

La force de tout animal a reçu son plus haut degré, quand l’animal a pris toute sa croissance ; elle décroît, quand les muscles ne reçoivent plus une nourriture égale, & cette nourriture cesse d’être égale quand les esprits animaux n’impriment plus à ces muscles le mouvement accoûtumé. Il est si probable que ces esprits animaux sont du feu, que les vieillards manquent de mouvement, de force, à mesure qu’ils manquent de chaleur. Voyez les articles suivans. Article de M. de Voltaire.

Force, (Iconolog.) On représente la force sous la figure d’une femme vêtue d’une peau de lion, appuyée d’une main sur un bout de colonne, & tenant de l’autre main un rameau de chêne. Elle est quelquefois accompagnée d’un lion.

Force, terme fort usité en Méchanique, & auquel les Méchaniciens attachent différens sens, dont nous allons detailler les principaux.

Force d’inertie, est la propriété qui est commune à tous les corps de rester dans leur état, soit de repos ou de mouvement, à moins que quelque cause étrangere ne les en fasse changer.

Les corps ne manifestent cette force, que lorsqu’on veut changer leur état ; & on lui donne alors le nom de résistance ou d’action, suivant l’aspect sous lequel on la considere. On l’appelle résistance, lorsqu’on veut parler de l’effort qu’un corps fait contre ce qui tend à changer son état ; & on la nomme action, lorsqu’on veut exprimer l’effort que le même corps fait pour changer l’état de l’obstacle qui lui résiste. Voyez Action, Cosmologie, & la suite de cet article.

Dans la définition de la force d’inertie, je me suis servi du mot de propriété, plûtôt que de celui de puissance ; parce que le second de ces mots semble désigner un être métaphysique & vague, qui réside dans le corps, & dont on n’a point d’idée nette ; au lieu que le premier ne désigne qu’un effet constamment observé dans les corps.

Preuves de la force d’inertie. On voit d’abord fort clairement qu’un corps ne peut se donner le mouvement à lui-même : il ne peut donc être tiré du repos que par l’action de quelque cause étrangere. De-là il s’ensuit que si un corps reçoit du mouvement par quelque cause que ce puisse être, il ne pourra de lui-même accélérer ni retarder ce mouvement. On appelle en général puissance ou cause motrice, tout ce qui oblige un corps à se mouvoir. Voyez Puissance, &c.

Un corps mis une fois en mouvement par une cause quelconque, doit y persister toûjours uniformément & en ligne droite, tant qu’une nouvelle cause différente de celle qui l’a mis en mouvement, n’agira pas sur lui, c’est-à-dire qu’à moins qu’une cause étrangere & différente de la cause motrice n’agisse sur ce corps, il se mouvra perpétuellement en ligne droite, & parcourra en tems égaux des espaces égaux.

Car, ou l’action indivisible & instantanée de la cause motrice au commencement du mouvement, suffit pour faire parcourir au corps un certain espace, ou le corps a besoin pour se mouvoir de l’action continuée de la cause motrice.

Dans le premier cas, il est visible que l’espace parcouru ne peut être qu’une ligne droite décrite uniformément par le corps mû : car (hyp.) passé le premier instant, l’action de la cause motrice n’existe plus, & le mouvement néanmoins subsiste encore : il sera donc nécessairement uniforme, puisqu’un corps ne peut accélérer ni retarder son mouvement de lui-même. De plus, il n’y a pas de raison pour que le corps s’écarte à droite plûtôt qu’à gauche ; donc dans ce premier cas, où l’on suppose qu’il soit capable de se mouvoir de lui-même pendant un certain tems, indépendamment de la cause motrice, il se mouvra de lui même pendant ce tems uniformément & en ligne droite.

Or un corps qui peut se mouvoir de lui-même uniformément & en ligne droite pendant un certain tems, doit continuer perpétuellement à se mouvoir de la même maniere, si rien ne l’en empêche : car supposons le corps partant de A, (fig. 32. Méchan.) & capable de parcourir de lui-même uniformément la ligne AB ; soient pris sur la ligne AB deux points quelconques C, D, entre A & B ; le corps étant en D est précisément dans le même état que lorsqu’il est en C, si ce n’est qu’il se trouve dans un autre lieu. Donc il doit arriver à ce corps la même chose que quand il est en C. Or étant en C, il peut (hyp.) se mouvoir de lui-même uniformément jusqu’en B. Donc étant en D, il pourra se mouvoir de lui-même uniformément jusqu’au point G, tel que DG = CB, & ainsi de suite.

Donc si l’action premiere & instantanée de la cause motrice est capable de mouvoir le corps, il sera mû uniformément & en ligne droite, tant qu’une nouvelle cause ne l’en empêchera pas.

Dans le second cas, puisqu’on suppose qu’aucune cause étrangere & différente de la cause motrice n’agit sur le corps, rien ne détermine donc la cause motrice à augmenter ni à diminuer ; d’où il s’ensuit que son action continuée sera uniforme & constante, & qu’ainsi pendant le tems qu’elle agira, le corps se mouvra en ligne droite & uniformément. Or la même raison qui a fait agir la cause motrice constamment & uniformément pendant un certain tems, subsistant toûjours tant que rien ne s’oppose à son action, il est clair que cette action doit demeurer continuellement la même, & produire constamment le même effet. Donc, &c.

Donc en général un corps mis en mouvement par quelque cause que ce soit, y persistera toûjours uniformément & en ligne droite, tant qu’aucune cause nouvelle n’agira pas sur lui.

La ligne droite qu’un corps décrit ou tend à décrire, est nommée sa direction. Voyez Direction.

Nous nous sommes un peu étendus sur la preuve de cette seconde loi, parce qu’il y a eu & qu’il y a peut-être encore quelques philosophes qui prétendent que le mouvement d’un corps doit de lui-même se ralentir peu-à-peu, comme il semble que l’expérience le prouve. Il faut convenir au reste, que les preuves qu’on donne ordinairement de la force d’inertie, en tant qu’elle est le principe de la conservation du mouvement, n’ont point le degré d’évidence nécessaire pour convaincre l’esprit ; elles sont presque toutes fondées, ou sur une force qu’on imagine dans la matiere, par laquelle elle résiste à tout changement d’état, ou sur l’indifférence de la matiere au mouvement comme au repos. Le premier de ces deux principes, outre qu’il suppose dans la matiere un être dont on n’a point d’idée nette, ne peut suffire pour prouver la loi dont il est question : car lorsqu’un corps se meut, même uniformément, le mouvement qu’il a dans un instant quelconque, est distingué & comme isolé du mouvement qu’il a eu ou qu’il aura dans les instans précédens ou suivans. Le corps est donc en quelque maniere à chaque instant dans un nouvel état ; il ne fait, pour ainsi dire, continuellement que commencer à se mouvoir, & on pourroit croire qu’il tendroit sans cesse à retomber dans le repos, si la même cause qui l’en a tiré d’abord, ne continuoit en quelque sorte à l’en tirer toûjours.

A l’égard de l’indifférence de la matiere au mouvement ou au repos, tout ce que ce principe présente, ce me semble, de bien distinct à l’esprit, c’est qu’il n’est pas essentiel à la matiere de se mouvoir toûjours, ni d’être toûjours en repos ; mais il ne s’ensuit pas de cette loi, qu’un corps en mouvement ne puisse tendre continuellement au repos, non que le repos lui soit plus essentiel que le mouvement, mais parce qu’il pourroit sembler qu’il ne faudroit autre chose à un corps pour être en repos, que d’être un corps, & que pour le mouvement il auroit besoin de quelque chose de plus, & qui devroit être pour ainsi dire continuellement reproduit en lui.

La démonstration que j’ai donnée de la conservation du mouvement, a cela de particulier, qu’elle a lieu également, soit que la cause motrice doive toûjours être appliquée au corps, ou non. Ce n’est pas que je croye l’action continuée de cette cause, nécessaire pour mouvoir le corps ; car si l’action instantanée ne suffisoit pas, quel seroit alors l’effet de cette action ? & si l’action instantanée n’avoit point d’effet, comment l’action continuée en auroit-elle ? Mais comme on doit employer à la solution d’une question le moins de principes qu’il est possible, j’ai cru devoir me borner à démontrer que la continuation du mouvement a lieu également dans les deux hypothèses : il est vrai que notre démonstration suppose l’existence du mouvement, & à plus forte raison sa possibilité ; mais nier que le mouvement existe, c’est se refuser à un fait que personne ne révoque en doute. Voyez Mouvement.

Voilà, si je ne me trompe, comment on peut prouver la loi de la continuation du mouvement, d’une maniere qui soit à l’abri de toute chicane. Dans le mouvement il semble, comme nous l’avons déja observé, qu’il y ait en quelque sorte un changement d’état continuel ; & cela est vrai dans ce seul sens, que le mouvement du corps, dans un instant quelconque, n’a rien de commun avec son mouvement dans l’instant précédent ou suivant. Mais on auroit tort d’entendre par changement d’état, le changement de place ou de lieu que le mouvement produit : car quand on examine ce prétendu changement d’état avec des yeux philosophiques, on n’y voit autre chose qu’un changement de relation, c’est-à-dire un changement de distance du corps mû aux corps environnans.

Nous sommes fort enclins à croire qu’il y a dans un corps en mouvement un effort ou énergie, qui n’est point dans un corps en repos. La raison pour laquelle nous avons tant de peine à nous détacher de cette idée, c’est que nous sommes toûjours portés à transférer aux corps inanimés les choses que nous observons dans notre propre corps. Ainsi nous voyons que quand notre corps se meut, ou frappe quelque obstacle, le choc ou le mouvement est accompagné en nous d’une sensation qui nous donne l’idée d’une force plus ou moins grande ; or en transportant aux autres corps ce même mot force, nous appercevrons avec une legere attention, que nous ne pouvons y attacher que trois différens sens : 1°. celui de la sensation que nous éprouvons, & que nous ne pouvons pas supposer dans une matiere inanimée : 2°. celui d’un être métaphysique, différent de la sensation, mais qu’il nous est impossible de concevoir, & par conséquent de définir : 3°. enfin (& c’est le seul sens raisonnable) celui de l’effet même, ou de la propriété qui se manifeste par cet effet, sans examiner ni rechercher la cause. Or en attachant au mot force ce dernier sens, nous ne voyons rien de plus dans le mouvement, que dans le repos, & nous pouvons regarder la continuation du mouvement, comme une loi aussi essentielle que celle de la continuation du repos. Mais, dira-t-on, un corps en repos ne mettra jamais un corps en mouvement ; au lieu qu’un corps en mouvement meut un corps en repos. Je réponds que si un corps en mouvement meut un corps en repos, c’est en perdant lui-même une partie de son mouvement ; & cette perte vient de la résistance que fait le corps en repos au changement d’état. Un corps en repos n’a donc pas moins une force réelle pour conserver son état, qu’un corps en mouvement, quelque idée qu’on attache au mot force. Voyez Communication de mouvement, &c.

Le principe de la force d’inertie peut se prouver aussi par l’expérience. Nous voyons 1°. que les corps en repos y demeurent tant que rien ne les en tire ; & si quelquefois il arrive qu’un corps soit mû sans que nous connoissions la cause qui le meut, nous sommes en droit de juger, & par l’analogie, & par l’uniformité des lois de la nature, & par l’incapacité de la matiere à se mouvoir d’elle-même, que cette cause, quoique non apparente, n’en est pas moins réelle. 2°. Quoiqu’il n’y ait point de corps qui conserve éternellement son mouvement, parce qu’il y a toûjours des causes qui le rallentissent peu-à-peu, comme le frotement & la résistance de l’air ; cependant nous voyons qu’un corps en mouvement y persiste d’autant plus long-tems, que les causes qui retardent ce mouvement sont moindres : d’où nous pouvons conclure que le mouvement ne finiroit point, si les forces retardatrices étoient nulles.

L’expérience journaliere de la pesanteur semble démentir le premier de ces deux principes. La multitude a peine à s’imaginer qu’il soit nécessaire qu’un corps soit poussé vers la terre pour s’en approcher ; accoûtumée à voir tomber un corps dès qu’il n’est pas soûtenu, elle croit que cette seule raison suffit pour obliger le corps à se mouvoir. Mais une réflexion bien simple peut desabuser de cette opinion. Qu’on place un corps sur une table horisontale ; pourquoi ce corps ne se meut-il pas horisontalement le long de la table, puisque rien ne l’en empêche ? pourquoi ce corps ne se meut-il pas de bas en-haut, puisque rien n’arrête son mouvement en ce sens ? Donc, puisque le corps se meut de haut en-bas, & que par lui-même il est évidemment indifférent à se mouvoir dans un sens plûtôt que dans un autre, il y a quelque cause qui le détermine à se mouvoir en ce sens. Ce n’est donc pas sans raison que les Philosophes s’étonnent de voir tomber une pierre ; & le peuple qui rit de leur étonnement, le partage bien-tôt lui-même pour peu qu’il refléchisse.

Il y a plus : la plûpart des corps que nous voyons se mouvoir, ne sont tirés du repos que par l’impulsion visible de quelque autre corps. Nous devons donc être naturellement portés à juger que le mouvement est toûjours l’effet de l’impulsion : ainsi la premiere idée d’un philosophe qui voit tomber un corps, doit être que ce corps est poussé par quelque fluide invisible. S’il arrive cependant qu’après avoir approfondi davantage cette matiere, on trouve que la pesanteur ne puisse s’expliquer par l’impulsion d’un fluide, & que les phénomenes se refusent à cette hypothèse ; alors le philosophe doit suspendre son jugement, & peut-être même doit-il commencer à croire qu’il peut y avoir quelque autre cause du mouvement des corps que l’impulsion ; ou du moins (ce qui est aussi contraire aux principes communément reçûs) que l’impulsion des corps, & sur-tout de certains fluides inconnus, peut avoir des lois toutes différentes de celles que l’expérience nous a fait découvrir jusqu’ici. Voyez Attraction.

Un savant géometre de nos jours (Voyez Euleri opuscula, Berlin, 1746.) prétend que l’attraction, quand on la regarde comme un principe différent de l’impulsion, est contraire au principe de la force d’inertie, & par conséquent ne peut appartenir aux corps ; car, dit ce géometre, un corps ne peut se donner le mouvement à lui-même, & par conséquent ne peut tendre de lui-même vers un autre corps, sans y être déterminé par quelque cause. Il suffit de répondre à ce raisonnement, 1°. que la tendance des corps les uns vers les autres, quelle qu’en soit la cause, est une loi de la nature constatée par les phénomenes. Voyez Gravitation. 2°. Que si cette tendance n’est point produite par l’impulsion, ce que nous ne décidons pas, en ce cas la présence d’un autre corps suffit pour altérer le mouvement de celui qui se meut ; & que comme l’action de l’ame sur le corps n’empêche pas le principe de la force d’inertie d’être vrai, de même l’action d’un corps sur un autre, exercée à distance, ne nuit point à la vérité de ce principe, parce que dans l’énoncé de ce principe, on fait abstraction de toutes les causes (quelles qu’elles puissent être) qui peuvent altérer le mouvement du corps, soit que nous puissions comprendre ou non la maniere d’agir de ces forces.

Le même géometre va plus loin ; il entreprend de prouver que la force d’inertie est incompatible avec la faculté de penser, parce que cette derniere faculté entraîne la propriété de changer de soi-même son état : d’où il conclut que la force d’inertie étant une propriété reconnue de la matiere, la faculté de penser n’en sauroit être une. Nous applaudissons au zele de cet auteur pour chercher une nouvelle preuve d’une vérité que nous ne prétendons pas combattre : cependant à considérer la chose uniquement en philosophes, nous ne voyons pas que pas cette nouvelle preuve il ait fait un grand pas en Métaphysique. La force d’inertie n’a lieu, comme l’expérience le prouve, que dans la matiere brute, c’est-à-dire dans la matiere qui n’est point unie à un principe intelligent dont la volonté la meut : ainsi soit que la matiere reçoive par elle-même la faculté de penser (ce que nous sommes bien éloignés de croire), soit qu’un principe intelligent & d’une nature différente lui soit uni, dès-lors elle perdra la force d’inertie, ou, pour parler plus exactement, elle ne paroîtra plus obéir à cette force. Sans doute il n’est pas plus aisé de concevoir comment ce principe intelligent, uni à la matiere & différent d’elle, peut agir sur elle pour la mouvoir, que de comprendre comment la force d’inertie peut se concilier avec la faculté de penser, que les Matérialistes attribuent faussement aux corps : mais nous sommes certains par la religion, que la matiere ne peut penser ; & nous sommes certains par l’expérience, que l’ame agit sur le corps. Tenons-nous-en donc à ces deux vérités incontestables, sans entreprendre de les concilier.

Force vive, ou Force des Corps en mouvement ; c’est un terme qui a été imaginé par M. Leibnitz, pour distinguer la force d’un corps actuellement en mouvement, d’avec la force d’un corps qui n’a que la tendance au mouvement, sans se mouvoir en effet : ce qui a besoin d’être expliqué plus au long.

Supposons, dit M. Leibnitz, un corps pesant appuyé sur un plan horisontal. Ce corps fait un effort pour descendre ; & cet effort est continuellement arrêté par la résistance du plan ; de sorte qu’il se réduit à une simple tendance au mouvement. M. Leibnitz appelle cette force & les autres de la même nature, force mortes.

Imaginons au contraire, ajoûte le même philosophe, un corps pesant qui est jetté de bas en haut, & qui en montant ralentit toûjours son mouvement à cause de l’action de la pesanteur, jusqu’à ce qu’enfin sa force soit totalement perdue, ce qui arrive lorsqu’il est parvenu à la plus grande hauteur à laquelle il peut monter ; il est visible que la force de ce corps se détruit par degrés & se consume en s’exerçant. M. Leibnitz appelle force vive cette derniere force, pour la distinguer de la premiere, qui naît & meurt au même instant ; & en général, il appelle force vive la force d’un corps qui se meut d’un mouvement continuellement retardé & rallenti par des obstacles, jusqu’à ce qu’enfin ce mouvement soit anéanti, après avoir été successivement diminué par des degrés insensibles. M. Leibnitz convient que la force morte est comme le produit de la masse par la vîtesse virtuelle, c’est-à-dire avec laquelle le corps tend à se mouvoir, suivant l’opinion commune. Ainsi pour que deux corps qui se choquent ou qui se tirent directement, se fassent équilibre, il faut que le produit de la masse par la vîtesse virtuelle soit le même de part & d’autre. Or en ce cas, la force de chacun de ces deux corps est une force morte, puisqu’elle est arrêtée tout-à-la-fois & comme en son entier par une force contraire. Donc dans ce cas, le produit de la masse par la vîtesse doit représenter la force. Mais M. Leibnitz soûtient que la force vive doit se mesurer autrement, & qu’elle est comme le produit de la masse par le quarré de la vîtesse ; c’est-à-dire qu’un corps qui a une certaine force lorsqu’il se meut avec une vîtesse donnée, aura une force quadruple, s’il se meut avec une vîtesse double ; une force neuf fois aussi grande, s’il se meut avec une vîtesse triple, &c. & qu’en général, si la vitesse est successivement 1, 2, 3, 4, &c. la force sera comme 1, 4, 9, 16, &c. c’est-à-dire comme les quarrés des nombre 1, 2, 3, 4 : au lieu que si ce corps n’étoit pas réellement en mouvement, mais tendoit à se mouvoir avec les vitesses 1, 2, 3, 4, &c. sa force n’étant alors qu’une force morte, seroit comme 1, 2, 3, 4, &c.

Dans le système des adversaires des force vives, la force des corps en mouvement est toûjours proportionnelle à ce qu’on appelle autrement quantité de mouvement, c’est-à-dire au produit de la masse des corps par la vitesse ; au lieu que dans le système opposé, elle est le produit de la quantité de mouvement par la vîtesse.

Pour réduire cette question à son énoncé le plus simple, il s’agit de savoir si la force d’un corps qui a une certaine vitesse, devient double ou quadruple quand sa vîtesse devient double. Tous les Méchaniciens avoient crû jusqu’à M. Leibnitz qu’elle étoit simplement double : ce grand philosophe soûtint le premier qu’elle étoit quadruple ; & il le prouvoit par le raisonnement suivant. La force d’un corps ne se peut mesurer que par ses effets & par les obstacles qu’elle lui fait vaincre. Or si un corps pesant étant jetté de bas en haut avec une certaine vîtesse monte à la hauteur de quinze piés, il doit, de l’aveu de tout le monde, monter à la hauteur de 60 piés, étant jetté de bas en haut avec une vîtesse double, voyez Accélération. Il fait donc dans ce dernier cas quatre fois plus d’effet, & surmonte quatre fois plus d’obstacles : sa force est donc quadruple de la premiere. M. Jean Bernoulli, dans son discours sur les lois de la communication du mouvement, imprimé en 1726, & joint au recueil général de ses œuvres, a ajoûté à cette preuve de M. Leibnitz une grande quantité d’autres preuves. Il a démontré qu’un corps qui ferme ou bande un ressort avec une certaine vîtesse, peut avec une vîtesse double, fermer quatre ressorts semblables au premier ; neuf avec une vîtesse triple, &c. M. Bernoulli fortifie ce nouvel argument en faveur des forces vives, par d’autres observations très curieuses & très-importantes, dont nous aurons lieu de parler plus bas, à l’article Conservation des Forces vives . Cet ouvrage a été l’époque d’une espece de schisme entre les savans sur la mesure des forces.

La principale réponse qu’on a faite aux objections des partisans des forces vives, voyez les mém. de l’académie de 1728, consiste à réduire le mouvement retardé en uniforme, & à soûtenir qu’en ce cas la force n’est que comme la vitesse : on avoue qu’un corps qui parcourt quinze piés de bas en haut, parcourra soixante piés avec une vîtesse double : mais on dit qu’il parcourra ces soixante piés dans un tems double du premier. Si son mouvement étoit uniforme, il parcourroit dans ce même tems double cent vingt piés, voyez Accélération. Or dans le cas où il parcourroit quinze piés d’un mouvement retardé, il parcourroit trente piés dans le même tems, & soixante piés dans un tems double avec un mouvement uniforme : les effets sont donc ici comme 120 & 60, c’est-à-dire comme 2 & 1 ; & par conséquent la force dans le premier cas n’est que double de l’autre, & non pas quadruple. Ainsi, conclut-on, un corps pesant parcourt quatre fois autant d’espace avec une vîtesse double, mais il le parcourt en un tems double ; & cela équivaut à un effet double & non pas quadruple. Il faut donc, dit-on, diviser l’espace par le tems pour avoir l’effet auquel la force est proportionnelle, & non pas faire la force proportionnelle à l’espace. Les défenseurs des forces vives répondent à cela, que la nature d’une force plus grande est de durer plus longtems ; & qu’ainsi il n’est pas surprenant qu’un corps pesant qui parcourt quatre fois autant d’espace, le parcoure en un tems double : que l’effet réel de la force est de faire parcourir quatre fois autant d’espace : que le plus ou moins de tems n’y fait rien ; parce que ce plus ou moins de tems vient du plus ou moins de grandeur de la force ; & qu’il n’est point vrai de dire, comme il paroît résulter de la réponse de leurs adversaires, que la force soit d’autant plus petite, toutes choses d’ailleurs égales, que le tems est plus grand ; puisqu’au contraire il est infiniment plus naturel de croire qu’elle doit être d’autant plus grande qu’elle est plus long-tems à se consumer.

Au reste, il est bon de remarquer que pour supposer la force proportionnelle au quarré de la vîtesse, il n’est pas nécessaire, selon les partisans des forces vives, que cette force se consume réellement & actuellement en s’exerçant ; il suffit d’imaginer qu’elle puisse être consumée & anéantie peu-à-peu par degrés infiniment petits. Dans un corps mû uniformément, la force n’en est pas moins proportionnelle au quarré de la vîtesse, selon ces Philosophes, quoique cette force demeure toûjours la même ; parce que si cette force s’exerçoit contre des obstacles qui la consumassent par degrés, son effet seroit alors comme le quarré de la vîtesse.

Nous renvoyons nos lecteurs à ce qu’on a écrit pour & contre les forces vives dans les mémoires de l’acad. 1728, dans ceux de Petersbourg, tome I. & dans d’autres ouvrages. Mais au lieu de rappeller ici tout ce qui a été dit sur cette question, il ne sera peut-être pas inutile d’exposer succinctement les principes qui peuvent servir à la résoudre.

Quand on parle de la force des corps en mouvement, ou l’on n’attache point d’idée nette au mot que l’on prononce, ou l’on ne peut entendre par-là en général que la propriété qu’ont les corps qui se meuvent, de vaincre les obstacles qu’ils rencontrent, ou de leur résister. Ce n’est donc ni par l’espace qu’un corps parcourt uniformément, ni par le tems qu’il employe à le parcourir, ni enfin par la considération simple, unique, & abstraite de sa masse & de sa vîtesse, qu’on doit estimer immédiatement la force ; c’est uniquement par les obstacles qu’un corps rencontre, & par la résistance que lui font ces obstacles. Plus l’obstacle qu’un corps peut vaincre, ou auquel il peut résister, est considérable, plus on peut dire que sa force est grande ; pourvû que sans vouloir représenter par ce mot un prétendu être qui réside dans le corps, on ne s’en serve que comme d’une maniere abrégée d’exprimer un fait ; à-peu-près comme on dit, qu’un corps a deux fois autant de vîtesse qu’un autre, au lieu de dire qu’il parcourt on tems égal deux fois autant d’espace, sans prétendre pour cela que ce mot de vîtesse représente un être inhérent au corps.

Ceci bien entendu, il est clair qu’on peut opposer au mouvement d’un corps trois sortes d’obstacles ; ou des obstacles invincibles qui anéantissent tout-à-fait son mouvement, quel qu’il puisse être ; ou des obstacles qui n’ayent précisément que la résistance nécessaire pour anéantir le mouvement du corps, & qui l’anéantissent dans un instant, c’est le cas de l’équilibre ; ou enfin des obstacles qui anéantissent le mouvement peu-à-peu ; c’est le cas du mouvement retardé. Comme les obstacles insurmontables anéantissent également toutes sortes de mouvemens, ils ne peuvent servir à faire connoître la force : ce n’est donc que dans l’équilibre, ou dans le mouvement retardé, qu’on doit en chercher la mesure. Or tout le monde convient qu’il y a équilibre entre deux corps quand les produits de leurs masses par leurs vîtesses virtuelles, c’est-à-dire par les vîtesses avec lesquelles ils tendent à se mouvoir, sont égaux de part & d’autre. Donc dans l’équilibre, le produit de la masse par la vîtesse, ou, ce qui est la même chose, la quantité de mouvement peut représenter la force. Tout le monde convient aussi que dans le mouvement retardé, le nombre des obstacles vaincus est comme le quarré de la vîtesse : en sorte qu’un corps qui a fermé un ressort, par exemple, avec une certaine vîtesse, pourra avec une vîtesse double fermer, ou tout-à-la-fois ou successivement, non pas deux, mais quatre ressorts semblables au premier, neuf avec une vîtesse triple, & ainsi du reste. D’où les partisans des forces vives concluent que la force des corps qui se meuvent actuellement, est en général comme le produit de la masse par le quarré de la vîtesse. Au fond, quel inconvénient pourroit-il y avoir à ce que la mesure des forces fût différente dans l’équilibre & dans le mouvement retardé, puisque si on veut ne raisonner que d’après des idées claires, on doit n’entendre par le mot de force, que l’effet produit en surmontant l’obstacle, ou en lui résistant ? Il faut avoüer cependant, que l’opinion de ceux qui regardent la force comme le produit de la masse par la vîtesse, peut avoir lieu non seulement dans le cas de l’équilibre, mais aussi dans celui du mouvement retardé, si dans ce dernier cas on mesure la force, non par la quantité absolue des obstacles, mais par la somme des résistances de ces mêmes obstacles. Car cette somme de résistances est proportionnelle à la quantité de mouvement, puisque, de l’aveu général, la quantité de mouvement que le corps perd à chaque instant, est proportionnelle au produit de la résistance par la durée infiniment petite de l’instant ; & que la somme de ces produits est évidemment la résistance totale. Toute la difficulté se réduit donc à savoir si on doit mesurer la force par la quantité absolue des obstacles, ou par la somme de leurs résistances. Il me paroîtroit plus naturel de mesurer la force de cette derniere maniere : car un obstacle n’est tel qu’en tant qu’il résiste ; & c’est, à proprement parler, la somme des résistances qui est l’obstacle vaincu. D’ailleurs en estimant ainsi la force, on a l’avantage d’avoir pour l’équilibre & pour le mouvement retardé une mesure commune : néanmoins, comme nous n’avons d’idée précise & distincte du mot de force, qu’en restraignant ce terme à exprimer un effet, je crois qu’on doit laisser chacun le maître de se décider comme il voudra là-dessus ; & toute la question ne peut plus consister que dans une discussion métaphysique très-futile, ou dans une dispute de mots plus indigne encore d’occuper des Philosophes.

Ce que nous venons de dire sur la fameuse question des forces vives, est tiré de la préface de notre traité de Dynamique, imprimé en 1743, dans le tems que cette question étoit encore fort agitée parmi les Savans. Il semble que les Géometres conviennent aujourd’hui assez unanimement de ce que nous soûtenions alors, que c’est une dispute de mots : & comment n’en seroit-ce pas une, puisque les deux partis sont d’ailleurs entierement d’accord sur les principes fondamentaux de l’équilibre & du mouvement ? En effet, qu’on propose un problème de Dynamique à résoudre à deux géometres habiles, dont l’un soit adversaire & l’autre partisan des forces vives, leurs solutions, si elles sont bonnes, s’accorderont parfaitement entre elles : la mesure des forces est donc une question aussi inutile à la Méchanique, que les questions sur la nature de l’étendue & du mouvement : sur quoi on peut voir ce que nous avons dit au mot Elémens des Sciences, tome V. pag. 493. col. 1. & 2. Dans le mouvement d’un corps nous ne voyons clairement que deux choses ; l’espace parcouru, & le tems qu’il employe à le parcourir. C’est de cette seule idée qu’il faut déduire tous les principes de la Méchanique, & qu’on peut en effet les déduire. Voyez Dynamique.

Une considération qu’il ne faut pas négliger, & qui prouve bien qu’il ne s’agit ici que d’une question de nom toute pure ; c’est que soit qu’un corps ait une simple tendance au mouvement arrêtée par quelque obstacle, soit qu’il se meuve d’un mouvement uniforme avec la vîtesse que cette tendance suppose, soit enfin que commençant à se mouvoir avec cette vîtesse, son mouvement soit anéanti peu-à-peu par quelque obstacle ; dans tous ces cas, l’effet produit par le corps est différent : mais le corps en lui même ne reçoit rien de nouveau ; seulement son action est différemment appliquée. Ainsi quand on dit que la force d’un corps est dans certains cas comme la vîtesse, dans d’autres comme le quarré de la vîtesse ; on veut dire seulement que l’effet dans certains cas est comme la vîtesse, dans d’autres comme le quarré de cette vîtesse : encore doit on remarquer que le mot effet est ici lui-même un terme assez vague, & qui a besoin d’être défini avec d’autant plus d’exactitude, qu’il a des sens différens dans chacun des trois cas dont nous venons de parler. Dans le premier, il signifie l’effort que le corps fait contre l’obstacle ; dans le second, l’espace parcouru dans un tems donné & constant ; dans le troisieme, l’espace parcouru jusqu’à l’extinction totale du mouvement, sans avoir d’ailleurs aucun égard au tems que la force a mis à se consumer.

On peut remarquer par tout ce que nous venons de dire, qu’un même corps, selon que sa tendance au mouvement est différemment appliquée, produit différens effets ; les uns proportionnels à sa vîtesse, les autres au quarré de sa vîtesse. Ainsi ce prétendu axiome, que les effets sont proportionnels à leurs causes, est au moins très-mal énoncé, puisque voilà une même cause qui produit différens effets. Il faudroit mettre cette restriction à la proposition dont il s’agit, que les effets sont proportionnels à leurs causes, agissantes de la même maniere. Mais nous avons déjà fait voir aux mots Accélératrice & Cause, que ce prétendu axiome est un principe très-vague, très-mal exprimé, absolument inutile à la Méchanique, & capable de conduire à bien des paralogismes, quand on n’en fait pas usage avec précaution.

Conservation des forces vives. C’est un principe de Méchanique que M. Huyghens semble avoir apperçû le premier, & dont M. Bernoulli, & plusieurs autres géometres après lui, ont fait voir depuis l’étendue & l’usage dans la solution des problèmes de Dynamique. Voici quel est ce principe ; il consiste dans les deux lois suivantes.

1°. Si des corps agissent les uns sur les autres, soit en se tirant par des fils ou des verges inflexibles, soit en se poussant, soit en se choquant, pourvû que dans ce dernier cas, ils soient à ressort parfait, la somme des produits des masses par les quarrés des vîtesses fait toûjours une quantité constante. 2°. Si les corps sont animés par des puissances quelconques, la somme des produits des masses par les quarrés des vîtesses à chaque instant, est égale à la somme des produits des masses par les quarrés des vîtesses initiales, plus les quarrés des vîtesses que les corps auroient acquises, si étant animés par les mêmes puissances, ils s’étoient mûs librement chacun sur la ligne qu’il a décrite.

Nous avons dit soit en se poussant, soit en se choquant, & nous distinguons la pulsion d’avec le choc, parce que la conservation des forces vives a lieu dans les mouvemens des corps qui se poussent, pourvû que ces mouvemens ne changent que par degrés insensibles, ou plûtôt infiniment petits ; au lieu qu’elle a lieu dans les corps élastiques qui se choquent, dans le cas même où le ressort agiroit en un instant indivisible, & les feroit passer sans gradation d’un mouvement à un autre.

M. Huyghens paroît être le premier qui ait apperçu cette loi de la conservation des forces vives dans le choc des corps élastiques. Il paroît aussi avoir connu la loi de la conservation des forces vives dans le mouvement des corps qui sont animés par des puissances. Car le principe dont il se sert pour résoudre le problème des centres d’oscillation, n’est autre chose que la seconde loi exprimée autrement. M. Jean Bernoulli dans son discours sur les lois de la communication du mouvement dont nous avons parlé, a développé & étendu cette découverte de M. Huyghens, & il n’a pas oublié de s’en servir pour prouver son opinion sur la mesure des forces, à laquelle il croit ce principe très-favorable, puisque dans l’action mutuelle de deux corps, ce n’est presque jamais la somme des produits des masses par les vîtesses qui fait une somme constante, mais la somme des produits des masses par les quarrés des vîtesses. Descartes croyoit que la même quantité de force devoit toûjours subsister dans l’univers, & en conséquence il prétendoit faussement que le mouvement ne pouvoit pas se perdre, parce qu’il supposoit la force proportionnelle à la quantité de mouvement. Ce philosophe n’auroit peut-être pas été éloigné d’admettre la mesure des forces vives par les quarrés des vîtesses, si cette idée lui fût venue dans l’esprit. Cependant si on fait attention à ce que nous avons dit ci-dessus sur la notion qu’on doit attacher au mot de force, il semble que cette nouvelle preuve en faveur des forces vives, ou ne présente rien de net à l’esprit, ou ne lui présente qu’un fait & une vérité avoués de tout le monde.

Dans mon traité de Dynamique imprimé en 1743, j’ai démontré le principe de la conservation des forces vives dans tous les cas possibles ; & j’ai fait voir qu’il dépend de cet autre principe, que quand des puissances se font équilibre, les vîtesses virtuelles des points où elles sont appliquées, estimées suivant la direction de ces puissances, sont en raison inverse de ces mêmes puissances. Ce dernier principe est reconnu depuis long-tems par les Géometres pour le principe fondamental de l’équilibre, ou du moins pour une conséquence nécessaire de l’équilibre.

M. Daniel Bernoulli dans son excellent ouvrage intitulé Hydrodynamica, a appliqué le premier au mouvement des fluides le principe de la conservation des forces vives, mais sans le démontrer. J’ai publié à Paris en 1744, un traité de l’équilibre & du mouvement des fluides, où je crois avoir démontré le premier la conservation des forces vives dans le mouvement des fluides. C’est aux savans à juger si j’y ai réussi. Je crois aussi avoir prouvé que M. Daniel Bernoulli s’est servi quelquefois du principe de la conservation des forces vives dans certains cas où il n’auroit pas dû en faire usage. Ce sont ceux où la vîtesse du fluide ou d’une partie du fluide change brusquement & sans gradation, c’est-à-dire sans diminuer par des degrés insensibles. Car le principe de la conservation des forces vives n’a jamais lieu lorsque les corps qui agissent les uns sur les autres passent subitement d’un mouvement à un mouvement différent, sans passer par les degrés de mouvement intermédiaires, à-moins que les corps ne soient supposés à ressort parfait. Encore dans ce cas le changement ne s’opere-t-il que par des degrés infiniment petits ; ce qui le fait rentrer dans la regle générale. Voyez Hydrodynamique & Fluide.

Dans les mém. de l’académie des Sciences de 1742, M. Clairaut a démontré aussi d’une maniere particuliere le principe de la conservation des forces vives ; & je dois remarquer à ce sujet, que quoique le mémoire de M. Clairaut soit imprimé dans le vol. de 1742, & que mon traité de Dynamique n’ait paru qu’en 1743, cependant ce mémoire & ce traité ont été présentés tous deux le même jour à l’académie.

On peut voir par différens mémoires répandus dans les volumes des académies des Sciences de Paris, de Berlin, de Petersbourg, combien le principe de la conservation des forces vives facilite la solution d’un grand nombre de problemes de Dynamique ; nous croyons même qu’il a été un tems où on auroit été fort embarrassé de résoudre plusieurs de ces problemes sans employer ce principe ; & il me semble, si une prévention trop favorable pour mon propre travail ne m’en impose point, que j’ai donné le premier dans mon traité de Dynamique une méthode générale & directe pour résoudre toutes les questions imaginables de ce genre, sans y employer le principe de la conservation des forces vives, ni aucun autre principe indirect & secondaire. Cela n’empêche pas que je ne convienne de l’utilité de ces derniers principes pour faciliter, ou plûtôt pour abréger en certains cas les solutions, sur-tout lorsqu’on aura eu soin de démontrer auparavant ces mêmes principes.

Du rapport de la force vive avec l’action. Nous avons vû au mot Cosmologie, que les partisans modernes des forces vives avoient imaginé l’action comme le produit de la masse par l’espace & par la vîtesse, ou ce qui revient au même, comme le produit de la masse par le quarré de la vîtesse & par le tems, car dans le mouvement uniforme tel qu’on le suppose ici, l’espace est le produit de la vîtesse par le tems. Voyez Vîtesse.

Nous avons dit aussi aux mots Action & Cosmologie, que cette définition de l’action prise en elle-même, est absolument arbitraire ; cependant nous craignons que les partisans modernes des forces vives n’ayent prétendu attacher par cette définition quelque réalité à ce qu’ils appellent action. Car selon eux la force instantanée d’un corps en mouvement, est le produit de la masse par le quarré de la vîtesse ; & ils paroissent avoir regardé l’action comme la somme des forces instantanées, puisqu’ils font l’action égale au produit de la force vive par le tems. On peut voir sur cela un mémoire, d’ailleurs assez médiocre, du feu professeur Wolf, inséré dans le I. volume de Petersbourg ; & l’on se convaincra que ce professeur croyoit en effet avoir fixé dans ce mémoire la véritable notion de l’action ; mais il est aisé de voir que cette notion, quand on voudra la regarder autrement que comme une définition de nom, est tout-à-fait chimérique & en elle-même & dans les principes des partisans des forces vives ; 1°. en elle-même, parce que dans le mouvement uniforme d’un corps, il n’y a point de résistance à vaincre, ni par conséquent d’action à proprement parler ; 2°. dans les principes des partisans des forces vives, parce que selon eux, la force vive est celle qui se consume, ou qu’on suppose pourvoir se consumer en s’exerçant. Il n’y a donc proprement d’action que lorsque cette force se consume réellement en agissant contre des obstacles. Or dans ce cas, selon les défenseurs même des forces vives, le tems doit être compté pour rien, parce qu’il est de la nature d’une force plus grande d’être plus long-tems à s’anéantir. Pourquoi donc veulent-ils faire entrer le tems dans la considération de l’action ? L’action ne devroit être dans leurs principes que la force vive même en tant qu’elle agit contre des obstacles ; & cette maniere de la considérer ne doit rien changer à sa mesure, puisque selon eux cette force n’est regardée comme proportionnelle au quarré de la vîtesse, qu’autant qu’on suppose cette force anéantie insensiblement par des obstacles contre lesquels elle agit.

Reconnoissons donc que cette définition de l’action donnée par les partisans des forces vives est purement arbitraire, & même peu conforme à leurs principes. A l’égard de ceux qui comme M. de Maupertuis, n’ont point pris de parti dans la dispute des forces vives, on ne peut leur contester la définition de l’action, sur-tout lorsqu’ils paroissent la donner comme une définition de nom ; M. de Maupertuis dit lui-même à la page 26 du premier volume de ses nouvelles œuvres imprimés à Lyon ; Ce que j’ai appellé action, il auroit peut-être mieux valu l’appeller force ; mais ayant trouvé ce mot tout établi par Leibnitz & par Wolf, pour exprimer la même idée, & trouvant qu’il y répond bien, je n’ai pas voulu changer les termes. Ces paroles semblent faire connoître que M. de Maupertuis, quoiqu’il croye que l’action peut-être représentée par le produit du quarré de la vîtesse & du tems, croit en même tems qu’on pourroit attacher à ce mot une autre notion ; à quoi nous ajoûterons relativement aux articles Action & Cosmologie, que quand il regarde l’action envisagée sous ce point de vûe, comme la dépense de la nature, ce mot de dépense ne doit point sans doute être pris dans un sens métaphysique & rigoureux, mais dans un sens purement mathématique, c’est-à-dire pour une quantité mathématique, qui dans plusieurs cas est égale à un minimum.

Par les mêmes raisons, je crois qu’on peut adopter également toute autre définition de l’action, par exemple celle que M. d’Arcy en a donnée dans les Mém. de l’acad. des Sciences de 1747 & 1752, pourvû (ce qui ne contredit en rien les principes de M. d’Arcy) qu’on regarde aussi cette définition comme une simple définition de nom. On peut dire dans un sens avec M. d’Arcy, que l’action d’un système de deux corps égaux qui se meuvent en sens contraire avec des vîtesses égales, est nulle, parce que l’action qui feroit équilibre à la somme de ces actions seroit nulle ; mais on peut aussi dans un autre sens regarder l’action de ce système comme la somme des actions séparées, & par conséquent comme réelle. Ainsi on peut regarder comme très-réelle l’action de deux boulets de canon qui vont en sens contraires. Au reste M. d’Arcy remarque avec raison que la conservation de l’action, prise dans le sens qu’il lui donne, a lieu en général dans le mouvement des corps qui agissent les uns sur les autres, & il s’est servi avantageusement de ce principe pour faciliter la solution de plusieurs problemes de Dynamique[1].

Comme l’idée qu’on attache ordinairement au mot action suppose de la résistance à vaincre, & que nous ne pouvons avoir d’idée de l’action que par son effet, j’ai cru pouvoir définir l’action dans l’Encyclopédie, en disant qu’elle est le mouvement qu’un corps produit, ou qu’il tend à produire dans un autre corps. Un auteur qui m’est inconnu prétend dans les mém. de l’acad. de Berlin de 1753, que cette définition est vague. Je ne sai s’il a prétendu m’en faire un reproche ; en tout cas, je l’invite à nous donner une définition mathématique de l’action qui représente d’une maniere plus exacte & plus précise, non la notion métaphysique du mot action, qui est une chimere, mais l’idée qu’on attache vulgairement à ce mot.

Tout ce que nous venons de dire sur l’action avoit un rapport nécessaire au mot force, & peut être regardé comme un supplément aux mots Action & Cosmologie, auxquels nous renvoyons.

Réflexions sur la nature des forces mortes, & sur leurs différentes especes. En adoptant comme une simple définition de nom l’idée que les défenseurs des forces vives nous donnent de la forces morte, on peut distinguer deux sortes de forces mortes ; les unes cessent d’exister dès que leur effet est arrêté, comme il arrive dans le cas de deux corps durs égaux qui se choquent directement en sens contraires avec des vîtesses égales. La seconde espece de forces mortes renferme celles qui périssent & renaissent à chaque instant, ensorte que si on supprimoit l’obstacle, elles auroient leur plein & entier effet ; telle est celle de deux ressorts bandés, tandis qu’ils agissent l’un contre l’autre ; telle est encore celle de la pesanteur. Voyez la fin de l’article Equilibre, (Méchan.) où nous avons remarqué que le mot équilibre ne convient proprement qu’à l’action mutuelle de cette derniere sorte de forces mortes.

Cette distinction entre les forces mortes nous donnera lieu d’en faire encore une autre : ou la force morte est telle qu’elle produiroit une vîtesse finie, s’il n’y avoit point d’obstacle ; ou elle est telle que l’obstacle ôté, il n’en résulteroit d’abord qu’une vîtesse infiniment petite, ou pour parler plus exactement, que le corps commenceroit son mouvement par zéro de vîtesse, & augmenteroit ensuite cette vîtesse par degrés. Le premier cas est celui de deux corps égaux qui se choquent, ou qui se poussent, ou qui se tirent en sens contraire avec des vîtesses égales & finies ; le second est celui d’un corps pesant qui est appuyé sur un plan horisontal. Ce plan ôté, le corps descendra ; mais il commencera à descendre avec une vîtesse nulle, & l’action de la pesanteur fera croître ensuite à chaque instant cette vîtesse ; c’est du moins ainsi qu’on le suppose. Voyez Accélération & Descente. De-là les Méchaniciens ont conclu que la force de la percussion étoit infiniment plus grande que celle de la pesanteur, puisque la premiere est à la seconde comme une vîtesse finie est à une vîtesse infiniment petite, ou plûtôt à zéro ; & par-là ils ont expliqué pourquoi un poids énorme qui charge un clou à moitié enfoncé dans une table ne fait pas avancer ce clou, tandis que souvent une percussion assez legere produit cet effet. Sur quoi voyez l’article Percussion.

Forces accélératrices. Les forces mortes prises dans le dernier sens, deviennent des forces accélératrices ou retardatrices, lorsqu’elles sont en pleine liberté de s’exercer ; car alors leur action continuée, ou accélere le mouvement, ou le retarde, si elle agit en sens contraire. V. Accélératrice. Mais cette maniere de considérer les forces accélératrices paroît sujette à de grandes difficultés. En effet, pourra-t-on dire, si le mouvement produit par une forces accélératrice quelconque, comme la pesanteur, commence par zéro de vîtesse, pourquoi un corps pesant soûtenu par un fil fait-il éprouver quelque résistance à celui qui le soûtient ? Il devroit être absolument dans le même cas qu’un corps placé sur un plan horisontal, & attaché à un fil aussi horisontal à l’extrémité duquel on placeroit une puissance. Cette puissance n’auroit aucun effort à faire pour retenir le corps, parce que ce corps est en repos, ou ce qui revient au même, parce que la vîtesse avec laquelle il tend à se mouvoir est zéro. Or si la premiere vîtesse avec laquelle un corps pesant tend à se mouvoir est aussi égale à zéro comme on le suppose, pourquoi l’effort qu’il faut faire pour le retenir n’est-il pas absolument nul ? Ce corps en descendant prendra sans doute une vîtesse finie au bout d’un tems quelconque, mais l’effort qu’on fait pour le soûtenir n’agit pas contre la vîtesse qu’il prendra, il agit contre celle avec laquelle il tend actuellement à se mouvoir, c’est-à-dire contre une vîtesse nulle. En un mot, un corps pesant soûtenu par un fil tend à se mouvoir horisontalement & verticalement avec zéro de vîtesse ; d’où vient donc faut-il un effort pour l’empêcher de se mouvoir verticalement, & n’en faut-il point pour l’empêcher de se mouvoir horisontalement ? On ne peut répondre à cette objection que de deux manieres, dont ni l’une ni l’autre n’est capable de satisfaire pleinement.

On peut dire en premier lieu que l’on a tort de supposer que la vîtesse initiale d’un corps qui descend soit zéro absolu ; que cette vîtesse est finie quoique très-petite, & aussi petite qu’on voudra le supposer ; qu’il paroît difficile de concevoir comment une vîtesse qui a commencé par zéro absolu deviendroit ensuite réelle ; comment une puissance dont le premier effet est zéro de mouvement, pourroit produire un mouvement réel par la succession du tems ; que la pesanteur est une force du même genre que la force centrifuge, ainsi qu’on le verra dans la suite de cet article ; & que cette derniere force telle qu’elle a lieu dans la nature, n’est point une force infiniment petite, mais une force finie très-petite, les corps qui se meuvent suivant une courbe, ne décrivant point réellement des courbes rigoureuses, mais des courbes polygones, composées d’une quantité finie, mais très grande, de petites lignes droites contigues entr’elles à angles très-obtus. Voilà la premiere réponse.

Sur quoi je remarque, 1°. que s’il est difficile & peut-être impossible de comprendre comment une force qui a commencé par produire dans un corps zéro de vîtesse, peut par des corps successifs & réitérés à l’infini, produire dans ce corps une vîtesse finie, on ne comprend pas mieux comment un solide est formé par le mouvement d’une surface sans profondeur, comment une suite de points indivisibles peut former l’étendue, comment une succession d’instans indivisibles forme le tems, comment même des points & des instans indivisibles se succedent, comment un atome en repos dans un point quelconque de l’espace peut être transporté dans un point différent ; comment enfin l’ordonnée d’une courbe qui est zéro au sommet, devient réelle par le seul transport de cette ordonnée le long de l’abscisse : toutes ces difficultés & d’autres semblables, tiennent à l’essence toûjours inconnue & toûjours incompréhensible du mouvement, de l’étendue & du tems. Ainsi, comme elles ne nous empêchent point de reconnoître la réalité de l’étendue, du tems & du mouvement, la difficulté proposée contre le passage de la vîtesse nulle à la vîtesse finie, ne doit pas non plus être regardée comme décisive. 2°. Sans doute la force centrifuge, soit dans les courbes rigoureuses, soit dans les courbes considérées comme des polygones infinis, est comparable, quant à ses effets, à la pesanteur : mais pourquoi veut-on qu’aucune portion de courbe décrite par un corps dans la nature, ne soit rigoureuse, & que toutes soient des polygones d’un nombre de côtés fini, mais très grand ? Ces côtés en nombre fini, & très-petits, seroient des lignes droites parfaites. Or pourquoi trouve-t-on moins de difficulté à supposer dans la nature des lignes droites parfaites très-petites, que des lignes courbes parfaites aussi très-petites ? Je ne vois point la raison de cette préférence, la rectitude absolue étant aussi difficile à concevoir dans une portion d’étendue si petite qu’on voudra, que la courbure absolue. 3°. Et c’est ici la difficulté principale à la 1re réponse, si la nature de la force accélératrice est de produire au 1er instant une vîtesse très-petite, cette force agissant à chaque instant pendant un tems fini, produiroit donc au bout de ce tems une vîtesse infinie ; ce qui est contre l’expérience. On dira peut-être que la nature de la pesanteur n’est point d’agir à chaque instant, mais de donner de petits coups finis qui se succedent comme par secousses dans des intervalles de tems finis, quoique très-petits : mais on sent bien que cette supposition est purement arbitraire ; & pourquoi la pesanteur agiroit-elle ainsi par secousses & non pas par un effort continu & non-interrompu ? On ne pourroit tout-au-plus admettre cette hypothèse que dans le cas où l’on regarderoit la pesanteur comme l’effet de l’impulsion d’un fluide ; & l’on sait combien il est douteux que la pesanteur vienne d’une pareille impulsion, puisque jusqu’ici les phénomenes de la pesanteur n’ont pû s’en déduire, ou même y paroissent contraires. Voyez Pesanteur, Gravité & Gravitation. On voit par toutes ces réflexions, que la premiere réponse à la difficulté que nous avons proposée sur la nature des forces accélératrices, est elle-même sujette à des difficultés considérables.

On pourroit dire en second lieu pour répondre à cette difficulté, qu’à la vérité un corps pesant, ou tout autre corps mû par une force accélératrice quelconque, doit commencer son mouvement par zéro de vîtesse : mais que ce corps n’en est pas moins en disposition de se mouvoir verticalement si rien ne l’en empêche ; au lieu qu’il n’a aucune disposition à se mouvoir horisontalement ; qu’il y a par conséquent dans ce corps un nisus, une tendance au mouvement vertical, qu’il n’a point pour le mouvement horisontal ; que c’est ce nisus, cette tendance qu’on a à soûtenir dans le premier cas, & qu’on n’a point à soûtenir dans le second ; qu’elle ne peut être contre-balancée que par un nisus, une tendance pareille ; que l’effort que l’on fait pour soûtenir un poids, est de même nature que la pesanteur ; que cet effort produiroit, à la vérité, au premier instant une vîtesse infiniment petite, mais qu’il est très différent d’un effort nul, parce qu’un effort nul ne produiroit aucun mouvement, & que l’effort dont il s’agit en produiroit un fini, au bout d’un tems fini. Cette seconde réponse n’est guere plus satisfaisante que l’autre ; car qu’est-ce qu’un nisus au mouvement, qui ne produit pas une vîtesse finie dans le premier instant ? Quelle idée se former d’un pareil effort ? D’ailleurs pourquoi l’effort qu’il faut faire pour soûtenir un grand poids, est-il beaucoup plus considérable que celui qu’il faut faire pour arrêter une boule de billard qui se meut avec une vîtesse finie ? Il semble au contraire que ce dernier devroit être beaucoup plus grand, si en effet la force de la pesanteur étoit nulle par rapport à celle de la percussion.

Il résulte de tout ce que nous venons de dire, que la difficulté proposée mérite l’attention des Physiciens & des Géometres. Nous les invitons à chercher des moyens de la résoudre plus heureusement que nous ne venons de faire, supposé qu’il soit possible d’en trouver.

Lois des forces accélératrices, & maniere de les comparer. Quoi qu’il en soit de ces réflexions sur la nature des forces accélératrices, il est au-moins certain dans le sens qu’on l’a expliqué au mot Accélératrice, que si on appelle φ la force accélératrice d’un corps, dt l’élément du tems, du celui de la vîtesse, on aura φdt = du ; si la force est retardatrice, au lieu d’être accélératrice, on aura φdt = −du, parce qu’alors t croissant, u diminue ; sur quoi voyez mon traité de Dynamique, articles 19 & 20. Or nommant e l’espace parcouru, on a (voyez Vitesse) ; donc l’équation , donne aussi celle-ci  ; c’est-à-dire que les petits espaces que fait parcourir à chaque instant une force accélératrice ou retardatrice, sont entr’eux comme les quarrés des tems.

Cette équation , ou, ce qui revient au même, l’équation n’est point un principe de méchanique, comme bien des auteurs le croyent, mais une simple définition ; la force accélératrice ne se fait connoître à nous que par son effet : cet effet n’est autre chose que la vitesse qu’elle produit dans un certain tems ; & quand on dit, par exemple, que la force accélératrice d’un corps est réciproquement proportionnelle au quarré de la distance, on veut dire seulement que est réciproquement proportionnel à ce quarré ; ainsi ϕ n’est que l’expression abregée de , & le second membre de l’équation qui exprime la valeur de . Voyez l’article Accélératrice & mon traité de Dynamique déjà cités.

L’équation fait voir que pendant un instant l’effet de toute force accéleratrice quelconque est comme le quarre du tems ; car la quantité variable ϕ pouvant être censée constante pendant un instant, est donc constant pendant cet instant, & par conséquent dde est comme dt2. Ainsi pendant un instant quelconque les petits espaces qu’une force accélératrice quelconque fait parcourir, sont entr’eux comme les quarrés des tems ou plûtôt des instans correspondans ; toute cause accélératrice agit donc dans un instant de la même maniere & suivant les mêmes lois que la pesanteur agit dans un tems fini ; car les espaces que la pesanteur fait parcourir sont comme les quarrés des tems. Voyez Accélération & Descente. Donc si on nomme a l’espace que la pesanteur p feroit parcourir pendant un tems quelconque θ, on aura , & par conséquent  ; formule générale pour comparer avec la pesanteur p une force accélératrice quelconque ϕ.

Mais il y a sur cette formule une remarque importante à faire ; elle ne doit avoir lieu que quand on regarde comme courbe rigoureuse la courbe qui auroit les tems t pour abscisses & les espaces e pour ordonnées ; ou, ce qui revient au même, qui représenteroit par l’équation entre ses coordonnées l’equation entre e & t. Voyez Equation. Car si on regarde cette courbe comme polygone, alors dde prise à la maniere ordinaire du calcul différentiel aura une valeur double de celle qu’elle a dans la courbe rigoureuse, & par conséquent il faudra supposer , afin de conserver à ϕ la même valeur. Voyez sur cela les mots Courbe polygone & Différentiel, page 988. col. 1. C’étoit faute d’avoir fait cette attention, que le célebre M. Newton s’étoit trompé sur la mesure des forces centrales dans la premiere édition de ses Principes ; M. Bernoulli l’a prouvé dans les mémoires de l’académie des Sciences de 1711 ; on faisoit alors en Angleterre une nouvelle édition des principes de M. Newton ; & ce grand homme se corrigea sans répondre. Pour mieux faire sentir par un exemple simple combien cette distinction entre les deux équations est nécessaire, je suppose ϕ constante & égale à p ; on aura donc par la premiere équation ; & en intégrant . Donc si , on auroit  ; ce qui est contre l’hypothèse, puisqu’on a supposé que a est l’espace décrit dans le tems θ, & que par conséquent si t = θ, on aura e = a ; au contraire en faisant , on trouvera, comme on le doit, e = a. Cette remarque est très-essentielle pour éviter bien des paralogismes.

L’équation ϕ d t = d u, donne ϕ d e = u d u, à cause de  ; donc uu = 2 s ϕ d e ; autre équation entre les vitesses & les espaces pour les forces accélératrices. Donc si, par exemple, ϕ est constant, on aura uu = 2 ϕ e ; c’est l’équation entre les espaces & les vîtesses, dans le mouvement des corps que la pesanteur anime.

Forces centrales & centrifuges. Nous avons donné la définition des forces centrales au mot Central[2], & nous y renvoyons, ainsi qu’à la division des forces centrales en centripetes & centrifuges, selon qu’elles tendent à approcher ou à éloigner le corps du point fixe ou mobile auquel on rapporte l’action de la force centrale. Ce même mot de force centrifuge signifie encore plus ordinairement cette force par laquelle un corps mu circulairement tend continuellement à s’éloigner du centre du cercle qu’il décrit. Cette force se manifeste aisément à nos sens dans le mouvement d’une fronde ; car nous sentons que la fronde est d’autant plus tendue par la pierre, que cette pierre est tournée avec plus de vîtesse ; & cette tension suppose dans la pierre un effort pour s’éloigner de la main, qui est le centre du cercle que la pierre décrit. En effet la pierre mue circulairement tend continuellement à s’échapper par la tangente, en vertu de la force d’inertie, comme on l’a prouvé au mot Centrifuge. Or l’effort pour s’échapper par la tangente, tend à éloigner le corps du centre, comme cela est évident, puisque si le corps s’échappoit par la tangente, il s’éloigneroit toûjours de plus en plus de ce même centre. Donc l’effort de la pierre, pour s’échapper par la tangente, doit tendre la fronde. Veut-on le voir d’une maniere encore plus distincte ? Le corps arrivé au point A (fig. 24. Méchaniq.) tend à se mouvoir par la tangente ou portion de tangente infiniment petite AD. Or par le principe de la décomposition des forces (voyez Décomposition & Composition), on peut regarder ce mouvement suivant AD comme composé de deux mouvemens, l’un suivant l’arc AE du cercle, l’autre suivant la ligne ED, qu’on peut supposer dirigée au centre. De ces deux mouvemens, le corps ne conserve que le mouvement suivant AE ; donc le mouvement suivant ED est détruit ; & comme ce mouvement est dirigé du centre à la circonférence, c’est en vertu de la tendance à ce mouvement que la fronde est bandée.

Un corps qui se meut sur toute autre courbe que sur un cercle, fait effort de même à chaque instant pour s’échapper par la tangente ; ainsi on a nommé en général cet effort force centrifuge, quelle que soit la courbe que le corps décrit.

Pour calculer la force centrifuge d’un corps sur une courbe quelconque, il suffit de la savoir calculer dans un cercle ; car une courbe quelconque peut être regardée comme composée d’une infinité d’arcs de cercle, dont les centres sont dans la développée. Voyez Développée & Osculateur. Ainsi connoissant la loi des forces centrifuges dans le cercle, on connoîtra celle des forces centrifuges dans une courbe quelconque. Or il est facile de calculer la force centrifuge dans un cercle ; car suivant ce que nous avons dit ci-dessus, si on nomme φ la force centrifuge, & dt le tems employé à parcourir AE ou DE (fig. 24. Méchaniq.), on aura , en regardant le cercle comme rigoureux. Or dans cette hypothèse on a par la propriété du cercle ; donc .

Dans le cercle polygone on a  ; parce que regardant AD comme le prolongement d’un petit côté du cercle, on a DE : AEAE est au rayon  ; & dans cette même hypothèse on a  ; donc on aura  ; équation qui est la même que la précédente. On voit donc qu’en s’y prenant bien, la valeur de la force centrifuge se trouve la même dans les deux cas.

Si on appelle u la vîtesse du corps, & si on suppose u égale à la vitesse que le corps auroit acquise en tombant de la hauteur h, en vertu de la pesanteur p, on aura uu = 2ph. Voyez Accélération, Pesanteur, & ce que nous avons dit ci-dessus à l’occasion de l’équation φde = udu. De plus on aura par la même raison pour la vîtesse que le corps acquerroit en tombant de la hauteur a pendant le tems θ ; & comme cette vîtesse feroit parcourir uniformément l’espace 2a pendant le même tems θ (voyez Accélération & Descente), on aura
 ; donc  ; donc  ; donc  ; & voilà la démonstration du théorème que nous avons donné d’après M. Huyghens au mot Central ; car on aura . On peut voir les conséquences de ce théorème au même mot Central.

On lit dans certains ouvrages que la force centrifuge est égale au quarré de la vîtesse divisé par le rayon, & dans d’autres qu’elle est égale au quarré de la vîtesse divisé par le diametre : cette différence d’expressions ne doit point surprendre ; car le mot égale ne signifie ici que proportionnelle, comme on l’a expliqué dans l’article Equation ; cela signifie donc seulement que les forces centrifuges dans deux cercles différens sont comme les quarrés des vîtesses divisés par les rayons, ou ce qui est la même chose, par les diametres. Voyez le mot Equation à la fin.

Au reste la raison de cette différence apparente de valeur que les auteurs de Méchanique ont donnée à la force centrifuge, vient de ce qu’ayant pris la ligne DE pour représenter la force centrifuge, le tems dt étant constant, les uns ont considéré DE dans la courbe polygone, les autres dans la courbe rigoureuse. Dans le premier cas divisé par le rayon ; & dans le second divisé par le diametre. Or AE est ici comme la vîtesse, puisqu’on suppose dt constant ; donc au lieu de , on peut mettre la quarré de la vîtesse. Donc, &c. Ces différentes observations contribueront beaucoup à éclaircir ce que les différens auteurs ont écrit sur les forces centrales & centrifuges.

Puisque 2ph = uu, & que est le rayon du cercle, il s’ensuit que si on fait ce rayon =r, on aura , soit que u & r soient constans, ou non ; c’est-à-dire que l’équation , ou , aura lieu dans toute ; les courbes, u étant la vîtesse en un point quelconque, & r le rayon de la developpée. Remarquez que la force centrifuge φ est ici supposée dirigée par rapport au centre du cercle osculateur, qui est le point où le rayon osculateur touche la développée. Si on veut que la force, centrifuge ou centrale, soit dirigée vers un autre point quelconque, soit F cette nouvelle force, soit k le cosinus de l’angle que le rayon mené à ce point fait avec le rayon osculateur ; alors regardant la force φ comme composée de la force F, & d’une autre force dirigée suivant la courbe, on trouvera facilement par le principe de la décomposition des forces, F : φ ∷ 1 : k, en prenant 1 pour le sinus total ; donc  ; donc  : c’est la formule générale des forces centrales & centrifuges dans une courbe quelconque.

Qu’on nous permette à ce sujet une réflexion philosophique sur les progrès de l’esprit humain. Huyghens a découvert la loi des forces centrales dans le cercle ; le même géometre a découvert la théorie des développées. L’on vient de voir qu’en réunissant ces deux théories, on en tiroit par un corollaire très-facile la loi des forces centrales dans une courbe quelconque : cependant Huyghens n’a pas fait ce dernier pas qui paroît aujourd’hui si simple ; & cela est d’autant plus étonnant, que les deux pas qu’il avoit faits étoient beaucoup plus difficiles. Newton, en généralisant la théorie de Huyghens, a trouvé le théorème général des forces centrales qui l’a conduit au vrai système du monde ; comme il a trouvé le calcul différentiel, en ne faisant que généraliser la méthode de Barrow pour les tangentes ; méthode qui étoit, pour ainsi dire, infiniment proche du calcul différentiel. C’est ainsi que les corollaires les plus simples des vérités connues, qui ne consistent qu’à rapprocher ces vérités, échappent souvent à ceux qui sembleroient avoir le plus de facilité & de droit de les déduire ; & rien n’est plus propre que l’exemple dont on vient de faire mention, pour confirmer les réflexions que nous avons faites sur ce point au mot Découverte.

Dans la formule que nous avons donnée ci-dessus pour les forces centrales, nous faisons abstraction de la masse du corps ; & si on veut faire attention à cette masse, il est évident qu’il faudra multiplier l’expression de la force centrale par la masse du corps ; ou ce qui peut-être est encore plus simple, au lieu de regarder p comme la pesanteur, on regardera cette quantité comme le poids du corps, qui n’est autre chose que le produit de la pesanteur ou gravité par la masse. Nous faisons cette remarque, afin qu’on ne soit point embarrassé à la lecture de l’article Central, par la considération de la masse que nous avons fait entrer dans le calcul des forces dont il s’agit.

Ajoûtons que si on veut une autre expression de la force centrifuge φ, que celle que nous avons donnée. on peut se servir de celles-ci qui seront commodes en plusieurs cas.

On a trouvé  ; or comme le cercle est supposé décrit uniformément, on peut, au lieu de , mettre un arc quelconque fini A divisé par le tems t employé à le parcourir ; donc on aura .

Si on fait , ce qui est permis, on aura . De plus, si on nomme l la longueur d’un pendule qui fait une vibration dans le tems θ, & 2π le rapport de la circonference au rayon, on aura . Voyez Pendule & Vibration. Donc  ; & si on supposoit de plus , ce qui est permis, on auroit .

C’est par ces formules qu’on trouve le rapport de la force centrifuge à la pesanteur sous l’équateur. Voyez Pesanteur & Gravité.

Force motrice, est la cause qui meut un corps. Après tout ce que nous avons dit dans cet article sur la notion du mot force, il est évident que la force motrice ne peut se définir que par son effet, c’est-à-dire par le mouvement qu’elle produit.

Force mouvante, est proprement la même chose que force motrice ; cependant on ne se sert guere de ce mot que pour désigner des forces qui agissent avec avantage par le moyen de quelque machine. Ainsi on appelle parmi nous forces mouvantes, ce que d’autres appellent puissances méchaniques. Ce sont les machines simples dont on fait mention dans les élémens de Statique, & de la combinaison desquelles on compose toutes les autres machines ; savoir le levier, le plan incliné, la vis, le coin, la poulie. On peut même les réduire à deux, le levier & le plan incliné ; car la vis se réduit au plan incliné & au levier, la poulie & le coin au levier. Voyez Vis, Coin, Poulie, &c.

Ces différentes machines facilitent l’action des puissances pour mouvoir des poids, soit parce qu’elles diminuent en effet l’action que la puissance seroit obligée d’exercer pour mouvoir le poids immédiatement, soit parce que la maniere dont la puissance est appliquée favorise son action. Ainsi dans la poulie, par exemple, la puissance doit être égale au poids ; cependant la poulie aide la puissance, parce que la maniere dont la puissance y est appliquée facilite son action, & la met en état d’agir commodément & sans gêne. Voyez Poulie, &c. A ces cinq forces mouvantes ou machines simples, M. Varignon dans son projet de Méchanique, en ajoûte une sixieme qu’il appelle la machine funiculaire, & qui n’est qu’un assemblage de cordes par le moyen desquelles différentes puissances tirent un poids. Voyez Funiculaire. Pour connoître l’effet de ces différentes machines, il faut le calculer dans le cas de l’équilibre ; car dès qu’on a la puissance capable de soûtenir un poids, alors en augmentant tant-soit-peu cette puissance, on fera mouvoir le poids. Or pour calculer le cas de l’équilibre, il suffit d’employer le principe de la composition & de la décomposition des forces. Il faut pour cela prolonger d’abord, s’il est nécessaire, les directions de deux forces quelconques, & chercher celle qui en résulte ; ensuite chercher la résultante de cette derniere & d’une troisieme force, & ainsi de suite, jusqu’à ce qu’on soit arrivé à une derniere force, qui doit ou être = 0, ou au moins passer par un point fixe, pour qu’il y ait équilibre. En effet, si cette derniere force qui résulte de la réunion de toutes les autres, n’étoit pas égale à zéro, ou ne passoit pas par un point fixe dont la résistance anéantît son action, il n’y auroit pas d’équilibre, comme on le suppose, puisque cette force produiroit alors quelque mouvement. Ce principe de la réduction de toutes les forces à une seule, renferme toute la Statique, & on peut en voir l’application aux articles des différentes machines.

Force résultante. C’est ainsi que quelques auteurs ont nommé la force unique qui résulte de l’action de plusieurs autres. Cette force résultante se trouve par le principe de la diagonale du parallélogramme. Voyez Composition. Quand deux ou plusieurs forces sont paralleles, on suppose que leurs directions concourent à l’infini, & par ce moyen on trouve toûjours la résultante ; car deux paralleles peuvent être censées concourir à l’infini. Voyez Parallele. (O)

Force des Eaux, (Hydraul.) Sans entrer ici dans le détail des forces mouvantes, que l’on renvoye à la Méchanique ou à la Géométrie, nous ne parierons que de la force des eaux.

La force, la dépense & la vîtesse des eaux sont souvent confondues chez les auteurs ; c’est l’effort que fait l’eau pour sortir & s’élancer contre la colonne d’air qui résiste & pese dessus ; elle dépend donc de deux choses, de la colonne d’eau, & de la colonne d’air. Voyez Colonne.

Les vîtesses sont entre elles comme les racines quarrées des hauteurs, ou en raison soudoublée des hauteurs. Soit la hauteur d’un réservoir supposée de 16 piés, & une autre de 25, les vîtesses de ces deux réservoirs sont entr’elles comme 4 est à 5, parce que 4 est racine de 16, & 5 est racine de 25.

On évalue la force d’un homme qui sert de moteur à une pompe à bras, environ à 25 liv. quand il fait marcher cette pompe sans effort ; celle d’un cheval qui fait tourner la manivelle, suivant l’expérience qu’on en a faite, est estimée valoir la force de sept hommes : ainsi elle vaut sept fois 25 livres, qui font 175 livres. Voyez l’article suivant.

On sait de plus que 10 livres de force soûtiennent en équilibre 10 livres d’eau, & qu’il faut un degré de force de plus pour l’entraîner & la faire monter, Sur ce principe, un homme qui est la force motrice d’une pompe à bras, & qui en fait aller la manivelle ; s’il employe 11 livres de force, enlevera 10 liv. d’eau en l’air, en supposant qu’il n’y a point de frotemens, pour lesquels on ajoûte toûjours un tiers en sus dans le calcul.

Si, par exemple, la pesanteur du corps que l’on veut élever pese 90 livres, il faut ajoûter à cette somme son tiers, qui est 30, pour l’élever & surmonter la résistance des frotemens ; ce qui fait en tout 120 livres de force, pour faire monter une colonne d’eau de 90 livres pesant.

On évalue la force ou la vîtesse d’un courant, d’une riviere, d’un ruisseau, d’un aqueduc, en déterminant sur son bord une base à discrétion, & par le moyen d’une boule de cire mise sur l’eau, & d’une pendule à secondes, on sait combien de tems la boule entraînée par le courant, a été à parcourir l’espace de la base supposée de 20 toises. Si la boule a été 30 secondes, moitié d’une minute, dans sa course, ce seroit 20 toises ou 120 piés en 30 secondes, & 4 piés par seconde ; vous multiplierez cette vîtesse de 4 piés par la largeur du ruisseau, qu’on suppose ici de 12 piés, ce qui donnera 48 piés quarrés par seconde pour la superficie du canal. Prenez la profondeur de ce canal ou ruisseau, par exemple de 2 piés, qui en multipliant les 48 piés de la superficie, vous donneront 96 piés pour la solidité de l’eau qui s’écoulera dans l’espace d’une seconde : ces 96 piés cubes multipliés par 35 pintes valeur du pié cube, font 3360 pintes, qui s’écouleront par seconde. Il y a une autre méthode que la boule de cire, pour connoître la vîtesse d’une riviere ; on la trouvera dans les mémoires de l’académie des Sciences, année 1733, page 363. Voyez aussi le mot Fleuve. (K)

Force des Animaux. Le premier auteur qui ait examiné la force de l’homme avec quelque précision, & qui l’ait comparée avec celle des autres animaux, c’est sans doute M. de la Hire, dont l’écrit sur ce sujet est imprimé parmi les mémoires de l’académie des Sciences, année 1699. M. Desaguliers a traduit & critiqué plusieurs endroits de ce mémoire, dans les notes sur la quatrieme leçon de la physique expérimentale, pag. 246 & suiv. de l’original anglois. Je vais donner un résultat des observations de ces deux célebres méchaniciens.

M. de la Hire suppose qu’un homme ordinaire, mais fort, pese 140 livres. Cet homme ayant les jarrets un peu pliés, peut se redresser, quoique chargé d’un poids de 152 livres. Les muscles des jambes & des cuisses élevent donc un poids de 290 liv. mais seulement de deux ou trois pouces. M. Desaguliers trouve cette estimation fautive & trop médiocre, puisqu’il est ordinaire de voir des porte-faix monter un escalier, ayant un fardeau de 250 livres. Ils ne peuvent le descendre à la vérité étant chargés d’un aussi grand poids. La livre averdupois des Anglois est entre un onzieme & un douzieme moindre que la nôtre. Dans un homme chargé qui marche, le centre de gravité de son corps & du fardeau réunis, décrit un arc de cercle, qui a pour centre le pié immobile ; & la jambe mobile qui pousse en avant ce centre de gravité, décrit aussi un arc de cercle de même étendue. M. de Fontenelle (Hist. de la même année, pag. 97.) a très-bien remarqué, que plus cet arc est grand par rapport au sinus verse de sa moitié, plus la force mouvante a d’avantage à cause de sa vîtesse & du peu d’élévation du poids. C’est ce qui a fait penser à M. de la Hire, qu’un homme chargé de 150 liv. ne pourroit monter un escalier dont les marches seroient de cinq pouces, comme elles sont ordinairement ; ce qu’on a déjà vû être contraire à l’observation de M. Desaguliers.

Si un homme qui pese 140 livres saisit un point fixe placé sur sa tête, il peut par l’effort des muscles des bras & des épaules, élever tout son corps, & même un poids de 20 livres, dont il seroit chargé. Suspendu alors à une corde, qui passant sur une poulie soûtient par son autre extrémité un poids de 160 livres, il fait équilibre avec ce poids, & le surmonte, si l’on augmente un peu son fardeau de 20 livres.

Ce même homme prenant avec les mains un poids de 100 livres, placé entre ses jambes, l’éleve en se redressant. Comme les muscles des lombes soûtiennent la moitié supérieure de son corps, on peut évaluer leur effort à 170 liv. Mais M. Desaguliers assûre que les travailleurs en général élevent avec leurs mains un poids de 150, & quelquefois de 200 liv.

Un homme, le corps panché & les genoux pliés, ne pourra lever de terre un poids de 160 liv. que ses bras soûtiennent d’ailleurs ; les muscles des jambes & des cuisses devroient alors soûtenir le poids de 160 liv. & celui de tout le corps. Or ils ne le peuvent pas, suivant M. de la Hire, parce que dans cette disposition de tout le corps, la force se distribue par la distribution des esprits dans toutes les parties. Cette raison n’éclaire pas l’esprit ; il semble que pour se former une idée plus nette des résistances immenses que la nature auroit à surmonter dans cette situation, il faut rappeller les propositions de Borelli sur une suite d’articulations fléchies. Je me contenterai de citer la proposition 54, I. part. du traité de motu animal. où Borelli prouve que dans un portefaix panché en-avant, qui auroit les jarrets pliés & qui s’appuyeroit sur la pointe d’un pié (ce qui est leur attitude ordinaire en marchant) ; l’effort combiné de tous les muscles qui concourent à soûtenir son fardeau, feroit cinquante fois plus grand que ce fardeau. Voyez l’article Mouvement des Animaux.

M. de la Hire avoit vû à Venise un homme jeune & foible, qui soûtenoit un âne en l’air par un moyen singulier. Ses cheveux étoient liés de côté & d’autre par des cordelettes, auxquelles on attachoit par des crochets les deux extrémités d’une sangle large qui passoit par-dessous le ventre de cet âne. Monté sur une petite table, il se baissoit pendant qu’on attachoit les crochets à la sangle ; il se redressoit ensuite & élevoit l’âne en appuyant ses mains sur ses genoux. Il élevoit de même des fardeaux qui paroissoient plus pesans, & il disoit qu’il y trouvoit moins de peine, à cause que l’âne se débattoit en perdant terre.

M. de la Hire a considéré dans ce jeune homme la grande force des muscles des épaules & des lombes. M. Desaguliers prétend, avec beaucoup de vraissemblance, que les muscles des lombes sont incapables d’un pareil effort ; il aime mieux avoir recours à la force des extenseurs des jambes, qu’il dit être six fois plus considérable. Il assûre que ce jeune homme avoit le corps droit & les genoux pliés ; de sorte qu’il mettoit les tresses de ses cheveux dans le même plan que les têtes des os des cuisses, & les chevilles. La ligne de direction du corps & de tout le poids passoit ainsi entre les plus fortes parties des piés, qui supportoient la machine ; alors il se relevoit sans changer la ligne de direction. La raison pour laquelle l’âne en se débattant, rendoit le fardeau plus incommode, c’est qu’il faisoit vaciller la ligne de direction. Quand elle étoit portée en-avant ou en-arriere, les muscles des lombes se mettoient en jeu pour la rétablir dans sa premiere situation.

M. Desaguliers raconte des tours d’adresse, qu’un allemand montroit à Londres pour des tours de force, & dont il fut spectateur avec MM. Stuart, Pringle, & milord Tullibardin. Cet homme assis sur une planche horisontale (inclinée en-arriere elle l’auroit situé plus avantageusement), & appuyant ses piés contre un ais vertical immobile, avoit un peu au-dessous des hanches une forte ceinture, terminée par des anneaux de fer ; à ces anneaux étoit attachée par un crochet une corde, qui passant entre ses jambes, sortoit par une ouverture pratiquée dans l’appui vertical. Plusieurs hommes, ou deux chevaux même, en tirant cette corde, ne pouvoient l’ébranler. Il se plaçoit encore dans une espece de chassis de bois, préparé pour cet effet, & prétendoit élever, quoiqu’il ne fît réellement que soûtenir, un canon de deux ou trois mille liv. pesant, porté sur le plat d’une balance, dont les cordes étoient attachées à la chaîne qui pendoit de sa ceinture. Les cordes étant bien tendues & ses jambes bien affermies, on poussoit les rouleaux qui supportoient le plat de balance, & le canon restoit suspendu. M. Desaguliers fit une semblable expérience devant le roi Georges I. & plusieurs la répéterent après lui.

Tout cela s’explique aisément par la résistance des os du bassin, qui sont arcboutés contre un appui vertical ou horisontal ; par la pression de la ceinture qui affermit les grands trochanters dans leurs articulations ; par la force des jambes & des cuisses, qui, lorsqu’elles sont parfaitement droites, présentent deux fortes colonnes capables de soûtenir au-moins quatre ou cinq mille livres. On sait qu’une puissance est inefficace, quand son action se dirige par le centre du mouvement ; & M. Desaguliers fait une application ingénieuse de la ceinture dont nous avons parlé plus haut, dont un ou plusieurs hommes pourroient se servir pour hausser ou abaisser le grand perroquet d’un navire, en s’appuyant contre les échelons d’une forte échelle couchée sur le tillac.

Les autres détails du docteur Desaguliers sur les tours d’adresse, qui passent pour des tours de force extraordinaires, sont assez curieux ; mais je les supprime, de crainte d’être trop long.

Pour donner une idée de la force des extenseurs des jambes, M. Desaguliers dit qu’on voit à Londres les fiacres s’élancer hors de leurs siéges dans un embarras, & soûlever leur voiture avec leur dos sans le secours de qui que ce soit, quoiqu’ils ayent quatre personnes dans leur carrosse, & le train chargé de trois ou quatre coffres. Nos fiacres font de même à Paris, & appellent cela porter leur derriere. Les porte faix en Turquie portent sept, huit, & jusqu’à neuf cents livres pesant. Ils s’appuient sur un bâton quand on les charge : on prend soin aussi de les décharger. M. Desaguliers croit que c’est à une situation semblable qu’étoit dûe la résistance étonnante de cette fameuse tortue, que formoient les soldats romains avec leurs boucliers. V. Fortice.

Il doit paroître surprenant que des charges de 8 ou 9 quintaux n’écrasent pas le dos des porte-faix de Constantinople ; sans doute les vertebres se soûtiennent mutuellement, & leurs muscles se roidissent chez eux, pour assujettir l’épine à une courbure constante : mais cette force paroît bien médiocre, & il faut avoir recours à une troisieme espece de résistance qu’on n’a pas encore appliquée ici, je veux dire à la résistance des cartilages intermédiaires des vertebres. Je crois que tous ceux qui ont lû Borelli & Parent sur la force de ces cartilages, seront de mon avis ; & je remarquerai seulement que les auteurs n’ont pas fait assez d’attention aux poids immenses que peut soûtenir la résistance des ligamens & des cartilages. En calculant d’après la proposition 61 de Borelli, l’imagination seroit effrayée de la force prodigieuse que la nature employe pour la résistance de ces cartilages dans les porte-faix de Constantinople.

Tout le monde connoît la résistance des os du crane aux fardeaux qu’on lui fait supporter. M. Hunauld a expliqué cette résistance très-méchaniquement, dans les Mém. de l’ac. 1730 ; mais il ne savoit peut-être pas qu’un poids de 9 quintaux ne suffit point pour la vaincre : or c’est ce qu’on observe tous les jours à Marseille.

Les porte-faix y soûtiennent à quatre un poids de 36 quintaux ; ils ont la tête enveloppée d’une espece de sac qui leur ceint les tempes, & qui se termine en un bourrelet qui tombe sur les épaules ; sur ce bourrelet portent de longues perches, où sont suspendues les cordes qui élevent le plan sur lequel est le fardeau. Ainsi non-seulement la résistance de la voûte du crane, mais même celle de l’atlas & des autres cartilages du cou, est supérieure à l’effort d’un poids de 900 liv. agissant par un levier assez long.

Desaguliers, qui ne considere que le travail des muscles dans un homme qui supporte un poids sur ses épaules, remarque que les porte-faix de Londres qui travaillent sur les quais, & qui chargent ou déchargent des navires, portent quelquefois des fardeaux qui tueroient un cheval. Il n’en donne point la raison ; elle suit de ce que nous venons de dire, & il ne faut considérer que la situation perpendiculaire, ou du-moins peu inclinée à l’horison dans les vertebres de l’homme, & la situation horisontale des vertebres du cheval, qui rend leur luxation beaucoup plus facile.

Desaguliers raconte des tours de force prodigieux que faisoit un nommé Topham, sans employer aucun art pour les rendre étonnans. Je l’ai vû, dit-il, lever un rouleau du poids de 800 livres, étant debout dans un chassis au-dessus, saisissant avec ses mains une chaîne qui y étoit attachée. Comme il se courboit un peu en-avant pour cette opération, il faut ajoûter le poids du corps au poids élevé, & considérer ici principalement les muscles des lombes : d’où il suit que ce Topham étoit presque une fois aussi fort, à cet égard, que les hommes qui le sont le plus, ceux-ci n’élevant guere plus de 400 liv. de cette maniere. Je dis à cet egard, car les différentes parties du corps peuvent avoir des proportions de force très-peu semblables, suivant le genre de travail & d’exercice auquel chaque homme est habitué.

M. George Graham a eu la premiere idée d’une machine, que Desaguliers a perfectionnée, & qui sert à mesurer dans chaque homme la force des bras, du cou, des jambes, des doigts & des autres parties du corps.

Un cheval est égal en force, pour tirer, à cinq travailleurs anglois, suivant les observations de Jonas Moore ; à six ou sept françois, suivant nos auteurs ; ou à 7 hollandois, selon Desaguliers : mais pour porter une charge sur le dos, deux hommes sont aussi forts, & quelquefois plus qu’un cheval. Un porte-faix de Londres transportera 200 liv. allant assez vîte pour faire trois milles par heure : les porteurs de chaise, en portant 150 livres chacun, marchent fort vîte, & sur le pié de quatre milles par heure ; tandis qu’un cheval de messager, qui fait environ deux milles par heure, porte seulement 224 liv. ou 270 liv. quand il est vigoureux, & que les chemins sont bons.

Le cheval est plus propre pour pousser en avant ; l’homme, pour monter. Un homme chargé de 100 livres montera plus vîte & plus facilement une montagne un peu roide, qu’un cheval chargé de 300 livres ne les tire. Les parties du corps de l’homme sont mieux situées pour grimper, que celles du cheval. On voit à Londres des chevaux de haute taille, lorsqu’ils sont attachés à des charrettes portées sur des roues fort hautes, traînes jusqu’à deux milles en montant la rue de S. Dunstan’s Hill ; mais le charretier épaule la voiture dans les pas difficiles.

L’application aux différentes machines fait extrèmement varier la comparaison de la force des hommes & des chevaux. M. de la Hire détermine d’une maniere très-juste & très-ingénieuse, l’effort de l’homme pour tirer ou pousser horisontalement : il considere sa force comme appliquée à la manivelle d’un rouleau dont l’axe est horisontal, & sur lequel s’entortille une corde qui soûtient un poids : il fait abstraction de l’avantage méchanique qu’on peut donner à ce cabestan, des frotemens, & de la difficulté qu’a la corde à se ployer.

Si le coude de la manivelle est placé verticalement à la hauteur des épaules ; si la direction des bras est horisontale, & fait un angle droit avec la position du corps, il est clair qu’on ne peut faire tourner la manivelle : mais si la manivelle est au-dessus ou au-dessous des épaules, la direction du bras & celle du tronc feront ensemble un angle obtus ou aigu ; & l’homme aura pour tirer ou pour pousser la manivelle, cette force qui dépend de la seule pesanteur du corps. On doit considérer cette pesanteur comme réunie dans le centre de gravité, qui est à-peu-près à la hauteur du nombril au-dedans du corps. Si le coude de la manivelle est placé horisontalement à la hauteur des genoux, l’homme qui la releve en tirant, peut élever le poids de 150 livres, qui sera attaché à l’extrémité de la corde, en prenant tous les avantages possibles, puisque son effort est le même que pour élever ce poids (voyez ci-dessus) : mais pour abaisser la manivelle, il ne peut y appliquer qu’un effort de 140 livres, qui est le poids de tout son corps, à moins qu’il ne soit chargé.

Si le corps étant fort incliné vers la manivelle, elle est à la hauteur des épaules, il faudra considérer 1°. le bout des piés comme le point d’appui d’un levier, qui passant par le centre de gravité de tout le corps, se termine à la ligne des bras, prolongée s’il est nécessaire : 2°. que le centre de gravité étant chargé du poids de tout le corps, de 140 livres, avec sa direction naturelle, l’extrémité du levier supposé est soûtenue dans la ligne horisontale des bras. Cela posé :

Soit ce levier de 140 parties, & la distance du point d’appui au centre de gravité, de 80 ; l’effort de tout le corps à l’extrémité du levier, sera le même que si un poids de 80 livres y étoit suspendu avec sa direction naturelle & perpendiculaire à la ligne des bras : donc si l’on mene du point d’appui une perpendiculaire sur la ligne des bras, cette perpendiculaire sera à la coupée depuis l’extrémité du levier, comme le poids de 80 livres avec sa direction naturelle, est à son effort sur la manivelle, suivant la direction horisontale : donc si le levier fait un angle de 70 degrés avec la ligne des bras, la position du corps sera inclinée à l’horison d’un angle de plus de 60 degrés, qui est tout au plus l’inclinaison où un homme peut marcher : le sinus de 70 degrés sera au sinus de son complément comme 3 à 1, à très-peu-près ; & par conséquent, l’effort du poids de 80 livres, selon la direction horisontale, sera un peu moins de 27 liv. L’effort ne sera pas plus grand dans la même inclinaison, soit que la corde soit attachée vers les épaules ou au milieu du corps, le rapport des sinus demeurant le même. Si le levier supposé faisoit avec la ligne des bras un angle de 45 degrés, on voit que le poids du corps soûtiendroit 80 livres : mais la ligne du corps étant alors beaucoup plus inclinée à l’horison, que de 45 degrés, un homme pourroit à peine se soûtenir.

Un homme panché en arriere tire avec bien plus de force que lorsqu’il est courbé en avant : le levier suppose dans le cas précédent est au contraire dans celui-ci plus incliné à l’horison que la ligne du corps : c’est pour cette raison que les rameurs tirent les rames de devant en arriere. M. de la Hire n’a pas remarqué qu’ils ne se renversent qu’après s’être panchés en avant : le poids de leur corps acquiert plus de force par cette espece de chûte. D’ailleurs l’homme en voguant agit avec plus de muscles à-la-fois pour surmonter la résistance, que dans aucune autre position.

Après avoir égalé l’effort continuel d’un homme qui pousse, a 27 livres, M. de la Hire remarque qu’un cheval tire horisontalement autant que sept hommes ; & en conséquence il estime la force d’un cheval à 189 livres, ou un peu moins de 200 livres : les chevaux chargés peuvent tirer un peu plus, cet effet dépendant en partie de leur pesanteur. Cependant il faut prendre garde dans les machines, que si on combine l’effet de la pesanteur du cheval avec l’effet de son impulsion, on rallentira sa vîtesse, puisqu’à chaque pas il est obligé de monter effectivement.

Desaguliers divise le cercle que décrit la manivelle d’un vindas en quatre parties principales ; il donne 160 livres de force à un homme qui la fait tourner lorsqu’elle est à la hauteur de ses genoux ; 27 livres, lorsqu’elle est plus élevée ; 130 livres lorsqu’il l’oblige à descendre, en y appuyant le poids de son corps ; & 30 livres, lorsqu’elle est au point le plus bas. Ces forces font 347 liv. qui divisées par 4, donnent  ; c’est le poids qu’un homme pourroit élever continuellement, s’il n’étoit oblige de s’arrêter pour prendre haleine : ce qui fait que le poids l’emporte au premier point foible, sur-tout quand la manivelle se meut lentement, comme cela doit être si l’homme veut employer toute sa force dans toute la circonférence du cercle qu’il décrit. Il faudroit encore qu’il agît toûjours par la tangente de ce cercle ; ce qui n’arrive point. Il faut de plus que la vîtesse soit assez grande pour que la force appliquée aux points avantageux ne soit pas éteinte avant que d’arriver aux points foibles ; ce qui rendroit ce mouvement irrégulier & difficile à continuer. De-là Desaguliers conclut qu’un homme appliqué à la manivelle d’un vindas, ne peut surmonter plus de 30 livres, travaillant dix heures par jour, & élevant le poids de trois piés & demi par seconde : ce qui est la vîtesse ordinaire des chevaux. Il veut qu’on augmente cette vîtesse d’un sixieme, & même d’un tiers, si l’on se sert du volant, & qu’on diminue le poids à proportion. On suppose toûjours que le coude de la manivelle ne décrive pas un cercle plus grand que la circonférence du rouleau ; ce qui donneroit à l’homme un avantage méchanique. Dans cette supposition, si deux hommes travaillent aux extrémités d’un treuil horisontal, ils soûtiendront plus aisément 70 livres, qu’ils n’en auroient porté 30 chacun séparément, pourvû que le coude de l’une des manivelles soit à angles droits avec l’autre. On se contente de placer les manivelles dans une direction opposée : mais on sent que la compensation qui résulte de cette coûtume est bien moins avantageuse que l’arrangement proposé par Desaguliers : ce physicien célebre corrige les inégalités de la révolution du treuil, quand le mouvement est rapide, comme de 4 ou 5 piés par seconde, par l’application d’un volant, ou plûtôt d’une roue pesante qui fasse des angles droits avec l’essieu du vindas. Par-là un homme pourra quelque tems surmonter une résistance de 80 livres, & travailler un jour entrer, quand la résistance est seulement de 40 livres.

La plus grande force des chevaux & la moindre force des hommes, est lorsqu’ils tirent horisontalement en ligne droite. M. de la Hire nous apprend, mém. acad. des Sciences, ann. 1702, p. 261. que les chevaux attachés aux bateaux qui remontent la Seine, lorsqu’ils ne sont point retardés par plusieurs empêchemens qui surviennent dans la navigation, soûtiennent chacun 158 livres, en faisant un pié & demi par seconde, & travaillant dix heures par jour.

M. Amontons rapporte des observations curieuses dans son mémoire sur son moulin à feu, parmi ceux de l’academie des Sciences, ann. 1699, p. 120-21. expérience sixieme. Les ouvriers qui polissent les glaces se servent pour presser leurs polissoirs, d’une fleche ou arc de bois dont un bout arrondi pose sur le milieu du polissoir ; l’autre qui est une pointe de fer, presse contre une planche de chêne arrêtée au-dessus de leur travail. Par des expériences faites avec des polissoirs de différentes grandeurs pressés par des fleches de différentes forces, il a trouvé que la force moyenne nécessaire pour les tirer, est de 25 liv. que par conséquent la volée de leur fleche étant d’un pié & demi, & le tems qu’ils employent à pousser & à retirer leur polissoir étant d’une seconde, leur travail équivaut à l’élévation continuelle d’un fardeau de 25 liv. à 3 piés par seconde ; il ne faut guere compter que sur dix heures de leur travail.

On lit dans les réflexions de M. Couplet sur le tirage des charretes & des traineaux, mém. acad. p. 63-4. que les charretes ordinaires attelées de trois chevaux, menent habituellement sur le pavé une charge de pierres de taille d’environ 50 piés cubiques, & par conséquent de près de 7 milliers. Il remarque aussi que nos haquets de brasseur à Paris, attelés d’un seul cheval grand & fort, & à Rome, les charretes montées sur leurs roues de six piés de diametre, attelées d’un seul cheval, portent des charges qu’un effort moyen de 200 l. ne pourroit pas surmonter. M. Couplet entend ici l’effort moyen des chevaux, qu’il a supposé plus haut, d’après la détermination de M. de la Hire : mais il est étonnant qu’il n’ait pas pris garde que M. de la Hire ne parle point des charrois, où l’on n’a que les frotemens à surmonter : ensorte qu’un cheval de taille médiocre tirera souvent plus de mille livres, s’il est attaché sans desavantage à une charrete. M. de la Hire, & Desaguliers après lui, considerent l’action des chevaux qui élevent un fardeau hors d’un puits, par exemple, par le moyen d’une poulie ou d’un cylindre qui a le moindre frotement possible. C’est dans ce cas que les chevaux tireront environ 200 livres l’un dans l’autre, en travaillant huit heures par jour, & faisant à-peu-près deux milles & demi par heure, c’est-à-dire environ trois piés & demi par seconde. Le même cheval, s’il tire 240 livres, ne peut travailler que six heures par jour, & ne va pas tout-à-fait aussi vite dans les deux cas : s’il porte quelque poids, il tirera mieux que s’il n’en porte point.

On doit estimer de même le travail des chevaux dans les moulins & les machines hydrauliques. Il faut donner au troitoir des chevaux qui font mouvoir les cabestans de ces machines, un assez grand diametre, parce que dans des cercles trop petits, la tangente suivant laquelle le cheval devroit tirer, fait un trop grand angle avec ces cercles ; & le cheval pousse le rayon suivant la corde du cercle : il fait avec le rayon des angles si aigus par derriere, que dans un trotoir de 19 piés de diametre, Desaguliers a éprouvé qu’un cheval perd les deux cinquiemes de la force qu’il auroit eue dans un trotoir de 40 piés de diametre ; ce qui le détermine à lui donner au moins cette étendue.

Les Meûniers s’imaginent qu’il suffit de conserver la proportion des vîtesses de la puissance & du poids qui a lieu dans les plus grands trotoirs ; ou que diminuant le diametre de la roue en couteau, de même qu’on diminue la distance du cheval au centre, la difficulté du tirage sera la même, n’ayant point égard à l’entortillement du cheval : mais ces ouvriers ne prennent pas garde à l’effort qu’ils font faire au cheval par cette disposition.

Desaguliers croit que la maniere la plus efficace d’employer les hommes à des machines qui produisent leur effet par le jeu des pompes qu’elles renferment, est de faire agir ces hommes en marchant, tout le poids du corps étant successivement appliqué aux pistons des pompes, &c.

M. Daniel Bernoulli, p. 181-2. de son hydrodynamique, regarde comme le plus avantageux de tous l’effet que produit dans les machines la pression d’un homme qui marche, vû que c’est le genre de travail auquel nous sommes le plus accoûtumés. Il croit, ibid. p. 198. que cet avantage peut augmenter l’effet du double.

Desaguliers, à la fin du II. tome, détermine ainsi le maximum de la perfection des machines hydrauliques. Un homme, dit-il, avec la meilleure machine hydraulique, ne peut pas élever plus d’un muid d’eau par minute à dix piés de hauteur, en travaillant tout le jour ; mais il peut en élever presque le double en ne travaillant qu’une ou deux minutes. M. Dan. Bernoulli établit qu’un homme, avec la machine la plus parfaite, pourra élever à chaque seconde un pié cubique d’eau à la hauteur d’un pié.

Il n’en est pas des forces des animaux comme des forces des corps inanimés. Une force animale donnée ne peut produire tous les mouvemens où le poids & la vîtesse sont en raison réciproque. Un homme ne peut parcourir qu’un certain espace dans un certain tems, quand même il ne tireroit aucun poids. Celui qui éleve 100 livres à dix piés de hauteur, ne pourroit élever dans le même tems une livre à 1000 piés de hauteur.

Si deux hommes également robustes font d’abord le même effort avec la même vîtesse ; que l’un des deux ensuite double son effort, & l’autre sa vîtesse ; l’effet produit sera toûjours le même : mais la difficulté qu’éprouvera le second pourra être beaucoup plus considérable. Cette remarque de M. Dan. Bernoulli éclaircit ce que nous venons de dire touchant la difference des forces animées & inanimées.

S’Gravesande a très-bien vû, physices elementa mamathematica, tom. I. n°. 1856. que si on cherche le maximum de l’effet qu’un animal peut produire, il faut d’abord déterminer un degré de vitesse avec laquelle il puisse agir commodément : il faut ensuite chercher le maximum d’intensité d’une action qui puisse être continuée un tems assez long.

M. Bouguer dit fort bien, dans son traité du navire, p. 109. qu’il seroit de la derniere importance dans plusieurs rencontres, de connoître combien la force des hommes diminue, lorsqu’ils sont obligés d’agir avec plus de promptitude : c’est ce que l’Anatomie, quoique extrémement aidée de la Géométrie dans ces derniers tems, ne nous a point encore appris. On peut exprimer, poursuit-il, cette relation par les coordonnées d’une ligne courbe, dont quelques-uns des symptomes se présentent : mais cela n’empêche pas qu’elle ne soit également inconnue. Voyez Mouvement des animaux.

M. Martine, prop. 24 & 25 de son livre de similibus animalibus, assûre que les forces contractives des muscles, & les forces absolues des membres mis en mouvement dans des animaux semblables, sont comme les racines cubes des quatriemes puissances de leurs masses. Il me paroît que l’auteur sonde ses preuves sur un grand nombre d’hypothèses douteuses, ou qui n’ont point d’application dans la nature (voyez Application de la Géométrie à la Physique), mais je crois qu’il réussit très-bien à détruire la prétendue demonstration de Cheyne, dont l’opinion adoptée par Freind & par Wainewright, est que les forces des animaux de la même espece ou du même animal, en différens tems, sont en raison triplée des quantités de la masse du sang. (g)

Forces vitales, (Thérapeut. Médicinale.) ce sont dans les malades quelques actions qui accompagnoient auparavant la santé, & qu’on peut pour cette raison regarder comme des restes de l’état sain qui précédoit & des effets de la vie présente : c’est pourquoi on leur donne le nom de forces : elles dépendent du mouvement qui reste aux humeurs dans la circulation par les vaisseaux.

Or ce mouvement, si petit qu’il puisse être, suppose du-moins encore une circulation par le cœur, les poumons, & le cervelet, dans laquelle conséquemment consiste la moindre force de la vie, qui est susceptible d’acquérir divers degrés d’augmentation.

L’état de la vie se connoît donc par ces forces : celles-ci se manifestent par les effets qu’elles produisent dans le malade ; ces effets sont l’exercice qui se fait des fonctions encore permanentes. Ces fonctions consistent en ce que les humeurs sont poussées par les vaisseaux & les visceres. Pour que cela se fasse, il faut une certaine quantité d’humeurs bien conditionnées, & une continuité de mouvement de ces humeurs par les vaisseaux mêmes.

L’action des vaisseaux dépend uniquement de la contraction des fibres, au moyen de laquelle contraction les fibres tiraillées & distendues en arc par la liqueur qui circule, se racourcissent, se disposent en ligne droite, s’approchent vers l’axe de leur cavité, & poussent les humeurs qu’elles contiennent : telles sont par conséquent, à proprement parler, les forces des vaisseaux. Voyez Fibre.

Mais il est évident que ces forces viennent d’une vertu de ressort & de contraction, par laquelle la fibre résiste à sa distraction : elles requierent en même tems dans les membranes vasculeuses des grands vaisseaux, deux sortes d’humeurs alternativement poussées ; l’une très-tenue, dans les plus petits vaisseaux nerveux ; l’autre plus épaisse, dans les grands vaisseaux.

L’art de prédire l’évenement d’une maladie, est principalement fondé sur la connoissance de la comparaison des causes dont dépend ce qui reste encore de forces vitales au malade, avec les causes qui ont produit sa maladie actuelle.

On connoît l’efficacité de la cause qui entretient encore la vie, par les fonctions qui restent principalement vitales, ensuite animales & naturelles : ce qui s’énonce ordinairement par deux axiomes. 1°. Plus il y a de fonctions semblables aux mêmes fonctions qui ont coûtume de se faire dans la santé, & plus elles leur sont semblables, plus les forces de la nature sont grandes & efficaces, & plus il y a d’apparence de recouvrer une santé parfaite. 2°. Plus est saine dans le malade cette fonction dont plusieurs autres dépendent comme de leur cause, plus les affaires du malade sont en bon train ; & l’on tire des conséquences opposées des propositions contraires, (D. J.) Force, grande force, petite-force, (Jurisprud.) La coûtume de Bar commence ainsi : « Premierement, la coûtume est telle, que tous fiefs tenus du duc de Bar, en son bailliage dudit Bar, sont fiefs de danger, rendables à lui, à grande & petite-force »…

M. le Paige, commentateur de cette coûtume, dit sur grande & petite-force : « La coûtume de S. Mihiel, tit. ij. art. 5. nous découvre le sens de ces mots, lorsqu’elle dit que tous châteaux, maisons, forteresses, & autres fiefs, sont rendables au seigneur, à grande & petite-force, pour la sûreté de sa personne, défense de ses pays, & pour la manutention, exécution, & main-forte de sa justice ; en telle sorte que le vassal commettroit son fief, s’il étoit refusant ou dilayant de ce faire. La grande force, continue M. le Paige, se fait avec artillerie & canon, même avec gens de guerre : & la petite-force, par les voies ordinaires de la justice, par saisie & commise ».

* Forces, (Arts méchan.) ciseaux qui n’ont point de clous au milieu, mais qui sont joints par un demi-cercle d’acier qui fait ressort, & qui en approche ou éloigne les branches.

* Forces, (Gantier.) ce sont des especes de ciseaux à ressort d’un pié de long, qui servent pour tailler la peau propre à faire des gants. Voyez Gantier.

* Forces, (Gazier.) ce sont de petits ciseaux à ressort d’environ un demi-pié de longueur : on s’en sert pour découvrir le brocher des gazes à fleur. Voyez Gaze.

Celles des manufactures en soie sont de la même espece.

* Forces, (Chandelier.) espece de ciseaux dont se servent les Chandeliers pour couper le bout des meches, & pour les egaliser. Voyez Chandelier. C’est le taillandier qui fait toutes ces sortes de grands ciseaux.

* Forces, ou Jambes de force, (Charpent.) sont des pieces de bois qui servent à soûtenir l’entrait dans lequel elles sont à tenons & mortaises, avec goussets. Voyez nos Planches de Charpenterie.

Forces, (Faire les-) Manége. L’action de faire les forces consiste de la part du cheval dans celle de mouvoir sans cesse de côté & d’autre la mâchoire postérieure. Par ce mouvement continuel & desagréable, le point d’appui varie toûjours ; & les effets de main ne peuvent jamais être justes & certains. Puisque ce n’est que dans les instans où cette même main veut agir, que l’animal se livre à cette action, il me paroît que l’on doit conclure qu’il cherche alors à dérober les barres, ou les autres parties de sa bouche qui se trouvent exposées à l’impression du mors, sans doute à raison de la douleur que lui suscite cette impression, ou d’une incommodité quelconque qu’elle lui apporte. Or cette douleur ou cette incommodité me met en droit de supposer trop de sensibilité dans ces mêmes parties, de l’irrésolution, de la lenteur, de la dureté, & de l’ignorance des mains auxquelles il a d’abord été soûmis. On peut encore chercher l’origine de ce défaut dans la mauvaise ordonnance des premieres embouchures, dans le peu de soin que l’on a eu d’en faire polir & d’en faire joindre exactement les pieces, & plus souvent encore dans le peu d’attention de l’éperonnier à fixer le canon avec une telle précision dans son juste lieu, qu’il ne repose point immédiatement sur la portion tranchante de la barre, & qu’il ne trébuche pas sur la gencive. Des mors trop étroits qui serreront les levres ; des gourmettes trop courtes qui comprimeront la barbe, occasionneront aussi ce vice, auquel on ne peut espérer de remédier qu’autant que l’on substituera, dans de semblables circonstances, des embouchures appropriées à la conformation de la bouche du cheval ; & qu’autant que dans les autres cas, une main habile en ménagera la délicatesse, & entreprendra de corriger l’animal d’une mauvaise habitude qu’il ne perd que difficilement. Du reste, si quelques parties telles que les levres, les barres, la langue, le palais, ou la barbe, sont blessées ou entamées, il n’est pas douteux que le moindre contact qu’elles souffriront sera toûjours suivi & accompagné d’une douleur plus ou moins vive : on aura recours aux médicamens par le moyen desquels ces parties peuvent être rappellées à leur état naturel. (e)


  1. Je crois m’être expliqué avec beaucoup d’exactitude sur la question de la moindre action à l’article Cosmologie. L’espece de reproche qu’on semble m’avoir fait du contraire dans les mém. de l’Académie de 1752, disparoîtra entierement si on veut bien lire avec attention cet article & le mot Causes finales. Par exemple, en parlant du levier dans cet article Cosmologie, je me suis exprimé ainsi, l’application & l’usage du principe ne comportent pas une généralité plus grande ; & au mot Causes finales, j’ai remarqué que le chemin de la réflexion est souvent (& non pas toûjours) un maximum dans les miroirs concaves.
  2. N. B. Dans cet article, N°. 12. au lieu de raison inverse de la triplée, il faut lire raison sous-doublée de la triplée ; & N°. 13. à la fin, il faut lire sinus pour cosinus.