L’Encyclopédie/1re édition/COMPOSITION

COMPOSITION, en Rhétorique, s’entend de l’ordre & de la liaison que doit mettre l’orateur dans les parties d’un discours.

C’est à la composition qu’appartient l’art d’assembler & d’arranger les mots dont le style est formé, & qui servent à le rendre coulant, leger, harmonieux, vif, &c. D’elle aussi dépend l’ordre que les matieres doivent garder entre elles, suivant leur nature & leur dignité, conformément à ce précepte d’Horace commun à l’Eloquence & à la Poésie.

Singulæ quæque locum teneant sortita decenter.

La grande regle imposée par Ciceron aux orateurs, quant au choix & à la distribution des parties du discours & des moyens propres à persuader, c’est d’y observer une sorte de gradation en commençant par les choses moins importantes, & en s’élevant successivement jusqu’à celles qui doivent faire le plus d’impression : semper augeatur & crescat oratio. Voyez Période & Discours. (G)

Composition, en Arithmétique : supposons que l’on ait deux rapports tels, que l’antécédent du premier soit à son conséquent, comme l’antécédent du second est à son conséquent ; alors on saura par composition de raison, que la somme de l’antécédent & du conséquent du premier rapport, est à l’antécédent ou au conséquent du même rapport, comme la somme de l’antécédent & du conséquent du second rapport à l’antécédent ou au conséquent du même rapport.

Par exemple, si A : B ∷ C : D, on aura par composition de raison cette autre proportion A + B : A ou B ∷ C + D : C ou D. (O)

Composition du mouvement est la réduction de plusieurs mouvemens à un seul. La composition du mouvement a lieu lorsqu’un corps est poussé ou tiré par plusieurs. puissances à la fois. Voyez Mouvement. Ces différentes puissances peuvent agir toutes suivant la même direction ou suivant des directions différentes, ce qui produit les lois suivantes.

Si un point qui se meut en ligne droite est poussé par une ou plusieurs puissances dans la direction de son mouvement, il se mouvra toûjours dans la même ligne droite : sa vîtesse seule changera, c’est-à-dire augmentera ou diminuera toûjours en raison des forces impulsives. Si les directions sont opposées, par exemple, si l’une tend en bas, & l’autre en haut, la ligne de tendance du mouvement sera cependant toûjours la même. Mais si les mouvemens composans, ou ce qui est la même chose, les puissances qui les produisent, n’ont pas une même direction, le mouvement composé n’aura aucune de leurs directions particulieres, mais en aura une autre toute différente, qui sera dans une ligne ou droite ou courbe, selon la nature & la direction particuliere des différens mouvemens composans.

Si les deux mouvemens composans sont toûjours uniformes, quelque angle qu’ils fassent entr’eux, la ligne du mouvement composé sera une ligne droite, pourvû que les mouvemens composans fassent toûjours le même angle : il en est de même si les mouvemens ne sont point uniformes, pourvû qu’ils soient semblables, c’est-à-dire qu’ils soient accélérés ou retardés en même proportion, & pourvû qu’ils fassent toûjours le même angle entr’eux.

Ainsi si le point a (Planche de Méchanique, fig. 6.) est poussé par deux forces de directions différentes, savoir en haut vers b, & en avant vers d, il est clair que quand il aura été en avant jusqu’en c, il devra nécessairement être monté jusqu’au point c de la ligne ce ; de sorte que si les mouvemens, suivant ad & ab, étoient uniformes, il se mouvroit toûjours dans la diagonale aec. Car comme les lignes ai, ie, sont toûjours en proportion constante, & que par l’hypothese le mouvement, suivant ad, & le mouvement perpendiculaire à celui-ci, sont tous deux uniformes. il s’ensuit que les lignes ai, ie, seront parcourues dans le même tems ; & qu’ainsi, tandis que le point a parcourra ai par un de ses mouvemens, il parcourra en vertu de l’autre mouvement la ligne ci. D’où il s’ensuit qu’il se trouvera successivement sur tous les points e de la diagonale, & que par conséquent il parcourra cette ligne.

Dans la fig. 6. on a fait les lignes ai, ie, égales entr’elles, c’est-à-dire qu’on a supposé que non seulement les mouvemens étoient uniformes, mais encore qu’ils étoient égaux. Cependant la démonstration précédente auroit toûjours lieu, quand même les mouvemens, suivant ad & ab, ne seroient point égaux, pourvû que ces mouvemens fussent uniformes, ou du moins qu’ils gardassent toûjours entre eux la même proportion. Par exemple, si le mouvement, suivant ad, est double du mouvement suivant ab au commencement, le point a parcourra toûjours la diagonale ac, quelque variation qu’il arrive dans chacun des mouvemens, suivant ad & ab, pourvû que le premier demeure toûjours doublé du second.

De plus, il est évident que la diagonale ac sera parcourue dans le même tems que l’un des côtés ad ou ab auroit été parcouru, si le point a n’avoit eu qu’un seul des deux mouvemens. Si un corps est poussé à la fois par plus de deux forces, par exemple par trois, on cherche d’abord le mouvement composé qui résulte de deux de ces forces ; ensuite regardant ce mouvement composé comme une force unique, on cherche le nouveau mouvement composé qui résulte de ce premier mouvement, & de la troisieme force. Par-là on a le mouvement composé qui résulte des trois forces.

S’il y avoit quatre forces au lieu de trois, il faudroit chercher le mouvement composé de la quatrieme force & du second mouvement composé, & ainsi des autres.

Mais si les mouvemens composans ne gardent pas entr’eux une proportion constante, le point a décrira une courbe par son mouvement composé.

Si un corps comme b (fig. 5.) est poussé ou tiré par trois différentes forces dans trois différentes directions ba, bc, bd, de sorte qu’il ne cede à aucune, mais qu’il reste en équilibre ; alors ces trois forces ou puissances seront entr’elles comme trois lignes droites paralleles à ces lignes, terminées par leur concours mutuel, & exprimant leurs différentes directions, c’est-à-dire que ces trois puissances seront entr’elles comme les lignes be, bc, & bd.

Voilà des principes généraux dont tous les Méchaniciens conviennent. Ils ne sont pas aussi parfaitement d’accord sur la maniere de les démontrer. Il est certain qu’un corps poussé par deux forces uniformes, qui ont différentes directions, & qui agissent continuellement sur lui, décrit la diagonale d’un parallélogramme formé sur les directions de ces forces ; car le point a, par exemple, étant poussé continuellement, suivant ad & suivant ab, ou plûtôt suivant des directions paralleles à ces deux lignes, il est dans le même cas que s’il étoit sur une regle ad qu’il parcourût d’un mouvement uniforme, tandis que cette regle ad se mouvroit toûjours parallelement à elle-même, suivant dc ou ab.

Or dans cette supposition on démontre sans peine que le point a décrit la diagonale ac. Mais lorsque le point a reçoit une impulsion suivant ad, & une autre en même tems, suivant ab, & que les forces qui lui donnent ces impulsions l’abandonnent tout-à-coup, il n’est pas alors aussi facile de démontrer en toute rigueur que ce point a décrit la diagonale ac. Il est vrai que presque tous les auteurs ont voulu réduire ce second cas au premier, & il est vrai aussi qu’il doit s’y réduire. Mais on ne voit pas, ce me semble, assez évidemment l’identité de ces deux cas pour la supposer sans démonstration. On peut prouver qu’ils reviennent au même, de la maniere suivante. Supposons que les deux puissances agissent sur le point a durant un certain tems, & qu’elles l’abandonnent ensuite, il est certain que durant le premier tems il décrira la diagonale, & qu’étant abandonné par ces puissances, il tendra de même à la décrire, & continuera à s’y mouvoir avec un mouvement uniforme, soit que le tems pendant lequel elles ont agi soit long ou court. Ainsi, puisque la longueur du tems pendant lequel les puissances agissent, ne détermine rien ni dans la direction du mobile, ni dans le degré de son mouvement, il s’ensuit qu’il décrira la diagonale dans le cas même où il n’auroit reçû des deux puissances qu’une impulsion subite.

M. Daniel Bernoulli a donné dans le premier volume des mémoires de l’académie de Petersbourg, une dissertation où il démontre la composition des mouvemens par un assez long appareil de propositions. Comme il s’est proposé de la démontrer d’une maniere absolument rigoureuse, on doit moins être surpris de la longueur de sa démonstration. Cependant il semble que le principe dont il s’agit étant un des premiers de la Méchanique, il doit être fondé sur des preuves plus simples & plus faciles ; car telle est la nature de presque toutes les propositions dont l’énoncé est simple.

L’auteur du traité de Dynamique, imprimé à Paris en 1743, a aussi essayé de démontrer en toute rigueur le principe de la composition des mouvemens. C’est aux savans à décider s’il a réussi.

Sa méthode consiste à supposer que le corps soit sur un plan, & que ce plan puisse glisser entre deux coulisses par un mouvement égal & contraire à l’un des mouvemens composans, tandis que les deux coulisses emportent le plan par un mouvement égal & contraire à l’autre mouvement composant. Il est facile de voir que le corps dans cette supposition demeure en repos dans l’espace absolu. Or il n’y demeureroit pas, s’il ne décrivoit la diagonale. Donc, &c. On peut voir ce raisonnement plus développé dans l’ouvrage que nous venons de citer. Pour lui donner encore plus de force, ou plutôt pour ôter tout lieu à la chicane, il n’y a qu’à supposer que la ligne que le corps décrit en vertu des deux forces composantes, soit tracée sur le plan en forme de rainure ; en ce cas il arrivera de deux choses l’une : ou cette rainure sera la diagonale même, & en ce cas il n’y a plus de difficulté ; ou si elle n’est pas la diagonale, on n’aura nulle peine à concevoir comment les parois de la rainure agissent sur le corps & lui communiquent les deux mouvemens du plan pour chaque instant ; d’où l’on conclura par le repos absolu dans lequel le corps doit être, que cette rainure sera la diagonale même. C’est d’ailleurs une supposition très-ordinaire, que d’imaginer un corps sur un plan qui lui communique du mouvement, & qui l’emporte avec lui.

Au reste, les lois de la composition des forces suivent celles de la composition des mouvemens, & on en déduit aussi les lois de l’équilibre des puissances. Par exemple, que be (fig. 5.) représente la force avec laquelle le corps b est poussé de b vers a, alors la même ligne droite be représentera la force contraire égale, par laquelle il doit être poussé de b vers e pour rester en repos ; mais par ce qui a été dit ci-dessus, la force be se peut résoudre dans deux forces agissantes selon les deux directions bd & bc ; & la force poussant de b vers e, est à ces forces comme be est à bd, & à bc ou de respectivement. Donc les deux forces qui agissent suivant les directions bd, bc, seront équivalentes à la force agissant suivant la direction ba, & elles seront à cette force agissant selon la direction ba comme bd, bc, sont à ba ; c’est-à-dire que si le corps est poussé par trois différentes puissances dans les directions ba, bd, bc, lesquelles fassent équilibre entr’elles, ces trois forces seront l’une à l’autre respectivement comme ba, bd, & de ou bc : ce théorème & ses corollaires servent de fondement à toute la méchanique de M. Varignon ; & on en peut déduire immédiatement la plûpart des théorèmes méchaniques de Borelli dans son traité de motu animalium, & calculer d’après ce théorème la force des muscles. (O)

Composition, (Hist. & droit des Barbar.) satisfaction, stipulation qui se faisoit chez les nations barbares par une convention réciproque entre les parens de la personne offensée & ceux de l’offenseur.

Cette satisfaction regardoit celui qui avoit été offensé, s’il pouvoit la recevoir ; & les parens, si l’injure ou le tort leur étoit commun, ou si par la mort de celui qui avoit été offensé la composition leur étoit dévolue.

Tacite en parle dans les mœurs des Germains, de même que la loi des Frisons, qui laissoit le peuple, pour ainsi dire, dans l’état de nature, & où chaque famille pouvoit à sa fantaisie exercer sa vengeance, jusqu’à ce qu’elle eût été satisfaite par la composition.

Depuis, les sages des nations barbares mirent un prix juste à la composition que devoit recevoir celui à qui on avoit fait quelque tort ou quelqu’injure, & leurs lois y pourvûrent avec une exactitude admirable.

La principale composition étoit celle que le meurtrier devoit payer aux parens du mort. La différence des conditions en mettoit une dans les compositions : ainsi dans la loi des Angles, la composition étoit de six cents sous pour la mort d’un adalingue, de deux cents pour celle d’un homme libre, & de trente pour celle d’un serf. Il semble que dans notre façon de penser nous ayons retenu quelque chose de cette loi. La grandeur de la composition établie sur la tête d’un homme constituoit donc une de ses grandes prérogatives ; car outre la distinction qu’elle faisoit de sa personne, elle établissoit pour lui parmi des nations violentes une plus grande sûreté.

Toutes ces compositions étoient à prix d’argent ou de denrées, dont la loi arbitroit même la valeur : ce qui explique comment avec si peu d’argent il y avoit chez les peuples barbares tant de peines pécuniaires. Ces lois s’attacherent à marquer avec précision la différence des torts, des injures, des crimes, afin que chacun connût au juste le montant de la composition qu’il devoit avoir, & qu’il n’en reçût pas davantage. Dans ce point de vûe, celui qui se vengeoit après la satisfaction reçûe, commettoit un grand crime. Un autre crime étoit de ne vouloir point faire la satisfaction. Nous voyons dans divers codes des lois de ces peuples, que les législateurs y obligeoient absolument.

Il auroit été injuste d’accorder une composition aux parens d’un voleur tué dans l’action du vol, ou à ceux d’une femme qui avoit été renvoyée après une séparation pour crime d’adultere. La loi des Bavarois ne donnoit point de composition dans des cas pareils, & punissoit les parens qui en poursuivoient la vengeance.

Il n’est pas rare de trouver dans leurs codes des compositions pour des actions involontaires. La loi des Lombards est presque toûjours sensée ; elle vouloit que dans ce cas on composât suivant sa générosité, & que les parens ne pussent plus poursuivre la vengeance.

Clotaire II. fit un decret très-sage : il défendit à celui qui avoit été volé de recevoir sa composition en secret, & sans l’ordonnance du juge. Voici la raison de cette derniere partie de la loi qui requeroit l’ordonnance du juge.

Il arriva par laps de tems, qu’outre la composition qu’on devoit payer aux parens pour les meurtres, les torts, ou les injures, il fallut payer en outre un certain droit que les codes des lois des Barbares appellent fredum, c’est-à-dire, autant qu’on peut rendre ce mot dans nos langues modernes, une récompense de la protection accordée contre le droit de vengeance.

Quand la loi ne fixoit pas ce fredum, il étoit ordinairement le tiers de ce qu’on donnoit pour la composition, comme il paroît dans la loi des Ripuaires ; & c’étoit le coupable qui payoit ce fredum, lequel étoit un droit local pour celui qui jugeoit dans le territoire. La grandeur du fredum se proportionna à la grandeur de la protection ; cela étoit tout simple : ainsi le droit pour la protection du roi fut plus grand que le droit accordé pour la protection du comte ou des autres juges.

On voit déjà naître ici la justice des seigneurs. Les fiefs comprenoient de grands territoires ; ceux qui obtinrent des fiefs, en obtinrent tous les émolumens possibles ; & comme un des plus grands étoit les profits judiciaires, freda, celui qui avoit le fief avoit aussi la justice, c’est-à-dire le soin de faire payer les compositions de la loi, & sur-tout celui d’en exiger les amendes. Ainsi les compositions ont produit par filiation les justices des seigneurs.

Ensuite les églises ayant acquis des biens très-considérables, firent aussi payer les droits des compositions dans leurs fiefs ; c’est encore ce qu’on devine sans peine : & comme ces droits emportoient nécessairement celui d’empêcher les officiers royaux d’entrer dans leurs territoires pour exiger ces freda, le droit qu’eurent les ecclésiastiques de rendre la justice dans leurs domaines, fut appellé immunité dans le style des formules, des chartes, & des capitulaires. Voilà donc encore l’origine des immunités ecclésiastiques ; & je n’en dirai pas davantage, sinon que cet article est extrait de l’esprit des lois, livre où l’auteur dégage perpétuellement des inconnues, & en trouve la valeur par des grandeurs connues. Art. de M. le Chevalier de Jaucourt.

Composition, (Jurisprud.) signifie dans cette matiere accord, transaction, remise, diminution. Il est parlé dans plusieurs anciennes ordonnances de compositions faites avec des officiers qui avoient malversé dans leurs offices, & avec ceux qui avoient contrevenu aux ordonnances sur le fait des monnoies, au moyen dequoi ils ne pourroient plus être inquiétés à ce sujet. Le reglement de Charles V. du mois de Septembre 1376, défend aux officiers des eaux & forêts de plus faire de compositions dans les procès pendans devant eux, & leur ordonne de les juger conformément aux lois. Il y a aussi des lettres de remission du mois de Septembre 1374 accordées au maître particulier de S. Aventin, qui avoit malversé dans son office, après que par composition faite avec les gens du grand-conseil du roi & les généraux des maîtres des monnoies, il eut promis de payer mille livres au roi. Ordonn. de la troisieme race, VI. vol. On voit par-là que le terme de composition signifie quelquefois une amende qui n’est point décernée en jugement, mais dont celui qui est en faute convient en quelque sorte à l’amiable.

Compositions de rentes, à tems, à vie, à héritage, ou à volonté. Cette expression se trouve dans une ordonnance de Charles V. du dernier Février 1378, & paroît signifier un acte par lequel une personne à laquelle il est dû une rente, consent de perdre une partie du fonds ou des arrérages.

Composition signifie aussi quelquefois une espece d’imposition qui a été concertée avec les habitans d’une province ou d’une ville, ou certains impôts pour lesquels on avoit la liberté de s’abonner. Il en est parlé comme d’une imposition en général, dans l’ordonnance de Charles V. du 2 Juin 1380. (A)

Composition, en Musique ; c’est l’art d’inventer & noter des chants, de les accompagner d’une harmonie convenable, & de faire en un mot une piece de musique complete avec toutes ses parties.

La connoissance de l’harmonie & de ses regles, est le fondement de la composition ; mais elle ne suffit pas pour y réussir : il faut outre cela bien connoître la portée & le caractere des voix & des instrumens ; les chants qui sont de facile ou difficile exécution ; ce qui fait de l’effet & ce qui n’en fait pas ; sentir le caractere des différentes mesures, celui des différentes modulations, pour appliquer toûjours l’une & l’autre à propos ; savoir toutes les regles particulieres que le goût a établies, comme les fugues, les imitations, les canons, les basses-contraintes (Voy. ces mots) ; & enfin être capable de saisir ou de former l’ordonnance de tout un ouvrage, d’en suivre les nuances, & de se remplir en quelque maniere de l’esprit du poëte, sans s’amuser à courir après les mots. C’est avec raison que nos musiciens ont donné le nom de paroles aux poëmes qu’ils mettent en chant. On voit bien en effet par leur maniere de les rendre, que ce ne sont pour eux que des paroles.

Les regles fondamentales de la composition sont toûjours les mêmes ; mais elles reçoivent plus ou moins d’extension ou de relâchement, selon le nombre des parties : car à mesure qu’il y a plus de parties, la composition devient plus difficile, & les regles sont aussi moins séveres. La composition à deux parties s’appelle duo, quand les deux parties chantent également, & que le sujet (Voyez ce mot) est partagé entre elles. Que si le sujet est dans une partie seulement, & que l’autre ne fasse qu’accompagner, on appelle alors la premiere récit, ou solo, & l’autre accompagnement, ou basse-continue si c’est une basse. Il en est de même du trio ou de la composition à trois parties, du quatuor, du quinque, &c. Voyez ces mots.

On compose, ou pour les voix seulement, ou pour les seuls instrumens, ou pour les instrumens & les voix. Les chansons sont les seules compositions qui ne soient que pour les voix ; encore y joint-on souvent quelqu’accompagnement pour les soûtenir. Voyez Accompagnement. Les compositions instrumentales sont pour un chœur d’orchestre, & alors elles s’appellent symphonies, concerto ; ou pour quelqu’espece particuliere d’instrument, & elles s’appellent sonates. Voyez ces mots.

Quant aux compositions destinées pour les voix & pour les instrumens, elles se divisent parmi nous en deux especes principales ; savoir musique latine ou musique d’église, & musique françoise. Les musiques destinées pour l’église, soit pseaumes, hymnes, antiennes, répons, portent le nom générique de motets. Voyez ce mot. La musique françoise se divise encore en musique de théatre, comme nos opéra, & en musique de chambre, comme nos cantates ou cantatilles. Voyez aussi les mots Cantate, Opéra, &c. En général la musique latine demande plus de science de composition ; la musique françoise, plus de génie & de goût. Voyez Compositeur. (S)

* Composition, en Peinture ; c’est la partie de cet art qui consiste à représenter sur la toile un sujet quel qu’il soit, de la maniere la plus avantageuse. Elle suppose 1°. qu’on connoît bien, ou dans la nature, ou dans l’histoire, ou dans l’imagination, tout ce qui appartient au sujet ; 2°. qu’on a reçû le génie qui fait employer toutes ces données avec le goût convenable ; 3°. qu’on tient de l’étude & de l’habitude au travail le manuel de l’art, sans lequel les autres qualités restent sans effet.

Un tableau bien composé est un tout renfermé sous un seul point de vûe, où les parties concourent à un même but, & forment par leur correspondance mutuelle un ensemble aussi réel, que celui des membres dans un corps animal ; ensorte qu’un morceau de peinture fait d’un grand nombre de figures jettées au hasard, sans proportion, sans intelligence, & sans unité, ne mérite non plus le nom d’une véritable composition, que des études éparses de jambes, de nez, d’yeux, sur un même carton, ne méritent celui de portrait, ou même de figure humaine.

D’où il s’ensuit que le peintre est assujetti dans sa composition aux mêmes lois, que le poëte dans la sienne ; & que l’observation des trois unités, d’action, de lieu, & de tems, n’est pas moins essentielle dans la peinture historique que dans la poésie dramatique.

Mais les lois de la composition étant un peu plus vagues dans les autres peintures que dans l’historique, c’est à celle-ci sur-tout que nous nous attacherons, observant seulement de répandre dans le cours de cet article les regles communes à la représentation de tous les sujets, historiques, naturels, ou poétiques.

De l’unité de tems en Peinture. La loi de cette unité est beaucoup plus sévere encore pour le peintre que pour le poëte : on accorde vingt-quatre heures à celui-ci, c’est-à-dire qu’il peut, sans pécher contre la vraissemblance, rassembler dans l’intervalle de trois heures que dure une représentation, tous les évenemens qui ont pû se succéder naturellement dans l’espace d’un jour. Mais le peintre n’a qu’un instant presque indivisible ; c’est à cet instant que tous les mouvemens de sa composition doivent se rapporter : entre ces mouvemens, si j’en remarque quelques-uns qui soient de l’instant qui précede ou de l’instant qui suit, la loi de l’unité de tems est enfreinte. Dans le moment où Calchas leve le couteau sur le sein d’Iphigénie, l’horreur, la compassion, la douleur, doivent se montrer au plus haut degré sur les visages des assistans ; Clitemnestre furieuse s’élancera vers l’autel, & s’efforcera, malgré les bras des soldats qui la retiendront, de saisir la main de Calchas, & de s’opposer entre sa fille & lui ; Agamemnon aura la tête couverte de son manteau, &c.

On peut distinguer dans chaque action une multitude d’instans différens, entre lesquels il y auroit de la maladresse à ne pas choisir le plus intéressant ; c’est, selon la nature du sujet, ou l’instant le plus pathétique, ou le plus gai ou le plus comique ; à moins que des lois particulieres à la peinture n’en ordonnent autrement ; que l’on ne regagne du côté de l’effet des couleurs, des ombres & des lumieres, de la disposition générale des figures, ce que l’on perd du côté du choix de l’instant & des circonstances propres à l’action ; ou qu’on ne croye devoir soûmettre son goût & son génie à une certaine puérilité nationale, qu’on n’honore que trop souvent du nom de délicatesse de goût. Combien cette délicatesse qui ne permet point au malheureux Philoctete de pousser des cris inarticulés sur notre scene, & de se rouler à l’entrée de sa caverne, ne bannit-elle pas d’objets intéressans de la Peinture !

Chaque instant a ses avantages & ses desavantages dans la Peinture ; l’instant une fois choisi, tout le reste est donné. Prodicus suppose qu’Hercule dans sa jeunesse, après la défaite du sanglier d’Erimanthe, fut accueilli dans un lieu solitaire de la forêt par la déesse de la gloire & par celle des plaisirs, qui se le disputerent : combien d’instans différens cette fable morale n’offriroit-elle pas à un peintre qui la choisiroit pour sujet ? on en composeroit une galerie. Il y a l’instant où le héros est accueilli par les déesses ; l’instant où la voix du plaisir se fait entendre ; celui où l’honneur parle à son cœur ; l’instant où il balance en lui-même la raison de l’honneur & celle du plaisir ; l’instant où la gloire commence à l’emporter ; l’instant où il est entierement décidé pour elle.

A l’aspect des déesses il doit être saisi d’admiration & de surprise : il doit s’attendrir à la voix du plaisir ; il doit s’enflammer à celle de l’honneur : dans l’instant où il balance leurs avantages, il est rêveur, incertain, suspendu ; à mesure que le combat intérieur augmente, & que le moment du sacrifice approche, le regret, l’agitation, le tourment, les angoisses, s’emparent de lui : & premitur ratione animus, vincique laborat.

Le peintre qui manqueroit de goût au point de prendre l’instant où Hercule est entierement décidé pour la gloire, abandonneroit tout le sublime de cette fable, & seroit contraint de donner un air affligé à la déesse du plaisir qui auroit perdu sa cause ; ce qui est contre son caractere. Le choix d’un instant interdit au peintre tous les avantages des autres. Lorsque Calchas aura enfoncé le couteau sacré dans le sein d’Iphigénie, sa mere doit s’évanoüir ; les efforts qu’elle feroit pour arrêter le coup sont d’un instant passé : revenir sur cet instant d’une minute, c’est pécher aussi lourdement que d’anticiper de mille ans sur l’avenir.

Il y a pourtant des occasions où la présence d’un instant n’est pas incompatible avec des traces d’un instant passé : des larmes de douleur couvrent quelquefois un visage dont la joie commence à s’emparer. Un peintre habile saisit un visage dans l’instant du passage de l’ame d’une passion à une autre, & fait un chef-d’œuvre. Telle est Marie de Medicis dans la galerie du Luxembourg ; Rubens l’a peinte de maniere que la joie d’avoir mis au monde un fils n’a point effacé l’impression des douleurs de l’enfantement. De ces deux passions contraires, l’une est présente, & l’autre n’est pas absente.

Comme il est rare que notre ame soit dans une assiete ferme & déterminée, & qu’il s’y fait presque toûjours un combat de différens intérêts opposés, ce n’est pas assez que de savoir rendre une passion simple ; tous les instans délicats sont perdus pour celui qui ne porte son talent que jusque-là : il ne sortira de son pinceau aucune de ces figures qu’on n’a jamais assez vûes, & dans lesquelles on apperçoit sans cesse de nouvelles finesses, à mesure qu’on les considere : ses caracteres seront trop décidés pour donner ce plaisir ; ils frapperont plus au premier coup d’œil, mais ils rappelleront moins.

De l’unité d’action. Cette unité tient beaucoup à celle de tems : embrasser deux instans, c’est peindre à la fois un même fait sous deux points de vûe différens ; faute moins sensible, mais dans le fond plus lourde que celle de la duplicité de sujet. Deux actions ou liées, ou même séparées, peuvent se passer en même tems, dans un même lieu ; mais la présence de deux instans différens implique contradiction dans le même fait ; à moins qu’on ne veuille considérer l’un & l’autre cas comme la représentation de deux actions différentes sur une même toile. Ceux d’entre nos poëtes qui ne se sentent pas assez de génie pour tirer cinq actes intéressans d’un sujet simple, fondent plusieurs actions dans une, abondent en épisodes, & chargent leurs pieces à proportion de leur stérilité. Les peintres tombent quelquefois dans le même défaut. On ne nie point qu’une action principale n’en entraîne d’accidentelles ; mais il faut que celles-ci soient des circonstances essentielles à la précédente : il faut qu’il y ait entre elles tant de liaison & tant de subordination, que le spectateur ne soit jamais perplexe. Variez le massacre des Innocens en tant de manieres qu’il vous plaira ; mais qu’en quelqu’endroit de votre toile que je jette les yeux, je rencontre par-tout ce massacre ; vos épisodes, ou m’attacheront au sujet, ou m’en écarteront ; & le dernier de ces effets est toûjours un vice. La loi d’unité d’action est encore plus sévere pour le peintre que pour le poëte. Un bon tableau ne fournira guere qu’un sujet, ou même qu’une scene de drame ; & un seul drame peut fournir matiere à cent tableaux différens.

De l’unité de lieu. Cette unité est plus stricte en un sens & moins en un autre pour le peintre que pour le poëte. La scene est plus étendue en peinture, mais elle est plus une qu’en poësie. Le poëte qui n’est pas restraint à un instant indivisible comme le peintre, promene successivement l’auditeur d’un appartement dans un autre ; au lieu que si le peintre s’est établi dans un vestibule, dans une salle, sous un portique, dans une campagne, il n’en sort plus. Il peut à l’aide de la Perspective agrandir son théatre autant qu’il le juge à-propos, mais sa décoration reste ; il n’en change pas.

De la subordination des figures. Il est évident que les figures doivent se faire remarquer à proportion de l’intérêt que j’y dois prendre ; qu’il y a des lieux relatifs aux circonstances de l’action, qu’elles doivent occuper naturellement, ou dont elles doivent être plus ou moins éloignées ; que chacune doit être animée & de la passion & du degré de passion qui convient à son caractere ; que s’il y en a une qui parle, il faut que les autres écoutent ; que plusieurs interlocuteurs à la fois font dans un tableau un aussi mauvais effet que dans une compagnie ; que tout étant également parfait dans la nature, dans un morceau parfait toutes les parties doivent être également soignées, & ne déterminer l’attention que par le plus ou moins d’importance seulement. Si le sacrifice d’Abraham étoit présent à vos yeux, le buisson & le bouc n’y auroient pas moins de vérité que le sacrificateur & son fils ; qu’ils soient donc également vrais sur votre toile ; & ne craignez pas que ces objets subalternes fassent négliger les objets importans. Ils ne produisent point ces effets dans la nature, pourquoi le produiroient-ils dans l’imitation que vous en ferez ?

Des ornemens, des draperies & autres objets accessoires. On ne peut trop recommander la sobriété & la convenance dans les ornemens : il est en Peinture ainsi qu’en Poésie une fécondité malheureuse ; vous avez une crêche à peindre, à quoi bon l’appuyer contre les ruines de quelque grand édifice, & m’élever des colonnes dans un endroit où je n’en peux supposer que par des conjectures forcées ? Combien le précepte d’embellir la nature a gâté de tableaux ! ne cherchez donc pas à embellir la nature. Choisissez avec jugement celle qui vous convient, & rendez-la avec scrupule. Conformez-vous dans les habits à l’histoire ancienne & moderne, & n’allez pas dans une passion mettre aux Juifs des chapeaux chargés de plumets.

Chassez de votre composition toute figure oiseuse, qui ne l’échauffant pas, la refroidiroit ; que celles que vous employerez ne soient point éparses & isolées ; rassemblez-les par groupes ; que vos groupes soient liés entr’eux ; que les figures y soient bien contrastées, non de ce contraste de positions académiques, où l’on voit l’écolier toûjours attentif au modele & jamais à la nature ; qu’elles soient projettées les unes sur les autres, de maniere que les parties cachées n’empêchent point que l’œil de l’imagination ne les voye tout entieres ; que les lumieres y soient bien entendues ; point de petites lumieres éparses qui ne formeroient point de masses, ou qui n’offriroient que des formes ovales, rondes, quarrées, paralleles ; ces formes seroient aussi insupportables à l’œil, dans l’imitation des objets qu’on ne veut point symmétriser, qu’il en seroit flatté dans un arrangement symmétrique. Observez rigoureusement les lois de la Perspective ; sachez profiter du jet des draperies : si vous les disposez convenablement, elles contribueront beaucoup à l’effet ; mais craignez que l’art ne s’apperçoive & dans cette ressource, & dans les autres que l’expérience vous suggérera, &c.

Telles sont à-peu-près les regles générales de la composition ; elles sont presqu’invariables ; & celles de la pratique de la Peinture ne doivent y apporter que peu ou point d’altération. J’observerai seulement que de même que l’homme de lettres raconte un fait en historien, ou en poëte, un peintre en fait le sujet d’un tableau historique ou poétique. Dans le premier cas, il semble que tous les êtres imaginaires, toutes les qualités métaphysiques personnifiées, en doivent être bannis ; l’histoire veut plus de vérité ; il n’y a pas un de ces écarts dans les batailles d’Alexandre ; & il semble dans le second cas, qu’il ne soit guere permis de personnifier que celles qui l’ont toûjours été, à moins qu’on ne veuille repandre une obscurité profonde dans un sujet fort clair. Aussi je n’admire pas autant l’allégorie de Rubens dans l’accouchement de la reine, que dans l’apothéose de Henri : il m’a toûjours paru que le premier de ces objets demandoit toute la vérité de l’histoire, & le second tout le merveilleux de la poésie.

On appelle compositions extravagantes, celles où les figures ont des formes & des mouvemens hors de la nature ; compositions forcées, celles où les mouvemens & les passions pechent par excès ; compositions confuses, celles où la multitude des objets & des incidens éclipsent le sujet principal ; compositions froides, celles où les figures manquent de passions & de mouvemens ; compositions maigres, celles où le peintre n’a pas sû tirer parti de son sujet, ou dont le sujet est ingrat ; compositions chargées, celles où le peintre a montré trop d’objets, &c.

Une composition peut aisément être riche en figures & pauvre d’idées ; une autre composition excitera beaucoup d’idées, ou en inculquera fortement une seule, & n’aura qu’une figure. Combien la représentation d’un anachorete ou d’un philosophe absorbé dans une méditation profonde n’ajoûtera-t-elle pas à la peinture d’une solitude ? il semble qu’une solitude ne demande personne ; cependant elle sera bien plus solitude si vous y mettez un être pensant. Si vous faites tomber un torrent des montagnes, & que vous vouliez que j’en sois effrayé, imitez Homere, placez à l’écart un berger dans la montagne, qui en écoute le bruit avec effroi.

Nous ne pouvons trop inviter les Peintres à la lecture des grands Poëtes, & reciproquement les Poëtes ne peuvent trop voir les ouvrages des grands Peintres ; les premiers y gagneront du goût, des idées, de l’élevation ; les seconds, de l’exactitude & de la vérité. Combien de tableaux poétiques qu’on admire, & dont on sentiroit bien-tôt l’absurdité si on les exécutoit en peinture ? Il n’y a presque pas un de ces poëmes appellés temples, qui n’ait un peu ce défaut. Nous lisons ces temples avec plaisir ; mais l’architecte qui réalise dans son imagination les objets à mesure que le poëte les lui offre, n’y voit selon toute apparence qu’un édifice bien confus & bien maussade.

Un peintre qui aime le simple, le vrai & le grand, s’attachera particulierement à Homere & à Platon. Je ne dirai rien d’Homere, personne n’ignore jusqu’où ce poëte a porté l’imitation de la nature. Platon est un peu moins connu de ce côté, j’ose pourtant assûrer qu’il ne le cede guere à Homere. Presque toutes les entrées de ses dialogues sont des chefs-d’œuvre de vérité pittoresque : on en rencontre même dans le cours du dialogue ; je n’en apporterai qu’un exemple tiré du banquet. Le banquet qu’on regarde communément comme une chaîne d’hymnes à l’Amour, chantés par une troupe de philosophes, est une des apologies les plus délicates de Socrate. On sait trop le reproche injuste auquel ses liaisons étroites avec Alcibiade l’avoient exposé. Le crime imputé à Socrate étoit de nature que l’apologie directe devenoit une injure ; aussi Platon n’a-t-il garde d’en faire le sujet principal de son dialogue. Il assemble des philosophes dans un banquet : il leur fait chanter l’Amour. Le repas & l’hymne étoient sur la fin, lorsqu’on entend un grand bruit dans le vestibule ; les portes s’ouvrent, & l’on voit Alcibiade couronné de lierre & environné d’une troupe de joüeuses d’instrumens. Platon lui suppose cette pointe de vin qui ajoûte à la gaieté & qui dispose à l’indiscrétion. Alcibiade entre ; il divise sa couronne en deux autres ; il en remet une sur sa tête, & de l’autre il ceint le front de Socrate : il s’informe du sujet de la conversation ; les philosophes ont tous chanté le triomphe de l’Amour. Alcibiade chante sa défaite par la Sagesse, ou les efforts inutiles qu’il a faits pour corrompre Socrate. Ce récit est conduit avec tant d’art, qu’on n’y apperçoit par-tout qu’un jeune libertin que l’yvresse fait parler, & qui s’accuse sans ménagement des desseins les plus corrompus & de la débauche la plus honteuse : mais l’impression qui reste au fond de l’ame, sans qu’on le soupçonne pour le moment, c’est que Socrate est innocent, & qu’il est très-heureux de l’avoir été ; car Alcibiade entêté de ses propres charmes, n’eût pas manqué d’en relever encore la puissance, en dévoilant leur effet pernicieux sur le plus sage des Athéniens. Quel tableau, que l’entrée d’Alcibiade & de son cortege au milieu des philosophes ! n’en seroit-ce pas encore un bien intéressant & bien digne du pinceau de Raphael ou de Vanloo, que la représentation de cette assemblée d’hommes vénérables enchaînés par l’éloquence & les charmes d’un jeune libertin, pendentes ab ore loquentis ? Quant aux parties de la Peinture dont la composition suppose la connoissance ; voyez Coloris, Dessein, Draperies, Perspective, Groupes, Couleurs, Peinture, Clair-obscur, Ombre, Lumieres &c. Nous n’avons dû exposer dans cet article que ce qui en concernoit l’objet particulier.

Composition, dans le Commerce, se dit d’un contrat passé entre un débiteur insolvable & ses créanciers, par lequel ceux-ci consentent à recevoir une partie de la dette en compensation du tout, & en conséquence donnent une quittance générale.

Composition, se dit aussi, dans le Commerce, du bon marché qu’on donne d’une chose ; faire bonne composition de sa marchandise, c’est se relâcher sur le prix.

Composition. (Pharm.) Voyez Composé[1].

Composition, en termes d’Imprimerie, s’entend de l’arrangement des lettres, qui, levées les unes après les autres, forment un nombre de lignes, de pages, & de feuilles. Un ouvrier compositeur interrogé pour savoir où il en est de sa composition, répond : il me reste à faire 6 pages 20 lignes de composition pour parfaire ma feuille.


  1. Voir errata, tome V, p. 1011 : Les art. Composé & Composition, (Chimie.) ont été omis ; on les expliquera à l’article Mixte & Mixtion.