L’Encyclopédie/1re édition/PERCUSSION
PERCUSSION, s. f. en Physique, est l’impression qu’un corps fait sur un autre qu’il rencontre & qu’il choque ; ou le choc & la collision de deux corps qui se meuvent, & qui en se frappant l’un l’autre, alterent mutuellement leur mouvement. V. Mouvement, Communication, Choc, Collision, &c.
La percussion est ou directe ou oblique.
La percussion directe, est celle où l’impulsion se fait suivant une ligne perpendiculaire à l’endroit du contact, & qui de plus passe par le centre de gravité commun des deux corps qui se choquent.
Ainsi, dans les spheres, la percussion est directe, quand la ligne de direction de la percussion passe par le centre des deux spheres, parce qu’alors elle est aussi perpendiculaire à l’endroit du contact.
La percussion oblique est celle où l’impulsion se fait suivant une ligne oblique à l’endroit du contact, ou suivant une ligne perpendiculaire à l’endroit du contact, qui ne passe point par le centre de gravité des deux corps. Voyez Oblique.
C’est une grande question en Mathématique & en Physique, que de savoir quel est le rapport de la force de la pesanteur à celle de la percussion. Il est certain que cette derniere paroît beaucoup plus grande : car, par exemple, un clou qu’on fait entrer dans une table avec des coups de marteau assez peu forts, ne peut être enfoncé dans la même table par un poids immense qu’on mettroit dessus. On sentira aisément la raison de cette différence, si on fait attention à la nature de la pesanteur. Tout corps qui tombe s’accélere en tombant, mais sa vîtesse au commencement de sa chûte est infiniment petite, de façon que s’il ne tombe pas réellement, mais qu’il soit soutenu par quelque chose, l’effort de la pesanteur ne tend qu’à lui donner, au premier instant, une vîtesse infiniment petite. Ainsi un poids énorme, appuyé sur un clou, ne tend à descendre qu’avec une vîtesse infiniment petite ; & comme la force de ce corps est le produit de sa masse par la vîtesse avec laquelle il tend à se mouvoir, il s’ensuit qu’il tend à pousser le clou avec une force très-petite. Au contraire, un marteau avec lequel on frappe le clou, a une vitesse & une masse fixées, & par conséquent sa force est plus grande que celle du poids. Si on ne vouloit pas admettre que la vîtesse actuelle, avec laquelle le poids tend à se mouvoir, est infiniment petite, on ne pourroit au moins s’empêcher de convenir qu’elle est fort petite, & alors l’explication que nous venons de donner demeureroit la même. Voyez sur cette question l’article Force accélératrice.
On agite encore une autre question qui n’est pas moins importante. On demande si les lois de la percussion des corps telles que nous les observons, sont des lois nécessaires, c’est-à-dire s’il n’eût pas pû y en avoir d’autres. Par exemple, s’il est nécessaire qu’un corps qui vient en frapper un autre de même masse lui communique du mouvement, & s’il ne pourroit pas se faire que les deux corps restassent en repos après le choc. Nous croyons, & nous avons prouvé aux articles Dynamique & Méchanique, que cette question se réduit à savoir si les lois de l’équilibre sont nécessaires : car dans la percussion mutuelle de deux corps, de quelque façon qu’on la considere, il y a toujours des mouvemens qui se détruisent mutuellement. Or si les mouvemens ne peuvent se détruire que quand ils ont un certain rapport, par exemple, quand les masses sont en raison inverse des vîtesses, il n’y aura qu’une loi possible d’équilibre, & par conséquent qu’une maniere de déterminer les lois de la percussion. Car supposons, par exemple, que deux corps M, m, se viennent choquer directement en sens contraires avec des vitesses A, a, & que V, v, soient les vitesses qu’ils doivent avoir après le choc, il est certain que les vîtesses A, a, peuvent être regardées comme composées des vîtesses V & , & u, ; or, 1°. les vîtesses V, u, qui sont celles que les corps gardent, doivent être telles qu’elles ne se nuisent point l’une à l’autre ; donc elles doivent être égales & en même sens, donc ; 2°. de plus, il faut que les vîtesses , se détruisent mutuellement, c’est-à-dire que la masse Mmultipliée par la vîtesse A-V doit être égale à la masse m multipliée par la vîtesse , ou (parce que la vîtesse -u qui est égale à V est en sens contraire de la vîtesse a, & qu’ainsi a-u est réellement ) ; on aura donc ; donc , d’où l’on voit que l’on détermine facilement la vitesse V, & qu’elle ne peut avoir que cette valeur. Mais s’il y avoit une autre loi d’équilibre, on auroit une autre équation que , & par conséquent une autre valeur de V : ainsi la question dont il s’agit se réduit à savoir s’il peut y avoir d’autres lois de l’équilibre que celles qui nous sont connues, par le raisonnement & par l’experience ; c’est-à-dire s’il est nécessaire que les masses soient précisément en raison inverse des vîtesses pour être en équilibre. Cette question métaphysique est fort difficile à résoudre ; cependant on peut au moins y jetter quelque jour par la réflexion suivante. Il est certain que la loi d’équilibre, lorsque les masses sont en raison inverse des vîtesses, est une loi nécessaire, c’est-à-dire qu’il y a nécessairement équilibre lorsque les masses de deux corps qui se choquent directement, sont entr’elles dans ce rapport. Ainsi, quelles que puissent être les lois générales des percussions, il est incontestable que deux corps égaux & parfaitement durs, qui se chocuent directement avec des vîtesses égales, resteront en repos ; & si l’un de ces corps étoit double de l’autre & qu’il n’eût qu’une vîtesse sous-double, il, resteroient aussi nécessairement en repos l’un & l’autre. Or si la loi d’équilibre dont on doit se servir pour trouver les lois du choc étoit différente de cette premiere loi, il paroîtroit difficile de réduire à un principe général tout ce qui regarde les percussions. Supposons, par exemple, que la loi d’équilibre que les corps observent dans le choc soit telle que les masses doivent être en raison directe des vîtesses au lieu d’être en raison réciproque, on trouveroit dans l’exemple précédent ; d’où l’on voit que si les masses M & m étoient en raison inverse des vîtesses A, a, on trouveroit que les corps M & m devroient se n ouvoir après le choc, & qu’ainsi il n’y auroit point d’équilibre, quoiqu’il soit démontré qu’il doit y avoir équilibre alors ; ainsi la formule précedente seroit fautive, au moins pour cas-là ; & par conséquent il faudroit différentes formules pour les différentes hypotheses de percussion : cet inconvénient n’auroit pas lieu en suivant notre premiere formule ; & il faut avouer qu’elle paroît en cela beaucoup plus conforme à la simplicité & à l’uniformité de la nature. Quoi qu’il en soit, nous nous attacherons à cette derniere formule, comme étant la plus conforme à l’expérience, & suivie aujourd’hui par tous les philosophes modernes. Voyez sur la nécessité ou la contingence des lois du mouvement, la préface de la nouvelle édition de mon traité de Dynamique, 1759.
Descartes paroit être le premier qui ait pensé qu’il y avoit des lois de percussion, c’est-à-dire des lois suivant lesquelles les corps se communiquoient du mouvement : mais ce grand homme n’a pas tiré d’une idée si belle & si féconde, tout le parti qu’il auroit pû. Il se trompa sur la plupart de ces lois, & les plus zélés des sectateurs qui lui restent, l’abandonnent aujourd’hui sur ce point. Ms Huyghens, Wren, & Wallis sont les premiers qui les aient données d’une maniere exacte, & ils ont été suivis ou copiés depuis par une multitude d’auteurs.
On peut distinguer au moins dans la spéculation trois sortes de corps, des corps parfaitement durs, des corps parfaitements mols, & des corps parfaitement élastiques.
Dans les corps sans ressort, soit parfaitement durs, soit parfaitement mols, il est facile de déterminer les lois de la percussion ; mais comme les corps, même les plus durs, ont une certaine élasticité, & que les lois du choc des corps à ressort sont fort différentes des lois du choc des corps sans ressort ; nous allons donner séparément les unes & les autres.
Nous ne devons pas cependant négliger de remarquer, que le célebre M. Jean Bernoully, dans son discours sur les lois de la communication du mouvement, a prétendu qu’il étoit absurde de donner les lois du choc des corps parfaitement durs ; la raison qu’il en apporte est, que rien ne se fait par saut dans la nature, natura non operatur per saltum, tous les changemens qui arrivent s’y font par des degrés insensibles ; ainsi, dit-il, un corps qui perd son mouvement ne le perd que peu-à-peu & par des degrés infiniment petits, & il ne sauroit, en un instant & sans gradation, passer d’un certain degré de vîtesse ou de mouvement, à un autre degré qui en differe considérablement : c’est cependant ce qui devroit arriver dans le choc des corps parfaitement durs ; donc, conclut cet auteur, il est absurde d’en vouloir donner les lois, & il n’y a point dans la nature de corps de cette espece.
On peut répondre à cette objection, 1°. qu’il n’y a point à la vérité de corps parfaitement durs dans la nature, mais qu’il y en a d’extrèmement durs, & que le changement qui arrive dans le mouvement de ces corps, quoiqu’il puisse se faire par des degrés insensibles, se fait cependant en un tems si court, qu’on peut regarder ce tems comme nul ; de sorte que les lois du choc des corps parfaitement durs sont presque exactement applicables à ces corps : 2°. qu’il est toujours utile dans la spéculation de considérer ce qui doit arriver dans le choc des corps parfaitement durs, pour s’assurer de la différence qu’il y auroit entre les chocs mutuels de ces corps & ceux des corps que nous connoissons : 3°. que le principe dont part M. Bernoulli, que la nature n’opere jamais par saut, n’est peut-être pas aussi général & aussi peu susceptible d’exception qu’il le prétend. Les lois du choc peuvent en fournir un exemple. Imaginons deux boules parfaitement égales & élastiques qui viennent se choquer avec des vitesses égales en sens contraires, il est certain qu’à l’instant du choc le point de contact commun perd tout-d’un-coup toute sa vîtesse ; & comme on ne peut pas supposer la matiere actuellement divisée à l’infini, il est impossible que ce point perde toute sa vîtesse, sans qu’une petite partie qui lui sera voisine dans chaque sphere, ne perde aussi la sienne : voilà donc deux corps qui perdent tout-d’un-coup leur mouvement sans que cette perte se fasse par des degrés insensibles.
Quoi qu’il en soit, nous allons exposer les lois du choc des corps durs, & celles des corps mous, telles que l’expérience & le raisonnement les confirment. Ces lois sont les mêmes, quant au résultat ; mais la maniere dont se fait la communication du mouvement entre les corps durs & entre les corps mous, est différente. Ceux-ci changent de figure par le choc, & ne la reprennent plus, de façon que leur mouvement change aussi par degrés. Les corps durs au contraire ne changent point de figure, & se communiquent leur mouvement dans un instant.
Pour trouver le mouvement que doivent avoir après le choc, deux masses qui se frappent, en sens contraire, avec des vîtesses connues, on se servira de la formule ci-dessus. .
Si l’une des masses, comme m, étoit en repos, alors la vîtesse a seroit égale à zero, & l’on auroit pour la vîtesse commune des deux masses après le choc.
Enfin si cette masse m, au lieu de se mouvoir dans une direction opposée à celle de la masse M, se mouvoit dans le même sens avec une vîtesse a (qui fût moindre que la vîtesse A, afin que la masse M pût l’attraper), en ce cas il faudroit changer le signe du terme où a se trouve dans la formule ci-dessus, & on aura pour la vîtesse que doivent avoir après le choc, deux masses M, qui alloient du même côté avant le choc. La vîtesse après le choc étant connue, il sera aisé de trouver la quantité de mouvement de chacun des corps après le choc, car ces quantités de mouvement seront MV & mV, ou & ; par conséquent, retranchant ces quantités de mouvement des quantités de mouvement que les corps avoient avant le choc, on aura ce qu’ils ont perdu ou gagné de quantité de mouvement perdu, si la différence est positive, & gagné, si elle est négative ; on aura ainsi & ; or de ces différentes formules on tirera aisément les lois suivantes, que nous nous contenterons d’exposer.
Lois de la percussion dans les corps sans ressort. 1o. Si un corps en mouvement, comme A (Pl. méch. fig. 40.), choque directement un autre corps en B, le premier perdra une quantité de mouvement précisément égale à celle qu’il communiquera au second ; de sorte que les deux corps iront ensemble après le choc, avec une égale vîtesse, comme s’ils ne faisoient qu’une seule masse. Si A est triple de B, il perdra un quart de son mouvement : de sorte que s’il parcouroit avant le choc 24 piés en une minute, il ne parcourra plus après le choc que 18 piés, &c.
2o. Si un corps en mouvement A en rencontre un autre B, qui soit lui-même déjà en mouvement, le premier augmentera la vîtesse du second ; mais il perdra moins de son mouvement que si le second corps étoit en repos, puisque pour faire aller les deux corps ensemble, après le choc, comme cela est necessaire, le corps A a moins de vitesse à donner au second corps, que quand ce second corps étoit en repos.
Supposons, par exemple, que le corps A ait douze degrés de mouvement, & qu’il vienne à choquer un autre corps B, moindre de la moitié, & en repos, le corps A donnera au corps B quatre degrés de mouvement & en retiendra huit pour lui : mais si le corps choque B a déjà trois degrés de mouvement lorsque le corps A le choque, le corps A ne lui donnera que deux degrés de mouvement ; car A étant double de B, celui-ci n’a besoin que de la moitié du mouvement de A pour aller avec une vitesse égale à celle de A.
3o. Si un corps A en mouvement choque un autre corps B, qui soit en repos, ou qui se meuve plus lentement, soit dans la même direction, soit dans une direction contraire, la somme des quantités de mouvement (c’est-à-dire des produits des masses par les vîtesses) si les corps se meuvent du même côté, ou leur différence, s’ils se meuvent en sens contraires, sera la même avant & après le choc.
4o. Si deux corps égaux A & B viennent se choquer l’un l’autre, suivant des directions contraires, avec des vitesses égales, ils resteront tous deux en repos après le choc.
Plusieurs philosophes, & entr’autres Descartes, ont soutenu le contraire de cette loi, & ont prétendu que deux corps égaux & durs venant se choquer avec des vitesses égales & contraires, devoient rester en repos. Leur principale raison est, qu’il ne doit point y avoir de mouvement perdu dans la nature. Mais en premier lieu, il est question ici de corps parfaitement durs, tels qu’il ne s’en trouve point dans l’univers, & par conséquent, quand la prétendue loi de la conservation auroit lieu, elle pourroit n’être pas applicable ici. 2o. Le choc des corps élastiques dont les lois sont confirmées par l’expérience, nous fait voir que la quantité de mouvement n’est pas toujours la même avant & après le choc, mais qu’elle est quelquefois plus grande & quelquefois moindre après le choc qu’avant le choc. 3o. On peut démontrer directement la fausseté de l’opinion cartésienne de la maniere suivante ; toutes les fois qu’un corps change son mouvement en un autre, le mouvement primitif peut être regardé comme composé du nouveau mouvement qu’il prend, & d’un autre qui est détruit. Supposons donc que les corps M, M, égaux qui viennent en sens contraire se choquer avec les vîtesses A, A, réjaillissent après le choc avec ces mêmes vîtesses A, A, en sens contraire, comme le veulent les Cartésiens, c’est-à-dire, avec les vîtesses -A,-A, il est certain que la vîtesse A de l’un des corps avant le choc est composée de la vitesse -A, & de la vîtesse 2A, & qu’ainsi c’est la vîtesse 2 A qui doit être détruite, c’est-à-dire que les corps M, M, animés en sens contraires des vitesses 2 A, 2 A, se font équilibre. Or, cela posé, ils doivent se faire équilibre aussi étant animés des vîtesses simples A, A en sens contraire. Car il n’y a point de raison de disparité ; donc les deux corps dont il s’agit doivent rester en repos après le choc.
5o. Si un corps A, choque directement un autre corps B en repos : sa vîtesse après le choc, sera à sa vîtesse avant le choc, comme la masse de A est à la somme des masses A & B ; par conséquent si les masses A & B sont égales, la vîtesse après le choc sera la moitié de la vîtesse avant le choc.
6o. Si un corps en mouvement A, choque directement un autre corps qui se meuve avec moins de vîtesse, & dans la même direction, la vîtesse après le choc sera égale à la somme des quantités de mouvement divisée par la somme des masses.
7°. Si deux corps égaux, mus avec des vîtesses différentes, se choquent directement l’un l’autre en sens contraire ; ils iront tous deux ensemble après le choc avec une vîtesse commune, égale à la moitié de la différence de leurs vîtesses avant le choc.
8°. Si deux corps A & B se choquent directement en sens contraire avec des vîtesses qui soient en raison inverse de leurs masses ; ils demeureront tous deux en repos après le choc.
9°. Si deux corps A & B se choquent directement en sens contraire avec des vitesses égales, ils iront ensemble après le choc avec une vîtesse commune, qui sera à la vîtesse de chacun des corps avant le choc, comme la différence des masses est à leur somme.
10°. La force du choc direct ou perpendiculaire, est à celle du choc oblique, toutes choses d’ailleurs égales, comme le sinus total, est au sinus de l’obliquité. Voyez Décomposition.
Lois de la percussion pour les corps élastiques. 11°. Dans les corps à ressort parfait, la force de l’élasticité est égale à la force avec laquelle ces corps sont comprimes ; c’est-à-dire que la collision des deux corps l’un contre l’autre est équivalente à la quantité de mouvement que l’un ou l’autre des deux acquéreroit ou perdroit si les corps étoient parfaitement durs & sans ressort. Or, comme la force du ressort s’exerce en sens contraire, il faut retrancher le mouvement qu’elle produit du mouvement du corps choquant, & l’ajouter à celui du corps choque ; on aura de cette maniere les vitesses après la percussion. Voyez Elasticité.
12°. Si un corps vient frapper directement un obstacle immobile, le corps & l’obstacle etant tous deux élastiques, ou l’un des deux seulement, le corps sera refléchi dans la même ligne suivant laquelle il étoit venu, & avec la même vitesse. Car s’il n’y avoit de ressort ni dans le corps ni dans l’obstacle, toute la force du choc seroit employée à surmonter la résistance de l’obstacle ; & par conséquent le mouvement seroit entierement perdu : or cette force du choc est employée ici à bander le ressort d’un des corps ou de tous les deux ; de sorte que quand le ressort est entierement bandé, il se débande avec cette même force, & par conséquent repousse le corps choquant avec une force égale à celle qu’il avoit, & fait retourner ce corps en arriere avec la vîtesse qu’il avoit avant le choc. De plus, le ressort se débande dans la même ligne suivant laquelle il a été bandé, puisqu’on suppose que le choc est direct ; d’où il s’ensuit qu’il doit repousser le corps choquant dans la même ligne droite suivant laquelle ce corps est venu.
13°. Si un corps élastique vient frapper obliquement un obstacle immobile, il se réfléchira de maniere que l’angle de reflexion sera égal à l’angle d’incidence. Voyez Miroir & Miroir.
14°. Si un corps élastique A, choque directement un autre corps B en repos qui lui soit égal ; après le choc, A demeurera en repos, & B ira en avant avec la même vîtesse, & suivant la même direction que le corps A avoit avant le choc.
Car si les corps n’étoient point élastiques, chacun auroit après le choc la même direction, & une vîtesse commune, égale à la moitié de la vîtesse du corps A ; mais comme le ressort agit en sens contraire, avec une force égale à celle de la compression ; il doit repousser A avec la moitié de la vîtesse, & par conséquent arrêter son mouvement ; au contraire il doit pousser en avant avec cette même moitié de vîtesse le corps B, dont la vîtesse totale sera par conséquent égale à celle du corps A avant le choc.
Donc puisque A (Pl. Méch. fig. 41.) transfere toute sa force à B, B la transférera de même à C ; C à D, & D à E. Donc si on a plusieurs corps élastiques égaux qui se touchent l’un l’autre, & que A vienne choquer B, tous les corps intermédiaires resteront en repos, & le dernier seul E s’en ira avec une vîtesse égale à celle avec laquelle le corps A, a choqué B.
15°. Si deux corps élastiques égaux A, B, se choquent directement en sens contraire avec des vitesses égales ; ils se réfléchiront après le choc, chacun avec la vîtesse qu’il avoit, & dans la même ligne. Car, mettant à part le ressort, il est certain que ces deux corps resteroient en repos : or toute la force du choc est employée à la compression du ressort, & le ressort se débande en sens contraire avec la même force par laquelle il a été bandé, donc il doit rendre a chacun de ces corps leurs vîtesses, puisqu’il agit également sur chacune.
16°. Si deux corps à ressort égaux A & B se choquent directement en sens contraire avec des vitesses inegales ; après le choc ils se réfléchiront en faisant échange de leurs vitesses.
Car supposons que les corps se choquent avec les vîtesses C+c & C ; s’ils se choquoient avec la même vîtesse C, ils devroient, après le choc, se réfléchir avec cette même vitesse. Si B étoit en repos, & que A le choquât avec la vitesse c, B prendroit la vîtesse c après le choc, & A demeureroit en repos. Donc l’excès c de la vitesse de A sur celle de B, est transféré entierement au corps B ; ainsi A se meut après le choc avec la vîtesse C, & B avec la vîtesse C+c.
Donc les deux corps s’éloignent l’un de l’autre après le choc avec une vitesse égale à celle avec laquelle ils s’approchoient avant le choc.
17°. Si un corps élastique A, choque un autre corps B qui lui soit égal, & qui ait un moindre degré de mouvement, suivant la même direction ; ces deux corps iront après le choc, suivant la même direction, & feront échange de leurs vitesses.
Car si A est supposé choquer avec la vîtesse C+c le corps B qui n’ait que la vîtesse C ; il est evident que des vîtesses égales C, & C, il ne peut résulter aucun choc ; ainsi tout se passe de la même maniere que si le corps A choquoit le corps B en repos, avec la seule vîtesse c. Or dans ce cas A resteroit en repos après le choc, & donneroit à B la vîtesse entiere c. Donc après le choc B aura la vîtesse C+c, & A ne gardera que la vîtesse C ; & chacun de ces deux corps conservera la même direction.
18°. Si un corps en mouvement A choque un autre corps B aussi en mouvement ; le choc sera le même que si le corps A venoit choquer le corps B en repos, avec la différence des vîtesses.
Donc, puisque la force élastique est égale à la percussion ; il s’ensuit que cette force agit sur le corps A, B, avec la différence des vîtesses qu’ils avoient avant de se rencontrer.
19°. On propose de déterminer les vîtesses que doivent avoir après le choc deux corps élastiques que conques qui se rencontrent & se frappent directement avec des vîtesses quelconques. Si un corps à ressort A choque un autre corps à ressort B, qui soit en repos, ou qui se meuve moins vîte que A, voici comment on trouvera la vîtesse de l’un des corps ; par exemple, de A après la percussion. On fera, comme la somme des deux masses est au double de l’un des deux corps qui, dans ce cas-ci est B ; ainsi la différence des vîtesses avant le choc est à une autre vîtesse, qui étant soustraite de la vîtesse du corps A avant le choc ; & dans d’autre cas lui étant ajoutée, donnera la vitesse qui lui reste après le choc.
Pour déterminer cette loi générale du choc des corps élastiques, on n’a besoin que du principe suivant ; si deux corps élastiques se viennent choquer directement avec des quantités de mouvement égales, c’est-à-dire avec des vîtesses en raison inverse de leurs masses, ils retourneront après le choc en arriere, chacun avec la vîtesse qu’il avoit avant le choc. En effet, si les corps dont il s’agit étoient parfaitement durs, nous avons vu qu’ils resteroient en repos, & qu’ils se feroient équilibre, parce que leurs mouvemens seroient détruits. Or l’effet du ressort parfait, tel qu’on le suppose ici, est de rendre à chaque corps en sens contraire le mouvement qu’il a perdu ; donc les deux corps réjailliront avec leurs vîtesses primitives.
Or nous avons vu que dans le choc de deux corps durs il y a toujours deux quantités de mouvement égales & contraires qui se détruisent, c’est pourquoi ces quantités de mouvement doivent être rendues à chacun des corps en sens contraire pour avoir leur quantité de mouvement après le choc, & par conséquent leurs vîtesses. Par exemple, dans le cas où les deux corps M, m, vont du même côté avant le choc avec les vîtesses A, a, nous avons vu que leur vîtesse commune V après le choc seroit en les considérant comme des corps durs, d’où il s’ensuit que la quantité de mouvement que le corps A a perdu, c’est-à-dire, , & qui a dû être détruite dans le choc, est ; ajoutant cette quantité de mouvement en sens contraire à la quantité de mouvement MV, c’est-à-dire, l’en retranchant, on aura pour la quantité de mouvement du corps M après le choc, en le supposant à ressort ; & ajoutant cette même quantité de mouvement à mV, on aura pour la quantité de mouvement du corps m après le choc Par le moyen de ces deux formules on déterminera aisément la loi dont il s’agit & les suivantes.
20°. Si un corps à ressort A choque directement un autre corps en repos B, la vîtesse de A après le choc, sera à sa vîtesse avant le choc, comme la différence des masses est à leur somme, & la vîtesse de B après le choc sera à la vîtesse de A avant le choc comme le double de la masse de A est à la somme des masses.
Ainsi la vîtesse de A après le choc est à la vîtesse de B, comme la différence des masses est au double de la masse A.
21°. Si deux corps à ressort A & B, se choquent directement en sens contraire avec des vîtesses qui soient en raison inverse de leurs masses : ils réjailliront après le choc, chacun de son côté, avec la même vitesse, & suivant la même direction qu’ils avoient avant le choc.
22°. Dans le choc direct des corps, la vîtesse respective demeure toujours la même avant & après le choc, c’est à-dire que quand les corps vont tous deux du même côté, la différence des vîtesses est la même avant & après le choc, & que quand ils se choquent en sens contraire, la différence ou la somme des vîtesses après le choc est la même que leur somme avant le choc : savoir la différence si les corps se meuvent dans le même sens après le choc, & la somme s’ils s’éloignent l’un de l’autre après le choc suivant des directions contraires.
Ainsi les deux corps s’éloignent l’un de l’autre après le choc avec la même vîtesse avec laquelle il s’approchoient l’un de l’autre avant le choc.
23°. Dans le choc des corps à ressort, la quantité de mouvement n’est pas toujours la même avant & après le choc ; mais elle augmente quelquefois par le choc, & quelquefois elle diminue.
Ainsi Descartes & ses sectateurs se trompent, lorsqu’ils soutiennent que la même quantité de mouvement subsiste toujours dans l’univers.
24°. Si deux corps à ressort A & B se choquent, la somme des produits des masses par les quarrés des vîtesses est toujours la même avant & après le choc.
C’est le célebre M. Huyghens qui a le premier découvert cette loi, & ceux qui soutiennent que les forces vives des corps, c’est-à-dire, les forces des corps en mouvement sont les produits des masses par les quarrés de leurs vîtesses, s’en servent pour prouver leur opinion ; car ces philosophes font voir que non-seulement dans le choc des corps, mais aussi dans toutes les questions de Dynamique, la somme des masses par les quarrés des vîtesses fait toujours une quantité constante. Or, comme il est naturel de penser, selon eux, que la force des corps en mouvement demeure toujours la même, de quelque maniere qu’ils agissent les uns sur les autres, ces auteurs en concluent que cette force est donc le produit de la masse par le quarré de la vîtesse & non par la vîtesse simple. Voyez Forces vives.
25°. Pour déterminer le mouvement de deux corps A & B (fig. 42.) qui se choquent obliquement, soit que ces corps aient du ressort ou n’en aient point ; le mouvement du corps A suivant AC, peut se décomposer en deux autres, dans les directions AE & AD, & le mouvement du corps B suivant BC, peut aussi se décomposer en deux autres suivant BF & BG, & les vîtesses suivant AD & BF seront aux vîtesses suivant AC & BC, comme les lignes droites AD, BF, AC, & BC : or comme les droites AE & BG sont paralleles, les forces qui agissent suivant ces directions ne sont opposées en rien, & par conséquent, on ne doit point y avoir égard, pour déterminer le mouvement que les deux corps se communiquent par le choc ; mais comme les lignes AD & BF, ou ce qui revient au même, EC & GC, composent une même ligne perpendiculaire à DC ; il s’ensuit que le choc est le même, que si les corps A & B se choquoient directement avec des vîtesses qui fussent entr’elles comme EC & GC. Tout se réduit donc à trouver la vîtesse de A & B suivant les regles données ci-dessus. Supposons, par exemple, que la vîtesse du corps A, après le choc dans la perpendiculaire EC, soit représentée par CH ; comme le mouvement suivant AE n’est point changé par le choc, on fera , & on achevera le parallelogramme HCKI ; la diagonale CI représentera le mouvement de A après le choc ; car après le choc, le corps se mouvra suivant la direction CI, & avec une vîtesse qui sera comme CI. On trouvera de la même maniere que le corps B se réfléchira suivant la diagonale du parallelogramme CM, dans lequel , en supposant que la vîtesse BF se change après le choc en CL ; ainsi les vîtesses après le choc seront entr’elles comme CI à CM.
Centre de percussion est le point dans lequel le choc ou l’impulsion d’un corps qui en frappe un autre, est la plus grande qu’il est possible. Voyez Centre.
Le centre de percussion est le même que le centre d’oscillation, lorsque le corps choquant se meut autour d’un axe fixe. Voyez Oscillation.
Si toutes les parties du corps choquant se meuvent d’un mouvement parallele & avec la même vîtesse ; le centre de percussion est le même que le centre de gravité. Voyez Gravité & Centre.
Sur les lois de la percussion des corps irréguliers, élastiques ou non, voyez mon traité de Dynamique.
J’y ai déterminé, art. 169. de la seconde édition les lois de cette percussion par une méthode fort simple. Cette méthode suppose en général que le mouvement d’un corps après le choc est toujours composé d’un mouvement du centre de gravité en ligne droite, & d’un mouvement de rotation autour de ce centre, lequel mouvement est dans le cas de la percussion directe. On peut voir sur cela un plus grand détail dans l’article cité de mon traité de Dynamique. (O)