L’Encyclopédie/1re édition/AIRAIN ou CUIVRE JAUNE

Texte établi par D’Alembert, Diderot (Tome 1p. 237).
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AIRAIN ou CUIVRE JAUNE, s. m. (Chim.) c’est un métal factice composé de cuivre fondu avec la pierre de calamine qui lui communique la dureté & la couleur jaune. Voyez Métal, Cuivre.

On dit que les Allemands ont possédé long-tems le secret de faire ce métal. Voici présentement comment on le prépare. On mêle avec du charbon de terre de la pierre calamine calcinée & réduite en poudre : on incorpore ces deux substances en une seule masse par le moyen de l’eau ; ensuite quand cela est ainsi préparé, on met environ sept livres de calamine dans un vase à fondre qui doit contenir environ quatre pintes, & on y joint à peu près cinq livres de cuivre : on met le vase dans une fournaise à vent de huit piés de profondeur, & on l’y laisse environ onze heures, au bout duquel tems l’airain est formé. Quand il est fondu, on le jette en masses ou en bandes. Quarante-cinq livres de calamine crue, trente livres étant brûlée ou calcinée, & soixante livres de cuivre, font avec la calamine cent livres d’airain. Du tems d’Erker, fameux Métallurgiste, soixante & quatre livres de cuivre ne donnoient par le moyen de la calamine, que quatre-vingts-dix livres d’airain.

Airain qui autrefois ne signifioit que le cuivre, & dont on se sert présentement plus particulierement pour signifier le cuivre jaune, se dit encore du métal dont on fait des cloches, & qu’on nomme aussi bronze. Ce métal se fait le plus communément avec dix parties de cuivre rouge & une partie d’étain ; on y ajoûte aussi un peu de zinc.

L’airain de Corinthe a eu beaucoup de réputation parmi les Anciens. Le consul Mummius ayant saccagé & brûlé Corinthe 146 ans avant J. C. on dit que ce précieux métal fut formé de la prodigieuse quantité d’or, d’argent & de cuivre dont cette ville étoit remplie, & qui se fondirent ensemble dans cet incendie. Les statues, les vases, &c. qui étoient faits de ce métal, étoient d’un prix inestimable. Ceux qui entrent dans un plus grand détail, le distinguent en trois sortes : l’or étoit le métal dominant de la premiere espece ; l’argent de la seconde ; & dans la troisieme, l’or, l’argent & le cuivre, étoient en égale quantité.

Il y a pourtant une difficulté au sujet du cuivre de Corinthe ; c’est que quelques Auteurs disent que ce métal étoit fort recherché avant le sac de Corinthe par les Romains, ce qui prouveroit que le cuivre de Corinthe n’étoit point le produit des métaux fondus confusément dans l’incendie de cette ville, & que les Corinthiens avoient possédé particulierement l’art de composer un métal où le cuivre dominoit, & qu’on nommoit pour cela cuivre de Corinthe. V. Cuivre.

L’airain ou cuivre jaune est moins sujet à verdir que le cuivre rouge : il est aussi plus dur, c’est de tous les métaux le plus dur : c’est ce qui a fait qu’on s’en est servi pour exprimer la dureté ; on dit un siecle d’airain, un front d’airain, &c. Les limes qui ne peuvent plus servir à l’airain sont encore bonnes pour limer le fer ; ce qui prouve que le fer est moins dur que l’airain. (M)