L’Encyclopédie/1re édition/MÉTAL
MÉTAL, au pl. Métaux. (Hist. nat. Chimie & Métallurgie.) metalla. Ce sont des substances pesantes, dures, éclatantes, opaques, qui deviennent fluides & prennent une sur face convexe dans le feu, mais qui reprennent ensuite leur solidité lorsqu’elles sont refroidies ; qui s’étendent sous le marteau ; qualités que les differens métaux ont dans des degrés differens.
On compte ordinairement six métaux ; savoir, l’or, l’argent, le cuivre, le fer, l’étain & le plomb. Mais depuis peu quelques auteurs en ont compté un septieme, que l’on nomme platine ou or blanc. Voyez Platine.
Il y a trois caracteres principaux & distinctifs des vrais métaux ; c’est 1°. la ductilité ou la faculté de s’étendre sous le marteau & de se plier, sur-tout lorsqu’ils sont froids ; 2°. d’entrer en fusion dans le feu ; & 3°. d’avoir de la fixité au feu, & de n’en être point entierement ou du moins trop promptement dissipés. Les substances qui réunissent ces trois qualités, doivent être regardées comme de vrais métaux. Il y a plusieurs substances minérales semblables en plusieurs points aux métaux, & qui ont une ou deux de ces propriétés, mais comme elles ne les ont point toutes, on les appelle demi-métaux ; ces substances ont bien à l’extérieur le coup d’œil des vrais métaux, mais elles se brisent sous le marteau, & l’action du feu les dissipe & les volatilise entierement, quoiqu’elles ayent la faculté d’entrer en fusion dans le feu. Voyez l’art. Demi-métaux.
On divise les métaux en parfaits & en imparfaits. Les métaux parfaits, sont ceux qui n’éprouvent aucune alteration de la part du feu ; après les avoir fait entrer en fusion, il ne peut point les calciner ou les changer en chaux, ni en dissiper aucune partie ; l’air & l’eau ne produisent aucune altération sur les métaux parfaits ; on en compte deux, qui sont l’or & l’argent ; on appelle métaux imparfaits, ceux à qui l’action du feu fait perdre leur éclat & leur forme métallique, & dont à la fin il vient à bout de détruire, de décomposer & même de dissiper une grande partie. Tels sont le cuivre, le fer, l’étain & le plomb. L’air & l’eau sont en état d’altérer ces sortes de métaux.
Pour simplifier les choses, on peut dire que les métaux parfaits sont ceux à qui l’action du feu ne fait point perdre leur phlogistique ou la partie inflammable qui leur est nécessaire pour paroître sous la forme métallique qui leur est propre ; au lieu que les métaux imparfaits sont ceux que le feu prive de cette partie. Voyez Phlogistique & voyez Chaux métallique.
Les anciens Chimistes ont encore divisé les métaux, en solaires & en lunaires. Suivant eux, les métaux solaires sont l’or, le cuivre & le fer ; & les métaux lunaires sont l’argent, l’étain & le plomb. Les uns sont colorés & les autres sont blancs. M. Rouelle a trouvé que cette distinction n’étoit point si chimérique que quelques Chimistes l’ont cru ; & les métaux lunaires ou blancs ont en effet des proprietés qui les distinguent des métaux solaires ou jaunes. Voyez Rapport, table des.
Enfin, l’or & l’argent ont été appellés métaux précieux où métaux nobles, à cause du prix que les hommes ont attaché à leur possession ; les autres métaux plus communs ont été appellés métaux ignobles ; cependant, si l’on ne consultoit que l’utilité pour attacher du prix aux choses, on verroit que le fer devroit sans difficulté, être regardé comme un métal plus précieux que l’or.
Les Alchimistes comptoient sept métaux, parce qu’ils joignoient le mercure aux six qui précedent ; ils croyoient aussi que chacun de ces sept métaux étoient sous l’influence d’une des sept planetes, ou bien, comme ils affectoient un style énigmatique, ils se sont servi des noms des planetes pour désigner les differens métaux. C’est ainsi qu’ils ont appellé l’or, Soleil ; l’argent, Lune ; le cuivre, Venus ; le fer, Mars ; l’étain, Jupiter ; le plomb, Saturne.
Quoique nous ayons dit que les métaux sont des corps pesans, ductiles, malléables & fixes au feu, il ne faut point croire qu’ils possedent tous ces qualités au même degré. C’est ainsi que pour le poids, l’or surpasse tous les métaux ; le plomb tient le second rang ; l’argent, le cuivre, le fer & l’étain viennent ensuite.
Il en est de même de la ductilité des métaux, elle varie considerablement. L’or possede cette qualité dans le degré le plus éminent ; ensuite viennent l’argent, le cuivre, le fer, l’étain, & enfin le plomb. A l’égard de la malleabilité ou de la faculté de s’étendre sous les coups de marteau, le plomb & l’étain la possedent plus que les autres métaux ; ensuite vient l’or, l’argent, le cuivre & enfin le fer, qui est moins malleable que tous les autres.
Une autre propriété génerale des métaux est d’entrer en fusion dans le feu, & d’y prendre une surface convexe, sans qu’il soit besoin pour cela de leur joindre d’additions ; mais tous ne se fondent point avec la même facilité. Il y en a qui se fondent avec une très-grande promptitude à un degré de feu très-foible, & avant que de rougir ; tels sont le plomb & l’étain : d’autres se fondent en même-tems qu’ils rougissent, & exigent pour cela un feu beaucoup plus violent que les premiers ; tels sont l’or & l’argent. Enfin, le cuivre & le fer demandent un feu d’une violence extreme, & rougissent long-tems avant que d’entrer en fusion. Voyez Fusion.
Les métaux sont dissouts par differens menstrues ou dissolvans ; il y a des dissolvans qui agissent sur les uns sans rien faire sur d’autres ; c’est ainsi que l’esprit de nitre dissout l’argent, le cuivre, le fer, &c. sans agir sur l’or. Mais une vérité que M. Rouelle a découverte, c’est que tous les acides agissent sur les métaux ; il faut pour cela que leur aggrégation ait été rompue, c’est-à-dire qu’ils ayent été divisés en particules déliées. Cependant il est certain qu’il y a des métaux qui ont plus de disposition à se dissoudre dans un dissolvant, que d’autres métaux qui y sont pourtant déja dissouts ; c’est ainsi que si de l’argent a été dissout par de l’esprit de nitre, en trempant du cuivre dans cette dissolution, le dissolvant quitte l’argent pour s’unir avec le cuivre ; & alors on-dit qu’un métal en a dégagé un autre. Voyez Dissolvant & Précipitation.
La plûpart des métaux & des demi-métaux ont la proprieté de s’unir ou de s’amalgamer avec le mercure, mais cette union ne se fait point avec autant de facilité pour tous, & il y en a qui n’ont aucune disposition à s’amalgamer. Voyez Mercure.
L’action du feu dilate tous les métaux, & leur fait occuper plus d’espace qu’ils n’en occupoient auparavant, lorsqu’ils étoient froids. La chaleur de l’atmosphere suffit aussi pour dilater les métaux, mais cette dilatation est plus insensible.
A l’exception de l’or & de l’argent, le feu fait perdre à tous les métaux leur éclat & leur forme metallique, il les change en une espece de terre ou de cendre que l’on nomme chaux métallique ; par cette calcination, ils perdent leur liaison, ils changent & augmentent de poids ; le plomb, par exemple, devient de la nature du verre ; ils changent de couleur ; ils sont rendus moins fusibles ; ils ne sont plus sonores ; ils ne sont plus en état de s’unir avec le mercure. Ces changemens s’operent plus ou moins promptement sur les différens métaux, mais on peut toujours rendre à ces cendres ou chaux leur premiere forme metallique, en leur joignant une matiere grasse ou inflammable, & en les exposant de nouveau à l’action du feu. Voyez l’article Réduction. Les chaux des métaux jointes avec la fritte, c’est-à-dire, avec la matiere dont on fait le verre, la colore diversement, suivant la couleur propre à chaque metal. Voyez Émail & Verrerie.
En fondant au feu les métaux, plusieurs s’unissent les uns aux autres, & forment ce qu’on appelle des alliages métalliques, c’est ainsi que l’or s’unit ou s’allie avec l’argent & avec le cuivre ; d’autres ne s’unissent point du tout par la fusion ; tels sont le fer & le plomb. Il y a aussi des métaux qui s’unissent avec les demi-métaux ; c’est ainsi que, par exemple, le cuivre s’unit avec le zinc, & forme le cuivre jaune ou laiton. Les métaux alliés par la fusion n’occupent point le même espace, qu’ils occupoient chacun pris séparement : il y en a dont le volume augmente par l’alliage, & d’autre, dont le volume diminue. D’où l’on voit, que le fameux probleme d’Archimede, pour connoître l’alliage de la couronne d’Hiéron, étoit fondé sur une supposition entierement fausse. Il en est de même des alliages des métaux avec les demi-métaux. Voyez la métallurgie de M. Cellert, tom. I. de la traduction françoise.
La balance hydrostatique ne peut point non plus faire connoître exactement la pesanteur specifique des métaux. Aussi, voit-on, que jamais deux hommes n’ont été parfaitement d’accord sur la pesanteur d’un métal : ces variations viennent, 1°. du plus ou du moins de pureté du métal que l’on a examiné ; 2°. du plus ou du moins de pureté de l’eau que l’on a employée pour l’experience ; 3°. des différens degrés de chaleur de l’atmosphere qui influent considérablement sur les liquides, sans produire des effets si marqués sur des corps solides, tels que les métaux.
Telles sont les proprietés génerales qui conviennent à tous les métaux : on trouvera à l’article de chaque métal en particulier, les caracteres qui lui sont propres & qui le distinguent des autres. Voyez Or, Argent, Fer, Plomb, &c.
Les sentimens des anciens Alchimistes & des Physiciens speculatifs, qui ont voulu raisonner sur la nature des métaux, ont été très-vagues & très-obscurs ; ils regardoient le sel, le soufre & le mercure, comme les élémens des métaux ; ce système subsista jusqu’à ce que Beccher eût fait voir, que ces trois prétendus principes sont eux-mêmes des corps composés, & par conséquent ne peuvent point être regardés comme des élémens ; d’après ces reflexions, ce celebre chimiste regarde les métaux, ainsi que tous les corps de la nature, comme composés de trois substances qu’il appelle terres. La premiere de ces terres est la terre saline ou vitrescible ; la seconde est la terre grasse ou inflammable ; & la troisieme, est la terre mercurielle ou volatile. Suivant lui, ces trois terres entrent dans la composition de tous les métaux, & c’est de leur combinaison plus ou moins exacte & parfaite, que dépend la perfection des métaux, & leur difference ne vient que de ce que l’un de ces principes domine sur tous les autres, & des différentes proportions suivant lesquelles ils se trouvent combinés dans les métaux. Quoiqu’il soit très-difficile d’analyser les métaux, au point de faire voir ces trois principes distincts & séparés les uns des autres, Beccher s’efforce de prouver leur existence par des raisonnemens, & par des expériences qui doivent encore avoir plus de poids.
1°. Il prouve l’existence d’une terre vitrescible, par la propriété que tous les métaux, à l’exception de l’or & de l’argent, ont de se calciner au feu, c’est-à-dire, de se changer en une terre ou cendre, qui, exposée à un feu convenable, se convertit en un verre. Selon ce même auteur, cette terre vitrescible se trouve dans le caillou, dans le quartz, & c’est à elle que les sels alkalis doivent la proprieté qu’ils ont de se vitrifier.
2°. Le second principe constituant des métaux est, suivant Beccher, la terre onctueuse ou inflammable ; elle corrige & tempere la siccité de la terre vitrescible, elle sert à lui donner de la raison, & par cette terre, il a voulu désigner ce que l’on appelle le principe inflammable ou le phlogistique des métaux, dont on ne peut nier l’existence.
3°. Enfin, Beccher admet un troisieme principe constituant des métaux, qu’il appelle la terre mercurielle ; c’est cette derniere qu’il regarde comme la plus essentielle aux métaux, & qui leur donne la forme metallique. En effet, les deux principes ou terres qui précedent sont communs aux pierres, aux végetaux, &c. mais, selon lui, c’est la terre mercurielle, qui étant jointe avec les deux autres, donne aux métaux la ductilité qui leur est propre & qui les met dans l’état métallique, ou la métallicité.
Telle est la théorie de Beccher, sur la nature des métaux, depuis elle a été adoptée, modifiée & expliquée par Stahl & par la plûpart des Chimistes ; il paroît néanmoins qu’il sera toujours très-difficile d’établir rien de certain sur une matiere aussi obscure que celle qui s’occupe des élemens des corps ; sur-tout si l’on considere que les parties simples & élementaires échappent toujours à nos sens, qui sont pourtant les seuls moyens que la nature fournisse pour juger des êtres physiques.
Cela posé, il n’est point surprenant que les sentimens des Naturalistes soient si variés sur la formation des métaux ; c’est encore une de ces questions que la nature semble avoir abandonnées aux spéculations & aux systèmes des Physiciens. Il y a deux sentimens géneraux sur cette formation ; les uns prétendent que les métaux se forment encore journellement dans le sein de notre globe, & que c’est par la différente élaboration & combinaison de leurs molécules élémentaires qu’ils sont produits ; on prétend de plus, que ces molécules sont susceptibles d’être mûries & perfectionnées, & que par cette maturation, des substances métalliques, qui dans leur origine étoient imparfaites, acquierent peu-à-peu & à l’aide d’une sorte de fermentation, un plus grand degré de perfection. Les Alchimistes ont enchéri sur ces idées, & ont imaginé un grand nombre d’expressions figurées, telles que celles de semence ou de sperme mercuriel & métallique, de semence saline & vitriolique, &c. termes obscurs & inintelligibles pour ceux mêmes qui les ont inventés.
Le célebre Stahl croit que les métaux ont la même origine que le monde, & que les filons qui les contiennent ont été formés dès sa création ; ce savant chimiste pense que dès les commencemens, Dieu créa les métaux & les filons métalliques tels qu’ils sont actuellement ; il se fonde sur la régularité qui se trouve dans la direction de ces filons sur leur conformation, qui ne semble nullement être un effet du hasard, & sur leur marche qui n’est jamais interrompue que par des obstacles accidentels que differentes révolutions arrivées à de certaines portions de la terre ont pû faire naître. Voyez l’article Filons. Malgré l’autorité d’un si grand homme, il y a tout lieu de croire que les métaux & leurs mines se forment encore journellement, plusieurs observations semblent constater cette vérité, & nous convainquent que ces substances éprouvent dans le sein de la terre, des décompositions qui sont suivies d’une reproduction nouvelle. Voyez l’artîcle Mines, mineræ.
Les métaux se trouvent donc dans le sein de la terre ; on les y rencontre quelquefois purs, c’est-à-dire, sous la forme métallique qui leur est propre, & alors on les nomme métaux natifs ou vierges : mais l’état dans lequel les métaux se rencontrent le plus ordinairement est celui de mines, c’est-à-dire, dans un état de combinaison, soit avec le soufre, soit avec l’arsenic, soit avec l’une & l’autre de ces substances à la fois ; alors on dit qu’ils sont minéralisés. Voyez Minéralisation. C’est dans ces deux états que les métaux sont dans les filons ou veines métalliques ; leur combinaison avec le soufre & l’arsenic leur donne des formes, des couleurs & des qualités très-differentes de celles qu’ils auroient s’ils étoient purs ; l’on est donc obligé de recourir à plusieurs travaux pour les purifier, c’est-à-dire, pour les délivrer des substances avec lesquelles ils sont combinés, pour les séparer de la roche ou de la terre à laquelle ils étoient attachés dans leurs filons, & pour les faire paroître sous la forme nécessaire pour servir aux différens usages de la vie. Ces travaux font l’objet de la métallurgie. Voyez Metallurgie.
Cependant les métaux ne se trouvent point toujours dans des filons suivis & réguliers, on les rencontre souvent ainsi que leurs mines, soit mêlés dans les couches de la terre, soit répandus à sa surface, soit en masses roulées par les eaux, soit en paillettes éparses dans le sable des rivieres & des ruisseaux. Il y a lieu de présumer que les métaux & leurs mines qui se trouvent en ces états ont été arrachés des filons, & entraînés par la violence des torrens ou par quelqu’autres grandes inondations ou révolutions arrivées à notre globle ; c’est par ces eaux que les métaux & les fragmens de leurs mines & de leurs matrices ont été portés dans des endroits souvent fort éloignés de ceux où ils avoient pris naissance. Voyez Mines. (—)
Métal, dans l’Artillerie, est la composition des différens métaux dont on forme celui du canon & des mortiers. Voyez Canon.
Métal, les Fondeurs de cloches appellent ainsi la matiere dont les cloches sont faites, qui est trois parties de cuivre rouge, & une d’étain fin. Voyez l’article Fonte des cloches.