L’Encyclopédie/1re édition/FER
FER, s. m. (Hist. nat. Minéral. Métall. & Chim.) ferrum, mars. Le fer est un métal imparfait, d’un gris tirant sur le noir à l’extérieur, mais d’un gris clair & brillant à l’intérieur. C’est le plus dur, le plus élastique, mais le moins ductile des métaux. Il n’y en a point qui entre aussi difficilement en fusion : cela ne lui arrive qu’après qu’il a rougi pendant sort longtems. La principale propriété à laquelle on le reconnoît, c’est d’être attiré par l’aimant. La pesanteur spécifique du fer en à celle de l’eau, à-peu-près comme sept & demi est à un ; mais cela doit nécessairement varier à proportion du plus ou du moins de pureté de ce métal.
Le fer étant le plus utile des métaux, la providence l’a fort abondamment répandu dans toutes les parties de notre globe. Il y en a des mines très-riches en France, en Allemagne, en Angleterre, en Norwege ; mais il n’y a point de pays en Europe qui en fournisse une aussi grande quantité, de la meilleure espece, que la Suede, soit par la bonté de la nature de ses mines, soit par les soins que l’on se donne pour le travail de ce métal.
On a été long-tems dans l’idée qu’il n’y avoit point de mines de fer en Amérique ; mais c’est une erreur dont on est revenu depuis long-tems ; & des observations plus exactes nous assûrent que cette partie du monde ne le cede on rien aux autres pour ses richesses en ce genre.
Les mines de fer varient & pour la figure & pour la couleur. Les principales sont :
1°. Le fer natif. On entend par-là du fer qui se trouve tout formé dans la nature, & qui est dégagé de toute matiere étrangere, au point de pouvoir être travaillé & traité au marteau sans avoir éprouvé l’action du feu. Les Minéralogistes ont été très-partagés sur l’existence du fer natif, que plusieurs d’entre eux ont absolument niée : mais cette question est aujourd’hui pleinement décidée. En effet M. Roüelle de l’académie royale des Sciences, a reçu par la voie de la compagnie des Indes, des morceaux de fer natif, apportés du Sénégal où il s’en trouve des masses & des roches très-considérables. Ce savant chimiste les a forgés, & il en a fait au marteau des barres sans qu’il ait été nécessaire de traiter ce fer par aucun travail préliminaire.
2°. La mine de fer crystallisée. Elle est d’une figure ou octahedre, ou cubique, ayant la couleur de fer même. La fameuse mine de fer de l’île d’Elbe, connue du tems des Romains, est de cette espece.
3°. La mine de fer blanche. Elle est en rameaux, ou elle est en crystaux, ou bien elle ressemble à du spath rhomboïdal, étant formée comme le lin d’un assemblage de feuillets ou de lames étroitement unies les unes aux autres. Celle d’Alvare en Dauphiné est de cette espece : au coup-d’œil on n’y soupçonneroit point de fer, cependant elle est très-riche, & fournit 70 à 80 livres de fer au quintal. Pour distinguer la mine de fer blanche du spath, il n’y a qu’à la faire rougir dans le feu ; si elle devient noire, ce sera une marque qui annoncera la présence du fer.
4°. La mine de fer noirâtre. Elle est très-riche, attirable par l’aimant, d’un tissu compact ; ou bien elle est parsemée de petits points brillans, ou formée par un assemblage de petits grains ou paillettes de différentes figures & grandeurs.
5°. La mine de fer d’un gris de cendre. Elle est un peu arsénicale, & n’est point attirable par l’aimant.
6°. La mine de fer bleue. Elle n’est point attirable par l’aimant ; sa couleur est d’un bleu plus ou moins foncé ; elle est ou en grains, ou en petites lames, &c.
7°. La mine de fer spéculaire. Elle est formée par un amas de lames ou de feuilles luisantes, d’un gris obscur ; l’aimant l’attire.
8°. L’hématite ou sanguine. Sa couleur est ou rouge, ou jaune, ou pourpre, ou ressemble à de l’acier poli, c’est-à-dire est d’un noir luisant ; elle varie aussi quant à la figure, étant ou sphérique, ou demi-sphérique, ou pyramidale, ou en mamellons. Quand on casse cette mine, on la trouve intérieurement striée. Quand on l’écrase, elle se réduit en une poudre ou rouge, ou jaune. Cette mine se trouve souvent en petits globules bruns ou jaunes, semblables à des pois, des feves, ou des noisettes. Il y a des pays où il s’en trouve des amas immenses : ce sont autant de petites hématites dont on peut tirer de très-bon fer.
9°. L’aimant. C’est une mine de fer qui est ou d’un tissu compact, ou composée de petits grains, ou parsemée de points brillans ; la couleur est ou rougeâtre, ou bleuâtre, c’est-à-dire de la couleur de l’ardoise ; elle a la propriété d’attirer le fer. Voyez l’article Aimant.
10°. La mine de fer sabloneuse. Il paroît que cette mine ne devroit point faire une espece particuliere ; en effet elle ne differe des autres qui précedent, que par la petitesse de ses parties, qui sont détachées les unes des autres. C’est ordinairement dans un sable de cette espece que se trouve l’or en paillettes, ou l’or de lavage.
11°. La mine de fer limoneuse, (palustris). Elle est d’un brun plus ou moins foncé à l’extérieur, & d’un gris bleuâtre, ou d’un gris de fer à l’intérieur quand on la brise. C’est de toutes les mines de fer la plus ordinaire ; elle n’affecte point de figure déterminée, mais se trouve par couches & par lits dans le sein de la terre, ou au fond de quelques marais ou lacs.
12°. L’ochre. C’est une terre, ou plûtôt du fer décomposé par la nature ; il y en a de brune ; de jaune, & de rouge : c’est à la décomposition des pyrites & du vitriol, qu’on doit attribuer la formation de l’ochre.
Toutes ces mines de fer sont décrites en détail dans la Minéralogie de Wallerius, tom. I. pag. 459. & suiv. de la traduction françoise, que l’on pourra consulter, ainsi que l’Introduction à la Minéralogie de Henckel, pag. 151. & suiv. de la premiere partie dans la traduction.
Quelques auteurs ont parlé de mines d’acier ; mais ces mines ne doivent être regardées que comme des mines de fer qui donnent de l’acier dès la premiere fusion, parce qu’elles sont très-pures & dégagées de substances étrangeres nuisibles à la perfection du fer. Peut-être aussi que des voyageurs peu instruits ont appellé mines d’acier, des substances qui n’ont rien de commun avec l’acier qu’une ressemblance extérieure souvent trompeuse.
On voit par ce qui vient d’être dit, que parmi les mines de fer il y en a qui sont attirables par l’aimant, tandis que d’autres ne le sont point ; ce qui prouve que ce n’est pas à ce caractere seul qu’on peut reconnoître la présence du fer dans un morceau de mine. On verra même dans la suite de cet article, que le fer peut être allié avec une portion considérable d’autres substances métalliques, sans perdre pour cela la propriété d’être attiré par l’aimant. On a lieu de croire que cette propriété dépend du phlogistique. Voyez la Minéralogie de Wallerius, tom. I. pag. 493. & suiv.
M. Henckel pense que la division la plus commode des mines de fer, se fait en consultant leur couleur. Suivant ce principe, il les divise en blanches, en grises, en noires, en jaunes, en rouges, en brunes, &c. Voyez l’introduction à la Minéralogie, partie I. Il est certain que la couleur peut servir beaucoup à nous faire reconnoître les substances qui contiennent du fer ; mais ce signe seul ne peut toûjours suffire : il est donc à-propos pour plus de sûreté d’avoir recours à l’essai.
La meilleure maniere de faire l’essai d’une mine de fer, suivant M. Henckel, c’est de commencer par griller & pulvériser la mine, d’en prendre un quintal docimastique, deux quintaux de flux noir, un demi-quintal de verre, de borax, de sel ammoniac, & de charbon en poudre, de chacun un quart de quintal ; on fait fondre le tout à grand feu dans un creuset. Il ajoûte qu’il y a de l’avantage à y joindre de l’huile de lin. Voyez Introduction à la Minéralogie, partie II. liv. IX. chap. ij. sect. 7.
Les mines de fer que nous avons décrites, ne sont pas les seules substances qui contiennent ce métal ; il est si universellement répandu dans la nature, qu’il n’y a presque point de terres ou de pierres dans lesquelles il ne s’en trouve une portion plus ou moins grande, sans que pour cela on puisse l’en retirer avec avantage. Un grand nombre de pierres précieuses, telles que les rubis, les jaspes, l’amétiste, la cornaline, &c. lui doivent leurs couleurs, sinon en tout, du moins en grande partie. Presque toutes les pierres & terres colorées sont ferrugineuses, & il y en a très-peu qui soient entierement exemptes de quelque portion de ce métal : mais il se trouve sur-tout d’une façon sensible, sans cependant pouvoir en être tiré avec profit, dans l’émeril, la manganese, les mines de fer arsenicales, que les Allemands nomment Schirl, Wolfram, Eisenram ; dans la calamine, les étites ou pierres d’aigle ; dans l’argile des potiers, &c. Il en entre une portion plus ou moins grande dans les différentes pyrites. C’est le fer qui fait la base du vitriol martial, ou de la couperose ; il se trouve dans un grand nombre d’eaux minérales, & il est joint avec presque toutes les mines des autres métaux & demi-métaux, au point que l’on peut regarder la terre martiale comme une matrice de ces substances. Cependant le fer se trouve uni par préférence aux mines de cuivre ; il est très-rare de le voir joint avec les mines de plomb : mais on a observé qu’il se trouve inséparablement uni avec les mines d’or ; & il n’y a point, suivant les plus célebres naturalistes, de mines de fer qui ne contiennent un vestige de ce métal précieux. Fondés sur cette analogie, quelques-uns ont pensé que le fer pouvoit bien contribuer en quelque chose à la formation de l’or ; d’autant plus que Becher, Kunckel, & quelques autres chimistes du premier ordre, ont assûré qu’on pouvoit tirer de l’or du fer : mais c’est dans une quantité si petite, qu’elle ne doit point tenter les adeptes qui voudroient réitérer leurs expériences.
Les mines de fer se trouvent dans la terre, ou par filons, ou par lits & en couches suivies, ou par fragmens détachés que l’on nomme rognons ; on les trouve souvent dès la premiere couche de la terre ; il s’en rencontre aussi au fond de quelques lacs & marais.
On ne donnera point ici la description des travaux, par lesquels on fait passer les mines pour en tirer le fer ; on en trouvera les détails à l’article Forge qui a été fourni par un homme intelligent & expérimenté. On se contentera donc d’observer que ce travail n’est point par-tout le même. En effet quelquefois, lorsque la mine de fer a été tirée de la terre, on peut après l’avoir écrasée & lavée pour en séparer les substances étrangeres, la traiter sur le champ dans la forge, tandis qu’il y en a d’autres qu’il faut commencer par griller préalablement avant que de les laver : la mine de fer blanche d’Alvare du numéro 3 est dans ce cas ; on la fait griller pour que la pierre se gerce ; ensuite on la laisse exposée à l’air pendant quelque tems, & plus elle y reste, plus le fer qu’on en tire est doux. On est encore obligé de griller les mines de fer argilleuses qui portent des empreintes de poissons & de végétaux, comme il s’en trouve en plusieurs endroits de l’Allemagne : mais il faut sur-tout avoir soin de griller suffisamment, avant que de faire fondre les mines de fer qui sont mêlées d’arsenic, parce que l’arsenic a la propriété de s’unir si étroitement avec le fer dans la fusion, qu’il est impossible ensuite de l’en séparer, ce qui rend le fer aigre & cassant : on ne sauroit donc apporter trop d’attention à griller les mines de fer arsénicales. Il en est de même de celles qui sont chargées de soufre. On trouvera à la fin de cet article, la maniere de remédier à ces inconvéniens. Il y a des mines de fer qui pour être traitées dans le fourneau, demandent qu’on leur joigne des additions ou fondans analogues à leur nature, & propres à faciliter leur fusion, ce qui exige beaucoup d’expérience & de connoissances ; & cela varie selon les différentes mines que l’on a à traiter, & selon les différentes substances qui les accompagnent : d’où l’on voit qu’il est impossible de donner là-dessus des regles invariables, & qui puissent s’appliquer à tous les cas. Ceux qui exigeront un plus grand détail, pourront consulter Emanuel Swedenborg, de ferro, ouvrage dans lequel l’auteur a compilé presque toutes les manieres de traiter le fer, qui se pratiquent dans les différentes parties de l’Europe.
Le fer qui vient de la premiere fonte de la mine, s’appelle fer de gueuse ; il est rarement pur & propre à être traité au marteau : cependant on peut s’en servir à différens usages, comme pour faire des plaques de cheminées, des chaudieres, &c. Mais pour lui donner la ductilité & la pureté qui conviennent, il faut le faire fondre à plusieurs reprises, & le frapper à grands coups de marteau ; c’est ce qu’on nomme affiner. Ce n’est qu’à force de forger le fer, qu’on lui donne de la ductilité, la tenacité & la douceur ; qualités qui lui sont nécessaires pour qu’il passe par les autres opérations de la forge. Voyez Forge, &c.
L’acier n’est autre chose qu’un fer très-pur, & dans lequel, par différens moyens, on a fait entrer le plus de phlogistique qu’il est possible. V. Acier, Trempe, &c. Ainsi pour convertir le fer en acier, il n’est question que d’augmenter le phlogistique qu’il contient déjà, en lui joignant, dans des vaisseaux fermés, des substances qui contiennent beaucoup de matiere grasse ; telles que de la corne, des poils, & d’autres substances animales ou végétales, fort chargées du principe inflammable. Voyez l’article Acier.
On a crû fort long-tems qu’on ne pouvoit employer que du charbon de bois pour l’exploitation des mines de fer, & que le charbon de terre n’y étoit point propre ; mais il n’y a pas long-tems qu’en Angleterre on a trouvé le moyen de se servir avec assez de succès du charbon de terre dans le traitement des mines de fer. Il faut pour cela qu’il ne contienne que très-peu, ou même point de parties sulphureuses, & beaucoup de matiere bitumineuse. Voyez Wright, dissert. de ferro, page 4.
Nous avons dit plus haut que le fer est si abondamment répandu dans le regne minéral, qu’il y a très-peu de terres & de pierres qui n’en contiennent une portion. C’est ici le lieu de rapporter la fameuse expérience de Becher. Ce chimiste prit de l’argille ou terre à potier ordinaire, dont on se sert pour faire les briques. Après l’avoir séchée & pulvérisée, il la mêla avec de l’huile de lin, & en forma des boules qu’il mit dans une cornue ; & ayant donné un degré de feu qui alloit en augmentant pendant quelques heures, l’huile passa à la distillation, & les boules resterent au fond de la cornue : elles étoient devenues noires. Après les avoir pulvérisées, tamisées & lavées, elles déposerent un sédiment noir, dont, après l’avoir séché, il tira du fer en poudre au moyen d’un aimant.
Cette expérience de Becher donna lieu à beaucoup d’autres, & l’on trouva que non-seulement l’argille, mais encore toutes les substances végétales, donnoient, après avoir été réduites en cendres, une certaine quantité d’une matiere attirable par l’aimant. C’est-là ce qui donna lieu à la fameuse question de M. Geoffroy, de l’académie royale des Sciences de Paris : s’il étoit possible de trouver des cendres des plantes sans fer ? sur quoi il s’éleva une dispute très-vive, pour savoir si le fer qu’on trouvoit dans les cendres des végétaux, y existoit réellement avant qu’elles eussent été brûlées ; ou si ce métal n’y avoit été formé que par l’incinération & la combustion du végétal.
M. Lemery le jeune soûtint le premier sentiment contre M. Geoffroy qui maintenoit le dernier, & la dispute dura pendant plusieurs années entre ces deux académiciens, comme on peut le voir dans les mémoires de l’académie royale des Sciences, des années 1704, 1705, 1706, 1707, 1708 & 1709, où l’on trouvera les raisons sur lesquelles chacun des adversaires établissoit son sentiment.
Ces deux avis ont eu chacun leurs partisans. M. Henckel, dans sa pyritologie, semble pencher pour celui de M. Lemery ; mais il trouve qu’il n’avoit pas toutes les connoissances nécessaires pour bien défendre sa cause. M. Neumann au contraire pense que le fer n’est composé que de deux principes ; savoir d’une terre propre à ce métal, qu’il appelle terre martiale, & du phlogistique ; & que c’est de la combinaison de ces deux principes que résulte le fer. Il se fonde sur ce qu’il seroit inutile de traiter à la forge la mine de fer la plus riche au plus grand feu, dont jamais on n’obtiendra du fer, si l’on n’y joint pas du phlogistique. Voyez la chimie de Neumann.
Quoi qu’il en soit, il est certain que le fer étant si généralement répandu dans le regne minéral, & ce métal étant disposé à se dissoudre & à être décomposé par tous les acides, par l’eau, & même par l’air, il n’est pas surprenant qu’il soit porté dans les végétaux, pour servir à leur accroissement & entrer dans leur composition. Il y a même lieu de croire que c’est le fer diversement modifié, qui est le principe des différentes couleurs que l’on y remarque. Cela posé, il n’y a pas non plus à s’étonner s’il se trouve du fer dans les cendres des substances animales ; il est aisé de voir qu’il a dû nécessairement passer dans le corps des animaux, au moyen des végétaux qui leur ont servi d’alimens. Des expériences réitérées prouvent ce que nous avançons. En effet, il se trouve plus ou moins de fer dans le sang de tous les animaux : c’est la chair & le sang des hommes qui en contiennent une plus grande quantité ; les quadrupedes, les poissons, & enfin les oiseaux, viennent ensuite. Il faut pour cela que les parties des animaux soient réduites en cendres, & alors on trouvera que dans les os & les graisses il n’y a point du tout de fer ; qu’il n’y en a que très-peu dans la chair, mais que le sang en contient beaucoup. Ces parties ferrugineuses ne se trouvent point dans la partie séreuse, mais dans les globules rouges, qui donnent la couleur & la consistence au sang. M. Menghini, savant Italien, a cherché à calculer la quantité de fer contenue dans chaque animal, & il a trouvé que deux onces de la partie rouge du sang humain donnoient vingt grains d’une cendre attirable par l’aimant ; d’où il conclut qu’en supposant qu’il y ait dans le corps d’un adulte 25 livres de sang, dont la moitié est rouge dans la plûpart des animaux, on doit y trouver 70 scrupules de particules de fer attirables par l’aimant.
M. Gesner, auteur d’un ouvrage allemand qui a pour titre, selecta physico-œconomica, tome I. p. 244. imprimé à Stutgard, rapporte ces expériences ; il y joint ses conjectures, qui sont que les particules de fer qui se trouvent dans le sang, doivent contribuer à sa chaleur, en ce qu’elles doivent s’échauffer par le frotement que le mouvement doit causer entr’elles ; & il insinue que ces phénomenes étant examinés avec soin, peuvent éclairer la Medecine, & jetter du jour sur le traitement des maladies inflammatoires : d’ailleurs on sait que les remedes martiaux excitent au commencement un mouvement de fievre dans ceux qui en font usage.
Le fer, suivant les meilleurs chimistes, est composé d’une portion considérable de phlogistique, du principe mercuriel ou métallique, & d’une grande quantité de terre grossiere ; à quoi quelques-uns ajoûtent qu’il entre un sel vitriolique dans sa composition. Nous allons examiner ce métal, eu égard aux substances dont la Chimie se sert pour le décomposer.
Le fer à l’air perd une partie de son phlogistique, ce qui fait qu’il se convertit en rouille, qui est une chaux martiale : sur quoi il faut observer que l’acier, qui, comme nous l’avons déjà remarqué, n’est que du fer très-chargé de phlogistique, ne se rouille pas si promptement à l’air que le fer ordinaire.
L’eau agit sur le fer ; mais, suivant M. Roüelle, ce n’est pas comme dissolvant : cependant elle le dégage de son phlogistique, & le change en rouille.
Quant aux différens effets du fer allié avec les autres substances métalliques, on n’a crû pouvoir mieux faire que de rapporter ici les expériences que M. Brandt, célebre chimiste suédois, a communiquées à l’académie de Stockolm, dont il est membre, dans un mémoire inséré dans le tome XIII. des mémoires de l’académie royale de Suede, année 1751, dont nous donnons ici l’extrait.
Le fer & l’or fondus en parties égales, donnent un alliage d’une couleur grise, un peu aigre, & attirable par l’aimant.
Parties égales de fer & d’argent donnent une composition dont la couleur est à peu de chose près aussi blanche que celle de l’argent ; mais elle est plus dure, quoiqu’assez ductile : elle est attirable par l’aimant.
Si on fait fondre une partie de fer avec deux parties d’étain, on aura une composition qui sera d’un gris obscur dans l’endroit de la fracture, malléable, & attirable par l’aimant.
Le cuivre s’unit avec le fer par la fusion, & acquiert par-là de la dureté. Cette composition est grise, aigre, & peu ductile : elle est attirable par l’aimant.
Une partie de fer & trois parties de plomb fondus à l’aide du flux noir & de la poussiere de charbon, donnent une composition qui ressemble à du plomb, & qui est attirable par l’aimant. On peut douter de cette expérience de M. Brandt.
Le fer peut être amalgamé avec le mercure, si pendant qu’on triture ensemble ces deux substances, on verse dessus une dissolution de vitriol ; mais l’union qui se fait pour lors n’est point durable, & le mercure au bout de quelque tems se sépare du fer, qui est réduit en rouille ou en saffran de Mars.
Parties égales de fer & de régule d’antimoine fondus ensemble, font une composition qui ressemble à du fer de gueuse, & qui n’est point attirable par l’aimant.
Le fer fondu avec l’arsenic & le flux noir, forme une composition semblable au fer de gueuse, qui n’est point attirable par l’aimant.
Le régule du cobalt s’unit avec le fer, sans qu’il arrive aucun déchet de leur poids. Quand la fusion s’opere à l’aide d’un alkali & d’une matiere inflammable, la composition qui en résulte est attirable par l’aimant.
Le fer & le bismuth s’unissent par la fusion, & le tout qui s’est formé est attirable par l’aimant.
Le fer & le zinc ne peuvent point former d’union, parce que le zinc se brûle & se dissipe à un degré de chaleur aussi violent que celui qu’il faut pour mettre le fer en fusion.
Le fer seul exposé à la flamme, se réduit en une chaux ou safran de Mars ; phénomene qui n’arrive point dans les vaisseaux fermés, quelle que fût la violence du feu : pour lors ce métal ne fait que se purifier & se perfectionner.
Le fer se dissout avec une effervescence considérable dans l’acide nitreux ; mais lorsque cet acide est très-concentré, la dissolution n’est jamais claire & transparente. Quand on veut qu’elle soit claire, il faut affoiblir l’acide nitreux avec une grande quantité d’eau, & n’y mettre qu’un peu de fer. C’est un moyen d’avoir de l’esprit de nitre fumant, très-fort, que de le distiller sur du fer.
L’acide du sel marin dissout le fer aussi-bien que l’acide végétal. L’eau régale, soit qu’elle ait été faite avec du sel ammoniac, soit avec du sel marin, agit aussi sur le fer.
L’acide vitriolique dissout le fer, & forme avec lui un sel que l’on nomme vitriol ; mais pour que la dissolution se fasse promptement, il faut que l’acide vitriolique ne soit pas concentré. Pendant que cette dissolution s’opere, il s’en dégage des vapeurs qui s’enflamment avec explosion. La même chose arrive avec l’acide du sel marin.
Le fer, quand il a été mis dans l’état de chaux métallique, n’est plus soluble, ni dans l’acide nitreux, ni dans l’acide végétal : celui du sel marin agit un peu sur la chaux martiale, & la dissolution devient d’un rouge très-vif : celle qui se fait dans l’acide vitriolique, est verte.
Parties égales de limaille de fer & de nitre triturées ensemble, s’enflamment & détonnent quand on met ce mélange dans un creuset rougi : par-là le fer est mis dans l’état de chaux ; phénomene qui prouve évidemment que le fer contient du phlogistique. Cette vérité est encore confirmée par l’expérience que rapporte M. Brandt, qui dit que lorsque pour dégager l’argent du plomb on se sert d’un têt ou d’une grande coupelle entourée d’un cercle de fer, la litharge ou le verre de plomb qui se fait dans cette opération, se réduit en plomb, lorsqu’il vient à toucher le cercle de fer qui entoure la coupelle.
On peut encore ajoûter une expérience qui prouve cette vérité : c’est qu’on peut enlever à du fer son phlogistique, pour le faire passer dans d’autre fer. C’est ainsi qu’en trempant une barre de fer dans du fer de gueuse en fusion, la barre se change en acier.
Le fer mêlé avec du soufre, & mis à rougir dans les vaisseaux fermés, se change en une chaux métallique ou en safran de Mars ; mais si l’on applique du soufre à du fer qui a été rougi jusqu’à blancheur ou jusqu’au point de la soudure, le fer & le soufre se combinent, & forment une union semblable à celle qu’ils font dans la pyrite martiale, & le corps qui en résulte se décompose à l’air & y tombe en efflorescence, comme cela arrive à quelques pyrites.
Si l’on triture une chaux martiale, eu de la mine de fer qui a été grillée avec du sel ammoniac, le tout devient susceptible de la sublimation.
Le tore de soufre, le sel de Glauber, le sel de duobus, & les autres sels formés par l’union de l’alkali fixe & de l’acide vitriolique, dissolvent le fer, comme les autres métaux, à l’aide de la fusion, & forment des sels avec lui, sur-tout si l’on joint aux deux derniers sels une quantité suffisante de matiere inflammable.
Lorsque le fer est dans l’état d’une chaux métallique, ou de ce qu’on nomme safran de Mars, il entre aisément en fusion avec les matieres vitrifiables ; c’est ce qui fait que l’on peut s’en servir avec succès dans les émaux, la peinture sur la porcelaine & sur la fayence, &c.
Un phénomene digne d’attention, que nous devons à M. Brandt, c’est que les chaux martiales mêlées avec des matieres vitrifiables, demandent un degré de feu moins violent pour être vitrifiées, que celui qu’elles exigent pour être réduites, c’est-à dire remises dans l’état métallique, tandis que les autres métaux demandent un feu plus fort pour leur vitrification que pour leur réduction : sur quoi ce savant chimiste observe qu’il est important de faire attention à cette propriété du fer dans le traitement de ce métal, & lorsqu’il est question de le séparer d’avec les métaux parfaits.
Ni la mine de fer, après qu’elle a été grillée, ni la pierre à chaux, traitées séparément dans un creuset couvert au fourneau de fusion, ne se changent en verre, quand même on donneroit un feu très-violent pendant une demi-heure ; mais si on mêle ensemble ces deux substances en parties égales, en donnant le même degré de feu, en beaucoup moins de tems elles seront entierement vitrifiées, & changées en un verre noir. M. Brandt ajoûte que si l’on joint du spath fusible à la pierre calcaire, la vitrification se fera encore plus promptement.
Il y a du fer qui a la propriété d’être cassant lorsqu’il est froid : c’est à l’arsenic que M. Brandt attribue cette mauvaise qualité. En effet, comme on l’a déjà remarqué, ce demi-métal s’unit très-intimement avec le fer par la fusion, desorte qu’il est ensuite très difficile de l’en séparer. Ce qui prouve le sentiment de M. Brandt, c’est que le fer cassant à froid est très fusible, & que de toutes les substances minérales il n’y en a point qui facilite plus la fusion que l’arsenic. Le moyen le plus sûr de prévenir cette union du fer & de l’arsenic, c’est de griller soigneusement la mine avant que de la faire fondre ; car il est plus facile de faire partir ainsi la partie arsénicale, qu’à l’aide des additions, telles que les alkalis, les pierres calcaires, le soufre, &c. d’autant plus que l’arsenic s’en va en fumée quand il ne rencontre point de substance à laquelle il s’attache & qu’il mette en fusion. Pour que ce grillage soit plus exact, M. Brandt conseille de mêler du charbon pilé grossierement, avec la mine qu’on veut griller, afin que la chaleur soit assez forte pour en expulser la plus grande partie de l’arsenic.
Quant à la propriété que le fer a quelquefois de se casser quand il est rougi, M. Brandt l’attribue à l’acide du soufre, qui n’en a pas été suffisamment dégagé par le grillage : c’est aussi la raison pourquoi le fer de cette espece est plus difficile à mettre en fusion. Pour remédier à cet inconvénient, il faut faire essuyer au fer un grand feu dans les premieres opérations ; & pour que la masse de fer fondu soit mieux pénétrée dans le fourneau, il faut faire ensorte que le sol n’en soit point trop profond. Voyez les mémoires de l’académie royale des Sciences de Suede, vol. XIII. année 1751.
Le fer exposé au miroir ardent, se vitrifie, & se change en un verre qui ressemble à de la poix résine.
Si l’on mêle ensemble partie égale de limaille de fer & de soufre en poudre, & qu’on les humecte avec de l’eau, au bout de quelque tems il part des vapeurs & fumées de ce mélange, qui à la fin s’enflamme. M. Lemery, à qui on doit cette expérience, prétend expliquer par-là la formation des volcans & des embrasemens soûterreins.
Personne n’ignore qu’un caillou frappé avec du fer, donne des étincelles. Quoique cette expérience soit très-commune, elle présente un phénomene très-digne de remarque. En effet, le fer est de tous les métaux le plus difficile à faire entrer en fusion ; cependant dans l’expérience dont il s’agit, il y entre en un clin-d’œil, puisque chaque étincelle qui part, n’est autre chose que du fer fondu & réduit en une scorie, comme on peut s’en assûrer à l’aide du microscope. Voyez Feu.
Le fer a plus de disposition à s’unir avec le soufre, que les autres substances métalliques ; c’est pourquoi on peut s’en servir pour les dégager de leur soufre. C’est cette propriété du fer qui a donné lieu à la phrase dont se servent les métallurgistes allemands, qui disent que le fer est le maître dans le fourneau.
Si la seule utilité décidoit du prix des choses, il est certain que le fer devroit être regardé comme le plus précieux des métaux ; il n’y a point de profession, d’art ou de métier dans lesquels on n’en ait un besoin indispensable, & il faudroit des volumes pour indiquer seulement ses différens usages : tout le monde sait que la Medecine en tire des avantages très réels dans un grand nombre de maladies, on les trouvera à l’article Remedes Martiaux. (—)
Fer cassant à froid ; il se connoît en ce qu’il a le grain gros & clair à la cassure, comme l’étain de glace. Quand on manie la barre, on le trouve rude à la main ; il est tendre au feu ; il ne peut endurer une grande chaleur sans se brûler. Il y a de ces sortes de fers qui deviennent plus cassans en les forgeant, & ne peuvent être ni dressés ni tournés à froid.
Fer doux. Le fer doux se connoît à la cassure, qui doit être noire tout-en-travers de la barre : alors il est malléable à froid, & tendre à la lime ; mais il est plus sujet à être cendreux, c’est-à-dire moins clair & moins luisant après qu’il est poli ; il s’y trouve des taches grises : ce n’est pas qu’il ne se trouve des barres de ce fer qui n’ont point ces défauts.
Il y a d’autres fers qui à la cassure paroissent gris, noirs, & tirant sur le blanc, qui sont beaucoup plus roides que le précédent ; ils sont très-bons pour les Maréchaux, les Serruriers, les Taillandiers, & en général tous les ouvriers en gros ouvrages noirs ; car à la lime on lui remarque des grains qu’on ne peut emporter.
Il y a d’autres fers mêlés à la cassure ; ils ont une partie blanche, & l’autre grise ou noire ; le grain en est un peu plus gros qu’aux fers ci-dessus ; ils sont réputés les meilleurs ; ils se forgent facilement ; ils se liment bien prenant un beau poli, & ne sont sujets ni à des grains, ni à des cendrures, parce qu’ils s’affinent à mesure qu’on les travaille.
Il y a une autre sorte de fer qui a le grain fort petit, comme l’acier ; il est pliant à froid, & bouillant à la forge ; ce qui le rend difficile à forger & à limer. Il est bon pour les outils & les travaux de la terre.
Fer rouverain, il se connoît à des gerçures ou découpures qu’on voit traverser les quarrés des barres ; il est pliant, malléable à froid, & cassant à chaud ; il rend une odeur de soufre à la forge ; si on le frappe, il en sort des étincelles semblables à de petites flammes en étoiles. Quand on le chauffe un peu plus blanc que couleur de cerise rouge, il s’ouvre à chaud, & quelquefois presque tout en-travers de la barre, sur-tout lorsqu’on le bat, ou qu’on le ploye. Il est sujet à avoir des pailles & des grains : c’est le défaut du fer d’Espagne.
Les vieux fers qui ont été exposés long-tems à l’air, sont sujets à devenir rouverains.
Fleur de Fer, voyez Flos Martis.
Fer, (Marque des Fers.) droit domanial de la couronne, faisant partie de la ferme générale des aides, consistant au dixieme qui se devoit prendre sur tout ce qui se tiroit des mines & minieres du royaume, dont Charles VI. ordonna la levée à son profit par lettres patentes du 30 Mai 1413, comme lui appartenant de plein droit en qualité de roi, & non aux seigneurs qui le prétendoient.
Il fut rendu par la suite plusieurs édits & arrêts, pour créer divers officiers, remédier aux abus, & empêcher les inconvéniens qui n’arrivoient que trop fréquemment par la rupture des ouvrages. En 1602, la charge le sur-intendant des mines fut créée en faveur de Roger de Bellegarde, & Beringhen en eut le contrôle général. Le meilleur moyen qui fut employé, fut de rétablir l’usage du fer doux, & de ne permettre celui du fer aigre qu’aux ouvrages dont la rupture ne pouvoit causer aucun accident ; il fut créé à cette occasion de nouveaux officiers, pour connoître, marquer, & distinguer le fer doux d’avec le fer aigre ; il fut attribué à tous ces officiers divers droits. En 1628, le fer mis en œuvre & apporté des pays étrangers, fut déclaré sujet, ainsi que celui des forges du royaume, & assujettis à être conduits & déchargés aux bureaux pour y payer les droits.
La quincaillerie étant un composé de fer & d’acier, fut déclarée sujette en 1636.
La mine de fer est sujette auxdits droits, sauf l’évaluation que l’on a fixée au quart ; & s’il est réduit en quintal de gueuses, il paye comme fer parfait, parce que les fontes ne sont plus sujettes à aucun déchet. Ces droits sont fixés par l’ordonnance de 1680, sur le fait des aides & entrées, à raison de 13 sous 6 den. par quintal de fer, 18 sous par quintal de quincaillerie grosse & menue, 20 sous par quintal d’acier, & 3 sous 4 den. par quintal de mine de fer, sur le pié de 100 l. poids de marc par quintal, pour distinguer le poids de forges qui est beaucoup plus fort.
Il n’y a nulle exemption de ces droits, ni aucun privilége ; les fermiers du domaine, les propriétaires des forges de quelque qualité qu’ils soient, même les ecclésiastiques pour celles qui sont du temporel de leurs bénéfices, encore qu’ils les fassent valoir par les mains de leurs domestiques, tous indistinctement y sont assujettis. Les boulets de canon, bombes, & grenades, quoique pour le service de S. M. y ont été déclarés sujets.
Ces droits font partie de la ferme générale, & sont soûfermés pour tout le royaume à une seule compagnie. Les baux sont de six ans, comme ceux des autres droits d’aides. La régie est la même. Cet article est de M. Dufour.
* Fer-blanc. M. Colbert appella en France les premiers manufacturiers en fer blanc qu’on y ait vûs. Les uns s’établirent à Chenesey en Franche-Comté, les autres à Beaumont-la-Ferriere en Nivernois, mais ces ouvriers précieux ne trouvant pour les soûtenir ni une intelligence ni une protection telles que celles qui les avoient attirés, n’eurent aucun succès, & se retirerent. Il s’en éleva une manufacture à Strasbourg sur la fin de la régence. Il y a actuellement quatre manufactures de fer-blanc en France : 1° celle de Mansvaux en Alsace, établie il y a quarante-deux ans : 2° celle de Bain en Lorraine, établie en 1733, sur des lettres-patentes du duc François III. confirmées en 1745 par le roi Stanislas de Pologne : 3° celle de Moramber en Franche-Comté, établie depuis cinq années : 4° une établie depuis trois ans à une lieue de Nevers. On y porte le fer en petits barreaux : le meilleur est celui qui s’étend facilement, qui est ductile & doux, & qui se forge bien à-froid ; mais il ne faut pas qu’il ait ces qualités avec excès. On le chauffe en A ; on l’applatit d’abord un peu en B, & dès le premier voyage sous le gros marteau C, on le coupe en petits morceaux qu’on appelle semelles. La semelle peut fournir deux feuilles de fer-blanc, d d d. On chauffe ces morceaux jusqu’à étinceler violemment, dans l’espece de forge A ; on les applatit grossierement. On rechauffe une troisieme fois, & on les étend sous le même gros marteau C, jusqu’à doubler à-peu-près leurs dimensions ; puis on les plie en deux, suivant la longueur. On les trempe dans une eau trouble qui contient une terre fabuleuse, à laquelle il seroit peut-être très-à-propos d’ajoûter du charbon en poudre, les semelles en seroient moins brûlées. L’effet de cette immersion est d’empêcher les plis de souder. Quand on a une grande quantité de ces feuilles pliées en deux, on les transporte à la forge S ; on les y range à côté les unes des autres verticalement, sur deux barres de fer qui les tiennent élevées, & l’on en forme une file plus ou moins grande, selon leur épaisseur : on appelle cette fille, une trousse. Un levier de fer qu’on leve ou qu’on abaisse quand il en est tems, sert à tenir la trousse serrée : on met ensuite dessous & dessus du plus gros charbon, & l’on chauffe. Quand on s’apperçoit que la file est bien rouge, un ouvrier prend un paquet ou une trousse de quarante de ces feuilles doubles, & le porte sous le marteau. Ce second marteau est plus gros que le précédent ; il pese 700, & n’est point acéré. Là ce paquet est battu jusqu’à ce que les feuilles ayent acquis à-peu-près leur dimension ; mais il faut observer que les feuilles extérieures, celles qui touchent immédiatement à l’enclume & au marteau, ne s’étendent pas autant que celles qui sont renfermées entr’elles, celles-ci conservant la chaleur plus long-tems, & cedant par conséquent aux coups plûtôt & plus long-tems.
Après cette premiere façon, parmi ces feuilles on en entre-larde quelques-unes qui dans le travail précédent n’avoient pas été assez étendues ; puis on fait la même opération sur tous les paquets ou trousses. On remet au feu chaque paquet entre-lardé, on chauffe. Quand le tout est assez chaud, on retire les feuilles du feu par paquets d’environ cent feuilles chacun. On divise un paquet en deux parties égales, & l’on applique ces deux parties de maniere que ce qui étoit en-dedans se trouve en-dehors. On les porte en cet état sous le gros marteau, on bat, on épuise la trousse : on entre-larde encore des feuilles de rebut, on remet au feu, on retire du feu : on divise encore en deux parties chaque paquet, remettant le dedans en-dehors, & l’on bat pour la troisieme fois sous le marteau. Il faut observer que dans les deux dernieres opérations on ne remet plus en trousse, on se contente seulement de rechauffer par paquet. Dans la succession de ce travail, chaque feuille a eu un côté tourné vers le dedans de la trousse ou du paquet, & un côté tourné vers le marteau, & exposé à l’action immédiate du feu. Ce dernier côté a nécessairement été mieux plané que l’autre, plus net, moins chargé de crasse ; ce qui produit aussi quelque inégalité dans le succès de l’étamage.
Tandis qu’on forme une nouvelle trousse dans la forge A, & que des feuilles s’y préparent à être mises dans l’état où nous avons conduit celles-ci, les mêmes ouvriers rognent ; ils se servent pour cet effet d’une cisaille, & d’un chassis qui détermine l’étendue de la feuille. Chaque feuille est rognée séparément. Quand les feuilles sont rognées & équarries, opération dans laquelle chaque feuille pliée se trouve coupée en deux, la cisaille emportant le pli, on prend toutes ces feuilles, on en forme des piles sur deux grosses barres de fer rouge qu’on met à terre ; on contient ces piles par une ou deux autres grosses barres de fer rouges qu’on pose dessus.
Cependant les feuilles de la trousse en travail, du paquet qui suit, s’avancent jusqu’à l’état d’être équarries ; mais dans la chaude qui précede immédiatement leur équarrissage, on divise chaque paquet en deux, & l’on met entre ces deux portions égales de feuilles non-équarries, une certaine quantité de feuilles équarries : on porte le tout sous le gros marteau ; on bat, & les feuilles équarries reçoivent ainsi leur dernier poli. Après cette opération, les feuilles équarries des paquets iront à la cave, & les non-équarries, à la cisaille.
De ces feuilles prêtes à aller à la cave, les unes sont gardées en tôle, ce sont les moins parfaites ; les autres sont destinées à être mises en fer blanc. Avant que de les y porter, on les décape grossierement au grès, puis elles descendent à la cave ou étuve, où elles sont mises dans des tonneaux pleins d’eaux sûres, c’est-à-dire dans un mélange d’eau & de farine de seigle, à laquelle on a excité une fermentation acéteuse, par l’action d’une grande chaleur répandue & entretenue par des fourneaux F dans ces caves, où il put fort, & où il fait très-chaud. C’est-là qu’elles achevent de se décaper, c’est-à-dire que la crasse de forge qui les couvre encore, en est tout-à-fait enlevée. Peut-être feroit-on bien d’enlever en partie cette crasse des feuilles avant que de les mettre dans l’eau sûre ; cette eau en agiroit sûrement d’autant mieux. Les feuilles passent trois fois vingt-quatre heures dans ces eaux, où on les tourne & retourne de tems en tems, pour les exposer à l’action du fluide en tout sens ; puis on les retire, & on les donne à des femmes G, qui se servent pour cet effet de sable, d’eau, de liége, & d’un chiffon : cela s’appelle blanchir, & les ouvriers & ouvrieres occupés à ce travail, blanchisseurs. Après l’écurage ou blanchiment des feuilles, on les jette à l’eau pour les préserver de la grosse rouille ; la rouille fine qui s’y forme, tombe d’elle-même : c’est de-là qu’elles passent à l’étamage.
L’attelier d’étamage E consiste en une chaudiere de fer fondu, E, placée dans le milieu d’une espece de table de plaques de fer inclinées legerement vers la chaudiere qu’elles continuent proprement. Cette chaudiere a beaucoup plus de profondeur que n’a de hauteur la feuille qui s’y plonge toûjours verticalement, & jamais à plat ; elle contient 1500 à 2000 d’étain. Dans le massif qui soûtient ceci, est pratiqué un four, comme de boulanger, dont la cheminée est sur la gueule, & qui n’a d’autre ouverture que cette gueule, qui est opposée au côté de l’étameur. Ce four se chauffe avec du bois.
L’étamage doit commencer à six heures du matin. La veille de ce jour, l’étameur met son étain à fondre en F à dix heures du soir ; il fait feu, son étain est bientôt fondu : il le laisse six heures en fusion, puis il y introduit l’arcane, qu’on ignore ; il est à présumer que c’est du cuivre, & ce soupçon est fondé sur ce que la chose qu’on ajoûte doit servir à la soudure : or le cuivre peut avoir cette qualité, puisqu’il est d’une fusibilité moyenne entre le fer & l’étain. Peut-être faudroit-il employer celui qui a été enlevé des vaisseaux de cuivre étamés, & qui a déjà avec lui une partie d’étain. Il ne faut ni trop ni trop peu d’arcane. L’arcane est en si petite quantité dans l’étain, qu’en enlevant l’étamage d’un grand nombre de plaques de fer étamées, & faisant l’essai de cet étain, on ne peut rendre l’addition sensible : il faut donc très-peu d’addition. Nous pouvons assûrer que c’est un alliage ; mais s’il en faut peu, il ne faut non plus ni trop ni trop peu de feu. Mais ces choses ne se décrivent point, & font l’ouvrier ; elles consistent dans un degré qui ne s’apprécie que par l’usage.
On fait fondre l’étain sous un tectum de suif de quatre à cinq pouces d’épaisseur, parce que l’étain fondu se calcine facilement quand il est en fusion, & qu’il a communication avec l’air. Cette précaution empêche la communication, & peut même réduire quelque petite portion d’étain qui pourroit se calciner ; secret que n’ignorent point les fondeurs de cuilleres d’étain. Ils savent bien que la prétendue crasse qui se forme à la surface de l’étain qu’ils fondent, est une véritable chaux d’étain qu’ils pourront réduire en la fondant avec du suif ou autre matiere grasse. Ce tectum de suif est de suif brûlé, & c’est-là ce qui lui donne sa couleur noire.
Dès les six heures du matin, lorsque l’étain a le degré de chaleur convenable (car s’il n’est pas assez chaud, il ne s’attache point au fer ; trop chaud, l’étamage est trop mince & inégal), on commence à travailler. On trempe dans l’étain, en F, les feuilles retirées de l’eau ; l’ouvrier les jette ensuite à côté, sans s’embarrasser de les séparer les unes des autres, & en effet elles sont presque toutes prises ensemble. Ce premier travail fait sur toutes les feuilles, l’ouvrier en reprend une partie qu’il trempe toutes ensemble dans son étain fondu : il les y tourne, retourne en tout sens, divisant, soûdivisant son paquet sans le sortir de la chaudiere ; puis il les prend une à une, & les trempe séparément dans un espace séparé par une plaque de fer qui forme dans la chaudiere même un retranchement. Il les tire donc de la grande partie de la chaudiere, pour les plonger une à une dans ce retranchement. Cela fait, il les met à égoutter sur deux petites barres de fer assemblées parallelement, & hérissées d’autres petites barres de fer fixées perpendiculairement sur chacune, comme en n. Les feuilles sont placées sur les barres de fer paralleles qui les soûtiennent, & entre les barres verticales qui les conservent verticales.
Une petite fille o prend chaque feuille de dessus l’égouttoir ; & s’il y a de petites places qui n’ayent pas pris l’étain, elle les racle fortement avec une espece de gratoir, & les remet à côté de l’attelier, d’où elles retourneront à l’étamage. Quant à celles qui sont parfaites, elles sont distribuées à des filles qui avec de la siûre de bois & de la mousse, les frotent long-tems pour les dégraisser ; après quoi il ne s’agit plus que d’emporter une espece de lisiere ou reborde qui s’est formé à l’un des côtés de la feuille tandis qu’on les mettoit à égoutter. Pour cet effet on trempe exactement ce rebord dans l’étain fondu, en q. Il y a un point à observer, c’est qu’il ne faut tremper ni trop ni trop peu long-tems, sans quoi un des étains, en coulant, feroit couler l’autre, & la plaque resteroit noire & imparfaite. Les défauts principaux de cette lisiere sont de se calciner, ronger, détruire, sur-tout dans les ouvrages qui doivent souffrir le feu, où elle ne devroit jamais se trouver. Après cette immersion, un ouvrier frote fortement des deux côtés l’endroit trempé, avec de la mousse, emporte l’étain superflu, & les feuilles sont faites.
On fait des plaques de différentes largeur, longueur & épaisseur : les ouvriers disent que le profit est immense. La fabrique est à Mansvaux, en Alsace.
p, chaudiere où l’on fait fondre le suif. q, fourneau d’étain fondu pour les rebords.
Fer a cheval, ferrum equinum, genre de plante à fleurs papilionacées. Il sort du calice un pistil qui devient dans la suite une silique applatie, composée de plusieurs pieces courbées en forme de croissant, ou de fer à cheval. Cette silique renferme des semences qui ont la même forme. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez Plante. (I)
Les Botanistes comptent trois especes générales de fer à cheval, & la plus commune, ou la germanique, qui se trouve dans les boutiques, est mise au rang des plantes astringentes ; elle vient dans les terres à marne, fleurit en Juin & Juillet, & perfectionne sa semence en Août & Septembre.
Il seroit aisé de multiplier le fer à cheval, en semant ses graines au mois de Mars dans un terrein sec, sans les porter ailleurs ; car elles ne souffrent pas la transplantation : alors il faudroit les espacer à un grand pié de distance, parce que cette plante trace sur le terrein, & couvre cet espace en s’étendant. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.
Fer, (Age de) Myth. L’âge de fer est le dernier des quatre âges que les Poëtes ont imaginé. Je m’exprime mal, cet âge n’est point le fruit de leur imagination, c’est le tableau du spectacle de la nature humaine. Voici comme Dryden le dépeint.
Hard steel succeeded then,
And stubborn as the metal, were the men.
Truth, modesty, and shame, the world forsook ;
Fraud, avarice, and force, their places took ;
Then land-marks limited to cach his right,
For all before was common as the light :
Nor was the ground alone requir’d to bear
Her annual income to the crooked share :
But greedy mortals, rummaging her store,
Dig’d from her entrails first the precious ore ;
Which next to hell the prudent gods had laid,
And that alluring ill to sight display’d :
And double death did wretched men invade
By steel assaulted, and by gold betray’d.
Now brandish’d weapons glitt, ring in their hands,
Mankind is broken loose from mortal bands.
No rights of hospitality remain ;
The guest, by him that harbour’d him, is slain :
The son-in laws pursues the father’s life ;
The wife her husband murthers, he the wife ;
The stepdame poison for the son prepares ;
The son enquires into his father’s years :
Faith flies, and Piety in exile mourns :
And justice, here oppress’d, to heav’n returns.
« L’âge de fer, digne de la race des mortels, vint à succéder ; alors la bonne-foi & la vérité bannies du monde, firent place à la violence, à la trahison, à l’insatiable avarice : rien ne resta de commun parmi les hommes que l’usage de la lumiere, qu’ils ne purent se ravir les uns aux autres. On fouilla dans les mines pour en tirer ces métaux, que la sagesse des dieux avoit enfoüis près du Tartare : l’or servit à trahir, & le fer à porter la mort & le carnage. L’hospitalité ne fut plus un asile assuré ; la paix ne régna que rarement entre les freres ; les enfans compterent les années de leur pere ; la cruelle marâtre employa le poison ; le mari attenta sur la vie de sa femme, la femme sur celle de son mari ; Astrée tout en larmes abandonna le séjour de la terre, qu’elle vit couverte de sang ; & la Piété desolée se retira dans le ciel ».
Je sens bien que j’affoiblis les images du poëte anglois, mais j’ai donné l’original. Voulez-vous, peut-être, quelque chose de mieux encore ? voyez la peinture qu’Hésiode a faite de cet âge de fer dans son poeme intitulé, Opera & Dies. Je ne dis rien de la peinture d’Ovide (Métamorph. lib. I.) ; elle est connue de tout le monde, & il semble s’y être surpassé lui-même. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.
Fer d’or, (Chevalier du) Hist. mod. Les chevaliers du fer d’or & écuyers du fer d’argent (car ils réunissoient ces deux titres), étoient une société de seize gentilshommes, en partie chevaliers, & en partie écuyers.
Cette société fut établie dans l’église de Notre-Dame de Paris en 1414, par Jean duc de Bourbon, qui s’y proposa, comme il le dit lui-même, d’acquérir de la gloire & les bonnes graces d’une dame qu’il servoit. Ceux qui entrerent dans cette société, se proposerent aussi de se rendre par-là recommandables à leurs maîtresses. On ne sauroit concevoir un plan plus extravagant d’actions de piété & de fureur romanesque, que celui qui fut imaginé par le duc de Bourbon.
Les chevaliers de sa société devoient porter, aussi bien que lui, à la jambe gauche, un fer d’or de prisonnier pendant à une chaîne ; les écuyers en devoient porter un semblable d’argent. Le duc de Bourbon eut soin d’unir étroitement tous les membres de son ordre ; & pour cet effet il leur fit promettre de l’accompagner, dans deux ans au plûtard, en Angleterre, pour s’y battre en l’honneur de leurs dames, armés de haches, de lances, d’épées, de poignards, ou même de bâtons, au choix des adversaires. Ils s’obligerent pareillement de faire peindre leurs armes dans la chapelle où ils firent ce vœu, qui est la chapelle de Notre-Dame de Grace, & d’y mettre un fer d’or semblable à celui qu’ils portoient, avec la seule différence qu’il seroit fait en chandelier, pour y brûler continuellement un cierge allumé jusqu’au jour du combat.
Ils réglerent encore qu’il y auroit tous les jours une messe en l’honneur de la Vierge, & que s’ils revenoient victorieux, chacun d’eux fonderoit une seconde messe, feroit brûler un cierge à perpetuité, & de plus se feroit représenter revêtu de sa cotte d’armes, avec toutes ses armes de combattant ; que si par malheur quelqu’un d’eux étoit tué, chacun des survivans, outre un service digne du mort, lui feroit dire dix-sept messes, où il assisteroit en habit de deuil.
Cette société pour comble d’extravagance, fut instituée au nom de la sainte Trinité & de saint Michel, & elle eut le succès qu’elle méritoit. Le duc de Bourbon alla véritablement en Angleterre, à-peu-près dans le tems qu’il avoit marqué ; mais il y alla en qualité de prisonnier de guerre, & il y mourut au bout de 19 ans sans avoir pu obtenir sa liberté. Voy. si vous êtes curieux de plus grands détails, l’histoire des ordres de chevalerie du P. Héliot, tom. VIII. ch. v. c’est-à-dire le recueil des folies de l’esprit humain en ce genre bisarre, depuis l’origine du Christianisme jusqu’au commencement de notre siecle. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.
Fer, en termes de Blason, se dit de plusieurs sortes de fers dont on charge les écus, tels que sont les fers de lame, de javelot, de pique, de fleche, & de cheval : ces derniers sont ordinairement représentés la pince en-haut ; & lorsque les places des clous sont d’une couleur ou d’un métal différens, on les blasonne cloüés. Voyez Cloué. Ménétr. & Trév.
Fer de fourchette, Croix à fer de fourchette, (Blason.) est une croix qui a à chacune de ses extrémités un fer recourbé, tel que celui dont les soldats se servent ordinairement pour attacher leurs mousquets. Elle differe de la croix fourchée, en ce que les extrémités de celle-ci sont recourbées en tournant ; au lieu que dans la premiere, la fourchette est placée au quarré de l’extrémité. Voyez-en la figure dans les Planches hérald. ou du Blason, fig. 20.
Fer de moulin, est une piece qui entre dans le Blason, & qu’on suppose représenter l’ancre de fer qui soûtient la meule d’un moulin ; il est représenté dans les Planc. hérald.
Fer (L’île de) Géog. L’île de Fer, autrement Ferro, ou comme les Espagnols à qui elle appartient la nomment, la isla de Hierro, est une île d’Afrique la plus occidentale des Canaries, d’environ sept lieues de long, six de large, & vingt-deux de tour. Elle n’est guere remarquable que parce que les géographes françois placent leur premier méridien à l’extrémité occidentale de cette île, par ordonnance de. Louis XIII. Les Hollandois placent le leur d’ordinaire au pié de l’île Ténériffe, l’une des Canaries. Le P. Riccioli met le sien à l’île de Palma : il est fâcheux qu’on ne soit pas généralement convenu de prendre le même méridien, quoiqu’on remédie à cette diversité par une conciliation des divers méridiens. Voyez Méridien. L’île de Fer est à environ dix-huit lieues de Ténériffe. Sa différence du méridien de Paris, est, suivant M. Cassini, 1 heu. 19′ 26″. Sa latitude 27d 47′ 51″.
Fer à cheval, (Architect.) terrasse circulaire à deux rampes en pente douce, comme celles du bout du jardin du palais des Tuileries, & du parterre de Latone à Versailles : toutes deux du dessein de M. le Nôtre. (P)
Fer à cheval, (Fortific.) c’est dans la Fortification un ouvrage de figure à-peu-près ronde ou ovale, formé d’un rempart & d’un parapet, qu’on construit quelquefois dans les environs d’une place de guerre, pour en empêcher l’accès à l’ennemi.
La figure de ces sortes d’ouvrages n’est point déterminée. On en construit aussi dans les places maritimes, à l’extrémité des jettées, ou dans les lieux où ils peuvent servir à défendre l’entrée du port aux vaisseaux ennemis. (Q)
Fer, (Marine.) on se sert de ce mot pour signifier grapin ou érisson. Il n’est guere en usage que sur les galeres, où l’on dit être sur le fer, pour dire être à l’ancre. (Z)
Fers d’arc-boutans, ou Boute dehors, (Marine.) ce sont des fers à trois pointes, qu’on met au bout d’un arc boutant avec un piton à grille. (Z)
Fer de chandelier de pierrier, (Marine.) c’est une bande de fer qui est troüée par le haut, & que l’on applique sur un chandelier de bois, par où passe le pivot du chandelier de fer, sur lequel le pierrier tourne. (Z)
Fer de pirouette, (Marine.) c’est une verge de fer qu’on met au bout du plus haut mât, où la giroüette est passée. (Z)
Fer, (Maréch.) on appelle de ce nom en général l’espece de semelle que l’on fixe par clous sous le pié du cheval, du mulet, &c. à l’effet d’en défendre l’ongle de l’usure & de la destruction, à laquelle il seroit exposé sans cette précaution.
Communément cette semelle est formée par une bande de ce métal. Cette bande applatie & plus ou moins large, est courbée sur son épaisseur, de maniere qu’elle représente un croissant alongé.
On peut y considérer deux faces & plusieurs parties. La face inférieure porte & repose directement sur le terrein. La face supérieure touche immediatement le dessous du fabot, dont le fer suit exactement le contour. La voûte est le champ compris entre la rive extérieure & la rive intérieure, à l’endroit où la courbure du fer est le plus sensible. On nomme ainsi cette partie, parce qu’ordinairement le fer est dans ce même lieu relevé plus ou moins en bateau. La pince répond précisément à la pince du pié ; les branches aux mammelles ou aux quartiers, elles regnent depuis la voûte jusqu’aux éponges ; les éponges répondent aux talons, & sont proprement les extrémités de chaque branche : enfin les trous dont le fer est percé pour livrer passage aux clous, & pour en noyer en partie la tête, sont ce que nous appellons étampures. Ces trous nous indiquent le pié auquel le fer est destiné ; les étampures d’un fer de devant étant placées en pince, & celles d’un fer de derriere en talon, & ces mêmes étampures étant toûjours plus maigres ou plus rapprochées du bord extérieur du fer, dans la branche qui doit garantir & couvrir le quartier de dedans.
Il seroit inutile de fixer & d’assigner ici des proportions, relativement à la construction de chacune des parties que je viens de désigner ; elles varient & doivent varier dans leur longueur, dans leur épaisseur, & dans leur contour, selon la disposition & la forme des différens piés auxquels le fer doit être adapté : j’observerai donc simplement & en général, qu’il doit être façonné de telle sorte, que la largeur des branches décroisse toûjours insensiblement jusqu’aux éponges ; que la face intérieure d’épaisseur diminue imperceptiblement de hauteur, depuis une éponge jusqu’à l’autre ; que la face extérieure s’accorde en hauteur avec elle à ces mêmes éponges, & dans tout le contour du fer, excepté la pince, où on lui on donne communément un peu plus ; que la face supérieure soit legerement concave, à commencer depuis la premiere étampure jusqu’à celle qui dans l’autre branche répond à celle-ci ; que la face inférieure de chaque branche reste dans le même plan ; que la partie antérieure du fer soit foiblement relevée en bateau ; que les éponges soient proportionnées au pié par leur longueur, &c.
Quant aux différentes especes de fer, il en est une multitude, & on peut les multiplier encore relativement aux différens besoins des piés des chevaux, & même des défectuosités de leurs membres ; mais je me contenterai de décrire ici celles qui sont les plus connues, & dont l’usage est le plus familier.
Fer ordinaire de devant, de derriere, du pié gauche & du pié droit. Le fer ordinaire n’est autre chose que celui dont l’ajusture est telle que je l’ai prescrit ci-dessus ; & ce que j’ai dit plus haut de l’étampure, suffit pour déterminer le pié pour lequel il a été forgé.
Fer couvert. On entend par couvert, celui qui par la largeur de ses branches, ainsi que de sa voûte, occupe une grande partie du dessous du pié.
Fer mi-couvert. Le fer mi-couvert est celui dont une seule des branches est plus large qu’à l’ordinaire.
Fer à l’angloise. On appelle fer à l’angloise, un fer absolument plat. Le champ en est tellement étroit, qu’il anticipe à peine sur la sole ; ses branches perdent de plus en plus de leur largeur, ainsi que de leur épaisseur, jusqu’aux éponges qui se terminent presque en pointe. Il n’y a que six étampures.
Autre espece de fer à l’angloise. Quelques-uns ont encore nommé ainsi un fer dont les branches augmentent intérieurement de largeur entre l’éponge & leur naissance. L’étampure n’en est point quarrée & séparée ; elle est pour chaque branche une rainure au fond de laquelle sont percés quatre trous : les têtes des clous dont on se sert alors ne se noyent dans cette rainure, que parce qu’elles ne débordent les lames que latéralement. Cette maniere d’étampure affoiblit le fer plus que l’étampure ordinaire, dont les interstices tiennent liées les rives que desunit la rainure.
Fer à pantoufle. Ce fer ne differe d’un fer ordinaire, qu’en ce que son épaisseur intérieure augmente uniformément depuis la voûte jusqu’aux éponges ; ensorte que le dessus de chaque branche présente un glacis incliné de dedans en-dehors, commençant à rien au milieu de cette même branche, & augmentant insensiblement jusqu’aux éponges.
Fer demi-pantoufle. Ce fer est proprement un fer ordinaire dont on a simplement tordu les branches, afin que la face supérieure imite le glacis des fers à pantoufle. Le point d’appui du pié sur ce fer est fixé à l’intérieur des branches, mais l’extérieur seul est chargé de tout le fardeau du corps ; de maniere que le fer peut plier, porter, ou entrer dans les talons, & rendre l’animal boiteux ; d’où l’on doit juger de la nécessité de n’en faire aucun usage dans la pratique.
Fer à lunette. Le fer à lunette est celui dont on a supprimé les éponges & une partie des branches.
Fer à demi-lunette. Dans celui-ci il n’est qu’une éponge, & une partie d’une seule des branches qui ayent été coupées.
Fer voûté. Le fer voûté est un fer plus couvert qu’à l’ordinaire, & dont la rive intérieure plus épaisse que l’extérieure, doit chercher la sole & la contraindre legerement. Nombre de maréchaux observent très-mal à-propos le contraire.
Fer geneté. On appelle ainsi celui dont les éponges sont courbées sur plat en contre-haut.
Fer à crampon On ajoûte quelquefois au fer ordinaire un ou deux, & même en quelque pays jusqu’à trois crampons. Le crampon est une sorte de crochet formé par le retour d’équerre en-dessous de l’extrémité prolongée, élargie, & fortifiée de l’éponge. Le fer à crampon est celui qui a un crampon placé à l’extrémité de la branche extérieure. On dit fer à deux crampons, si les branches portent chacune le leur ; & à trois crampons, si, outre ces deux premiers, il en part un de la pince en contre-bas.
Fer à pinçon. On tire dans de certains cas de la rive supérieure de la pince une petite griffe, que l’on rabat sur la pince du pié : c’est cette griffe que l’on appelle pinçon.
Fer à tous piés. Il en est de plusieurs sortes.
1°. Le fer à tous piés simple n’est différent d’un fer ordinaire, qu’en ce que ses deux branches sont plus larges, & qu’elles sont percées sur deux rangs d’étampures distribuées tout autour du fer. Pour que les trous percés sur ces deux rangs près l’un de l’autre, n’affoiblissent point le fer, le rang extérieur n’en contient que huit, & le rang intérieur sept, & chaque étampure d’un rang répond à l’espace qui sépare celles de l’autre.
2°. Le brisé a un seul rang. Les branches en sont réunies à la voûte par entaille, & sont mobiles sur un clou rond rivé dessus & dessous.
3°. Le brisé à deux rangs. Il est semblable à ce dernier par la brisure, & au premier par l’étampure.
4°. Le fer à tous piés sans étampures. Il est brisé en voûte comme les précédens ; & le long de sa rive extérieure s’éleve une espece de sertissure tirée de la piece, qui reçoit l’extrémité de l’ongle comme celle d’un chaton reçoit le biseau de la pierre dont il est la monture. L’une & l’autre éponge est terminée en empatement vertical, lequel est percé pour recevoir une aiguille à tête refendue, dont le bout est taillé en vis. Cette aiguille enfile librement ces empatemens, & reçoit en-dehors un écrou, au moyen duquel on serre le fer jusqu’à ce qu’il tienne fermement au pié. On peut avec le brochoir incliner plus ou moins la sertissure pour l’ajuster au sabot.
5°. Le fer à double brisure. Ses branches sont brisées comme la voûte de ces derniers, & leurs parties mobiles sont taillées sur champ & en-dedans de plusieurs crans, depuis le clou jusqu’aux éponges ; elles sont percées de trois étampures, dont deux sont au long de la rive extérieure, & la troisieme en-dedans & vis-à-vis l’espace qui les sépare. Un petit étrésillon de fer dont les bouts fourchus entrent & s’engagent dans les crans des branches mobiles, entr’ouvre de plus en plus le vuide du fer, à mesure qu’on l’engage dans les crans les plus éloignés des brisures : aussi ce fer est-il d’une grande ressource pour ouvrir les talons.
Fer à patin. Il en est aussi de plusieurs sortes.
La premiere espece présente un fer à trois crampons ; celui de la pince étant plus long que les autres. Comme ce fer n’est point destiné à un cheval qui doit cheminer, on se contente ordinairement de prolonger les éponges, & d’en enrouler les extrémités pour former les crampons de derriere, & l’on soude sur plat à la voûte une bande, qu’on enroule aussi en forme d’anneau jetté en-avant.
La seconde offre encore un fer ordinaire, sous lequel on soude quatre tiges, une à chaque éponge, & une à la naissance de chaque-branche : ces tiges sont égales & tirées des quatre angles d’une petite platine de fer quarré long, dont l’assiette est parallele à celle du fer à deux pouces de distance plus ou moins, & répond à la direction de l’appui du pié.
La troisieme enfin est un fer ordinaire de la pince, duquel on a tiré une lame de cinq ou six pouces de longueur, prolongée sur plat dans un plan parallele à celui de l’assiette du fer, & suivant sa ligne de foi. Cette lame est quelquefois terminée par un petit enroulement en-dessous.
Fer à la turque. Nous en connoissons aussi plusieurs especes.
Nous nommons ainsi 1°. un fer dont la branche intérieure dénuée d’étampure depuis la voute, augmente uniformément d’épaisseur en-dessous jusqu’à son extrémité, où elle se trouve portée jusqu’à environ neuf ou dix lignes, diminuant en même tems de largeur jusqu’au point d’en avoir à peine une ligne à l’éponge.
2°. Un autre fer sous le milieu de la branche intérieure, duquel s’éleve dans la longueur d’environ un pouce une sorte de bouton tiré de la piece, lequel n’en excede pas la largeur, & qui saillant de trois ou quatre lignes, est bombé seulement dans le sens de sa longueur. Sa largeur est partagée en deux éminences longitudinales par une cannelure peu profonde ; il n’est aucune étampure dans toute l’étendue de ce bouton, mais il en est une qui est portée en-arriere entre ce bouton & l’éponge.
3°. Il en est un troisieme dont il est rare que nous fassions usage. Ce fer n’est autre chose qu’une platine contournée pour le pié de l’animal, & percée dans son milieu d’un trou fort petit, eu égard au vuide des fers ordinaires.
Fer prolongé en pince. Nous ajoûtons aux piés des chevaux rampins un fer dont la pince déborde d’un pouce, plus ou moins, celle du sabot. Cet excédent est relevé en bateau par une courbure plus ou moins sensible.
Fers à mulet. Ces fers ne different de ceux qui sont destinés aux chevaux, qu’autant que la structure & la forme du pié de cet animal different de celles du pié du cheval. Le vuide en est moins large pour l’ordinaire ; les branches en sont plus longues, & débordent communément le sabot, &c.
On doit adapter souvent aux piés des mulets des fers de chevaux. Voyez Ferrure. Ceux qui sont dans la pratique particuliere à ces animaux, sont la planche & la florentine.
La planche est une large platine de figure à-peu-près ovalaire, ouverte d’un trou de la même forme, relatif aux proportions de la solle. La partie de cette platine qui fait office de la branche intérieure du fer ordinaire, n’est large qu’autant qu’il le faut pour saillir de quelques lignes hors du quartier. Celle qui recouvre & défend le talon est un peu plus large & déborde à proportion. La portion qui tient lieu de la branche extérieure, a encore plus de largeur ; son bord extérieur est relevé d’environ trois ou quatre lignes, par une courbure très-précipitée, dont la naissance n’est éloignée de la rive que d’environ quatre lignes. Cette courbure regne depuis le talon jusqu’à la pointe du fer. La partie antérieure qui s’étend au-delà de la pince d’environ trois pouces, est elle-même relevée en bateau par une courbure fort précipitée, qui commence dès le dessous de la pince de l’animal. Les étampures sont semblables à celle de fers ordinaires de derriere. Outre ces étampures, on perce encore deux trous plus larges, un de chaque côté de la pince & hors de son assiette, pour recevoir de forts clous à glace quand le cas le requiert.
Fer à la florentine. Ce fer est proprement une planche dont l’ouverture est telle, qu’elle le divise en deux branches, comme les fers ordinaires. L’extrémité des éponges en est legerement relevée : on y perce également des trous en pince pour les clous à glace. La bordure de ceux qu’on destine aux piés de derriere n’est pas relevée, & la courbure de la partie antérieure n’est point aussi précipitée. Les éponges prolongées à dessein sont rejettées en-dessous, & tordues de dehors en-dedans pour former des crampons, tels que ceux que l’on nomme à oreille de lievre ou de chat. Voyez Forger. Outre les deux trous percés pour les clous à glace, on en perce un troisieme, environ au milieu de la portion antérieure & relevée de ce fer pour le même usage. (e)
Fer à Lampas, (Maréchall.) tige de fer dont une extrémité portée par son applatissement à une largeur de cinq ou six lignes environ, est relevée pour former une sorte de crochet tranchant, & en sens croisé à la longueur de la tige. Voyez Feve. (e)
Fers a Cahiers, en terme d’Aiguilletier, sont des fers attachés au bout d’un petit ruban de fil, à l’usage des gens de pratique.
* Fers (ardoisieres), ce sont des instrumens qui servent dans les mines d’ardoise à en détacher des morceaux ; il y en a de grands & de moyens, Voyez ce que nous en avons dit à l’article Ardoise.
Fer a forger ou Fer a creuser, parmi les Batteurs d’or & autres ouvriers ; c’est une lame de fer courbée, assez semblable à un fer à cheval, que l’on met devant le creuset pour ralentir & modérer la chaleur, & rendre l’action du feu sur le creuset toûjours égale.
Fer a repasser, est un outil dont se servent les Blanchisseuses & autres ouvrieres, pour unir la surface du linge, des dentelles & des étoffes, & leur donner de la consistance au sortir du blanchissage. Le fer à repasser est quarré par le bas, & rond par la tête ; sa longueur est double de sa largeur : son épaisseur est ordinairement de quatre lignes, suivant la grandeur des fers : sa face doit être polie. A la partie opposée à cette face, est une poignée aussi de fer, & soudée sur ledit fer. Il y a des fers à repasser pour les Chapeliers ; ils ne different des précédens, qu’en ce qu’ils ont un pouce d’épaisseur, & sont presqu’aussi larges que longs, mais toûjours ronds par la tête. Pour faire un fer à repasser, le taillandier prend une barre de fer plat, qu’il courbe pour en former la table du fer à repasser, comme on le voit dans nos Planches. Cela fait, il coupe les angles du côté de la tête, il les arrondit ensuite ; il forge la poignée, il l’enleve & la tourne. Cette poignée est creuse, afin qu’elle ne prenne point trop de chaleur ; cela fait, il tourne les piés de la poignée. Cette partie est ordinairement de la longueur de la table du fer, & soudée dessus au milieu de la tête & du pié. On a représenté dans la Planche, un taillandier qui tient avec des tenailles un fer à repasser, pour le dresser sur une meule d’acier. Cette façon de dresser n’est pas usitée de tous les ouvriers : il y en a qui dressent les fers à la lime, & les finissent sur la meule de grès ; d’autres les finissent tout à la lime.
On voit ailleurs un autre compagnon qui polit un fer à repasser avec une arbalête. Pour appuyer plus fort l’arbalête contre le fer, on s’est servi d’un bâton d’épine ou d’érable, courbé en arc, comme à la manufacture des glaces. On appelle ce bâton ainsi courbé, fleche. Il y a des fers à repasser pointus.
Le fer à repasser en cage, est une espece de fer rond ou pointu, composé de la semelle sur laquelle est montée une cloison, comme la cloison d’une serrure, avec une couverture à charniere montée sur la cloison, & une poignée fixée sur la couverture. Au lieu de faire chauffer ce fer devant le feu, on met dans la cavité de ce fer un morceau de fer chaud. Voyez dans nos Planches de Taillanderie ce fer, son ouverture, sa semelle, sa cloison montée sur la semelle, la couverture garnie de sa poignée & charniere.
Fer a rouler, terme de Boutonnier, c’est une espece de poinçon long de trois pouces & demi ou quatre pouces, qui se termine en vis par la pointe. On se sert de cet instrument pour assujettir les moules, lorsqu’on veut travailler les boutons à l’aiguille. Pour cet effet on enfonce la pointe ou vis du poinçon dans le trou où le moule est percé au centre. Voyez la figure K, Pl. I. M représente le même fer à rouler, sur lequel est monté un moule de bouton. Les figures 1. & 2. de la vignette travaillent avec cet instrument, qui sert à tenir les moules de boutons pour les revêtir de soie ou de trait d’or & d’argent.
Fers, outils de Cartiers ; ce sont des especes de poinçons ou emporte-pieces, au bout desquels sont gravées les marques distinctives des cartes, comme le carreau, le cœur, le pique & le trefle. Ces fers, qui sont coupans par en bas, servent à marquer sur les patrons, les endroits où doivent être empreintes ces marques différentes. Voyez Emporte-piece.
Fer a souder, (Chauderonniers, Ferblantiers, & autres ouvriers.) Ils en ont de deux sortes, les uns pour l’étain, & les autres pour le cuivre : ces derniers sont de cuivre, & les autres de fer. Des uns & des autres il y en a de ronds & de quarrés : ceux-ci sont pour souder dans le milieu de la piece. Il y en a aussi de plats, pour souder dans la quarre des chauderons & autres ouvrages de cuivre. Ils sont presque tous sans manche de bois ; mais au lieu de moufflettes on les tient par une longue queue de fer. Leur longueur est depuis 12 jusqu’à 18 à 20 pouces. Le côté qui sert à souder, est un peu recourbé en croissant à ceux qui sont ronds : aux quarrés c’est un morceau de fer en forme de cube, d’environ 18 lignes, qui est rivé au bout de la queue.
Fer, terme de Corderie, est un morceau de fer plat, large de trois à quatre pouces, épais de deux lignes, long de deux piés & demi, solidement attaché dans une situation verticale à un poteau ou à une muraille par deux barreaux de fer soudés à ses extrémités ; enfin le bord intérieur du fer plat forme un tranchant mousse. Voyez les Planches de Corderie.
Le peigneur tient sa poignée de chanvre, comme s’il vouloit la passer sur le peigne, excepté qu’il prend dans sa main le gros bout, & qu’il laisse pendre le plus de chanvre qu’il lui est possible, afin de faire passer le milieu sur le tranchant du fer : tenant donc la poignée de chanvre, comme nous venons de le dire, il la passe dans le fer ; & retenant le petit bout de la main gauche, il appuie le chanvre sur le tranchant mousse du fer ; & tirant fortement de la main droite, le chanvre frote sur le tranchant ; ce qui étant répeté plusieurs fois, le chanvre a reçû la préparation qu’on vouloit lui donner, & on l’acheve en le pressant legerement sur le peigne à finir. Voyez l’article Corderie, & les figures.
Fers a découper, en terme de Découpeur, sont des emporte-pieces modelés selon le goût & la fantaisie, dont on se sert pour découper divers desseins sur les étoffes. Voyez les figures de la Planche du Découpeur, qui représentent ces sortes d’outils. On frappe sur la tête avec un maillet de bois, comme sur un ciseau, & le fer à découper tranche l’étoffe mise en plusieurs doubles sur une planche.
Fers a gauffrer, en terme de Découpeur, ce sont des planches de cuivre qu’on applique sur les étoffes, pour y imprimer les caracteres qui sont gravés sur ces fers. Voyez Planche du Découpeur, une épreuve de ce fer.
Fers a reparer, en terme de Doreur sur bois, est un terme général qui signifie tous les outils sans distinction, dont on se sert pour reparer les pieces déjà blanchies. Chacun de ces fers a son nom particulier ; l’un est une spatule, l’autre un fer à refendre ; celui-ci un fer à coups fins, celui-là un fer à gros coups. Voyez ces termes ci-après, & la figure 5. de la Planche du Doreur.
Fer a gros coups, en terme de Doreur sur bois, est un outil dont la tranche, moins fine que celle du fer à coups fins, prépare la piece, & la met en état d’être-achevée de reparer par ce dernier. Voyez les figures, Planche du Doreur.
Fer a coups Fins, en terme de Doreur, se dit d’un outil qui ne differe des autres qui sont nécessaires au reparage, que parce que sa tranche est fort petite, & qu’on s’en sert pour reparer en derniere façon. Voyez Planche du Doreur.
Fer a refendre, en terme de Doreur sur bois, est un outil dont la tranche se termine en demi-losange : il sert à dégager les coups de ciseau couverts par le blanc. Voyez la Planche du Doreur.
Fer quarré, en terme d’Eperonnier, est le nom d’un outil de fer dont la forme est quarrée, sur-tout vers sa pointe ; l’autre bout, plus large & presque plat, se replie plusieurs fois sur lui-même, ce qui lui sert de poignée. Son usage est de donner à des trous de la grandeur à discrétion. Voyez les figures de la Pl. de l’Eperonnier.
Fer a souder, outil de Ferblantier ; c’est un morceau de fer long d’un pié & demi, quarré, de la grosseur d’un doigt, qui est emmanché dans un morceau de bois de la longueur de trois à quatre pouces, rond, & gros à proportion. A côté & dans le bas de ce fer, est un œil dans lequel se rive un morceau de cuivre rouge, qui est de l’épaisseur d’environ deux lignes par en-bas ; & du côté où il est rivé, il est environ de la grosseur d’un pouce en quarré. Les Ferblantiers font chauffer cet outil, & posent leur soudure dessus les pieces à souder ; & la chaleur de ce fer faisant fondre la soudure, l’attache dessus le fer-blanc, & assujettit plusieurs pieces ensemble. Voyez les figures, Planche du Ferblantier.
Fer, en terme de Filassier ; c’est un instrument de fer attaché à un mur ou contre quelque chose de solide, dont le ventre large & obtus brise la filasse qu’on y frote, & en fait tomber les chenevottes qui y sont restées. Voyez Planche du Cordier.
Fer a souder, outil de Fontainier : cet instrument ne differe pas des fers à souder ordinaires.
Fer a fileter, outil de Gaînier ; c’est un petit morceau de fer plat, quarré, de la largeur d’un bon pouce, qui est arrondi par en-bas, & qui a une petite meche qui s’emmanche dans un morceau de bois de la longueur de deux pouces, & gros à proportion. Les Gaîniers s’en servent, après l’avoir fait chauffer, pour marquer des filets sur leurs ouvrages. Voyez la figure, Planche du Gaînier.
Fers, outils de Luthier ; il y en a de plusieurs sortes, & ils servent à divers usages.
Fer pour les éclisses des basses, bassons, violons, &c. c’est un fer d’une forme prismatique, dont la base est une ellipse. Ce prisme est terminé par un manche assez long. Voyez la figure 32. Planche XII. de Lutherie. Il sert à plier les éclisses des instrumens nommés ci-dessus.
Pour s’en servir, on le fait chauffer modérément ; on le pose ensuite horisontalement sur un établi de menuisier, ensorte que la partie prismatique déborde en-dehors : on l’assûre par le moyen d’un valet, dont la patte s’applique sur la tige qui forme le manche de cet instrument. On place ensuite les planches minces dont les éclisses doivent être faites, sur le corps de cet outil, & on les comprime pour les plier jusqu’à ce qu’elles ayent acquis la courbure requise, qu’elles conservent à cause de l’espece d’ustion dont le côté appliqué au fer, qui est le concave, a été affecté. On se sert du côté plat de cet outil, c’est-à-dire du côté où il est moins courbé, lorsqu’on veut plier les grands contours des éclisses ; & de l’autre côté, lorsqu’on veut plier de petits contours.
Fers ronds, Fers plats, outils de Luthier, représentés figures 26. 27. & 30. Pl. XII. de Lutherie ; ce sont des fers qui chauffés modérément, aident à recoller les fentes qui arrivent aux instrumens. Si on veut, par exemple, recoller ensemble les deux parties d’une table de violon, après avoir mis de la colle-forte entre les parties à rejoindre, on colle des deux côtés une bande de fort papier ; & se servant de l’un ou de l’autre des fers chauffés au degré convenable, selon que les parties planes ou concaves de la table l’exigent, & frotant legerement, on rechauffe la colle, que l’on parvient par ce moyen à faire sortir en partie d’entre les côtés de la fente, qui est d’autant mieux collée qu’il y reste moins de colle. D’ailleurs la chaleur communiquée au bois, en ouvre les pores, dans lesquels la pression de l’air force la colle rendue très-fluide, d’entrer : c’est la raison physique de toutes les soudures, dont le collage peut être regardé comme une espece. (D)
Fers crochus, (Marqueterie.) outils dont les Ebénistes se servent pour creuser dans les bois de leurs ouvrages, les places où les pênes de leurs serrures doivent se loger ; & aussi pour creuser les mortoises dans lesquelles les pattes des fiches des gonds des portes doivent entrer. Cet outil a deux tranchans A & D. Voyez la figure, Planche de Marqueterie. Le premier est tourné en-travers de la tige BC de l’outil, & l’autre, D, lui est parallele. On se sert de l’un ou l’autre, selon que l’ouvrage ou la commodité de l’ouvrier l’exige. Cet outil est poussé dans le bois au moyen des coups de marteau que l’on frappe sur les talons B & C ; & la tige sert comme de levier pour retirer le tranchant, lorsqu’il est engagé trop fortement dans le bois. (D)
Fers de Varlope, de demi-Varlope, Varlope a onglet, & de Rabot : ils ont tous la même forme, & se sont de même ; ils ne different que sur la largeur : ils sont à un biseau, comme les ciseaux du Menuisier. Pour les faire, l’ouvrier prend une barre de fer, la corroye, enleve un fer de varlope ou autre, comme on le démontre dans la Planche du Taillandier, où l’on voit l’acérure ou la mise d’acier ; ensuite il place l’acérure à la plece enlevée, il corroye les deux ensemble ; il repare & forme le biseau, desorte que l’acier soit du côté qui forme le tranchant. Voyez dans la même Planche un fer de varlope vû du côté du biseau.
Fer, (Menuiserie.) Donner du fer à une varlope, demi-varlope, rabot, & généralement à toutes sortes d’outils de Menuiserie, s’ils sont montés dans des futs ; c’est, lorsqu’ils ne mordent pas assez, frapper dessus la tête doucement pour les faire mordre davantage, en en faisant sortir le tranchant.
Fer, (à la Monnoie.) il se dit de l’exact équilibre du métal au poids lors de la pesée, comme une once d’or tenant un parfait équilibre avec le talon, les deux plateaux ne trébuchant point.
Fer a friser, (Perruquier.) est un instrument dont les Perruquiers se servent pour dessécher les cheveux renfermés dans des papillotes, & leur faire tenir la frisure. Cet instrument est une espece de pince dont les deux branches sont faites à-peu-près comme celles des ciseaux du côté des anneaux, & se terminent par deux plaques unies & disposées de maniere, que quand on ferme la pince, elles se servent l’une contre l’autre. On fait chauffer ce fer au feu ; & quand il est chaud, on pince les papillotes entre ces deux plaques. Voyez la Planche.
Fer a toupet, (Perruquier.) est une espece de pince dont les deux branches sont alongées, & construites de maniere que l’une est ronde comme un cylindre, & l’autre a une rainure creusée, & propre à recevoir la branche ronde. On s’en sert pour friser le toupet, ou les cheveux qui bordent le front : pour cet effet on le fait chauffer ; on pince entre les deux branches la pointe des cheveux, & on roule les cheveux autour du fer, de façon que la chaleur leur fait conserver le pli que le tortillement leur a imprimé avec le fer.
Fer rond a souder, de Plombier ; c’est un cône tronqué arrondi par la tête, avec une queue pour le prendre.
Fer pointu, quarré, à souder ; il a la forme pyramidale.
Fer rond, pointu, à souder, des Vitriers ; il a la forme de la pointe d’un œuf, sa queue est plus longue qu’au fer du Plombier ; il est terminé par un crochet. Pour faire ces sortes de fers, le forgeron prend une barre de fer, comme on voit dans nos Planches de Taillanderie ; ensuite une virole qu’il soude au bout de la barre, ce qui forme la tête du fer : il repare, lime & dresse.
Fer a polir, (Reliûre.) Pour polir on se sert d’un fer de la longueur d’un pié, sur lequel il doit y avoir une platine de cinq pouces de long sur deux de large. Il faut que cette platine soit très-égale ; le reste est en queue, pour être emmanché. Voyez les Planches de la Reliûre. Voyez Polir.
Quand le livre est glairé sur la couverture, & que le blanc d’œuf est sec, on se sert du fer à polir chaud, qu’on passe legerement une fois ou deux sur tout le livre, pour lui donner du lustre.
Fers a dorer, (Reliûre.) Les Relieurs usent de différens fers pour dorer les livres. Voy. Alphabet, Arme, Coin, Bouquet, Dentelle, Palette, Roulette, Fleuron.
Fers, (Rabanter.) Voyez Dent de Rat.
Fer de Velours a cannelure, (Inssrument du métier de l’étoffe de soie.) Le fer de velours est une petite broche de cuivre qui est applatie plus d’un côté que d’un autre, & qui a sur un des dos une petite cannelure dans laquelle la taillerole entre pour couper le poil.
Fer de Velours frisé : les fers de velours frisé sont parfaitement ronds, & sont de fer, au lieu que les autres sont de léton, & non de cuivre, & d’ailleurs n’ont point de cannelure.
Fer de Peluche : les fers de peluche ont une cannelure, comme les fers à velours, mais sont de beaucoup plus hauts : il y a des fers de peluche qui sont de bois, quoiqu’ils soient nommés fers.