L’Encyclopédie/1re édition/DENTELLE

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* DENTELLE, s. f. ouvrage en fil d’or, d’argent, de soie ou de lin, &c. qui se fait sur un coussin avec un grand nombre de petits fuseaux, un dessein tracé sur du papier ou conçû d’imagination, & deux sortes d’épingles, & qu’on peut regarder comme un composé de gase, de toile & de broderie ; de broderie, avec laquelle il a un grand nombre de points communs, voyez Point & Broderie : de toile, parce qu’il y a des endroits où il y a proprement chaîne & trame, & où le tissu est le même que celui du tisserand ; voyez Toile : de gase, parce qu’on y exécute des desseins, & que les fils qu’on peut regarder comme chaîne & trame, sont souvent tenus écartés les uns des autres par des croisemens ; voyez Gase.

Il faut commencer par se pourvoir d’un coussin. Le coussin a la figure d’un globe applati par les poles, & dont un des diametres seroit de dix à douze pouces, & l’autre de douze à quatorze. Le dedans est de coton, de laine, ou de toute autre matiere qu’une épingle puisse percer facilement ; & l’enveloppe une toile forte & bien tendue, qui puisse tenir droites & fermes les épingles qu’on y fichera.

Il faut avoir ensuite une lisiere de velours verd, de sept à huit lignes plus large que la dentelle qu’on veut exécuter.

Des épingles de laiton, les unes petites, & les autres plus fortes. Il faut que ces épingles soient flexibles, assez pour céder un peu à l’action des fuseaux, & empêcher le fil de casser trop souvent ; & assez fermes pour tenir les fils dans la place qu’on veut qu’ils occupent, & donner aux points la forme réguliere qu’on veut qu’ils ayent.

Un grand nombre de petits fuseaux. On distingue à ces fuseaux trois parties, la poignée, la casse, & la tête : la poignée AB, qui est faite en poire très allongée, que l’ouvriere prend avec ses mains, & dont elle se sert pour faire aller son fuseau : la casse BC qui est au dessus de la poignée, & qui a la forme d’une petite bobine, dont elle fait les fonctions : la tête CD, qui fait aussi la fonction d’une bobine, qui en a la forme, mais dont la longueur est si petite relativement à celle de la casse, qu’on ne la prendra que pour une gouttiere ou rainure.

Un patron. C’est une espece de brasselet, sur lequel est attachée la dentelle qu’on veut exécuter, & qu’on fixe sur le coussin, afin d’avoir perpétuellement son modele sous les yeux.

Des petits ciseaux, qui n’ont rien de particulier.

Des casseaux. Ce sont de petits morceaux de cornes extrèmement minces ; ils ont la hauteur & le tour de la casse du fuseau : ils sont cousus par leurs deux bouts : & forment autant de petits étuis dont on couvre le fil dont les fuseaux sont chargés, pour l’empêcher de s’éventer.

Une faiseuse de dentelle n’a pas besoin d’autres outils : selon qu’elle aime son art, elle les a plus recherchés ; son coussin est plus élégant, ses fuseaux plus délicats, ses ciseaux plus jolis. Mais avec le petit nombre d’instrumens que je viens de décrire, & tels que je les ai décrits, on peut exécuter la dentelle la plus belle & la plus riche.

Une ouvriere a toûjours l’une de ces trois choses à faire, ou composer & travailler une dentelle d’idée, ce qui suppose de l’imagination, du dessein, du goût, la connoissance d’un grand nombre de points, & la facilité de les employer, & même d’en inventer d’autres ; ou remplir un dessein donné sur le papier seulement ; ou copier une dentelle donnée, ce qui demande peut-être moins de talent que pour faire d’imagination, mais ce qui suppose la connoissance de l’art la plus étendue.

L’ouvriere qui copie fidelement une dentelle donnée, fait quelques opérations dont celle qui exécute un dessein tracé sur le papier, & celle qui travaille d’imagination, sont dispensées ; & ces dernieres n’ont aucune manœuvre à laquelle la premiere ne soit astreinte. Nous allons donc expliquer la maniere de rendre une dentelle donnée.

On place le coussin sur ses genoux, ses extrémités ou poles tournés l’un à droite & l’autre à gauche : on prend la lisiere du vélin ; on en fait une zone sur le milieu du coussin : pour qu’elle l’embrasse bien étroitement, & qu’elle soit bien tendue, on fiche quelques épingles à l’un de ses bouts, d’autres à l’autre bout, & quelques-unes encore le long de ses côtés : on prend la dentelle à copier, on l’étend sur la lisiere du vélin, le pié tourné vers la main gauche, & la couronne vers la main droite. On entend par le pié de la dentelle, sa partie supérieure, ou sa lisiere ; & par la couronne ou le picot, cette rangée de petits œillets ou de très-petites boucles qui la terminent : ce mot a la même acception en dentelle qu’en broderie. On fixe la dentelle sur la lisiere du vélin, en plaçant des épingles dans toutes les mailles de la lisiere de la dentelle, & dans tous les œillets de son picot. Il faut observer de la tenir distendue le plus qu’il est possible, tant en longueur qu’en largeur ; pour cet effet il faut tenir les épingles latérales les plus éloignées qu’on peut, & en ficher quelques-unes à la partie supérieure & à la partie inférieure de la dentelle.

Après ces préparations il s’agit de piquer ; c’est de l’art de faire la dentelle, l’opération la plus difficile : nous allons tâcher d’en donner une définition très claire. Pour cet effet il faut savoir qu’on entend par un point en broderie & en dentelle, une figure quelconque réguliere, dont les contours sont formés soit avec le fil, soit avec la soie. Soit cette figure un triangle. Il est évident, 1°. qu’on ne formera jamais avec des fils flexibles les contours d’un triangle sans trois points d’appui, il en faut un à chaque angle ; les contours d’un quarré, sans quatre points d’appui ; ceux d’un pentagone, sans cinq points d’appui, & ainsi de suite. Il est encore évident que si les fils n’étoient pas arrêtés par des nœuds ou autrement autour de ces points d’appui, ces points d’appui ne seroient pas plûtôt écartés, que les contours de la figure se déformeroient, & que les fils se déplaçant & se relâchant, ou ne renfermeroient entr’eux aucun espace, ou ne produiroient aucun dessein. Une dentelle est un composé de différens points, tantôt entremêlés, tantôt se succédant ; & piquer une dentelle, c’est discerner, en la regardant attentivement, tous les points d’appui de ces différens points, & y ficher des épingles qui passent à-travers la dentelle, le papier verd, ou le vélin qui est dessous, & qui entrent dans le coussin. Il est évident, 2°. que tous les trous de ces épingles formeront sur la lisiere de vélin la figure de tous les points, & par conséquent le dessein de la dentelle donnée : & voilà très-précisément ce que c’est que piquer. C’est tracer sur un morceau de vélin placé sous une dentelle, le dessein de cette dentelle, par des trous faits avec une épingle qu’on fait passer dans tous les endroits qui ont servi de points d’appui, dans la formation des points dont elle est composée ; ensorte que quand on travaillera à remplir ce dessein au fuseau, on employera les mêmes points d’appui, & l’on formera par conséquent les mêmes figures.

Ce sont des épingles qui servent de points d’appui aux faiseuses de dentelles, & elles ne prennent leurs lisieres de vélin de couleur bleue, que pour mênager leurs yeux.

Quand l’art de faire la dentelle seroit perdu, ce que je viens de dire suffiroit seul pour qu’il fût très-facile de le retrouver.

J’observerai pourtant qu’il y aura dans un dessein, piqué avec précision, d’autres trous que ceux qui marqueront des points d’appui : un exemple suffira. Si le point qu’on veut piquer est un quarré dont les côtés soient nattés, & l’espace traversé par deux diagonales nattées ; & si l’on a pratiqué une très-petite figure à jour à l’endroit où les deux diagonales se coupent, il faudra d’abord quatre épingles pour les quatre angles du quarré, puis une petite épingle au centre, dont la solidité empêche les fils de s’approcher entierement, & les contraignent de laisser un petit vuide à l’endroit où ils se croisent. Mais on peut absolument se passer de cette petite épingle, non pas en travaillant, car c’est elle qui forme le vuide, mais en piquant la dentelle, parce qu’ayant la dentelle à exécuter sous ses yeux, pendant qu’on la copie sur le dessein piqué, on donne aux points telle façon accidentelle que l’on desire ; & on les laisse entierement à jour, ou on coupe leur espace en différens compartimens qu’il n’est pas absolument nécessaire d’indiquer sur le dessein piqué, à moins que ces compartimens ne soient eux-mêmes d’autres points qui ayent besoin de points d’appui ; ce qui ne doit guere arriver que dans les dentelles d’une extrème largeur.

On pique le dessein sur deux ou trois lisieres de vélin différentes, qu’on fait succéder les unes aux autres à mesure qu’en travaillant ces lisieres se couvrent d’ouvrage. Lorsque le dessein est piqué, on ôte la dentelle de dessus la lisiere, & on l’attache sur le patron : le vélin piqué reste sur le coussin.

L’ouvriere, en comptant les points d’appui de son ouvrage, sait bientôt combien il lui faut de fuseaux ; elle a ces fuseaux tout prêts, au nombre de soixante, quatre-vingts, cent, cent cinquante, deux cents, & plus ou moins, selon la largeur de la dentelle & la nature des points qui la composent : ils sont chargés du fil le plus fin & le meilleur, & voici comment elle les dispose.

Elle prend une grosse épingle AB qu’elle fiche sur le coussin, puis elle fait autour de l’épingle de gauche à droite, deux ou trois tours avec le fil du fuseau : au quatrieme tour elle forme une boucle 3, 4, 5, avec ce fil ; elle serre fortement cette boucle, & le fil se trouve attaché à l’épingle, & le fuseau suspendu. Elle devide ensuite de dessus la casse de son fuseau, autant de fil 1, 6, 7, 8, qu’il lui en faut pour travailler ; & elle empêche qu’il ne s’en devide davantage, en faisant faire au fil deux ou trois tours sur la tête, en-dessous ou de gauche à droite, & en terminant ces tours par une boucle 8, 9, 10, comme on voit dans la Planche de la dentelle. Elle charge la même épingle d’autant de fuseaux qu’il en peut soûtenir, puis elle la transporte à la partie la plus élevée de la lisiere du vélin, à quelque distance du commencement du dessein. Elle charge une seconde épingle, qu’elle plante sur la même ligne horisontale que la premiere, puis une troisieme, une quatrieme, &c. jusqu’à ce que tous ses fuseaux soient épuisés.

Elle place ensuite le patron couvert de la dentelle à imiter, derriere la rangée d’épingles qui suspend les fuseaux.

Maniere fort simple d’apprendre à faire la dentelle la plus composée en très-peu de tems. Il faut prendre une habile ouvriere, qui connoisse la plus grande partie des points d’usage ; pour tous, cela n’est pas possible, on en peut inventer d’une infinité de façons ; mais la plûpart de ces points ne s’exécutent guere qu’à quatre ou à huit fuseaux ; encore quand on travaille à huit fuseaux fait-on communément aller les fuseaux toûjours deux à deux, & c’est comme si l’on travailloit à quatre, à cela près qu’il se trouve deux fils accolés où il n’y en auroit qu’un, & que l’ouvrage en est plus fort.

On fait exécuter à cette ouvriere tous ces points les uns après les autres, de maniere qu’ils forment un long bout de dentelle, dont le premier pouce soit, tant en largeur qu’en hauteur, d’une sorte de point, le second pouce d’une autre sorte, le troisieme pouce d’une troisieme sorte, & ainsi de suite.

On observera à chaque point comment il se commence, se continue, & se ferme. Il faut bien se garder de s’en rapporter ici à sa mémoire. Il faut écrire, & la maniere d’écrire la façon d’un point est très-facile. Soient, par exemple, quatre fuseaux employés à faire un point : il faut les designer dans chaque position instantanée par les nombres 1, 2, 3, 4 ; ensorte que quelle que soit la position qu’ils ayent dans le courant de la formation du point, 1 soit toûjours le premier en allant de la gauche à la droite, ou de la droite à la gauche ; 2, le second fuseau ; 3, le troisieme ; & 4, le quatrieme. Ne faites jamais changer de place qu’un fuseau à la fois ; & ne regardez comme une position nouvelle de fuseaux, que celle où un fuseau du premier, ou second, ou troisieme, ou quatrieme qu’il étoit, est devenu ou troisieme, ou second, ou premier, &c. mais comptez tout autant de positions différentes, qu’il y aura de fois déplacement d’un fuseau. Ecrivez successivement tous ces déplacemens de fuseaux de quatre en quatre, ou d’un plus grand nombre en un plus grand nombre, si la dentelle le comporte ; & vous aurez non seulement la maniere dont chaque point se forme, mais celle encore dont ils se succedent les uns aux autres, tant horisontalement que verticalement. Vous apprendrez en même tems la façon de la couronne ou picot, & celle du pié de la dentelle. Habituez-vous, sur-tout dans les commencemens, à tenir de l’ordre entre vos fuseaux. Ayez en travaillant votre écrit sous les yeux. Bien-tôt cet écrit vous deviendra inutile ; vous acquerrerez la connoissance des points & l’habitude de manier, de ranger, & de retrouver vos fuseaux ; & en moins de huit jours le merveilleux de la dentelle disparoîtra pour vous ; c’est du moins ce qui est arrivé à l’auteur de cet article.

Nous allons ajoûter ici un essai de notre méthode, dont on pourra faire, si on le juge à-propos, la vérification sur le coussin.

Lorsque vous aurez placé vos fuseaux au haut de votre vélin, séparez-en les huit premiers à gauche, & faites-les travailler de la maniere suivante, comme s’il n’y en avoit que quatre.

Jettez le 2 sur le 1, le 4 sur le 3, le 2 sur le 3 : recommencez de mettre le 2 sur le 1, le 4 sur le 3, le 2 sur le 3 ; continuez tant qu’il vous plaira, & vous ferez ce que les ouvrieres appellent une dresse à huit. Si au lieu d’employer les fuseaux deux à deux, vous les eussiez employés un à un, vous eussiez fait ce qu’elles appellent une dresse à deux. Remarquez bien 1°. que les chiffres 1, 2, 3, 4, représentent chacun deux fuseaux contigus dans la dresse à huit : 2°. qu’à chaque déplacement les chiffres 1, 2, 3, 4, ne marquent pas les mêmes fuseaux ; mais qu’en quelque moment que ce puisse être, le chiffre 1 marque toûjours le plus à gauche ; 2 toûjours celui qui le suit ; 3 toûjours celui qui suit le 2, &c. en allant de gauche à droite, & que quand on travaille de droite à gauche, 1 marque toûjours le plus à droite, 2 celui qui le suit en allant de droite à gauche, & ainsi de suite.

Quand toutes vos dresses seront faites de même longueur, vous les tirerez bien verticalement & bien parallelement les unes aux autres, & vous ficherez une épingle à l’angle que forment les fils à l’extrémité de chacune, laissant les fuseaux 1, 2, à droite, & les fuseaux 3, 4, à gauche de l’épingle qui les tiendra séparés.

Vous avez plusieurs manieres d’arrêter vos dresses ; ou faites un nœud ordinaire avec les fils ou fuseaux 1, 2, & 3, 4 ; ou faites un point jetté ; nous dirons dans la suite comment il se fait ; ou faites un point commun ou de coutume, &c.

Quand on a fait la dresse, si on la reprend en sens contraire, de droite à gauche quand on a été de gauche à droite, & qu’on observe de laisser deux fuseaux qui servent à enfermer les épingles, on exécutera le point de coutume ou commun.

On peut faire succéder la toile ou l’entoilage au point de coutume. L’entoilage se commence du côté même où l’on a terminé le point de coutume ; ainsi si c’est à gauche, on laisse les deux premiers fuseaux : on prend les quatre fuseaux suivans ; on les tord deux à deux, c’est-à-dire qu’on passe de dessus en-dessous & de dessous en-dessus les fils dont ils sont chargés ; puis les nommant de gauche à droite, comme nous l’avons prescrit, 1, 2, 3, 4, on met le 1 sur le 3, le 2 sur le 1, le 4 sur le 3, & le 2 sur le 3, & le point d’entoilage est fait : pour continuer, on ne tord point ; mais des quatre fuseaux employés, on laisse les deux qui sont le plus à gauche : on prend les deux restans, auxquels on associe les deux qui les suivent immédiatement, en allant de gauche à droite ; puis on met le 2 sur le 3, & l’on continue comme on a fait précédemment. Il n’y a que le premier mouvement qui differe ; car dans le premier cas on a mis le 1 sur le 3, & dans celui-ci c’est le 2. Cette observation est la seule qu’il y ait à faire.

Il s’agit maintenant de faire la couronne ; pour cet effet on commencera par tordre deux fuseaux à discrétion ; on fichera une épingle où l’on aura tordu ces deux fuseaux ; il ne faut pas oublier que tordre deux fuseaux, c’est passer l’un sur l’autre les fils dont ils sont chargés : on passera sur l’épingle & l’on tournera sur elle de droite à gauche les fils tordus des deux fuseaux ; puis on prendra celui des deux fuseaux qui se trouvera à gauche, & l’on dépassera de dessus l’épingle son fil, en revenant par-dessus la tête de cette épingle de gauche à droite. Cette manœuvre ne se fait que pour serrer l’ouvrage ; car quand on a serré, on replace le fuseau dépassé comme il étoit auparavant. Quand on a continué ainsi jusqu’à ce qu’on soit parvenu de droite à gauche, il restera quatre fuseaux : on séparera ces quatre derniers fuseaux par une épingle, deux d’un côté de l’épingle, deux de l’autre ; on tordra les deux d’un côté ensemble, & pareillement les deux de l’autre côté autant qu’on voudra, & l’on finira par le point appellé le point simple, où l’on jettera le 2 sur le 3, le 4 sur le 3, le 1 sur le 2, le 2 sur le 3, & ainsi de suite.

C’est le réseau qui peut fermer l’entoilage, & voici comment on le fera. On laissera deux fuseaux : on tordra les deux suivans d’un tors. Avec ces deux fuseaux tordus & les deux suivans non tordus, on fera un point. On prendra les deux derniers du point & les deux suivans ; on les tordra deux à deux comme on les prend, & l’on fera un point ; avec les quatre derniers des huit premiers on fera une petite épingle, c’est-à-dire qu’on les tordra deux à deux contigus, & qu’on fera un point. Avec les quatre des douze, qu’on tordra deux à deux, on fera un point : on prendra les deux derniers & les deux suivans, qu’on tordra, & l’on fera un point ou une seconde petite épingle. Avec les quatre derniers des seize, qu’on tordra deux à deux, on fera un point. On prendra les deux derniers & les deux suivans, qu’on tordra deux à deux, & on fera un point. Avec les quatre derniers des seize, qu’on tordra deux à deux, on fera une petite épingle, & ainsi de suite. On fera un point avec les quatre derniers, sans tordre ; puis on fera la couronne afin de fermer le réseau.

Si l’on veut placer ensuite un fond percé, on laissera les deux premiers fuseaux de gauche à droite, & l’on travaillera avec les quatre suivans : il faudra faire un point, tordre les deux premiers des quatre, & non les deux autres ; garder les deux derniers, prendre les deux suivans, les tordre tous quatre deux à deux, & faire un point ; puis ficher une épingle entre les quatre derniers, un peu au-dessous des épingles précédentes : prendre les quatre derniers des huit premiers, les tordre deux à deux, & faire un point : prendre les quatre derniers des douze premiers, les tordre deux à deux, & faire un point : prendre les quatre derniers des dix premiers, les tordre deux à deux, & faire un point : prendre les quatre derniers des huit, les tordre deux à deux, & faire un point : prendre les quatre derniers des douze, les tordre deux à deux, faire un point : prendre les deux derniers & les deux suivans, les tordre deux à deux, & faire un point ; puis les séparer par une épingle, & ainsi de suite : parvenu aux quatre derniers on ne les tordra point, on fera un point, puis la couronne, & un point.

Vous exécuterez le point jetté en prenant 1°. les quatre premiers fuseaux à droite, les tordant deux à deux, faisant un point, tordant une seconde fois, & faisant encore un point : 2°. les quatre suivans, & opérant sur ces quatre comme sur les quatre premiers : 3°. les quatre suivans, & opérant comme sur les quatre précédens, & ainsi de suite : on finira, si l’on veut, par la couronne.

On fermera le point jetté en laissant les deux premiers à gauche, prenant les quatre suivans, les tordant deux à deux, faisant un point, & attachant une épingle : prenant deux des précédens & deux des suivans, les tordant deux à deux, & faisant un point : prenant les deux derniers & les deux suivans, les tordant deux à deux, faisant un point, & plaçant une épingle, & ainsi de suite, jusqu’à ce qu’on soit arrivé aux six derniers, alors on ne travaille que sur les quatre avant-derniers : on en tord les deux premiers de ces quatre & non les deux autres, on fait un point ; si l’on veut clôre le pié, on prend les quatre derniers, on les tord deux à deux, & l’on fait un point.

Du demi-point ; pour le faire en allant de gauche à droite, laissez deux fuseaux ; prenez les quatre suivans ; tordez les deux premiers de ces quatre & non les deux autres, & faites un point : prenez les deux derniers & les deux suivans ; tordez-les deux à deux, & faites un demi-point, c’est-à-dire tordez & mettez le 2 sur le 3, le 2 sur le 1, le 4 sur le 3. Lorsque vous serez arrivé aux deux premiers des quatre derniers, tordez-les deux fois ; faites le point entier sans tordre les deux derniers, & finissez par la couronne.

Veut-on faire le point d’esprit, qui est assez lourd & assez laid, il faut tenir les fuseaux écartés, faire un demi-tors, du 2 sur le 3, du 4 sur le 3, du 4 sur le 3, du 2 sur le 3, du 2 sur le 1 ; du 2 sur le 1, du 2 sur le 3, du 4 sur le 3, du 4 sur le 3 ; du 2 sur le 3, du 2 sur le 1, du 2 sur le 1, du 2 sur le 3, du 4 sur le 3, du 4 sur le 3, & ainsi de suite. Passez ensuite à quatre autres fuseaux, & opérez de même.

Pour fermer ce point, faites un point complet : placez une épingle qui sépare les quatre fuseaux en deux : conservez deux des quatre, & prenez les deux suivans ; tordez & faites un point : conservez deux des quatre & prenez les deux suivans ; tordez & faites un point : placez une épingle qui sépare les quatre derniers : conservez deux de ces quatre, & prenez les deux suivans ; tordez & faites un point, & ainsi de suite.

Il faut avoir peu d’égard à tous ces points, qui peuvent passer de mode, & qu’on auroit quelque peine à exécuter sur ce que nous venons d’en dire. Ce qu’il importe de bien posséder, c’est ce que nous avons dit de la méthode ; c’est là ce qui constitue l’art. Ces élemens bien compris, il n’y aura rien dans ce genre de travail dont on ne puisse venir à bout. On formera des desseins surprenans : on les remplira d’une multitude de points inconnus, & l’on fera de très-belle dentelle.

Pour apprendre à former les points & à les fermer, il faut monter les fuseaux de ficelle ; plus la ficelle sera grosse, plus on verra clairement la formation de l’ouvrage, & plus facilement on l’apprendra.

Il y a des dentelles d’or, d’argent, de soie, de fil ; cet ouvrage a été ainsi nommé, selon toute apparence, du picot qui le termine & qui le borde comme d’une rangée de petites dents. Les points, le dessein, en un mot les différences du travail distinguent différentes sortes de dentelle : il y a la neige, le réseau, la bride, la fleur, la grande fleur, la petite fleur, la maline, l’angleterre, la valencienne, le point d’Alençon, la fine, la commune, la haute, la basse, &c.

Les dentelles sont des ornemens très beaux & très précieux ; celles en fil, au linge des hommes & des femmes ; celles en or & argent, aux habits & aux meubles. Elles font partie du commerce des Merciers & des Lingeres. Il y a des garnitures de femmes qui vont au-delà de deux mille écus.

Dentelle, en terme de Diamantaire, se dit d’un brillant en menu, dont les arrêtes des biseaux ne sont rabattues que par une facette simple. Voyez Arrêtes.

Dentelle ou Bordure, c’est, particulierement dans l’Imprimerie en lettres, de petits ornemens de fonte, plûtôt que gravés en bois, tous semblables, assemblés à volonté, & servant à entourer des pages de livres, ou des avis, enseignes de marchands, & autres choses semblables, & quelquefois à suppléer de petites vignettes au titre d’un chapitre. Art. de M. Papillon.

Dentelle, (Metteur en œuvre.) se dit d’un feston taillé en dents, qui forme cordon à la partie inférieure d’une fertissure, au dessous des griffes.

Dentelle, (Reliure.) Le Relieur appelle dentelle, un dessein ouvragé à fleur ou autrement, qui se pousse avec un fer chaud, en or ou sans or, sur le plat de la couverture d’un livre, en suivant le bord dans tous ses sens. Voyez Dorer.