L’Encyclopédie/1re édition/FERRURE

FERSE  ►

FERRURE, s. f. (Architect. & Serrurerie.) s’entend de tout le fer qui s’employe à un bâtiment, pour les gonds, les serrures, les gaches, les esses, &c. (P)

Ferrures d’un vaisseau, (Marine.) c’est tout l’ouvrage de fer qui s’employe dans la construction d’un vaisseau ; clous, pentures, ferrures de sabords, de gouvernail, &c. garnitures de poulies, &c. & même. les ancres. (Z)

Ferrure, (Maréchall.) La ferrure est une action méthodique de la main du maréchal sur le pié du cheval, c’est-à-dire une opération qui consiste à parer, à couper l’ongle, & à y ajuster des fers convenables. Par elle le pié doit être entretenu dans l’état où il est, si sa conformation est belle & réguliere ; ou les défectuosités en être réparées, si elle se trouve vicieuse & difforme.

A la vûe d’un passage qui se trouve dans Xénophon, de re équestri, & par lequel les moyens de donner à l’ongle une consistence dure & compacte, nous sont tracés, on a sur le champ conclu que l’opération dont il s’agit n’étoit point en usage chez les Grecs. Homere & Appien cependant parlent & font mention d’un fer à cheval ; le premier dans le 151 vers du second livre de l’Iliade, l’autre dans son livre de bello mithridatico. La conséquence que l’on a tirée, en se fondant sur l’autorité de Xénophon, me paroît donc très-hasardée. On pourroit en effet avancer, sur-tout après ce que nous lisons dans les deux autres auteurs grecs, que ce même Xénophon ne prescrit une recette pour durcir & resserrer le sabot, que dans le cas où les chevaux auroient les piés extrèmement mous & foibles ; & dès-lors cette prétendue preuve que les chevaux n’étoient pas ferrés de son tems, s’évanoüit avec d’autant plus de raison, que quoique nous nous servions nous-mêmes de topiques astringens dans de semblables circonstances, il n’en est pas moins certain que la ferrure est en usage parmi nous. On ne sait si cette pratique étoit générale chez les Romains. Fabretti, qui prétend avoir examiné tous les chevaux représentés sur les anciens monumens, sur les colonnes & sur les marbres, déclare n’en avoir jamais vû qu’un qui soit ferré. Quant aux mules & aux mulets, nous ne pouvons avoir aucun doute à cet égard. Suétone, in Nerone, cap. xxx. nous apprend que le luxe de Néron étoit tel, qu’il ne voyageoit jamais qu’il n’eût à sa suite mille voitures au moins, dont les mules étoient ferrées d’argent : Pline assûre que les fers de celles de Poppée, femme de cet empereur, étoient d’or ; & Catulle compare un homme indolent & paresseux, à une mule dont les fers sont arrêtés dans une boue épaisse & profonde, ensorte qu’elle ne peut en sortir. Or si la ferrure, relativement aux mules, étoit si fort en vigueur, pourquoi ne l’auroit-elle pas été relativement aux chevaux, & pourquoi s’éleveroit-on contre ceux qui feroient remonter cette opération jusqu’à des siecles très-reculés ? Ces questions ne nous intéressent pas assez pour nous livrer ici à la discussion qu’elles exigeroient de nous, dès que nous entreprendrions de les éclaircir. La fixation de l’époque & du tems auquel les hommes ont imaginé de ferrer les chevaux, ne sauroit nous être de quelqu’utilité, qu’autant que nous pourrions, en partant de ce fait, comparer les idées des anciens & les nôtres, en établir en quelque façon la généalogie, & découvrir, en revenant sur nos pas, & à la faveur d’un enchaînement & d’une succession constante de lumieres, des principes oubliés, & peut-être ensevelis dans des écrits délaissés ; mais en ce point, ainsi que dans tous ceux qui concernent l’Hippiatrique, il n’est pas possible d’espérer de tirer de pareils avantages de l’étude des ouvrages qui nous ont été transmis. Sacrifions donc sans balancer, des recherches qui concourroient plûtôt à flater notre curiosité qu’à nous instruire, & ne nous exposons point au reproche d’avoir dans une indigence telle que la nôtre, & dans les besoins les plus pressans, abandonné le nécessaire & l’utile pour ne nous attacher qu’au superflu.

De toutes les opérations pratiquées sur l’animal, il en est peu d’aussi commune & d’aussi répetée que celle-ci ; or l’ignorance de la plûpart des artisans aux quels elle est confiée, & qui, pour preuve de leur savoir, attestent sans cesse une longue pratique, nous démontre assez que le travail des mains ne peut conduire à rien, s’il n’est soûtenu par l’étude & par la réflexion. Toute opération demande en effet de la part de celui qui l’entreprend, une connoissance entiere de la partie sur laquelle elle doit être faite : dès que le maréchal-ferrant ignorera la structure, la formation, & les moyens de l’accroissement & de la régénération de l’ongle, il ne remplira jamais les différentes vûes qu’il doit se proposer, & il courra toûjours risque de l’endommager & d’en augmenter les imperfections, bien loin d’y remédier.

Le sabot ou le pié n’est autre chose que ce même ongle dont les quatre extrémités inférieures du cheval sont garnies. La partie qui regne directement autour de sa portion supérieure, est ce que nous nommons précisément la couronne ; sa consistence est plus compacte que celle de la peau par-tout ailleurs : les parties latérales internes & externes en forment les quartiers (voyez Quartiers) ; la portion antérieure, la pince (voyez Pince) ; la portion postérieure, les talons (voyez Talons) ; la portion inférieure enfin contient la fourchette & la sole (voyez Fourchette, voyez Sole) : celle-ci tapisse tout le dessous du pié.

La forme naturelle du sabot & de l’ongle entier, est la même que celle de l’os qui compose le petit pié ; elle nous présente un ovale tronqué, ouvert sur les talons, & tirant sur le rond en pince. Dans le poulain qui naît, l’ongle a moins de force & de soûtien ; la sole est molle & comme charnue ; la fourchette n’a ni saillie ni forme ; elle n’est exactement visible & saillante en-dehors, qu’à mesure que la sole parvient à une certaine consistence, & se durcit. Il en est à cet égard comme des os mêmes, c’est-à-dire qu’ici l’ongle est plus mou que dans le cheval, parce qu’il y a plus d’humidité, & que les parties n’ont pû acquérir leur force & leur solidité.

Quelque compacte que soit dans l’animal fait la substance du sabot, il est constant que l’ongle dépend des parties molles, & reconnoît le même principe. Il n’est réellement dans son origine, ainsi que nous l’observons dans le fœtus & dans le poulain naissant, qu’une suite & une production du système général des fibres & des vaisseaux cutanés, & n’est formé que par la continuité de ces fibres & par l’extrémité de ces mêmes vaisseaux. Ces fibres à l’endroit de la couronne sont infiniment plus rapprochées les unes des autres, qu’elles ne l’étoient en formant le tissu des tégumens ; & elles se resserrent & s’unissent toûjours davantage à mesure qu’elles se prolongent, & qu’elles parviennent à la pince & aux extrémités du pié : de-là la dureté & la consistence de l’ongle. Quant aux vaisseaux, leur union plus étroite & plus intime contribue à cette solidité ; mais ils ne s’étendent pas aussi loin que les fibres : arrivés à une certaine portion du sabot, leur diametre est tellement diminué que leurs liqueurs ne circulent plus, & ne peuvent s’échapper que par des porosités formées par l’extrémité de ces tuyaux. La liqueur échappée par ces porosités, nourrit la portion qui en est imbue ; mais comme elle n’est plus soûmise à l’action systaltique, elle ne peut être portée jusqu’à la partie inférieure de l’ongle, aussi cette partie ne reçoit-elle point de nourriture.

Distinguons donc trois parties dans le sabot ; la partie supérieure sera la partie vive ; la partie moyenne sera la partie demi-vive, si je peux m’exprimer ainsi ; & la portion inférieure sera la partie morte.

La partie supérieure, ou la partie vive, sera aussi la partie la plus molle, parce qu’elle sera tissue de vaisseaux & de fibres qui seront moins serrés à l’origine de l’ongle qu’à son milieu & à sa fin : aussi voyons-nous que le sabot, à la couronne & à son commencement, est moins compacte qu’il ne l’est dans le reste de son étendue, soit par le moindre rapprochement des fibres, soit parce que les liqueurs y circulent & l’abreuvent, malgré l’étroitesse des canaux, dont le diametre, quelque petit qu’il soit, laisse un passage à l’humeur dont il tire & dont il reçoit sa nourriture.

La partie moyenne, ou la partie demi-vive, sera d’une consistance plus dure que la partie supérieure, parce que les fibres y seront plus unies ; & que d’ailleurs les vaisseaux s’y terminant, ce n’est que par des filieres extrèmement tenues, ou par des porosités imperceptibles, que la partie la plus subtile de la lymphe qui sert à son entretien & à sa nutrition, pourra y être transmise & y pénétrer.

Enfin la partie inférieure, que j’ai crû devoir appeller la partie morte, sera d’une substance encore plus solide que les autres, parce que la réunion des fibres sera plus intime ; & que quand même on pourroit y supposer des vaisseaux, ils seroient tellement oblitérés qu’ils n’admettroient aucun liquide, ce qui est pleinement démontré par l’expérience. En effet, lorsqu’on coupe l’ongle en cet endroit, & que l’on pare un pié, les premieres couches que l’on enleve ne laissent pas entrevoir seulement des vestiges d’humidité ; or dès que les liqueurs ne peuvent être charriées jusqu’à cette partie, elle ne peut être envisagée que comme une portion morte, & non comme une portion joüissante de la vie.

Le méchanisme de la formation & de l’entretien du sabot, est le même que celui de son accroissement. Nous avons reconnu dans la couronne & dans la partie vive, des vaisseaux destinés à y porter la nourriture, de maniere que les lois de la circulation s’y exécutent comme dans toutes les autres parties du corps ; c’est-à-dire que la liqueur apportée par les arteres, est rapportée par des veines qui leur répondent. Nous avons observé, en second lieu, que les extrémités de ces mêmes vaisseaux qui donnent la vie à la partie supérieure, sont directement à la partie moyenne ; & que conséquemment le suc nourricier suintant dans cette partie, & y transsudant par les porosités que forment les extrémités de ces canaux, s’y distribue, sans que cette humeur puisse être repompée & rentrer dans la masse. Enfin nous avons envisagé la partie inférieure, comme une partie absolument morte ; or si la partie supérieure est la seule dans laquelle nous admettions des vaisseaux, elle est aussi sans contestation la seule qui soit exposée à l’impulsion des liquides, & c’est conséquemment en elle que s’exécutera l’œuvre de la nutrition & de l’accroissement.

L’ongle ne s’accroît & ne se prolonge pas en effet par son extrémité ; elle ne tire son accroissement que depuis la couronne, de même que dans la végétation la tige ne se prolonge qu’à commencer par la racine. Cette partie & la portion supérieure du sabot, sont, ainsi que je viens de le remarquer, les seules exposées à l’impulsion des liquides. Cette impulsion n’a lieu que par la contraction du cœur, & par le battement continuel des arteres ; la force de l’un & l’action constante des autres, suffisent pour opérer non-seulement la nutrition, mais encore l’accroissement : car le fluide qu’ils y poussent sans cesse, y aborde avec assez de vélocité pour surmonter & pour vaincre insensiblement l’obstacle que lui présentent & la portion moyenne & la portion inférieure de l’ongle, de maniere que l’une & l’autre sont chassées par la portion supérieure. A mesure que celle-ci descend, & qu’elle s’éloigne du centre de la circulation, il se fait une régénération ; & cette même portion étant alors hors du jeu des vaisseaux, & n’étant plus entretenue que par la transsudation dont j’ai parlé, elle devient portion moyenne & demi-vive : est-elle pressée & chassée encore plus loin ? elle cesse d’être portion demi-vive, & elle devient portion morte.

Ce n’est pas que la portion demi-vive chasse la portion morte. Dès que la portion supérieure, en se régénérant, pousse, au moyen de l’effort des liqueurs qui y abordent, la portion moyenne, elle chasse conséquemment la partie inférieure, qui en est une suite, & de-là le prolongement du sabot ; car la portion demi-vive n’étant plus soûmise aux lois du mouvement circulaire, on ne peut supposer en elle la faculté & la puissance d’exercer aucune action : ce n’est donc qu’autant qu’elle est un corps continu à la partie inférieure, qu’elle paroît le chasser devant elle, tandis qu’elle est elle-même chassée par la portion supérieure, à laquelle on doit attribuer tout l’ouvrage de la nutrition & de l’accroissement.

J’avoue que peut-être on sera surpris que la force du cœur & celle du jeu des arteres soient telles, qu’elles puissent pousser les liquides avec une véhémence capable de forcer la résistance de deux corps aussi solides que ceux de la portion moyenne & de la portion inférieure ; mais il faut ajoûter à ces causes motrices, la puissance qui résulte de l’action des muscles & de la pression de l’air, qui sont autant d’agens auxiliaires qui poussent les fluides.

Une simple observation vient à l’appui de toutes ces vérités. Si l’on demeure un long intervalle de tems sans parer le pié d’un cheval, l’ongle croît peu, & croît moins vîte : pourquoi ? parce que la partie morte ou la partie inférieure ayant acquis dès-lors une étendue & un volume plus considérable, opposera une plus grande résistance, & contre-balancera en quelque façon la force par le moyen de laquelle les liqueurs sont portées à la partie vive ou à la partie supérieure. Si au contraire le pié de l’animal est souvent paré, l’accroissement sera moins difficile, parce qu’une portion de l’ongle mort étant enlevée, l’obstacle sera moindre, & pourra être plus aisément surmonté par l’abord, l’impulsion & le choc de ces mêmes liqueurs.

Un autre fait non moins certain nous prouve que l’ongle ne se prolonge point par son extrémité. Lorsque, par exemple, dans l’intention de resserrer une seyme (voyez Seyme), & de réunir les parties divisées du sabot, nous avons appliqué à la naissance de la fente & de la division, c’est-à-dire très-près de la couronne, S de feu (voyez Feu), cette lettre formée par l’application du cautere actuel sur lequel elle étoit imprimée, descendra peu-à-peu & plus ou moins promptement, selon que le pié sera plus ou moins souvent paré, & s’évanoüira enfin promptement. Il est donc parfaitement démontré que l’accroissement ne se fait & ne peut avoir lieu que dans la couronne & dans la partie vive.

Dès que cette portion change, pour ainsi dire, & qu’elle devient demi-vive, il est incontestable qu’il se fait une régénération. Tâchons donc de développer, s’il est possible, les moyens dont la nature se sert pour renouveller cette partie.

Il ne s’agit pas ici, comme dans les plaies, de la réparation d’une substance absolument détruite & perdue ; elle est néanmoins produite selon les lois du même méchanisme : elle est en effet opérée & par le suc nourricier, & par le prolongement des vaisseaux qui y ont une part considérable. J’ai dit que la circulation s’exécute dans la couronne & dès l’origine de l’ongle ; il est par conséquent dans l’une & dans l’autre de ces parties, des tuyaux destinés à apporter & à rapporter les liqueurs : mais comme nous sommes forcés d’avoüer que ceux qui sont à la couronne, sont, à raison de leur union plus intime, d’une plus grande exilité que ceux qui sont au-dessus & à la peau, nous sommes aussi contraints de conclure que le diametre de ceux qui seront au-dessous & à l’origine du sabot, sera encore bien moindre, & qu’il admettra moins de liquide. Disons encore que la solidité de cette partie ne permet pas de penser que la plus grande quantité des fibres dont elle est formée, soit vasculeuse, principalement celles qui sont les plus extérieures, & que le contact de l’air tend toûjours à dessécher ; ou si nous leur supposons une cavité, elles ne seront que l’extrémité d’une partie des vaisseaux qui se distribuent à la couronne : or le suc nourricier étant parvenu dans ces extrémités, s’y arrête ; & étant continuellement poussé par la liqueur qui le suit, il s’engage dans les porosités, & prend lui-même une consistance solide qui commence à avoir moins de sentiment. Cette substance compacte est toûjours chassée devant elle par le nouvel abord des liqueurs ; les vaisseaux eux-mêmes se prolongent, & c’est ainsi qu’elle est régénérée.

En parlant de l’extrémité de l’ongle, je n’ai encore entendu parler que de la partie inférieure de ses parois, & non de la sole.

Celle-ci de même que la fourchette qui en est le milieu, est une suite & une continuation des fibres & des vaisseaux d’une portion de la peau qui se propage autour du petit pié, & qui est tellement adhérente à l’intérieur des parois du sabot, qu’elle y est intimement unie par des crénelures, de maniere qu’elle est comme enclavée dans des sillons formés à l’ongle même. Son milieu, c’est-à-dire, la fourchette que l’on nomme ainsi, attendu la bifurcation que l’on y remarque, tire sa forme d’une espece de corps charnu d’une substance spongieuse, lequel est directement situé au-dessous de l’aponévrose du muscle profond qui tapisse & qui revêt la portion inférieure de l’os du petit pié. Il est à-peu près semblable à celui que l’on apperçoit à l’extrémité des doigts de l’homme lorsqu’on en a enlevé la peau, excepté qu’il est plus compacte & plus solide. Sa figure est celle d’un cône dont la pointe est tournée en-devant, & dont la base échancrée répond aux deux talons. C’est à ce corps spongieux que la fourchette adhere par de petites fibres & des vaisseaux de communication. Que si elle est d’une consistance moindre que le sabot, & même que la sole, c’est que les fibres & les vaisseaux qui la composent sont plus lâches. Que si elle acquiert enfin plus de solidité à sa partie extérieure que dans le reste de son étendue, ce ne sera que parce que le liquide n’y affluera pas, & que ces mêmes fibres & ces mêmes vaisseaux se resserreront toûjours de plus en plus.

Venons à l’application de ces principes ; eux seuls peuvent mettre le maréchal ferrant en état de donner à chaque portion du pié la configuration qu’elle doit avoir, & de remplir par conséquent les deux intentions qu’il doit se proposer dans cette opération.

La premiere de ces intentions est, ainsi que je l’ai dit, d’entretenir le pié dans l’état où il est quand il est régulierement beau ; & la seconde consiste à en réparer les défectuosités lorsqu’il peche dans sa forme, & dans quelques-unes de ses parties.

Un pié qui n’est ni trop gros, ni trop grand, ni trop large, ni trop petit, dont la corne est douce, unie, liante, haute, épaisse & ferme sans être cassante, voyez Pied ; dont les quartiers sont parfaitement égaux, voyez Quartiers ; dont les talons ne seront ni trop hauts ni trop bas, & seront égaux, larges, & ouverts, voyez Talon ; dont la sole sera d’une consistance solide, & laissera au-dessus du pié une cavité proportionnée, voyez Sole ; dont la fourchette enfin ne sera ni trop grasse, ni trop maigre, voyez Fourchette ; & qui d’ailleurs aura la forme de cet ovale tronqué dont j’ai parlé, sera toûjours envisagé comme un beau pié.

Ceux dans lesquels on observera un quartier plus haut que l’autre, voyez Quartier, & qui seront conséquemment de travers, ou dans lesquels un des quartiers se jettera en-dehors ou en-dedans ; ceux dans lesquels les talons seront bas, voyez Talon, seront flexibles, seront hauts, non sujets ou sujets à l’encastelure, voyez ibid. Pied ; qui seront encastelés, qui seront plats, voyez Pied, Sole, Talon ; qui auront acquis cette difformité à la suite d’une fourbure, & dans lesquels on entreverra des croissans, voyez Fourbure, Sole ; qui auront un ou deux oignons, voyez Sole ; qui seront comblés, affectés par des bleymes, voyez ibid. Pied ; qui seront gras ou foibles, voyez Pied ; qui auront des soies, des seymes, voyez Quartiers, Seymes, Soies ; qui seront trop petits, trop longs en pince & en talon, voyez Pied, seront des piés défectueux : ils demanderont toute l’attention du maréchal, qui travaillant avec succès d’après les connoissances que nous avons développées, en corrigera inévitablement les vices, & qui pourra encore remédier aux défauts qu’entraînent celui d’être argué, brassicourt, droit sur ses membres, voyez Bouté, Rampin, Jambes, & ceux de se couper, de forger, voyez Forger, &c.

Ferrure d’un pié naturellement beau. Blanchissez simplement la sole, c’est-à-dire, n’en coupez que ce qu’il en faut pour découvrir la blancheur naturelle ; enlevez le superflu des quartiers, observant d’y laisser dequoi brocher ; ouvrez les talons en penchant le boutoir en-dehors, & non en creusant ; abattez-les de maniere que le pié étant en terre, l’animal soit dans une juste position ; coupez le superflu de la fourchette ; ouvrez la bifurcation jusqu’à l’épanchement d’une espece de sérosité, & non jusqu’au sang, & maintenez par le fer comme par la parure le sabot dans la configuration qu’il avoit.

Ajustez à ce pié un fer qui l’accompagne dans toute sa forme, qui ne soit ni trop ni trop peu couvert, ni trop leger ni trop pesant, qui ait la même épaisseur aux éponges qu’à la pince, voyez Fer, & qui en ait quelques lignes de plus à la voûte qu’à cette derniere partie. Etampez un peu plus gras en-dehors qu’en-dedans ; qu’il y ait quatre étampures de chaque côté avec une distance marquée à la pince pour séparer celles de chaque branche ; que ces étampures ne soient ni trop grasses ni trop maigres. Voyez Forger un fer ; que le fer au talon ne soit point trop séparé du pié ; que les éponges ne débordent que proportionnément à sa forme ; & que l’on apperçoive enfin pour la grace du contour & de l’ajusture une simple élévation tout-autour de ce fer depuis la premiere étampure jusqu’à la derniere, en passant sur la pince.

L’action de pancher le boutoir en-dehors pour ouvrir les talons ou de les parer à plat, est totalement contraire à la pratique ordinaire de presque tous les maréchaux. Toûjours guidés par une fausse routine, & jamais par le raisonnement, ils ne cessent de creuser au lieu d’abattre, c’est-à-dire qu’ils coupent continuellement la portion de l’ongle qui se trouve entre la fourchette & le talon, ensorte qu’au moment où ils croyent ouvrir cette partie, ils la resserrent de plus en plus : dès qu’ils enlevent en effet l’appui qui étaye & qui sépare le talon & la fourchette, les parois extérieures de l’ongle n’étant plus gênées, contenues, & n’ayant plus de soûtien, se jettent & se portent en-dedans d’autant plus aisément, que le tissu de la corne est tel qu’il tend toûjours à se contracter ; de-là une des causes fréquentes de l’encastelure, & c’est ainsi que le plus beau pié devient difforme quand il est livré à des mains ignorantes. Mais voyons si la méthode que nous prescrivons est réellement établie sur les fondemens inébranlables que nous avons jettés, on en sera toûjours de plus en plus convaincu ; car nous expliquerons dans tous les différens genres de ferrure les raisons qui nous inspirent & qui nous déterminent.

Ici, c’est-à-dire, dans le cas où il s’agit d’un beau pié, nous ne changeons rien à la configuration de l’ongle ; les retranchemens que nous faisons à chaque partie sont tels que chacune d’elle subsiste dans le même état où elle étoit auparavant ; tout l’effet qui en résulte se borne à en diminuer le volume & l’étendue.

Le fer que nous y plaçons accompagne le pié dans toute sa forme, parce que si l’on ne faisoit pas cette attention, il en résulteroit une difformité lors de l’accroissement selon le défaut du fer même. D’ailleurs, si le fer débordoit trop, l’animal se déferreroit ; & s’il ne débordoit pas ou ne couvroit pas assez, les mammelles croîtroient beaucoup plus que ce qui porteroit sur le fer, qui n’appuyant que sur la sole feroit incontestablement boiter le cheval.

Ce même fer ne sera ni trop leger ni trop pesant : dans le premier cas il ne résisteroit pas ; dans le second il ruineroit les jambes de l’animal, & par son propre poids dériveroit & entraineroit les lames. Voyez Fer.

Il y aura même épaisseur aux éponges qu’à la pince, afin que le pié soit toûjours égal par-tout, & qu’une de ses parties n’étant pas plus contrainte que l’autre, les liqueurs ne trouvent pas une résistance plus forte, ce qui les détermineroit à se jetter & à refluer sur les parties moins gênées.

La force de la voûte excédera celle de la pince, parce que l’animal use toûjours plûtôt le fer sur les extrémités de cette portion, & que si la voûte étoit aussi foible, le fer plieroit & porteroit sur la sole.

Il sera étampé plus gras en-dehors qu’en-dedans, parce qu’il doit toûjours plus garnir de ce côté que de l’autre. S’il étoit aussi garni en-dedans, l’animal se couperoit, s’attraperoit, voyez ferrure du cheval qui se coupe, ou se déferreroit en marchant sur son fer. D’ailleurs, le quartier de dehors s’usant ordinairement davantage, il est bon qu’il soit plus garni ; & l’étampure y sera plus grasse, parce que celui de dedans est toûjours plus foible. Voyez Quartiers.

Ferrure d’un pié de travers, un quartier étant plus haut que l’autre. Abattez d’abord le quartier plus haut presque jusqu’au sang ; creusez le talon, sans cependant trop pancher le boutoir. Coupez ensuite assez de l’autre quartier pour enlever une portion de la partie morte, contentez-vous d’ouvrir le talon de ce même côté ; ajustez enfin à ce pié un fer beaucoup plus mince du côté du quartier qui sera trop haut, plus couvert du côté du quartier plus bas. Etampez plus gras de ce même côté, & plus maigre de l’autre. Le fer garnira & débordera du côté bas ; il sera si juste du côté haut, qu’il y aura à rogner en supposant que ce quartier se renverse, ce qui arrive communément à tous les quartiers trop hauts qui se jettent & qui se portent le plus souvent en-dehors. L’éponge du quartier plus bas sera proportionnée à la force de la branche, & par conséquent plus épaisse que celle du quartier plus haut. Elle garnira sur le talon, afin que l’ongle ne s’use point & s’y étende ; à l’égard de celle du quartier haut, elle ne débordera point, & sera juste à la forme du pié.

Vous abattrez le quartier plus haut, parce que par sa hauteur excessive non-seulement le pié est difforme, mais l’animal n’est pas dans son point de force & d’appui. Vous en creuserez le talon ; c’est-à-dire que votre intention étant de le resserrer, vous parerez comme le commun des maréchaux quand ils veulent les ouvrir, & vous aurez intention de les resserrer pour éviter qu’il se porte en-dehors ; or en diminuant la force de l’ongle qui est entre le talon & la fourchette, la paroi extérieure se portera en-dedans.

Vous ouvrirez le talon qui est plus bas, en renversant le boutoir en-dehors pour lui laisser toute sa force, & vous en abattrez une partie ainsi qu’une portion du quartier ; car si vous n’y touchiez pas, & si vous laissiez subsister l’ongle mort dans son entier, les liqueurs trouveroient lors de leur impulsion une trop grande résistance ; elles auroient plus de corps à chasser, & ce quartier recevroit moins de nourriture. La maniere d’ouvrir ce talon produira un effet opposé & contraire à l’autre, c’est-à-dire qu’il s’ouvrira toûjours de plus en plus, attendu la force qui sera conservée dans le dedans, force qui sera supérieure à celle du dehors.

D’une autre part, le fer sera plus mince du côté du quartier haut par rapport à cette hauteur excessive même. Il sera étampé plus maigre de ce même côté, vû le défaut de l’ongle que vous avez coupé, & dont vous avez diminué la force en-dedans, tandis qu’il sera plus couvert & étampé plus gras du côté du quartier bas, parce que le fer débordant, l’ongle pourra s’étendre en-dehors.

Vous gênerez enfin, vous contiendrez le quartier haut, & le fer y sera extrèmement juste, parce que la nourriture n’est jamais aussi abondante dans une partie contrainte & gênée. Le suc nourricier ne pouvant dès-lors forcer & surmonter l’obstacle qui lui est présenté, est obligé de se détourner & de se déterminer sur les autres. Voyez Quartiers.

Ferrure d’un pié de travers, un des quartiers se jettant en-dehors ou en-dedans. Je n’entends pas parler ici d’un pié dont un des quartiers se jettant en-dedans, & pouvant resserrer & entraîner le talon, tendroit à l’encastelure ; je ne considere que celui dont la forme seroit irréguliere dans l’un ou dans l’autre des cas que je suppose. Parez donc le pié également partout ; ouvrez les talons, la fourchette, & ajustez-y un fer ordinaire qui sera plus couvert & étampé plus gras du côté du quartier qui rentrera, qui garnira également au talon de ce même côté, & qui sera juste du côté sain. Si la difformité du pié & l’inégalité des quartiers provient de ce que l’un d’eux se portera en-dehors, que l’étampure de ce côté soit alors extrèmement maigre, placez le fer de maniere qu’il réponde à la ligne de la couronne ; après quoi avec le rogne-pié (voyez Rogne-pié.) coupez tout l’ongle qui excédera le fer. Que si enfin le pié est de travers à raison de la défectuosité des deux quartiers, parez le de même, & mettez-y un fer figuré selon ces principes. Vous parerez le pié également partout, parce qu’ensuite de cette parure la configuration du fer dirigera l’ongle dans son accroissement.

Il sera étampé plus gras, il sera plus couvert du côté du quartier qui rentrera, parce qu’il débordera de ce côté, & qu’en débordant il soulagera l’ongle au quartier, & le laissera croître sur-tout n’ayant pas de bordure. D’ailleurs, le fer devant déborder, si la branche n’étoit pas plus couverte, celle du quartier sain seroit contrainte de gêner la fourchette. Quant à l’étampure, quoiqu’elle paroisse plus grasse, elle ne le sera réellement pas ; car elle ne sera telle, que parce que la branche sera plus couverte.

Dans le cas où l’un des quartiers se porteroit en-dehors, vous placeriez le fer, ensorte qu’il répondroit à la ligne de la couronne, & vous rogneriez tout l’ongle qui excéderoit le fer ; or en le coupant ainsi, vous repareriez la difformité, & cette difformité ne se reproduiroit point, parce que la branche seroit juste au quartier. Au surplus, vous n’étamperiez maigre, que parce qu’autrement le clou broché se trouveroit dans le vif. Voyez Quartiers.

Ferrure d’un pié dont les talons sont bas. Parez le pié à l’ordinaire ; ouvrez par conséquent le peu de talon que vous rencontrez, diminuez le volume de la fourchette, & ne coupez point en pince avec le boutoire que les éponges de fer soient fort épaisses, étampez-le en pince le plus qu’il vous sera possible, placez-le de façon que cette partie l’excede beaucoup, & après avoir broché, coupez cet excédent avec le rogne-pié.

Par le plus de force & la plus grande épaisseur des éponges, vous releverez le pié du cheval, & vous obvierez à son défaut naturel. Vous le rognerez en pince, parce que le pié étant plus court, la pince portera davantage ; dès-lors le talon sera donc soulagé, & la nourriture y affluera avec plus d’aisance. Enfin l’étampure en pince n’aura lieu que pour ne pas gêner les talons, qui dans ces sortes de circonstances, sont très-délicats, & si foibles, qu’ils ne peuvent pas résister à la lame, & qui en éclatant se détruisent toûjours davantage. Voyez Talon.

Ferrure d’un pié dont les talons sont flexibles. Voyez Talon. N’ouvrez pas les talons, laissez-leur toute leur force. Si néanmoins ils sont trop hauts, abattez-les, mais en parant à plat ; s’ils sont trop bas, blanchissez-les ; mettez un fer ordinaire étampé en pince autant qu’il se pourra, & qui garnira beaucoup sur les talons à l’effet de les renforcer, de les soûtenir, & de les soulager.

Ferrure d’un pié dont les talons sont trop hauts, mais qui cependant sont trop ouverts pour qu’on puisse redouter l’encastelure. Voyez Talon. Parez le talon presque jusqu’au vif & à plat, c’est-à-dire que vous devez dégager la fourchette en tenant votre boutoir renversé, parez-la ensuite, & ayez attention de ne pas diminuer beaucoup en pince. Mettez à ce pié un fer ordinaire, dont l’épaisseur sera égale à la pince & aux éponges, qui sera relevé comme de coûtume, qui garnira tout le tour du pié, qui portera également par-tout, & dont les étampures seront plus grasses en pince qu’elles ne le sont communément.

Je conseille d’abattre le talon jusqu’au vif, pour en diminuer la hauteur, & à lat, parce que si l’on creusoit, on encasteleroit le pié.

Vous ne diminuerez pas beaucoup de la pince, parce que le défaut commun à ces piés, est de manquer par cette partie.

Votre fer sera aussi épais aux éponges qu’en pince ; la raison en est que s’il avoit plus d’épaisseur aux éponges, vous entretiendriez le défaut par votre fer, tandis que vous auriez fait des efforts pour le réparer par la ferrure.

Le fer portera sur les talons ; parce que, comme vous devez le savoir, des talons gênés reçoivent moins de nourriture, & le suc nourricier se distribuera ailleurs.

Il garnira tout-autour du pié, & dès-lors la pince ne s’usera pas ; ce qui arrive presque toûjours à ces sortes de piés.

Je demande, en un mot, une étampure plus grasse, parce que l’étampure étant ordinaire, & le fer devant garnir, le pié seroit broché trop maigre.

Ferrure d’un pié dont les talons seroient trop hauts, & qui tendroient à l’encastelure. Voyez au mot Talon. Abattez considérablement les talons ; mais parez toûjours à plat, & n’affoiblissez jamais l’appui qui est entre cette partie & la fourchette : parez celle-ci sans l’ouvrir, & diminuez de la pince proportionnément au talon, par le moyen du rogne-pié.

Ajustez à ce pié un fer à pantoufle. Voyez Fer. Ce fer sera étampé à l’ordinaire, mais plûtôt en pince qu’en talon ; il garnira beaucoup à cette derniere partie, & portera également par-tout.

Ferrure d’un pié encastelé. Voyez Talon. Parez-le & ferrez-le, de même que celui qui tend à l’encastelure, en augmentant néanmoins l’épaisseur de la pantoufle, selon la défectuosité du pié.

Vous abattrez le talon à plat, & je crois qu’il est superflu de répeter ici les raisons de parer ainsi. Vous ne diminuerez point l’appui qui est entre la fourchette & cette partie, parce que le fer doit y porter. Vous n’ouvrirez point la fourchette ; dès-lors vous lui conserverez la force nécessaire pour s’opposer au resserrement du talon. Vous rognerez enfin la pince, soit pour recouvrir le pié, soit pour que la nourriture se distribue aux talons ; parce que la longueur du pié étant diminuée, l’animal ne travaillera pas tant sur eux ; & la contrainte étant moindre, les liqueurs s’y détermineront avec plus d’aisance & plus de facilité.

La nécessité du fer à pantoufle est évidente. L’intérieur de cette pantoufle portant aux talons, & les gênant en-dedans, ils s’ouvriront par eux-mêmes, vû que dès-lors le suc nourricier gagnera la partie de dehors, & que l’ongle de ce côté n’aura rien qui puisse le gêner dans son accroissement, puisqu’étant d’ailleurs chassé par l’épaisseur intérieure de la pantoufle, le talus qui est observé depuis cette épaisseur intérieure jusqu’à l’extérieur de la branche, facilitera son extension de ce même côté.

L’étampure en pince est enfin préférable, attendu que les quartiers affoiblis par la parure, ne seroient pas en état de supporter les lames ; & vous garnirez beaucoup en talons, parce que dès qu’ils seront soulagés, non-seulement ils reviendront sur la ligne de la couronne, mais ils s’élargiront toûjours davantage, à l’aide & par le secours du fer proposé.

Ferrure du pié plat. Voyez Pied, Sole. Parez & diminuez l’ongle le moins qu’il vous sera possible ; ajustez un fer plus couvert qu’un fer ordinaire, étampez-le plûtôt maigre que gras : que la voûte soit très près de la sole ; placez-le sur le pié, de maniere encore que vous puissiez couper avec le rogne-pié le superflu de l’ongle qui déborde : que les éponges en soient fortes & épaisses, & qu’elles ne débordent pas extraordinairement en talons.

Parez & diminuez très-peu l’ongle ; en en abattant trop, vous pénétreriez bientôt jusqu’au vif : l’animal n’auroit pour ainsi dire plus de pié, & il ne pourroit se soûtenir, par la douleur que lui causeroit & cette diminution & ce retranchement trop considérable.

Que le fer soit plus couvert, & que la voûte soit très-près de la sole ; par ce moyen cette partie sera gênée & contenue ; la nourriture ne pouvant plus s’y porter en aussi grande quantité, se déterminera sur les autres ; ce qui, en remontant à la source & à la cause de la difformité du pié, en arrêtera les progrès.

Le fer sera ajusté de façon que vous pourrez couper avec le rogne-pié le superflu de l’ongle ; & vous couperez ce superflu, parce que si vous ne l’enleviez pas, le pié paroîtroit toûjours évasé.

L’étampure sera maigre, parce qu’en rognant tout le tour du pié, vous approcheriez plus du vif que si vous ne rogniez point.

Enfin ce n’est que parce que ces sortes de piés portent sur les talons, que je prescris des éponges plus fortes & qui ne débordent pas extraordinairement ; car une ferrure trop longue feroit infailliblement user cette partie.

Ferrure du pié plat ensuite d’une fourbure, l’ongle s’étendant vers la pince, & la sole laissant apparoître des croissans. Voyez Pied, Fourbure. Ouvrez d’abord les talons ; abattez les, s’ils sont trop hauts ; blanchissez-les, s’ils sont trop bas ; étampez le fer sur les talons, & non en pince ; mettez-y un pinçon assez large (voyez Fer) ; & lorsque les clous seront brochés, rognez l’ongle excédant le fer, & râpez la pince.

Abattez les talons, pour parer à l’inconvénient de ces sortes de piés, qui est de travailler toûjours sur les talons, la pince ayant rarement de l’appui ; ce qui fait que quand l’animal ne boiteroit pas ensuite des croissans, il boiteroit par le raccourcissement du tendon, vû que le talon étant trop élevé, ce même tendon n’a pas son extension naturelle, & ce qui peut bouter l’animal. Voyez Jambe.

Etampez le fer sur les talons, & non en pince, parce que cette partie ne supporteroit pas la brochure. D’ailleurs, tout cheval dans lequel on entrevoit des croissans, est rarement encloüé sur la premiere, pourvû néanmoins que le fer ne soit pas étampé trop gras.

Mettez-y un pinçon assez large pour tenir le fer, parce que si le pinçon étoit trop petit, il entreroit dans l’ongle, & le fer se déplaceroit. Du reste, lorsqu’en râpant la pince vous diminuez la force de l’ongle en cet endroit, c’est pour moins contraindre le pié, & pour que les croissans ne soient pas si douloureux.

A l’égard du pié plat, large & étendu, vous ne couperez la sole que le moins que vous pourrez ; vous vous contenterez de la nettoyer simplement, après quoi vous y ajusterez un fer semblable à celui que vous avez employé en ferrant le pié plat, dont j’ai parlé précédemment à ce dernier.

Ne coupez la sole que le moins que vous pourrez, & ne faites que la blanchir ; car en retranchant une portion de la partie morte, le suc nourricier trouveroit moins d’obstacle, & vous y attireriez conséquemment plus de nourriture ; ce qui ne feroit qu’entretenir, & ce qui pourroit même augmenter la difformité du pié dont il s’agit.

Ferrure d’un pié qui aura un ou deux oignons. Voyez Sole. En parant le pié, laissez autant d’ongle qu’il sera possible sur les oignons ; mettez un fer assez fort & assez couvert, du côté des oignons mêmes : que l’étampure soit ordinaire, & ne differe que par une moindre quantité de ce même côté : le tout pour gêner & pour contraindre la partie tuméfiée, & pour ne pas l’offenser par la brochure ; ce qui réussit quelquefois, pourvû que les oignons ne proviennent pas d’une tumeur formée dans les parties molles.

Ferrure du pié comble. Voyez Sole. Laissez, en parant le pié, autant de talon que vous le pourrez, & tachez de conserver à cette partie toute sa force : blanchissez la sole : ne coupez point avec le boutoir, la pince ni les quartiers ; mais servez-vous à cet effet du rogne-pié : forgez un fer extrèmement fort, à commencer depuis la voûte jusqu’à la partie interne des deux éponges, le dehors en étant extrèmement mince ; qu’il soit très-couvert, sans néanmoins que les éponges puissent gêner la fourchette : étampez-le assez maigre, & sur-tout en pince : voûtez-le à proportion du pié, de maniere qu’il ne porte pas absolument sur la sole, mais qu’il la contraigne un peu : placez-le en talon le plus qu’il vous sera possible, sans qu’il y garnisse trop, & qu’il s’avance : brochez au surplus assez avant.

Taillez autant de talon que vous le pourrez, parce que ces piés manquent ordinairement par cette partie. On ne doit que blanchir la sole, parce que dès que toute sa force sera conservée, elle résistera davantage, non-seulement à celle de l’impulsion des liqueurs, mais encore à l’impression du fer, qui doit la gêner & la contraindre : vous le forgerez très-fort sur la voûte, dès-lors il ne pliera point. Cette précaution est d’autant meilleure, que ces sortes de piés travaillent beaucoup sur cette partie ; & que si le fer plioit, il les élargiroit, & en emporteroit tout l’ongle. Il ne sera pas aussi épais en-dehors, parce qu’il seroit trop pesant. Les étampures seront maigres & bien en pince, attendu qu’il faut nécessairement rogner pour donner la forme au pié. Vous placerez le fer beaucoup en talon, autrement le pié seroit trop long : vous brocherez avant, pour que l’ongle, que vous devez d’ailleurs rogner, puisse soûtenir le fer : vous ferrerez plus court que long, dans la crainte que le talon ne s’use davantage, & le cheval en marchera plus à son aise : enfin voûtez proportionnément le fer, parce que la sole étant contrainte. elle cessera d’avoir une nourriture aussi abondante ; & que celle qui s’y portoit y affluant en moindre quantité, & se distribuant sur les autres parties, la difformité sera réparée insensiblement & avec le tems.

Tel est le juste milieu que l’on doit prendre. Je ne proscris point entierement la méthode des fers voûtés, pourvû que la contournure ne soit point celle que les Marechaux leur donnent ordinairement ; contournure si défectueuse, qu’elle met enfin le cheval hors de service : car ces sortes de fers gênant l’ongle par leur bord extérieur, renvoyent toute la nourriture à la sole, dont le volume augmente sans cesse, & qui croît & saillit en-dehors de plus en plus, parce que d’ailleurs elle n’est en aucune façon contrainte & resserrée.

Ferrure d’un pié gras ou foible, d’un pié trop long en pince & en talon ; & d’un pié trop petit. Parez le pié gras à l’ordinaire ; que le fer que vous y ajusterez n’ait rien de particulier, & qu’il soit étampé plus maigre, dans la crainte de serrer ou de pénétrer le vif en brochant.

Quant au pié trop long en pince, rognez-le : à l’égard du pié trop long en talon, abattez cette partie, & que les fers n’y avancent point trop : pour les piés trop petits, votre fer débordera tout-autour, à l’effet de faciliter l’extension de l’ongle.

Ferrure d’un cheval arqué, brassicourt, droit sur ses membres, bouté, rampin. Voyez Jambe. Pour obvier à ces défauts essentiels, on doit considérablement abattre les talons ; & outre ce grand retranchement, vous y ajusterez un fer dont les éponges seront beaucoup plus minces que la pince : étampez-le encore plus en cette partie qu’en talon, & ferrez extrèmement court.

Par le fort abattement des talons, vous parerez au vice principal qui résulte du défaut d’extension, & de la retraction même du tendon. Le fer sera beaucoup moins épais en talon qu’en pince, toûjours dans la même intention ; & pour ne pas détruire par le fer les effets qui doivent suivre la parure, vous étamperez plus en pince qu’en talon, parce que le talon étant fort abattu, les lames pourroient intéresser les parties molles ; & vous ferrerez extrèmement court, afin que le talon porte toûjours plus bas. Si l’animal est bouté, vous lui mettrez ensuite de la même parure, un fer de mulet (voyez Ferrure des Mulets), relevant plus ou moins en pince pour l’asseoir toûjours davantage sur les talons, pour contraindre la partie à rentrer sur la ligne qu’elle a quittée dans ce cas, & pour remettre le cheval dans sa position naturelle.

Il est cependant important d’observer qu’une extension trop subite des tendons retirés, causeroit des douleurs inévitables à l’animal, & occasionneroit infailliblement une claudication : aussi ne doit-on l’asseoir ainsi qu’insensiblement, par degrés, & en facilitant le jeu de cette partie par des applications d’herbes émollientes, telles que les feuilles de mauve, guimauve, & de bouillon-blanc, que l’on fait bouillir jusqu’à ce qu’elles acquierent une consistance palpeuse. On les place sur la partie postérieure du canon, depuis le genou jusqu’au boulet ; on les y arrête par le moyen d’une ligature ou d’un bandage (voyez Ligature, Pansement, Extension), & on les humecte plusieurs fois par jour avec ce qui reste de la décoction de ces mêmes plantes.

Ferrure des chevaux qui se coupent, & qui forgent. Voyez Forger. Nous disons qu’un cheval s’entretaille ou se coupe, lorsqu’en cheminant il touche sans cesse & à chaque pas avec le pié qu’il meut, le boulet de la jambe qui est à terre ; de maniere qu’à l’endroit frappé le poil paroît totalement enlevé, & qu’il résulte souvent de ce heurt ou de ce frotement continuel, une plaie plus ou moins profonde, que l’on apperçoit aisément à la partie latérale interne du boulet, & d’autres fois derriere le boulet même, surtout lorsque l’animal a été vivement troté sur des cercles ou à la longe. Voyez Trot & Longe.

Il s’entre-taille plus communément des piés de derriere que de ceux de devant ; souvent il ne se coupe que d’un pié, quelquefois de deux, d’autres fois encore de tous les quatre ensemble.

Quelle que soit la cause du défaut dont il est question, on peut se flater de le détruire par la voie de la ferrure, à moins que la foiblesse de l’animal ne soit telle, qu’il soit absolument à rejetter. Ce n’est pas que je prétende que la ferrure donne de la force, change la conformation du cheval, s’oppose à sa lassitude, diminue sa paresse, & lui forme l’habitude de cheminer ; mais elle l’oblige & le contraint à une situation & à une action qui éloignent le port de son pié du boulet qui seroit atteint & heurté.

Les chevaux peuvent se couper aux talons ou en pince : dans le premier cas, si après avoir abattu le quartier de dehors jusqu’au vif, & laissé subsister le quartier de dedans dans son entier, vous n’avez pû remplir votre objet, ajustez un fer à la turque, c’est-à-dire un fer dont la branche de dedans ait le triple ou le quadruple d’épaisseur de plus que celle de dehors (voyez Fer), & n’étampez point à cette branche : alors le quartier de dedans étant beaucoup relevé, & l’animal reposant beaucoup plus sur celui de dehors, ce qui change la situation de sa jambe & le port de son pié, il ne se coupe plus. J’ai au contraire éprouvé plusieurs fois aussi, qu’en mettant la branche à la turque en-dehors, & en suivant une méthode diamétralement opposée, je parvenois au but auquel il ne m’avoit pas été possible d’arriver par le secours de la premiere.

Dans le second cas, c’est-à-dire dans celui où le cheval se coupera en pince, que votre fer à la turque ne soit pas d’une égale épaisseur dans toute l’étendue de la branche de dedans ; qu’il y ait seulement une élevation, un croissant, & point de clous à l’endroit où il se coupera. Si vous en brochez à côté du croissant, rivez-les avec le feu ; brûlez l’ongle au-dessous de la sortie des lames, pour y faire entrer les rivets : & comme le fer à la turque, dans toute l’étendue de la branche de dedans, n’est point arrêté, mettez-y un pinçon capable de le maintenir en place.

Quant au cheval qui forge, ou il forge sur les éponges, ou il forge sur la voûte.

Mettez à celui qui forge sur les éponges, un fer ordinaire dont les éponges ne déborderont point, & seront comme genetées (voyez Fer) : abattez beaucoup les talons des piés de devant ; que ceux de derriere soient très-courts & très-relevés en pince ; que leurs talons soient néanmoins abattus, dans la crainte que le cheval ne devienne rampin : & s’il forge à la voûte, ajustez un fer anglois (voyez Fer) en-devant, dont la voûte sera extrèmement étroite.

Ferrure des chevaux qui ont des seymes. Voyez Seymes, Quartiers. Parez le pié à l’ordinaire ; abattez les talons, & ajustez un fer à lunette ou un fer à demi-lunette (voyez Fer). Le quartier, à l’endroit où est la seyme, ne reposant point sur un corps dur, sera infiniment soulagé, & la seyme pourra se reprendre plus aisément. Substituez ensuite à ce fer à lunette ou à demi-lunette, un fer à pantoufle, à l’effet d’ouvrir les talons qui n’auront pas été maintenus, les éponges des premiers fers ayant été coupées jusqu’à la premiere étampure.

Ferrure des chevaux qui ont des soies ou des piés de bœuf. Voyez Soie, Quartier. Mettez un fer ordinaire ; mais pour empêcher que la partie affectée porte & repose sur le fer, pratiquez un sifflet ; entaillez l’ongle au bas de la pince, au-dessous de la fente & de la division ; & que votre fer ait deux pinçons répondant aux deux côtés du sifflet, afin qu’il soit plus sûrement maintenu.

Ferrure des chevaux qui ont des bleymes. Voyez Sole. Découvrez, en parant, la bleyme autant qu’il est possible ; abattez le talon sain au niveau de l’autre, pour que le pié soit égal ; ferrez à demi-lunette, pour que la bleyme non contrainte de porter sur un corps dur, se guérisse plus aisément, & pour parer à l’encastelure : ferrez ensuite à pantoufle.

Ferrure des chevaux qui butent. Les termes de buter & de broncher sont ceux dont nous nous servons pour exprimer en général l’action d’un cheval qui fait un faux-pas : il bute, lorsque ce faux-pas est occasionné par le heurt de l’un de ses piés contre un corps quelconque plus ou moins haut, & qu’il auroit franchi, si le mouvement de sa jambe eût été plus relevé : il bronche, lorsque le pié qu’il met à terre est mal assûré & porte à faux. Ces deux vices sont essentiels, si les faux-pas sont souvent répetés ; car l’animal peut enfin tomber & estropier le cavalier, qui d’ailleurs doit être dans une appréhension continuelle, & sans cesse occupé du soin de soûtenir son cheval. Voyez Soutenir. Ils proviennent ordinairement d’une foiblesse naturelle ou d’une foiblesse acquise, & quelquefois aussi de la froideur de l’allure de certains chevaux, ou de leur paresse. J’ai remarqué que dans des chemins difficiles, l’animal sujet à broncher ou à buter, étoit plus ferme que sur un terrein bon & uni, pourvû que celui qui le monte ne le presse point & le soûtienne, en lui laissant néanmoins la liberté de choisir, pour ainsi parler, ses pas, Sans doute que l’attention du cheval, dans de pareilles circonstances, est fixée par la crainte où il est de buter, de broncher, & de faire une chûte. Du reste il est rare que des chevaux chargés d’épaules, abandonnés sur leur devant, & non assis, & qui ne font montre d’aucune liberté & d’aucune souplesse en maniant leurs membres, ne butent ou ne bronchent, puisqu’ils rasent nécessairement toûjours le tapis.

On conçoit que des jambes fortement usées, des épaules froides, chevillées, foibles, engourdies & paresseuses, ne pourront acquérir plus de perfection dans leur jeu au moyen de la ferrure ; mais on peut du moins par la parure & par l’ajusture du fer, donner à leurs piés une forme telle, qu’elle diminuera la facilité qu’ils auroient à heurter, & à rencontrer les obstacles qui se trouvent sur leur passage. Pour cet effet, abattez beaucoup le talon ; que le fer garnisse fort en pince, & releve legerement : étampez-y gras, puisque le fer doit garnir ; & genetez un peu en talon, parce que n’ayant pas, étant geneté, le même point d’appui, l’animal sera forcé de porter beaucoup moins en pince ; & l’extension du tendon étant plus grande, le mouvement sera beaucoup plus facile.

Ferrure contre les clous de rue & contre les chicots. Voyez Sole. Il semble que le plus court moyen de défendre cette partie des accidens dont il s’agit, seroit d’employer des fers couverts, tels que ceux que l’on met aux piés des mulets ; mais la différence des piés du cheval & de ceux de ces animaux, ne permet pas d’en user ainsi. La force des piés de devant du cheval réside dans la pince ; celle des piés des mulets dans les talons : or les fers couverts demandent nécessairement que l’on pratique un sifflet pour l’écoulement des eaux qui pénetrent entre l’ongle & le fer ; & cette méthode est absolument impraticable aux chevaux, par la raison que le sifflet fait en pince affoibliroit cette partie, qui est la plus solide : d’ailleurs le pié du cheval naturellement moins sec & plus humide que celui du mulet, se corromproit dans les tems froids, & se dessécheroit dans le tems des chaleurs par la privation de l’air. Le parti que quelques-uns prennent à cet égard, c’est-à-dire pour obvier aux inconvéniens des clous de rue & des chicots, est de ne jamais parer ni la sole ni la fourchette, à moins que la sole ne s’écaille avec le tems ; car alors on en enleve la portion qui se détache : on procede ainsi, sous le prétexte que la sole par son épaisseur sera capable de résister à la piquûre des corps qui pourroient pénétrer dans le pié, & en empêchera l’introduction. Mais d’une autre part, cette maniere de ferrure peut endommager le pié, & y susciter d’autres maux plus dangereux quelquefois que ceux dont on veut les préserver.

Ferrure des chevaux sujets à se déferrer. Les chevaux sujets à se déferrer sont ceux dont les piés sont trop gras, trop grands ou trop larges ; ceux qui forgent & ceux dont les piés sont dérobés, c’est-à dire dont l’ongle est si cassant que la lame la plus déliée y fait des breches considérables près du fer, & laisse entrevoir des éclats à l’endroit où les clous sont rivés. Les premiers exigent que le maréchal broche le plus haut qu’il est possible, l’affilure étant exactement droite ; il est conséquemment obligé malgré lui de risquer de serrer ou d’encloüer. Quant aux seconds, les fers doivent être genetés, & la ferrure ne différera en rien de celle que j’ai prescrit pour les chevaux qui forgent. A l’égard des derniers, on cherchera à contenir le fer par un pinçon ; on l’étampera, & on le percera sans aucune attention aux regles ordinaires, puisqu’il n’est plus de prise aux lieux où devroient être brochés les clous.

Ferrure des mulets. Rarement le pié de ces sortes d’animaux est-il encastelé, vû la force dont sont pourvûs en eux les talons. On doit en général en parer l’ongle, de façon qu’on en resserre les talons s’ils ne se resserrent pas d’eux-mêmes ; mais en les abattant, il ne faut néanmoins pas les trop affoiblir. Ajustez-y un fer à la florentine, c’est-à-dire un fer dont la branche de dehors soit fort couverte, celle de dedans extrèmement étroite & dégorgée ; que la pince en soit couverte & longue ; que l’étampure soit près du bord inférieur du fer à la branche de dehors, & le plus en talon qu’il sera possible ; & quant à la branche de dedans, étampez très-maigre, & que les trous soient au nombre de quatre à chaque branche. Dans le cas où l’on seroit contraint d’en préparer pour le passage des clous à glace, faites-en un de chaque côté de la voûte entre les quatre étampures du dedans & du dehors ; que le fer, si c’est pour le pié de devant, releve beaucoup en pince, & qu’il releve moins, si c’est pour un pié de derriere ; que les éponges en soient très-minces, que la voûte soit très-forte dans tout son contour, que la branche de dedans en égale l’épaisseur en pince, & que l’excédent du fer en-dehors & en pince en ait très-peu. Du reste n’oubliez pas en parant de pratiquer un sifflet : coupez donc l’ongle en pince en forme d’arc, pour faciliter le nettoyement du pié & l’écoulement de l’eau qui sert à ce nettoyement. Observez encore que le fer à la florentine est infiniment préférable aux planches que l’on ajuste communément. Voyez Fer. Je conviens que le premier n’est adapté qu’aux bons piés, & que les seconds ne s’employent que pour les piés foibles : mais dans tous les cas il vaut mieux user de la florentine. Au surplus, lorsque le mulet s’encastele ou est encastelé, on peut donner à ce même fer la figure de la pantoufle, comme on le donne aux planches. Voyez Fer.

Ferrure des mulets qui posent le pié à terre à la maniere du cheval. La plûpart des mulets heurtent en posant le pié à terre, la pince y atteint plûtôt que le talon. Il en est néanmoins qui y posent le pié comme le cheval : ceux-ci demandent des fers à cheval dont l’étampure soit très-grasse en-dehors, c’est-à-dire presque dans le bord intérieur du fer, & un peu plus maigre en-dedans ; ce fer aura une égale force, soit dans la voûte, soit dans son rebord extérieur, & relevera beaucoup plus en pince que le fer du cheval.

Ferrure des mulets dont le talon est bas. Parez beaucoup en pince, ouvrez & blanchissez les talons ; mettez un fer à cheval dont les étampures rogneront autour de la voûte. Si l’on étampoit les fers des mulets comme ceux des chevaux, c’est-à-dire en-delà de la voûte du côté extérieur, ils couvriroient dès-lors tout le pié & ne déborderoient point assez ; & ils doivent déborder, parce que le mulet a ordinairement le pié trop petit proportionnément à sen corps : que ce même fer garnisse en-dehors & en-arriere du talon, qu’il soit relevé en pince, que les deux branches soient égales, afin que les talons portent également ; & faites, si vous le voulez, de chaque côté deux pelits crampons, ou en oreille de lievre (Voyez Fer), ou suivant la ligne directe de la branche.

Ferrure des mulets dont la fourchette est grasse & les talons bas. Parez la fourchette presque jusqu’au vif, & ferrez-le ainsi que je viens de le prescrire pour le talon bas ; l’éponge étant plus étroite, ne portera pas sur la fourchette.

Ferrure des mulets qui ont des soies. Voyez Quartiers, Soie, Seyme. Les piés de derriere sont plus fréquemment atteints de ce mal que ceux de devant, sur-tout s’ils sont courts en pince. Faites usage de l’opération indiquée dans ces sortes de cas, mais relativement à la ferrure ; pratiquez en pince un sifflet plus grand qu’à l’ordinaire, parce que l’animal portant dès-lors sur les quartiers, la soie se resserrera plus aisément : que ce même fer déborde beaucoup, & que ses talons soient au surplus considérablement abattus.

Ferrure des mulets qui ont des seymes. Voy. Seyme, Quartiers. Les seymes exigent la même opération que les soies : pratiquez-la conséquemment. Ménagez un sifflet au quartier endommagé par la seyme ; abattez beaucoup de talon, & mettez un fer ordinaire.

Ferrure des mulets panards & qui se coupent. Voyez Panards. Abattez les quartiers de dehors autant qu’il est possible, afin de faciliter l’appui de la pince ; & maintenez le quartier de dedans en pince plus haut que le talon, pour que ce même talon se tourne plus aisément en-dehors : que le fer soit couvert en-dehors depuis le bout de la pince en-dedans jusqu’au talon, & que la branche de dedans soit à la turque. Voyez Fer. Etampez gras, parce que le fer doit déborder en-dehors ; qu’il garnisse beaucoup en talon, sans outrepasser en-arriere en-dedans, & pouvant outrepasser en-arriere en-dehors. On ne peut remédier à cette défectuosité, que par la parure & par le fer, puisque la petitesse du pié de l’animal exclut totalement l’usage du rogne-pié. V. Tablier. On ne doit pas du reste oublier le sifflet ; & quant à l’ajusture du fer, il sera toûjours également relevé en pince.

Ferrure des mulets qui se coupent en pince. Parez le pié droit, & à l’ordinaire : que la branche de dehors du fer soit très-couverte ; ne changez rien à celle de dedans : que la pince suive la rondeur du pié en-dedans, & la forme de la branche bien courte en-dehors : laissez vis-à-vis l’endroit où vous vous appercevez que le mulet se coupe, une épaisseur plus ou moins considérable ; qu’il n’y ait point d’étampure à cette épaisseur : percez un ou deux trous sur le talon, étampez en-dehors comme de coûtume. On doit cependant avoüer, malgré ces précautions, qu’un fer à cheval conviendroit beaucoup mieux.

Ferrure des mulets qui se coupent par foiblesse de reins & ensuite de quelque effort. Les mulets qui ont fait quelque effort par quelque cause que ce soit, se coupent tous du derriere, & d’autant plus aisément, qu’ils sont ordinairement ferrés de maniere que la pince est beaucoup trop longue : faites-la donc plus courte & plus épaisse, & que la branche de dedans soit à la turque ; ou bien faites à l’éponge un bouton à la turque, qui diminue imperceptiblement à son extrémité. Ce bouton est une sorte de crampon. Que cette même branche soit étampée maigre, pour qu’elle puisse accompagner la rondeur du pié, & que celle de dehors, à laquelle vous laisserez un leger crampon, soit étampée plus gras.

Ferrure des mulets de charrette. Ajustez aux piés des mulets destinés à tirer, un fer à cheval débordant en-dedans, en-dehors, en pince, & relevé à cette derniere partie ; qu’il y ait deux crampons à chaque fer : on ne peut s’en dispenser ; car sans crampon & avec un fer à la florentine, le mulet ne pourroit ni tirer ni retenir.

Ferrure des mulets de charrette qui sont boutés. Ferrez-les de même que ces derniers, mais n’ajoûtez point de crampons : ceux-ci retiendront de la pince.

Quelque long que paroisse cet article, il ne renferme pas néanmoins tous les cas qui peuvent se présenter relativement à la ferrure des chevaux, & relativement à celle des mulets : mais nous avons assez discuté les principes, pour que ces cas cessent de jetter dans l’embarras ceux auxquels ils peuvent s’offrir ; car lorsqu’ils allieront la théorie & la pratique, ils surmonteront tous les obstacles, & leurs progrès seront assûrés. Qui n’admirera pas néanmoins après tous les détails dans lesquels j’ai été contraint d’entrer, la sécurité des maréchaux qui dans la plûpart de leur communauté, & avant d’admettre un aspirant au nombre des maîtres, l’obligent à faire un chef-d’œuvre de ferrure ? La forme de l’épreuve est singuliere. On choisit un cheval, on le fait passer trois fois en présence de l’aspirant, qui est censé en examiner les piés, & en avoir connu toutes les imperfections & tous les défauts, quoique ces défauts échappent presque toûjours aux yeux des maitres même. Si la communauté lui est favorable, on lui permet seulement de prendre la mesure des piés : après quoi on renvoye l’aspirant forger les fers nécessaires. Le jour pris & fixé pour le chef-d’œuvre, l’aspirant pare le pié d’après la routine qu’il s’est fait en errant de boutique en boutique, & il attache les fers forgés tels qu’ils sont ; car il est expressément défendu de les porter de nouveau à la forge, il doit ferrer à froid : il est donc obligé de se conduire en cette occasion, comme la plus grande partie de ceux qui composent la communauté se conduisent en opérant, c’est à-dire qu’il prépare & qu’il accommode à leur imitation le pié au fer, plûtôt qu’il n’ajuste le fer pour le pié. Je laisse aux lecteurs le soin de juger des suites d’une opération ainsi pratiquée : mais j’ai de la peine à croire qu’ils puissent concilier d’une part les plaintes qu’excite l’ignorance de ces sortes d’ouvriers, & dont retentissent unanimement toutes les villes du royaume, & de l’autre le peu d’attention que l’on a d’y remédier en leur fournissant les moyens de s’instruire. Voyez Maréchal. Voyez au surplus Fer, Ferrer, Tablier, Forger. (e)