L’Encyclopédie/1re édition/QUARTIER ou QUART

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QUARTIER ou QUART, s. m. (Gramm.) est la quatrieme partie d’un tout. Voyez Quart.

Quartier de l’année est l’espace de trois mois. En ce sens il est mieux de dire trimestre.

Quartier se dit aussi du quart d’un payement annuel : ainsi on dit un quartier de pension, un quartier de rente ou simplement un quartier.

Quartier, en terme d’Astronomie, se dit du changement qu’éprouve la lune au bout de sept à huit jours. On appelle aussi ce changement quadrature. Voyez Lune & Quadrature.

A proprement parler, le premier quartier commence à la nouvelle lune, & finit lorsqu’elle entre en quadrature, c’est-à-dire lorsqu’elle est éloignée du soleil de la valeur d’un quart de cercle, ou de trois signes du zodiaque ; & qu’elle est, par exemple, dans le bélier, le soleil étant dans le capricorne ; en ce cas on ne voit que la moitié précisément de sa face éclairée.

Le second quartier se compte depuis le moment qu’elle est entrée en quadrature jusqu’à la pleine lune, &c. Voyez Quadrature. (O)

Quartier anglois, instrument fort en usage sur mer ; ainsi appellé, parce qu’il a été inventé par un capitaine anglois, nommé Davis.

Cet instrument sert à prendre la hauteur du soleil, il consiste en deux arcs FG, ED, le premier de 30 degrés, & l’autre de 60, & en trois marteaux A, B, C, voyez Planche de Navigation, fig. 6. Les deux arcs sont gradués de la maniere suivante : sur l’arc ED le point de O est en D, & on compte de ce point jusqu’à la ligne AG où sont marqués les 60 degrés ; sur l’arc FG, on compte en sens contraire le point de O étant en F, & les 30 degrés étant marqués sur la même ligne AG. Le marteau A, par lequel on observe l’horison, est fendu dans sa longueur d’une pinnule fort étroite de 6 ou 7 lignes de long. Le marteau C n’a qu’un petit trou pour y appliquer l’œil ; le troisieme B n’est point percé : ces trois marteaux doivent être perpendiculaires au plan de l’instrument, & les deux B & C avoir des entailles pour entrer sur les arcs FG, ED, qui sont d’égale épaisseur par-tout, afin que les marteaux soient fermes dans quelque endroit qu’on les mette. Le marteau A, au lieu d’une entaille, a un trou quarte pour entrer sur la tringle GA jusqu’au centre A.

Pour faire usage de cet instrument, on met le marteau B sur l’arc 60 à un degré pair de latitude, moindre de 10 ou de 15 degrés que le complément de la hauteur qu’on juge que doit avoir le soleil : ensuite on met le marteau A au centre A, & le marteau C sur l’arc FG ; alors tournant le dos au soleil, on éleve l’instrument & on regarde à-travers la pinnule de vue, C élevant ou abaissant l’instrument jusqu’à ce que l’ombre du tranchant supérieur du marteau d’ombre B tombe sur le tranchant supérieur de la fente qui est au marteau A ; que si regardant toujours par la pinnule C, on voit l’horison à-travers cette fente, l’observation est bien faite ; que si au contraire on voit la mer ou le ciel, il faut baisser le marteau C vers F, ou le hausser vers G jusqu’à ce qu’enfin le rayon visuel qui va de la pinnule C à la fente du marteau A soit tangent à l’horison. Ensuite on observe sur l’arc de 30 degrés combien il y a de degrés & de minutes depuis le point de O jusqu’à l’endroit marqué par la perpendiculaire abaissée sur cet arc du centre du trou de la pinnule de vue, & on ajoute à ces degrés ceux qui sont de même contenus sur l’arc de 60 degrés, depuis l’O jusqu’au point marqué par le tranchant supérieur du marteau B. Si on avoit fait l’observation par le tranchant inférieur du marteau d’ombre, il faudroit compter depuis l’O jusqu’au point marqué par ce tranchant, la somme de ces degrés sera la distance du soleil au zenith ou le complément de sa hauteur sur l’horison. Si on veut trouver la hauteur méridienne, ou la plus grande hauteur du soleil, on continue l’observation tant que cette hauteur paroît augmenter, ce qu’on connoît facilement par la nécessité où l’on est de baisser la pinnule de vue pour voir la mer ; car au même instant que le soleil a passé par le méridien, on est obligé au contraire de la hausser, ce qui marque qu’alors l’angle qu’il fait avec l’horison est diminué, & par conséquent qu’il est au-delà du méridien. On s’arrêtera donc à la derniere des observations qui a précédé l’instant où sa hauteur a paru diminuer, & ajoutant les degrés & les minutes observés sur les deux arcs, comme nous l’avons dit plus haut, on aura le complément de la hauteur méridienne du soleil.

Comme cette maniere d’observer ne donne que la distance du limbe supérieur ou inférieur du soleil au zénith, & non la distance de son centre, il faut, quand on observe par le tranchant supérieur du marteau B, ajouter à l’angle trouvé par l’observation 16 minutes pour le demi-diametre du soleil, ce qui donnera la vraie distance du centre du soleil au zenith. Et quand au contraire on observe par la partie inférieure du marteau B, il faut retrancher ces 16 minutes pour avoir la hauteur du soleil ; mais si on considere que la hauteur de l’observateur au dessus de la surface de la mer est communément de 16 à 20 piés ; on verra qu’au lieu de retrancher 16 minutes, il faudra dans ce dernier cas en retrancher 20, & au contraire dans le premier n’en ajouter que 12, on en trouvera la raison à la fin de l’article.

On a fait en différens tems des changemens & des corrections à cet instrument : quelques-uns, par exemple, ont placé un petit miroir sur le marteau A, pour que l’ombre se vit avec plus de netteté ; d’autres ont percé le marteau B & y ont placé une lentille, afin que le soleil formant un petit point lumineux sur ce même marteau A, on puisse observer avec plus de précision, sur-tout lorsque le soleil est couvert de quelques nuages, ou qu’il y a de la brume ; car en observant en pareil tems, à la maniere ordinaire, l’ombre du marteau B sur le marteau A devient très-mal terminée, ce qui diminue beaucoup de la justesse de l’observation. Mais, sans parler des inconvéniens auxquels ces changemens pourroient être sujets, je dirai seulement qu’il est inutile de s’attacher à perfectionner un instrument qui ne pourra jamais être bien parfait, tandis qu’on en a un si excellent, je veux dire l’instrument de M. Hadley. Voyez instrument de M. Hadley. Au reste, comme le quartier anglois est le meilleur de ceux dont on se servoit avant l’invention de ce dernier, on peut encore en faire usage dans bien des cas où une grande précision n’est pas absolument nécessaire.

Il est comme inutile de dire que cet instrument peut servir aussi pour prendre la distance entre deux astres, comme la lune & une étoile, ou entre deux étoiles, &c.

On a dit plus haut que l’observateur étant élevé au-dessus de la surface de la mer de 15 ou 20 piés, il falloit retrancher 4 ou 5 minutes de la distance du soleil au zénith, ou au contraire en ajouter autant à son élévation sur l’horison : ceci paroîtra clair, si l’on fait attention à la maniere dont on observe la hauteur du soleil avec cet instrument. On a vu que l’observateur ayant le dos tourné au soleil, il vise à-travers des deux pinnules à l’horison, & qu’ensuite il prend l’angle que fait au centre de l’instrument le rayon du soleil avec ce rayon visuel ; mais cet angle n’est pas le véritable angle de sa hauteur, puisque le rayon visuel tangent à l’horison ne l’est pas dans le lieu où se fait l’observation, & qu’il n’est tangent qu’à une certaine distance : or, comme l’observateur se trouve entre ce point & le soleil pour peu qu’on y réfléchisse, on verra que cet angle sera plus petit que l’angle réel de la hauteur du soleil sur l’horison ; il faudra donc ajouter quelque chose à cet angle, pour avoir l’angle véritable de la hauteur du soleil sur l’horison, ou en retrancher pour avoir sa véritable distance au zénith. Pour cet effet on a calculé des tables, où, en supposant l’observateur élevé d’un certain nombre de piés au-dessus de l’horison, on a trouvé, comme on le voit dans une table, ce qu’il faut ajouter ou retrancher de la hauteur du soleil trouvée par l’observation.

Il est clair que lorsqu’on observe avec l’arbalestrille par-devant, il arrive directement le contraire de ce qu’il arrive en se servant du quartier anglois, & que par conséquent il faut retrancher de la hauteur du soleil au-dessus de l’horison trouvée par l’observation, ce que l’on auroit ajouté en se servant du quartier anglois. (T)

Quartier de Davis. V. Quartier anglois.

Quartier de réduction, (Marine.) c’est un instrument qui représente le quart de l’horison avec lequel on résout les problèmes du pilotage par les triangles semblables. (Pour l’intelligence de ceci, voyez Pilotage). Pour le construire on forme un quarré ABCD (Pl. XXI. fig. 1.), qu’on divise en plusieurs petits quarrés par des lignes ab, cd, &c. paralleles au côté AB, & les lignes ef, gh, &c. paralleles au côté AC. Les premieres représentent des méridiens, & on les appelle lignes nord & sud ; & les autres ef, gh, représentent des paralleles à l’équateur, & on les nomme lignes est-ouest. Ayant décrit du centre B un arc ib, on le divise en huit parties égales ; on mene par ces points de division les lignes Ba, Bc, &c. qui représentent huits rumbs de vents, & on divise ces huit rumbs ou airs de vent en plusieurs parties égales à celles des lignes AB, BD, par un grand nombre de quarts de cercle concentriques, ib, gd, &c. L’un de ces arcs de cercle est divisé en degrés ; & par le moyen d’un fil attaché au centre B, ce cercle sert à diviser les autres proportionnellement.

Telle est la construction du quartier de réduction dont on se sert pour résoudre les problèmes du pilotage.

Ces problèmes consistent dans la solution d’un triangle rectangle, dont on connoît trois choses. Voyez Pilotage. Or ces trois choses sont ici, ou la latitude, ou la longitude, ou le chemin qu’on a fait ou l’air de vent qu’on a suivi.

Le chemin est évalué en lieues, qu’on réduit en degrés, en les divisant par 20, parce que 20 lieues valent un degré. Mais avant que de faire cette réduction, il faut réduire les lieues mineures en lieues majeures, ou les lieues faites sur un parellele, en lieues de l’équateur ; & le quartier de réduction est très utile à cette fin.

Réduire les lieues mineures en lieues majeures. 1°. Tenez le fil sur le degré de la latitude proposée ou moyenne (voyez ) en comptant cette latitude sur le quart de cercle gradué, depuis la ligne est-ouest BD, en montant vers la ligne nord-sud B A. Pl. XXI. fig. 1.

2°. Comptez sur la ligne est-ouest les lieues mineures.

Observez le méridien ou la ligne nord-sud, qui passe par le point où les lieues mineures se terminent, & en quel point cette ligne coupe le fil.

La longueur du fil, depuis le centre jusqu’à ce point de rencontre, déterminera le nombre de lieues majeures par le nombre des arcs de cercle.

Cette opération est fondée sur ce raisonnement. Le quart de cercle qui passe par le point où se terminent les lieues mineures, représente le quart du méridien, & le point par lequel on commence à compter les degrés de latitude du côté de la ligne nord-sud, représente le pole de la terre. Cela étant, la ligne est-ouest, comprise depuis le centre B, jusqu’audit quart de cercle, sera un rayon de l’équateur, & le méridien qui passe par le point où les lieues mineures se terminent, sera le rayon du parallele proposé ou moyen. Mais les lieues majeures sont proportionnelles au rayon de l’équateur, & les lieues mineures d’un parallele sont proportionnelles au rayon de ce parallele : donc les degrés de ce parallele seront proportionnels au degré de l’équateur ; c’est-à-dire, que si le rayon de ce parallele est la moitié, le tiers ou le quart, &c. du rayon de l’équateur, les degrés de ce parallele seront chacun la moitié, le tiers ou le quart d’un degré de l’équateur.

Delà il suit que pour réduire les lieues majeures en lieues mineures, il faut tendre le fil suivant la latitude proposée, & compter sur ce fil le nombre des lieues majeures. Le méridien qui passe par le point qui termine ce nombre, marque sur la ligne est-ouest le nombre des lieues mineures.

Au reste, en comptant les lieues majeures ou les lieues mineures, on fait valoir chaque intervalle des arcs pour les lieues majeures, ou chaque division de la ligne est-ouest, un certain nombre de lieues, comme 4, 6, 10, &c.

Sans entrer dans le détail de tous les problèmes du pilotage qu’on peut résoudre par le quartier de réduction qu’on trouvera dans le traité complet de navigation de M. Bouguer, & dans la pratique du pilotage du pere Pezenas ; il suffit ici de faire connoître que les problèmes de cet art consistent dans la résolution d’un triangle rectangle. Or il y a deux façons de parvenir à cette résolution. La premiere consiste en un calcul de trigonométrie, & la seconde en des triangles semblables. Cette seconde façon est employée par le quartier de réduction.

On forme sur cet instrument des triangles semblables à ceux qui sont l’objet des questions à résoudre ; & comme les triangles semblables ont leurs côtés proportionels, ceux qu’on forme sur le quartier de réduction étant résolus ; les autres le sont aussi, en ayant égard à leur proportion. Un exemple rendra ceci très-intelligible.

Connoissant la différence en latitude du lieu du départ à celui de l’arrivée, & le rumb de vent qu’on a suivi, on demande la longitude du lieu où l’on est. On a ici le côté VA d’un triangle rectangle (Pl. XXI. fig. 5.) l’hypotenuse de ce triangle ou le côté VB, & l’angle AVB, qui est celui qui fait le vent, avec la ligne nord-sud, représentée par la ligne VA, laquelle représente elle-même un méridien, qui sont connus, & il s’agit de connoître le côté VAB.

Pour résoudre ce problème par le quartier de réduction, on forme ce triangle sur cet instrument de cette maniere. On réduit les degrés de la différence en latitude en lieues, en les multipliant par 20, & on compte ces lieues sur la ligne nord-sud de l’instrument. En faisant valoir, s’il le faut, chaque division de cette ligne ou petit quarré 1, 5, 10, ou 20 lieues, selon que cette différence en latitude est plus ou moins grande, ou que ces lieues sont en plus grand nombre. On tend ensuite le fil sur le degré du quart de cercle gradué qui forme, avec la ligne nord-sud, un angle égal à celui de l’air ou rumb de vent ; on remarque le point auquel la ligne ou le parallele à la ligne est-ouest du quartier comme le fil, & le triangle est formé. Il ne reste plus qu’à compter les intervalles ou les divisions de ce parallele, comprise entre la ligne nord-sud & le rumb de vent, & à faire valoir les divisions comme celles de la ligne nord-sud pour avoir les lieues en longitude, qu’on réduit en degrés, en les divisant par 20.

On peut connoître en même tems le chemin qu’on a fait en comptant le nombre des arcs de cercle compris depuis le centre, jusqu’au point ou la parallele coupe le fil, & en supposant que chaque arc vaut le même nombre de lieues que les divisions des autres côtés du triangle. C’est toujours la même chose pour les autres problèmes du pilotage, soit qu’on cherche la latitude, le rumb de vent, & le chemin qu’on a fait étant connus, ou toute autre condition du problème étant donnée.

M. Blondel a fait un traité particulier sur le quartier de réduction & ses différens usages. On peut y avoir recours si l’on veut entrer dans ce plus grand détail.

Quartier sphérique, (Marine.) c’est un instrument qui représente le quart d’un astrolabe ou d’un méridien, avec lequel on résoud méchaniquement quelques problèmes d’astronomie, qui sont nécessaires dans l’art du pilotage ; comme trouver le lieu du soleil, son ascension droite, son amplitude, sa déclinaison, l’heure de son lever & de son coucher, son azimut, &c. Voyez Pl. XXI. Marine, fig. 2. un quartier sphérique. A l’égard de la construction & de l’usage de cet instrument, comme ce n’est point ici une invention nécessaire absolument pour les pilotes, il suffit pour satisfaire ceux qui voudront la connoître & en faire usage, de les renvoyer à la pratique du pilotage du pere Pezenas, seconde partie, ch. j. p. 73. in-12. à Avignon 1741.

Quartier ou Vent de quartier. V. Largue.

Quartier-maître, (Marine.) c’est un officier de marine, qui est l’aide du maître & du contre-maître. Ses fonctions sont de faire monter les gens de l’équipage au quart, de faire prendre & larguer les ris des voiles, d’avoir l’œil sur le service des pompes, d’avoir soin que le vaisseau soit net, & de veiller à ce que les matelots font pour les faire travailler. Les Hollandois appellent cet officier esquiman.

Quartier se dit, dans l’Art milit. d’un lieu occupé par un corps de troupes pour y camper ou loger soit en campagne, dans un siege ou dans les places.

Il y a des quartiers de plusieurs especes ; savoir, le quartier du roi ou quartier général dans un siege & en campagne ; les quartiers de cantonnement, de fourrage ; les quartiers d’hiver, & les quartiers des troupes dans les places.

Le quartier du roi ou le quartier général est celui où loge le roi ou le général qui commande l’armée.

Le lieu choisi pour le quartier du roi ou le quartier général donne le nom au camp. Il doit être, autant qu’il est possible, à la queue du camp vers le centre ou entre les deux lignes, de maniere que l’ennemi ne puisse ni le canonner, ni l’insulter. Ce sont ces deux objets qui doivent en déterminer le choix, & non point la commodité & le nombre des logemens qui peuvent s’y trouver.

Outre le quartier général, où sont logés les principaux officiers qui composent l’état major de l’armée, il y a encore celui de la droite & celui de la gauche, qui sont occupés par les officiers généraux qui ont leur poste à ces deux parties de l’armée. Ces différens quartiers doivent être à couvert de toutes les entreprises de l’ennemi. On les choisit pour cet effet entre les lignes, ou immédiatement derriere. On se sert des villages les plus à portée. S’ils se trouvent exposés à être enlevés, on les couvre par des corps de troupes qui les mettent à l’abri de toute surprise. Malgré cette précaution, il faut convenir que les généraux n’y sont pas toujours aussi en sureté qu’ils le seroient étant campés entre les lignes ; d’ailleurs leur garde est encore un surcroit de fatigue pour les troupes de l’armée.

Les généraux grecs & romains, c’est-à-dire nos maîtres dans l’art militaire, ont toujours campé au milieu de leurs troupes, comme ceux des Turcs le font encore aujourd’hui. Les princes d’Orange, ces fameux restaurateurs de la discipline militaire en Europe, ne campoient pas autrement. Tous les généraux devroient en user ainsi pour n’être jamais séparés des troupes qui sont sous leurs ordres. C’étoit là le sentiment de M. le marquis de Santa-Crux. Il dit, dans ses réflexions militaires, que les officiers généraux devroient camper à la queue de leurs troupes, & qu’il ne devroit point leur être permis de choisir un logement plus commode à une plus grande distance ; autrement, ajoute-t il, si l’ennemi venoit fondre à l’improviste sur une partie de l’armée, le combat seroit fini avant que les généraux fussent arrivés pour commander. Il en apporte un exemple arrivé de son tems au camp de la Garde. Cet événement, auquel on ne seroit point exposé, si les généraux campoient à la queue des troupes, pourroit arriver assez souvent, si l’on avoit en tête des généraux entreprenans, & savans dans l’art de ruser & de surprendre.

Lorsqu’il se trouve des villages dans l’intervalle des lignes, c’est dans ce cas que les généraux peuvent s’y loger sans inconvénient. Il est vraissemblable que l’occasion s’étant présenté plusieurs fois de les loger ainsi, les commodités qu’on a trouvées dans ces logemens, en ont insensiblement établi l’usage : mais comme on ne doit pas chercher les mêmes aisances à la guerre que dans le séjour des villes, il paroit qu’on devroit sacrifier sans peine l’agrément de loger dans des maisons, aux avantages qui en résulteroient pour le service, de camper, comme le font toutes les troupes & les officiers particuliers[1].

On ne peut douter qu’un des principaux devoirs des généraux ne soit de donner l’exemple aux troupes de toutes les fatigues militaires. Telle étoit au moins la pratique des anciens. Ils n’exigeoient rien du soldat qu’ils ne le fissent eux-mêmes. Ils étoient bien aise qu’il vît que leur nourriture étoit souvent aussi frugale que la sienne ; qu’ils couchoient également sur la dure, exposés de même aux intempéries de l’air & des saisons. Rien n’étoit plus propre à l’encourager, à lui faire souffrir patiemment la faim, la soif, les travaux pénibles du camp, & la longueur des marches dans les chemins difficiles. Pour se mettre en état de soutenir cette vie dure ou militaire, les anciens s’appliquoient, dans le sein même de la paix, à rendre leurs corps forts & robustes par les exercices les plus fatiguans. Il arrivoit de-là que la guerre les trouvoit préparés à soutenir les veilles, & les travaux qui en sont inséparables, sans que leur corps en souffrît presqu’aucune impression. Voyez Exercice.

Les quartiers de cantonnemens ne sont autre chose que les différens lieux, comme petites villes, bourgs & villages, à portée les uns des autres, dans lesquels on partage l’armée ; on en use ainsi pour la faire subsister plus facilement, & la mettre à l’abri des rigueurs du froid, soit au commencement d’une campagne en attendant que la terre puisse fournir du fourrage, soit à la fin, pour garantir les troupes de l’intempérie de la saison, lorsqu’on a affaire à un ennemi qui se tient assemblé sans prendre ses quartiers.

Les quartiers de fourrage sont des especes de quartiers de cantonnement où l’on met les troupes lorsqu’elles ne peuvent pas subsister ensemble au commencement ou à la fin de la campagne, à cause de la disette de fourrage.

Les quartiers d’hiver sont les lieux différens qu’une armée occupe pendant l’hiver, où les troupes doivent trouver le repos, les commodités & les subsistances nécessaires pour se rétablir des fatigues de la campagne, & se mettre en état d’en recommencer une nouvelle.

Enfin les quartiers des troupes dans les places sont celles qui leur sont assignées pour garnison. Voyez Garnison.

Lorsque les armées sont nombreuses, on est obligé pour la commodité des subsistances de les séparer en plusieurs parties quand la saison devient fâcheuse, & de les établir en différens lieux qui forment autant de quartiers. Ils doivent être disposés de maniere qu’ils mettent le pays en sûreté & qu’ils se soutiennent réciproquement.

Chaque général d’armée fait ensorte d’être le dernier à prendre ses quartiers, parce que celui qui tient plus long-tems la campagne peut trouver l’occasion de tenter quelque entreprise sur son ennemi. On peut encore différer de prendre ses quartiers par une autre considération ; c’est lorsque les troupes qu’on commande sont plus propres à soutenir les rigueurs & les incommodités de la saison que celles de l’ennemi. En l’obligeant de tenir son armée ensemble, malgré l’intempérie du tems, on lui fait perdre beaucoup de monde par les maladies qui en résultent, tandis que les soldats qu’on a sous ses ordres étant plus robustes & plus accoutumés à souffrir les injures de l’air, ne s’en ressentent presque point.

Lorsque de part & d’autre les troupes sont nées à peu près sous le même climat, comme dans ce cas elles souffriroient également du froid, on prend ordinairement des deux côtés, vers la fin du mois d’Octobre, ou lorsque les fourrages commencent à manquer, le parti de se retirer pour prendre chacun ses quartiers.

L’armée devant trouver dans les quartiers le repos dont elle a besoin, on les choisit de maniere que les troupes ne soient point obligées d’être toujours sous les armes pour se garantir des entreprises de l’ennemi ; il faut d’ailleurs qu’ils soient assez sûrs pour qu’une petite partie des troupes suffise pour les garder, & qu’ils couvrent le pays que l’on veut conserver.

Une bonne disposition à cet égard demande beaucoup d’intelligence & de connoissances dans celui qui la dirige ; il faut qu’il soit parfaitement instruit de tout ce qui concerne le pays ; qu’il ait égard aux circonstances dans lesquelles l’armée peut se trouver ; qu’il ait attention au plus ou moins d’affection des habitans, aux forces de l’ennemi, au caractere du général qu’il a en tête, à la nature de ses troupes, & enfin qu’il juge de tous les événemens qui peuvent arriver pour tâcher de les prévenir par la sagesse de ses dispositions. On ne peut sur ce sujet donner que des regles très-générales ; mais le génie & la science de la guerre doivent y suppléer. Voici celles que prescrit Montécuculi.

Il faut, selon ce célebre général, fortifier un camp pour tenir les troupes en sûreté auprès de quelque grande ville marchande ou de quelque riviere, afin de couvrir le pays ; ou bien il faut, & c’est l’usage le plus ordinaire, les distribuer par grosses troupes dans les lieux serrés & voisins, afin que les quartiers puissent se soutenir les uns & les autres.

On doit encore, ajoute ce grand capitaine, couvrir le voisinage des quartiers par des forts, des rivieres, des montagnes, des passages où l’on met des gardes de cavalerie, tant pour avertir quand l’ennemi vient, que pour empêcher qu’il ne puisse faire des courses avec de petits partis, ou pour lui couper les vivres derriere & harceler son arriere garde s’il entreprenoit de passer en grand corps. Il faut aussi serrer les vivres des environs dans des lieux fermés.

L’évidence de ces principes est manifeste. Ce sont à peu près les mêmes que ceux que M. le maréchal de Puysegur donne dans son livre de l’art de la guerre. Il y ajoute seulement, 1°. qu’il faut choisir un lieu dont l’assiette puisse être avantageuse pour le champ de bataille où les troupes doivent se rendre au premier signal.

Et 2°. que ce champ de bataille soit placé de maniere que toutes les troupes puissent s’y rendre longtems avant l’ennemi. Il s’agit pour cet effet de calculer le tems nécessaire aux troupes des quartiers les plus éloignés, & d’examiner s’il est plus court que celui que l’ennemi doit employer pour s’y transporter ; joignant à cette attention des patrouilles ou de petits partis qui rodent continuellement du côté de l’ennemi pour éclairer ses démarches, beaucoup d’exactitude dans le service, & surtout des espions sûrs & fideles, on se met par-là à l’abri des surprises.

Les quartiers peuvent être pris dans le pays ennemi ou sur la frontiere de celui dont on est maître, & dans les provinces voisines. Leur disposition dans le premier cas exige encore plus de précautions que dans le second.

Il est essentiel d’avoir vers le centre des quartiers une espece de place forte capable de protéger, comme le dit Montecuculi, le champ de bataille, & de donner même une retraite aux troupes dans la circonstance d’un événement malheureux. Cette place doit renfermer les principaux magasins de l’armée & les gros équipages de l’artillerie. Comme on ne trouve pas dans tous les pays des places en état de défenses, le premier devoir du général qui regle les quartiers, est d’en former une de cette espece ; le travail nécessaire pour cet effet, n’est ni long ni dispendieux, on en donne une idée dans le troisieme volume des élemens de la guerre des sieges, seconde édition.

Une place quelque mauvaise qu’elle soit étant réparée avec quelques soins, peut braver les efforts de l’ennemi pendant un tems considérable, sur-tout dans la saison de l’hiver où le mauvais tems empêche le transport des grosses pieces de batterie, ou si la terre est gelée elle se refuse entierement aux travaux des approches. On dira peut-être qu’il y a des exemples de plusieurs places de cette nature qui ont été attaquées & prises pendant l’hiver ; mais nous répondrons à cela que si ceux qui étoient dans ces places avoient été vigilans & habiles dans la défense, l’événement auroit été vraisemblablement différent ; car ce ne sont ni les murailles, ni en général les fortifications qui défendent les places, mais les hommes qui sont dedans. Il faut joindre à la bonté des places le génie, l’intelligence & la bravoure de leurs défenseurs, sans quoi il y a peu de secours à attendre des meilleures fortifications.

Indépendamment de la place d’armes ou du lieu d’assemblée pour les quartiers en cas de besoin, il faut occuper & même mettre en état de défense tous les principaux endroits les plus près de l’ennemi, & tous ceux qui pourroient lui servir d’entrée pour pénétrer dans l’intérieur des quartiers : cet objet mérite toute l’attention des officiers qui ont le commandement de ces différens postes.

On n’est jamais surpris à la guerre que par sa faute, personne ne doute de cette vérité ; mais on croit souvent éluder le blâme qui en résulte, en prétendant qu’un officier sur lequel on se reposoit n’a point fait son devoir. Cette excuse paroît assez foible : car comme les chefs doivent connoître le mérite des officiers qui sont sous leur commandement, ils ne doivent jamais leur confier des emplois au-dessus de leur portée ; s’ils se trompent à cet égard, on ne peut s’en prendre qu’à leur peu de discernement, & par conséquent il est assez juste qu’ils partagent une partie de la faute qu’ils ont donné lieu de faire ; c’est le moyen de les empêcher de donner le commandement des postes importans à l’amitié ou à la sollicitation. Au reste un officier qui commande dans un poste qu’il est absolument essentiel de conserver, doit avoir ordre de s’y défendre jusqu’à la derniere extrémité ; il ne doit capituler ou l’abandonner que sur des ordres formels & par écrit du général.

C’est en fortifiant ses quartiers que César sut mettre les siens en état de se soutenir contre l’ennemi dans les Gaules. On voit dans ses commentaires l. V. qu’après sa seconde expédition d’Angleterre, il fut, contre sa coutume ordinaire, contraint de les disperser en différentes provinces voisines pour la commodité des subsistances, à cause de la disette que la sécheresse avoit occasionnée dans le pays. Ils étoient renfermés dans une étendue d’environ trente-trois lieues & non point de vingt-cinq, comme le dit d’Ablancourt. César, pour veiller plus particulierement à leur sûreté, prit le parti de demeurer dans les Gaules jusqu’à ce que les troupes fussent bien établies & bien fortifiées dans leurs quartiers. Celui de Sabinus & de Colta ayant été battu & détruit par la ruse que les Gaulois employerent pour engager les troupes à en sortir, le quartier de Ciceron, frere de l’orateur, qui étoit en Hainaut fut attaqué par les Gaulois des environs ; mais la résistance qu’ils y trouverent donna le tems à Cesar de venir au secours de ce quartier, ce qui obligea les Gaulois de se retirer.

Tel est l’effet qu’on doit se promettre des quartiers retranchés ou fortifiés ; ils donnent le tems au général de venir au secours de ceux qui sont attaqués, & de faire avorter le dessein de l’ennemi. C’est à la vérité un travail un peu fatiguant pour les troupes qui ont alors besoin de repos ; mais elles en sont bien dédommagées par la sûreté & la tranquillité dont elles jouissent ensuite dans les quartiers.

Chaque quartier doit être composé de cavalerie & d’infanterie en nombre suffisant pour le défendre & relativement aux vivres que le pays peut fournir. La cavalerie sert à faire des courses pour étendre les contributions ; l’infanterie est particulierement destinée à la défense du quartier. Chacune de ces deux especes de troupes doit être plus ou moins nombreuse suivant la nature du pays ; c’est-à-dire qu’il est plus montueux ou uni, & plus ou moins abondant en fourrage.

On fait quelquefois des quartiers de cavalerie seulement, on en fait aussi qui n’ont que de l’infanterie. Dans ce cas les quartiers de cavalerie doivent être dans des lieux sûrs, qui soient, dit M. le marquis de Santa-Crux, de défense par eux-mêmes, parce-que la cavalerie n’est pas si bonne que l’infanterie pour défendre un poste fermé.

Une attention qu’on ne doit point négliger dans l’établissement des quartiers, c’est qu’il y ait entr’eux des communications sûres que l’ennemi ne puisse pas couper. Pour cet effet il faut garder & fortifier les gués & les ponts, s’emparer de tous les bacs qui servent au passage des rivieres, & convenir de différens signaux pour que les quartiers s’avertissent réciproquement de tout ce qui peut leur arriver & des secours dont ils peuvent avoir besoin.

Dans un pays ennemi qu’on ne peut pas présumer de garder, on s’attache à l’épuiser autant que l’on peut pour le mettre hors d’état de fournir des secours à l’armée opposée.

On regle la contribution que les peuples doivent payer relativement à la richesse & au commerce de chaque lieu ; on fixe les termes du payement, & l’on menace les habitans de les exécuter militairement s’ils n’y satisfont point. Lorsque cette menace ne produit rien & qu’on a des preuves que c’est par mauvaise volonté de leur part, on fait vendre les meubles & les bestiaux & l’on enleve tout ce que l’on peut. Ces moyens, il faut en convenir, répugnent extrêmement à l’humanité : il doit être bien dur aux ames sensibles & bienfaisantes d’y avoir recours ; mais tel est le malheur de la guerre, qu’on croit pouvoir en justifier toutes les horreurs par les avantages qu’on en retire pour soi-même, ou par le mal & le préjudice que l’on cause à l’ennemi.

On ne parlera point ici du détail de l’emploi des troupes dans les quartiers ; le génie, l’intelligence & la pratique de la guerre doivent suggérer tout ce qu’il convient de faire, selon les lieux & les circonstances, pour faire manquer tous les desseins de l’ennemi. Nous remarquerons seulement qu’un des principaux moyens d’y parvenir est de se procurer des espions de toute espece. Il faut en avoir parmi les troupes, parmi les habitans des lieux que l’ennemi occupe, & même parmi ceux à qui il donne sa confiance, ou qui peuvent être instruits de ses desseins. Il faut avoir l’adresse de les découvrir & de les intéresser. En prodiguant l’argent à-propos pour ce sujet, on ne doit jamais manquer d’espions. L’avidité du gain, ou l’envie de satisfaire quelquefois de prétendus mécontentemens particuliers, ne fournissent que trop de gens capables de sacrifier leur devoir & leur patrie pour se satisfaire. Il ne s’agit que d’employer un peu d’art pour les connoître, & pour se les attacher ; art que le maréchal de la Vielleville possédoit supérieurement. Il savoit discerner parmi les habitans des lieux que ses troupes occupoient, ceux qui pouvoient lui donner des lumieres sur la conduite de l’ennemi, il ne négligeoit rien pour se les attacher. On voit dans les mémoires de sa vie, qu’il devoit à ses espions le succès de la plupart de ses entreprises, particulierement de celles qu’il fit pendant le siege de Metz, qui ne contribuerent pas peu à la levée de ce fameux siege.

Il seroit peut-être à-propos de dire un mot de ce qui concerne les attaques & les enlévemens de quartiers ; mais ce que nous avons dit des précautions qu’il faut prendre pour les mettre à couvert de ces sortes d’entreprises, suffit pour donner une idée des occasions dans lesquelles on peut les tenter ; c’est-à-dire lorsqu’ils ne sont point à portée de se soutenir réciproquement ; que leurs communications peuvent être coupées ; que les postes qu’ils occupent ne sont point en état de défense ; que le service s’y fait avec beaucoup de négligence ; & enfin lorsqu’ils sont commandés par des officiers inappliqués, qu’on peut se flater de surprendre & de faire tomber dans les différens pieges qu’on aura l’adresse de leur tendre. Ceux qui voudront un détail plus circonstancié sur ce sujet, pourront avoir recours aux mémoires de M. le marquis de Feuquiere, tom. III. où il traite des surprises de postes & des enlevemens de quartiers.

Les quartiers dans un siege, sont les différens lieux qu’occupent les troupes campées dans les lignes, sous les ordres d’un officier général, subordonné néanmoins au général en chef. Telle étoit, au moins anciennement, la formation des quartiers dans le siege des places ; & telle est encore celle qu’on observe aujourd’hui dans les armées composées de troupes de différens princes, qui ont chacune leur général particulier. En France il n’y a point actuellement d’autre quartier dans un siege que celui du général. Mais on donne quelquefois le nom de quartier à un certain nombre de troupes qui occupent différentes parties des lignes. Ainsi on dit le quartier de la droite & de la gauche, du centre, &c. pour exprimer le lieu que les troupes occupent dans ces différentes parties de la ligne de circonvallation.

En donnant ainsi le nom de quartier aux différens terreins des troupes dans la circonvallation, ce qu’il y a de plus essentiel à observer à cet égard, c’est que tous ces quartiers ayent entr’eux des communications sûres & commodes pour se soutenir réciproquement. On doit, lorsqu’il y a des rivieres ou des marais qui séparent les troupes, faire dessus grand nombre de ponts pour qu’elles se transportent promptement d’un lieu dans un autre, sans être obligées de défiler sur un trop petit front, qui retarde trop le secours & la protection qu’elles se doivent mutuellement.

Il n’est point d’usage aujourd’hui de fortifier aucun quartier particulier dans les lignes, si ce n’est quelquefois celui du général ; mais on n’y manquoit point du tems des princes d’Orange, & dans le commencement du regne de Louis XIV. Les lignes ayant alors plusieurs quartiers particuliers fortifiés, qui offroient une retraite aux troupes dans le besoin, elles n’étoient pas forcées pour avoir été percées dans quelqu’une de leurs parties. La briéveté qu’on a voulu employer dans les sieges, a fait supprimer plusieurs attentions qu’on prenoit autrefois pour mettre les lignes à l’abri de toute insulte. Le grand nombre de troupes qu’on a en campagne, qui suffisent pour faire le siege, & former une armée d’observation, a rendu une partie des anciennes précautions inutiles. Mais par cette conduite il arrive que le succès du siege dépend de celui que l’armée qui le soutient éprouve lorsque l’ennemi vient l’attaquer. Les anciens n’étoient point exposés à cet inconvénient : il peut arriver d’ailleurs qu’on soit obligé de faire un siege sans avoir le secours d’une armée d’observation ; il paroît que dans ce cas il faudroit au moins s’appliquer, non-seulement à faire de bonnes lignes, mais encore à fortifier les quartiers pour mettre les troupes en état de les défendre avec plus de sureté & d’opiniatreté. On peut voir sur ce sujet le II. volume de la guerre des sieges, deuxieme édition, où l’on est entré dans un grand détail sur tout ce qui concerne la fortification des lignes & des différens quartiers d’une armée qui fait un siege.

Outre les quartiers dont on vient de parler, les armées prennent en Espagne, en Italie, & dans les autres pays chauds, des quartiers d’été. Ce sont des especes de cantonnemens qu’on fait occuper aux troupes pendant les grandes chaleurs, où ils ne pourroient que très-difficilement supporter les fatigues & les travaux militaires.

Il y a aussi les quartiers d’assemblée & les quartiers de rafraichissement. Les premiers sont différens lieux où les troupes doivent s’assembler pour se mettre en marche ; les autres sont des endroits abondans en vivres & en fourrages, où l’on envoie quelquefois des troupes harassées & fatiguées, même pendant la campagne, pour se rétablir, & se mettre en état de l’achever.

Nous observerons ici que le terme de quartier s’emploie ordinairement à la guerre pour le bon traitement qu’on promet à des troupes qui se rendent, ou qui mettent les armes bas. Lorsqu’on ne veut point les recevoir à composition, on dit qu’on ne leur donnera point de quartier. Demander quartier, c’est demander à se rendre. Cette façon de parler vient, suivant le dictionnaire de Chambers, de ce que les Hollandois & les Espagnols étoient autrefois convenus que la rançon d’un officier ou d’un soldat se payeroit avec un quartier de sa paye. De sorte que quand on ne vouloit point le recevoir à rançon, c’étoit refuser l’offre d’un quartier de sa solde. (Q)

Quartier-maitre, (Hist. mod.) c’est le nom qu’on donne parmi les troupes allemandes, angloises & hollandoises, à un bas officier dont la fonction est de marquer les quartiers ou les logemens des troupes, ce qui répond à ce qu’on appelle en France maréchal des logis. Le quartier-maître général, est le maréchal des logis de l’armée.

Quartier, (Hist. mod.) se prend pour un canton ou division d’une ville, qui consistent en differentes rangées de bâtimens, séparées les unes des autres par une riviere, ou par une grande rue, ou autre séparation arbitraire.

La ville de Paris, par exemple, étoit partagée en seize quartiers sous Henri III. Elle l’est maintenant en vingt. Celle de Rome a été plusieurs fois divisée différemment en quartiers, appellés régions, suivant ses divers accroissemens ; comme on l’apprend par les différens Antiquaires qui ont écrit tant sur l’état ancien, que sur l’état moderne de cette ville.

Il y a dans plusieurs villes des commissaires de quartier, qui ont soin de faire observer la police chacun dans le leur.

A Rome, le prieur des caporions se prétend chef & colonel des quatorze régions ou quartiers. Muscarat, pag. 134.

Franchise de quartiers, voyez Franchise.

Quartier descente, terme de Généalogie, qui signifie chaque degré d’ordre & de succession des descendans dans une ligne ou une famille. Voyez Descendant.

Ainsi on dit deux quartiers, trois quartiers de noblesse, &c. Un homme est reputé de bonne noblesse quand il prouve quatre quartiers du côté du pere, & autant du côté de la mere ; c’est-à-dire quand son bisayeul, son ayeul & son pere, tant du côté paternel que du côté maternel, ont été gentilshommes. Voyez Gentilhomme, Quartier, &c.

Pour entrer dans certains chapitres nobles d’Allemagne, il faut faire preuve de seize quartiers, tant du côté paternel que du côté maternel ; & comme selon le calcul le plus reçu, on compte trois générations pour un siecle, la noblesse de ces candidats doit au moins remonter à cinq cens ans. Aussi n’y a-t-il point de nation plus jalouse de sa noblesse, & plus attentive à ne pas se mésallier que la nation allemande.

Quartier, s. m. terme de Blason, partie de l’écu où l’on met quelques armes de famille. On place dans le premier quartier les armes de la maison principale, & dans les autres quartiers les armes d’alliance. On dit d’un écu écartelé, au premier & quatrieme quartier, il porte de France ; au second & troisieme quartier d’Angleterre, &c. On dit un quartier tiercé en face ou en pal. Un franc quartier est un quartier qui est seul, & qui fait une des parties honorables de l’écu. Ménétrier. (D. J.)

Quartier, (Archit. générale.) C’est une partie d’une ville séparée par une riviere ou par une grande rue, comme, par exemple, les 20 quartiers de la ville de Paris. La ville de Rome a été plusieurs fois divisée différemment en quartiers appellés régions, suivant son accroissement. C’est ce que nous apprennent les topographies d’Aurelius Victor, d’Onuphre Panvinius, de Marillan, de Pitro Ligorio, de Boissard, & autres antiquaires. (D. J.)

Quartiers de Rome, (Littérat.) regiones, quartiers de la ville de Rome. Servius Tullius fut le premier qui partagea la ville de Rome en quatre quartiers ou régions, savoir la suburane, l’esquiline, la colline, & la palatine ; & les choses demeurerent en cet état jusqu’au tems d’Auguste, qui divisa Rome en quatorze quartiers, à chacun desquels il établit deux commissaires nommés curatores viarum, qu’on faisoit tous les ans, & qui tiroient leurs quartiers au sort. Ils portoient la robe de pourpre, & avoient chacun deux licteurs qui marchoient devant eux dans le quartier dont ils avoient l’intendance. Ils avoient sous eux les esclaves commis aux incendies qui arrivoient. Leur charge consistoit à pourvoir à la tranquillité & à la netteté du quartier dont ils avoient soin, de prendre garde que les nouveaux bâtimens n’avançassent trop, & ne s’élevassent au-delà de la hauteur prescrite. Ils avoient pour se soulager deux dénonciateurs dans chaque quartier qui les avertissoient des désordres qui y survenoient, avec des compagnies du guet pour dissiper les assemblées nocturnes, & se saisir des vagabonds & des filoux.

Ces quatorze quartiers avoient 424 rues, dont il y en avoit trente-une de principales appellées grandes rues, ou royales, qui commençoient à cette colonne dorée qui étoit à l’entrée de la grande place ; & à chacune de ces rues quatre vico-maîtres, qui sont comme nos dizainiers, pour en prendre soin, & porter les ordres de la ville à chaque citoyen.

Alexandre Sévere ajouta encore jusqu’à quatorze commissaires, qui étoient comme nos quarteniers, qui servoient d’assesseurs au gouverneur de la ville.

Le premier quartier commençoit à la porte Capene, & il contenoit 12222 piés de circuit. Il renfermoit neuf grandes rues qui avoient deux commissaires appellés curatores viarum, & deux dénonciateurs, avec trente-six vico-maîtres. Il s’étendoit dedans & dehors la ville. On y voyoit le temple de Mars Gradivus à cent colonnes, ouvrage magnifique de Sylla, où le sénat s’assembloit pour donner audience aux ambassadeurs étrangers. Tout proche de là se voyoit la pierre qu’on appelloit manalis, à manando, parce qu’au tems d’une grande sécheresse on la portoit en procession pour avoir de la pluie, qui ne manquoit pas de tomber aussi-tôt, comme nous le dit Festus : Manalem vocabant lapidem, petramque extra portam Capenam juxta ædem Martis, quam cùm propter nimiam siccitatem in urbem protraherent, sequebatur pluvia statim, cùmque, quod aquas manaret, manalem lapidem dixere.

Près de cette porte passoit le petit fleuve Almon, où la déesse Pessinunte fut lavée au sortir du vaisseau qui l’amena à Rome ; par-dessus passoit un aqueduc qui la mouilloit toujours. Ce qui fait que le poëte Juvenal a appellé cette porte madidam Capenam.

On voyoit non loin de-là les temples de la Tempête, de l’Espérance, des Muses ou Camenes, & l’autel d’Apollon.

En ce même quartier il y avoit trois bosquets appellés luci, & consacrés en l’honneur des dieux Lucus Cuperius Hostiliani, Lucus Egeriæ, & Lucus Camerarum.

Quatre temples : celui d’Isis, de Serapis, de la Fortune des voyageurs, & de Mars Quirinus, à la différence de celui qui étoit hors la porte Capene, qu’ils appelloient Martis gravidi templum. Le premier pour montrer la paix & le repos qu’ils souhaitoient avoir dans la ville, & le second pour montrer qu’ils vouloient employer leurs armes au-dehors contre leurs ennemis.

Dix chapelles sous le titre d’ædiculæ, dont on ne sait le nom que de cinq ; savoir Fortunæ obsequentis Honoris, Virtutis, Rediculi, & Herculis. Celle de Rediculi étoit bâtie hors la porte Capene, après la retraite d’Annibal.

Sept grandes places appellées Areæ, celle d’Apollon, de Thallus, de Gallus, d’Isis Eliane, de Pinaria, de Carsura, de Mercure.

Six bains ou étuves publiques, savoir de Vettius Bolanus, de Torquatus, de Mamertinus & d’Abascantianus, de Mettianus, Secondianus, d’Antiochianus, avec quatre-vingt-deux autres particuliers.

Quatre-vingt-trois réservoirs où se venoient rendre les eaux des fontaines.

Quatre arcs, savoir celui de Drusus Neron, de Trajan, de Verus Parthicus, & de Janus Bifrons.

Quatorze greniers publics, horrea publica.

Seize boulangeries ou moulins à bras, pistrinæ.

Le cirque de Caracalla, le sénacule des femmes, le mutatoire de César à la porte Capene, mutatorium Cæsaris, qui étoit une maison de plaisance, quelques sépulcres signalés, comme celui des Cornéliens, des Attiliens Calatins, des Serviliens, des Céciliens, des Horaces, &c.

Cent-vingt-un palais ou belles maisons sous le nom de domus ; 1250 îles ou maisons détachées, & non contiguës à d’autres, à l’entour desquelles on pouvoit aller.

Le second quartier, dit Celimontium, fut ainsi appellé à cause du mont Cælius. Il contenoit 13200 piés de circuit, & avoit deux commissaires de quartiers, deux dénonciateurs, trente-deux vico-maîtres, & cinq compagnies du guet.

Il renfermoit dans son enceinte douze rues, trente bains particuliers, sans parler des publics ; 65 réservoirs, 3106 maisons ou îles séparées, deux bosquets sacrés, 32 greniers publics, 23 moulins à bras, 133 hôtels considérables, entr’autres celui de Vetellianus, de Philippus, du Lateran, de César dictateur, de Tibérius, de Claudius Centimalus, & du poëte Stella ; huit édicules ou chapelles, cinq temples, celui de Tullus Hostilius, de Bacchus, de Faune, de l’empereur Claude, de la déesse Carnea sur le mont Cælius, où étoit aussi la cour Hostilie, dans laquelle le sénat s’assembloit souvent ; comme aussi le champ de Mars, où l’on couroit à cheval quand celui d’enbas étoit couvert des eaux du Tibre.

Entre le mont Célion & le Palatin étoit une grande rue appellée subura, qui commençoit à la grande place, & alloit se rendre au grand chemin de Tivoli tout le long des esquilies. C’étoit dans cette rue où demeuroient la plûpart des grands de Rome, & où l’on voyoit plusieurs boutiques de barbiers & de cordiers ; ce qui fait dire à Martial, l. II. epigr. 17.

Tonstrix suburae faucibus sedet primis
Cruenta pendent quâ flagella tortorum.

On y vendoit aussi toutes sortes de fruits & de volailles, comme le même poëte nous l’apprend l. VII. épigr. 30.

Le troisieme quartier, dit Isis & Serapis moneta, avoit 12450 piés de tour. Il commençoit auprès du mont Caelius, & occupoit une grande partie des esquilies. Il avoit, comme les précédens, deux commissaires de quartier. deux dénonciateurs, 32 vico-maîtres, & huit rues.

Il comprenoit la tribu de la Grace dorée, le haut lieu, ou la place des comédiens, nommée summum Choragium ; l’entrée de la rue sacrée, proche les carines, au bout des Esquilies, le bosquet Cuperien de l’école des catapulteurs ; deux temples, celui d’Isis & de Serapis moneta, & celui de la Concorde virile, auprès duquel étoit le portique de Livia, laquelle fit bâtir l’un & l’autre pour servir de monument éternel de la concorde qui fut toujours entr’elle & son mari.

Huit édicules ou chapelles de la bonne espérance, de Sérapis, de Sangus Fidonius, de Minerve, d’Isis, de Vénus, d’Esculape & de Vulcain ; le portique de Claudius Martialis ; l’emphitéâtre de Vespasien, autrement le Colisée, où quatre-vingt mille personnes pouvoient regarder les jeux bien à leur aise ; le grand jeu des exercices, le Dacique, le Mamertin, le champ des soldats de misene, & leur vieux camp ; les écoles des questeurs & de Gallus, les thermes ou bains de Tite, de Trajan & de Philippe, empereurs ; 70 bains particuliers, 33 moulins, 29 greniers, 160 hôtels, entre lesquels étoit la maison dorée de Néron, & le portique, & celle de Brutien, de Pompéien, de Tite, avec le portique où l’on voyoit la statue de Laocoon & de ses deux enfans, & 2807 îles ou maisons seules.

Le quatrieme quartier, appellé via sacra, ou templum pacis, renfermoit de circuit 1800 piés, s’étendant en long entre le Palatin & les Esquilies, & ne comprenant que huit rues. Il avoit deux commissaires, trente-deux vico-maîtres, & deux dénonciateurs.

Ses principales parties étoient la rue sacrée, qui commençoit aux Carines & dans les Esquilies à la chapelle de Stremiæ, & s’étendoit jusqu’au capitole, le long du Colisée & de l’arc de Tite, retournoit par l’arc de Septimius, & ainsi faisoit une partie du forum romain & du comice. Elle fut nommée sacrée, à cause que ce fut là que fut signée la paix entre Romulus & Tatius, roi des Sabins. Jules-César la fit couvrir de toile depuis son palais jusqu’à la pente du capitole, comme il avoit fait le forum romain pour représenter les jeux qu’il donna au peuple.

Le commencement des Carines, lieu fort habité & orné de beaux edifices, se trouvoit dans ce quartier. Aussi Virgile les appelle lautas Carinas. Les principaux édifices étoient les thermes & le palais de Tite, où il y avoit des salles souterreines longues de 137 piés, larges de 17, & hautes de 12, bâties par Vespasien pour le college des pontifes ; l’hôtel de Pompée, & l’école de son affranchi Lenæus, fameux grammairien ; l’ancienne maison de Cicéron, qu’il laissa à son frere Quintus, pour aller demeurer au mont Palatin.

L’Æquimelium, qui étoit une place ronde devant le temple de Tellus, à un des bouts de la rue exécrable, où fut bâtie autrefois la maison de Sep. Melius, chevalier romain, laquelle fut démolie & rasée par sentence du dictateur L. Quintius Cincinnatus, pour avoir voulu s’emparer du gouvernement souverain.

Busta Gallica, le cimetiere des Gaulois, où furent défaits les Gaulois par Camillus.

Tigillum sororium, le chevron de la sœur posé sur deux murs, par-dessous lequel on fit passer Horace, pour expier le crime qu’il avoit commis en tuant sa sœur.

Meta sudans, la butte suante, proche de l’arc de Constantin. C’étoit une masse de maçonnerie de brique comme un obélisque, d’où dégouttoit l’eau de toutes parts, comme fait la sueur du corps, & au haut il y avoit une statue de Jupiter.

Dix temples, celui de la Paix, de Rémus, au-devant duquel on voyoit deux myrtes consacrés, l’un appellé patricia myrtus, & l’autre plebeia ; celui de Faustine, femme de l’empereur Marc Aurele, celui de Tellus dans les Carines, voué par le consul T. Sempronius ; celui de la Concorde, de Vénus Cloacine, du Soleil, de la Lune, d’Auguste & de Nerva, dans la place passante, in foro transitorio.

Huit chapelles, des Muses, de l’Espérance, de Mercure, de Lucine Valeriane, de Junon Lucine, de Mavors, de la Jeunesse, d’Isis.

Volcanale, le lieu où Romulus planta ce lotos, dont les racines s’étendoient jusqu’au forum de César.

Le sacré portique, la place de la Victoire, la place de Vulcain, le colosse du Soleil.

L’Odeum, lieu pour les jeux de musique, fait en forme de théâtre, avec des siéges comme les marches d’un escalier, couvert d’une tribune ou lanterne soutenue par des colonnes. Là les joueurs d’instrumens étoient exercés par un maître de musique, & les comédiens par un histrion, avant de paroître sur le théâtre.

Forum cupedinis, ou macellum cupedinis, le marché aux friandises.

La Basilique ancienne de Paulus Æmilius, celle de Constantin, le repositoire sacré du peuple romain ; le bain de Daphnis, 79 lacs ou réservoirs d’eau.

Les arcs de Tite & de Vespasien, de Septimus Sévere, & de Constantin.

Vingt-huit greniers, 24 moulins à bras, 118 hôtels, & 2758 îles ou maisons particulieres.

Le cinquieme quartier, dit Esquilina, comprenoit le mont Esquilin & le Viminal, & avoit de circuit 15950 piés, 15 rues, deux commissaires & deux dénonciateurs. Voici ce qu’il y avoit de plus remarquable.

Puticuli ou puticulæ, des fosses faites en façon de puits, entre le mont Esquilin, les murailles de la ville, & la rue qui conduisoit à la porte Querquetulane, où l’on enterroit les pauvres gens ; ce qui causoit une si mauvaise odeur à tout le quartier, qu’Auguste, du consentement du sénat & du peuple romain, en fit présent à Mécénas son favori, qui y bâtit une belle maison de plaisance, & y fit faire les plus beaux jardins de Rome, comme nous l’apprenons d’Horace, dans la huitieme satyre du liv. I.

Hûc priùs angustis ejecta cadavera cellis
Conservus vili portanda locabat in arcâ :
Hoc miseræ plebi stabat commune sepulchrum....
Nunc licet Esquiliis habitare salubribus, atque
Aggere in aprico spatiari quo modò tristes
Albis informem spectabant ossibus agrum.

Virgile avoit sa maison près de ce lieu, comme Aquilius, jurisconsulte, Properce, Perse, & Pline le jeune.

On y voyoit plusieurs temples, comme celui de Jupiter Vimineus, de Junon Lucine, de Minerve, de la Médecine, d’Esculape, de Vénus Erycine, qui étoit à la porte Colline, à l’entour duquel se célébroient les jeux agonaux quand le Tibre étoit débordé.

L’amphitéâtre dit castrense, le cirque d’Aurelien, avec un obélisque, la basilique de Sicinius, le camp de gardes, le parc des bêtes sauvages, nommé vivarium ; plusieurs bains publics, 180 hôtels, entr’autres ceux de Servius Tullius, de Q. Lutatius Catulus, de M. Licinius Crassus.

Le sixieme quartier, appellé Alta semita, à cause de sa situation, contenoit 15600 piés de circuit, commençant aux deux grands chevaux de marbre faits par Phydias & Praxitele, & alloit aboutir à la porte Viminale. Il avoit 14 rues & 48 tours, avec deux commissaires, deux dénonciateurs, & 52 vicomaires.

On y remarquoit de plus considérable le champ exécrable près de la porte Colline, 10 boutiques où se vendoit le vermillon, 15 temples, celui du Salut, de Sérapis, de Flore, de Vénus, &c. un portique de mille pas ; les statues de Quirinus, hautes de 20 piés, comme celle de Mamurius, faite de plomb ; le cirque de Flore, les fors de Saluste & de Dioclétien, les thermes de Paulus Emilius, & le sénacule des dames romaines.

Le septieme quartier, dit violata, s’étendoit depuis le capitole jusqu’aux septes, ou la clôture du champ de Mars jusqu’au forum de Trajan, & se venoit rencontrer avec le cirque Flaminien & la rue large, qui a donné le nom à tout le quartier. Il avoit 23700 piés de circuit, & 40 rues, deux commissaires & deux dénonciateurs. Martial y avoit sa maison.

Le huitieme quartier, dit Forum romanum, étoit le plus beau & le plus célebre de tous. Il comprenoit le forum romain, le capitole, la roche Tarpéienne, la porte nommée Stercoraria, & la rue neuve. Il avoit de circuit 14867 piés, douze rues, deux commissaires, deux dénonciateurs, & six compagnies du guet.

Ce quartier renfermoit encore ce qui suit : le Milliaire doré, le Putéal de Libon, lieu fort fréquenté des marchands ; le lac Curtien, où Curtius se jetta tout armé ; la pile Horatienne, où furent attachées les dépouilles des trois Curiaces, & la statue de Marsyas, un des compagnons de Bacchus ; quinze temples, entr’autres celui du Capitole & ses favisses, celui de Jupiter Férétrien, de Jules-César, où étoit un simulacre de Vénus sortant de la mer, voué & bâti par Auguste ; celui de la Concorde, de Vesta, & de Janus.

Doliola, qui étoient des tonnes ou barriques où l’on serra les reliquaires sacrés à la prise de Rome par les Gaulois ; le sépulchre de Romulus, d’Acca Laurentia, & beaucoup de portiques.

Quatre cours où s’assembloit le sénat ; savoir Hostilia, Calabra, Pompiliana, ou regia Numæ, & le Cénacle d’or, cenaculum aureum ; sept basiliques, & le Græcostasis, le Tullianum, prison bâtie par Servius Tullius ; 150 hôtels ou palais, entr’autres celui de Tarquin le superbe, de Manlius Capitolinus, de Scipion l’africain, de T. Annius Milon, & d’Ovide.

Le neuvieme quartier, dit circus Flaminius, renfermoit le côteau des Jardins, le champ de Mars, la rue voûtée, la rue droite, & avoit de circuit 30560 piés, & 30 rues qui avoient chacune leurs officiers comme les précédentes. On y comptoit huit temples, & entr’autres le Panthéon & celui de Janus, proche le théâtre de Marcellus.

Le cirque Flaminien, celui d’Alexandre Sévere, l’obélisque avec le cadran au champ de Mars ; quatre théâtres & amphithéâtres, & les écuries des quatre compagnies des coureurs ; les septes, l’ovile ou l’enclos où l’on donnoit son suffrage ; la prison des centum-virs, & les jardins de Lucullus & d’Agrippa.

Le dixieme quartier s’appelloit Palatium, parce qu’il commençoit au mont Palatin, & avoit de circuit 11600 piés & sept rues, dix temples, entr’autres celui d’Apollon Palatin ; 189 hôtels, comme celui d’Hostilius, d’Ancus Martius, de Valerius Publicola, de L. Crassus l’orateur, d’Hortensius, de Catilina, de Jules-César, & de Séneque.

Le onzieme quartier se nommoit circus Maximus, & renfermoit, outre le grand cirque, toute la vallée qui étoit entre l’Aventin & le Tibre, jusqu’où l’on portoit les enfans illégitimes. Il avoit outre cela huit rues, l’argiletum, où il y avoit des boutiques de libraires ; quatre temples, 30 chapelles, & l’égoût du grand cloaque qui se rendoit dans le Tibre.

Le douzieme quartier, qu’on appelloit Piscina publica, s’étendoit du cirque majeur le long de l’Aventin jusqu’aux thermes de Caracalla, & avoit 12000 piés de tour, & 12 rues.

Cette piscine publique étoit dans la ville, entre le Célion & le Céliole, où la jeunesse romaine apprenoit à nager. C’étoit un grand réservoir au bas de l’Aventin, où l’on faisoit venir l’eau appienne, & qui servoit d’abreuvoir aux chevaux, & à laver la lessive. Il y avoit quelques temples & quelques bosquets peu considérables.

Le treizieme quartier se nommoit Aventinus, & contenoit de circuit 16300 piés & 13 rues, avec les mêmes officiers que les quartiers précédens. Les places principales qu’il renfermoit étoient Clivus publici, par où l’on montoit sur l’Aventin ; il commençoit au marché aux bœufs, & se venoit rendre au temple de Junon la reine. Scalæ gemoniæ, les fourches patibulaires où l’on attachoit les malfaiteurs, d’où on les traînoit dans le Tibre ; le bout de l’Armilustrium, le Doliolum ou mont Testacé, Remuria, ou le pourpris où Rémus prit l’augure du vol des oiseaux, & où il fut enterré.

Le quatorzieme quartier s’appelloit Trans-tevre, & commençoit au Janicule, comprenant le Vatican, l’île du Tibre, & ce qu’on appelloit Navalia. Il avoit de tour 3489 piés & 28 rues. (D. J.)

Quartier de voye, (Archit.) on appelle ainsi les grosses pierres, dont une ou deux font la charge d’une charrette attelée de quatre chevaux, & qui servent ordinairement pour les jambes d’encoignure & jambes étrieres à la tête des murs mitoyens. Daviler. (D. J.)

Quartier de vis suspendue, (Archit.) c’est dans une cage ronde, une portion d’escalier à vis suspendue, pour raccorder deux appartemens qui ne sont pas de plein pié.

Quartier tournant, (Archit.) c’est dans un escalier, un nombre de marches d’angles, qui par leur collet tiennent au noyau ; c’est peut-être ce que Vitruve a appellé inversura.

Quartier, s. m. (Mesure séche.) mesure de grains en usage à Morlaix en Basse-Bretagne ; les dix-huit quartiers font le tonneau de Morlaix, qui est de dix pour cent plus fort que le tonneau de Nantes. Dict. du Commerce.

Quartier, s. m. (Comm. de bois.) ce terme en marchandise de bois, se dit quelquefois par opposition à du bois qui n’est point scié ou fendu ; ainsi on dit du bois de quartier, & du bois de pié.

Des échalas de quartiers, sont des échalas faits de bois de chêne fendu de plusieurs morceaux ; on le dit pour le distinguer des échalas de bois blanc, comme de saule, de tremble, &c. qui sont des branches de ces arbres seulement émondées, & coupées de longueur. (D. J.)

Quartier, a plusieurs significations.

Quartier, v. on dit donner quartier, pour dire retourner une pierre, une piece de bois ; ensorte qu’elle pose sur la face contiguë à celle où elle posoit avant de lui donner quartier.

Il se prend comme nom pour une pierre de taille d’une certaine grosseur ; il signifie aussi le quart du tour d’un escalier ; & on dit, quartier tournant, si cette partie est arrondie.

Quartier, dresser un, terme de Corroyeur ; c’est dresser un cuir des quatre quartiers, quand on le plie des quatre côtés, de patte en patte ; le dresser des quatre faux quartiers, c’est le plier des quatre coins, un peu en biaisant. Le dresser de travers, c’est le plier d’abord en deux, œil contre œil, & puis encore la queue contre la tête ; ces façons se donnent ou avec l’étire, ou avec la pommelle. Savary. (D. J.)

Quartier, (Maréchal.) on appelle ainsi les côtés du sabot d’un cheval, compris entre la pince & le talon de part & d’autre. Voyez Pince, Sabot.

Chaque pié a deux quartiers, celui de dedans & celui de dehors. Le défaut des quartiers, est d’être trop serrés, c’est-à-dire trop applatis ; celui de dedans y est plus sujet que celui de dehors. Faire quartier neuf, se dit du pié dont le quartier est tombé, ou a été ôté pour quelque maladie, alors il en revient un neuf. Les quartiers du cheval sont sujets aux scymes. Voyez Scyme.

Quartier, en parlant d’une selle, ce sont les pieces de cuir ou d’étoffe qui sont attachées aux deux côtés de la selle. Voyez Selle.

Quartiers d’habit, &c. terme de Tailleur ; ce sont les quatre morceaux principaux, qui, quand ils sont assemblés, forment le corps & les basques d’un habit ou d’une veste. Chaque habit ou veste à quatre quartiers qu’on appelle les deux devans & les deux derrieres.


  1. Les officiers généraux dans les armées du roi de Prusse ne sont point logés dans les maisons à moins qu’ils ne soient incommodés. Le camp du roi est au centre entre les deux lignes. Là campent aussi les officiers de l’état major de l’armée. Les felds-maréchaux & les généraux soit d’infanterie ou de cavalerie, campent selon l’ordre qu’ils ont dans l’ordre de bataille ; mais les lieutenans & les majors généraux campent derriere leurs brigades.