L’Encyclopédie/1re édition/LUNE

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LUNE, s. f. (Astr.) est l’un des corps celestes que l’on met ordinairement au nombre des planetes, mais qu’on doit regarder plûtôt comme un satellite, ou comme une planete secondaire. Voyez Planete & Satellite.

La lune est un satellite de notre terre, vers laquelle elle se dirige toûjours dans son mouvement comme vers un centre, & dans le voisinage de laquelle elle se trouve constamment, de façon que si on la voyoit du soleil, elle ne paroîtroit jamais s’éloigner de nous d’un angle plus grand que dix minutes.

La principale différence que l’on apperçoit entre les mouvemens des autres planetes & celui de la lune se peut aisément concevoir : car puisque toutes ces planetes tournent autour du soleil qui est à peu près au centre de leur mouvement, & puisqu’il les attire, pour ainsi dire, à chaque instant, il arrive de-là qu’elles sont toûjours à peu près à la même distance du soleil, au-lieu qu’elles s’approchent quelquefois considérablement de la terre, & d’autres fois s’en éloignent considérablement. Mais il n’en est pas tout-à-fait de même de la lune, on doit la regarder comme un corps terrestre. Ainsi selon les lois de la gravitation elle ne peut guere s’éloigner de nous, mais elle est retenue à peu près dans tous les tems à la même distance.

Il est si visible que la lune tourne autour de la terre, que nous ne voyons point qu’aucun philosophe de l’antiquité, ni même de ces derniers tems, ait pensé à faire un système différent. Il étoit reservé au P. D. Jacques Alexandre, bénédictin, de soutenir le premier que ce n’est point la lune qui tourne autour de la terre, mais la terre autour de la lune. Il a avancé cette opinion dans une dissertation sur le flux & reflux de la mer, qui remporta le prix de l’académie de Bordeaux en 1727 ; & toute son explication du flux & reflux porte sur l’hypothese du mouvement de la terre autour de la lune. L’académie de Bordeaux, dans le programme qu’elle a fait imprimer à la tête de cet ouvrage, a eu grand soin d’avertir qu’en couronnant l’auteur, elle n’avoit pas prétendu adopter son système, & que si elle n’adjugeoit le prix qu’à des systèmes démontrés, elle auroit souvent le déplaisir de ne pouvoir le distribuer ; M. de Mairan, membre de cette académie & de plusieurs autres, a cru qu’il étoit nécessaire de réfuter l’opinion de D. Jacques Alexandre, & il l’a fait par une dissertation imprimée dans les mémoires de l’académie des Sciences de Paris 1727. Il y démontre par des observations astronomiques que la lune tourne autour de la terre, & non la terre autour de la lune. Ceux qui voudront voir ces preuves en détail, peuvent consulter la dissertation dont nous parlons, ou l’extrait qu’en a donné M. de Fontenelle.

De même que toutes les planetes premieres se meuvent autour du soleil, de même la lune se meut autour de la terre ; son orbite est à peu près une ellipse dans laquelle elle est retenue par la force de la gravité ; elle fait sa révolution autour de nous en 27 jours, 7 heures 43 minutes, ce qui est aussi le tems précis de sa rotation autour de son axe. Voyez Libration.

La moyenne distance de la lune à la terre est d’environ 60 diametres de la terre, ce qui fait environ 80000 lieues.

L’excentricité moyenne de son orbite est environ de sa moyenne distance, ce qui produit une variation dans la distance de cette planete à la terre, car elle s’en approche & s’en éloigne alternativement de plus d’un dixieme de sa moyenne distance.

Le diametre de la lune est à celui de la terre à peu près comme 11 est à 40, c’est-à-dire, qu’il est d’environ 725 lieues, son diametre apparent moyen est de 31′. 16″ . & celui du soleil de 32′. 12″. Voyez Diametre.

La surface de la lune contient environ 1555555 lieues quarrées, &c. La densité de la lune est à celle de la terre, suivant M. Newton, ∷ 48911.39214, & à celle du soleil ∷ 48211 à 10000 : sa quantité de matiere est à celle de la terre à peu près ∷ 1.39, & la force de gravité sur sa surface, est à la force de gravité sur la surface de la terre ∷ 139 : 407. Voyez Densité, Gravité.

Les Astronomes sont assez d’accord entre eux sur la plûpart de ces rapports, qui sont assez exactement déterminés par les observations. Celui qui jusqu’à présent est le plus incertain, est le rapport de la densité de la lune à celle de la terre ou du soleil ; le rapport que nous venons d’en donner, est celui qu’a assigné M. Newton. Mais les observations & les calculs desquels il la déduit ne paroissent pas satisfaisans à M. Bernoulli dans sa piece sur le flux & reflux de la mer. Il est certain que la détermination de la densité de la lune est un des problèmes les plus difficiles de l’Astronomie ; nous en parlerons à la fin de cet article, lorsque nous ferons mention des travaux des géometres modernes sur la lune.

Phénomenes de la lune. On distingue un grand nombre de différentes apparences ou phases de la lune : tantôt elle croît, tantôt elle décroît ; quelquefois elle est cornue, d’autres fois demi-circulaire, d’autres fois bossue, pleine, & circulaire, ou plûtôt sphérique. Voyez Phase.

Quelquefois elle nous éclaire la nuit entiere, quelquefois une partie de la nuit seulement ; quelquefois elle est visible dans l’hémisphere méridional, & quelquefois dans le boréal ; or comme toutes ses variations ont été d’abord découvertes par Endimion ancien grec, qui a été le premier attentif a observer les mouvemens de la lune, la fable a supposé par cette raison qu’il en étoit amoureux.

La cause de la plûpart de ces apparences, c’est que la lune est un corps obscur, opaque & sphérique, & qu’elle ne brille que de la lumiere qu’elle reçoit du soleil ; ce qui fait qu’il n’y a que celle des deux moitiés qui est tournée vers cet astre, qui soit éclairée, la moitié opposée conservant toujours son obscurité naturelle.

La face de la lune qui est visible pour nous, c’est cette partie de son corps qui est tout-à-la-fois tournée vers la terre & éclairée du soleil, d’où il arrive que suivant les différentes positions de la lune par rapport au soleil & à la terre, on en voit une plus ou moins grande partie éclairée, parce que c’est tantôt une plus grande portion, & tantôt une plus petite de son hémisphere lumineux qui nous est visible.

Phases de la lune. Pour concevoir les phases de la lune, supposons que S (Pl. d’Astr. fig. 11.) représente le soleil, T la terre, RTS une portion de l’orbite de la terre, & ABCDEF l’orbite de la lune, ou elle fait sa révolution autour de la terre dans l’espace d’un mois, & d’occident en orient ; joignez les centres du soleil & de la lune par la droite SL, & imaginez un plan MLN, qui passe par le centre de la lune & qui soit perpendiculaire à la droite SL, la section de ce plan avec la surface de la lune marquera la ligne qui termine la lumiere & l’ombre, & qui sépare la face lumineuse de l’obscure.

Joignez les centres de la terre & de la lune par la ligne TL, à laquelle vous menerez par le centre de la lune un plan perpendiculaire PLO, ce plan donnera sur la surface de la lune le cercle qui sépare l’hémisphere visible, ou celui qui est tourné vers nous, de l’hémisphere invisible, cercle que l’on nomme par cette raison, cercle de vision.

Il s’en suit de-là que la lune étant en A, le cercle qui termine la lumiere & l’ombre, & le cercle de vision coincideront ; de façon que toute la surface lumineuse de la lune sera tournée alors vers la terre ; la lune en ce cas sera pleine par rapport à nous, & luira toute la nuit ; mais par rapport au soleil elle sera en opposition, parce que le soleil & la lune seront vûs de la terre dans des points des cieux directement opposés, l’un de ces astres se levant quand l’autre se couchera. Voyez Opposition.

Quand la lune arrive en B, le disque éclairé MPN ne sera pas tourné en entier vers la terre, de façon que la partie qui sera alors tout-à-la-fois éclairée & visible, ne sera pas tout-à-fait un cercle, & la lune paroîtra bossue comme en B. Voyez Bossue.

Quand elle sera arrivée vers C, où l’angle CTS est droit, il n’y aura plus qu’environ la moitié du disque éclairé qui sera tournée vers la terre, & nous verrons une demi-lune, elle sera dite alors dichotomisée, ce qui veut dire coupée en deux. Voyez Dichotomie.

Dans cette situation le soleil & la lune ne sont éloignés l’un de l’autre que d’un quart de cercle, & on dit que la lune est dans son aspect quadral, ou dans sa quadrature. Voyez Quadrature.

La lune arrivant en D, il n’y aura plus qu’une petite partie du disque éclairé MPN qui soit tournée vers la terre, ce qui fera que la petite partie qui nous luira paroîtra cornue, ou comme une faulx, c’est-à-dire terminée par de petits angles ou cornes comme en O. Voyez Cornes & Faulx.

Enfin la lune arrivant en E, elle ne montre plus à la terre aucune partie de sa face éclairée comme en O, & c’est cette position qu’on appelle nouvelle lune ; la lune est dite alors en conjonction avec le soleil, parce que ces deux astres répondent à un même point de l’écliptique. Voyez Conjonction.

A mesure que la lune avance vers F elle reprend ses cornes, mais avec cette différence qu’avant la nouvelle lune les cornes étoient tournées vers l’occident, au-lieu qu’à présent elles changent de position & elles regardent l’orient : lorsqu’elle est arrivée en G, elle se trouve de nouveau dichotomisée ; en H elle est encore bossue, & en A elle redevient pleine. Voyez la figure 12.

L’angle STL compris entre les lignes tirées des centres du soleil & de la lune, à celui de la terre, est nommée l’élongation de la lune au soleil, & l’arc PN, qui représente la portion du cercle éclairée MON, laquelle est tournée vers nous, est par-tout presque semblable à l’arc d’élongation EL ; ou ce qui est la même chose, l’angle STL est presque égal à l’angle MLO, selon que les Géometres le démontrent.

Moyen de décrire les phases de la lune pour un tems donné. Que le cercle COBP (fig. 13. & 14.) représente le disque de la lune qui est tourné vers la terre, & soit OP la ligne dans laquelle le demi-cercle OCP est projetté, laquelle nous supposerons coupée à angles droits par le diametre BC ; prenez LP pour rayon, & dans cette supposition LF pour cosinus de l’élongation de la lune sur BC prise pour grand axe, & LF prise pour petit axe ; décrivez une ellipse BFC, cette ellipse retranchera du disque de la lune la portion BFCP de la face éclairée laquelle est visible.

Ceux qui voudront avoir la démonstration de cette pratique, la trouveront dans l’Introductio ad veram Astronomiam de Keill, qui a été traduite en françois par M. Lemonnier, avec beaucoup d’additions : c’est dans le chapitre ix. de cet ouvrage que cet auteur a donné la démonstration dont nous parlons.

Comme la lune éclaire la terre d’une lumiere qu’elle reçoit du soleil, de même elle est éclairée par la terre qui lui renvoye aussi de son côté par reflexion des rayons du soleil, & cela en plus grande abondance qu’elle n’en reçoit elle-même de la lune ; car la surface de la terre est environ quinze fois plus grande que celle de la lune, & par conséquent en supposant à chacune de ces surfaces une texture semblable, eu égard à l’aptitude de réflechir les rayons de lumiere, la terre enverra à la lune dans cette supposition quinze fois plus de lumiere qu’elle n’en reçoit d’elle. Or dans les nouvelles lunes, le côté éclairé de la terre est tourné en plein vers la lune, & il éclaire par conséquent alors la partie obscure de la lune : les habitans de la lune, s’il y en a, doivent donc avoir alors pleine terre, comme dans une position semblable nous avons pleine lune ; de-là cette lumiere foible qu’on observe dans les nouvelles lunes, qui outre les cornes brillantes, nous fait appercevoir encore le reste de son disque, & nous le fait même appercevoir assez bien pour y distinguer des taches. Il est vrai que cette lumiere est bien moins vive que celle du croissant, mais elle n’en est pas moins réelle ; la preuve qu’on en peut donner, c’est qu’elle va en s’affoiblissant à mesure que la terre s’écarte du lieu qu’elle occupoit relativement au soleil & à la lune, c’est-à-dire à mesure que la lune s’approche de ses quadratures & de son opposition au soleil.

Quand la lune parvient en opposition avec le soleil, la terre vûe de la lune doit paroître alors en conjonction avec lui, & son côté obscur doit être tourné vers la lune ; dans cette position la terre doit cesser d’être visible aux habitans de la lune, comme la lune cesse de l’être pour nous lorsqu’elle est nouvelle dans sa conjonction avec le soleil ; peu après les habitans de la lune doivent voir la terre cornue, en un mot la terre doit présenter à la lune les mêmes phases que la lune présente à la terre.

Le docteur Hook cherchant la raison pourquoi la lumiere de la lune ne produit point de chaleur sensible, observe que la quantité de lumiere qui tombe sur l’hémisphere de la pleine lune est dispersée avant que d’arriver jusqu’à nous, dans une sphere 188 fois plus grande en diametre que la lune, que par conséquent la lumiere de la lune est 104368 plus foible que celle du soleil, & qu’ainsi il faudroit qu’il y eût tout à-la-fois dans les cieux 104368 pleines lunes, pour donner une lumiere & une chaleur égale à celle du soleil à midi. Voyez Soleil, Chaleur, &c.

On a même observé que la lumiere de la lune ramassée au foyer d’un miroir ardent ne produisoit aucune chaleur. Sans avoir recours au calcul du docteur Hook, on peut en apporter une raison fort simple, savoir que la surface de la lune absorbe la plus grande partie des rayons du soleil, & ne nous en envoie que la plus petite partie.

Cours & mouvemens de la lune. Quoique la lune finisse son cours en 27 jours 7 heures, intervalle que nous appellons mois périodiques, elle emploie cependant plus de tems à passer d’une conjonction à la suivante, & ce dernier intervalle de tems s’appelle mois synodique ou lunaison. Voyez Mois & Lunaison.

La raison en est que pendant que la lune fait sa révolution autour de la terre dans son orbe, la terre avec tout son système fait de son côté une partie de sa révolution autour du soleil, de façon qu’elle & son satellite, la lune, avancent l’un & l’autre de presque un signe entier vers l’orient ; le point de l’orbite, qui dans sa premiere position répondoit à la droite qui passe par les centres de la terre & du soleil, se trouve donc alors à l’occident du soleil, & par conséquent lorsque la lune revient à ce même point elle ne doit plus se retrouver comme auparavant en conjonction avec le soleil, ce qui fait que la lunaison ne peut s’achever en moins de 29 jours & demi. Voyez Périodique, Synodique, &c.

C’est pourquoi le mouvement dont la lune s’éloigne chaque jour du soleil n’est que de 12d. & quelques minutes : on a nommé ce mouvement, le mouvement diurne de la lune au soleil.

Si le plan de l’orbite de la lune étoit coincident avec celui de l’écliptique, c’est-à-dire si la terre & la lune se mouvoient dans un même plan, le chemin de la lune dans les cieux, vû de la terre, paroîtroit précisément le même que celui du soleil, avec cette seule différence que le soleil se trouveroit décrire son cercle dans l’espace d’une année, & que la lune décriroit le sien dans un mois : mais il n’en est pas ainsi, car ces deux plans se coupent l’un l’autre dans une droite qui passe par le centre de la terre, & sont inclinés l’un à l’autre d’un angle d’environ 5d. Voyez Inclinaison.

Supposons, par exemple, que AB (fig. 15.) soit une portion de l’orbite de la terre, T la terre, & CEDF l’orbite de la lune dans lequel se trouve le centre de la terre ; décrivez de ce même centre T, dans le plan de l’écliptique, un autre cercle CGDH dont le demi-diametre soit égal à celui du demi-diametre de l’orbite de la lune, ces deux cercles qui sont dans un différent plan & qui ont le même centre T, se couperont l’un l’autre dans une droite DC qui passera par le centre de la terre, & par conséquent l’une des moitiés CED de l’orbite de la lune sera élevée au-dessus du plan du cercle CGH vers le nord, & l’autre moitié DFC sera au-dessous vers le sud. La droite DC dans laquelle les deux cercles se coupent, s’appelle la ligne des nœuds, & les points des angles C & D les nœuds, celui de ces nœuds dans lequel la lune s’eleve au-dessus du plan de l’écliptique vers le nord, s’appelle nœud ascendant ou tête du dragon, & l’autre nœud descendant & queue du dragon. Voyez Nœud ; & l’intervalle de tems que la lune emploie en partant du nœud ascendant pour revenir au même nœud, s’appelle mois dracontique. Voyez Dragon & Dracontique.

Si la ligne des nœuds étoit immobile, c’est-à-dire si elle n’avoit d’autre mouvement que celui par lequel elle tourne autour du soleil, elle regarderoit toujours en ce cas le même point de l’écliptique, c’est-à-dire qu’elle resteroit toujours parallele à elle-même. Mais ces observations prouvent au contraire que la ligne des nœuds change continuellement de place, que sa situation décline toujours de l’orient à l’occident contre l’ordre des signes, & qu’elle finit la révolution de ce mouvement rétrograde dans une espace d’environ 19 ans, après quoi chacun des nœuds revient au même point de l’écliptique dont il s’étoit d’abord éloigné. Voyez Cycle.

Il s’ensuit de-là que la lune n’est jamais précisément dans l’écliptique que deux fois dans chaque période, savoir lorsqu’elle se trouve dans ses nœuds. Dans tout le reste de son cours elle s’éloigne plus ou moins de l’écliptique, suivant qu’elle est plus ou moins proche de ces nœuds. Les points F & E où elle est le plus éloignée de ces nœuds, sont nommés ses limites. Voyez Limite.

La distance de la lune à l’écliptique est nommée sa latitude, & elle se mesure par un arc de cercle qui va de la lune perpendiculairement à l’écliptique, & qui est comprise entre la lune & l’écliptique, ayant la terre pour centre ; la latitude de la lune, même lorsqu’elle est la plus grande, comme en E & en F, ne passe jamais 5d & environ 18′. & cette latitude est la mesure des angles des nœuds. Voyez Latitude.

Il paroit par ces observations, que la distance de la lune à la terre change continuellement, de sorte que la lune est tantôt plus proche & tantôt plus loin de nous. En effet, elle paroît tantôt sous un angle plus grand, tantôt sous un angle plus petit : l’angle sous lequel le diametre horisontal de la lune a été observé lorsqu’elle étoit pleine & périgée, excede un peu 33′ ; mais étant pleine & apogée, on ne l’apperçoit guere que sous un angle de 29d. 30′. la raison en est que la lune ne se meut point dans un orbite circulaire qui ait la terre pour centre, mais dans un orbite à peu près elliptique (telle que celle qui est représentée dans la fig. 17.) dont l’un des foyers est le centre de la terre ; AP y marque le grand axe de l’ellipse, ou la ligne des apsides ; TC l’excentricité : le point A qui est la plus haute apside s’appelle l’apogée de la lune, P ou l’apside inférieure est le périgée de la lune, ou le point de son orbite dans lequel elle est le plus proche de la terre. Voyez Apogée & Périgée.

L’espace de tems que la lune employe en partant de l’apogée pour revenir au même point, s’appelle mois anomalistique.

Si la ligne des apsides de la lune n’avoit d’autre mouvement que celui par lequel elle est emportée autour du soleil, elle conserveroit toujours une position semblable, c’est-à-dire qu’elle resteroit parallele à elle-même, qu’elle regarderoit toujours le même point des cieux, & qu’on l’observeroit toujours dans le même point de l’écliptique ; mais on a observé que la ligne des apsides est aussi mobile, ou qu’elle a un mouvement angulaire autour de la terre d’occident en orient selon l’ordre des signes, mouvement dont la révolution se fait dans l’espace d’environ neuf années. Voyez Apside.

Les irrégularités du mouvement de la lune & de celui de son orbite sont très-considérables : car 1°. quand la terre est dans son aphélie, la lune finit sa révolution dans un tems plus court ; au contraire, quand la terre est dans son périhéiie, la lune rallentit alors son mouvement ; ainsi ses révolutions autour de la terre se font en moins de tems, toutes choses d’ailleurs égales, lorsque la terre est dans son aphélie que lorsqu’elle est dans son périhélie, de sorte que les mois périodiques ne sont point égaux les uns aux autres. Voyez Périodique.

2°. Quand la lune est dans ses syzygies, c’est-à-dire dans la droite qui joint les centres de la terre & du soleil, ou, ce qui est la même chose, dans sa conjonction ou son opposition, elle se meut (toutes choses égales d’ailleurs) plus vîte que dans les quadratures. Voyez Syzygie.

3°. Le mouvement de la lune varie suivant les différentes distances de cet astre aux syzygies, c’est-à-dire à l’opposition ou à la conjonction dans le premier quartier, c’est-à-dire depuis la conjonction jusqu’à la premiere quadrature, elle perd un peu de sa vîtesse pour la recouvrer dans le second quartier, & elle en perd encore un peu dans le troisieme pour la recouvrer dans le quatrieme. Tycobrahé a découvert le premier cette inégalité, & l’a nommée variation de la lune. Voyez Variation.

4°. La lune se meut dans une ellipse, dont l’un des foyers est placé dans le centre de la terre, & son rayon vecteur décrit autour de ce point des aires proportionnelles au tems, comme il arrive aux planetes à l’égard du soleil ; son mouvement doit donc être plus rapide dans le périgée, & plus lent dans l’apogée.

5°. L’orbite même de la lune est variable, & ne conserve pas toujours la même figure, son excentricité augmentant quelquefois, & diminuant d’autres fois. Elle est la plus grande, lorsque la ligne des apsides coïncide avec celle des syzygies ; & la plus petite, lorsque la ligne des apsides coupe l’autre à angles droits.

Cela est aisé à reconnoître par les diametres apparens que l’on observe. M. Picard est le premier qui ait découvert que la lune périgée au premier & au second quartier, paroissoit sous un angle d’environ une minute plus petit que lorsqu’elle étoit pleine & périgée ; ce qui a fait connoître la loi suivant laquelle l’excentricité de l’orbite varioit à chaque lunaison. Il est encore à remarquer que la différence entre la plus grande & la plus petite excentricité, est si grande, que dans le premier de ces deux cas elle excede la moitié cette derniere. Par les observations des éclipses de lune on avoit conclu autrefois la plus petite excentricité de l’orbite de cette planete ; ce qui donnoit pour sa plus grande équation du centre, 5° ou 4° 59′ 30″ ; mais de l’observation de M. Picard il a fallu conclure que l’équation du centre pouvoit être vers le premier ou second quartier de 7d 30′ 0″, & qu’ainsi les deux plus grandes équations qui peuvent arriver, l’une dans la pleine lune, l’autre dans les quadratures, different d’environ 2° 30′.

6°. L’apogée de la lune n’est pas exempt d’irrégularité ; car on trouve qu’il se meut en avant, lorsqu’il coïncide avec la ligne des syzygies, & en arriere, lorsqu’il coupe cette ligne à angles droits. Ces deux mouvemens en avant & en arriere ne sont pas non plus égaux. Dans la conjonction ou l’opposition, le mouvement en avant est assez rapide ; dans les quadratures, ou bien l’apogée se meut lentement en avant, ou bien il s’arrête, ou bien il se meut en arriere.

7°. Le mouvement des nœuds n’est pas uniforme ; mais quand la ligne des nœuds coïncide avec celle des syzygies, les nœuds s’arrêtent. Lorsque les nœuds sont dans les quadratures, c’est-à-dire que leurs lignes coupent celles des syzygies à angles droits, ils vont en arriere d’orient en occident, & M. Neuwton fait voir que c’est avec une vîtesse de 16″ 19‴ 24″″ par heure.

Le seul mouvement uniforme qu’ait la lune, est celui par lequel elle tourne autour de son axe précisément dans le même espace de tems qu’elle employe à faire sa révolution autour de nous dans son orbite, d’où il arrive qu’elle nous présente toujours à-peu-près la même face : nous disons à-peu-près, & non pas exactement ; car comme le mouvement de la lune autour de son axe est uniforme, & que cependant son mouvement ou sa vîtesse dans son orbite est inégale, il arrive de-là que quelque partie du limbe de la lune s’éloigne quelquefois du centre de son disque, & que d’autres fois elle s’en approche, & que quelques parties qui étoient auparavant invisibles, deviennent par-là visibles. Voyez Vibration.

Si la lune décrivoit un cercle autour de la terre, & qu’elle décrivît ce cercle d’un mouvement uniforme dans le même tems qu’elle tourne autour de son axe, assurément ce seroit toujours le plan du même méridien lunaire qui passeroit par notre œil ou par le centre de la terre, & l’on appercevroit exactement chaque jour le même hémisphere. Il suit de ces observations que si la lune est habitée, quelques-uns de ses habitans doivent tantôt voir la terre & tantôt ne la plus voir, que près de la moitié doivent ne la voir jamais, & près de la moitié la voir toujours. Cette espece d’ondulation ou de vacillation de la lune se fait d’abord d’occident en orient, ensuite d’orient en occident ; de sorte que diverses régions qui paroissoient situées vers le bord occidental ou oriental de la lune, se cachent ou se montrent alternativement. On a donné à ce mouvement le nom de libration.

Cette uniformité de rotation produit encore une autre irrégularité apparente ; car l’axe de la lune n’étant point perpendiculaire au plan de son orbite, mais étant un peu incliné à ce plan, & cet axe conservant continuellement son parallelisme dans son mouvement autour de la terre, il faut nécessairement qu’il change de situation, par rapport à un observateur placé dans la terre, & à la vue duquel il présentera tantôt l’un des poles, & tantôt l’autre. De sorte que l’observateur, placé sur la surface de la terre, ne verra pas toujours exactement un hémisphere terminé par un plan qui passe par l’axe de la lune, mais l’axe se trouvera presque toujours tantôt d’un côté de ce plan, tantôt de l’autre ; ce qui fait qu’il paroît avoir une espece d’ondulation ou vacillation.

Causes physiques du mouvement de la lune. Nous avons déja observé que la lune se meut autour de la terre suivant les mêmes lois & de la même maniere que les autres planetes se meuvent autour du soleil ; & il s’ensuit de-là que l’explication du mouvement lunaire en général retombe dans celle du mouvement des autres planetes autour du soleil. Voyez Planete & Terre.

Quant aux irrégularités particulieres au mouvement de la lune, & auxquelles la terre & les autres planetes ne sont point sujettes, elles proviennent du soleil qui agit sur la lune, & trouble son cours ordinaire dans son orbite, & elles peuvent toutes se déduire méchaniquement de la même loi qui dirige le mouvement général de la lune, je veux dire de la loi de gravitation & d’attraction. Voyez Gravitation.

Les autres planetes secondaires, par exemple les satellites de Jupiter & de Saturne sont sans doute sujets aux mêmes irrégularités que la lune, parce qu’ils sont exposés à cette même force d’action du soleil sur eux, qui peut les troubler dans leur cours ; aussi apperçoit-on dans le mouvement de ces satellites de grandes irrégularités. Voyez Satellite.

Astronomie de la lune. Premier moyen de déterminer la révolution de la lune autour de la terre ou le mois périodique, & le tems compris entre une opposition & la suivante ou le mois synodique.

Puisque la lune, dans le milieu d’une éclipse lunaire est opposée au soleil, voyez Eclipse, calculez le tems compris entre deux éclipses ou oppositions, & divisez-le par le nombre des lunaisons qui se sont écoulées dans cet intervalle, le quotient sera la quantité du mois synodique. Calculez le mouvement moyen du soleil durant le tems du mois synodique, & ajoutez-y le cercle entier décrit par la lune, après quoi vous ferez cette proportion : comme la somme trouvée est à 360 secondes, de même la quantité du mois synodique est à celle du périodique. Ainsi Copernic ayant observé à Rome en l’an 1500, le 6 Novembre à minuit, une éclipse de lune, & une autre à Cracovie le premier Aout 1523, à 4 heures 25 secondes, il en conclut de cette sorte la quantité du mois synodique de 29 jours 12heures 41 min. 9 sec. 9 tierces.

Le même auteur, au moyen de deux autres éclipses observées, l’une à Cracovie, l’autre à Babylone, a déterminé encore plus exactement la quantité du mois synodique qu’il a trouvée par-là,

De 29 jours, 11 heures 43′ 3" 10‴.
Moyen mouvement du soleil en même tems, 29° 6′ 24" 18‴.
Mouvement de la lune, 389° 6′ 24" 18‴.
Quantité du mois périodique, 27 jours, 7 heures 43′ 5″.

D’où il s’ensuit 1°. que la quantité du mois périodique étant donnée, on peut trouver par la regle de trois le mouvement diurne & horaire de la lune, &c. & de cette sorte construire des tables du moyen mouvement de la lune.

2°. Si on soustrait le moyen mouvement diurne du soleil du moyen mouvement diurne de la lune, le restant donnera le mouvement diurne de la lune au soleil ; ce qui fournira le moyen de construire une table de ce mouvement diurne.

3°. Puisqu’au milieu des éclipses totales, la lune se trouve dans le nœud, il s’ensuit de là que si on cherche le lieu du soleil pour ce tems, & qu’on y ajoûte six signes, la somme donnera le lieu du nœud.

4°. En comparant les observations anciennes avec les modernes, il paroît, comme nous l’avons déja dit, que les nœuds ont un mouvement, & qu’ils avancent in antecedentia, ou contre l’ordre des signes, c’est-à-dire, de taurus à aries, d’aries à pisces, &c. Si l’on ajoûte donc au moyen mouvement diurne de la lune le mouvement diurne des nœuds, la somme sera le mouvement de la lune par rapport aux nœuds ; & on pourra conclure de là, au moyen de la regle de trois, en combien de tems la lune parcourt 360°, à compter du nœud ascendant, ou combien de tems elle met à revenir à ce point depuis qu’elle en est partie, c’est-à-dire la quantité du mois dracontique.

Moyen de trouver l’âge de la lune. Ajoûtez au jour du mois, l’épacte de l’année, & les mois écoulés depuis Mars inclusivement, la somme, si elle est au-dessous de 30, & si elle est au-dessus, son excès sur 30 sera l’âge de la lune ; en supposant que le mois ait 31 jours, & si le mois n’a que 30 jours, sera l’excès sur 29.

La raison de cette pratique est 1°. que l’épacte de l’année donne toujours l’âge de la lune au premier Mars. 2°. Que comme l’année lunaire est plus courte de 11 à 12 jours que l’année solaire (voyez Epacte), & que l’année a 12 mois, la nouvelle lune anticipe ou remonte à-peu-près d’un jour chaque mois, en commençant par Mars. Au reste cette pratique ne donne l’âge de la lune que d’une maniere approchée ; la seule maniere de connoître exactement l’âge de la lune, c’est d’avoir recours aux tables astronomiques.

Pour trouver le tems où la lune passe au méridien, on remarquera 1°. que le jour de la nouvelle lune, la lune passe au méridien en même tems que le soleil. 2°. Que d’un jour à l’autre, le passage de la lune au méridien retarde d’environ trois quarts d’heure (voyez Flux & Reflux), ainsi prenez autant de fois trois quarts d’heure qu’il y a de jours dans l’âge de la lune, & vous aurez le tems qui doit s’écouler entre l’heure de midi d’un jour donné, & le passage de la lune au méridien qui doit suivre. Cette seconde pratique n’est encore qu’approchée, & seulement pour un usage journalier & grossier. Le véritable tems du passage de la lune au méridien, se trouve dans les tables astronomiques, dans les éphémérides, dans la connoissance des tems, &c. Voyez Ephéméride, &c.

Quant aux éclipses de lune, voyez Eclipse ; sur la parallaxe de la lune, voyez Parallaxe.

Théorie des mouvemens & des irrégularités de la lune. Supposons qu’on demande, dans un tems donné, le lieu de la lune dans le zodiaque en longitude, nous trouverons d’abord dans les tables le lieu où la lune seroit, si son mouvement étoit uniforme, c’est ce qu’on appelle son mouvement moyen, lequel est quelquefois plus prompt, & quelquefois plus lent que le mouvement vrai. Pour trouver ensuite où elle doit se rencontrer en conséquence de son mouvement vrai, qui est aussi l’apparent, nous chercherons dans une autre table à quelle distance elle est de son apogée, car cette distance rend plus ou moins grande la différence entre le mouvement vrai & le mouvement moyen, & les deux lieux qui correspondent à ces deux mouvemens. Le vrai lieu trouvé de la sorte n’est pas encore le vrai lieu, mais il en est plus ou moins éloigné, selon que la lune est plus ou moins éloignée & du soleil, & de l’apogée du soleil ; & comme cette variation dépend en même tems de ces deux différentes distances, il faudra les considérer & les combiner ensemble dans une table à part ; cette table donne la correction qu’il faut faire au vrai lieu trouvé ci-dessus. Mais ce lieu ainsi corrigé n’est pas encore le vrai lieu, à moins que la lune ne soit en conjonction ou en opposition ; si elle est hors de ces deux cas, il y aura encore une correction à faire, laquelle dépend de deux élémens qu’il faut prendre ensemble, & comparer, savoir la distance du lieu corrigé de la lune au soleil, & celle du lieu où elle est par rapport à son propre apogée, cette derniere distance ayant été changée par la derniere correction.

Par toutes ces opérations & ces corrections, on arrive enfin au vrai lieu de la lune pour l’instant donné, mais il faut convenir qu’il se rencontre en tout cela des difficultés prodigieuses. Les inégalités de lune sont si grandes que ç’a été inutilement que les Astronomes ont travaillé jusqu’au grand Newton à les soumettre à quelque regle. C’est à ce grand homme que nous devons la découverte de leur cause méchanique, ainsi que la méthode de les calculer & de les déterminer, de façon qu’on peut dire de lui qu’il a découvert un monde presque entier, ou plûtôt qu’il se l’est soumis.

Suivant la théorie de M. Newton, on démontre d’une maniere fort élégante les lois méchaniques d’où dépendent les mouvemens que l’on a reconnus tant à l’égard de la lune que de son orbite apparent. C’est une chose remarquable que l’astre qui est le plus proche de la terre, soit celui dont les mouvemens nous sont, pour ainsi dire, le moins connus. Au reste, quelque utilité que l’Astronomie ait retiré du travail de M. Newton, les mouvemens de la lune sont si irréguliers, qu’on n’est pas encore parvenu à découvrir entierement tout ce qui appartient à la théorie le cette planete, & cela faute d’une longue suite d’observations qui demandent beaucoup de veilles & d’assiduités.

M. Newton fait voir par la théorie de la gravité, que les plus grandes planetes, en tournant autour du soleil, peuvent emporter avec elles de plus petites planetes qui tournent autour d’elles, & il prouve à priori, que ces dernieres doivent se mouvoir dans des ellipses dont les foyers se trouvent dans le centre des plus grandes, & qu’en même tems leur mouvement dans leur orbite est différemment troublé par l’action du soleil. Enfin, il infere de-là que les satellites de Saturne sont sujets à des irrégularités analogues. Il examine d’après la même théorie quelle est la force du soleil pour troubler le mouvement de la lune, il détermine quel seroit l’incrément horaire de l’aire que la lune décriroit dans une orbite circulaire par des rayons vecteurs aboutissant à la terre, sa distance de la terre, son mouvement horaire dans une orbite circulaire & elliptique, le mouvement moyen des nœuds, le mouvement vrai des nœuds, la variation horaire de l’inclinaison de l’orbite de la lune au plan de l’écliptique.

Enfin, il a conclu de la même théorie que l’équation annuelle du mouvement moyen de la lune provient de la différente figure de son orbite, & que cette variation a pour cause la différente force du soleil ; laquelle étant plus grande dans le périgée, allonge alors l’orbite, & devenant plus petite dans l’apogée, lui permet de nouveau de se contracter. Dans l’allongement de l’orbite, la lune se meut plus lentement, & dans la contraction elle va plus vîte, & l’équation annuelle propre à compenser cette inégalité est nulle, lorsque le soleil est apogée ou périgée : dans la moyenne distance du soleil, elle va suivant les observations à 11′ 50″, & dans les autres distances elle est proportionnelle à l’équation du centre du soleil, on l’ajoute au moyen mouvement de la lune, lorsque la terre va de son aphélie au périhélie, & on la soustrait lorsqu’elle va en sens contraire. Or, supposant le rayon du grand orbe de mille parties & l’excentricité de la terre de 16 , cette équation, lorsqu’elle sera la plus grande, ira suivant la théorie de la gravité à 11′ 49″ ; ce qui s’accorde, comme l’on voit, avec l’observation.

M. Newton ajoute que dans le périhélie de la terre les nœuds de la lune & son apogée se meuvent plus promptement que dans l’aphélie, & cela en raison triplée inverse de la distance de la terre au soleil, d’où proviennent des équations annuelles des mouvemens des nœuds proportionnelles à celui du centre du soleil ; or les mouvemens du soleil sont en raison doublée inverse de la distance de la terre au soleil, & la plus grande équation du centre que cette inégalité puisse produire est de 1° 56′ 26″, en supposant l’excentricité de 16 partie.

Si le mouvement du soleil étoit en raison triplée inverse de sa distance, cette inégalité donneroit pour plus grande équation 2° 56′ 9″, & par conséquent les plus grandes équations que puissent produire les inégalités des mouvemens de l’apogée de la lune & des nœuds, sont à 2° 56′ 9″, comme le mouvement diurne de l’apogée de la lune & le moyen mouvement diurne de ces nœuds sont au moyen mouvement diurne du soleil ; d’où il s’ensuit que la plus grande équation du moyen mouvement de l’apogée est d’environ 19′ 52″, & que la plus grande équation du moyen mouvement des nœuds est de 9′ 27″. On ajoute la premiere équation, & on soustrait la seconde, lorsque la terre va de son périhélie à son aphélie, & dans l’autre cas on fait le contraire.

Il paroît aussi par la même théorie de la gravité, que l’action du soleil sur la lune doit être un peu plus grande, quand l’axe transverse de l’orbite lunaire passe par le soleil, que lorsqu’il coupe à angles droits la droite qui joint la terre & le soleil, & que par conséquent l’orbite lunaire est un peu plus grande dans le premier cas que dans le second ; ce qui donne naissance à une autre équation du moyen mouvement de la lune, laquelle dépend de la situation de l’apogée de la lune par rapport au soleil, & devient la plus grande qui soit possible, lorsque l’apogée de la lune est à 45° du soleil ; & nulle, lorsque la lune arrive aux quadratures & aux syzygies. On l’ajoute au moyen mouvement, lorsque l’apogée de la lune passe des quadratures aux syzygies, & on l’en soustrait, lorsque l’apogée passe des syzygies aux quadratures.

Cette équation que M. Newton appelle semestre, devient de 3′ 45″, lorsqu’elle est la plus grande qui soit possible (c’est-à-dire à 45° de l’apogée) dans les moyennes distances de la terre au soleil ; mais elle augmente & diminue en raison triplée inverse de la distance du soleil ; ce qui fait que dans les plus grandes distances du soleil elle est environ de 3′ 34″, & dans la plus petite, de 3′ 56″ ; mais lorsque l’apogée de la lune est hors des octans, c’est-à-dire a passé 45°, elle diminue alors, & elle est à la plus grande équation, comme le sinus de la distance double de l’apogée de la lune à la plus prochaine syzygie ou quadrature, est au rayon.

De la même théorie de la gravité il s’ensuit que l’action du soleil sur la lune, est un peu plus grande, lorsque la droite tirée par les nœuds de la lune, passe par le soleil, que lorsque cette ligne est à angles droits avec celle qui joint le soleil & la terre ; & de-là se déduit une autre équation du moyen mouvement de la lune, que M. Newton appelle seconde équation semestre, & qui devient la plus grande possible, lorsque les nœuds sont dans les octans du soleil, c’est-à-dire à 45°. du soleil ; & nulle, lorsqu’ils sont dans les syzygies ou quadratures. Dans d’autres situations des nœuds cette équation est proportionnelle au sinus du double de la distance de chaque nœud à la derniere syzygie ou quadrature. On l’ajoûte au moyen mouvement de la lune, lorsque les nœuds sont dans leur passage des quadratures du soleil à la plus prochaine syzygie, & on l’en soustrait dans leur passage des syzygies aux quadratures.

Lorsqu’elle est la plus grande qu’il est possible, c’est-à-dire dans les octans & dans la distance moyenne de la terre au soleil, elle monte à 45″, selon qu’il paroît par la théorie de la gravité : à d’autres distances du soleil, cette équation dans les octans des nœuds est réciproquement comme le cube de la distance du soleil à la terre ; elle est par conséquent dans le périgée du soleil de 45″, & dans son apogée, d’environ 49″.

Suivant la même théorie de la gravité, l’apogée de la lune va le plus vîte, lorsqu’il est ou en conjonction ou en opposition avec le soleil, & il retrograde lorsqu’il est en quadrature avec lui. L’excentricité est dans le premier cas la plus grande possible, & dans le second, la plus petite possible. Ces inégalités sont très-considérables, & elles produisent la principale équation de l’apogée qui s’appelle semestre ou semimenstruelle. La plus grande équation semimenstruelle est d’environ 12′ 18″, suivant les observations.

Horrox a observé le premier que la lune faisoit à-peu-près sa révolution dans une ellipse dont la terre occupoit le foyer ; & Halley a mis le centre de l’ellipse dans une épicycle dont le centre tourne uniformément autour de la terre, & il déduit du mouvement dans l’épicycle les inégalités qu’on observe dans le progrès & la rétrogradation de l’apogée & la quantité de l’excentricité.

Supposons la moyenne distance de la lune à la terre divisée en 100000 parties, & que T (Pl. astronom. figure 18.) représente la terre, & TC, la moyenne excentricité de la lune de 5505 parties, qu’on prolonge TC en B, de façon que BC puisse être le sinus de la plus grande équation semimenstruelle ou de 11° 18′ pour le rayon TC, le cercle BDA, décrit du centre C & d’un intervalle CB, sera l’épicycle dans lequel est placé le centre de l’orbite lunaire, & dans lequel il tourne selon l’ordre des lettres BDA. Prenez l’angle BCD égal au double de l’argument annuel, ou au double de la distance du vrai lieu du soleil à l’apogée de la lune corrigée une fois, & CTD sera l’équation semimenstruelle de l’apogée de la lune, & TD, l’excentricité de son orbite, en allant vers l’apogée ; d’où il s’ensuit qu’on peut trouver par les méthodes connues le moyen mouvement de la lune, son apogée & son excentricité, comme aussi le grand axe de son orbite de 200000 parties, son vrai lieu & sa distance de la terre. On peut voir dans les Principes mathématiques les corrections que M. Newton fait à ce calcul.

Voilà la théorie de la lune telle que M. Newton nous l’a donnée dans le troisieme livre de son bel ouvrage intitulé : Philosophiæ naturalis principia mathematica : mais ce grand géometre n’a point démontré la plûpart des regles qu’il donne pour calculer le lieu de la lune. Dans le second volume de l’astronomie de Grégori, on trouve un autre ouvrage de M. Newton, qui a pour titre, Lunæ theoria Newtoniana, & où il explique d’une maniere encore plus précise & plus particuliere les opérations qu’il faut faire pour trouver le lieu de la lune dans un tems donné, mais toujours sans démonstration : dans le commentaire que les PP. Leseur & Jacquier, minimes, ont publié sur les principes de Newton, M. Calandrin, célebre professeur de mathématiques à Geneve, & depuis l’un des principaux magistrats de la république, a commenté fort au-long toute cette théorie, & a tâché de développer la méthode que M. Newton a suivie ou pu suivre pour y parvenir : mais il avoue que sur certains points, comme le mouvement de l’apogée & l’exentricité, il y a encore quelque chose à desirer de plus précis & de plus exact que ne donne la théorie de M. Newton. Rien ne seroit plus utile que la connoissance des mouvemens de la lune pour la recherche des longitudes ; & c’est ce qui doit porter tous les Astronomes & les Géometres à perfectionner de plus en plus les tables qui doivent y servir. Voyez Longitude, & la fin de cet article.

Au reste, quelles que soient les causes des irrégularités des mouvemens de la lune, les observations ont appris qu’après 223 lunaisons, c’est à dire 223 retours de la lune vers le soleil, les circonstances du mouvement de la lune redevenant les mêmes, par rapport au soleil & à la terre, ramenent dans son cours les mêmes irrégularités qu’on y avoit observées dix-huit ans auparavant. Une suite d’observations continuées pendant une telle période avec assez d’assiduité & d’exactitude, donnera donc le mouvement de la lune pour les périodes suivantes.

Ce travail si long & si pénible d’une période entiere bien remplie d’observations, fut entrepris par M. Halley, lorsqu’il étoit déja dans un âge si avancé, qu’il ne se flattoit plus de le pouvoir terminer. Ce grand & courageux astronome nous avertit que n’étant encore qu’à la fin d’une autre période qui ne contient que 111 lunaisons, & qui ne donne pas si exactement que celle de 223 le retour des mêmes inégalités, il pouvoit déja déterminer sur mer la longitude à 20 lieues près vers l’équateur, à 15 lieues près dans nos climats, & plus exactement encore plus près des poles.

Mais on n’aura rien à desirer, & on aura l’ouvrage le plus utile qu’on puisse espérer sur cette matiere, si le travail qu’a entrepris M. Lemonnier s’accomplit. Depuis qu’il s’est attaché à la théorie de la lune, il a fait un si grand nombre d’excellentes observations, qu’on ne sauroit espérer de voir cette partie de la période mieux remplie : & dans les institutions astronomiques qu’il a publiées en 1746, il a déja donné d’après la théorie de M. Newton, des tables du mouvement de la lune, plus exactes & plus complettes qu’aucune de celles qu’on a publiées jusqu’ici.

A la fin de ce même ouvrage, il donne la maniere de se servir de ces tables, & de calculer par leur secours quelques lieux de la lune. Nous parlerons à la fin de cet article de la suite de ses travaux par rapport à cet objet.

Nature & propriétés de la lune. 1°. De ce que la lune ne montre qu’une petite partie de son disque, lorsqu’elle suit le soleil prêt à se coucher ; de ce que cette portion croit à mesure qu’elle s’éloigne du soleil jusqu’à la distance de 180d où elle est pleine, qu’elle diminue au contraire à mesure que l’astre s’approche du soleil, & qu’elle perd toute sa lumiere lorsqu’elle l’a atteint ; de ce que sa partie lumineuse est constamment tournée vers l’occident lorsqu’elle est dans son croissant, & vers l’orient quand elle est dans son décours ; de tout cela il suit évidement qu’elle n’a d’éclairée que la seule partie sur laquelle tombent les rayons du soleil ; enfin des phénomenes des éclipses qui n’arrivent que lorsque la lune est pleine, c’est-à dire lorsqu’elle est éloignée de 180d du soleil, on doit conclure qu’elle n’a point de lumiere propre, mais qu’elle emprunte du soleil toute celle qu’elle nous envoie. Voyez Phase, Éclipse.

2°. La lune disparoît quelquefois par un ciel clair, serein, de façon qu’on ne sauroit la découvrir avec les meilleurs verres, quoique des étoiles de la 5e & 6e grandeur restent toujours visibles. Kepler a observé deux fois ce phénomene en 1581 & 1583 ; & Hévelius en 1620 ; Riccioli, d’autres jésuites de Boulogne, & beaucoup d’autres personnes dans la Hollande observerent la même chose le 14 Avril 1642, quoique cependant la lune fût restée toujours visible à Venise & à Vienne. Le 23 Décembre 1703, il y eut une autre disparition totale, la lune parut d’abord à Arles d’un brun jaunâtre, & à Avignon elle parut rougeâtre & transparente, comme si le soleil avoit brillé au-travers ; à Marseille un des côtés parut rougeâtre, & l’autre fort obscur ; & à la fin, elle disparut entierement, quoique par un tems serein. Il est évident dans ce phénomene que ces couleurs qui paroissoient différentes dans un même tems, n’appartenoient pas à la lune, mais qu’elles provenoient de quelque matiere qui l’entouroit & qui se trouvoit différemment disposée pour donner passage à des rayons de telle ou telle couleur.

3°. L’œil nud ou armé d’un télescope, voit dans la face de la lune des parties plus obscures que d’autres, qu’on appelle maculæ ou taches. A travers le télescope, les bornes de la lumiere paroissent dentelées & inégales, composées d’arcs dissemblables, convexes & concaves. On observe aussi des parties lucides, dispersées ou semées parmi de plus obscures, & on voit des parties illuminées par-delà les limites de l’illumination : d’autres intermédiaires, restant toujours dans l’obscurité & auprès des taches, ou même dans les taches : on voit souvent de ces petites taches lumineuses. Outre les taches qu’avoient observées les anciens, il en est d’autres variables, invisibles à l’œil nud, qu’on nomme taches nouvelles, qui sont toujours opposées au soleil, & qui se trouvent par cette raison dans les parties qui sont le plutôt éclairées dans le croissant, & qui perdent dans le décours leur lumiere plus tard que les autres intermédiaires, tournant autour de la lune, & paroissant quelquefois plus grandes & quelquefois plus petites. Voyez Taches.

Or, comme toutes les parties de la surface de la lune sont également illuminées par le soleil, puisqu’elles en sont également éloignées ; il s’ensuit delà que s’il y en a qui paroissent plus brillantes, & d’autres plus obscures, c’est qu’il en est qui réfléchissent les rayons du soleil plus abondamment que d’autres, & par conséquent qu’elles sont de différente nature : les parties qui sont le plutôt éclairées par le soleil, sont nécessairement plus élevées que les autres, c’est-à-dire qu’elles sont au-dessus du reste de la surface de la lune. Les nouvelles taches répondent parfaitement aux ombres des corps terrestres.

4°. Hévelius rapporte qu’il a souvent trouvé dans un tems très-serein, lors même que l’on pouvoit voir les étoiles de la 6e & de la 7e grandeur, qu’à la même hauteur & à la même élongation de la terre, & avec le même télescope qui étoit excellent, la lune & ses taches n’étoient pas toujours également lumineuses, claires & visibles, mais qu’elles étoient plus brillantes, plus pures & plus distinctes dans un tems que dans un autre. Or, par les circonstances de cette observation, il est évident qu’il ne faut point chercher la raison de ce phénomene, ni dans notre air, ni dans la lune, ni dans l’œil du spectateur, mais dans quelqu’autre chose qui environne le corps de la lune.

5°. Cassini a souvent observé que Saturne, Jupiter & les étoiles fixes, lorsqu’elles se cachoient derriere la lune, paroissoient près de son limbe, soit éclairé, soit obscur, changer leur figure circulaire en ovale ; & dans d’autres occultations, il n’a point trouvé du tout d’altération ; il arrive de même que le soleil & la lune se levant & se couchant dans un horison vaporeux ne paroissent plus circulaires, mais elliptiques.

Or, comme nous savons par une expérience certaine que la figure circulaire du soleil & de la lune ne se changent en elliptique qu’à cause de la réfraction que les rayons de ces astres souffrent dans l’atmosphere, il est donc permis d’en conclure que dans les tems où la figure presque circulaire des étoiles est changée par la lune, cet astre est alors entouré d’une matiere dense qui réfracte les rayons que les étoiles envoient ; & que si dans d’autres tems on n’observe point ce changement de figure, cette même matiere ne se trouve plus autour de la lune. Voyez Atmosphere.

6°. La lune est donc un corps opaque, couvert de montagnes & de vallées. Riccioli a mesuré la hauteur d’une de ces montagnes, & a trouvé qu’elle avoit 9 milles ou environ, 3 lieues de haut. Il y a de plus dans la lune de grands espaces, dont la surface est unie & égale, & qui réfléchissent en même tems moins de lumiere que les autres. Or, comme la surface des corps fluides est naturellement unie, & que ces corps entant que transparens transmettent une grande partie de la lumiere, & n’en réfléchissent que fort peu, plusieurs astronomes ont conclu de-là que les taches de la lune sont des corps fluides transparens, & que lorsqu’elles sont fort étendues, ce sont des mers. Il y a donc dans la lune des montagnes, des vallées & des mers. De plus, les parties lumineuses des taches doivent être par la même raison des îles & des péninsules. Et puisque dans les taches & près de leur limbe on remarque certaines parties plus hautes que d’autres, il faut donc qu’il y ait dans les mers de la lune des rochers & des promontoires.

Il faut avouer cependant que d’autres astronomes ont prétendu qu’il n’y avoit point de mers dans la lune ; car si on regarde, disent-ils, avec un bon télescope les grandes taches que l’on prend pour des mers, on y remarque une infinité de cavernes ou de cavités très-profondes, ce qui s’apperçoit principalement par le moyen des ombres qui sont jettées au-dedans lorsque la lune croît, ou lorsqu’elle est en décours. Or c’est, ajoutent-ils, ce qui ne paroît guere convenir à des mers d’une vaste étendue. Ainsi ils croient que ces régions de la lune ne sont point des mers, mais qu’elles sont d’une matiere moins dure & moins blanche que les autres contrées des pays montueux.

7°. La lune est entourée, selon plusieurs astronomes, d’un atmosphere pesant & élastique, dans lequel les vapeurs & les exhalaisons s’élevent pour retomber ensuite en forme de rosée ou de pluie.

Dans une éclipse totale de soleil, on voit la lune couronnée d’un anneau lumineux parallele à sa circonférence.

Selon ces astronomes, on en a trop d’observations pour en douter. Dans la grande éclipse de 1715, on vit l’anneau à Londres, & par-tout ailleurs ; Kepler a observé qu’on a vu la même chose à Naples & à Anvers dans une éclipse de 1605 ; & Wolf l’a observé aussi à Leipsick dans une de 1706, décrite fort au-long dans les acta eruditorum, avec cette circonstance remarquable que la partie la plus voisine de la lune étoit visiblement plus brillante que celle qui en étoit plus éloignée, ce qui est confirmé par les observations des astronomes françois dans les mémoires de l’Académie de l’année 1706.

Il faut donc, concluent-ils, qu’il y ait autour de la lune quelque fluide dont la figure corresponde à celle de cet astre, & qui tout-à-la-fois réfléchisse & brise les rayons du soleil ; il faut aussi que ce fluide soit plus dense près du corps de la lune, & plus rare au-dessus ; or comme l’air qui environne notre terre est un fluide de cette espece, on peut conclure de-là que la lune doit avoir son air ; & puisque la différente densité de notre air dépend de sa différente gravité & élasticité, il faut donc aussi attribuer la différente densité de l’air lunaire à la même cause. Nous avons de plus observé que l’air lunaire n’est pas toujours également transparent, qu’il change quelquefois les figures sphériques des étoiles en ovales, & que dans quelques-unes des éclipses totales dont nous avons parlé, on a apperçu immédiatement avant l’immersion un tremblement dans le limbe de la lune avec une apparence d’une fumée claire & légere qui se tenoit suspendue au-dessus durant l’immersion, & qui s’est fait fort remarquer en particulier en Angleterre ; & comme ces mêmes phénomenes s’observent aussi dans notre air quand il est plein de vapeur, il est donc presque sûr que lorsqu’on les observe dans l’atmosphere de la lune, cette atmosphere doit être alors pleine de vapeurs & d’exhalaisons : enfin puisque dans d’autres tems l’air de la lune est clair & transparent, & qu’il ne produit aucun de ces phénomenes, il s’ensuit aussi que les vapeurs ont été alors précipitées sur la lune, & qu’il faut par conséquent qu’il soit tombé sur cet astre de la rosée, de la pluie ou de la neige.

Cependant d’autres astronomes prétendent que quand des étoiles s’approchent de la lune, elles ne paroissent souffrir aucune réfraction, ce qui prouveroit que la lune n’a point d’atmosphere, du-moins telle que notre terre. Ils ajoutent qu’il y a beaucoup d’apparence que sur la lune il n’y a jamais de nuages, ni de pluies. Car s’il s’y trouvoit des nuages, on les verroit, disent-ils, se répandre indifféremment sur toutes les régions du disque apparent, en sorte que ces mêmes régions nous seroient souvent cachées : or c’est ce qu’on n’a point observé. Il faut donc que le ciel de la lune soit parfaitement serein. Cependant les nuages pourroient se trouver dans la partie de l’atmosphere qui n’est point éclairée du soleil : car la chaleur qui est très-grande dans la partie éclairée, l’unique hémisphere qu’il nous est permis d’appercevoir, cette chaleur, dis-je, excitée par les rayons du soleil qui éclairent sans discontinuer ces régions de la lune pendant près de quinze fois 24 heures, suffit, ce semble, pour raréfier l’atmosphere de la lune. De plus, au sujet de cette atmosphere, M. le Monnier dit avoir remarqué en 1736 & 1738, que l’étoile Aldebaran s’avançoit en plein jour un peu sur le disque éclairé de la lune, où cette même étoile disparut ensuite après avoir entamé très-sensiblement le disque, & cela vers le diametre horisontal de la lune.

8°. La lune est donc à tous égards un corps semblable à la terre, & qui paroît propre aux mêmes fins ; en effet, nous avons fait voir qu’elle est dense, opaque, qu’elle a des montagnes & des vallées ; selon plusieurs auteurs, elle a des mers avec des îles, des péninsules, des rochers & des promontoires, une atmosphere changeant où les vapeurs & les exhalaisons peuvent s’élever pour y retomber ensuite ; enfin elle a un jour & une nuit, un soleil pour éclairer l’un, & une lune pour éclairer l’autre, un été & un hiver, &c.

On peut encore conclure de-là par analogie une infinité d’autres propriétés dans la lune. Les changemens auxquels son atmosphere est sujette, doivent produire des vents & d’autres météores, &, suivant les différentes saisons de l’année, des pluies, des brouillards, de la gelée, de la neige, &c. Les inégalités de la surface de la lune doivent produire de leur côté des lacs, des rivieres, des sources, &c.

Or comme nous savons que la nature ne produit rien en vain, que les pluies & les rosées tombent sur notre terre pour faire végéter les plantes, & que les plantes prennent racine, croissent & produisent des semences pour nourrir des animaux ; comme nous savons d’ailleurs que la nature est uniforme & constante dans ses procédés, que les mêmes choses servent aux mêmes fins : pourquoi ne conclurions-nous donc pas qu’il y a des plantes & des animaux dans la lune ? A quoi bon sans cela cet appareil de provisions qui paroît si bien leur être destiné ? Ces preuves recevront une nouvelle force, quand nous ferons voir que notre terre est elle-même une planete, & que si on la voyoit des autres planetes, elle paroîtroit dans l’une semblable à la lune, dans d’autres à Vénus, dans d’autres à Jupiter, &c. En effet, cette ressemblance, soit optique, soit physique, entre les différentes planetes, fournit une présomption bien forte qu’il s’y trouve les mêmes choses. Voyez Terre & Planete.

Moyen de mesurer la hauteur des montagnes de la lune. Soit ED, fig. 19. le diametre de la lune, ECD le terme de la lumiere & de l’ombre, & A le sommet d’une montagne situé dans la partie obscure, lequel commence à être éclairé ; observez avec un télescope le rapport que AE, c’est à-dire la distance du point A à la ligne où la lumiere commence, aura avec le diametre ED, & vous aurez par-là deux côtés d’un triangle rectangle, savoir AE, CE, dont les quarrés étant ajoutés ensemble, donneront le quarré du 3e, voyez Hypothénuse ; vous soustrairez de ce 3e côté le rayon CE, & il restera AB hauteur de la montagne. Riccioli a distingué les différentes parties de la lune par les noms des plus célebres savans, & c’est par ces noms qu’on les marque toujours dans les observations des éclipses de lune, &c. Voyez en la figure, Pl. astron. fig. 20.

Parmi les autres observateurs qui ont tâché de représenter la figure de la lune, telle qu’on l’apperçoit avec des lunettes ordinaires, on compte principalement Langrenus, Hevelius & Grimaldi. Ils ont surtout représenté dans leur sénélographie, ou description de la lune, les plus belles taches. Hevelius qui appréhendoit les guerres civiles qui se seroient élevées entre les Philosophes modernes, si on donnoit leurs noms aux taches de la lune, au lieu de leur distribuer tout ce domaine, comme il se l’étoit proposé, jugea à propos d’y appliquer des noms de notre Géographie. Il est vrai que ces taches ne ressemblent guere, tant par rapport à leurs situations qu’à leurs figures, aux mers & aux continens de notre terre, dont ils portent le nom ; cependant on a recommandé jusqu’ici aux Astronomes, ces noms géographiques, qui ne sauroient leur devenir trop familiers, principalement à ceux qui veulent étudier dans Ptolomée la Géographie ancienne.

M. le Monnier prétend que de toutes les figures de la lune qui ont été publiées jusqu’ici, celles qui ont été gravées en 1635 par le fameux D. Mellan, par ordre de Peirese, sur les observations de Gassendi, & qui consiste en trois phases (dont l’une représente la pleine lune, & les deux autres le premier quartier & le décours), sont sans contredit les meilleures & les plus ressemblantes. Quoiqu’il n’y ait pas plus de vingt ans qu’elles sont devenues publiques, ces mêmes phases sont néanmoins des plus anciennes, puisqu’elles ont précédé celles d’Hevelius & de Riccioli, qui sont celles qu’on a le plus imitées, & dont les Astronomes ont le plus fait d’usage jusqu’à ce jour.

M. le Monnier a donné dans ses institutions astronomiques, pag. 140, trois différentes figures ou phases de la lune. La premiere est celle qu’Hevelius a publiée en 1645, avec les termes de la plus grande & de la plus petite libration ; la seconde a été publiée pour la premiere fois dans les mém. de l’académie royale des Sciences, pour l’année 1692 ; les termes de la plus grande & de la plus petite libration n’y sont point marqués, mais seulement la libration moyenne, c’est-à-dire les termes entre la plus grande & la plus petite. La troisieme table que donne M. le Monnier est celle des PP. Grimaldi & Riccioli, avec la plus grande & la plus petite libration. Ces trois figures du disque de la lune sont assez différentes entr’elles.

On a attribué autrefois beaucoup de puissance à la lune sur les corps terrestres, & plusieurs personnes sont encore dans cette opinion, que les Philosophes regardent comme chimérique. Cependant si on examine la chose avec attention, il ne doit point paroître impossible que la lune ne puisse avoir beaucoup d’influence sur l’air que nous respirons & les différens effets que nous observons. Il est certain que le soleil & la lune sur-tout, agissent sur l’Océan, & en causent le flux & le reflux. Or si l’action de ces astres est si sensible sur la masse des eaux, pourquoi ne le sera-t-elle pas sur l’atmosphere qui les couvre ? Pourquoi ne causera-t-elle pas dans cette atmosphere des mouvemens & des altérations sensibles ? Il est vrai que le vulgaire tombe dans beaucoup d’erreurs à ce sujet, & nous ne prétendons point adopter tous les préjugés sur la nouvelle lune, sur les effets de la lune, tant en croissant ou en décours, sur les remedes qu’il faut faire quand la lune est dans certains signes du zodiaque ; mais nous croyons pouvoir dire que plusieurs vents, par exemple, & les effets qui en résultent, peuvent être attribués très-vraissemblablement à l’action de la lune ; que par son action sur l’air que nous respirons, elle peut changer la disposition de nos corps, & occasionner des maladies : il est vrai que comme les dérangemens qui arrivent dans l’atmosphere ont encore une infinité d’autres causes dont la loi ne paroît point reglée, les effets particuliers de la lune se trouvant mélés & combinés avec une infinité d’autres, sont par cette raison très-difficiles à connoître & à distinguer ; mais cela n’empêche pas qu’ils ne soient réels, & dignes de l’observation des Philosophes. Le docteur Mead, célebre medecin anglois, a fait un livre qui a pour titre, de imperio solis ac lunæ in corpore humano, de l’empire du soleil & de la lune sur les corps humains.


Jusqu’ici nous n’avons presque fait que traduire l’article lune tel qu’il se trouve à peu-près dans l’encyclopédie angloise, & nous y avons joint quelques remarques tirées de différens auteurs, entr’autres des institutions astronomiques de M. le Monnier. Il s’agit à présent d’entrer dans le détail de ce que les savans de notre siecle ont ajouté à la théorie de M. Newton.

Ce qu’on a lû jusqu’ici dans cet article contient les phénomenes du mouvement de la lune, tels à peu près que les observations les ont fait connoître successivement aux Astronomes, & tels que M. Newton a tenté de les expliquer : nous disons a tenté, car quelque estimable que soit l’essai de théorie que ce grand homme nous a donné sur ce sujet, on a dû voir, par ce qui précede, que cet essai laisse encore beaucoup à desirer ; la raison en est que M. Newton n’avoit point résolu le problème fondamental, nécessaire pour trouver les différentes irrégularités de la lune ; ce problème consiste à déterminer au moins par approximation, l’équation de l’orbite que la lune décrit autour de la terre ; c’est une branche du problème fameux connu sous le nom du problème des trois corps. Voyez Problème des trois corps.

La lune est attirée vers la terre en raison inverse du quarré de la distance, suivant la loi générale de la gravitation (voyez Gravitation), & en même tems elle est attirée par le soleil ; mais comme la terre est aussi attirée par ce dernier astre, & qu’il s’agit ici non du mouvement absolu de la lune, mais de son mouvement par rapport à la terre, il faut transporter à la lune en sens contraire, l’action du soleil sur la terre, ainsi que la force avec laquelle la lune agit sur la terre (voyez les mém. de l’académie de 1745, pag. 365.) ; & en combinant ces différentes actions avec la force de gravitation de la lune vers la terre, il en résultera deux forces, l’une dirigée vers la terre, l’autre perpendiculaire au rayon vecteur. La force dirigée vers la terre est composée de deux parties, dont l’une est la force d’attraction de la lune vers la terre, & l’autre est très-petite par rapport à celle-là, & dépendante de celle du soleil. Il s’agit donc de trouver l’équation de la courbe, que la lune décrit en vertu de ces forces, & son intégration approchée ; or c’est ce que M. Euler, M. Clairaut & moi, avons trouvé en 1747 par différentes méthodes, qui toutes s’accordent quant au résultat. Je donnerai au mot Problème des trois corps, une idée de la mienne, qui me paroît la plus simple de toutes ; mais quelque jugement qu’on en porte, il est certain que les trois méthodes conduisent exactement aux mêmes conclusions. La seule difficulté est dans la longueur peut-être du calcul. On peut en voir la preuve dans les ouvrages que Messieurs Euler, Clairaut & moi, avons publiés sur ce sujet. Celui de M. Euler a pour titre Theoria motûs lunæ ; celui de M. Clairaut est la piece qui a remporté le prix à Petersbourg en 1751, & le mien est intitulé Recherches sur différens points importans du système du monde.

M. Euler est le premier qui ait imaginé de donner aux tables de la lune une nouvelle forme différente de celle de M. Newton ; au lieu de faire varier l’équation du centre, il regarde l’excentricité comme constante, & il ajoute à l’équation du centre une autre équation qu’on peut appeller évection (voyez Evection), & qui fait à peu-près le même effet que la variation supposée par M. Newton a l’excentricité, & au mouvement de l’apogée. M. Euler a publié le premier des tables suivant cette nouvelle forme, & dans lesquelles il a fait encore quelques autres changemens à la forme des tables de M. Newton ; on peut voir sur cela le premier volume de ses opuscules, Berlin 1746 : mais ses tables très-commodes & très expéditives pour le calcul, avoient le défaut de n’être pas assez exactes. M. Mayer, célebre astronome de Gottingue, a perfectionné ces mêmes tables, en suivant la théorie de M. Euler, & en la corrigeant par les observations ; du reste il a conservé la forme donnée par M. Euler aux tables de la lune, & il l’a même encore simplifiée ; par ce moyen il a formé de nouvelles tables, qui ont paru en 1753, dans le second volume des mém. de l’acad. de Gottingen, & qui ont l’avantage d’être jusqu’ici les plus commodes & les plus exactes que l’on connoisse ; aussi l’académie royale des Sciences de Paris les a-t-elle adoptées par préférence à toutes les autres, dans la connoissance des tems pour l’année 1760 ; cependant malgré toutes les raisons qu’on a de croire les tables de M. Mayer plus exactes que les autres, il est nécessaire, pour n’avoir aucun doute là-dessus, de les comparer à un plus grand nombre d’observations ; & j’ai exposé dans la troisieme partie de mes recherches sur le système du monde, les doutes qu’on pourroit encore former sur l’exactitude de ces mêmes tables, ou du-moins les raisons de suspendre son jugement à cet égard, jusqu’à ce qu’on en ait fait une plus longue épreuve.

M. Clairaut & moi avons aussi publié des tables de la lune suivant notre théorie ; celles de M. Clairaut, qui sont moins exactes que celles de M. Mayer, ont encore l’inconvénient de demander beaucoup plus de tems pour le calcul, parce qu’elles renferment un très-grand nombre d’équations. On assure que M. Clairaut a depuis ce tems perfectionné & simplifié beaucoup ces mêmes tables, mais il n’a encore rien publié de son travail dans le moment où nous écrivons ceci (le 15 Nov. 1759). Pour moi je me suis presque borné à donner d’après ma théorie, des tables de correction pour celle des institutions astronomiques ; mais j’ai reconnu depuis par la comparaison avec les observations & avec les meilleures tables, que ces tables de correction pourroient être perfectionnées à plusieurs égards ; non-seulement je les ai perfectionnées, mais j’ai plus fait, j’ai dressé des tables de la lune entierement nouvelles, dont le calcul est très expéditif, & qui, je crois, répondront assez exactement aux observations. Je n’en dirai pas davantage ici, parce que ces tables auront probablement vû le jour avant que cet article paroisse.

Ces nouvelles tables sont dressées en partie sur les calculs que j’ai faits par théorie, en partie sur la comparaison que j’ai faite de mes premieres tables avec celles de Messieurs le Monnier & Mayer, qui ont été comparées jusqu’ici à un plus grand nombre d’observations que les autres, & qui ont l’avantage de s’en écarter peu, & d’être d’ailleurs les plus expéditives pour le calcul, & les plus familieres aux Astronomes. La raison qui m’a déterminé à ne pas dresser mes tables uniquement d’après la théorie, c’est l’épreuve que j’ai faite par mes propres calculs, & par ceux des autres, de la plûpart des coefficiens des équations lunaires, dont on ne peut, ce me semble, assurer qu’aucun soit exact à une minute près, & peut-être davantage. Cet inconvénient vient 1°. de ce que le nombre de petits termes & de petites quantités qui entrent dans chacun de ces coefficiens est si grand, qu’on n’est jamais assuré de n’en avoir point omis qui puisse produire d’effet sensible. 2°. De ce que plusieurs des series qui expriment les coefficiens sont assez peu convergentes. 3°. Enfin de ce qu’il y a des termes qui étant très-petits dans la différencielle, peuvent devenir très-grands, ou au moins beaucoup plus grands par l’intégration. On peut voir les preuves de tout cela dans mes recherches sur le système du monde, premiere & troisieme parties, & dans un écrit inséré à la fin de la seconde édition de mon traité de dynamique, en réponse à quelques objections qui m’avoient été faites sur ce sujet.

Une des preuves les plus frappantes de ce que j’avance ici sur l’incertitude des coefficiens des équations lunaires, c’est l’erreur où nous avons été long-tems Messieurs Euler, Clairaut & moi, sur le mouvement de l’apogée de la lune. Nous nous étions bornés tous trois à calculer d’abord le premier terme de la serie qui exprime ce mouvement, nous avons trouvé que ce terme ne donnoit que la moitié du mouvement réel de l’apogée, parce que nous supposions tacitement que le reste de la serie pouvoit se négliger par rapport au premier terme ; de-là M. Clairaut avoit conclu que la gravitation n’étoit pas la raison inverse du quarré des distances, mais qu’elle suivoit quelqu’autre loi ; en quoi il faut avouer que sa conclusion a été trop précipitée, puisque quand même le mouvement de l’apogée trouvé par la théorie ne seroit que la moitié de ce qu’il est réellement, on pourroit sans changer la loi d’attraction & y substituer une loi bisarre, attribuer cet effet comme je l’avois imaginé, à quelque cause particuliere différente de la gravitation, comme à la force magnétique, dont M. Newton fait mention expressément. On peut voir dans les mém. de l’acad. des Sciences de 1745, la dispute de Messieurs Clairaut & de Buffon sur ce sujet. On peut aussi consulter l’article Attraction, & mes recherches sur le système du monde, premiere partie, art. 173. Quoi qu’il en soit, M. Clairaut s’apperçut le premier de l’erreur commune à nos calculs, & me communiqua la remarque qu’il en avoit faite ; on peut en voir le détail dans mes recherches sur le système du monde, art. 107 & suivans. Il m’apprit qu’ayant voulu calculer le second terme de la serie du mouvement de l’apogée, pour connoître à très-peu près ce que le fond de la gravitation donnoit pour le mouvement, il lui étoit venu un second terme qui n’étoit pas fort différent du premier, ce qui rendoit à la gravitation tout son effet pour produire le mouvement entier de l’apogée. Cette remarque, il faut l’avouer, étoit très forte en faveur de la gravitation ; cependant il est évident qu’elle ne suffit pas encore pour décider la question ; car puisque les deux premiers termes de la serie étoient presque égaux, le troisieme pouvoit l’être encore aux deux premiers ; & en ce cas, selon le signe de ce troisieme terme, on auroit trouvé le mouvement de l’apogée beaucoup plus grand ou beaucoup plus court qu’il ne falloit pour la théorie de la gravitation. Il étoit donc absolument nécessaire de calculer ce troisieme terme, & même quelques-uns des suivans, pour s’assurer si la théorie de la gravitation répondoit en effet aux phénomenes ; car jusques-là, je le répete, il n’y avoit encore rien de décidé. J’entrepris donc ce calcul, que jusqu’ici aucun autre géometre n’a fait encore. J’en ai donné le résultat dans mes recherches sur le système du monde, au chap. xx. de la premiere partie, & il en résulte que le mouvement de l’apogée trouvé par la théorie, est tel que les observations le donnent. Voilà ce que l’Astronomie doit à M. Clairaut & à moi sur cette importante matiere.

Une autre remarque qui m’est entierement dûe, & que je communiquai à M. Clairaut au mois de Juin 1748, c’est le calcul des termes, qui dans l’équation de l’orbite lunaire ont pour argument la distance du soleil à l’apogée de la lune. M. Clairaut croyoit alors, faute d’avoir calculé tous les termes essentiels qui entrent dans cette équation, qu’elle montoit à environ 35 ou 40 minutes ; ce qui, comme M. Clairaut le croyoit alors, renversoit entierement la théorie & le système neutonien ; je lui fis voir que cette équation étoit beaucoup moindre, & de deux à trois minutes seulement ; ce qui rétablissoit la théorie dans tous ses droits.

Je ne dois pas oublier d’ajouter 1°. que ma méthode pour déterminer le mouvement de l’apogée, est très-élégante & très-simple, n’ayant besoin d’aucune intégration, & ne demandant que la simple inspection des coefficiens du second terme de l’équation différencielle. 2°. que j’ai démontré le premier par une méthode rigoureuse, ce que personne n’avoit encore fait, & n’a même fait jusqu’ici, que l’équation de l’orbite lunaire ne devoit point contenir d’arcs de cercle ; si on ajoute à cela la maniere simple & facile dont je parviens à l’équation différentielle de l’orbite lunaire, sans avoir besoin pour cela, comme d’autres géometres, de transformations & d’intégrations multipliées ; & le détail que j’ai donné ci-dessus de mes travaux & de ceux des autres géometres, on conviendra, ce me semble, que j’ai eu plus de part à la théorie de la lune que certains mathématiciens n’avoient voulu le faire croire. Je ne dois pas non plus passer sous silence la maniere élégante dont M. Euler integre l’équation de l’orbite lunaire ; méthode plus simple & plus facile que celle de M. Clairaut & que la mienne ; & cette observation jointe à ce que j’ai dit plus haut des travaux de ce grand géometre, par rapport à la lune, suffira pour faire voir qu’il a aussi travaillé très utilement à cette théorie, quoiqu’on ait aussi cherché à le mettre à l’écart autant qu’on l’a pû. L’Encyclopédie faite pour transmettre à la postérité l’histoire des découvertes de notre siecle, doit par cette raison rendre justice à tout le monde ; & c’est ce que nous croyons avoir fait dans cet article. Comme ce manuscrit est prêt à sortir de nos mains pour n’y rentrer peut-être jamais, nous ajouterons par la suite dans les supplémens de l’Encyclopédie ce qui aura été ajouté à la théorie de la lune, depuis le mois de Novembre 1759, où nous écrivons cet article.

Nous avons dit plus haut que M. Halley avoit commencé l’observation d’une période de deux cens vingt-trois lunaisons, & que M. le Monnier avoit continué ce travail ; le public en a déja recueilli le fruit, M. le Monnier ayant publié deux volumes de ses observations, qui serviront à connoître l’erreur des tables ; il continue ce travail avec ardeur & avec assiduité ; & il espere publier successivement le résultat de ses observations à la fin de chaque période ; au reste il ne faut pas croire, comme je l’ai remarqué & prouvé ce me semble le premier dans mes recherches sur le système du monde, troisieme partie, qu’au bout de la période de deux cens vingt-trois lunaisons, les inégalités reviennent exactement les mêmes ; mais la différence n’est pas bien considérable, & au moyen d’une méthode facile que j’ai indiquée, on peut déterminer assez exactement l’erreur des tables pour chaque lieu calculé de la lune. Voyez l’article xxxj. de l’ouvrage cité.

Pour achever de rendre compte des travaux des Géometres de notre siecle sur la lune, il ne nous reste plus qu’à parler de leurs recherches sur la masse de cette planete. M. Newton, par quelques phenomenes des marées, avoit essayé de la déterminer. Voyez Flux & Reflux. M. Daniel Bernouilli a depuis corrigé ce calcul ; enfin par une théorie de la précession des équinoxes & de la nutation, j’ai déterminé la masse de la lune d’environ un de celle de la terre ; c’est-à-dire environ la moitié de ce qu’avoit trouvé M. Newton ; ce calcul est fondé sur ce que la nutation de l’axe de la terre vient presque uniquement de la force lunaire, & qu’au contraire la précession vient de la force lunaire & de la force solaire réunies ; d’où il s’ensuit qu’on trouvera le rapport des deux forces, en comparant la quantité observée de la nutation avec la quantité observée de la précession. Or le rapport des forces étant connu, on en déduit aisément la masse de la lune. Voyez mes recherches sur la précession des équinoxes, 749, & la seconde partie de mes recherches sur le système du monde, liv. III. art. iij. voyez aussi les articles Nutation & Précession.

J’ajouterai ici que dans l’hypothese de la non-sphéricité de la lune, la terre & le soleil doivent produire dans l’axe de cette planete un mouvement analogue à celui que l’action de la lune & du soleil produisent dans l’axe de la terre, & d’où résulte la précession des équinoxes ; sur quoi voyez mes recherches sur le système du monde, seconde partie, articles cccxliij & suiv. voyez aussi l’article Libration. Au reste, si les diametres de la lune sont inégaux, leur inégalité est très-peu sensible par les observations, comme je l’ai prouvé dans les mêmes recherches, seconde partie, art. ccclxxvj & suiv. (O)

Lune, (Chimie.) nom que les Chimistes donnent à l’argent. Voyez Argent.

Lune, crystaux de, (Chimie.) c’est ainsi que s’appelle le sel qui résulte de l’union de l’acide nitreux & de l’argent. Les crystaux de lune fondus & moulés dans une lingotiere, fournissent la pierre infernale des Chirurgiens. Voyez Pierre infernale. (b)

Lune, (Hist. nat. Chimie, Métallurgie & Minéralogie.) luna chimicorum ; c’est le nom sous lequel un grand nombre de Chimistes ont désigné l’argent.

Comme dans l’article Argent, contenu dans le premier volume de ce Dictionnaire, on n’est point entré dans tous les détails nécessaires pour faire connoître ce métal, ses mines & les opérations par lesquelles on est obligé de le faire passer, on a cru devoir y suppléer ici, afin de ne rien laisser à desirer au lecteur sur une matiere si intéressante.

L’argent est un des métaux que l’on nomme parfaits, à cause de la propriété qu’il a de ne point s’altérer ni dans le feu, ni à l’air, ni dans l’eau. Il est d’un blanc brillant, dur, sonore ; & c’est après l’or, le plus ductile des métaux. Sa pesanteur est à celle de l’eau comme 11091 est à 1000. Son poids est à celui de l’or environ comme 5 est à 9. L’argent entre en fusion plus promptement que le cuivre. Il se dissout très-aisément dans l’acide nitreux ; il se dissout dans l’acide vitriolique, lorsqu’on fait bouillir ce dissolvant. Il s’unit avec l’acide du sel marin qui le dégage & le précipite des autres dissolvans, & forme avec lui ce qu’on appelle lune cornée. Il a beaucoup de disposition à s’unir avec le soufre, & par cette union l’argent devient noir ou rougeâtre. Il s’amalgame très-bien avec le mercure. Il ne se dissout point dans le feu par la litharge ou le verre de plomb.

L’argent se montre sous un grand nombre de formes différentes dans le sein de la terre, ce qui fait que les Minéralogistes en comptent plusieurs mines différentes.

1°. Ce métal se trouve sous la forme qui lui est propre, c’est ce qu’on nomme argent-vierge ou argent-natif, alors il est très-aisé à reconnoître ; il se montre sous différentes formes, tantôt il est en masses compactes & solides, que les Espagnols nomment pepitas. Il y en a de différentes grandeurs ; M. Henckel dans la préface de sa pyritologie nous apprend que l’on trouva autrefois dans les mines de Freyberg en Misnie une masse d’argent natif qui pesoit 400 quintaux. L’argent natif se trouve plus communément par lames ou en petits feuillets attachés à la pierre qui lui sert de matrice. Il forme souvent des ramifications semblables à des arbrisseaux ou à des feuilles de sapin, enfin il ressemble très-souvent à des fils ou à des poils. Cet argent natif n’est point parfaitement pur, il est souvent mêlé d’arsenic ou de soufre ou même de cuivre.

2°. L’argent est minéralisé avec du soufre seul, & forme la mine que l’on nomme mine d’argent vitreuse, parce qu’elle a quelque ressemblance avec du verre. Elle a à peu près la couleur du plomb, quoique cependant elle soit un peu plus noire que ce métal. Cette mine est si tendre, qu’on peut la couper avec un couteau ; elle prend différentes formes, & se méle souvent avec des mines d’autres métaux. Cette mine d’argent est très-riche, & ne contient que peu de soufre.

3°. La mine d’argent rouge n’est composée que d’argent, de soufre & d’arsenic ; tantôt elle est par masses compactes & irrégulieres, tantôt elle est en crystaux réguliers d’un rouge vif comme celui du rubis ou du grenat ; tantôt elle est d’un brun noirâtre, & sans transparence, alors elle est-très-riche ; quelquefois elle forme des especes de lames ou d’écailles. Cette mine se trouve fort abondamment dans les mines d’Andreasberg au Hartz. Cette mine d’argent écrasée donne une poudre rouge : exposée au feu, elle pétille & se gerse ; après quoi elle entre aisément en fusion, & le feu en dégage l’arsenic.

4°. La mine d’argent cornée, en allemand horn-ertz ; elle est extrèmement rare ; c’est de l’argent qui a été minéralisé par l’acide du sel marin, suivant quelques auteurs ; & par l’arsenic, suivant d’autres. Il y en a de la brune, & un peu transparente comme de la corne ; ce qui lui a fait donner son nom ; cette espece est cassante. Il y en a aussi qui a une couleur qui approche de celle des perles ; elle est demi-transparente & ductile. Cette mine se volatilise à un grand feu. On en a trouvé à Johann-Georgenstadt en Misnie.

5°. La mine d’argent blanche est composée d’argent, de cuivre, de soufre, d’arsenic, & quelquefois d’une petite portion de plomb. C’est improprement qu’on lui donne le nom de mine d’argent blanche, vû qu’elle est d’un gris clair. Plus elle contient de cuivre, plus elle est d’une couleur foncée, & alors on la nomme mine d’argent grise, en allemand fahl-ertz. C’est relativement à cette derniere que la premiere s’appelle blanche. Ces mines varient pour la quantité d’argent qu’elles contiennent ; souvent elles en ont jusqu’à vingt marcs par quintal.

6°. La mine d’argent en plumes, en allemand feder-ertz ; c’est une mine composée de petites houpes semblables à des poils ou aux barbes d’une plume ; elle est légere & noire comme de la suie, & colore les doigts. C’est de l’argent minéralisé par le soufre, l’arsenic & l’antimoine. On pourroit soupçonner que cette mine est formée par la décomposition de celle que les Allemands nomment leber-ertz, ou mine de foie, qui n’est autre chose que l’argent minéralisé par le soufre & l’antimoine ; elle est brune, & se trouve à Braunsdorf en Saxe.

7°. La mine d’argent de la couleur de merde d’oie, est un mélange de la mine d’argent rouge & grise, de l’argent natif dans une roche verdâtre ou dans une espece d’ochre. Elle est très-rare.

Telles sont les principales mines d’argent ; mais ce métal se trouve encore en plus ou moins d’abondance dans les mines d’autres métaux ; c’est ainsi qu’il n’y a presque point de mine de plomb qui ne contienne une portion d’argent ; il n’y a, dit-on, que la mine de plomb de Willach en Carinthie, qui n’en contient point du tout. Voyez Plomb. Plusieurs terres ferrugineuses jaunes & couleur d’ochre, contiennent aussi de l’argent ; les Allemands les nomment gilben. On trouve des terres noires qui ne sont que des mines décomposées qui renferment ce métal. L’argent se rencontre aussi dans des mines de fer, dans celles de cobalt, dans des pyrites, dans la blende ou mine de zinc. On en trouve dans des ardoises ou pierres feuilletées, dans des terres argilleuses, dans quelques especes de guhrs, &c. L’or natif est souvent mélé d’une portion d’argent. Voy. Or.

M. de Justi, célebre minéralogiste allemand, assure avoir trouvé à Annaberg en Autriche, une mine dans laquelle l’argent se trouvoit minéralisé avec un alkali, & enveloppé dans de la pierre à chaux. Cette découverte seroit importante dans la minéralogie, vû que jusqu’ici on ne connoissoit que le soufre & l’arsenic, qui fussent propres à minéraliser les métaux. Cependant il y a lieu de douter de la réalité de la découverte de M. de Justi, qui demande des preuves plus convaincantes que celles qu’il a données jusqu’à présent au public.

Il est bon de remarquer que la plûpart des minéralogistes ont donné le nom de mines d’argent à des mines qui contenoient une très-petite quantité de ce métal, contre une beaucoup plus grande quantité, soit de cuivre, soit de fer, &c. On sent que ces dénominations sont vicieuses, & qu’il seroit plus exact de nommer ces mines d’après le métal qui y domine, en ajoutant qu’elles contiennent de l’argent ; ainsi la mine d’argent grise pourroit s’appeller mine de cuivre tenant argent. Il en est de même de beaucoup d’autres.

Aucun pays ne produit une aussi grande quantité d’argent que l’Amérique espagnole ; c’est sur-tout dans le Potosi & le Méxique que se trouvent les mines les plus abondantes de ce métal. L’Europe ne laisse pas d’en fournir une très-grande quantité. On en trouve principalement dans les mines du Hartz, qui produisent un revenu très-considérable pour la maison de Brunswick. Les mines de Freyberg en Misnie, ont été pareillement depuis plusieurs siecles, une source de richesses pour la maison de Saxe. L’Espagne fournissoit autrefois une quantité d’argent presqu’incroyable aux Carthaginois & aux Romains. Pline nous apprend qu’Annibal en tiroit réguliérement de la seule mine de Belbel trois cens livres par jour. Il paroît que depuis que ce pays eut été entierement soumis aux Romains, ces fiers conquérans tirerent d’Espagne la valeur de 111542 livres d’argent dans l’espace de neuf années. La Norvege produit aussi une assez grande quantité d’argent. On trouvera dans le premier volume de ce Dictionnaire à l’article Argent, les noms des principaux endroits du monde, où l’on trouve des mines de ce métal, ainsi que les différens noms que les Espagnols donnent aux différentes mines du Potosi.

Lorsque l’on a trouvé une mine d’argent, il faudra s’assurer par les essais de la quantité de ce métal qui y est contenu. Si c’est de l’argent natif, on n’aura qu’à dégager ce métal de la matrice ou de la roche qui l’enveloppe, après quoi on le fera fondre dans un creuset avec du flux noir ; ou bien on joindra la mine pulvérisée avec du mercure, qui formera un amalgame avec l’argent ; on passera cet amalgame par une peau de chamois, & on prendra la masse qui sera restée dans le chamois, & on la placera sous une moufle pour en dégager le mercure ; par ce moyen l’on aura l’argent seul que l’on pesera. Si la mine d’argent que l’on voudra essayer est ou sulfureuse ou arsenicale, ou l’un & l’autre à-la-fois, on commencera par la pulvériser grossierement, on la fera griller doucement pour en dégager les substances étrangeres ; après quoi on fera fondre huit parties de plomb dans une écuelle placée sous une moufle ; on y portera une partie de la mine grillée & encore chaude, que l’on aura mélée préalablement avec partie égale de litharge ; on augmentera le feu, on remuera le mélange, afin que l’argent qui est dans la mine puisse s’incorporer avec le plomb fondu ; lorsqu’il se sera formé une scorie semblable à du verre à la surface, on vuidera le tout dans un cône frotté de suif ; le plomb uni à l’argent tombera au fond, & formera un culot ou régule, à la surface duquel seront les scories que l’on pourra en détacher. Ce régule est alors en état de passer à la coupelle. Voyez Coupelle & Essai.

Les mines d’argent se traitent en grand de trois manieres ; savoir 1°. par la simple fusion ; 2°. en les joignant soit avec du plomb, soit avec de la litharge, soit avec des mines de plomb ; 3°. en les amalgamant avec du mercure.

Lorsque les mines d’argent sont très-riches, telles que celles qui contiennent de l’argent vierge, les mines d’argent rouges & blanches, &c. on les fait griller pour dégager les parties sulfureuses & arsenicales qui pourroient y être jointes ; après quoi on les fait fondre simplement dans le fourneau, & en leur joignant un fondant qui puisse vitrifier la pierre qui sert de matrice à la mine d’argent, par-là ce métal se dégage & tombe au fond du fourneau. On le purifie ensuite pour lui enlever les substances étrangeres qui ont pû se combiner avec lui.

Mais comme les mines d’argent vierge sont assez rares, & comme ce métal est plus communément joint en petite quantité avec un grand volume d’autres métaux, tels que le cuivre & le plomb, on est obligé de joindre du plomb ou de la mine de plomb, avec de la mine d’argent, après l’avoir grillée, afin que le plomb s’unisse avec ce métal, le sépare des autres métaux, & l’entraîne au fond du fourneau, tandis que les matieres hétérogenes sont converties en scories, & nagent à sa surface. Ce plomb ainsi combiné avec l’argent, se nomme plomb d’œuvre ; on le verse dans des poellons de fer, où il refroidit & prend de la consistance. Voyez Œuvre. Ce plomb uni avec l’argent est en gâteaux, que l’on porte à la grande coupelle, où le plomb est converti en un verre que l’on nomme litharge, & l’argent seul reste sur la coupelle. Voyez Coupelle.

Lorsque les mines sont peu riches en argent, on tâche de rapprocher & de concentrer sous un moindre volume l’argent qu’elles contiennent, sans quoi on dépenseroit trop en plomb pour les mettre en fusion. Pour cet effet, on mêle ces mines d’argent avec des scories & avec des pyrites, & on les fait fondre au fourneau ; c’est ce qu’on appelle dégrossir la mine. Ce travail produit un mélange ou une matte, que l’on fait passer par différens feux pour la griller ; après quoi on joint ces mattes grillées avec des mines d’argent plus riches, ou avec du plomb ou des mines de plomb que l’on traite de la maniere indiquée ci-dessus, alors le produit s’appelle matte de plomb ; elle nage au-dessus du plomb d’œuvre & au-dessous des scories. Lorsque la matte de plomb a été grillée convenablement, on en fait l’essai en petit, pour savoir la quantité d’argent qu’il donne à la grande coupelle.

Lorsque des mines de cuivre contiennent une portion d’argent, on l’obtient en joignant du plomb au cuivre, opération qui se nomme liquation. Voyez cet article.

Dans les pays où l’on trouve beaucoup d’argent vierge, ou bien où le bois est trop rare pour qu’on fasse fondre ces mines, on les traite par l’amalgame, en les écrasant & en les triturant ensuite avec le mercure que l’on fait évaporer ensuite par le moyen du feu ; c’est là ce qui se pratique au Pérou, au Potosi & dans les autres endroits de l’Amérique espagnole. Voyez Pignes.

Au sortir des travaux en grand, il est très-rare que l’argent soit d’une pureté parfaite : quand on veut l’avoir entierement pur, on est obligé de le faire passer par de nouvelles opérations ; la principale est celle de la coupelle, voyez Coupelle. Elle est fondée sur la propriété que le plomb a de vitrifier tous les métaux, à l’exception de l’or & de l’argent ; mais la coupelle n’a point toujours purifié l’argent aussi parfaitement qu’on le desire, alors pour achever de le rendre pur, on se sert du soufre. Pour cet effet, on prendra de l’argent de coupelle que l’on mettra dans un creuset avec du soufre ; on donnera un feu assez fort pour que l’argent entre en fusion ; lorsqu’il sera parfaitement fondu, on vuidera la matiere dans un mortier de fer ; lorsqu’elle sera refroidie, elle aura la couleur du plomb & sera semblable à la mine d’argent vitreuse. On divisera cette masse & on la pulvérisera autant qu’il sera possible ; on la mettra dans une écuelle de terre, où on la fera calciner pour en dégager le soufre ; lorsqu’il sera entierement dissipé, on fera fondre l’argent avec du borax & de l’alkali fixe, & l’argent qu’on obtiendra sera parfaitement pur.

On peut encore purifier l’argent par le moyen du nitre. On n’a pour cela qu’à faire fondre de l’argent de coupelle avec ce sel, & le tenir en fusion jusqu’à ce qu’il n’en parte plus aucune vapeur. Alors l’argent sera aussi pur que l’on puisse le desirer ; on jugera que ce métal aura été parfaitement purifié, lorsque les scories qui se forment à sa surface n’auront aucune couleur verte.

On purifie encore l’argent par le moyen de l’antimoine crud, dont le soufre s’unit aux métaux qui sont alliés avec l’argent, sans toucher à ce métal qui se combine avec la partie réguline de l’antimoine. On le sépare ensuite de ce régule en le faisant détonner avec le nitre qui réduit l’antimoine en chaux sans décomposer l’argent.

Pour s’assurer si l’argent est pur, on n’aura qu’à le faire dissoudre dans de l’eau forte ; pour peu qu’il donne une couleur verte à ce dissolvant, on aura lieu d’être convaincu que l’argent contenoit encore quelques portions de cuivre. C’est souvent le plomb qui a été joint avec l’argent dans la coupelle, qui lui communique du cuivre, & c’est ce cuivre qui est cause du déchet que l’on éprouve lorsqu’on fait fondre l’argent à plusieurs reprises, parce qu’alors l’action du feu calcine le cuivre, ce qui est cause du déchet dont on s’apperçoit. Si on verse de l’alkali volatil sur de l’argent, il se colorera en bleu, pour peu que ce métal contienne du cuivre.

Lorsque l’argent est parfaitement pur, il est fort mou, au point qu’il est difficile d’en faire des ouvrages d’orfévrerie, c’est pour cela qu’on l’allie communément avec du cuivre pour lui donner du corps. D’où l’on voit que les vaisseaux d’argent ainsi allié, peuvent avoir souvent les mêmes dangers que les vaisseaux ou ustensiles de cuivre. Si l’on vouloit avoir des pieces d’argent parfaitement pur, il faudroit les faire faire plus épaisses & plus fortes.

Les Orfévres pour donner de la blancheur & de l’éclat aux ouvrages d’argent, les font bouillir dans une eau où ils ont fait dissoudre du tartre avec du sel marin, auxquels quelques-uns joignent du sel ammoniac. On sent aisément que cette opération n’est point une vraie purification ; elle ne pénetre point dans l’intérieur de l’argent, & n’enleve que les parties cuivreuses qui se trouvent à la surface.

Ce qu’on appelle le titre de l’argent, est son degré de pureté. Une masse d’argent quelconque se divise en douze parties, que l’on nomme deniers, & chaque denier en trente deux grains. Ainsi si une masse étoit composée de onze parties d’argent fin & d’une partie de cuivre, on diroit que cet argent est à onze deniers & ainsi de suite. En Allemagne l’argent eu égard à sa pureté, se divise en seize parties que l’on nomme loths ou demi-onces. La maniere dont les Orfévres jugent communément de la pureté ou du titre de l’argent est très-peu exacte ; ils frottent la piece d’argent qu’ils veulent connoître sur une pierre de touche, sur la trace que ce métal a laissé sur la pierre, ils mettent de l’eau forte ; si elle devient verte ou bleuâtre, ils jugent que cet argent contient du cuivre, mais ils ne peuvent point connoître par-là la quantité de cuivre que l’argent contient ; d’ailleurs cette épreuve ne peut faire connoître si les morceaux qu’on leur présente ne renferment point quelque autre métal à leur intérieur.

Les Chimistes ont long-tems cru que l’argent non plus que l’or ne pouvoit point se calciner, c’est à-dire, que l’action du feu ne pouvoit point le décomposer ou lui enlever son phlogistique ; maintenant on est convaincu de cette vérité. On n’a qu’à prendre de l’argent en limaille, ou ce qui vaut encore mieux, on prendra de l’argent, qui aura été dissout dans de l’eau forte, on l’exposera pendant deux mois à un feu de réverbere qui ne soit point assez fort pour le faire fondre, & l’on obtiendra une véritable chaux d’argent ; d’où l’on voit que l’argent perd son phlogistique, quoique plus lentement que les autres métaux. Cette chaux d’argent vitrifiée donne un verre jaune.

L’auteur d’un ouvrage allemand fort estimé des Chimistes, qui a pour titre Alchymia denudata, indique un autre moyen pour calciner l’argent. Il dit de mettre l’argent en cementation avec de la craie, de la corne de cerf, &c. & de l’exposer ensuite à un feu de réverbere. Le même auteur donne encore un autre procedé ; il consiste à dissoudre l’argent dans l’acide nitreux ; on met cette dissolution dans une cornue, on y ajoute de l’acide vitriolique & du mercure. On pousse le feu fortement ; d’abord il passe un peu de mercure dont une partie demeure unie avec les acides, mais il s’attache au col de la cornue un vrai cinnabre. En répétant plusieurs fois cette opération, la quantité du cinnabre qui s’attache au col de la cornue augmente, & à la fin on ne retrouve plus d’argent. M. Rouelle trouve que ce procedé démontre que l’acide vitriolique s’unit avec le phlogistique de l’argent, ce qui fait du soufre, & ce soufre en se combinant avec le mercure forme un vrai cinnabre.

De l’argent pur exposé à un feu très-violent pendant un mois n’a perdu qu’un de son poids ; au lieu que l’or pur, exposé à ce même feu pendant trois mois, n’a souffert aucun déchet.

L’argent se dissout dans l’acide nitreux, dans l’acide vitriolique & dans l’acide du sel marin, mais ce métal n’est point attaqué par l’eau régale. Les acides tirés des végétaux agissent sur l’argent, pourvû que son aggrégation soit rompue, c’est-à-dire, pourvû qu’il soit dans un état d’atténuation & de division. Pour faire dissoudre ce métal dans l’acide nitreux, il faut le réduire en lames bien minces que l’on fera rougir pour les rendre plus nettes, & que l’on trempera dans de l’esprit de nitre étendu d’eau ; il se fera une effervescence, & lorsqu’elle sera finie la dissolution sera faite ; elle sera claire & un peu jaunâtre, si l’argent est parfaitement pur, mais elle deviendra verdâtre si l’argent contient du cuivre. Si l’argent contient de l’or, ce dernier métal tombera au fond du vaisseau sous la forme d’une poudre ; c’est sur cette expérience qu’est fondée la maniere de séparer l’or d’avec l’argent. Voyez Départ & Quartation.

L’acide vitriolique & l’acide du sel marin ont plus de disposition à s’unir avec l’argent, que l’acide nitreux ; ainsi lorsque l’argent a été dissout dans de l’eau forte, mêlée d’acide vitriolique & d’acide du sel marin ; ces derniers acides s’emparent de l’argent & se précipitent sous la forme d’un sel, cela fournit un moyen de purifier l’eau forte des autres acides qui y sont mêlés, ce qui se fait en versant quelques gouttes de dissolution d’argent faite par l’acide nitreux, dans l’eau forte que l’on veut purifier, ce que l’on continue jusqu’à ce qu’il ne se précipite plus rien ; alors l’eau forte s’appelle précipitée, & elle est beaucoup plus pure qu’auparavant.

L’argent dissout dans l’acide nitreux, versé dans une eau minérale, est très-propre à faire connoître si cette eau contient le sel appellé séléniteux, qui est une combinaison de l’acide vitriolique & d’une terre calcaire ; si une eau contient de ce sel, elle se trouble & devient laiteuse aussi-tôt qu’on y verse quelques gouttes de dissolution d’argent, parce qu’alors l’acide vitriolique contenu dans la sélénite, quitte la terre calcaire pour s’unir avec l’argent.

L’argent dissout dans l’acide nitreux, noircit la peau. On peut s’en servir pour former des desseins sur l’agathe & le caillou ; secret dont on se sert quelquefois pour tromper les curieux qui font des collections d’histoire naturelle sans connoissance de cause.

En faisant évaporer cette dissolution, on obtient des crystaux blancs, composés de lames qui s’unissent à angles droits, & qui, lorsque l’évaporation s’est faite doucement ressemblent assez à ceux du nitre quadrangulaire ; c’est-là ce que quelques Chimistes ont nommé assez mal à-propos vitriol de lune, on les appelle avec plus de raison crystaux de lune. Lorsqu’avant de faire évaporer la dissolution, on y a joint un peu d’esprit de vin, ces crystaux se nomment hydragogue d’angelus sala ou sel metallorum, parce qu’ils ont un goût amer ; ce remede qui est peu sûr, est corrosif & passe pour un puissant diurétique.

Si on met des crystaux de lune dans du plomb fondu, & qu’on leur donne le tems de s’y incorporer par la fusion, tout l’argent passera dans le plomb. C’est une des fourberies des Alchimistes qui s’en servent pour persuader aux simples, qu’ils savent convertir le plomb en argent.

Si l’on joint du mercure à de l’argent qui a été dissout dans l’acide nitreux, on obtiendra une végétation métallique que l’on nomme arbre de Diane.

Les crystaux de lune unis avec de la dissolution de mercure, étendue dans une grande quantité d’eau, teignent les cheveux en noir. Si on fait évaporer jusqu’à siccité la dissolution d’argent par l’acide nitreux dans une capsule de verre, garnie de terre grasse que l’on place à feu nud ; les crystaux de lune entreront en fusion : en versant la matiere fondue dans des moules, on aura ce qu’on appelle le caustique lunaire ou la pierre infernale. Il faut pour cela de l’argent très-pur, parce que s’il étoit mêlé de cuivre, la pierre infernale attireroit l’humidité de l’air. Cette méthode est celle de M. Rouelle.

Kunckel dit dans son laboratoire chimique, que si l’on fait fondre la pierre infernale dans un creuset, & que l’on y joigue de l’esprit d’urine avec de son sel, spiritum urinæ cum suo sale, en donnant un degré de chaleur convenable, il se fait une masse tenace d’un rouge de sang, & que l’on peut plier comme un fil autour du doigt.

L’argent qui a été dissout dans l’acide nitreux, se précipite par l’alkali fixe, par l’alkali volatil ; mais il ne faut en mettre que ce qui est nécessaire pour saturer l’acide nitreux, sans quoi l’argent qui aura été précipité se dissoudra de nouveau. Cette précipitation se fait encore par les terres calcaires, par le zinc, le fer, le cuivre, le plomb, le bismuth, le mercure ; par ce moyen on a de l’argent très atténué & très-pur que l’on pourra édulcorer avec de l’eau chaude, pour lui enlever l’acide nitreux qui lui est demeuré attaché, & ensuite avec du vinaigre pour en enlever les petites molécules de cuivre qui peuvent encore lui être jointes.

Cette dissolution de l’argent se précipite encore par le moyen de l’acide vitriolique, l’argent tombe sous la forme d’une poudre blanche. Quand on veut dissoudre l’argent dans l’acide vitriolique, il faut que ce dissolvant soit chauffé & que l’aggrégation de ce métal ait été rompue. Le sel produit par la combinaison de l’acide vitriolique & de l’argent est fusible, comme la lune cornée, dont nous allons parler.

Kunckel dit, que si on fait dissoudre de l’argent dans de l’esprit de nitre ; qu’on précipite ce métal par le cuivre, qu’on édulcore & qu’on fasse sécher le précipité ; qu’on y verse ensuite deux parties d’acide vitriolique concentré ; on mettra le tout au bain de sable, & on donnera le degré de feu nécessaire pour faire bouillir le dissolvant & pour l’évaporer, jusqu’à ce que la matiere soit fluide comme de la cire. Si on joint à cette dissolution du mercure vif, elle prendra la consistence d’une pierre, & elle deviendra rouge & malléable. En ajoutant plus d’acide vitriolique, cette masse devient si solide, qu’il n’y a plus que le feu de fusion qui puisse la décomposer. Voyez le laborat. chimiq.

Si dans une dissolution d’argent par l’acide nitreux on verse de l’acide du sel marin, ou du sel marin dissout dans de l’eau, il se fait une effervescence, le mélange devient trouble & il se forme une espece de matiere coagulée, qui n’est autre chose que de l’argent combiné avec l’acide du sel marin ; c’est ce qu’on nomme lune cornée, parce qu’elle entre en fusion à un feu assez foible, & alors elle forme une espece de verre semblable à de la corne. Cette matiere est volatile au feu, insoluble dans l’eau. M. Henckel a cru que cette lune cornée étoit une espece de verre malléable si recherché par les anciens, vû que cette substance a de la fléxibilité. Les Alchimistes ont regardé la lune cornée comme un moyen de parvenir à la calcination de l’argent ; ils ont exposé cette substance pendant long-tems au feu de réverbere sans la laisser entrer en fusion, & ils se promettent de grands effets de cette chaux.

La volatilité de la lune cornée, la rend très-difficile à réduire, il faut pour cela recourir à des intermedes. On met de l’antimoine dans une cornue avec la lune cornée ; on donne un feu très-violent, par ce moyen l’acide du sel marin s’unit à l’antimoine & forme du beurre d’antimoine, & l’argent reste au fond de la cornue uni avec un peu d’antimoine, dont on le sépare en le faisant détonner avec du nitre.

On peut encore faire cette réduction de la lune cornée, en mettant avec elle du plomb dans une cornue, la réduction est faite aussi-tôt que le plomb a été fondu. Il se forme au-dessus du plomb une scorie qui ressemble beaucoup à de la lune cornée, & qui en a le poids ; expérience, qui suivant M. Zimmermann, mérite l’attention des Chimistes.

Le soufre s’unit avec l’argent, & le rend si fusible & si divisé, qu’il perce les creusets, & en même-tems il devient si cassant, que l’on peut le pulvériser. C’est sur la disposition que le soufre a de s’unir à l’argent, qu’est fondée l’opération par laquelle l’on dégage l’or d’avec l’argent par la voie seche, parce que le soufre ne touche point à l’or. Voyez, séparation ou départ par la voie seche. Lorsque l’argent est uni avec le soufre, l’eau forte n’agit plus sur ce métal, parce qu’il est alors entouré d’une enveloppe grasse, qui le défend contre l’action de l’acide. On peut dégager l’argent du soufre, en le faisant fondre avec du cuivre, auquel on pourra joindre un peu de limaille de fer à la fin de l’opération. On peut encore dégager ce soufre par le moyen de l’alkali fixe, en prenant garde de ne point faire du foie de soufre qui dissoudroit l’argent : ce soufre se dégagera aussi, si on joint du mercure sublimé avec l’argent sulfuré, alors le soufre s’unira au mercure & fera du cinnabre, tandis que l’argent s’unira à l’acide du sel marin avec qui il fera la lune cornée.

Les Alchimistes, toujours occupés de mysteres, ont donné plusieurs noms différens à l’argent ; ils ont désigné ce métal sous le nom de luna, lumen minus, regina, Diana, mater Dianæ, fermentum album. Ils ont cru que pour être de l’or, il ne lui manquoit qu’un soufre colorant, mais ils n’ont point jugé à propos de nous expliquer ce qu’ils entendoient par-là.

Les Chimistes disent, que l’argent est composé, 1°. d’une terre fine qui se démontre par sa fixité au feu, & par la difficulté qu’on a de le calciner, 2°. d’une terre inflammable qui est le phlogistique, 3°. d’une terre mercurielle qui lui donne la fusibilité.

A l’exception de la pierre infernale, l’argent n’est d’aucun usage dans la Médecine & dans la Pharmacie ; les prétendues teintures lunaires dont parlent quelques auteurs, sont des remedes très-suspects, vû que l’argent par lui-même ne donne point de couleur, & lorsqu’il en donne une, elle est dûe au cuivre avec qui il est mêlé.

Les usages de l’argent dans les arts & métiers, sont très-étendus & très-connus de tout le monde, on ne s’arrêtera pas à les décrire ici, vû qu’il en sera parlé aux articles où l’on traite ces différens arts.

Quand on voudra argenter une piece à froid, on n’aura qu’à faire dissoudre de l’argent dans de l’eau-forte ; on précipitera la dissolution par le cuivre ; on mêlera l’argent qui se sera précipité, avec parties égales de sel ammoniac & de sel marin ; on frottera avec ce mélange la piece de cuivre jaune que l’on voudra argenter. D’autres artistes sont dans l’usage de se servir de sel marin & de crême de tartre, au lieu du mélange précédent.

Lune cornée, (Chimie Métall.) les Chimistes nomment ainsi l’argent qui a été dissout dans l’esprit de nitre, & précipité par de l’esprit de sel, par une dissolution de sel marin, ou de sel ammoniac. Pour cette opération, on fait dissoudre de l’argent dans de l’esprit de nitre ; ensuite on fait dissoudre du sel marin ou du sel ammoniac dans de l’eau ; on verse l’une de ces dissolutions, ou bien simplement de l’esprit de sel dans l’esprit de nitre chargé d’argent, il devient trouble & laiteux ; on ajoute de l’eau claire, & on laisse reposer ce mélange. Au bout de quelque tems il tombe au fond du vaisseau une poudre ou un précipité blanc ; on décante la liqueur qui surnage, & on verse de nouveau de l’esprit de nitre, ou de l’esprit de sel sur le précipité, & l’on fait chauffer le tout au bain de sable ; on décante cette nouvelle liqueur ; on verse de l’eau chaude sur le précipité ; on le fait bouillir ; on réitere la même chose plusieurs fois, jusqu’à ce que l’eau soit entierement insipide ; on la décante, & l’on fait sécher la poudre blanche ou le précipité qui a été ainsi édulcoré ; c’est-là ce qu’on nomme lune cornée. C’est de l’argent combiné avec l’acide du sel marin : cette combinaison de l’argent est très-aisée à mettre en fusion ; & quand elle a été fondue, elle forme une masse qui ressemble à de la corne ; c’est ce qui lui a fait donner le nom de lune cornée. Cette matiere conserve une certaine flexibilité ; de-là vient que M. Henckel a cru que ce pouvoit être-là le verre malléable des anciens.

Il n’y a point de moyen plus sûr d’avoir un argent bien pur & dégagé de toute partie cuivreuse, que de le mettre en lune cornée. On peut ensuite en retirer ce métal ou le réduire, en mettant la lune cornée dans un creuset enduit de savon ; on y joint la moitié de son poids de sel de tartre bien sec & pulvérisé, que l’on couvrira d’huile, de suif, ou de quelque matiere grasse, on placera le creuset dans un fourneau de fusion ; on ne donnera d’abord qu’un degré de feu suffisant pour faire rougir le creuset ; on l’augmentera ensuite, & l’on remettra de tems en tems de nouvelle matiere grasse ; lorsqu’il ne partira plus de fumée du creuset, on le vuidera à l’ordinaire dans un cône de fer enduit de suif. Voyez la Chimie pratique de M. Maquer.

Lune, (Mythologie.) Pindare l’appelle ingénieusement l’œil de la nuit, & Horace, la reine du silence, Diana, quæ silentium regis ! C’étoit après le soleil, la plus grande divinité du paganisme : Hésiode la fait fille de Théa, c’est-à-dire, de la divinité. Une partie des peuples orientaux l’honoroient sous le titre d’Uranie, ou de Céleste. C’est elle que les Egyptiens adoroient sous le symbole du bœuf Apis ; les Phéniciens sous le nom d’Astarté ; les Perses sous le nom de Militra ; les Arabes sous le nom d’Alizat ; les Africains sous le nom du dieu Lunus ; les Grecs & les Romains sous le nom de Diane.

L’Ecriture-sainte parle souvent du culte que l’on rendoit à la reine du ciel, car le soleil en étoit le roi ; & Macrobe a prétendu que toutes les divinités des payens pouvoient se rapporter à ces deux astres. Du moins il est sûr qu’ils firent l’un & l’autre les premiers objets de l’idolatrie chez la plûpart des peuples de la terre.

Les hommes frappés de ces deux globes lumineux qui brilloient sur tous les autres avec tant de grandeur & de régularité, se persuaderent aisément qu’ils étoient les maîtres du monde, & les premiers dieux qui le gouvernoient. Ils les crurent animés ; & comme ils les voyoient toûjours les mêmes, & sans aucune altération, ils jugerent qu’ils étoient immuables & éternels.

Dès-lors on commença à se prosterner devant eux, à leur bâtir des temples découverts, & à leur adresser mille hommages, pour se les rendre favorables.

Mais la lune ne paroissant que la nuit, inspira le plus de craintes & de frayeurs aux hommes ; ses influences furent extrèmement redoutées ; de-là vinrent les conjurations des magiciennes de Thessalie, celles des femmes de Crotone, les sortiléges, & tant d’autres superstitions de divers genres, qui n’ont pas encore disparu de dessus notre hémisphere.

César ne donna point d’autres divinités aux peuples du Nord, & aux anciens Germains que le feu, le soleil, & la lune. Le culte de ce dernier astre franchit les bornes de l’océan germanique, & passa de la Saxe dans la grande Bretagne.

Il ne fut pas moins répandu dans les Gaules ; & si nous en croyons l’auteur de la religion des Gaulois, il y avoit un oracle de la lune desservi par des druidesses dans l’île de Saïn, située sur la côte méridionale de la basse-Bretagne.

En un mot, on ne vit qu’un petit nombre de philosophes Grecs & Romains, qui regarderent la lune comme une simple planete, & pour m’exprimer avec Anaximandre, comme un feu renfermé dans la concavité d’un globe dix-neuf fois plus grand que la terre. C’est-là, disent-ils, que les ames moins legeres que celles des hommes parfaits, sont reçûes, & qu’elles habitent les vallées d’Hécate, jusqu’à ce que dégagées de cette vapeur qui les avoit empêchées d’arriver au séjour céleste, elles y parviennent à la fin. (D. J.)