L’Encyclopédie/1re édition/PROBLÈME

PROBLÈME, en terme de Logique, signifie une question douteuse, ou une proposition qui paroît n’être ni absolument vraie, ni absolument fausse ; mais dont le pour & le contre sont également probables, & peuvent être soutenus avec une égale force.

Ainsi c’est un problème que de savoir si la lune & les planetes sont habitées par des êtres qui soient en quelque chose semblables à nous. Voyez Pluralité des mondes. C’est un problème que de savoir si chacune des étoiles fixes est le centre d’un système particulier de planetes & de cometes. Voyez Planete, Etoile, &c.

Problème, signifie aussi une proposition qui exprime quelqu’effet naturel, dont on cherche à découvrir la cause ; tels sont les problèmes d’Aristote.

Un problème logique ou dialectique, disent les philosophes de l’école, est composé de deux parties ; savoir, le sujet, ou la matiere sur laquelle on doute, & l’attribut, ou prédicat, qui est ce qu’on doute si on doit affirmer du sujet ou non. Voyez Sujet & Attribut.

Il y a quatre prédicats topiques ; savoir, genus, definitio, proprium & accidens, ce qui constitue quatre especes de problèmes dialectiques.

Les premiers sont ceux où la chose attribuée au sujet est un genre ; comme quand on demande si le feu est un élément, ou non. Voyez Genre.

Les seconds sont ceux où la chose attribuée renferme une définition ; comme quand on demande si la Rhétorique est l’art de parler, ou non. Voyez Définition.

Les troisiemes sont ceux où l’attribut emporte une propriété ; par exemple, s’il est de la justice de rendre à chacun ce qui lui est dû. Voyez Propriété.

Enfin les derniers sont ceux où l’attribut est adventice & accidentel ; par exemple, si Pierre est vertueux, ou non. Voyez Accident.

On peut encore diviser les problèmes en problèmes de morale, qui se rapportent à ce qu’on doit faire ou éviter ; problèmes de Physique, qui concernent la connoissance de la nature, & problèmes métaphysiques, qui ont rapport aux choses spirituelles.

Problème, en terme de Géométrie, signifie une proposition dans laquelle on demande quelque opération ou construction ; comme de diviser une ligne, de faire un angle, de faire passer un cercle par trois points qui ne soient pas en ligne droite, &c. Voyez Proposition.

Messieurs de Port-royal définissent le problème géométrique, une proposition qu’on donne à démontrer, & dans laquelle on demande aussi qu’on fasse quelque chose, & qu’on prouve ensuite que l’on a fait ce qui étoit demandé.

Un problème, selon Wolf, est composé de trois parties ; la proposition, qui exprime ce qu’on doit faire, voyez  ; la résolution, ou solution, dans laquelle on expose par ordre les différens pas que l’on doit faire pour venir à bout de ce qu’on demande, voyez Solution ; enfin la démonstration, dans laquelle on prouve que par les moyens dont on s’est servi dans la solution, on a réellement trouvé ce que l’on cherchoit.

L’Algebre est la plus merveilleuse méthode que l’esprit de l’homme ait découverte pour la résolution des problèmes ; voyez Algebre & Analyse.

Le problème de Kepler dans l’Astronomie, est un problème qui consiste à trouver le lieu d’une planete dans un tems donné ; on l’appelle problème de Kepler, parce que cet astronome est le premier qui l’ait proposé. Voyez Planete & Lieu.

Voici à quoi se réduit ce problème. Trouver la position d’une ligne droite, qui passant par un des foyers d’une ellipse donnée, forme dans cette ellipse un secteur qui soit en raison donnée avec l’aire entiere de l’ellipse.

Kepler ne connoissant point de moyen pour résoudre ce problème directement & géométriquement, eut recours à une méthode indirecte ; aussi fut-il taxé d’ἀγεωμετρησία, c’est-à-dire, d’ignorance en Géométrie, & son astronomie fut regardée comme n’étant pas géométrique ; mais depuis, ce problème a été résolu directement, géométriquement & de différentes manieres par plusieurs auteurs, entr’autres par MM. Newton, Keill, &c. Voyez Anomalie.

Problème plan, en Géometrie, est un problème qui se réduit à une équation du deuxieme degré ; ainsi tous les problèmes géométriques dont la résolution dépend d’une équation de cette forme , sont des problèmes & plans. On les appelle ainsi par opposition aux problèmes linéaires, c’est-à-dire, à ceux où l’inconnue x, ne monte qu’à une dimension, & aux problèmes solides, c’est-à-dire à ceux où l’inconnue x monte, a plus de deux dimensions.

Problème déterminé, voyez Déterminé.

Problème linéaire, voyez Linéaire.

Problème solide, voyez Solide.

Le problème déliaque ou de Délos, est le problème, si connu en Géométrie sous le nom de duplication du cube.

Ce problème fut ainsi appellé, dit-on, parce que les habitans de Délos qui étoient affligés de la peste, ayant consulté l’oracle pour y trouver un remede, l’oracle répondit que la peste cesseroit quand ils auroient élevé à Apollon un autel double de celui qu’il avoit. Voyez Duplication.

Ce problème est le même que celui où il s’agit de trouver deux moyennes proportionnelles entre deux lignes données ; c’est pour cela que ce dernier problème a été nommé aussi problème déliaque. Voyez Proportionnel. Chambers. (E)

Problème des trois corps, on donne ce nom à un problème fameux, fort agité en ces derniers tems par les géométres, en voici l’énoncé : trois corps étant lancés dans le vuide avec des vîtesses & suivant des directions quelconques, & s’attirant en raison inverse du quarré de leurs distances, trouver les courbes décrites par chacun de ces trois corps. On voit bien que la solution de ce problème sert à trouver l’effet de l’action des planetes les unes sur les autres. Voyez Attraction & Newtonianisme. Si on pouvoit le résoudre rigoureusement, on avanceroit beaucoup par ce moyen l’Astronomie physique ; mais jusqu’à présent, & dans l’état où l’on est aujourd’hui, il ne paroît possible de le résoudre que par approximation, en supposant qu’un des corps attirant soit beaucoup plus gros que les deux autres. J’ai trouvé dans les mémoires de l’académie de 1747, & dans mes Recherches sur le système du monde, une solution de ce problème, que MM. Euler & Clairaut ont aussi résolu. (O)

Problème, (Géom.) plusieurs mathématiciens illustres ont marqué du dégoût pour ces sortes d’énigmes. Il est vrai que sans se servir de la raison de M. Hudde, qui disoit que la Géométrie fille ou mere de la vérité, étoit libre & non pas esclave, on peut dire avec moins d’esprit, & peut-être plus de solidité, que ceux qui proposent ces questions ont du moins l’avantage d’avoir toutes leurs pensées tournées de ce côté-là, & souvent le bonheur d’en avoir trouvé le dénouement par hasard ; mais il est vrai aussi, continue M. de Fontenelle, que cette raison ne va qu’à excuser ceux qui ne voudront pas s’appliquer à ces problèmes, ou tout au plus ceux qui ne les pourront résoudre, mais non pas à diminuer la gloire de ceux qui les résoudront. (D. J.)